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Ironiquement, c’est à Irun, au cœur du pays basque espagnol que naît Mariano Eusebio González y Garcia, le 13 août 1914. Celui-là même qui incarnera la quintessence du séducteur andalou et dont l’image sera irrémédiablement associée à Séville et Cadix voit donc le jour en plein cœur de l’Euskadi, au nord de l’Espagne. Issu de la classe populaire (son père est mécanicien), il quitte très jeune l’Espagne du fait des troubles annonciateurs de la future guerre civile et trouve, avec sa famille, refuge à Bordeaux. Sensible à l’expression lyrique et aux arts plastiques, il s’inscrit aux Beaux Arts et intègre parallèlement le Conservatoire pour travailler ses techniques de chant. C’est auprès d’un ténor prometteur à la carrière fauchée en plein vol, Clemente « Il Maestro » Gueardi qu’il apprend à poser sa voix et surtout, la technique vocale particulière de l’opérette. À force de répétitions sur l’air du traderidera et de prestations sur les radios locales et les scènes du Bordelais et autres lieux circonvoisins, Mariano Eusebio González y Garcia, devenu simplement Luis Mariano à la scène, abandonne les arts graphiques pour faire de l’opérette son métier.
Cadix à ParisSa voix de velours commence à devenir familière aux oreilles du public et, bien avant la mode latino, le charme espagnol de l’Andalou basquo-bordelais agit, particulièrement sur ces dames, d’autant qu’en ces temps d’Occupation (sa première prestation publique à Chaillot a lieu en décembre 1943), Mariano incarne un exotisme de bon aloi et une fraîcheur toute idéalisée, bien loin de la réalité de l’Espagne franquiste. C’est en 1945, après s’être associé à Raymond Vincy et Francis Lopez pour les besoins de l’opérette La Belle de Cadix dans laquelle il tient pour la première fois le premier rôle, qu’il triomphe au Casino Montparnasse. Car, cette Belle de Cadix, aux célèbres « yeux de velours », tient deux ans durant le sommet de l’affiche au théâtre du Casino Montparnasse. Le spectacle est représenté deux années durant et les enregistrements de l’opérette s’écoulent également fort bien. Luis Mariano devient une vedette comparable à Tino Rossi. Sollicité par le cinéma, le ténor tient quelques rôles chantants dans plusieurs films musicaux (L’Escalier sans fin, Histoire de chanter, Fandango...) aux scénarios parfois minces et souvent de simples prétextes aux prestations vocales de l’artiste.
International ToreroL’année 1951 le voit triompher avec ce qui deviendra son opérette la plus connue, Le Chanteur de Mexico où son costume de toréador orné de roses fait merveille. Ce tube fait de lui non plus seulement une vedette française, mais internationale car ses roucoulades s’exportent à merveille. L'année suivante, Luis Mariano s'impose à l'écran dans Violettes Impériales. Outre les Etats-Unis et l’Amérique du sud qui lui font un triomphe, les pays du bloc de l’Est lui ouvrent leur porte, chose rare pour un artiste occidental en ces temps de Guerre froide. En 1955, Sacha Guitry, lui-même, le consacre au cinéma en lui donnant le rôle du ténor Garat dans sa fresque historique Napoléon, véritable foire aux apparitions de vedettes.
Le rossignol des années 50Les années 50 sont très prolifiques pour Luis Mariano et son compositeur et ami Francis Lopez, qui sortent morceau sur morceau. De «Olé Torero » à « Rossignol » en passant par « Maman, la plus belle du monde », le duo se montre des plus prolifiques. Mariano, qui multipliera les duos avec les stars de son temps (Bourvil, et Annie Cordy dans Visa pour l'Amour) n’hésite pas non plus à s’auto-parodier ainsi qu’à s’amuser de son personnage de chanteur suave à la voix d’or dans quelques amusants pastiches. Ainsi, en 1957 et 1959, il n'hésite pas à accompagner le cirque Pinder sur les routes de France et de Navarre. Cependant, au détour des années 1960, l’air du temps rattrape quelque peu Luis Mariano. La mode est à alors à cette étrange musique venue d’outre-Atlantique qui demande aux jeunes de se déhancher en arborant des blousons noirs et d’étranges bananes gominées. Icône un peu rétro, Luis Mariano ne rencontre plus autant le succès qu’auparavant et s’aperçoit qu’il vieillit en même temps que son public. Cela ne l’empêche cependant pas de monter de nouvelles opérettes telles que La Canción del Amor Mío, Le Secret de Marco Polo ou Le Prince de Madrid, que le public plébiscite en 1965. Son répertoire s'étend aux chansons traditionnelles espagnoles et napolitaines à la fin des années soixante.
La postéritéMais l’artiste, cependant, se produit de moins en moins, d’autant qu’il se découvre gravement malade à la fin de la décennie 1960. Il décède le 14 juillet 1970, à Paris, des suites de cette maladie. Surnommé Le Prince ou « La Voix en Or » au zénith de sa carrière, Mariano Eusebio González y Garcia a contribué à la popularisation de l’opérette en France et dans le monde. Une mode qui ne lui a pas survécu, mais qui, de temps à autre, se paye le luxe d’un petit revival, comme en 2006, lorsque le théâtre du Châtelet accueille une version modernisée du Chanteur de Mexico, ou quand le ténor Roberto Alagna lui rend hommage. Inhumé à Arcangues, au Pays basque français, sa tombe est encore régulièrement fleurie par des fans énamourés.