disparu et à sa place s’étend un quai rectiligne. On y construit des maisons carrées, à cinq étages, et devant sont plantées deux rangées de tilleuls protégés par leurs tuteurs et, entre les tilleuls, comme il convient, des petits bancs verts. Cela s’appelle une promenade et c’est là que, de long en large, se promènent des Anglaises coiffées de chapeaux tyroliens, ainsi que des Anglais vêtus de costumes confortables et solides. Et tous sont contents d’eux-mêmes.
Il se peut que tous ces quais, et ces maisons, et ces Anglais puissent faire fort bien quelque part. Mais assurément pas ici, dans cette nature étrangement grandiose et en même temps harmonieuse et douce. Quand je fus dans ma chambre et que j’eus ouvert ma fenêtre sur le lac, la beauté de ses eaux, des montagnes et du ciel m’éblouit d’abord et m’agita infiniment. Je ressentis une inquiétude intérieure et le besoin de dire à quelqu’un tout ce qui emplissait mon âme. Et j’eus voulu, à ce moment-là, presser quelqu’un sur ma poitrine, le presser, lui faire, à lui ou à moi, quelque chose d’extraordinaire.
Il était sept heures du soir. La pluie avait tombé toute la journée et maintenant seulement le ciel s’éclaircissait. Le lac, bleu comme la flamme du soufre, avec les points que formaient les bateaux, s’étendait immobile et comme bordé entre les rives vertes et variées. Il partait en avant, se serrant entre deux saillies de montagne ; puis, plus foncé, s’appuyait et disparaissait entre des roches, des nuages et des glaciers entassés les uns sur les autres. Au premier plan, des rivages humides, vert clair, s’en allaient avec leurs roseaux, leurs prairies, leurs jardins, leurs villas. Plus loin, des saillies vert som-