guier maudit par le Seigneur, ou le vieux chêne auquel Lucain compare Pompée dans ces vers : « Ce n’est plus que l’ombre d’un grand nom : tel le chêne altier dans une campagne féconde. »
La chose reconnue, je ne demeurai pas longtemps oisif sous son ombre. Je me montrai de moins en moins assidu à ses leçons. Quelques-uns de ses disciples les plus distingués en étaient blessés, comme d’une marque de mépris pour un tel docteur. L’excitant donc sourdement contre moi, ils parvinrent, par leurs suggestions perfides, à l’émouvoir de jalousie. Un jour, après la séance de controverse, nous devisions familièrement entre camarades : l’un d’eux, m’ayant demandé insidieusement ce que je pensais de la lecture des livres saints, moi qui n’avais encore étudié que la physique, je répondis que c’était la plus salutaire des lectures, puisqu’elle nous éclairait sur le salut de notre âme, mais que j’étais extrêmement étonné que des gens instruits ne se contentassent point, pour expliquer la Bible, du texte même et de la glose, et qu’il leur fallût un commentaire. Cette réponse fut accueillie par un rire général. On me demanda si je me sentais la force et la hardiesse d’entreprendre une pareille tâche. Je répondis que j’étais prêt à en faire l’épreuve, si l’on voulait. Se récriant alors, et riant de plus belle : « Assurément, dirent-ils, nous y consentons de grand cœur. » — « Eh bien ! repris-je, qu’on cherche et qu’on me donne un texte qui ne soit pas usé avec une seule glose, et je soutiendrai le défi. »
D’un commun accord, ils choisirent une obscure prophétie d’Ézéchiel. Je pris la glose, et je les invitai à venir, dès le lendemain, entendre mon commentaire. Me prodiguant alors des conseils que je ne voulais pas entendre, ils m’engageaient à ne point précipiter une telle épreuve, à prendre plus de temps, dans mon inexpérience, pour trouver et arrêter mon interprétation.Piqué au vif, je répondis que j’avais l’habitude de compter non sur le temps, mais sur mon intelligence ; j’ajoutai que je renonçais à l’épreuve, s’ils ne venaient m’entendre sans autre délai. Ma première leçon réunit, il est vrai, peu de monde : il paraissait ridicule qu’un jeune homme, qui n’avait fait aucune étude des livres saints, les abordât si légèrement. Cependant, ceux qui m’entendirent furent tellement ravis de cette séance, qu’ils en firent un éloge éclatant, et m’engagèrent à donner suite à mon commentaire suivant la même méthode. La chose ébruitée, ceux qui n’avaient pas assisté à la première leçon s’empressèrent à la seconde et à la troisième, tous jaloux de prendre en note mes explications, surtout celles de la première séance.
IV. Ce succès alluma l’envie du vieil Anselme. Déjà excité contre moi, comme je l’ai dit, par des instigations malveillantes, il commença à me per-