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Dans la mouvance de cette scène de Canterbury animée par des étudiants en art, avides de conquérir Londres et le monde, on peut considérer que le groupe Soft Machine est porté sur les fonds baptismaux en 1966, par le claviériste Mike Ratledge, le guitariste australien de vingt et un ans Daevid Allen (leader instantané, puisqu’il a consommé du Lsd, travaillé avec le compositeur répétitif américain Terry Riley, et a les cheveux longs), Kevin Ayers à la guitare, à la basse, et au chant, et le chanteur et batteur Robert Wyatt.
En fait, ce nouveau combo s’édifie sur les cendres du Daevid Allen Trio (dans lequel jouaient déjà Ratledge et Wyatt), et d’Ayers In The Wilde Flowers (mais Wyatt, décidément intenable, est également passé par là).Le nom du groupe est inspiré du premier volet homonyme de la trilogie de l’écrivain américain William Seward Burroughs, chantre du cut-up, et de l’abstraction en littérature.
Un 45 tours sans suiteAu mois de janvier 1967, le groupe enregistre un single (« Loves Make Sweet Music »), événement considérable, car ce sera l’un des seuls 45 tours de son existence. La session est produite par le pape de l’underground américain Kim Fowley (plus tard producteur de The Runaways de Joan Jett), et Jimi Hendrix y tient la partie de guitare rythmique.Un trimestre plus tard, Soft Machine retourne en studio pour des démos qui ne sont publiées qu’en 1971. Le quatuor, qui partage souvent la scène de ses concerts avec Pink Floyd, est désormais un groupe culte.
Moins un, et un
Après avoir participé durant l’été 1967 à une série de spectacles de théâtre d’avant-garde sur la riviera française, et aux Nuits Psychédéliques d’Eddie Barclay, Allen refuse de quitter Saint-Tropez (c’est en fait essentiellement son visa pour la Grande-Bretagne qui lui est refusé). Il fonde deux ans plus tard Gong, et Soft Machine continue en trio.Au mois d’avril 1968, c’est à l’occasion d’une tournée américaine en première partie de la Jimi Hendrix Experience, que Soft Machine enregistre son premier album éponyme : quatre jours de studio, la priorité laissée aux premières prises, et une production distraite de Tom Wilson (compagnon de route d’Hendrix) et Chas Chandler (bassiste des Animals), n’empêchent pas ce premier essai d’être fondateur d’un lien entre la scène psychédélique exsangue, et un rock progressif en devenir.Le groupe se nourrit alors de manière évidente d’influences surréalistes et dadaïstes, et de la Pataphysique d’Alfred Jarry.
Moins un, et deux
Alors qu’Ayers s’éloigne des deux autres avant de s’élancer pour une carrière en solo (et qu’un certain Andy Summers, futur Police, fraye brièvement avec Ratledge et Wyatt), le bassiste Hugh Hopper est intégré au sein du groupe (alors que, désespéré, il se trouvait à deux doigts de vendre son instrument, pour se consacrer à sa fonction initiale de responsable de tournées).L’album Volume Two, par la collaboration du saxophone ténor Brian Hopper (frère de Hugh), concrétise la lente évolution de Soft Machine vers le jazz.
C’est ainsi qu’à l’automne 1969, une section de cuivres (incluant Elton Dean à l’alto) complète brièvement le trio. Á la même période, ces musiciens, non crédités, accompagne l’ex Pink Floyd Syd Barrett dans son premier effort solo (The Madcap Laughs).
Moins un, et troisAu début de l’année 1970, Soft Machine enregistre Third, quatre longues plages d’un double album qui, encore une fois, fait date dans l’histoire du rock progressif. Mais le schéma du disque (deux faces dévolues à Ratledge, une à Hopper, et le bouleversant « Moon In June » de Wyatt, comme un adieu au groupe) traduit le triste constat selon lequel Soft Machine n’est plus synonyme d’unité, mais bien de cohabitation d’individualités. Third n’en reste pas moins le plus important succès commercial du groupe.Durant l’été, Wyatt enregistre son premier album en solo (The End Of An Ear), lui réservant des parties vocales désormais refusées par le reste du groupe.
Quatre
A l’automne de la même année, c’est un quatuor (Dean désormais intégré comme membre permanent) qui enregistre 4, premier album purement instrumental, et qui éloigne définitivement Soft Machine de l’inspiration pop, et psychédélique, de ses débuts.En 1971, après la sortie du premier album solo d’Elton Dean, Wyatt quitte le groupe, pour former Matching Mole (à l’homophonie évidente avec la traduction française de Soft Machine - Machine Molle -, mais qui signifie en fait La Taupe Correspondante, ce qui ne nous avance pas), connaître un drame qui le laisse hémiplégique et paralysé, et s’engager dans une éblouissante carrière en solo de chanteur, percussionniste, et claviériste.
Cinq et sixDeux remplaçants à Wyatt se succèdent durant l’enregistrement de 5 : le batteur Phil Howard se voit remercié au profit de l’ex Nucleus John Marshall.Au mois de mai 1972, Dean part se consacrer à des projets de jazz acoustique. Le multi-instrumentiste (et lui aussi ex Nucleus) Karl Jenkins intègre alors Soft Machine, et on peut l’entendre en 1973 dans Six.
Toujours en 1973, c’est au mois de mai que Hopper (qui vient d’éditer son premier album en solo, 1984) décide de laisser Ratledge seul membre fondateur du groupe : il est remplacé par le spécialiste de la basse à six cordes Roy Babbington, et la formation est complétée en décembre par le guitariste Alan Holdsworth.
Pas sept, mais paquets (de départs)L’album Bundles (Paquets), qui sort au printemps 1975, montre une nette évolution vers la musique fusion.Mais Holdsworth s’en va à son tour, remplacé par le guitariste John Etheridge.Au mois de mars 1976, Ratledge laisse les clés du camion, et est remplacé par le saxophoniste Alan Wakeman (frère de Rick, historique claviériste de Yes), qui participe à l’enregistrement de Softs…puis tourne le coin.Sont alors intégré dans un Soft Machine qui ne retrouve pas ses petits le violoniste Ric Sanders, puis le bassiste (oui, Babbington s’en est allé) Steve Cook.
L’album en public Alive And Well, Recorded In Paris (1978) tente de capitaliser sur une cote d’amour intacte en France. Soft Machine donne son ultime concert au mois de décembre 1978, à Brême (Allemagne).
ZéroOn retrouve néanmoins le groupe en 1981 pour l’album Land of Cockayne (dans lequel on peut entendre le bassiste Jack Bruce) : ce sera l’ultime trace discographique d’un ensemble épuisé par les changements multiples de personnel, et progressivement vidé de sa substance.
Soft Machine et son héritage ne survivent alors que grâce à de multiples éditions de concerts, et autres compilations, et des réincarnations successives (Soft Ware, Soft Works, Soft Machine Legacy) réunissant d’anciens membres.Elton Dean est décédé en 2006.