En première approche, on peut dire qu'une partition de l'unité est une famille de fonctions positives telles que, en chaque point, la somme sur toutes les fonctions des valeurs prises par chacune d'elles vaille 1 :
Plus précisément, si est l'espace topologique sur lequel sont définies les fonctions de la partition, on imposera que la somme des fonctions ait un sens, c'est-à-dire que pour tout , la famille soit sommable. De façon usuelle, on impose une condition encore plus forte, à savoir qu'en tout point de , seul un nombre fini des soient non nulles. On parle alors de partition localement finie.
On impose en général aussi des conditions de régularité sur les fonctions de la partition, de façon habituelle soit simplement que les fonctions soient continues et alors on parle de partition continue de l'unité, soit indéfiniment dérivables et alors on parle de partition C∞ de l'unité.
Ces conditions, en général précisées par le contexte, sont habituellement sous-entendues. Et on utilisera l'expression partition de l'unité pour désigner une partition continue de l'unité localement finie ou bien une partition C∞ de l'unité localement finie.
Les partitions de l'unité sont utiles car elles permettent souvent d'étendre des propriétés locales à l'espace tout entier. Bien sûr, ce sont les théorèmes d'existence qui font de cette notion un outil pratique.
Définition 1 — On appelle partition de l'unité d'un espace topologique , une famille de fonctions continues, définies sur et à valeur dans l'intervalle [0, 1], telles que pour tout point , les deux conditions suivantes soient satisfaites :
il existe un voisinage de tel que toutes les fonctions soient nulles sur ce voisinage à l'exception d'un nombre fini d'entre elles ;
la somme de toutes les valeurs prises par les fonctions en soit égale à 1, c'est-à-dire : pour tout
Définition d'une partition subordonnée à un recouvrement
Définition 2 — On appelle partition de l'unité subordonnée au recouvrement , une partition de l'unité au sens de la définition 1, indexée par le même ensemble que le recouvrement, et telle qu'en outre, pour tout , le support de soit inclus dans .
Parmi toutes les formulations possibles des théorèmes d'existence, nous proposons ci-dessous deux variantes. Nous empruntons la première variante à N. Bourbaki[1] et la deuxième à Laurent Schwartz[2].
Théorème 1 — Soit un espace normal. Pour tout recouvrement ouvert localement fini de , il existe une partition continue de l'unité subordonnée au recouvrement
On définit, par récurrence transfinie, une famille d'applications continues de dans [0, 1] telles que si l'on définit les par les propriétés suivantes soient satisfaites pour tout :
;
la famille formée des et des est un recouvrement ouvert de
Supposons donc que les sont définis pour tout et satisfont les propriétés 1 et 2 pour tout et montrons que l'on peut construire telle qu'elles soient aussi vérifiées pour
On commence par montrer la proposition suivante : les tels que et les tels que forment un recouvrement de
Par hypothèse, pour tout , il n'y a qu'un nombre fini d'indices tels que , soient . Soit le plus grand des tels que
Si , on a et
Si , l'hypothèse de récurrence nous donne que appartient à un tel que , ce qui satisfait encore notre proposition.
On pose alors ; est ouvert et d'après ce qui précède, on a .
D'après le théorème de prolongement de Tietze-Urysohn, il existe une application continue de dans [0, 1], telle que dans et dans Nous avons
Par définition de on a , ou en d'autres termes Les tels que et les tels que forment bien un recouvrement de , ce qui termine la preuve par récurrence.
Il est donc clair que la famille des ainsi définie est un recouvrement de puisque pour tout , il existe un tel que pour tout . Ce recouvrement étant localement fini, on peut former la fonction et par définition des , on a pour tout . Si l'on pose pour tout et , les forment une partition continue de l'unité subordonnée au recouvrement des
Théorème 2 — Soit un ouvert de . Pour tout recouvrement ouvert de , il existe
une partition C∞ de l'unité de , telle que le support de chaque est compact et inclus dans l'un des ;
une partition C∞ de l'unité subordonnée au recouvrement , et telle que sur tout compact de , seul un nombre fini des ne sont pas identiquement nulles.
Démonstration
Première étape : on commence par une démonstration dans le cas où les ouverts sont relativement compacts dans , c'est-à-dire que leur adhérence est compacte, et le recouvrement est localement fini, c'est-à-dire que tout compact est rencontré seulement par un nombre fini de ces ensembles.
Étant donné que est un ouvert de , c'est un espace paracompact et donc on peut trouver un nouveau recouvrement localement fini , dépendant du même ensemble d'indices et subordonné au premier recouvrement, c'est-à-dire tel que . On considère encore un recouvrement subordonné au recouvrement . Soit alors une fonction continue sur , définie par la méthode de prolongement d'Urysohn, comprise entre 0 et 1, égale à +1 sur et à 0 sur . Comme est compact, pour assez petit, le -voisinage de est contenu dans
On introduit alors la fonction régularisante définie par :
Elle est positive, son support est inclus dans la boule centrée sur l'origine et de rayon et la constante k est choisie de telle sorte que
Alors la régularisée est strictement positive dans et son support dans est contenu dans La somme est définie en tout point de , et même un nombre fini seulement de termes de cette somme ne sont pas identiquement nuls sur un voisinage compact de dans Elle est indéfiniment dérivable et partout > 0 dans puisque les forment un recouvrement de Alors satisfait à toutes les propriétés voulues.
Deuxième étape : cas général. On suppose le recouvrement arbitraire.
Comme est paracompact, on peut trouver un raffinement localement fini de , dépendant d'un autre ensemble d'indices , et une application de dans , tels que tout soit relativement compact dans et que, pour tout
D'après la première partie de la démonstration, il existe une partition de l'unité correspondant au recouvrement On pose alors, pour tout
Tout de a un voisinage sur lequel un nombre fini seulement des ne sont pas identiquement nulles. Donc est encore indéfiniment dérivable dans et son support dans est exactement la réunion des supports des pour lesquels Alors les ont toutes propriétés voulues.
Le premier théorème montre que le fait qu'un espace soit normal est une condition suffisante pour l'existence de partitions de l'unité subordonnées à un recouvrement ouvert localement fini. Le second, démontré ici dans un cas particulier mais qui se généralise à tout espace paracompact, fournit des partitions de l'unité subordonnées à un recouvrement ouvert quelconque. Ces deux formulations montrent que l'on peut en général choisir soit d'avoir le support indexé par le recouvrement d'ouverts ou bien le support compact.
L'existence de partitions de l'unité continues ou même dérivables est assez intuitive. Il est facile d'en construire. On considère, par exemple, la fonction
On vérifie aisément que la famille des fonctions définies par
constitue une partition de l'unité dérivable de subordonnée au recouvrement ouvert
Voici maintenant un exemple de construction d'une partition de l'unité indéfiniment dérivable.
On considère la fonction
Elle est indéfiniment dérivable sur . Par conséquent, la fonction définie par
est, elle aussi, indéfiniment différentiable sur , strictement positive dans l'intervalle ]–1, 1[ et identiquement nulle en dehors.
On considère alors la famille des fonctions définies par
On remarque que la définition est cohérente : en effet, chaque point se trouve à l'intérieur d'au moins l'un des intervalles de la famille (en fait chaque point se trouve à l'intérieur de deux intervalles, sauf les entiers qui ne se trouvent à l'intérieur que d'un seul intervalle). Et donc en chaque point , l'un au moins des éléments de la somme est strictement positif. Donc le dénominateur n'est jamais nul.
On vérifie aussi aisément qu'en chaque point
La famille des forme donc bien une partition de l'unité de l'axe réel, indéfiniment dérivable, et subordonnée au recouvrement ouvert .
Les partitions de l'unité sont utilisées dans les questions d'intégration d'une fonction définie sur une variété[3]. On commence par démontrer la propriété voulue sur une fonction dont le support est contenu dans une seule carte locale de la variété, et ensuite grâce à une partition de l'unité qui recouvre la variété, on étend le résultat à la variété tout entière. On se reportera aussi avec intérêt à l'article de présentation du théorème de Stokes.
Ils sont aussi parfois utilisés pour résoudre des problèmes d'équations aux dérivées partielles, par exemple pour construire dans un domaine un champ de vecteur solénoïdal dont la valeur à la frontière du domaine est fixée[6].