Kenning
Une kenning (pluriel : kenningar) est une figure de style, qui consiste à remplacer un mot par une périphrase à valeur métaphorique[1]. Elle utilise ainsi un langage figuratif à la place d'un nom plus concret composé d'un seul mot.
Les kenningar sont fortement associées aux vers allitératifs en vieux norrois et en vieil anglais. Ils ont continué à être une caractéristique de la poésie islandaise (y compris la ríma) pendant des siècles, avec le heiti, étroitement apparenté. La guerre est par exemple appelée « vacarme des épées » dans certaines parties du Skáldskaparmál.
Description
[modifier | modifier le code]Les kenningar sont souvent composées de deux noms dont l'un est au génitif. Certains d'entre eux peuvent cependant contenir jusqu'à six termes[réf. nécessaire]. Le « cheval de la mer » signifiant le bateau, le timonier est parfois désigné comme l’« homme du cheval de la mer ».
Les kenningar font souvent appel à des images mythologiques. Dans le Lokasenna, Loki est ainsi nommé « père du loup », en allusion à sa parenté avec Fenrir. De même, l'or peut être désigné par la « farine de Frodi », le « feu du lit du serpent », « la chevelure de Sif », « la semence de Kraki » ou le « tribut de la loutre » (ou selon les traductions, le « prix du sang de la loutre »), en référence à différents chants de la mythologie nordique.
L’Edda de Snorri Sturluson en recense et explique certains.
La kenning est également à la base de noms propres comme celui de Beowulf, le « loup des abeilles », une désignation indirecte de l'ours qui est la conséquence possible d'un tablou de chasse[2].
Hors du monde scandinave
[modifier | modifier le code]Ce type de figure de style remonte à la période commune des Indo-Européens où l'or, par exemple, est désigné comme le « feu des eaux »[2]. Figure typique de la poésie germanique et de la poésie celtique, elle se rencontre parfois dans d'autres parties du domaine indo-européen comme en Grèce. Le bateau « cheval de la mer » a ainsi un correspondant homérique « ἁλòς ἵπποι » halòs híppoi[3]. Pour Chérilos de Samos, les pierres sont les « os de la terre » et les fleuves ses « veines »[4].
On retrouve ce type de métaphores figées, sous forme de qualificatif quasi-obligé, dans les épithètes homériques mais alors que les aèdes disent « l'Aurore aux doigts de rose », les scaldes occultent le sujet et diraient quelque chose de plus sibyllin, comme « la rose aux doigts », pour signifier l'aurore. Jorge Luis Borges, qui lisait le vieux norrois comme le grec ancien, évoque ces similitudes et rapproche aussi les kenningar du langage précieux[5]. Ces procédés stylistiques sembleraient aujourd'hui pauvres et répétitifs mais doivent être compris dans le contexte d'une poésie essentiellement orale à la scansion de laquelle ils participaient.
Exemples
[modifier | modifier le code]- La barbe, forêt de la joue.
- Le ciel nocturne, salle de la lune.
- Le soleil, éclat des alfes.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Pour d'autres définitions et des exemples issues de la poésie homérique, voir le compte-rendu de lecture de l'ouvrage de référence d'Ingrid Waern.
- Jean Haudry, Sur les pas des Indos-Européens : Religion - Mythologie - Linguistique, Yoran Embanner, 2022, p.177-178
- (de) Rüdiger Schmitt, Dichtung und Dichtersprache in indogermanischer Zeit, Harrassowitz, Wiesbaden 1967, §580
- (de) Rüdiger Schmitt, Dichtung und Dichtersprache in indogermanischer Zeit, Harrassowitz, Wiesbaden 1967, §575
- Jorge Luis Borges, « Les Kenningar » dans Histoire de l'éternité, Bibliothèque de la Pléiade, volume I.