Ces peines qui ne méritent pas salaire

Qui travaille vraiment, Denis Colombi, Payot, 2024, 302 p., 22 €.

Qui travaille vraiment, Denis Colombi, Payot, 2024, 302 p., 22 €. - Sciences Humaines n°374

Dans ce nouvel ouvrage, le sociologue et enseignant Denis Colombi renoue avec ce qu’il sait le mieux faire : tisser des liens entre des enquêtes sociologiques contemporaines tout en puisant dans les classiques, de Karl Marx à Max Weber, en passant par Everett Hughes et Howard Becker. S’appuyant sur ces voix multiples, il invite à se demander ce qui se cache vraiment derrière l’image d’Épinal de cette « France qui se lève tôt », souvent brandie pour illustrer la valeur travail. Il défend la thèse que le capitalisme, dans la mesure où il a fait du travail une marchandise qui s’achète et se vend, détachée du travailleur même, tend à invisibiliser le travail en tant qu’activité humaine. Si cette abstraction est consubstantielle au capitalisme, les évolutions induites par le néolibéralisme et la mondialisation ont accentué la tendance, avec la destruction des collectifs de travail, la bureaucratisation accrue des tâches, la robotisation et la digitalisation. Dans bien des situations, il est devenu presque impossible de décrire le travail en train de se faire.

Or, quand les mots manquent, Denis Colombi nous invite à ouvrir la focale. Il faut aller chercher le travail là où l’on ne voudrait pas le voir : le travail domestique, le travail militant, le travail émotionnel, le travail du consommateur… Décrire concrètement les faits et gestes et ce que recouvre l’engagement des uns et des autres dans l’action permet de révéler la face cachée du travail productif. En conclusion, Denis Colombi nous invite non seulement à remettre le travail au cœur de nos préoccupations sociales, mais surtout à le placer au centre du débat démocratique.