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Né le 9 mars 1942 au Pays de Galles, John Cale apprend le piano très jeune, et s'oriente vers l'avant-garde dès le début des années 60, influencé par des compositeurs comme John Cage, avec lequel Cale entretiendra une correspondance. En 1963, il déménage à New York, où il rejoint le Dream Syndicate de La Monte Young. Sa route ne tarde pas à croiser celle de Lou Reed, qui travaille alors comme « songwriter » maison pour le label Pickwick. Avec Sterling Morrisson, Reed et Cale forment The Primitives, vrai-faux groupe chargé de promouvoir l'un des « tubes » écrits par Lou Reed, « The Ostrich ».
Au-delà de cette expérience anecdotique, John Cale se rend rapidement compte du potentiel de Lou Reed, et reste estomaqué le jour où ce dernier lui montre le texte de « Venus in furs », une chanson décrivant un univers sadomasochiste, que Reed n'a évidemment pas proposé à Pickwick.
Cette chanson, ainsi que quelques autres compositions de Lou Reed (« Waiting for the man », « Heroin »...), sera le point de départ du Velvet Underground, formation bâtie autour de quelques principes inédits pour l'époque : marier le rock à l'avant-garde ; mettre de la poésie en musique ; traiter en chanson, de manière généralement bienveillante, des thèmes comme la drogue ou la perversion... Le Velvet, composé de Lou Reed, John Cale, Sterling Morrisson, et de la batteuse Moe Tucker, est bientôt repéré par le pape du pop-art, Andy Warhol, qui impose le mannequin Nico comme chanteuse, « produit » le premier album du groupe (The Velvet Underground & Nico) et en dessine la célèbre pochette à la banane.
Cette phase ascendante ne va pas durer très longtemps : sans doute trop novateur pour l'époque, le disque est largement ignoré par le grand public, et lorsqu'à la fin de l'année 1967, le Velvet entame l'enregistrement du second album, White light / White heat, Nico a quitté le groupe, et Andy Warhol s'est déjà éloigné. L'ambiance continue à se détériorer, et les tensions entre Reed et Cale conduisent ce dernier à quitter le groupe en septembre 1968.
Cale se lance alors dans la production (pour le moins expérimentale) de The marble index, de Nico, avec qui il est resté en contact, et dans celle, beaucoup plus brute, du premier album des Stooges. Il enchaîne ensuite avec l'enregistrement de son premier album solo, Vintage violence, délibérément pop. Ces premières oeuvres sont ainsi révélatrices de la dichotomie qui marquera les premières années de la carrière solo de John Cale : celui-ci va en effet alterner les disques avant-gardistes et les collections de chansons pop / rock, comme s'il souhaitait décomposer les forces motrices qui étaient à l'origine du Velvet. Ainsi, Church of anthrax (1971), enregistré avec le compositeur minimaliste Terry Riley, succède à Vintage violence ; et le pompeux The academy in peril (1972) sera suivi de l'élégiaque Paris 1919, aux chansons ensoleillées.
En 1973, un nouveau contrat en poche (avec Island), Cale débarque à Londres, et s'apprête à négocier l'un des plus fameux tournants de sa carrière. Désireux de revenir à un rock plus brutal, il débauche une partie des musiciens de Roxy Music et enregistre Fear, qui, malgré quelques morceaux de bravoure (le solo d'anthologie de « Gun »), se situe malgré tout encore dans une veine plutôt pop. Il en va tout autrement des deux albums suivants, Slow dazzle et Helen of Troy, qui voient John Cale s'enfoncer dans la spirale vertigineuse du rock, détruisant au passage le « Heartbreak hotel » d'Elvis Presley, et développant une écriture de plus en plus sombre. C'est à cette époque (1975 / 1976) qu'il produit le premier album de Patti Smith, alors que sort le premier Modern Lovers, enregistré en 1972 et lui aussi produit par Cale ; deux disques cruciaux dans la genèse de ce qui allait devenir le punk.
Cale tourne alors beaucoup, d'abord en compagnie du guitariste Chris Spedding, puis d'un ensemble de musiciens aux talents plus douteux. Il interprète constamment de nouveaux morceaux sur scène, mais ne prend en revanche plus le temps de s'arrêter en studio pour les graver ; les seules traces discographiques laissées par John Cale dans la seconde moitié des années 70 sont le EP Animal justice et le live Sabotage, tous deux datés de 1979.
Cette période d'absence relative correspond pour Cale à une lente descente aux enfers ; rythmée par les excès en tous genres, sa vie s'enfonce progressivement dans le chaos et la paranoïa. Sur scène, les prestations de Cale tournent de plus en plus souvent au « happening » (l'histoire a retenu le fameux « incident du poulet », qui vit le chanteur décapiter un poulet vivant sur scène, entendant susciter dans le public une réflexion sur la violence - on était alors en pleine période punk. Ce fut réussi : vague d'évanouissements au premier rang), et ses meilleurs morceaux s'achèvent régulièrement dans une série de hurlements terrifiants.
En 1981, John Cale sort enfin un nouvel album, Honi soit, banalement rock, et qui ne laisse rien présager de la teneur de Music for a new society (1982), un disque presque insoutenable, où le chanteur semble parvenu à l'extrême limite de sa folie.
Contre toute attente, après avoir ainsi touché le fond, il commence alors à remonter vers la surface, sortant des disques étonnamment pop et lisses (Carribean sunset, Artificial intelligence, le live Comes alive) et poursuivant ses activités de producteur auprès des artistes les plus divers (de Squeeze aux Happy Mondays, de Sham 69 à... Lio !) pendant que sa vie privée se reconstruit petit à petit.
1989 marque la fin des années sombres : l'album Words for the dying, où, sur des poèmes de Dylan Thomas, il renoue de façon magistrale avec ses premières amours classiques, est saluée de façon unanime par la critique. Après une collaboration (ratée) avec Brian Eno (Wrong way up), Cale retrouve ensuite Lou Reed, le temps d'un album-hommage à Warhol (Songs for Drella). Une reformation surprise du Velvet s'ensuivra, le 15 juin 1990 à la fondation Cartier (Paris), le temps d'une version bouleversante de « Heroin ».
Comme pour boucler la boucle, et se retourner une dernière fois sur son passé, John Cale sort en 1992 le live Fragments of a Rainy Season, où il réinterpète quelques-unes de ses plus belles chansons dans des versions acoustiques ; puis, il retrouve à nouveau le Velvet, pour une nouvelle reformation, visiblement moins spontanée que la première, et qui ne donnera lieu qu'à une tournée européenne et à un album live décevant.
A partir de ce point, et pour les dix années suivantes, Cale ouvre un nouveau chapitre de sa carrière, qui va le voir se lancer dans un nombre impressionnant de projets : bandes originales de films, souvent français (Paris s'éveille, La naissance de l'amour, N'oublies pas que tu vas mourir, Saint-Cyr, Le vent de la nuit...), musiques de ballet (Nico), « scores » pour des films de son ancien mentor Andy Warhol (Eat / Kiss), collaborations diverses (Last day on earth, avec Bob Neuwirth), et même un retour éphémère au format « chanson » (Walking on locusts). Hélas, tous ces projets n'ont en commun que la pauvreté de leur écriture musicale, et l'absence visible de passion que Cale a mis à les réaliser.
Ce n'est qu'en 2003 que John Cale revient de façon durable au rock, avec un album (Hobosapiens) qui reste malheureusement très faible, car gâché par des arrangements « électronisants » souvent hors de propos. La flamme de Cale semble malgré tout revenue, et donne lieu, en 2005, à Black Acetate, qui, sans être un chef-d'oeuvre, reste malgré tout ce que Cale a fait de mieux depuis Fragments of a Rainy Season. Hormis Circus Live en 2007, John Cale ne livre ensuite rien avant Shifty Adventures in Nookie Wood en 2012 où il collabore avec Danger Mouse sur l'un des titres.