Noël Favrelière
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Noël Louis André Favrelière |
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Noël Favrelière (1934-2017), dit Nordine, est un sous-officier parachutiste de l'armée française qui, rappelé durant la guerre d'Algérie, déserte en 1956. Il combat durant dix mois dans les rangs de l'ALN. Il est l'auteur d'un récit Le désert à l'aube diffusé par les Éditions de Minuit en 1960 et censuré. Seul déserteur survivant, il a témoigné dans de nombreux documentaires et inspiré de nombreux personnages de déserteur et résistant concernant cette guerre dont notamment le film de René Vautier Avoir vingt ans dans les Aurès (1972). Il fait partie des « Justes d'Algérie » ayant soutenu le combat du peuple algérien pour son indépendance.
Biographie
[modifier | modifier le code]Origines et débuts
[modifier | modifier le code]Originaire de La Rochelle, né le , il est marqué, enfant, par l'Occupation nazie et les combats de la Résistance lors de la Libération, en .
Il vit à Paris, dans les milieux artistiques, au moment où il est rappelé, en 1956. Son carnet de croquis l’accompagnera tout au long de la période algérienne.
Rappelé
[modifier | modifier le code]Noël Favrelière fait son service militaire en Algérie, avant le soulèvement de la Toussaint 1954, et avait alors déjà été scandalisé par le sort réservé aux indigènes musulmans. Choqué par la manière dont ils étaient traités, il déclare à ses amis après 1954 : « Si j'étais Algérien, je serais fellagha »[1].
En 1956, Noël Favrelière est rappelé et rejoint Mont-de-Marsan. De là, il part pour Bayonne où il est affecté au 8e régiment de parachutiste coloniaux, puis est envoyé en Algérie.
Il participe à des opérations de ratissage dans la région d'Aumale. Au cours d'une de ses opérations, sa compagnie tue une fillette arabe de sept ou huit ans[2]. D'autres exactions de l'armée française renforcent son hostilité radicale à cette guerre. Elles sont évoquées dans l'ouvrage de Pierre Vidal-Naquet, Les Crimes de l'Armée française, en 1975[réf. souhaitée].
Désertion
[modifier | modifier le code]À l’aube du , chargé de garder un prisonnier « rebelle » algérien qui allait être exécuté (corvée de bois), il quitte son unité avec ses armes et, accompagné de son ex-prisonnier (ce qui lui évita de passer pour un espion et lui sauva la vie), il rejoint les troupes de l'ALN[réf. souhaitée].
Pendant dix mois, dans la partie du Sahara et des montagnes situées à la frontière de la Tunisie et de l'Algérie, il participe aux combats de l'ALN sous le nom de Nourdine. Recherché par l'armée française, il est blessé au pied après une attaque de l'aviation.
Passé en Tunisie, après avoir témoigné de son geste dans la presse, il demande un visa pour les États-Unis où vit sa sœur.
Exil et retour
[modifier | modifier le code]Condamné une première fois à mort, par contumace, en 1958, par le Tribunal militaire de Constantine[3], il l'est une seconde fois en 1960[4].
En 1962, il retourne en Algérie et rencontre Ahmed Ben Bella et Mohamed Yazid. En 1963, il rentre clandestinement en France : il tient, grâce à Simone de Beauvoir[5] et Jean-Paul Sartre, une conférence de presse[6] et expose ses tableaux[7]. Bénéficiant d'une bourse en Yougoslavie, il obtient un diplôme d'Histoire de l'Art à Ljubljana en 1964. Il repart en Algérie et dirige alors le Musée d'Alger de 1964 à 1966.
Grâce à une lettre de sa mère expliquant à la femme du général De Gaulle que son fils avait agi comme le Général quand il s'était réfugié au Royaume-Uni en 1940, il est amnistié par ce dernier de ses deux condamnations à mort en 1966.
Après la grâce accordée par le général de Gaulle
[modifier | modifier le code]Il travaille ensuite à la régie Renault à Sofia et à Ljubljana de 1967 à 1983. En 1968, il épouse la danseuse étoile Lane Stranić. Ils auront une fille en 1981, devenue comédienne et metteuse en scène sous le nom de Daphné Millefoa.
Il s'est rendu en Grèce en 1974 et aurait participé aux combats pour la Troisième République hellénique. De 1983 à 1989, il devient le directeur de l'Institut Français de Ljubljana (Slovénie), puis de celui d’Amman (Jordanie) de 1989 à 1995[8].
Quand la droite revient au pouvoir en France en 1995, il se retrouve au chômage puis prend sa retraite en 1999. Il a dessiné et peint toute sa vie. Souffrant d'Alzheimer, il meurt dans la nuit du 11 au . La crémation et dispersion de ses cendres ont eu lieu à Ljubljana dans la stricte intimité du cercle familial le [réf. souhaitée].
Publication de son récit, adaptations cinématographiques, documentaires et mémorial
[modifier | modifier le code]Les Éditions de Minuit publient son récit, Le désert à l'aube, en . Il est saisi la semaine suivant cette publication, et sa diffusion est interdite[9]. L'ouvrage reparaît sous le titre Le Déserteur, en 1974 aux Éditions Jean-Claude Lattès. Il est réédité sous son titre original aux Éditions de Minuit en 2000.
Ce récit sert de base au scénario écrit par René Vautier pour le film Avoir vingt ans dans les Aurès (1972). Francis Girod dans les années 1990 et Xavier Beauvois dans les années 2000 ont chacun voulu en faire une adaptation cinématographique mais l'acquisition des droits n'a pas abouti.
Il est également l'objet de divers documentaires, dont Algérie, Les Deux Soldats[10].
Il est nommé chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres par arrêté du [réf. souhaitée].
L’État algérien a inauguré à Alger en 2002 une stèle à la mémoire des Français qui avaient soutenu le combat du peuple algérien pour sa libération. Ils sont parfois appelés « Justes d'Algérie »[11].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Noël Favrelière, Le Désert à l'aube, Les Éditions de Minuit, 1960, réédition 2000, p. 12.
- Noël Favrelière, Le Désert à l'aube, p. 45.
- Le Monde, 22 décembre 1969.
- Anne Diatkine, « La fuite pour les idées », Libération,
- Simone de Beauvoir, « Les Otages », Le Monde,
- « Une conférence de presse en faveur des Français métropolitains non amnistiés pour leur aide au F.L.N. », Le Monde,
- « Une exposition Noël Favrelière à Paris », Le Monde,
- Biographie sur le site des Éditions de Minuit
- « « Le Désert à l'aube » saisi aux Éditions de Minuit », Le Monde,
- « Algérie, les deux soldats », sur Toute l'histoire (consulté le ).
- Le site Justes d'Algérie consacre ainsi une page à Noël Favrelière
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Anne Diatkine, « La fuite pour les idées. », Libération, (lire en ligne, consulté le )
- « Disparition. Noël Favrelière, le déserteur s’en est allé », L'Humanité, (lire en ligne, consulté le )
- AFP, « HISTOIRE / Déserteur français pendant la guerre d’Algérie, Noël Favrelière est mort », Le Dauphiné libéré, (lire en ligne, consulté le )
- Le Désert à l’aube : l’épopée d’un déserteur durant la guerre d’Algérie. Article de Pascale Pellerin. (CNRS, IRHIM), In L'épopée, problèmes de définition II, marges et limites. Epopée et guerre coloniales : histoires connectées, 2018.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Hélène Bracco, Pour avoir dit non : actes de refus dans la guerre d'Algérie, 1954-1962, Paris-Méditerranée, 2003.
- Sylvie Dallet (dir.), Guerres révolutionnaires : histoire et cinéma, Paris, Publications de la Sorbonne, L'Harmattan, 1984.
- Noël Favrelière, Le Désert à l'aube, Les Éditions de Minuit, 1960, réédition 2000. (ISBN 9782707317247)
- Noël Favrelière, Le Déserteur, Publications premières, 1974.
- Pierre Vidal-Naquet, Les crimes de l'armée française, 1975.