Antoine Calvet L'alchimie Au Moyen Âge

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ANTOINE CALVET, L’ALCHIMIE AU MOYEN ÂGE : XIIE-XVE SIÈCLES

Geneviève Dumas

Centre d'études supérieures de civilisation médiévale/Université de Poitiers |


« Cahiers de civilisation médiévale »

2021/2 n° 254 | pages 147 à 151


ISSN 0007-9731
ISBN 9782490783090
DOI 10.4000/ccm.7358
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-civilisation-medievale-2021-2-page-147.htm
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Cahiers de civilisation médiévale
Xe-XIIe siècle 
254 | 2021
Varia
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Antoine CALVET, L’alchimie au Moyen Âge : XIIe-
XVe siècles

Geneviève Dumas

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/ccm/7358
DOI : 10.4000/ccm.7358
ISSN : 2119-1026

Éditeur
Centre d'études supérieures de civilisation médiévale/Université de Poitiers

Édition imprimée
Date de publication : 1 juin 2021
Pagination : 147-151
ISBN : 978-2-490783-09-0
ISSN : 0007-9731
 

Référence électronique
Geneviève Dumas, « Antoine CALVET, L’alchimie au Moyen Âge : XIIe-XVe siècles », Cahiers de civilisation
médiévale [En ligne], 254 | 2021, mis en ligne le 01 juin 2021, consulté le 08 novembre 2021. URL :
http://journals.openedition.org/ccm/7358  ; DOI : https://doi.org/10.4000/ccm.7358

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Antoine CALVET, L’alchimie au Moyen Âge : XIIe-XVe siècles, Paris, Vrin (Études de philosophie médiévale,
107), 2018.
Depuis quelques décennies seulement, l’alchimie et l’assimilation à partir de son berceau gréco-romain
médiévale bénéficie d’un nouveau regard. De multiples au monde arabe jusque dans l’univers intellectuel
entreprises d’édition de textes, des analyses plus fines, médiéval.
des recherches plus concertées ont permis de dresser L’introduction fait déjà la part des choses et pointe
à nouveau frais la topographie de cette discipline justement les limites évidentes de ces textes :
médiévale et moderne qui, jusqu’à très récemment, des traductions inégales, imparfaites, où « la cohérence
était traitée comme anecdotique, voire farfelue. Cette des idées n’est pas toujours respectée », des recettes
nouvelle historiographie révèle que, malgré ses idéaux anonymes, des fragments épars. L’a. y explique bien
chimériques, ses discours cryptés, ses horizons initia- les principes de base de la transmutation alchimique
tiques, l’alchimie n’était pas qu’une quête effrénée lesquels sont parfois difficiles à saisir. Les théories
et illusoire de l’or. Elle se développe comme une du mercure-soufre comme celle des quatre éléments
discipline théorique principalement, mais parfois posaient que les métaux se raffinaient sous la terre sur
aussi pratique, s’intéressant à la transformation des de très longues périodes. Les alchimistes estimaient
métaux. Si l’ensemble des travaux d’ecdotique et pouvoir accélérer ce processus et changer ainsi des
d’analyse les plus récents avait permis de parler de métaux vils en métaux nobles, notamment en modi-
l’alchimie médiévale en des termes plus nuancés, fiant leur couleur. C’est l’histoire de ces alchimistes
les acquisitions nouvelles de ce champ de recherche que l’a. entend retracer dans cet ouvrage.
très dynamique restaient l’apanage de spécialistes ou
Le premier chapitre s’attaque à la difficile question
d’amateurs d’érudition. Manquait donc un ouvrage de
de la réception de l’alchimie arabe dans l’Europe
synthèse qui mettrait à jour les connaissances accumu-
médiévale. Les premiers témoins sont examinés un
lées depuis les trente dernières années et qui donnerait
à un dans un schéma qui allie analyse de l’œuvre et
un portrait général de ce système de pensée ayant
remise en contexte de sa production. L’a. réussit avec
imprégné les savants du Moyen Âge et des Temps
brio à nous présenter des auteurs, voire à mettre de la
modernes. Qui de mieux placé pour exécuter cette
chair sur des personnages dont les noms sont connus
tâche qu’Antoine Calvet qui a participé activement
mais peu leur histoire.
à ce renouveau historiographique avec des travaux
d’édition comme d’analyse, notamment autour du Le chapitre suivant introduit les principaux corpus
corpus alchimique du pseudo Arnaud de Villeneuve, alchimiques arabo-latins. Dans l’Occident latin, prin-
un des plus célèbres entre tous. Dans ce livre, l’a. cipalement trois auteurs arabes sont associés à l’entre-
nous fait prendre les nombreux chemins que le savoir prise alchimique : Geber, Rhazès et Avicenne. Sous
alchimique a suivis se transmettant par la traduction ces trois noms circulent des traités presqu’entièrement

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148 CAHIERS DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, 254, 2021 COMPTES RENDUS
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pseudépigraphiques très divers dans leur forme à la question de l’alchimie), Constantin de Pise et
comme dans leur contenu, dont les notions hétéroclites Roger Bacon, le docteur Mirabilis ayant laissé une
se transposeront tous azimuts dans l’alchimie latine. contribution importante. Dans tous les cas, A. Calvet
Parmi les œuvres connues de l’alchimie arabe on se prête à l’exercice salutaire de bien relier l’homme
trouve aussi des œuvres canoniques, classées par l’a. et son contexte à l’œuvre permettant de comprendre
dans la catégorie des textes mytho-poétiques. C’est non seulement l’évolution des doctrines mais les
que ces textes montrent une autre forme prégnante de réseaux qui les ont portées. On passe ensuite à la
l’alchimie reflétant davantage ses racines gréco-égyp- pièce de résistance que constitue l’œuvre du pseudo-
tiennes présumées, et enrobée dans un discours plus Geber, identifié par William R. Newman au francis-
ésotérique et imagé aussi, philosophique et religieux. cain Paul de Tarente (The Summa Perfectionis of
On y propose une alchimie mystique. Ce sont des Pseudo-Geber, Leiden, Brill [Collection de travaux
spéculations philosophiques sur arrière-fond de de l’Académie internationale d’histoire des sciences,
cosmologie grecque et fortement teintée de la gnôsis 35], 1991). A. Calvet rapporte savoureusement les
néoplatonicienne. Sans être retenues entièrement par étapes de l’enquête minutieuse menée par celui-ci
l’alchimie latine fortement aristotélicienne, elles pour comprendre la valeur, la particularité et l’a. du
auront proposé « un schéma d’interprétation » (on cite corpus geberiarum. Un travail monumental d’édition
ici Tullio Gregory malheureusement sans citer la et d’analyse qui a permis de montrer que la Somme du
référence exacte) ainsi que des termes, des concepts, pseudo-Geber, pièce maîtresse de l’œuvre « jetait les
des légendes, des métaphores pérennes. Ce dernier bases d’une conception de la matière, dont le résultat
chapitre montre l’étendue du travail d’A. Calvet sur le plus évident était d’extraire l’alchimie de la gangue
la tradition manuscrite de ce premier corpus arabo- folklorique dans laquelle l’épistémologie officielle
latin, rectifiant ici, montrant là les conclusions les plus avait pris l’habitude de l’enfermer » (p. 112). L’apport
importantes et les plus récentes de l’historiographie. de Paul de Tarente à l’alchimie médiévale et moderne
Le troisième chapitre traite de l’alchimie latine et il est considérable. En effet, on doit au pseudo-Geber
est de loin le plus long (130 p. sur un total de 247 une théorie dite « du mercure seul » qui suppose
hors index et bibliographie) ce qui montre à la fois que le mercure peut être régénéré et transformé par
l’intérêt et le haut niveau d’expertise de l’a. qui a déjà son propre soufre, son bon soufre. Cette vision du
abondamment publié sur le sujet. Pour autant, les magistère est rendue possible par une autre théorie
informations précieuses que contient ce chapitre sont, pseudo-gébérienne qui se manifeste dans l’emploi du
pour beaucoup, tout à fait nouvelles sinon présentées à terme « mixtio per minima » pour rendre intelligible le
nouveau frais. Il est vrai que les études sont nombreuses fait que les métaux sont faits d’une substance uniforme
mais elles n’avaient pas, depuis un certain temps, fait composée de « particules » des quatre éléments
l’objet d’une synthèse. On y retrace chronologique- (W. R. Newman, The Summa perfectionis, p. 322).
ment et, auteur par auteur, les débuts de l’alchimie L’a. montre bien tous les débats qui ont été causés
dans l’Europe occidentale, son appropriation par les par la publication de cette thèse d’un corpuscularisme
clercs au XIVe s., et la maturité qu’atteint la discipline médiéval mais qui, finalement, n’ont rien changé au
dans les grands corpus pseudépigraphiques qui en fait que les théories du pseudo-Geber sur la transmu-
ont donné le plus manifeste de ses legs médiévaux. tation allaient être reprises à différents degrés par la
Ces débuts coulés dans le creuset de l’aristotélisme plupart de ses successeurs. Le pseudo-Geber clôt ce
émergent ont permis des accointances avec les XIIIe s., « sans que le Noble Art soit descendu de sa

studia generalia comme les studia mendiants. Si les chaire pour être mêlé à la piétaille des arts interdits »
premiers universitaires n’ont pas compté l’alchimie (p. 123). Pour A. Calvet, l’alchimie entre au XIVe s.
parmi les sciences élevées ou nobles, la quaestio de dans une période d’extension mais aussi de crise.
alchemica a dû être posée et débattue tandis que les Pour lui, « ces métamorphoses de l’alchimie ont un
ordres mendiants allaient devenir de fervents parti- lien direct ou indirect avec l’école franciscaine »
sans de l’art (l’a. y reviendra plus loin). On analyse et on arrive ici à un sous-chapitre fondamental qui
ici de façon exhaustive les premiers témoins : résume une des grandes réalisations de l’historiogra-
Michel Scot, Albert et le pseudo-Albert le Grand, phie récente (à laquelle bon nombre de chercheurs
Thomas d’Aquin (peu étudié pour sa contribution auront participé), soit les connivences entre les ordres

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ANTOINE CALVET 149
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mendiants, surtout franciscain, et les destinées de médico-alchimiques, des ouvrages d’alchimie métal-
l’alchimie. Le paradoxe d’un ordre à la fois voué à lurgique d’inspiration pseudo-gébérienne (de fait le
la pauvreté et tout aussi fasciné par la production de pseudo-Arnaud a beaucoup servi à la promotion des
l’or avait de quoi surprendre et avait déjà fait sourire théories de Paul de Tarente) et des œuvres d’alchimie
Lynn Thorndyke dans son œuvre fondatrice (A History prophétique, assez en phase avec la vision eschato-
of Magic and Experimental Sciences, vol. III et IV, logique du médecin catalan. Trois sources principales
Colombia, Colombia University Press, 1934). L’a. traversent cette œuvre : le pseudo-Geber, le pseudo-
avance un certain nombre d’arguments tirés de la Avicenne et Roger Bacon. Le texte ayant eu la plus
règle qui expliqueraient peut-être pourquoi certains grande répercussion est sans doute, le Rosarius philo-
franciscains ont pu penser le faire en toute légitimité ; sophorum, « copié plus de quarante fois, glosé, pillé,
pourtant, l’on sait que plusieurs seront honnis et même plagié » (p. 140) et traduits dans toutes les langues
bannis de l’ordre. Peut-on affirmer qu’il y a bien vernaculaires jusqu’au XIXe s.
une alchimie franciscaine du seul fait qu’un grand Parmi les histoires circulant sur Arnaud aux XIV et
nombre de traités d’alchimie portent le nom ou la XVe s. se trouve la légende disant que le philosophe
marque des frères mineurs ? A. Calvet pense que oui. catalan Raymond Lulle aurait été un de ses disciples,
Chaque œuvre légitimant la prochaine, on aurait fait converti à la pierre philosophale. L’a. nous entraîne
l’apologie d’une alchimie moralisée, ancrée dans les encore ici dans les méandres de la vie du Doctor
principes franciscains du travail sans rémunération et illuminati et dans les étapes de l’élaboration d’un des
dans la nécessité de soigner son prochain, élaborant plus grands corpus alchimiques du XIVe s., entièrement
ainsi une alchimie plus médicale que métallurgique, apocryphe et dont la structure pyramidale a été bien
plus religieuse que profane. étudiée par Michela Pereira (The Alchemical Corpus
Ainsi recadrée, l’alchimie entame une période Attributed to Raymond Lulle, Londres, The Warburg
d’expansion florissante exemplifiée d’abord par Institute [Warburg Institute Surveys and Texts, 18],
les deux plus grands corpus d’alchimie médiévale, 1989). Ici, c’est le Testamentum qui apparaît comme
celui attribué au pseudo-Arnaud de Villeneuve et le témoin le plus significatif du corpus. Une œuvre
celui attribué au pseudo-Raymond Lulle, tous deux qui a refondé l’alchimie dans le moule de la philo-
tributaires de cette nouvelle donne. On doit à l’a. sophie naturelle et dont l’objectif est de produire une
de ce livre le travail le plus poussé, minutieux et médecine universelle pouvant servir à la perfection
exhaustif sur les œuvres alchimiques attribuées à du corps, des métaux et des pierres précieuses (ars
Arnaud de Villeneuve dont l’autorité a fait l’objet de lapidafica) ; un agent de perfection qui vise la puri-
nombreux débats. Cette figure complexe du tournant fication de tous les corps. Ceci est conforme à une
du XIVe s., maître-régent de l’Université des médecins vision galéniste du corps ce qui fait dire à M. Pereira
de Montpellier, proches des papes et des empereurs, que son auteur était sans doute un disciple du véritable
grand réformiste et ayant frayé avec les Spirituels, Arnaud de Villeneuve, thèse à laquelle A. Calvet
aura été accusé de son vivant comme après sa mort adhère. Ce survol de l’alchimie latine ne pouvait se
de toutes les déviances (alchimiste, nécromancien, conclure sur ces deux exemples, pourtant emblé-
magicien). Si les traités d’alchimie qui lui sont attri- matiques. D’autres témoins sont examinés par l’a.
bués sont, finalement, apocryphes, ils gardent la avec la même dialectique entre les évidences histo-
marque des milieux intellectuels et spirituels du Midi riques, les témoins textuels et les éléments biogra-
de la France et de la Catalogne, comme l’a bien montré phiques. De John Dastin, on sait peu de choses mais
l’a. dans de nombreux articles. Ce corpus d’une ving- des personnages comme Jean de Roquetaillade ou
taine d’œuvres ayant bénéficié d’une remarquable Petrus Bonus ont laissé des traces indélébiles sur la
postérité au Moyen Âge comme à la période moderne doctrine alchimique. Le premier a laissé la notion de
aurait été constitué de façon assez anarchique par des « quintessence » qui eut une incroyable popularité.
disciples d’Arnaud qui, rebondissant sur des écrits A. Calvet montre comment les accointances désor-
épars sur l’aqua ardens et sur les vins médicinaux, en mais plus tangibles avec la médecine savante avaient
sont venus à transformer l’image d’un médecin assez favorisé son traitement de l’eau-de-vie à partir de
strictement galéniste en maître de l’art. Les œuvres la distillation du vin. Il présente aussi l’histoire
peuvent se diviser en trois catégories : des traités particulière de ce franciscain, emprisonné en 1344

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150 CAHIERS DE CIVILISATION MÉDIÉVALE, 254, 2021 COMPTES RENDUS
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pour avoir révélé ses visions. C’est en prison qu’il (La Sedacina ou l’œuvre au crible : l’alchimie de
aurait expérimenté l’alchimie dans des conditions Guillaume Sedacer, carme catalan de la fin du XIVe s.,
difficiles à imaginer. Il reste que deux de ses œuvres Paris/Milan, S.É.H.A./Archè [Textes et travaux de
ont considérablement circulé : le De quinta essencia Chrysopoeia, 8], 2002, 2 vol.). Ces trois protagonistes
et le Liber Lucis. Leur parcours a été mis au jour ont des visions alchimiques différentes mais elles ont
principalement par Robert Halleux (dans plusieurs toutes voulu s’exprimer dans l’expérience.
ouvrages) et l’influence de la distillation se fait sentir Le dernier chapitre montre comment l’alchimie
jusqu’au XVIe s. chez Ambroise Paré et Paracelse. dans ses reconfigurations vernaculaires a provoqué
Petrus Bonus, pour sa part, avoue avoir peu pratiqué une remarquable expansion de l’art culminant à la
l’alchimie, son intérêt pour l’art étant purement Renaissance dans un intérêt non démenti, tangible dans
philosophique et scientifique. Ce médecin natif de la popularité du thème chez les premiers imprimeurs.
Ferrare et qui a laissé une œuvre intitulée Pretiosa L’iconographie d’abord se développe et, au contraire
margarita, a été bien étudié par Chiara Crisciani des images rudimentaires des XIIIe et XIVe s., présente
(« The Conception of Alchemy as Expressed in une autre vision de l’alchimie, plus mystique, plus
the Pretiosa Margarita Novella of Petrus Bonus of symbolique. L’hypothèse émise par Barbara Obrist
Ferrara », Ambix, 20, 1973, p. 165-181). Le mérite de qui stipule que cette riche imagerie est un corol-
cette œuvre et la volonté explicite de son auteur ont laire de l’échec des alchimistes au laboratoire est
été d’extraire l’alchimie du moule des arts mécaniques nuancée un peu par A. Calvet. Il souligne que dans
pour l’élever au statut de science par excellence, parce tous les manuscrits qu’il a consultés, l’image est en
que philosophique mais surtout divine. A. Calvet adéquation avec le texte montrant la volonté des
soulève avec raison la nécessité de produire une auteurs de faire entendre ce qui doit l’être et de faire
édition actuelle de ce texte qui a longtemps eu la répu- admettre la noblesse de l’art (p. 216). Les conver-
tation de n’être qu’un ramassis de citations « pédantes sions de l’alchimie vers une littérature romanesque
et ennuyeuses » (p. 178), un jugement sévère de moins en prose mais surtout en vers, notamment en
en moins porté. L’influence de ce texte fut consi- Angleterre, sont explorées avec les exemples notables
dérable à partir de la Renaissance dans les cercles de George Ripley et Thomas Norton. L’a. signale
savants et était un des plus grands promoteurs des l’orientation de plus en plus religieuse de l’alchimie à
thèmes mytho-poétiques de l’ère arabo-latine. Bien la fin du XVe s. concrétisée par la « Messe alchimique »
sûr, l’alchimie n’eut pas que des promoteurs ; dès ses de Melchior de Sibiu.
débuts, elle faisait l’objet de débats et de controverses
A. Calvet tire une conclusion en demi-teinte de cet
mais, au milieu du XIVe s., ses détracteurs se font
ouvrage pourtant exhaustif. L’a. adhère à la sentence
entendre de plus en plus fort. De l’intérieur même des
de C. Crisciani selon laquelle l’alchimie subit à ce
ordres mendiants d’abord, une « phobie de l’alchimie
moment une période de normalisation et de diffusion.
et de la magie se réveille » (p. 187). L’enquête de
Le XVe s. est témoin d’une grande vulgarisation de
l’a. sur ce rejet de l’alchimie révèle trois constats :
l’alchimie qui pénètre dans les véhicules cultu-
la licéité de l’alchimie au Moyen Âge reste acquise,
rels majeurs (poésie, roman, littérature religieuse,
les mises en garde concernent principalement le
théâtre). On aurait pu y porter plus d’attention. Mais
faux monnayage et les condamnations répétées qui
comme le déplore l’a., l’alchimie du XVe s. s’est aussi
touchent les frères alchimistes surtout chez les francis-
diffusée dans des textes de pratique, de recettes et
cains où ils sont nombreux. Le troisième chapitre
de techniques « dont nous peinons à saisir dans le
du livre se conclut sur trois alchimistes qui ont suivi
détail la réalité du phénomène ». Ce vaste corpus
une autre voie que celle de la science spéculative
de textes d’alchimie pratique, qui propose aussi sa
pour faire de l’alchimie une pratique et qui « pour-
propre iconographie usant du dessin technique, reste
suivent la tradition des moines-orfèvres du XIIIe s. »
encore à explorer.
(p. 195). Walter Odington, Philippe Éléphant et
Guillaume Sedacer sont effectivement des exemples A. Calvet a commis ici un bel ouvrage, dont la
de l’alchimie pragmatique qui s’exprime au cœur du force réside dans un dialogue fertile entre récits
laboratoire. Les deux premiers ont été peu étudiés biographiques, filiation des idées et analyse des théo-
alors que le carme Guillaume Sedacer a fait l’objet ries et des pratiques. Écrit dans une langue expressive
d’études circonstanciées de Pascale Barthélémy où le sens de la formule est indéniable, il sera lu avec

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plaisir par les néophytes éclairés, utilisé et amplement

Geneviève DUMAS
Université de Sherbrooke
cité par les chercheurs.
JOHANNA DALE

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