Enfant de la DDASS, né le 23 décembre 1958 sous de mauvais auspices, Jean-Luc Lahaye n’était guère prédisposé à devenir une vedette. Au contraire. Fugueur, voyou, occasionnellement voleur, l’adolescent paraît surtout destiné à « une vie de sac et de corde », selon l’expression consacrée. Ayant réussi à décrocher une formation d’ajusteur, Jean-Luc Lahaye multiplie les petits boulots dès qu’il est en âge de travailler : chauffeur, livreur, serveur et sera même garde du corps de la danseuse et meneuse de revue Zizi Jeanmaire pendant quelques temps. Tâtant d’ores et déjà du piano et poussant la chansonnette de temps à autre, le jeune homme est engagé à la fin des années 70 comme barman par Gérard Pédron, tenancier d’un cabaret très couru par le showbiz d’alors. Derrière son comptoir, le jeune barman se lie d’amitié avec l’une des habituées du lieu, Dalida, qui lui servira de sésame pour pénétrer les maisons de disques et leur proposer ses propres compositions. Fort du parrainage de la diva, Jean-Luc Lahaye réussit à convaincre les décideurs de miser quelques deniers sur un premier titre en 1979, « Maîtresse, maîtresse ». Le succès rencontré par le titre propulse Lahaye dans le monde du divertissement et le jeune homme engage son ancien patron, Gérard Pédron, comme producteur de ses futurs disques.
Les années 1980 seront celles du succès pour l’artiste qui, nanti d’un perfecto et d’un mulet (coupe nuque longue) typique de l’époque, sillonne les routes de France à la rencontre du public. « C’est quand l’entracte » ou « Allez viens » se diffusent correctement, mais c’est en 1982 qu’il obtient réellement la reconnaissance populaire avec le morceau « Femme que j’aime » et l’album Appelle-moi Brando. Son look de baroudeur en cuir, son visage fermé, son sulfureux passé d’ancien petit délinquant et ses ballades amoureuses constituent alors un cocktail synonyme de réussite pour celui que le public perçoit comme un « dur au cœur tendre ». Ayant lui-même connu dans sa jeunesse les affres des foyers et des familles d’accueil, Jean-Luc Lahaye s’investit énormément aux côtés des associations d’aide à l’enfance et dédie, en 1985, son hit « Papa chanteur », à sa propre fille, Margaux, née un an plus tôt.
Caracolant en tête du Top 50, Jean-Luc, de vedette, devient une véritable star se produisant sur toutes les scènes les plus prestigieuses du pays. Mettant sa notoriété au service de sa marotte, il créé, en 1986, la Fondation Cent Familles, destinée à favoriser l’accueil des orphelins et ne se prive pas pour donner de sa personne aux côtés des bénévoles de cette entreprise charitable. L’inauguration, en présence de François Mitterrand, est l’occasion d’une émission spéciale de quatre heures où de nombreuses personnalités viennent apporter leur concours pour lever des fonds. Personnalité appréciée des Français pour son engagement et ses prestations, l’artiste est sollicité en 1987 par Francis Bouygues en personne, patron de la chaîne TF1 privatisée depuis peu, pour animer Lahaye d’honneur, une émission caritative en première partie de soirée, dont il interprète lui-même le générique, « Débarquez-moi ». En dépit de la bonne volonté et de la sincérité de l’artiste, ainsi que des thèmes traités (l’adoption et la vivisection seront deux sujets récurrents), l’émission a tendance à laisser place au sensationnel. Et si Jean-Luc Lahaye est un artiste doué, ses capacités d’animateur de talk-show sont cruellement limitées et certaines de ses bourdes à l’écran sont encore aujourd’hui des hits sur les sites de partages de vidéos. Lahaye d’honneur s’arrête au bout d’un an et le contrat entre le chanteur et la chaîne n’est pas renouvelé.
Commence alors une période un peu pénible pour Jean-Luc Lahaye qui, s’il conserve un cercle de fans dévoués et fidèles, voit son public s’amenuiser de plus en plus. En dépit d’une quasi-disparition médiatique (dont il avouera plus tard avoir souffert), il ne cesse pourtant de travailler et de produire des albums originaux. Déjà auteur d’un livre en 1985 consacré à sa Fondation (Cent Familles), il voit paraître le second tome en 1988. Plus tard, c’est un roman, Parfum d’Enfer, qui sort en 1994 en même temps que l’album du même titre. Il faut attendre 1998 pour que la compilation Femme Que J’Aime rappelle l’existence de Jean-Luc Lahaye à la mémoire du public, même si ce dernier ne s’était jamais éloigné des domaines musical et associatif. Clubber impénitent, il est à l’origine, en 2001, de la création du Studio 287, l’une des boîtes « house » les plus courues de la périphérie parisienne à la réputation sulfureuse (la clientèle étant supposée – pas complètement à tort – appartenir à ou entretenir quelques liens avec le « milieu ») et également, on l’oublie trop souvent, l’importateur du karaoké en France depuis le milieu des années 90.
2004 voit Jean-Luc Lahaye renouer avec le succès et se rappeler aux bons souvenirs d’un public qui l’avait un peu oublié. L’album Gloria, assorti à sa victoire dans l’émission de télé réalité Le Retour gagnant (faisant plébisciter par le public une vedette « has been ») et une grande tournée en France et en Suisse marque son grand retour sur le devant de la scène. Un come-back entaché, en 2005, par une condamnation à deux ans de prison avec sursis pour une affaire de moeurs datant de 2002. De fait, il se fait plus discret et répond peu aux sollicitations de la presse. En 2008, l’album Chansons Que J’aime, composé de tubes des années 1960 et 70 remixés et ré-interprétés connaît un certain succès d’estime, mais rappelle l’actualité judiciaire récente du chanteur. Il serait tout de même dommage de réduire près de trente ans de carrière et un authentique travail caritatif (près de cinq cent orphelins logés dans les maisons de sa fondation) à de sordides histoires.