Les variations afro-urbaines d’Agatchu

Agatchu, 2024. © Jeremy Baudet

Auteur d’un premier album, Believe, le chanteur et musicien d’origine angolaise, Agatchu, est un faux débutant : depuis plusieurs années, il s’est illustré dans l’ombre en tant que compositeur pour de nombreux artistes des musiques afro-urbaines en France et sur son continent natal.

Auteur d’un premier album, Believe, le chanteur et musicien d’origine angolaise, Agatchu, est un faux débutant : depuis plusieurs années, il s’est illustré dans l’ombre en tant que compositeur pour de nombreux artistes des musiques afro-urbaines en France et sur son continent natal.

Il avait les bases, à savoir les titres, les thèmes et la direction à suivre, mais il lui manquait « les bons maçons, les peintres, les échafaudiers » pour que le travail puisse se concrétiser et prendre la forme d’un premier album à la hauteur de ses exigences. Mais Agatchu n’oublie ni l’élude un autre paramètre majeur : il lui fallait aussi être prêt à défendre un projet « avec de bons arguments et la bonne méthodologie ».

Le chanteur né à la toute fin du siècle dernier concède avoir mis du temps pour trouver sa valeur ajoutée, dans la transmission des émotions : « C’est la manière d’interpréter qui va rendre cet artiste-ci différent de celui-là », assure-t-il, considérant ne rien inventer, « dans le sens où les instruments, les mélodies, les accords sont toujours les mêmes ».

En trente minutes (onze titres dont deux remix et une intro), les sonorités afro-urbaines qu’il a réunies se succèdent sans se répéter, avec toute la palette de nuances que ce genre désormais en vogue a su intégrer, au point parfois de faire oublier qu’elles ne sont pas nées dans les studios de Lagos mais empruntées à d’autres pays d’Afrique : la puissance de l’aspirateur nigérian se fait en gommant les spécificités locales, comme le constate et le regrette Agatchu qui tient à « rendre aux anciens » ce qui leur appartient quand il est question de rumba, de kizomba…

Des quinze premières années de sa vie qu’il a passées en Angola avant de venir en Europe, le chanteur-musicien dit qu’elles ont « façonné sa façon de penser ». À Luanda, la capitale, la maison familiale vibrait au rythme du reggae que son père écoutait assidument : Bob Marley, et bien sûr le Sud-Africain Lucky Dube, dont le jeune homme revendique certaines influences jusqu’à présent, bien que son univers musical en semble très éloigné. « Dans nos compos, chaque fois qu’on met la basse, je demande que ça sonne comme Lucky Dube », souligne-t-il.

Piqué par le virus de la musique sur sa terre natale, Cristovao (son prénom à l’état civil) a commencé à s’y consacrer après son arrivée dans l’ouest de la France, loin de sa famille. En autodidacte, l’ado fan de Sexion d’assaut et de r’n’b américain apprend avec les tutoriels qu’il trouve sur Internet, mais surtout, il bénéficie dans son lycée d’un studio d’enregistrement dont il devient le responsable. « J’y ai passé beaucoup de temps, même en dehors de mes études. À chaque pause de dix ou quinze minutes, on savait où me trouver » se souvient-il.

Pratiquer « à fond » tous les jours pendant trois ans lui permet d’acquérir un bagage suffisant pour se lancer. Les réseaux sociaux vont faire le reste, quand un groupe de rap angolais remarque un titre qu’il avait posté sur son compte Facebook, et lui demande de l’utiliser. Avec à la clé, un succès en Angola. « C’est comme ça que j’ai eu le déclic », repense celui qui, dans la foulée, signe un premier morceau sous le nom de Chris Hamiwest.

Son nouveau mot d’ordre ? « Placer » ses œuvres auprès de tiers, en parallèle du BTS qu’il suit, pour se doter d’un « security bag » afin d’être en mesure de financer ses activités musicales qu’il veut continuer à exercer avec le même naturel, plutôt que risquer d’être « formaté » par une quelconque école académique.

En quelques années, il apparait sur de nombreux titres, y compris en Angola lorsque son compatriote Cef Tanzy, figure locale, fait appel à lui. En France, sa collaboration avec Ya Levis en 2019 lui fait franchir un palier supplémentaire (Tayc, Dadju, Joe Dwet Filé…), et toucher du doigt une autre réalité qu’aspirent à vivre nombre d’artistes : « l’impact incroyable, du jour au lendemain, d’un titre créé dans une petite cabine, en dormant par terre ». Une autre façon d’analyser le succès.

Agatchu Believe (Play Two) 2024

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