et du bibliophile Jacob[1]. Mais trop soumis encore à la tradition, M. Oddoul et le bibliophile Jacob ont cru pouvoir çà et là, à l’exemple de leurs devanciers, substituer la libre analyse à la traduction ; et là où ils interprètent rigoureusement, le latin faisant défaut à côté de leur version, il faut les croire sur parole.
Les textes n’avaient jamais été éclairés cependant d’une plus vive et plus abondante lumière. M. de Rémusat venait de publier l’histoire critique de la vie d’Abélard[2], et V. Cousin, une édition complète de ses écrits[3]. Mais, par une anomalie inexplicable, c’est au moment où les Lettres d’Abélard et d’Héloïse étaient rétablies dans leur pureté originale qu’on en contestait l’authenticité. Après avoir été défigurées faute d’une critique qui en fît respecter le texte, elles étaient attaquées par la critique ! La question était soulevée en Allemagne par le savant G. Orelli[4] ; en France, par un juge très-érudit en ces matières, M. Ludovic Lalanne[5]. Isolant des Lettres de direction les Lettres amoureuses, G. Orelli et M. Lalanne considéraient, à des degrés divers, celles-ci comme apocryphes. L’âge d’Abélard, sa situation, celle d’Héloïse, tout leur paraissait rendre invraisemblable cette première partie de la correspondance sur laquelle la plume de M. de Rémusat avait répandu tant de charme. Pour G. Orelli, les Lettres amoureuses étaient l’œuvre d’un habile écrivain qui s’était inspiré de la passion des deux amants. M. Lalanne allait moins loin. Il ne se refusait pas absolument à admettre l’exactitude du fond des Lettres amoureuses ; mais il estimait qu’elles avaient été retouchées, remaniées, arrangées : si bien qu’en fin de compte, et malgré la concession, le doute subsistait sur leur authenticité.
En présence de ces infidélités et de ces controverses, touchant ce
- ↑ Lettres d’Abailard et d’Héloïse, traduction nouvelle par le bibliophile Jacob, précédée d’un travail historique et littéraire, par M. Villenave, Charpentier, 1849.
- ↑ Abélard, sa vie, sa philosophie et sa théologie, par M. Charles de Rémusat, de l’académie française. Didier, 1840 ; 3e édition, 1865.
- ↑ Petri Abœlardi opera hactenus scorsini edita, nunc primum in unum collegit textum, ad fidem librorum editorum scriptorumque recensuit, notas, argumenta, indices adjecit Victor Cousin, adjuvantibus C. Jourdain et E. Despois. Parisiis, Durand, 1849. — Cette édition a été faite sur le manuscrit de la bibliothèque de Troyes, le plus ancien des manuscrits que l’on connaisse et qui date de la seconde moitié du xiiie siècle. Ceux qui existent à la Bibliothèque impériale (fonds latin, nos 2544, 2923) sont du xive siècle. D’après une note conservée à cette bibliothèque, les administrateurs du district de Nogent-sur-Seine possédaient, vers le milieu de l’an II (1793), un manuscrit qu’ils avaient retiré de la bibliothèque du Paraclet ; on ne sait ce qu’il est devenu.
- ↑ Index lectionum in Academia Zuricensi, 1841, in-4o. Zurich.
- ↑ Correspondance littéraire, t. I, p. 27 ; cf. p. 109 et suiv.