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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/190

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compter, à ce prix, sur le concours des philosophes, qui ne désespèrent pas, même après 1774, après la mort du Bien-Aimé, de voir enfin leur bon despote faire le bonheur de la nation.

Si Louis XV, en effet, a rebuté les philosophes et bravé l’opinion publique, voici maintenant un prince débonnaire qui « aime le peuple », l’affirme lui-même et va sans doute inaugurer cette « félicité publique » qui, on en est pleinement convaincu, ne dépend que de sa volonté : le mauvais roi est mort, vive le bon roi ! et les philosophes, interprètes encore ici de la nation entière, acclament en des dédicaces lyriques l’avènement de Louis XVI, de ce « monarque juste, humain, ennemi de la flatterie, père de son peuple, dont le règne est la consolation des vrais citoyens. Le pouvoir absolu devient, entre les mains d’un souverain équitable, une arme nécessaire pour détruire les complots de l’iniquité[1]. »

Bientôt, comblant leurs espérances, le roi appelle un des leurs, Turgot, à la direction des affaires, et Voltaire de saluer « l’âge d’or » qui commence. Ce roi, qu’ils ont appelé de leurs vœux, ne va-t-il pas, aidé d’un si bon ministre, réaliser tous ces beaux projets de réformes que Turgot lui-même a, pour sa part, développés dans l’Encyclopédie ?

Quand un Sully renaît, espère un Henri IV,


s’écrie Voltaire dans son éloge du Temps présent. La philosophie est, en effet, si près du trône que bientôt « elle sera dedans » ; et c’est alors que les amis de la philosophie seront plus que jamais les amis du trône, car leur idéal politique sera bien près d’être réalisé[2].

Dès les premiers édits réformateurs de Turgot, les Encyclopédistes espèrent que leur règne et celui de la raison va venir et, quelles que fussent leurs illusions à cet

  1. Éthocratie (de d’Holbach), 1776, Dédicace et Avertissement.
  2. « L’Encyclopédie circule alors librement ; elle est devenue, dit Bachaumont, la base de toutes les bibliothèques. » (Brunel, ouvrage cité, 283).