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Sur l’antiquité du zodiaque indien

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XVI.

SUR L’ANTIQUITÉ

DU ZODIAQUE INDIEN,

Par le Président.

Je prends l’engagement de soutenir une opinion que l’ingénieux et savant Montucla semble traiter avec le dernier mépris. Je prouverai que la division indienne du zodiaque ne fut point empruntée des Grecs ou des Arabes ; mais que, connue dans l’Inde depuis un temps immémorial, et étant en partie la même que celle qui est en usage parmi les autres nations de race hindoue, elle eut probablement pour inventeurs les premiers ancêtres de cette race, avant leur dispersion. « Les Indiens, dit Montucla[1], ont deux divisions du zodiaque : l’une semblable à celle des Arabes, et relative à la lune ; elle est en vingt-sept parties égales, dont ils se servent pour connoître à-peu-près les heures de la nuit : l’autre est relative au soleil, et est, comme la nôtre, en douze signes, auxquels ils donnent des noms qui répondent à ceux que nous tenons des Grecs. » Tout cela est vrai ; mais il ajoute : « Il est fort probable qu’ils les ont reçues autrefois par l’entremise des Arabes ; car je ne pense pas que qui que ce soit se persuade que c’est l’ancienne division du zodiaque, faite, suivant quelques auteurs, par les premiers pères du genre humain, qui s’est ainsi conservée parmi eux. » Or j’entreprends de prouver que le zodiaque indien ne fut emprunté ni médiatement ni directement des Arabes ou des Grecs ; et puisque sa division solaire est en substance la même dans l’Inde que celle dont les Grecs faisoient usage, nous sommes fondés à conclure que les Grecs et les Hindous l’ont reçue d’une nation plus ancienne, qui, la première, imposa des noms aux astres, et qui fut la souche commune des Grecs et des Hindous, ainsi que le démontre la parité de leur langue et de leur religion.

Le même auteur dit ensuite[2] que le temps où l’astronomie indienne atteignit son plus haut degré de perfection (d’où il la croit entièrement déchue), « est probablement celui où les Arabes établis dans la Perse, la Transoxane, &c. avoient un grand commerce avec les Indiens ; ou bien celui où les successeurs de Djenguyz Khân les réunirent les uns et les autres sous la même domination. « Il n’entre pas dans mon sujet de rectifier les erreurs historiques que renferme ce passage, ni de justifier les astronomes de l’Inde de l’imputation d’une ignorance grossière, quant à la figure de la terre et aux distances des corps célestes ; imputation que leur fait très-hardiment Montucla, sur la foi, je pense, du P. Souciet[3]. J’observerai seulement que, dans nos conversations avec les Pandits, nous ne devons jamais confondre le système des Djyautichicas, ou astronomes mathématiciens, avec celui des Pourânicas, ou fabulistes poétiques : c’est uniquement à cette confusion qu’il faut imputer les erreurs nombreuses des Européens, au sujet des sciences indiennes. Un vénérable mathématicien de cette province, nommé Râmatchandra, maintenant dans sa quatre-vingtième année, me fit dernièrement une visite à Crichnanagar ; et une partie des discours qu’il me tint étoient si applicables aux recherches dont je m’occupois alors, que je m’empressai de les écrire dès qu’il m’eut quitté. « Les partisans des Pourânas, me dit-il, vous soutiendront que notre terre est une figure plane, garnie de huit montagnes, et entourée de sept mers de lait, de nectar et d’autres fluides ; que la partie que nous habitons est du nombre de sept îles, auxquelles sont subordonnées onze îles plus petites ; que chacune des huit régions est gardée par un dieu, monté sur un grand éléphant, et qu’à leur centre s’élève et resplendit une montagne d’or : mais nous croyons que la terre a la forme d’un fruit de cadamba, ou d’un sphéroïde. Nous n’admettons que quatre océans d’eau salée ; nous leur donnons les noms des points cardinaux, et nous y plaçons plusieurs grandes péninsules, avec des îles innombrables. Ils vous diront qu’une tête de dragon avale la lune, et occasionne ainsi les éclipses ; mais nous savons que la prétendue tête et la prétendue queue du dragon ne signifient que les nœuds ou points formés par les intersections de l’écliptique et de l’orbite de la lune. En un mot, ils ont imaginé un système qui n’existe que dans leur imagination ; mais nous ne regardons comme vrai que ce dont on ne peut révoquer en doute l’évidence. Je ne compris pas parfaitement le vieux gymnosophiste, quand il me dit que le râsitchacra, ou cercle de signes (car il appeloit ainsi le zodiaque), étoit comme une fleur de dhoustoûra, voulant dire le datoura (mot où la prononciation sanskrite est adoucie), dont la fleur est conique, ou en forme d’entonnoir. Je crus d’abord qu’il faisoit allusion à une projection de l’hémisphère sur le plan du colure, et à l’angle formé par l’écliptique et l’équateur ; mais un astronome plus jeune, nommé Vinâyaca, qui vint me voir ensuite, m’assura qu’ils entendoient seulement la bouche circulaire de l’entonnoir, ou la base du cône, et qu’il étoit d’usage, parmi leurs anciens écrivains, d’emprunter des fruits et des fleurs les dénominations de plusieurs figures planes et solides.

Ces deux Brahmanes m’apprirent les détails curieux qu’on va lire ; et vous pouvez compter sur l’exactitude avec laquelle je vous les répète, puisque je les écrivis en présence du jeune, et que je corrigeai mes notes jusqu’à ce qu’il eut déclaré qu’elles étoient fidèles, ils partagent, comme nous, un grand cercle en 360 degrés, qu’ils nomment ansas, ou portions ; et ils assignent trente de ces portions à chacun des douze signes, dans l’ordre suivant :

1. Méchâ, le belier. 3. Mithouna, le couple. 5. Sinha, le lion.
2. Vricha, le taureau. 4. Carcata, l’écrevisse. 6. Canyâ, la vierge.
7. Toulâ, la balance. 9. Dhanous, l’arc. 11. Coumbha, le verseau.
8. Vrichtchica, le scorpion. 10. Macara, le monstre marin. 12. Mîna, le poisson.

Les figures des douze constellations, ainsi nommées par rapport au soleil, sont décrites en vers sanskrits par Srîpeti, auteur du Retnamâlâ. Je les cite en original, comme mes garans, avec une traduction littérale.

Méchâdeyò nâma samànaroûpiì,
Vînâgadâdhyam mithounam nriyougmam,
Pradipasasyê dadhaatî carâbhyâm
Nâvi sthitâ vârini canyacaiva.
Toulâ toulâbhrit pretimânapânir
Dhanour dhanouchmân hayaouat parângah,
Mrigânanah syân macarô’tha coumbhah
Scandhê nerò rictaghâtam dadhânah,
Anyanyapoutchtch’hâbhimoukhô hi mînah
Matsyadaouayam saouasthalatchârinômi.

« Le belier, le taureau, l’écrevisse, le lion et le scorpion, ont respectivement la figure de ces cinq animaux. Le couple est formé d’une fille qui joue du vînâ, et d’un jeune homme qui brandit une massue. La vierge est sur l’eau, dans une nacelle, tenant d’une main une lampe, et de l’autre un épi de riz. La balance est tenue par un peseur qui a un poids à la main ; l’arc, par un archer, dont les parties postérieures sont semblables à celles d’un cheval. Le monstre marin a la figure d’une gazelle. Le verseau est une cruche portée sur les épaules d’un homme qui la vide. Les poissons sont au nombre de deux, ayant la tête tournée du côté de la queue ; et tous ces êtres sont supposés se trouver en des lieux analogues à leur nature respective. »

Ils assignent à chacune des vingt-sept stations lunaires, qu’ils appellent nakchatras, trente ansas et un tiers, ou 13 degrés 20 minutes ; et leurs noms paraissent dans l’ordre des signes, mais sans égard pour leur configuration.

1. Asouinî. 18. Maghâ. 27. Moûla.
2. Bharanî. 18. Poûrva p’halgounî. 27. Poûrvachadhâ.
3. Criticâ. 18. Outtara p’halgounî. 27. Outtarâchâdhâ.
4. Rôhinî. 18. Hasta. 27. Sravanâ.
5. Mrigasiras. 18. Tchitrâ. 27. Dhanichtâ.
6. Ardrâ. 18. Souâtî. 27. Satabhichâ.
7. Pounarvasou. 18. Vhâkhâ. 27. Poûrva bhadrapadâ.
8. Pouchya. 18. Anourâdhâ. 27. Outtarabhadrapadâ.
9. Aslèchâ. 18. Djyechthâ. 27. Révatî.

Entre la 21.e et la 22.e constellation, la planche nous offre trois étoiles, nommées abhidjit ; mais elles sont le dernier quart de la constellation qui précède immédiatement, ou son dernier achâr, suivant la prononciation ordinaire de ce mot. Une révolution complète de la lune, relativement aux étoiles, ayant lieu en vingt-sept jours et plus ou moins d’heures, de minutes et de secondes, et les Hindous n’atteignant ou n’exigeant pas une exactitude parfaite, ils s’arrêtèrent au nombre 27, et insérèrent abhidjit dans leurs cérémonies nuptiales, pour quelque intention astrologique. Le dessin d’après lequel la planche a été gravée, semble destiné à représenter les figures des vingt-sept constellations, avec abhidjit, comme l’auteur du Retnamâlâ les a décrites en trois stances.

Touragamoukhasadrikcham yôniroûpam kchourâbham,
    Sacatasamam athâinasyôttamanguêna toulyam,
    Menigrihasara tchacrâbhâni sâlopamam bham,
    Sayanasadrisamanyatchtchâtra paryancaroupam.
2. Hastâcârayoutam tcha maoucticasamam
          Tchâhyat pravâlôpamam,
    Drichyam tôrana sannibham balinibham,
          Satkoundalabham param ;
    Croudhyatcêsarivicramena sadrisam,
          Sayyasamânam param,
    Anyad dentivilâsavat sthitamatah
          Sringatacavyacti bham.
3. Trivicramâbham tcha mridangaroûpam,
    Vrittâm tatonyadyamalabhouayâbham,
    Paryancaroûpam mouradjânoucâram,
    Ityêvam asouâdibhatchacraroûpam.

« Une tête de cheval ; yôni, ou bhaga ; un rasoir ; une voiture à roues ; la tête d’une gazelle ; une pierre précieuse ; une maison ; une flèche ; une roue ; une autre maison ; un bois de lit ; un autre bois de lit ; une main ; une perle ; un morceau de corail ; un feston de feuilles ; une offrande aux dieux ; un riche pendant d’oreille ; la queue d’un lion en fureur ; une couchette ; la dent d’un éléphant sauvage, près de laquelle est le noyau de la noix sringâtaca ; les trois empreintes du pied de Vichnou ; un tambour ; un joyau circulaire ; une image à deux faces ; une autre couchette, et un tambour plus petit : telles sont les figures d’Asouinî, et le reste dans le cercle des constellations lunaires. »

Le dessinateur hindou a fort mal représenté plusieurs des figures, et il a transposé les deux achâras, aussi-bien que les deux bhadrapads ; mais sa figure d’abhidjit, qui ressemble à notre as de cœur, a de l’analogie avec l’amande du trapa, plante aquatique curieuse, décrite dans un essai séparé. Les figures des mêmes constellations sont variées de la manière suivante, dans un autre ouvrage sanskrit :

1. Une tête de cheval. 10. Une queue étroite. 19. Un lit.
2. Yônî, ou bhaga. 11. Deux étoiles du S. au N. 20. Un éventail.
3. Une flamme. 12. Deux id. du N. au S. 21. Un autre.
4. Un chariot. 13. Une main. 22. Une flèche.
5. Une patte de chat. 14. Une perle. 23. Un tambour.
6. Une étoile brillante. 15. Du safran rouge. 24. Un cercle d’étoiles.
7. Un arc. 16. Un feston. 25. Une canne.
8. Un pinceau d’enfant. 17. Un serpent. 26. Le fléau d’une balance.
9. Une queue de chien. 18. Une tête d’ours. 27. Un poisson.

C’est de douze de ces constellations que sont dérivés les noms des douze mois indiens, dans la forme accoutumée de noms patronymiques ; car les partisans des Pourânas, qui soumettent toute la nature à un système de mythologie emblématique, supposent qu’une nymphe céleste préside à chacune des constellations, et feignent que le dieu Sôma ou Lunus, ayant épousé douze d’entre elles, donna le jour à douze génies ou mois, qui portent les noms de leurs mères : mais les Djyautichicas assurent que lorsque leur année lunaire fut arrangée par les anciens astronomes, la lune étoit dans son plein dans chaque mois, le même jour qu’elle entroit dans le nakchatra d’où ce mois prend son nom. La manière dont les dérivés sont formés, deviendra plus sensible par la comparaison des mois avec leurs constellations.

1. Âsouina. 5. Mâgha. 09. Djyaichtha.
2. Cârtica. 6. P’hâlgouna. 10. Achara.
3. Mârgasîrcha. 7. Tchaitra. 11. Srâvana.
4. Paucha. 8. Vaisâkha. 12. Bhâdra.

Le troisième mois est aussi appelé âgrahâyana (d’où s’est formé, par corruption, le mot vulgaire agran), d’un autre nom de mrigasiras.

Rien de plus ingénieux que les vers mémoratifs où les Hindous ont coutume de lier ensemble une multitude d’idées qui n’ont d’ailleurs aucune espèce de connexion, et d’enchaîner, pour ainsi dire, la mémoire au moyen d’une mesure régulière. C’est ainsi qu’en exprimant trente-deux par dents, onze par roudra, six par saison, cinq par arc ou élément, quatre par océan, véda ou siècle, trois par rama, feu ou qualité, deux par œil ou coumara, et un par terre ou lune, ils ont composé quatre vers qui indiquent le nombre des étoiles dans chacune des vingt-sept constellations.

Vahni tri ritouichou gounêndou critâgnibhoûta,
Bânâsouinetra sera bhoûcou yougabdhi râmâh,
Roudrâbdhirâmagounavédasatâ douiyougma
Dentâ boudhairabhihitâh cramasô bhatârâh.

C’est-à-dire, « trois, trois, six ; cinq, trois, un ; quatre, trois, cinq ; cinq, deux, deux ; cinq, un, un ; quatre, quatre, trois ; onze, quatre et trois ; trois, quatre, cent ; deux, deux, trente-deux. Les sages ont aussi dénombré les étoiles des constellations lunaires, dans l’ordre où elles paroissent. »

Si cette stance m’a été récitée d’une manière correcte, on regarde les deux achâras comme une seule constellation, et abhidjit comme trois étoiles séparées ; mais je soupçonne une erreur dans le troisième vers, parce que douibâna, ou deux et cinq, conviendroit aussi bien à la mesure que bdhirâma, et parce qu’il n’y avoit que trois védas dans le temps reculé où il est probable que l’on fit le dénombrement des étoiles et que ces vers techniques furent composés.

Nous voyons que deux stations [ou maisons] lunaires et un quartier ont la même étendue qu’un signe, et que neuf stations répondent à quatre signes. Ainsi, en comptant 13 degrés 20 minutes depuis la première étoile de la tête du belier inclusivement, nous trouvons l’étendue totale d’asouinî ; et nous serons en état de déterminer les autres étoiles avec assez d’exactitude : mais commençons par donner un tableau comparatif des deux zodiaques, en indiquant les maisons, comme dans l’Almanach de Vârânes, par les premières lettres ou syllabes de leurs noms :

MOIS. CONSTELLATIONS
SOLAIRES.
MAISONS.
Âsouin 
Méch 
Cârtic 
Vrich 
Âgrahâyan 
Mithoun 
Pauch 
Carcat……
 9.
   
Mâgh 
Sinh 
P’hâlgoun 
Canyâ 
Tchaitr 
Toulâ 
Vaisâkh 
Vristchic….
 18.
   
Djaichth 
Dhan 
Achar 
Macar 
Srâvan 
Coumbh 
Bhâdr 
Mîn……12 
 27.

D’après cela, il nous est facile de connoître les étoiles de chaque maison, dans l’ordre où elles se suivent ; savoir :

MAISONS
LUNAIRES.
CONSTELLATIONS
SOLAIRES.
ÉTOILES.
Âsouinî 
Le belier 
Trois dans et proche la tête.
Bharanî 
 
Trois dans la queue.
Criticâ 
Le taureau 
Six, des pléiades.
Rôhinî 
 
Cinq dans la tête et dans le cou.
Mrigasiras 
Le couple 
Trois dans ou proche les pieds, peut-être dans la voie lactée.
Ardrâ 
 
Une sur le genou.
Pounarvasou 
 
Quatre dans les têtes, la poitrine et l’épaule.
Pouchya 
L’écrevisse 
Trois dans le corps et les pattes.
Aslêchâ 
Le lion 
Cinq dans la face et la crinière.
Maghâ 
 
Cinq dans la jambe et la hanche.
Pourvap’halgounî 
 
Deux, une dans la queue.
Outtarap’halgounî 
La vierge 
Deux sur le bras et la ceinture.
Hasta 
 
Cinq près de la main.
Tchitrâ 
 
Une dans l’épi.
Souâti 
La balance 
Une dans le bassin N.
Visâkhâ 
 
Quatre au-delà.
Anourâdhâ 
Le scorpion 
Quatre dans le corps.
Djyêchthâ 
 
Trois dans la queue.
Moûla 
L’arc 
Onze à la pointe de la flèche.
Poûrvachâra 
 
Deux dans la jambe.
Outtarâchâra 
Le monstre marin 
Deux dans la corne.
Sravanâ 
 
Trois dans la queue.
Danichtâ 
Le verseau 
Quatre dans le bras.
Satabhichâ 
 
Plusieurs dans l’eau.
Poûrvabhadrapadâ 
Le poisson 
Deux dans le premier poisson.
Outtarabhadrapadâ 
 
Deux dans le lien.
Rêvatî 
 
Trente-deux dans le 2.e poisson et le lien.

Toutes les fois que le dessin indien différé du vers technique du Retnamâlâ, j’ai préféré l’autorité du poëte à celle du peintre, qui a figuré des objets terrestres avec si peu d’exactitude, qu’on ne sauroit s’en rapporter implicitement à ses représentations d’objets purement célestes ; il semble sur-tout s’être trompé dans les étoiles de dhanichtâ.

Je joins ici, en faveur de ceux qui seroient tentés d’examiner de nouveau les vingt-sept constellations avec une carte sous leurs yeux, la table des degrés auxquels les nakchatras s’étendent respectivement puis la première étoile de la constellation du belier, que nous voyons maintenant près du commencement du taureau, comme elle doit placée dans l’ancienne sphère.

N. D. M.     N. D. M.     N. D. M.
I. 13 20.     X. 133 20.     XIX. 253 20.
II. 26 40.     XI. 146 40.     XX. 266 40.
III. 40 0.     XII. 160 0.     XXI. 280 0.
IV. 53 20.     XIII. 173 20.     XXII. 293 20.
V. 66 40.     XIV. 186 40.     XXIII. 306 40.
VI. 80 0.     XV. 200 0.     XXIV. 320 0.
VII. 93 20.     XVI. 213 20.     XXV. 333 20.
VIII. 106 40.     XVII. 226 40.     XXVI. 346 40.
IX. 120 0.     XVIII. 240 0.     XXVII. 360 0.

Les constellations de la première colonne sont dans le taureau, les gémeaux, le cancer, le lion ; celles de la seconde, dans la vierge, la balance, le scorpion, le sagittaire ; et celles de la troisième, dans le capricorne, le verseau, les poissons, le belier. Nous ne pouvons donc errer de beaucoup dans quelque série que ce soit de trois constellations ; car, en comptant 13d 20′ en avant et en arrière, nous trouvons les espaces occupés par les deux extrémités, et l’espace intermédiaire appartient conséquemment au milieu. Je ne prétends pas dire que la division du zodiaque hindou en espaces de ce genre soit parfaitement exacte, ou que chaque étoile de chaque constellation se trouve nécessairement dans l’espace auquel elle appartient : mais le calcul sera assez exact pour notre objet ; et aucune maison lunaire ne sauroit être fort éloignée du chemin de la lune. J’ai de la peine à concevoir comment le P. Souciet put imaginer que visâkhâ étoit dans la couronne septentrionale ; mais il est tout-à-fait inconcevable que M. Bailly ait copié ce rêve, et donné des raisons à l’appui, sur-tout lorsque quatre étoiles, arrangées à-peu-près comme celles de la figure indienne, la présentent évidemment près de la balance ou du scorpion. Je n’ai point la hardiesse d’offrir les étoiles spéciales dans chaque maison, distinguées par des lettres grecques, selon la méthode de Bayer. En effet, je suis presque certain que les cinq étoiles d’aslêchâ, en forme de roue, sont η, γ, ζ, υ, ε, du lion ; et celles de moûla, γ, ε, δ, ζ, φ, τ, σ, ν, ο, ξ, π, du sagittaire. Plusieurs des autres me paroissent ne pas présenter plus d’obscurité : cependant, lorsque le nombre des étoiles d’une maison est au-dessous de trois, ou même de quatre, il n’est pas aisé de les déterminer avec certitude ; et je suis forcé d’attendre que quelque jeune astronome hindou, pourvu d’une bonne mémoire et de bons yeux, puisse me tenir compagnie dans les belles nuits où je serai de loisir, dans les saisons convenables, pour m’indiquer, dans le ciel même, les diverses étoiles de toutes les constellations qui ont des noms dans la langue sanskrite. Excepté celles du zodiaque, les seules étoiles qu’on m’ait nommées distinctement jusqu’à ce jour, sont le septarchi, dhrouva, aroundhatî, vichnoupad, mâtrimandel ; et dans l’hémisphère méridional, agastya, ou canope. À la vérité, les vingt-sept étoiles yoga ont des noms particuliers, dans l’ordre des nakchatras auxquels elles appartiennent ; et puisque nous apprenons[4] que les Hindous ont déterminé la latitude, la longitude et l’ascension droite de chacune, il seroit utile d’en donner la liste : mais, pour le moment, je ne puis que donner les noms de vingt-sept yogas, ou divisions de l’écliptique.

Vichcambha. Ganda. Parigha.
Prîti. Vriddhi. Siva.
Âyouchmat. Dhrouva. Siddha.
Saubhâguya. Vyâghâta. Sâdhya.
Sôbhana. Herchana. Soubha.
Atiganda. Vadjra. Soucra.
Soucarman. Asridje. Brahman.
Dhriti. Vyatipâta. Indra.
Soûla. Varîyas. Vaidhriti.

Maintenant que j’ai fait voir de quelle manière les Hindous arrangent les étoiles du zodiaque par rapport au soleil et à la lune, passons à notre objet principal, l’antiquité de ce double arrangement. En premier lieu, les Brahmanes eurent toujours trop d’orgueil pour emprunter leur savoir des Grecs, des Arabes, des Moghols, ou de toute autre nation de Mlétchtch’has, comme ils appellent ceux à qui les védas sont inconnus, et qui n’ont point étudié le langage des dieux. Ils m’ont souvent répété un fragment d’ancien poème, dont ils se servent maintenant en guise de proverbe, Na nîtchò Yavanâtparah, « Aucune créature vile ne peut l’être plus qu’un Yavan ; » nom par lequel ils désignoient anciennement un Ionien ou un Grec, et par lequel ils entendent aujourd’hui un Moghol, ou, en général, un Musulman. Lorsque je parlai de l’opinion de Montucla à différens Pandits, à diverses époques et en divers endroits, ils ne purent gagner sur eux d’y répondre sérieusement : les uns éclatoient de rire ; d’autres, en souriant avec malignité, dirent que c’étoit une plaisante idée ; et tous parurent la regarder comme une notion qui touchoit à la démence. Dans le fait, quoique les figures des douze signes indiens ressemblent étonnamment à celles des signes grecs, elles s’en éloignent trop pour n’être qu’une simple copie, et la nature de leur différence prouve qu’elles sont originales. D’ailleurs, cette ressemblance n’est pas plus extraordinaire que celle qu’on a remarquée entre nos dénominations gothiques des jours de la semaine et celles qu’emploient les Hindous, dont les jours sont consacrés aux mêmes corps célestes, et, chose encore plus singulière, se suivent dans le même ordre : ravi, le soleil ; sôma, la lune ; mangala, tuisco ; bouddha, woden ; vrihaspati, thor ; soucra, freya ; sani, sater. Cependant personne n’a jamais imaginé que les Indiens eussent emprunté des Goths ou des Germains un arrangement aussi remarquable[5]. À l’égard des planètes, j’observerai seulement que soucra, le gouverneur de vénus, est, comme toutes les autres, une divinité mâle, qui se nomme aussi Ousanas, et que l’on croit être un sage doué d’un savoir infini ; mais Zohrah[6], la Nâhyd des Persans, est une déesse comme la Freya de nos ancêtres Saxons. Le dessin des planètes que M. Johnson a apporté au Bengale, se rapporte donc au système persan, et représente les génies qu’on suppose y présider, exactement comme ils sont décrits par le poëte Hâtéfy[7] : « Il parsema le firmament d’étoiles, et ennoblit notre terre avec la race des hommes ; il fit tourner doucement la propice nouvelle lune des fêtes, comme un brillant joyau, autour de l’axe du ciel ; il plaça le saturne hindou sur le siége de cet éléphant rétif, la sphère tournante, et mit l’arc-en-ciel dans sa main, comme une bride pour contenir cet animal enivré. Il fit, pour le luth de vénus, des cordes de soie avec des rayons du soleil, et fit présent à jupiter, qui vit la félicité de la vraie religion, d’un rosaire des pléiades groupées. L’arc du ciel devint celui de mars, quand il fut honoré du commandement de l’armée céleste ; car Dieu conféra la souveraineté au » soleil, et des escadrons d’étoiles composèrent son armée. « Les noms et les formes des constellations lunaires, principalement de bharanî et d’abhidjit, indiquent une simplicité de mœurs particulière à un ancien peuple ; et ils diffèrent absolument de ceux du système arabe, où la première constellation même est au duel, parce qu’elle n’est formée que de deux étoiles. Menzil[8], ou le lieu de repos, signifie proprement une station ou une hôtellerie : de là vient qu’on s’en sert pour exprimer un voyage d’un jour ordinaire ; et cette idée semble mieux appliquée que celle de maison à une voyageuse qui s’arrête aussi peu que la lune. Les menâzil ûl-qamar[9], ou stations lunaires des Arabes, ont vingt-huit noms, dans l’ordre suivant, la particule al étant sous-entendue devant chaque mot.

1. Charathân. 14. Natsrah. 21. Ghafar. 28. Sa’d êl-dzâbihh.
2. Bathyn. 14. Tharaf. 21. Zoubânéyah. 28. Sa’d bél’i.
3. Tsouréyâ. 14. Djabehah. 21. Ekélyi. 28. Sa’d êi-sa’oùd.
4. Debarân. 14. Zoubrah. 21. Qalb êl-a’qrab. 28. Sa’d êl-akhbyét.
5. Haq’ah. 14. Ssorfah. 21. Chaùlah. 28. Fargh âl-déloù.
6. Han’ah. 14. A’oùâ. 21. Na’âïm. 28. Fargh êl-moùkher.
7. Dzirâa. 14. Simâk. 21. Beldah. 28. Richà.

Or, si l’on peut s’en rapporter aux lexicographes arabes, le nombre des étoiles, dans leurs différens menzils, s’accorde rarement avec ceux des Indiens ; et deux nations pareilles doivent naturellement avoir observé et peuvent aussi naturellement avoir nommé les principales étoiles près desquelles passe la lune dans le cours de chaque jour, sans avoir eu de communications à cet égard. Au fond, rien ne prouve qu’il y ait eu des communications entre les Hindous et les Arabes sur un point quelconque de littérature ou de science. Nous avons bien sujet de croire qu’il exista des relations commerciales, à des époques très-reculées, entre l’Yémen et la côte occidentale de l’Inde : mais les Brahmanes, qui ont seuls la permission de lire les six Védângas, dont l’un est le Sastra astronomique, n’étoient point alors adonnés au commerce ; et, très-probablement, ils n’avoient ni le pouvoir ni la volonté de converser avec des marchands arabes. Les irruptions hostiles des Arabes dans l’Hindoustân, au huitième siècle, et celle des Moghols sous Djenguyz Khân, au treizième, n’étoient pas de nature à changer le système astronomique des Hindous : mais il ne s’agit pas des conséquences supposées des révolutions modernes ; car s’il y a quelque vérité dans les documens historiques, nous savons avec une certitude aussi positive, qu’Amarsinh et Câlidâs composèrent leurs ouvrages avant la naissance de Jésus-Christ, que nous savons que Ménandre et Térence écrivirent avant cette importante époque. Or il est fait mention des douze signes et des vingt-sept maisons sous les différens noms que j’ai rapportés, dans un vocabulaire sanskrit du premier de ces auteurs indiens ; et le second fait souvent des allusions nominatives à Rôhinì et aux autres, dans sa Bague fatale, ses Enfans du Soleil, et sa Naissance de Coumâra. Je vais citer deux vers de ce dernier poème, afin de montrer que mes preuves ne sont pas uniquement orales.

Maitrê mouhoûrté sasalantch’hanêneâ
Yôgam gatâsôuttarap’halghanîchou.

« Quand les étoiles outtarap’halgoun eurent joint, dans une heure fortunée, la lune tachetée comme un faon. »

Ce témoignage étant décisif contre la conjecture de M. Montucla, je n’ai pas besoin de faire valoir la grande antiquité des Instituts de Menou, dans lesquels les vingt-sept constellations sont appelées les filles de Dakcha et les compagnes de Soma, ou la Lune ; je n’ai pas besoin non plus de m’étayer du témoignage des Brahmanes, qui m’assurent, d’une voix unanime, que les noms des étoiles zodiacales se trouvent dans les Védas, à l’égard desquels je crois fermement, sur des preuves tirées d’eux-mêmes et d’ailleurs, que trois d’entre eux ont plus de trois mille ans d’antiquité. Ayant donc prouvé ce que je m’étois engagé à prouver, je terminerai cet essai par une observation générale. Le résultat des recherches de Newton sur l’histoire de la sphère primitive, fut « que l’usage d’observer les étoiles commença en Égypte du temps d’Ammon, et se propagea, au moyen des conquêtes, sous le règne de son fils Sisac, dans l’Afrique, l’Europe et l’Asie ; et que, depuis, Atlas forma la sphère des Libyens, Chiron celle des Grecs, et les Chaldéens une sphère de leur propre invention. » Or j’espère, dans une autre occasion, convaincre le public, comme je m’en suis convaincu moi-même, que l’usage d’observer les étoiles commença, avec les élémens de la société civile, dans le pays du peuple que nous nommons Chaldéen, d’où il se propagea dans l’Égypte, l’Inde, la Grèce, l’Italie et la Scandinavie, avant le règne de Sisac ou Sâcya, dont les conquêtes répandirent un nouveau système de religion et de philosophie depuis le Nil jusqu’au Gange, environ mille ans avant J.-C. ; mais que Chiron et Atlas furent des personnages allégoriques ou mythologiques, et ne doivent point trouver place dans l’histoire du genre humain, lorsqu’on l’écrit sérieusement.


  1. Histoire des mathématiques, t. I.er, p. 402, 1re édition. (L-s.)
  2. Histoire des mathématiques, t. I.er, p. 404, 1re édition. (L-s.)
  3. Observations astronomiques, mathématiques, &c.
  4. Voyez ci-dessus, p. 314.
  5. Je ne me permettrai point de décider cette importante question ; mais j’observerai au moins qu’il y a peut-être encore plus de conformité entre la langue des Hindous, des Persans et des Allemands, qu’entre leurs systèmes astronomiques. Voyez De antiquitate et affinitate linguæ zendicæ, samscrdamicæ et germanicæ dissertatio, par le P. Paulin de Saint-Barthélemi. (L-s.)
  6. زمر en arabe, et ناهيد ou نهيل en persan. (L-s.)
  7. A’bdoûllah Hâtéfy, ءبد اللَه هاتفي célèbre poëte persan, auteur de quatre romans ; savoir : les Amours de Khosroù et de Chyryn, خسرو و شيرين les Amours de Medjenoùn et de Léïlah, مجنون وليله le troisième, intitulé Heft manzar هفــــــت منظر [les sept perspectives] ; il contient les Amours de Behrâm VI, roi de la dynastie des Saçânydes. « Les histoires » en sont amusantes, dit Hhâdjy Khalfah, » et toutes tirées de son fonds » حكانانر لطيغــر موضومه رضيه من عنل. Le quatrième contient l’Histoire de Tamerlan, et est intitulé Tymoùr Nâmêh تيمور نامـــه. Nous possédons ces quatre ouvrages à la Bibliothèque nationale, sous le n.° 357 des Mss. persans : cet exemplaire est un de nos plus beaux Mss. Hâtéfy étoit neveu du célèbre A’bdoûlrahhman Djâmy ; il mourut, suivant Hhâdjy Khalfah, en 927 de l’hégire [1520–1521 de l’ère vulgaire]. Il est fâcheux que M. Jones n’ait pas indiqué celui des ouvrages de Hâtéfy d’où il a tiré la description qu’il cite. (L-s.)
  8. منزل le lieu où l’on descend, de la racine arabe نَزَلَ descendit. (L-s.)
  9. منازل القمر On les nomme encore نجوم الاخذ noudjoùm êl-âkhds [étoiles de l’avancement ou de la marche]. Voici les noms arabes de ces mansions, donnés par Mohhammed ben Kotséïr, vulgairement connu sous le nom d’al-Fraganus, dans ses Élémens d’astronomie, publics en arabe et en latin par Golius, p. 77 du texte arabe. الش طان البطين الثر يا آبرالديران الهفعة الهنعة الذراح النش ة الطر ف الجبهة الز بر ة المر فة العوا السماك الغمر ز نانية الاكايل فلب المغر الشولن النعاير البل معد الذ ج معد بلـــح معد السعود سعد الاخـبـيــة فر خ الداو فر خ الـر خر الدحرن Cette dernière mansion, dont le nom حون signifie poisson, est appelée رشا richâ [corde] dans les Commentaires de Hyde sur les tables des étoiles fixes d’Oulough beyg, p. 10, édition de Sharpe. C’est cette dénomination que M. Jones a adoptée. (L-s.)