LETTRE QUATRIÈME
I. Je m’étonne, ô mon bien suprême, que dérogeant aux règles du style épistolaire et même à l’ordre naturel des choses, vous ayez pris sur vous, dans le titre et la salutation de votre lettre, de mettre mon nom avant le vôtre, c’est-à-dire la femme avant l’homme, l’épouse avant le mari, la servante avant le maître, la religieuse avant le religieux et le prêtre, la diaconesse avant l’abbé. Il est, en effet, dans l’ordre et les convenances, lorsque nous écrivons à des supérieurs ou à des égaux, de placer leurs noms avant les nôtres ; et si l’on s’adresse à des inférieurs, l’ordre des noms doit suivre celui des dignités.
Une autre chose nous a étonnées et émues : votre lettre qui aurait dû nous apporter quelque consolation n’a fait qu’accroître notre douleur ; la main qui devait essuyer nos larmes en a fait jaillir la source. Qui d’entre nous, en effet, aurait pu, sans fondre en pleurs, entendre le passage de la fin de votre lettre où vous dites : « S’il arrive que le Seigneur me livre entre les mains de mes ennemis, et que mes ennemis, triomphants, me donnent la mort… » Ô mon bien-aimé, une telle pensée a-t-elle pu vous venir