Prélude et fugue en sol mineur (BWV 885)
Le Clavier bien tempéré II
Prélude et fugue n°16 BWV 885 Le Clavier bien tempéré, livre II (d) | |||||||||
Sol mineur | |||||||||
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Fugue | |||||||||
Voix | 4 | ||||||||
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Liens externes | |||||||||
(en) Partitions et informations sur IMSLP | |||||||||
(en) La fugue jouée et animée (bach.nau.edu) | |||||||||
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Le prélude et fugue en sol mineur, BWV 885 est le seizième prélude et fugue du second livre du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, compilé de 1739 à 1744.
Le prélude au tempo modéré, grave et sombre, saturées de dissonances, introduit une grande fugue à quatre voix dont le sujet sonne comme une accusation véhémente. Le compositeur fait une nouvelle démonstration de contrepoint, notamment en exploitant le procédé de la strette.
Prélude
[modifier | modifier le code]Le prélude, noté de 21 mesures.
L'indication Largo posée en début de partition, par Bach lui-même, indique bien la lenteur avec laquelle se joue ce prélude grave et sombre. Il se développe à quatre voix saturées de dissonances[1], axé sur des rythmes pointés, le tout évoquant un style organistique[2]. Il semble que les rythmes pointées aient été rajoutés après, tout comme l'indication de mouvement[3].
Fugue
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Caractéristiques 4 voix — , 84 mes. ⋅ 15 entrées du sujet ⋅ réponse tonale ⋅ contre-sujet, 11 entrées ⋅ 3 divertissements Procédés strette, pédale
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La fugue à quatre voix, est notée
et totalise 84 mesures. Après six fugues à trois voix, Bach insère, comme l'est son prélude, une fugue à quatre voix, du plus grand style.
Le sujet, archaïque, ramassé sur une sixte, est « déclamé à pleine voix : on croit entendre une accusation » proférée contre quelqu'un, les sept notes répétées avec force, comme des coups de poing sur la table, sont inhabituelles[4]. On peut y entendre l’altercation entre plusieurs interlocuteurs, comme le démontrent les crochets de l'exemple[5]. La répétition des croches faisant figure d'obsession[1]. La première note isolée, est comparable au sujet de la fugue en la majeur du premier livre[6].
Le contre-sujet est également véhément et combatif d'abord, mais retombe dans le grave, puis se répète. Ces deux éléments thématiques ont besoin d'espace pour révéler leur mesure — parfois cette pièce est qualifiée de double-fugue (Marpurg)[3]. Bach n'exploite pas les imitations canoniques (cependant une strette à quatre voix concerne le contre-sujet aux mesures 75–76) et réduit à l'extrême les divertissements, puisque le sujet est presque constamment présent[2]. En revanche, il redouble le sujet et le contre-sujet de tierces et de sixtes (procédé également croisé dans la fugue en si-bémol mineur), aux mesures 37, puis 51 et 59[5]. Cette utilisation des tierces et sixtes, « détruisent le véritable esprit contrapuntique » selon les règles de la fugue d'école[4]. Mais Bach voulait écrire un passage en tierces pour son riche effet harmonique[7]. Le sujet entrant en tierce (mesures 45–66) dite « entrée jumelées », est rare dans l'œuvre antérieure de Bach[3]. L'apogée de ce procédé, se produit (mesures 62–65) dans l'un des crescendos les plus palpitants de la musique pour clavier de Bach[3].
L'exposition ne prend fin qu'à la 26e mesure, en raison de l'entrée supplémentaire du ténor (mesure 20). Le second groupe d'entrée (mesure 28), convie trois voix : alto, soprano, basse. Le ténor ne réapparaît qu'avec le troisième groupe (mesure 45) où le soprano est à la tierce, redoublant la force expressive du sujet[5]. Une première césure mesure 67, mêle le sujet et le contre-sujet à la dixième. Une seconde (mesure 73–74), fausse conclusion, qui mène la coda, où conclut la tierce majeur sonnant en dernier au ténor[8].
Hermann Keller désigne l'orgue comme le seul instrument à clavier capable de soutenir la tension[9], la puissance expressive qui traverse l'œuvre de bout en bout, sans relâche, même lors de deux césures évoquées plus haut[8]. Cette difficulté est commune avec la fugue en la mineur du premier livre, où règne la même atmosphère emphatique, mettant l'accent sur une « démonstration de contrepoint »[3].
Relations
[modifier | modifier le code]Le contre-sujet est présent dans le prélude, à la basse (mesure 14)[10].
Manuscrits
[modifier | modifier le code]Parmi les sources[11], les manuscrits considérés comme les plus importants sont de la main de Bach lui-même ou d'Anna Magdalena. Ils sont :
- source « A », British Library Londres (Add. MS. 35 021), compilé dans les années 1739–1742[12]. Comprend 21 paires de préludes et fugues : il manque ut mineur, ré majeur et fa mineur (4, 5 et 12), perdues[12] ;
- source « B », Bibliothèque d'État de Berlin (P 430), copie datée de 1744, de Johann Christoph Altnikol[13].
Postérité
[modifier | modifier le code]Emmanuel Alois Förster (1748–1823) a réalisé un arrangement pour quatuor à cordes de la fugue, interprété notamment par le Quatuor Emerson[14].
Théodore Dubois en a réalisé une version pour piano à quatre mains[15], publiée en 1914.
En vue de reconstituer un concerto a quatro, fondé sur le Prélude et fugue en mi mineur « Grand », BWV 548 (inspiré du triple concerto BWV 1044 — lui-même ayant connu un état sous la forme bien moins connue d'un Prélude et fugue en la mineur, BWV 894), un ensemble de musique baroque composé de Michael Form (flûte à bec et reconstruction de la partition), Marie Rouquié (violon), Étienne Floutier (basse de viole) et Dirk Börner (clavecin) a utilisé le prélude en sol mineur pour en faire le mouvement lent central. Le disque, intitulé Spéculation sur Bach, enregistré en , est publié chez Pan Classics (PC 10384). Le prélude en fa mineur est également utilisé pour une autre œuvre.
Reinhard Huuck en a réalisé un arrangement pour quatuor de saxophone, enregistré pour la première fois par l'ensemble Ferio, pour le label Chandos (2018, CHAN 10999)[16], avec le prélude et fugue BWV 857.
L'ensemble D!ssonanti (anciennement appelés l'Accademia dei Dissonanti), interprète l'arrangement de Sébastien Marq pour ensemble (flûte à bec, cordes, hautbois, basson, contrebasse), enregistré en 2023 (Incise INC006).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Hugo Riemann (trad. de l'allemand), Analysis of J.S. Bach's Wohltemperirtes clavier [« Katechismus der fugen-komposition »], vol. 2, Londres, Augener & Co., (1re éd. 1891 (de)), 234 p. (lire en ligne).
- (en) Cecil Gray, Forty-Eight Preludes and Fugues of J.S .Bach, Oxford University Press, , 148 p. (OCLC 603425933, lire en ligne [PDF]), p. 121–124.
- (de) Johann Nepomuk David, Das wohltemperierte Klavier : der Versuch einer Synopsis, Gœttingue, Vandenhoeck & Ruprecht, , 92 p. (OCLC 263601107).
- Hermann Keller, Le clavier bien tempéré de Johann Sebastian Bach : l'œuvre, l'interprétation, Paris, Bordas, coll. « Études », (1re éd. 1965(de)), 233 p. (OCLC 373521522, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]), p. 192–195.
- (en) Yo Tomita, J. S. Bach’s ‘Das Wohltemperierte Clavier II’ : A Study of its Aim, Historical Significance and Compiling Process, Leeds, University of Leeds, (OCLC 246834603, lire en ligne [PDF])
- (en) Yo Tomita, J. S. Bach’s ‘Das Wohltemperierte Clavier II’ : A Critical Commentary, vol. 2 : All the extant manuscripts, Leeds, Household World Publisher, , 1033 p. (ISBN 978-0-9521516-7-8, OCLC 313150901, lire en ligne [PDF]), p. 57–62.
- François-René Tranchefort (dir.), Guide de la musique de piano et de clavecin, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 867 p. (ISBN 978-2-213-01639-9, OCLC 17967083, lire en ligne), p. 39–40.
- Guy Sacre, La musique pour piano : dictionnaire des compositeurs et des œuvres, vol. I (A-I), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 2998 p. (ISBN 2-221-05017-7), p. 220.
- (en) David Ledbetter, Bach’s Well-tempered Clavier : the 48 Preludes and Fugues, New Haven/London, Yale University Press, , 414 p. (ISBN 0-300-09707-7, OCLC 5559558992), p. 299–303.
- (en) David Schulenberg, The keyboard music of J.S. Bach, New York, Routledge, , viii–535 (ISBN 0-415-97399-6, OCLC 63472907, lire en ligne), p. 263–264.
- Yo Tomita, « préface », dans J.-S. Bach, Clavier bien tempéré, Livre II, Henle, (OCLC 786251450)
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Sacre 1998, p. 220.
- Tranchefort 1987, p. 39.
- Schulenberg 2006, p. 263.
- Gray 1938, p. 122.
- Keller 1973, p. 194.
- Ledbetter 2002, p. 301.
- Gray 1938, p. 123.
- Tranchefort 1987, p. 40.
- Keller 1973, p. 195.
- David 1962, p. 66.
- Sources du BWV 887 sur bach-digital.de.
- Tomita 2007, p. X.
- « Jean-Sébastien Bach, « Le clavier bien tempéré », vol. II — copie d'Altnikol », sur International Music Score Library Project
- (OCLC 920354122)
- [lire en ligne]
- (OCLC 1107137416)
Article connexe
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Prélude et fugue en sol mineur [PDF] sur freesheetpianomusic.com
- (en) La fugue en sol mineur sur bach.nau.edu
- Ressource relative à la musique :