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Jonathan More, ancien professeur d'art, travaille dans un magasin de disque dont Matt Black pousse la porte en 1985. L'ancien concepteur informatique sympathise rapidement avec le premier et lui propose de collaborer sur le titre « Say Kids, What Time Is It ? ». Celui-ci sort en 1987 et constitue le premier disque anglais utilisant des samples. Autre pierre à l'histoire de la musique, le remix la même année de « Paid in full » des américains Eric B et Rakim. Ces derniers ont détesté cette version qui a peut-être été plus diffusé en Europe que l'original. Le titre orienté rap, qui atteint la 15ème place des ventes en Angleterre, vire au trip-hop et prend des colorations arabisantes avec l'ajout de la voix de la chanteuse israélienne Ofra Haza. Une culture du collage dont l'inspiration vient directement des célèbres Lessons de Double Dee et Steinski. Un nouveau concept est lancé et de nombreux producteurs britanniques comme Bomb the Bass ou S'Express se lancent dans cette voie.
Les mix autant que les productions de Coldcut disposent d'une touche unique. Les Anglais allient sons imprévus et influences très larges. Les nappes de claviers cotoient des rythmiques rap puissantes et des samples de James Brown ou de Led Zeppelin. La musique électronique n'est plus limitée aux machines et aux sons synthétiques, elle peut emprunter à toutes ses voisines pour devenir véritablement « transgenre ». En 1988, ils atteignent ainsi le sommet des ventes anglaises avec les morceaux « Doctorin' the house » et « People hold on ». Leurs deux premiers albums, Affection et What's that noise, sortent à cette époque.
Dès leur rencontre, Matt Black apporte également son aide à Jonathan More pour l'émission de radio qu'il anime sur Kiss FM. De cette collaboration va naître Solid Steel, le véritable canal de diffusion de leur conception de la musique. Le concept migrera dans un second temps, en 2000, vers les ondes de la BBC, Kiss FM étant devenu trop commerciale à leur goût. Le nom de l'émission sera aussi celui de soirées dont sont issues plusieurs compilations reproduisant le mix des artistes invités. Amon Tobin, The Herbaliser ou Hexstatic se plieront notamment à cet exercice.
En 1990, bien avant cette explosion, suite à des dissensions avec leur maison de disque et à l'issue d'un voyage au Japon, les deux Coldcut créent le fameux label Ninja Tune qui va devenir le symbole de la musique électronique inventive et de qualité bien au-delà des frontières anglaises. Amon Tobin, Kid Koala, The Cinematic Orchestra, DJ Vadim, Mr Scruff, Daedelus sont signés chez eux pour n'en citer que quelques uns. La division rap, Big Dada créée en 1997, est toute aussi inventive et accueille pour sa part Roots Manuva, Ty ou les Français de TTC.
En ce des années 1990, ils ne peuvent plus jouer sous le nom de Coldcut, toujours pour des problèmes de contrats avec leur ancienne maison de disque. Ils inventent donc DJ Food, un « nom écran » qui représente plus un groupe qu'un artiste. Une petite équipe se monte avec le temps derrière cette façade comprenant notamment Patrick Carpenter (The Cinematic Orchestra), Paul Brook ou Paul Rabiger. Faute de temps, c'est principalement Strictly Kev qui incarne désormais ce DJ Food qui a plusieurs disques à son actif.
Chacun de ces exemples démontre que touche le duo se transforme en or. Elus producteurs de l'année en 1990 avec leur premier album What's that noise, leur apport vaut au Stealth club night d'être élu meilleur club en 1996 par The Face, le NME et Mixmag, enfin leur mix baptisé Journey by DJ est élu meilleur album mixé de tous les temps par Jockey Slut en 1998. Cet album est un mélange de 35 titres différents imbriqués les uns les autres sans limite de genres démontrant qu'un DJ est capable de créer de nouvelles musiques par d'intelligents mariages de titres.
Semblant avoir tout accompli, leur nouveau challenge est de travailler sur l'image, et pour cela, ils s'appuieront sur leur quatrième album, Let us play, le premier sorti sous le nom Coldcut sur leur label en 1997. Le contenu de ce disque, de part ses invités et les thèmes abordés, prend une véritable tournure politique avec des prises de position anti-libérale et pro-écologique. La tournée consécutive à l'album, qui passe notamment par plusieurs grands festivals européens, est en fait un show image et son pour lequel le duo développe son propre logiciel de VJing, Vjamm. Deux ans plus tard, sort Let us replay, une compilation de remix notamment des mains de Carl Craig ou de Cornelius et d'extraits de concerts. Le tout est accompagné d'un CD-Rom contenant des vidéos et une version de Vjamm.
Leurs prises de position politique voient le jour avec Re:volution publié en 2001 à l'occasion des élections anglaises et un projet de même type aux Etats-Unis pour la présidentielle de 2004. Les internautes sont invités à télécharger des images de l'histoire politique américaine pour composer un clip sur un morceau de Coldcut. Le résultat est diffusé sur MTV. D'autres projets documentaires ou artistiques moins exposés médiatiquement sont également menés sur Internet, dont les deux Anglais ont vite saisi l'utilité.
Leurs activités musicales continuent dans l'ombre, ils travaillent notamment à plusieurs remix d'artistes aussi variés qu'Herbie Hancock ou que ceux du label de reggae jamaïcain Trojan. L'album Sound mirrors qui voit le jour en 2006 est considéré comme une sorte de retour qui surprend une fois de plus. Loin des instrumentaux de Let us replay sorti huit ans plus tôt, le nouveau disque les présente entourés de nombreux artistes tels Mike Ladd, Jon Spencer, Roots Manuva, Saul Williams ou le chanteur Robert Miles. Leurs influences se croisent sans se heurter, il fallait pourtant oser alterner trip-hop, house, hip-hop et drum'n'bass.
Au gré de leurs multiples activités de DJ, d'animateur radio, de directeur de label, voire d'activiste, munis de leur audace musicale et de leurs nombreuses influences, les membres de Coldcut ne se déplacent jamais sans matériel leur permettant de réaliser rapidement un travail d'artisan du son. Gardant une tendance d'avance, leur devise, « ahead on our time », reste plus que jamais d'actualité.