Sexion d'Assaut, hit machine

Le groupe Sexion d'Assaut a entamé une tournée événement dans toute la France depuis le mois de mars 2022. © Guillaume Leybros et Fabien Cimetière

Après dix ans d’absence et des carrières solos à succès, Sexion d’Assaut célèbre son retour lors d’une tournée événement. Le groupe de hip hop se produisait samedi 14 mai à Paris La Défense Arena. Retour sur une soirée à l’atmosphère bouillonnante.

Dix ans sans nouvel album et un concert come-back pourtant triomphal. NTM en 2008 ? Non : Sexion d’Assaut en 2022. Et ce n’est pas la seule connexion entre les deux groupes, la Sexion ayant jadis assuré la première partie de NTM pour le concert du Parc des Princes en juin 2010. Comme les légendes de la Seine-Saint-Denis, les Parisiens dirigés par Maitre Gims ont un avantage imparable : ils ont les tubes. Tandis que la foule investit l’immense espace de La Défense Arena, les 7 artistes préparent leur entrée.

21 heures, c’est l’arrivée des gladiateurs, chacun des sept rappeurs arrivant en même temps sous un immense portail de lumières. Ils tapent fort dès le premier titre, Disque d’or, avec poses figées au milieu du morceau, à la Michael Jackson, pour savourer les cris d’un public chauffé à blanc dont la ferveur ne sera pas démentie en 2h15 de show.

Gims salue Paris, puis présente les membres de la Sexion un par un, de Black M à Doomams en passant par Lefa, JR Ocrom, Maska et Barak Adama, avec un petit commentaire pour chacun ("Faites du bruit pour Black M !", "Tu as pris du poids !", "La street en personne !"). Gros succès de Lefa à l’applaudimètre. Petite mise en scène dialoguée pour Gims qui enfile une casquette... À l’envers bien sûr.

Séquences en solo

La scénographie n’est guère sophistiquée, juste quelques lasers, un lancer de cotillons après le premier morceau et un light show conséquent, mais ni DJ ni musicien, à l’exception d’un guitariste acoustique sur J’ai pas les loves de Maska. On note une grosse technique dans les couplets de chacun des sept rappeurs, hélas minimisée par un son sans nuances, tonitruant et brouillon. Paris va bien se pare d’éclairages bleu-blanc-rouge et Gims tape un vocal opératique, tandis que Black M propose au public de le contrer avec les "La la la la" du refrain qui s’affichent sur l’écran géant.

21h45, c’est le moment de Barak Adama, "producteur de Tayc" comme l’annonce Lefa. Barak chante un extrait de Moi je prouve, son duo avec le chanteur afrolov… Mais sans Tayc, curieusement absent. Chaque membre de la Sexion aura droit à sa séquence solo et même J’ai les loves, titre peu connu de Maska, est accueilli avec bienveillance.

Arrive l’instant Lefa, le plus réussi avec celui de Gims : il invite Vald sur la scène pour Bitch, ("single de diamant !", précise l’artiste), qui lui remet sa certification, une grosse plaque pour le platine de son dernier album. "La qualité paie toujours !", lance Vald avant de retourner en coulisses.

Dry, membre de la Mafia K’1 Fry et complice de la première heure, est le second rappeur à venir faire son featuring. Sur les 25 morceaux joués, presque tous ont un hook, un gimmick que le public peut chantonner. La force de la Sexion est dans cette capacité à aligner des mélodies facilement mémorisables. Le crew est de retour pour Mon gars sûr, puis c’est au tour de Black M d’enchainer ses singles, La légende Black suivi de Sur ma route, logiquement enchainé avec Ma direction drivé par Gims le patron, accompagné d’un Maska qui a tombé la chemise pour exhiber son torse nu et tatoué, avec des pectoraux straight from la salle de sport.

Avalanche de hits

"J’ai cru voir des sapeurs dans la salle" s’amuse Gims. C’est le signal pour Sapés comme jamais qui affole encore un peu plus le public, voyant s’abattre sur lui une avalanche de hits. Le père de Gims, hilare, danse dans la tribune Or, prenant avec un grand sourire la lumière des snaps capturés par ses voisins de gradin.

Au moment de jouer Wati House, le "Debout !" de Black M pèse plus lourd que celui de Valérie Pécresse lors de son triste meeting au Zénith, et la house de la Sexion est plus fédératrice que les références à Molière et Sganarelle de la candidate malheureuse à la Présidentielle. Wati by Night achève la foule et à 23 heures, Lefa prend le micro pour expliquer le concept du rappel ("On fait semblant de partir sans avoir joué nos plus gros morceaux, vous criez ‘Une autre, une autre !’ et on revient"), ce qui n’est pas anodin, car pour l’avoir vu à d’autres concerts de rap français, notamment Laylow à l’Accor Arena, le jeune public qui consomme du son n’a pas forcément l’habitude de cette convention bien ancrée dans le rock et la variété.

Nouvelle explosion de joie aux premières notes de Désolé, et Gims pose son micro pour laisser les fans chanter. Il ne reste plus qu’à une nouvelle fois exhorter le public à sortir la torche de son portable pour une ultime séquence émotion, Avant qu’elle parte, tube maternel et lacrymal qui conclut les 135 minutes d’un spectacle plébiscité par les spectateurs.

La tournée s’intitulait "Le retour des rois", comme cet hypothétique nouvel album qui aurait pu/dû sortir durant le concert, mais qui semble encore une fois repoussé aux calendes grecques, comme jadis le légendaire D-Tox annulé de Dr. Dre. Les quelque 40.000 spectateurs de cette "soirée de samedi soir qui ne déçoit pas, sans billet de cent ni giclée de sang", pour paraphraser Wati by Night, n’en ont cure. Les rois ont distrait leurs sujets et ce soir, c’est tout ce qui compte.