« Hergé » : différence entre les versions
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{{En-tête label|AdQ|année=2024}} |
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{{Voir homonyme|(1652) Hergé}} |
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{{Autre|l'astéroïde|(1652) Hergé}} |
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{{Infobox Biographie |
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{{Infobox Biographie2 |
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| nom = Hergé |
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| charte = auteur de bande dessinée |
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| image = |
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| tombe = - |
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| légende = |
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| nom de naissance = Georges Prosper Remi |
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| surnom = Hergé (depuis [[1924]]) |
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| date de naissance = {{date|22|mai|1907|en bande dessinée}} |
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| lieu de naissance = [[Etterbeek]], [[Belgique]] |
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| date de décès = {{date|3|mars|1983|âge=oui}} |
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| âge au décès = 75 |
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| lieu de décès = [[Woluwe-Saint-Lambert]], Belgique |
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| nationalité = {{BEL-d}} [[Belgique|Belge]] |
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| profession = [[Dessinateur]], [[scénariste]] |
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| hommage = <small>[[1973]] : [[Prix Saint-Michel|Grand Prix Saint-Michel]]<br />[[1977]] : [[Prix de l'Académie|Médaille de vermeil de la Ville d'Angoulême]]<br />[[1978]] : [[Ordre de la Couronne (Belgique)|Grade d'officier de l'ordre de la Couronne]]</small> |
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| conjoint = Germaine Kieckens <small>(épouse de [[1932]] à [[1977]])</small><br />[[Fanny Rodwell]] <small>(épouse à partir de [[1977]])</small> |
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| signature = Hergé signature.png |
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| entete = BD |
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<!-- | note = <div> |
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* oeuvre majeure = Tintin |
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'''Hergé''', pseudonyme de '''Georges Prosper Remi'''<ref group="N">prononcer {{MAPI|ʁ|ə|m|i}}, comme dans "demi".</ref>, né le {{date|22|mai|1907}} à [[Etterbeek]] et mort le {{date|3|mars|1983}} à [[Woluwe-Saint-Lambert]], en [[Belgique]], est un auteur belge de [[bande dessinée]], principalement connu pour ''[[Les Aventures de Tintin]]''. |
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'''Georges Remi'''<ref group="alpha">prononcer {{API|/ʁə.mi/}}, comme dans « demi ».</ref>, [[Pseudonyme|dit]] '''Hergé''', né le {{Date de naissance|22 mai 1907|en bande dessinée}} en [[Belgique]] à [[Etterbeek]] et mort le {{Date de décès|3 mars 1983|en bande dessinée}} à [[Woluwe-Saint-Lambert]]<!--Merci de ne pas mentionner la [[Région de Bruxelles-Capitale]] : ce serait un anachronisme car elle n'existe que depuis 1989 -->, est un [[auteur de bande dessinée]] [[Belgique|belge]], principalement connu pour ''[[Les Aventures de Tintin]]'', l'une des [[Bande dessinée européenne|bandes dessinées européennes]] les plus populaires du {{S-|XX}}. |
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D'abord dessinateur amateur d'une revue scoute, à partir de [[1924]] il signe ses planches du pseudonyme « Hergé » formé à partir des initiales "R" de son nom et "G" de son prénom. Quelques mois plus tard, il entre au quotidien ''Le Vingtième Siècle'', dont il devient rapidement l'homme providentiel grâce aux ''[[Les Aventures de Tintin|Aventures de Tintin]]''. Celles-ci débutent le {{date|10|janvier|1929}} dans un supplément du journal destiné à la jeunesse, ''[[Le Petit Vingtième]]''. Importateur de la bande dessinée américaine à bulles, il est souvent considéré comme « le père de la bande dessinée européenne »<ref>[http://www.brusselsinternational.be/wabxlint/fr/visiteur/decouvrir/promenade/7961/tintin-a-bruxelles.act Tintin à Bruxelles] Bruxelles Internationale.</ref>. |
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Georges Remi se distingue très tôt de ses camarades par ses qualités de dessinateur. C'est dans une revue [[Scoutisme|scoute]] qu'il signe pour la première fois en [[1924 en bande dessinée|1924]] sous le pseudonyme « Hergé », formé à partir des initiales « R » de son nom et « G » de son prénom. Quelques mois plus tard, il entre au quotidien ''[[Le Vingtième Siècle (quotidien)|Le Vingtième Siècle]]'', dont le directeur l'abbé [[Norbert Wallez]] le charge en 1928 de concevoir un supplément hebdomadaire destiné à la jeunesse, ''[[Le Petit Vingtième]]''. C'est dans ce périodique que débutent les aventures de ''[[Tintin au pays des Soviets]]'' le {{Date|10|janvier|1929|en bande dessinée}}, premier épisode de la [[Les Aventures de Tintin|série]] qui rencontre un grand succès et par laquelle Hergé devient rapidement l'homme providentiel de son journal. Il est l'un des premiers auteurs francophones à reprendre le [[comics|style américain]] de la bande dessinée à [[Phylactère (bande dessinée)|phylactères]]. |
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Durant les années 1930, Hergé diversifie son activité artistique (illustrations de journaux, de romans, de cartes et de publicités), tout en poursuivant la bande dessinée. Il crée tour à tour ''[[Quick et Flupke|Les Exploits de Quick et Flupke]]'' ([[1930]]), ''Popol et Virginie au pays des Lapinos'' ([[1934]]) et enfin ''[[Jo, Zette et Jocko|Les aventures de Jo, Zette et Jocko]]'' ([[1935]]). Après l'album les "aventures de Tintin au pays des Soviets" où il entraîne son personnage de jeune reporter à affronter les embûches du monde soviétique, il produit "Tintin au Congo" puis "Tintin en Amérique". Ces albums sont en noir et blanc. En [[1934]], il fait la rencontre de [[Zhang Chongren|Tchang Tchong-Jen]], jeune étudiant chinois venu étudier à l'académie des Beaux-Arts de [[Bruxelles]]. Cette rencontre bouleverse la pensée et le style d'Hergé. Il commence à se documenter sérieusement, ce qu'il ne faisait pas jusque là, et crée "le Lotus bleu", toujours en noir et blanc. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], le personnage de Tintin lui confère une renommée européenne, puis internationale, bien qu'il ait dû rendre compte d'accusations de collaboration avec l'ennemi pendant l'Occupation allemande pour des dessins jugés parfois racistes, et pour avoir publié dans le journal belge "le Soir", alors contrôlé par l'occupant allemand, ce qui entache sérieusement sa réputation. Il sera cependant remis en selle par un ancien résistant, [[Raymond Leblanc]], devenu éditeur qui lance, en 1946, le journal Tintin dans lequel Hergé crée un de ses meilleurs sujets "le temple du Soleil" qui est colorié au contraire des dessins parus dans "le Soir". C'est une brillante démonstration de la [[ligne claire]], style propre à Hergé qui fera école et qui est déjà représenté, en 1943, par l'apparition de la couleur dans les albums "le Crabe aux pinces d'or", puis "le secret de la Licorne" et "le trésor de Rackham le Rouge". Durant les années [[1950]] et [[1960]], perfectionniste et visionnaire, Hergé développe cette technique graphique dans le journal Tintin sans oublier de reprendre "Jo et Zette" et, surtout "Quick et Flupke", gamins de Bruxelles qui occupent dans l'imaginaire belge une place comparable à celle qu'occupent, en France, les Poulbots. Hergé dirige alors un studio où travaillent [[Bob de Moor]] et [[Edgar P. Jacobs]]. Outre leur apport à l'exécution des aventures de Tintin, ces brillants créateurs continuent à développer leur production personnelle, "Barelli" pour le premier et les multiples aventures de "Blake et Mortimer" pour le second. Au fur et à mesure des années, des hommages internationaux monteront vers Hergé puis, en [[1981]], après d'ultimes retrouvailles avec Tchang, qui avait miraculeusement traversé guerres et révolution, il meurt d'une leucémie en [[1983]]. Depuis sa mort, il est considéré comme l'un des plus grands artistes contemporains et a vendu plus de 230 millions d'albums, traduits dans une centaine de langues. Aujourd'hui, l'œuvre d'Hergé est gérée par sa veuve [[Fanny Rodwell]] ''via'' la société [[Moulinsart (entreprise)|Moulinsart]] et la [[Studios Hergé|Fondation Hergé]]. |
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Durant les [[années 1930]], Hergé diversifie son activité artistique (illustrations de journaux, de romans, de cartes et de publicités), tout en poursuivant la bande dessinée. Il crée notamment ''[[Quick et Flupke|Les Exploits de Quick et Flupke]]'' en [[1930 en bande dessinée|1930]], diffusés sous la forme d'une [[Planche (bande dessinée)|planche]] de gag hebdomadaire dans ''Le Petit Vingtième'', mais aussi ''[[Les Aventures de Jo, Zette et Jocko]]'' en [[1935 en bande dessinée|1935]] pour le journal catholique français ''[[Cœurs vaillants]]''. En 1934, le dessinateur rencontre [[Zhang Chongren|Tchang Tchong-Jen]], jeune étudiant chinois venu étudier à l'[[Académie royale des beaux-arts de Bruxelles]], dont les conseils et l'amitié bouleversent la pensée et le style d'Hergé. Dès lors, il commence à se documenter sérieusement pour la conception de ses albums, ce qu'il ne faisait pas jusque-là, et crée ''[[Le Lotus bleu]]'', considéré comme un album essentiel dans la carrière de l'auteur. Au fil des récits, son style s'affine, jetant les bases de ce qui est plus tard nommé la « [[ligne claire]] », de sorte qu'il est souvent considéré comme {{Citation|le père de la bande dessinée européenne}}. |
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== Biographie == |
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=== Une jeunesse bruxelloise === |
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==== Origines familiales ==== |
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{{Article détaillé|Alexis Remi|Élizabeth Dufour}} |
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La publication du ''Petit Vingtième'' est arrêtée lors de l'[[Campagne des 18 jours|invasion de la Belgique en 1940]], mais Hergé continue de développer ses créations dans ''[[Le Soir]]'', alors contrôlé par l'[[Occupation allemande de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|occupant allemand]]. Dans le même temps, à la demande de son éditeur [[Casterman]], il procède au remaniement et à la mise en couleurs des albums parus avant-guerre, un travail mené avec plusieurs assistants comme [[Edgar P. Jacobs]]. En acceptant de travailler pour le plus grand quotidien du pays par le tirage, Hergé assure le succès et la popularité des ''Aventures de Tintin'', mais cela lui vaut d'être accusé de [[Collaboration en Belgique|collaboration]] et d'être temporairement interdit de publication en 1944, à la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération]]. |
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Georges Remi est né au 25, [[rue Philippe Baucq|rue Cranz]] (anciennement) devenant aujourd'hui 33, rue Philippe Baucq à [[Etterbeek]], une commune de [[Région de Bruxelles-Capitale|l'agglomération bruxelloise]], le {{date|22|mai|1907}} à 7h30<ref group="N">devenu aujourd'hui le 33 rue Philippe Baucq à Etterbeek.</ref>. L'enfant est baptisé quelques semaines plus tard, le 9 juin, à l'église paroissiale de la commune ; sa marraine est sa propre grand-mère maternelle, Antoinette Roch<ref name="goddin p25">[[P. Goddin]], ''Hergé. Lignes de vie'', Bruxelles, 2007, {{p.|25}}.</ref>. Ses parents appartiennent à la classe moyenne bruxelloise : [[Alexis Remi]] ([[1882]]–[[1970]]) est employé dans la maison de confection pour enfants Van Roye-Waucquez (à [[Saint-Gilles (Bruxelles)|Saint-Gilles]]) et [[Élizabeth Dufour]] ([[1882]]–[[1946]]), ancienne couturière, est sans profession<ref>[[Benoît Peeters|B. Peeters]], ''Le monde d'Hergé'', Tournai, Casterman, 1990, {{p.|10}} et H. Springael, ''Avant Tintin, dialogue sur Hergé'', éd. Springael, 1987.</ref>. Son père, wallon, était né d'une union illégitime entre une servante, Léonie Dewigne ([[1860]]-[[1901]]) et probablement Alexis Coismans, un ébéniste bruxellois de vingt-quatre ans. Le fait qu'il se présenta à la maison communale d'[[Anderlecht]] pour déclarer la naissance des jumeaux et le choix du prénom d'un des enfants semblerait lui donner la paternité d'Alexis et Léon Remi<ref name="goddin p25" />. Certains pensent que la paternité reviendrait plutôt à Gaston, comte Errembault de Dudzeele ([[1847]]-[[1929]]) chez les parents de qui Léonie travaillait comme domestique à [[Chaumont-Gistoux]]. Délaissée par Coismans, la jeune fille épousa Philippe Remi qui reconnut les enfants (septembre 1893)<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|42}}.</ref>. Cette mystérieuse affaire a fait évoquer à [[Serge Tisseron]] le poids d'un secret de famille dans l'œuvre du futur Hergé<ref group="N">Alexis Remi avait un frère jumeau Léon et l'auteur à travers l'exemple des jumeaux Dupont et Dupond (orthographe différente) y voit un rapport avec la généalogie mystérieuse de son père et de son oncle. S. Tisseron, ''Tintin chez le psychanalyste'', Paris, Aubier, 1985 et ''Tintin et les secrets de famille'', Séguier, 1990</ref>. Quant à Élisabeth c'est une flamande ce qui fera dire plus tard à Georges Remi : « ''Je suis un Belge synthétique'' »<ref name="assouline p17">[[Pierre Assouline]], ''Hergé'', Paris, 1996, {{p.|17}}.</ref>. Après la naissance de Georges, la famille Remi ne va cesser de déménager. Le {{date|26|juin|1908}}, ils s'installent au 34 de la rue de Theux à Etterbeek, la demeure du plombier Joseph Dufour ([[1853]]-[[1914]]) et Antoinette Roch ([[1854]]-[[1935]]), les parents d'Élisabeth. De santé fragile, la jeune maman est victime d'une rechute de [[pleurésie]] durant le printemps [[1909]]<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''. {{p.|28}}.</ref>. Une friction familiale fait partir le jeune couple qui s'installe le {{date|12|janvier|1912}} au 57 avenue Jules Malou dans la même commune. Le [[26 mars]] de la même année, naît à [[Ixelles]] Paul Remi ([[1912]]-[[1986]]), le frère cadet de Georges avec qui les contacts sont très lâches. Le lendemain, les Remi élisent domicile au 91 rue de Theux à Ixelles<ref>[http://www.gorianet.it/tintin/tele/etatcivil.pdf H. Springael, État civil hergéen].</ref>. |
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En [[1946 en bande dessinée|1946]], il contribue au lancement du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' avec un ancien [[Résistance intérieure belge|résistant]] devenu [[éditeur]], [[Raymond Leblanc]]. Directeur artistique de cet hebdomadaire, dont le succès contribue à celui de la [[bande dessinée franco-belge]], Hergé y impose son style, exerçant un certain regard critique envers les travaux de ses collègues qui ne peuvent être diffusés dans le journal sans son accord. En [[1950 en bande dessinée|1950]], il fonde les [[Studios Hergé]], un atelier qui regroupe des artistes talentueux comme [[Bob de Moor]], [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]] et [[Roger Leloup]], chargés de l'assister dans la réalisation de ses travaux. Pour autant, la décennie 1950 est marquée pour Hergé par une véritable crise personnelle, entamée dès la fin de la [[Seconde Guerre mondiale]]. En proie à de violentes [[Dépression (psychiatrie)|dépressions]], l'auteur interrompt plusieurs fois ses publications. En 1959, il quitte sa première femme Germaine pour s'installer avec sa jeune coloriste [[Fanny Rodwell|Fanny Vlamynck]], et entame une nouvelle vie. |
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{{Citation bloc|Je me sentais médiocre et je vois ma jeunesse comme une chose grise, grise.|Interview d'Hergé<ref>Extrait de documentaire. N. Sadoul, ''Tintin et moi'', Production Angel, 2003.</ref>.}} |
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Si le rythme de création des ''Aventures de Tintin'' ralentit dans les années 1960 et 1970, sa renommée est croissante et le héros devient une véritable icône internationale. Tout en se détachant peu à peu de son personnage, Hergé assouvit certaines de ses passions, notamment pour l'art contemporain et les philosophies orientales. Il meurt d'une grave maladie du sang en [[1983 en bande dessinée|1983]], après avoir affirmé sa volonté que ses héros ne lui survivent pas. Depuis sa mort, le succès de Tintin ne se dément pas : le héros et son créateur font l'objet de nombreuses adaptations, publications ou rétrospectives, et certains dessins originaux d'Hergé atteignent des sommes records lors de ventes aux enchères, cependant que ses ayant droits surveillent étroitement son héritage. Le [[musée Hergé]], qui lui est entièrement consacré, est inauguré en 2009 à [[Louvain-la-Neuve]]. |
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==== La Belgique occupée (1914-1918) ==== |
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Selon les propres mots d'Hergé, le petit Georges était un enfant insupportable, « particulièrement lorsque ses parents l'emmenaient en visite. » L'un des remèdes les plus efficaces était de lui fournir un crayon et du papier<ref name="peeters p10">{{harvsp|Peeters|1983|p=10}}</ref>. L'un de ses premiers dessins connus figure au dos d'une carte postale où sont représentés au crayon bleu un train à vapeur, un garde-barrière et une automobile (vers 1911)<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|33}}. [http://www.bellier.org/chronologie.htm Dessin visible sur le site www.bellier.org].</ref>. Le {{date|29|septembre|1913}}, le jeune garçon de 6 ans entre à l'école primaire de l'Athénée à Ixelles. À peine l'année scolaire est-elle terminée que la Belgique est occupée par l'armée allemande de [[Guillaume II d'Allemagne|Guillaume II]] ({{date|20|août|1914}}). Son oncle Léon est mobilisé sur le front de l'[[Yser]] dès la fin août 1914 ; il en reviendra, après quatre ans de combats, avec la [[croix de guerre (Belgique)|croix de guerre]] avec palmes<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''. {{p.|47-52}}.</ref>. Le [[Désiré-Joseph Mercier|cardinal Mercier]], archevêque de [[Malines]], en appelle à la résistance belge. Entretemps, après une rechute d'Élisabeth, la famille Remi déménage une nouvelle fois 124 rue du Tram à [[Watermael-Boitsfort]] dans la banlieue sud de Bruxelles (septembre [[1914]]). Durant sa scolarité à l'école {{numéro}}3 d'Ixelles, Georges Remi dessine dans le bas de ses cahiers des histoires imagées qui racontent les démêlés d'un petit garçon avec l'occupant allemand<ref name="peeters p10" />. |
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{{Sommaire|niveau=2}} |
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{{Citation bloc|Un jour, un élève m'a pris un dessin et l'a montré au professeur. Celui-ci l'a regardé avec une moue méprisante, et m'a dit « Il faudra trouver autre chose pour vous faire remarquer ! ». Parfois l'instituteur, me voyant occupé à griffonner et me croyant distrait, m'interpellait brusquement : « Remi !… Répétez donc ce que je viens de dire ! » Et déjà il ricanait méchamment dans sa barbe. Mais son visage exprimait généralement un profond étonnement lorsque, tranquillement, sans hésiter, je répétais ce qu'il venait de dire. Car si je dessinais d'une main, eh bien, j'écoutais attentivement de l'autre !|Hergé, interview<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit.'', p. 49.</ref>.}} |
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== Biographie == |
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En raison de l'amélioration de la santé d'Élisabeth, la famille revient s'installer définitivement au 34 rue de Theux à Etterbeek (août [[1917]])<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|48}}.</ref>. En mars [[1918]], Georges Remi croque dans le cahier de poésie de son amie Marie-Louise van Cutsem « Milou » un dessin à l'encre de Chine et à l'aquarelle représentant un coq qui apostrophe un lapin face à un œuf brisé<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|53}}.</ref>. Le {{date|7|octobre|1919}}, l'écolier entre à l'École supérieure {{numéro}}11 d'Ixelles. À l'occasion du premier anniversaire de l'Armistice en novembre 1919, il compose une vaste fresque patriotique faite de craies de couleur dans laquelle les soldats belges « flanquaient une solide raclée à l'armée allemande », ce qui bouleverse son professeur de dessin, Monsieur Stoffijn, dit « Fine-Poussière »<ref>B. Peeters, ''Hergé. Les débuts d'un illustrateur (1922-1932)'', Tournai, Casterman, 1987, {{p.|19}}. P. Assouline (1996), ''op. cit''., {{p.|21}}.</ref>. |
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=== Jeunesse bruxelloise (1907-1925) === |
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==== Naissance et origines familiales ==== |
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[[Fichier:Geburtshaus Hergé rue Philippe-Baucq 33.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en contre-plongée d'un immeuble en briques de trois étages.|La maison natale d'Hergé à [[Etterbeek]].]] |
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Georges Prosper Remi{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=25}} naît au {{Numéro|25}} de la [[rue Philippe Baucq|rue Cranz]]<ref group="alpha">Devenu aujourd'hui le {{Numéro|33}} rue Philippe Baucq à Etterbeek.</ref> à [[Etterbeek]], commune de l'agglomération [[Bruxelles|bruxelloise]], le {{Date|22 mai 1907}} à {{Heure|7|30}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=23}}. L'enfant est baptisé quelques semaines plus tard, le {{Date-|9 juin}}, à l'église paroissiale de la commune{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=23}}. Sa marraine est sa propre grand-mère maternelle, Antoinette Roch{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=25}}. Ses parents appartiennent à la [[classe moyenne]] bruxelloise : Alexis Remi (1882-1970) est employé dans la maison de confection pour enfants Van Roye-Waucquez à [[Saint-Gilles (Bruxelles)|Saint-Gilles]] et Élisabeth Dufour (1882-1946), ancienne couturière, est sans profession au moment de sa naissance{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=10}}{{,}}<ref name="springael">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Hervé Springael |titre=Avant Tintin |sous-titre=Dialogue sur Hergé |éditeur=Springael |année=1987 |pages totales=96 |oclc=1400217461}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=23}}. |
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L'origine d'Alexis Remi est mystérieuse. Le {{Date-|{{1er}} octobre 1882}}, sa mère Léonie Dewigne, âgée de {{Nobr|22 ans}}, donne naissance à des jumeaux, Alexis et Léon, nés de père inconnu{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=23-25}}. D'après les recherches de [[Philippe Goddin]], ce pourrait être Alexis Coismans, un ébéniste bruxellois qui refuse d'en endosser la paternité<ref>{{Lien web |auteur=Philippe Guillaume |titre=Le père de Tintin à nu |url=https://www.lesechos.fr/2007/11/le-pere-de-tintin-a-nu-stbiographie-1076657 |site=[[Les Échos]]|date=13 novembre 2007 |consulté le=26 février 2023}}.</ref>. Goddin s'appuie notamment sur le fait que Coismans se présente à la maison communale d'[[Anderlecht]] pour déclarer la naissance des enfants et que l'un des jumeaux porte le même prénom que lui{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=25}}. Mais Léonie Dewigne travaillant comme [[Domesticité|domestique]] auprès de la comtesse Hélène [[Famille Errembault|Errembault de Dudzeele]] dans sa propriété de [[Chaumont-Gistoux]], dans le [[Province de Brabant|Brabant wallon]]{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=26-27}}{{,}}<ref group="alpha">L'un des biographes d'Hergé, [[Benoît Peeters]], affirme que Léonie Dewigne entre au service de la comtesse en 1888. Voir {{Harvsp|Peeters|2011|gr=a|p=23}}.</ref>, puis à [[Bruxelles]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=23-25}}, certains attribuent la paternité des jumeaux à un personnage illustre, qu'il s'agisse du comte Gaston Errembault de Dudzeele, diplomate de carrière, ou encore du roi {{Souverain|Léopold|II|Léopold II (roi des Belges)}}, qui venait parfois à Chaumont-Gistoux{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=26-27}}{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Vincent Muller |titre=Un psychanalyste dévoile le secret de Hergé |url=https://l-express.ca/un-psychanalyste-devoile-le-secret-de-herge/ |site=[[L'Express (Canada)|L'Express]]|date=16 février 2010 |consulté le=26 février 2023}}.</ref>. De fait, la comtesse porte une certaine attention aux enfants de Léonie, leur offrant des vêtements ou finançant leur inscription à l'école jusqu'à l'âge de {{Nobr|14 ans}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=23-25}}. |
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==== Les études secondaires et le scoutisme ==== |
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En 1893, Léonie Dewigne épouse son voisin Philippe Remi{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=42}}, ouvrier dans une imprimerie, qui [[Reconnaissance (droit de la famille)|reconnaît]] aussitôt Alexis et Léon, ces derniers portant désormais son nom de famille{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=23-25}}. Après la mort de Léonie en 1901, les liens de la famille avec Philippe Remi se distendent, bien qu'il signe l'acte de mariage des parents d'Hergé ; aussi, ce dernier ne l'a jamais rencontré{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=23-25}}. L'identité de son véritable grand-père demeure donc énigmatique<ref>{{Article |auteur1=Hervé Springael |titre=Le grand-père de Hergé |périodique=Les Amis de Hergé |numéro=26 |pages=7 |mois=décembre |année=1997}}.</ref>, et la possibilité d'une ascendance illustre laisse penser au psychanalyste [[Serge Tisseron]] que le poids de ce secret de famille influence l'ensemble de son œuvre<ref group="alpha">Serge Tisseron voit dans la création des jumeaux Dupont et Dupond (orthographe différente) le reflet du mystère entourant la généalogie de son père et de son oncle. Voir {{Harvsp|Tisseron|2009}} et {{Harvsp|Peeters|2011|p=26}}.</ref>. |
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Georges Remi était issu d'une famille de la classe moyenne catholique et ancrée à droite. En [[1919]], le patron de son père, Monsieur Waucquez avait fortement conseillé [[Alexis Remi]] de mettre son fils en établissement catholique à la suite d'une année scolaire plutôt médiocre. Le jeune garçon est, à son grand désespoir placé au sein de la troupe scoute du collège Saint-Boniface de Bruxelles. Dès lors, l'environnement ultracatholique et scout ne le quittera plus jusqu'aux années [[1950]]<ref name="SADOUL_2003">N. Sadoul (2003), ''op. cit.''</ref>. |
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Quant à Élisabeth Dufour, d'origine [[Flandre (Belgique)|flamande]], elle est née dans le [[Marolles (Bruxelles)|quartier des Marolles]] à Bruxelles{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=29-30}}, ce qui fait dire plus tard à Georges Remi, son père étant [[Wallonie|wallon]] : {{Citation|Je suis un Belge synthétique{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=24}}}}. Après la naissance de Georges, sa famille ne cesse de déménager. Le {{Date-|26 juin 1908}}, ils s'installent au {{Numéro|34}} de la {{Nobr|rue de Theux}} à Etterbeek, chez les parents d'Élisabeth, Joseph Dufour (1853-1914), ancien plombier, et Antoinette Roch (1854-1935){{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=29-30}}. De santé fragile, la jeune mère est victime d'une rechute de [[pleurésie]] durant l'hiver 1909-1910{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=28}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=29-30}}. Bien que souvent absent pour des raisons professionnelles qui l'amènent à voyager en France et en Italie, Alexis Remi est très affectueux et protecteur envers son épouse{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=29-30}}. |
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Après avoir fait sa [[communion]], le jeune garçon entre à l'[[Institut Saint-Boniface-Parnasse|Institut Saint-Boniface]] de Bruxelles dirigé par l'abbé Pierre Fierens ; il est âgé de 13 ans ([[1920]]). Malgré une légende tenace répandue par Hergé lui-même, l'élève se montre excellent dans toutes les matières (sauf en dessin)<ref>[http://www.tintin.free.fr/biographie/?choix=enfance Le Monde de Tintin]</ref>{{,}}<ref name="peeters p10" />. Au dernier trimestre, le prix de dessin ne lui est pas décerné au grand dam de ses camarades et le professeur de dessin répond : |
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Une friction familiale conduit le couple à s'installer le {{Date|12 janvier 1912}} au {{Numéro|57}} de l'avenue Jules Malou, dans la même commune<ref name="place tintin">{{Lien web |titre=Une place Hergé à Etterbeek |url=https://www.tintin.com/fr/news/5393/une-place-herge-a-etterbeek |site=tintin.com |éditeur=[[Tintinimaginatio]] |date=29 mai 2019 |consulté le=26 février 2023}}.</ref>, mais le loyer trop élevé les oblige à revenir rue de Theux, cette fois au {{Numéro|91}}, pour la naissance de leur deuxième enfant, Paul Léon Constant Remi, le {{Date-|26 mars 1912}}<ref name="place tintin" />. |
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{{Citation bloc|...Bien sûr, Remi mérite mieux ! Mais il fallait dessiner des épures, des prismes et autres objets avec ombre portée… Chez ce garçon, un autre dessin est inné ! Ne vous en faites pas, on en reparlera...|Abbé Proost, professeur de dessin de Georges Remi (1924)<ref>B Peeters (1987), ''op. cit.'', p. 19.</ref>.}} |
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==== Enfance, entrée à l'école et occupation de la Belgique (1907-1918) ==== |
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En [[1918]], Georges Remi avait rejoint les « Boy-Scouts de Belgique » (organisme laïque),La {{1re}} Troupe du Groupe Honneur,. Il devient rapidement chef de la patrouille des « Écureuils » et reçoit le nom [[totem (scoutisme)|totémique]] de « Renard curieux »<ref name="peeters p10" />. avant de les abandonner en [[1921]] pour la « Troupe Saint-Boniface » du collège. Le jeune garçon vit ce changement avec beaucoup de tristesse<ref name="peeters p10" />. Durant le début des années 1920, l'adolescent prend plaisir dans le scoutisme qu'il considère comme la grande affaire de sa jeunesse. À l'époque, Georges Remi poursuit ses croquis, notamment lors des camps d'été (en [[Autriche]], en [[Suisse]], en [[Italie]], dans les [[Pyrénées]]), et en fait paraître à partir de [[1921]] dans les revues du collège ''Jamais Assez'' puis ''Le Boy-Scout''<ref group="N">Le Jamais Assez est créé par l'abbé Helsen le 8 février 1921, c'est au départ un bimensuel de quatre pages dont l'en-tête est réalisé par le dessinateur Pierre Ickx. On possède des croquis des camps, de personnes qu'il rencontre sur place, de paysages alpestres signés Georges Remi. B. Peeters (1987), ''op. cit.'', {{p.|12-17}}. [http://www.bellier.org/chronologie.htm Extrait du numéro 14 du 10 février 1922 dont l'en-tête est signé P.X. (Ickx) et les dessins du dessous G. Remi.]</ref>. Enfin, suite à ses cours d'anglais et à sa passion pour le scoutisme, le jeune Remi est fasciné par l'Amérique des cow-boys et des indiens comme le prouvent ses cahiers de l'époque qui fourmillent de visages qu'il commence à signer « Hergé » (Remi Georges) ([[1924]])<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=10, 22-23}}</ref>. Au même moment, à l'occasion de la fête de l'aumônier Hansen, le créateur de la troupe scoute, il est choisi pour dessiner une vaste fresque sur un mur du collège Saint-Boniface (vers [[1922]]). Redécouverte par hasard en [[2007]] : elle est composée d'une scène de chevaliers en armure, de cow-boys et d'indiens<ref>{{en}} [http://entertainment.timesonline.co.uk/tol/arts_and_entertainment/visual_arts/article2741053.ece La fresque du collège Saint-Boniface (article du Times)]</ref>{{,}}<ref> P. Assouline (1996), ''op. cit''., {{p.|23}}.</ref>. Lorsque le jeune Hergé retourne auprès de ses parents, c'est pour se rendre en famille au bord de la mer à [[Ostende]] avec la famille van Cutsem (étés 1923, 1924 et 1925)<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|66}} et 87.</ref>. |
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[[Fichier:École numéro 3 Ixelles (décembre 2019).jpg|vignette|alt=Photographie d'un bâtiment vu depuis la rue, avec un porche en pierre.|La première école fréquentée par Hergé, à [[Ixelles]].]] |
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De son enfance, Hergé semble garder un souvenir terne : |
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{{Citation bloc|Tout à fait quelconque mon enfance. Dans un milieu très moyen, avec des évènements moyens, des pensées moyennes. Pour moi, le « vert paradis » du poète a été plutôt gris. […] Mon enfance, mon adolescence, le scoutisme, le service militaire, tout était gris. Une enfance ni gaie, ni triste, mais plutôt morne{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=95}}.}} |
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Les entretiens que livre l'auteur au cours de sa carrière laissent entrevoir l'étroitesse d'esprit, voire l'inculture de son milieu familial, tout autant qu'un manque d'affection. Bien qu'il les décrive comme des parents {{Citation|très bons}}, Hergé reconnaît qu'ils étaient peu expansifs et que les échanges entre eux étaient limités, voire {{Citation|laconique[s]}}<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Dominique de Wespin |titre=Teilhard, Béjart, Hergé, trois hommes pour une vie |lieu=Lasne |éditeur=Agendart |année=1993 |passage=176}}.</ref>. Sa mère, qui souffre progressivement de dépression puis de problèmes psychiatriques<ref name="folie">{{Chapitre |auteur1=[[Philippe Goddin]] |titre chapitre=Hergé ou la vie en clair-obscur |sous-titre chapitre=Rêve, voyance, hypnose, radiesthésie, télépathie, extraterrestres, superstitions, sociétés secrètes, folie… |titre ouvrage=Tintin et les forces obscures |lieu=Paris |éditeur=[[Historia (revue)|Historia]] ([[Sophia Publications]]), [[Le Point]]|année=2013|mois=octobre|jour=5|pages totales=130|isbn=979-10-90956-18-6|passage=120-125}}.</ref>, demeure assez distante de lui{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=44}}. Si Hergé assure que son enfance était {{Citation|exempte de grands malheurs}}<ref>{{Chapitre |auteur1=Frédéric de Lys |titre chapitre=Entretien avec Hergé |titre ouvrage=Des hommes derrière des noms |éditeur=Delta |année=1978}}.</ref>, son biographe [[Benoît Peeters]] affirme qu'il aurait subi un [[Abus sexuel sur mineur|abus sexuel]] de la part d'un de ses oncles, de dix ans son aîné{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=44}}{{,}}<ref group="alpha">Benoît Peeters appuie cette thèse de plusieurs sources familiales, mais reconnaît {{Citation|qu'en l'absence de documents ou de témoignages directs, la prudence doit rester de mise}}. Il estime cependant que le refoulement d'un tel traumatisme expliquerait le sentiment de dégoût qu'Hergé attribue à son enfance, de même que le caractère asexué et antifamilial de son œuvre. Voir {{Harvsp|Peeters|2011|p=44-45}}.</ref>. |
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=== La première carrière de dessinateur (1925-1929) === |
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==== L'entrée au ''Vingtième Siècle'' et les aventures de Totor ==== |
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Selon ses propres mots, le petit Georges est un enfant insupportable, {{Citation|particulièrement lorsque ses parents l'emmenaient en visite}}. L'un des remèdes les plus efficaces est de lui fournir alors un crayon et du papier{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=10}}. L'un de ses premiers dessins connus, exécuté en 1911{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=32}}, est une image narrative{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=17}} qui figure au dos d'une carte postale et représente au crayon bleu un train à vapeur, un garde-barrière et une automobile, tous trois parfaitement reconnaissables{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=33}}{{,}}{{Sfn|id=chronologie1|texte=Chronologie d'une œuvre, {{T.|1}}|p=11}}. Dans ses premières années, sa mère l'emmène chaque semaine au [[cinéma]], mais la naissance de son frère cadet, Paul, bouleverse son quotidien, lui qui avait été élevé jusque-là comme un enfant unique. Les deux frères, de caractères très opposés, ne seront jamais proches{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=31-33}}. |
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{{Article détaillé|Totor}} |
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Le {{Date-|29 septembre 1913}}, Georges, âgé de {{Nobr|6 ans}}, entre en première préparatoire à l'[[Athénée (école)|Athénée]] d'[[Ixelles]], un établissement laïc et payant jouissant d'une très bonne réputation et où le jeune garçon obtient d'excellents résultats{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=31-33}}, étant classé {{3e}} sur 25<ref name="springael" />. À peine l'année scolaire est-elle terminée que la Belgique est [[Occupation allemande de la Belgique pendant la Première Guerre mondiale|occupée]] par l'armée allemande de [[Guillaume II (empereur allemand)|Guillaume II]], après le déclenchement de la [[Première Guerre mondiale]]. Son oncle Léon est mobilisé sur le front de l'[[Yser]] dès la fin {{Date-|août 1914}} ; il en reviendra, après quatre ans de combats, décoré de la [[croix de guerre (Belgique)|croix de guerre]] avec palmes{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=47-52}}. |
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Durant les années 1920, les réalisations d'Hergé restent encore très modestes. Bien qu'il illustre des articles et des couvertures de mensuels de gags scouts, la technique reste maladroite : par exemple, en avril [[1925]], il croque pour le ''Blé qui lève'' quatre dessins sur les « plaisirs du vélo » où un cyclotouriste regonfle son pneu tellement fort qu'il le fait exploser…<ref>Cette petite série pour la rubrique ''Carnet du Vieux Scout'' est considérée comme le premier strip d'Hergé. [http://www.bellier.org/chronologie.htm Représentation du strip sur www.bellier.org]</ref>. Au même moment, son chef de troupe René Weverbergh lui offre pour la Saint-Georges, un ouvrage intitulé ''Anthologie d'Art'' pour perfectionner son coup de crayon<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|92}}.</ref>. Ses études secondaires terminées, Hergé cherche désormais du travail. Lors d'une réunion scoute, l'abbé Wathiau lui propose un poste d'employé au ''Vingtième Siècle''. Acceptant l'offre, il est engagé à partir du {{date|31|octobre|1925}} : |
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Entretemps, la santé d'Élisabeth décline de nouveau. La famille Remi suit les conseils de son médecin et déménage à la campagne, au {{Numéro|124}} rue du Tram à [[Watermael-Boitsfort]], dans la banlieue sud de Bruxelles<ref name="springael" />{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=34-36}}. La famille n'y reste que quelques mois et revient finalement à Etterbeek{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=34-36}}. En {{Date-|septembre 1914}}, Georges Remi intègre l'école {{Numéro|3}} d'Ixelles, un établissement gratuit où il effectue la suite de sa scolarité primaire{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=34-36}}. Il dessine parfois dans le bas de ses cahiers des histoires imagées qui racontent les démêlés d'un petit garçon avec l'occupant allemand{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=10}} : |
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{{Citation bloc|Mon travail consistait surtout à inscrire le nom des nouveaux abonnés sur des formulaires spéciaux (…) à envoyer par la poste, et à établir un fichier.|Interview d'Hergé<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., p. 97-98.</ref>.}} |
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{{Citation bloc|Un jour, un élève m'a pris un dessin et l'a montré au professeur. Celui-ci l'a regardé avec une moue méprisante, et m'a dit : {{citation|Il faudra trouver autre chose pour vous faire remarquer !}} Parfois l'instituteur, me voyant occupé à griffonner et me croyant distrait, m'interpellait brusquement : {{citation|Remi !… Répétez donc ce que je viens de dire !}} Et déjà il ricanait méchamment dans sa barbe. Mais son visage exprimait généralement un profond étonnement lorsque, tranquillement, sans hésiter, je répétais ce qu'il venait de dire. Car si je dessinais d'une main, eh bien, j'écoutais attentivement de l'autre !|Hergé, interview{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=49}}.}} |
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L'état de santé d'Élisabeth s'améliorant, la famille Remi revient s'installer définitivement en {{Date-|août 1917}} au {{Numéro|34}} rue de Theux à Etterbeek{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=48}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=34-36}}. Ce quartier, entouré de champs et de terrains vagues, est un terrain de jeu idéal pour Georges Remi qui passe son temps libre à jouer dans la rue avec ses camarades de classe{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=34-36}}. |
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[[Fichier:LindberghStLouis.jpg|thumb|150px|left|[[Charles Lindbergh]] traverse l'Atlantique en avion (1927).]] |
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==== Études secondaires et scoutisme (1918-1925) ==== |
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Le journal est dirigé par l'autoritaire abbé [[Norbert Wallez]] ([[1882]]-[[1952]]) dont la ligne éditoriale est ultracatholique et nationaliste. C'est d'ailleurs l'administrateur du ''Boy-Scout belge'', le journal du collège, René Weverbergh qui présenta le jeune Georges à l'abbé [[Norbert Wallez]], le directeur du ''Vingtième Siècle'' ([[1925]]). L'ecclésiastique se révéla alors à un jeune garçon qui n'avait aucune assurance et qui s'autocritiquait sans cesse. Plus tard, Hergé avoua que Wallez avait profondément influencé sa philosophie, sa personnalité et même sa vie conjugale puisque c'est lui qui lui présenta sa secrétaire Germaine Kieckens au dessinateur<ref name="SADOUL_2003"/>. Or, le directeur du ''Vingtième Siècle'' est un ultracatholique fasciste vouant un véritable culte à Mussolini dont il avait un portrait dans son bureau. Au début des années 1930, Église et anticommunisme se confondaient en Belgique et Tintin, que lui avait commandé l'abbé, devint tout naturellement un jeune reporter catholique sauveur du peuple russe contre la barbarie soviétique…<ref name="SADOUL_2003"/> |
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Le {{Date-|7 octobre 1919}}, il entre à l'École supérieure {{Numéro|11}} d'Ixelles, un établissement qui doit le préparer à entrer dans la vie active{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=37-39}}. À l'occasion du premier anniversaire de l'[[Armistice de 1918|Armistice]] en [[novembre 1919]], il compose au [[tableau noir]] une vaste fresque patriotique avec des craies de couleur, dans laquelle les soldats belges infligent une défaite cuisante aux Allemands, ce qui émeut son professeur de dessin, monsieur Stoffijn, dit « {{Nobr|Fine-Poussière}} », qui a pourtant l'habitude de lui attribuer des notes en dessous de la moyenne alors que Georges passe auprès de ses camarades pour un dessinateur doué{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=17}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=31}}{{,}}{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=19}}. La même année, il découvre le [[Scoutisme en Belgique|scoutisme]] aux Boy-Scouts Belges, une troupe laïque{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=37-39}}. |
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[[Fichier:Batiment central.JPG|vignette|gauche|alt=Vue d'ensemble d'un bâtiment scolaire à plusieurs étages, vu depuis la cour.|L'[[Institut Saint-Boniface Parnasse|Institut Saint-Boniface]], où Hergé est élève de 1920 à 1925.]] |
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Hergé continue de publier en parallèle pour la revue du ''Boy-Scout'' des planches de gags<ref>[http://www.objectiftintin.com/whatsnew_tintin_1102.lasso Objectif Tintin, L'abbé Wallez]</ref>. Dans le numéro de juillet 1926, la double page centrale propose ''Les Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons, un grand film comique d'United Rovers''. La suite des aventures de ce scout débrouillard, souvent reconnu comme l'ancêtre de [[Tintin]], se déroule en août-septembre à [[Manhattan]]. Cependant, le dessinateur est appelé au service militaire le 16 août : il est affecté à la {{4e}} Compagnie du {{1er}} Régiment de Chasseurs à pied à [[Mons]] alors qu'il avait demandé la cavalerie ! Totor qui devait réapparaître dans le ''Boy-Scout'' à l'automne 1926, ne fera sa réapparition qu'en février 1927 à partir de la septième planche<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|104-105}}.</ref>. Conscients du talent de leur fils, les parents de Georges Remi se décident finalement à l'inscrire à l'école Saint-Luc, en vain : |
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À la suite d'une année scolaire plutôt médiocre, le patron d'Alexis Remi lui conseille fortement de placer son fils dans un établissement scolaire catholique. Après avoir effectué sa [[communion solennelle]] à l'église Sainte-Gertrude d'Etterbeek, Georges Remi entre en 1920 à l'[[Institut Saint-Boniface Parnasse|Institut Saint-Boniface]] de Bruxelles, dirigé par l'abbé Pierre Fierens{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=37-39}}. Il intègre également la troupe scoute de l'établissement{{Sfn|Goddin|Scaillet|2012|p=19}}, membre de l'[[Les Scouts - Fédération Les Scouts Baden-Powell de Belgique|Association des scouts Baden-Powell de Belgique]], ce qui est un déchirement pour lui tant il était attaché aux camarades de sa première troupe{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=37-39}}{{,}}{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=24}}. Il évolue dès lors dans un milieu traditionaliste et [[Catholicisme|catholique]], très ancré à [[Droite (politique)|droite]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=37-39}}, et devient rapidement chef de la patrouille des « Écureuils », recevant le nom [[totémisation|totémique]] de « Renard curieux »{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=10}}{{,}}{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=17}}. L'adolescent prend plaisir dans cette activité et se reconnaît dans ses valeurs{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=39-40}}. Pendant l'été 1922, sa troupe parcourt à pied la [[Suisse]], les [[Dolomites]] et le [[Tyrol]], puis se rend l'année suivante dans les [[Pyrénées]], des voyages qui marquent durablement Georges Remi{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=39-40}}. |
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{{Citation bloc|J'y suis allé un soir à l'école Saint-Luc, mais comme on m'y avait fait dessiner un chapiteau de colonne de plâtre et que ça m'avait ennuyé à mourir, je n'y suis plus retourné.|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul, ''Entretiens avec Hergé'', Casterman, 1983.</ref>.}} |
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Sur le plan scolaire, il est un élève brillant qui reçoit chaque année le prix d'excellence. En {{Date-|juillet 1925}}, il achève ses études secondaires à la première place, obtenant paradoxalement son plus mauvais résultat en dessin{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=34-35}}{{,}}{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=10}}. Son professeur l'abbé Proost justifie de ne pas lui attribuer le prix de dessin en expliquant à ses camarades : {{Citation|bien sûr, Remi mérite mieux ! Mais il fallait dessiner des épures, des prismes et autres objets avec ombre portée… Chez ce garçon, un autre dessin est inné ! Ne vous en faites pas, on en reparlera}}<ref>{{Article |auteur1=André Buisseret |titre=Notre Hergé |périodique=Revue de Saint-Boniface-Parnasse |numéro=111 |mois=juin |année=1983}}.</ref>. Hergé et sa famille n'ont pas vécu au [[26, rue du Labrador]], {{Incise|adresse fictive de Tintin}}, mais dans un quartier à cheval entre [[Ixelles]] et [[Etterbeek]]{{Sfn|Guérin|2024|p=59}}, au 97 rue de l'Orient{{Sfn|Guérin|2024|p=58}} et sa grand-mère Antoinette Roch vivait à quelques pas dans la même rue{{Sfn|Guérin|2024|p=58}}. |
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Cette surcharge de travail quotidien empêche le jeune Remi de poursuivre sa relation avec Marie-Louise van Cutsem « Milou »<ref>[http://users.skynet.be/tintinpassion/HERGE/Herge-pages/00_HergeBio.html Hergé biographie]</ref>. Fin avril 1927, Georges Remi fait la connaissance de Germaine Kieckens, employée dans une fabrique d'écrins à Bruxelles. Il l'invite le week-end suivant à l'aérodrome de Bruxelles où il est chargé avec sa compagnie de surveiller l'avion de [[Charles Lindbergh]] en visite en Belgique après son exploit aérien<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|108}}.</ref>. En parallèle, Hergé accepte la proposition de l'abbé Wallez d'illustrer trois récits de René Verhaegen, aide-comptable au journal, dans la rubrique « Le Coin des petits » : « Une petite araignée de voyage » (novembre 1926-janvier 1927), « Popokabaka » ({{1er}} mars-26 juillet 1927) et « La Rainette » (2 août-25 octobre 1927)<ref>B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|102}}.</ref>. |
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==== La passion du dessin ==== |
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Durant sa scolarité, Georges Remi recouvre ses cahiers de dessins et de croquis. Tout est prétexte pour lui à dessiner et c'est en autodidacte qu'il se forme{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=47-48}}. Il consigne ses observations sur le papier et chaque sortie de la troupe scoute est pour lui comme un reportage{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=21}}. Il est également fasciné par l'Amérique des [[cow-boy]]s et des [[Amérindiens aux États-Unis|Indiens]], et pendant l'automne 1922, à l'occasion de la fête de l'aumônier Hansen, le créateur de sa troupe scoute, il dessine une vaste [[fresque]] sur un mur de l'[[Institut Saint-Boniface Parnasse|Institut Saint-Boniface]]{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=37}} qui reprend ce thème, de même que des chevaliers en armure<ref name="fresque" />. Cette œuvre est classée en 2022 au [[Patrimoine culturel en Belgique|patrimoine remarquable]] de Belgique<ref name="fresque">{{Lien web |titre=Ixelles: les fresques d’Hergé dans l’ancien local scout classées (photos) |url=https://www.lavenir.net/regions/2022/02/17/ixelles-les-fresques-dherge-dans-lancien-local-scout-classees-photos-VF3HOXYEIJAX3JT3X7GDROV5YY/ |site=[[L'Avenir (Belgique)|L'Avenir]]|date=17 février 2022 |consulté le=28 février 2023}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=Les fresques d’Hergé désormais classées au patrimoine remarquable |url=https://www.tintin.com/fr/news/5760/les-fresques-dherge-desormais-classees-au-patrimoine-remarquable |site=tintin.com |éditeur=[[Tintinimaginatio]] |date=22 février 2022 |consulté le=28 février 2023}}.</ref>. |
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Dès 1922, certains de ses dessins font l'objet d'une publication dans le bimensuel ''Jamais Assez''<ref group="alpha">Le ''Jamais Assez'' est créé par l'abbé Helsen le {{Date-|8 février 1921}}. C'est au départ un bimensuel de quatre pages dont l'en-tête est réalisé par le dessinateur [[Pierre Ickx]]. Georges Remi y publie des croquis des camps, de personnes qu'il rencontre sur place ou de paysages alpestres. Voir {{Harvsp|Peeters|1987|gr=i|p=12-17}}.</ref>, revue de la troupe de Saint-Boniface dont le tirage est limité aux scouts du collège{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=19}}. À l'initiative de [[René Weverbergh]], il rejoint ensuite l'équipe d'illustrateurs du ''Boy-Scout'', la revue mensuelle des [[Scoutisme en Belgique|Belgian Catholic Scouts]]{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=19}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=11}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=37}}. C'est dans ce périodique qu'il signe pour la première fois, en {{Date-|décembre 1924}}, « Hergé », en inversant ses initiales{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=37}}. |
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{{Article détaillé|Le Petit Vingtième}} |
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[[Fichier:Cardinal Mercier poster (French).jpg|vignette|alt=Texte écrit en rouge et noir sur une affiche jaunie, surmonté du portrait dessiné d'un ecclésiastique. Texte : Cardinal Mercier. Le Cardinal supplie l'Administration Alimentaire de venir en aide de suite, en expédiant plus de vivres et d'aliments, aux millions de pauvres affamés sur le point de mourir de faim. Par conséquent, consommez moins de pain, de viande, de graisse et de sucre. Augmentez autant que possible vos envois aux malheureuses victimes de la guerre, en France, en Belgique, en Italie.|Appel du [[Désiré-Joseph Mercier|cardinal Mercier]], en 1917.]] |
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Acquitté de son service militaire, Hergé est chargé par l'abbé Wallez des tâches d'illustrateur et de reporter-photographe. Son « amie » Germaine est embauchée au ''Vingtième Siècle'' le {{date|15|février|1928}} comme secrétaire de l'abbé Wallez<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|113}}.</ref>. Satisfait du travail d'Hergé, ce dernier lui confie la responsabilité du nouveau supplément hebdomadaire destiné à la jeunesse pour agrandir le nombre de lecteurs : ''Le Petit Vingtième''<ref>http://www.objectiftintin.com/whatsnew_tintin_1102.lasso Objectif Tintin, L'abbé Wallez</ref>. Poussé par Wallez, Hergé s'instruit en dévorant de nombreux ouvrages afin de donner plus de précisions à ses illustrations. Le premier numéro du ''Petit Vingtième'' paraît le {{1er novembre}} 1928 mais se montre aux yeux du public assez décevant<ref>[http://www.bellier.org/petits%20vingtiemes/pv1928.htm Les premières unes du Petit Vingtième (année 1928)], {{harvsp|Peeters|1983|p=13-14}}</ref>. L'artiste y propose dans un premier temps « Les aventures de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet », une série qui raconte l'histoire de trois jeunes adolescents et d'un porc connaissant diverses aventures, sur un scénario de l'abbé Desmedt, un rédacteur sportif du journal. L'histoire se déroule sur un fond colonialiste et proclérical, toujours en vogue à l'époque, en particulier lorsque les enfants, prisonniers dans un village de « cannibales », sont sauvés par la bienveillance d'un missionnaire catholique. Hergé est peu motivé mais la série se poursuit jusqu'en mars [[1929]]<ref group="N">On fête en 1927 le cinquantième anniversaire de la découverte du [[Congo belge|Congo]] par [[Henry Morton Stanley|Stanley]] à l'occasion d'un raid aérien Belgique-Congo par Edmond Thieffry. Cette histoire ressemble étrangement au cadre de ''Tintin au Congo'' réalisé deux ans plus tard.[http://www.bellier.org/flup%201928/vue15.htm Illustration des Aventures de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet automne-hiver 1928]</ref>. |
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Au début de l'été 1923, Hergé fonde l'« Atelier de la Fleur de Lys » avec [[Pierre Ickx]], un dessinateur plus âgé que lui{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=33}}. Il en rédige le manifeste théorique qu'il publie dans ''Le Boy-Scout''<ref>{{Chapitre |auteur1=[[Luc Révillon]] |titre chapitre=Cœur Pur et le démon de midi |auteurs ouvrage=Jean-Patrice Boudet, [[Philippe Faure (historien)|Philippe Faure]] et [[Christian Renoux]] (dir.)|éditeur=[[Presses universitaires de Rennes]]|année=2011|collection=Histoire|isbn=9782753513884|passage=287-302|lire en ligne=https://books.openedition.org/pur/121500?lang=fr |titre ouvrage=De Socrate à Tintin |sous-titre ouvrage=Anges gardiens et démons familiers de l'Antiquité à nos jours}}.</ref>. Dans le même temps, il commence à publier des illustrations dans ''Le Blé qui lève'', l'hebdomadaire des avant-gardes de l'[[Action catholique de la jeunesse belge]]{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=33}}. Cette association s'inscrit dans le mouvement initié par le pape [[Léon XIII]] et poursuivi par le [[Désiré-Joseph Mercier|cardinal Mercier]] dont l'objectif est de relancer l'enthousiasme religieux qui commence à péricliter au sein de la société belge et plus largement européenne{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=57-59}}. En {{Date-|avril 1925}}, il réalise pour cette revue une bande de quatre dessins sur les {{citation|plaisirs du vélo}} où un cyclotouriste regonfle son pneu tellement fort qu'il le fait exploser{{Sfn|id=chronologie1|texte=Chronologie d'une œuvre, {{T.|1}}|p=100}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=11-12}}. D'après [[Philippe Goddin]], il s'agit de la première [[bande dessinée]] d'Hergé au sens strict du terme dans la mesure où {{Citation|la séquence proposée se révèle parfaitement close}}{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=49}}. |
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{{Citation bloc|Je me sentais comme dans un costume mal coupé qui me gênait aux entournures.|Interview d'Hergé<ref>P. Assouline (1996), ''op. cit.'', p. 34.</ref>.}} |
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Quelques mois plus tôt, en {{Date-|janvier 1925}}, ''Le Boy-Scout'' publie son premier enchaînement d'illustrations{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=11}} : il s'agit d'un gag en deux images, intitulé ''L'Appel du clairon'', qui montre de jeunes scouts plus empressés de déguster leur soupe que d'effectuer leur corvée d'épluchures. Dans cette courte séquence, le dessinateur innove par l'emploi de [[Phylactère (bande dessinée)|phylactères]]{{Sfn|id=chronologie1|texte=Chronologie d'une œuvre, {{T.|1}}|p=88}}{{,}}{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=45-47}}. Parmi ses autres réalisations figurent de nombreuses têtes de rubriques, des illustrations de contes, de petits gags, ainsi que l'emblème de la Jeunesse indépendante catholique (JIC), constitué d'un aigle noir tenant le bouclier armorié {{Abréviation discrète|JIC|Jeunesse indépendante catholique}}{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=57-59}}. La même année, René Weverbergh lui offre un ouvrage intitulé ''Anthologie d'Art'' afin qu'il perfectionne son coup de crayon{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=92}}. |
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Cette année-là, Bruxelles accueille une exposition sur la Russie bolchevique. Les employés du ''Vingtième Siècle'', ultra-catholiques et anticommunistes sont indignés par cette exposition située à quelques pas de leur bureau. L'un d'eux, le comte Perovsky, est un ancien [[Armées blanches|Russe blanc]] réfugié en Belgique après la [[Guerre civile russe|guerre civile de 1918-1921]]. Une centaine d'étudiants nationalistes dirigés par [[Léon Degrelle]] met à sac l'exposition à la grande joie de l'abbé Wallez<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|112}}.</ref>. |
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À la fin de ses [[humanités]], Georges Remi n'envisage pas de faire des [[Enseignement supérieur en Belgique|études supérieures]], tout comme ses parents considèrent qu'il est temps pour lui de trouver un métier{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=52-54}}. L'été 1925 marque non seulement la fin de ses études mais aussi une profonde blessure sentimentale, causée par sa rupture avec Marie-Louise van Cutsem, surnommée {{citation|Milou}}. Les deux adolescents, amis depuis l'enfance<ref group="alpha">En {{Date-|mars 1918}}, Georges Remi avait croqué dans le cahier de poésie de son amie un dessin à l'[[encre de Chine]] et à l'[[aquarelle]] représentant un coq qui apostrophe un lapin face à un œuf brisé (Goddin 2007 page53).</ref> car leurs familles se fréquentent et passent certaines de leurs vacances ensemble en bord de mer à [[Ostende]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=52-54}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=66, 87}}, avaient entamé une relation amoureuse pendant l'été 1924. Le père de Marie-Louise, un décorateur de renom qui travaille notamment pour [[Victor Horta]], voit leur union d'un mauvais œil : il s'oppose à leurs fiançailles et exige que sa fille rompe avec un garçon qu'il juge sans avenir{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=52-54}}. |
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Enfin, pour donner plus de clarté à ses dessins, l'artiste abandonne le dessin artisanal du XIX{{e}} siècle et adopte la nouvelle technique de la [[photogravure]], technique simple mais efficace (traitement des plaques à l'acide). Pressentant le talent et la personnalité du jeune dessinateur, l'abbé Wallez est le premier à lui donner le coup de pouce décisif : |
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=== Première carrière de dessinateur (1925-1929) === |
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{{Citation bloc|L'abbé Wallez a eu sur moi une énorme influence, pas du point de vue religieux, mais il m'a fait prendre conscience de moi-même, il m'a fait voir en moi|Interview d'Hergé<ref name="sadoul">N. Sadoul (1983), ''op. cit.''</ref>.}} |
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==== Entrée au ''Vingtième Siècle'', début des aventures de Totor dans ''Le Boy-Scout'' (1925-1926) ==== |
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Ses études secondaires terminées, Hergé cherche désormais du travail. Sur la recommandation de l'abbé Armand Wathiau, directeur de l'[[Institut Saint-Boniface Parnasse|Institut Saint-Boniface]], il rencontre la direction du ''[[Le Vingtième Siècle (quotidien)|Vingtième Siècle]]'' qui lui propose un poste d'employé{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=12}}. Ce journal [[Bruxelles|bruxellois]], dirigé par l'abbé [[Norbert Wallez]], est résolument [[Conservatisme|conservateur]] et se définit d'ailleurs comme un « journal catholique de doctrine et d’information »{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=65}}. Georges Remi est engagé à partir du {{Date|31 octobre 1925}} au service des abonnements du quotidien et son travail consiste principalement à inscrire le nom des nouveaux abonnés sur des formulaires spéciaux et à traiter du courrier{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=12}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=97-98}}. Dans le même temps, ses parents l'inscrivent aux cours de dessin de [[Institut Saint-Luc de Bruxelles|l'école Saint-Luc]], mais il n'assiste cependant qu'à un seul cours{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=54-55}}{{,}}{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=55}} : {{Citation|Le plâtre, ça ne m'intéressait pas : je voulais dessiner des bonshommes, moi, des choses vivantes ! Or, à l'époque et dans ce milieu catholique, il était exclu que je fisse du modèle vivant : le nu, c'était Satan, Belzébuth et compagnie{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=101}}.}} À cette époque, Hergé pratique également le théâtre avec ses amis Philippe Gérard et José de Launoit, au sein de la troupe des « Gargamacs », née de la fusion de deux groupes d'anciens scouts du collège Saint-Boniface{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=56}}. |
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[[Fichier:LindberghStLouis.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc d'un homme en blouson d'aviateur se tenant debout devant son avion, le Spirit of Saint Louis.|L'aviateur [[Charles Lindbergh]] en 1927.]] |
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==== Collaborations au ''Boy-Scout belge'' et à l'Action Catholique (1927-1929) ==== |
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{{Article détaillé|Les Aventures de Totor, C. P. des Hannetons}} |
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Son travail de {{Citation|gratte-papier}} au ''Vingtième Siècle'' le passionne peu{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=56}}. Hergé conserve néanmoins ses responsabilités d'illustrateur pour ''Le Boy-Scout'' et ''Le Blé qui lève'', et commence à publier des dessins dans ''L'Effort'', magazine de l'Association de la Jeunesse Étudiante Catholique. Ces divers travaux lui apparaissent comme une bouffée d'oxygène{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=55}}. Dans le numéro de {{Date|juillet 1926}} du ''Boy-Scout'', il fait paraître en pages centrales les premières planches des ''[[Les Aventures de Totor, C. P. des Hannetons|Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons]]'', un « grand film comique »{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=12-14}}. Il ne s'agit pas encore à proprement parler de [[bande dessinée]] dans la mesure où l'image en noir et blanc est quasiment dépourvue de phylactères, le texte étant placé sous les vignettes{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=12-14}}. |
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[[Fichier:Cardinal Mercier poster (French).jpg|thumb|Appel du [[Désiré-Joseph Mercier|cardinal Mercier]] (1917)]] |
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La suite des aventures de ce scout débrouillard, souvent reconnu comme l'ancêtre de [[Tintin]], connaît une série d'interruptions. Le {{Date-|16 août}}, le dessinateur est appelé au [[service militaire]], affecté à la {{4e|Compagnie}} du [[1er régiment de Chasseurs à Pied (Belgique)|{{1er}} Régiment de Chasseurs à pied]] à [[Mons]]. Candidat sous-lieutenant de réserve, il doit effectuer deux mois de plus que les simples soldats, et la vie de caserne l'ennuie profondément{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=58-59}}. Fin {{Date-|mai 1927}}, sa compagnie est réquisitionnée pour surveiller l'avion de [[Charles Lindbergh]], en visite en Belgique après son exploit aérien, à l'aérodrome de Bruxelles{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=108}}{{,}}<ref name="rime">{{Article |auteur1=Jean Rime |titre=Tintin face à l’actualité : la transposition de l’affaire Lindbergh dans Tintin en Amérique |périodique=[[Contextes (revue)|Contextes]] |numéro=24 |titre numéro=Pour une médiapoétique du fait divers. Le cas de l'affaire Lindbergh |année=2019 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/contextes/8281}}.</ref>. Bien qu'en permission ce jour-là, Hergé assiste à l'évènement qui le marque profondément, lui qui se passionne pour les symboles de la modernité que sont les avions<ref name="rime" />{{,}}<ref>{{Ouvrage |auteur1=José Miguel de la Viuda Sainz |titre=Hergé, Tintin et les avions |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]] |année=2018 |passage=5}}.</ref>. |
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En parallèle de son activité au ''Vingtième Siècle'', Hergé a préservé des rapports étroits avec ses camarades scouts et les abbés qu'il a côtoyés à Saint-Boniface. Au cours de l'année 1927, le ''Boy-Scout'' devient le ''Boy-Scout belge'', au sein duquel il continue à faire paraître, jusqu'en juillet [[1929]] et à raison d'une planche par mois, les aventures de Totor. En 1928, une publicité vante les articles de culture générale, de formation technique scoute, des événements du mois, de sciences naturelles, de nouvelles des troupes…<ref>B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|37-39}}.</ref> Hergé y dessine presque tout : la couverture de présentation qu'il modernise, les cartes postales, les illustrations d'articles. D'autre part, le dessinateur collabore aussi à diverses publications des mouvements d'[[Action catholique]]. Le rôle de ce mouvement, mis au point par [[Léon XIII]] et poursuivi par le [[Désiré-Joseph Mercier|cardinal Mercier]], est de relancer l'enthousiasme religieux qui commence à péricliter au sein de la société belge et plus largement européenne. Pour Hergé, il s'agit de réaliser les têtes de rubriques, d'illustrations de contes, de petits gags et aussi l'emblème de la Jeunesse Indépendante Catholique (JIC) : l'aigle noir tenant le bouclier armorié JIC<ref>B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|57-59}}.</ref>. Le {{date|16|décembre|1928}}, pour accroître davantage l'audience du quotidien, l'abbé Wallez lance un supplément « culturel » intitulé ''Le Vingtième Siècle Artistique et Littéraire''. Georges Remi est comme d'habitude chargé du dessin, il illustre des centaines de romans : ''Ilias'' de [[Léon Tolstoï]], ''La Belle Histoire de Geneviève'' d'[[Henri Lavedan]]… Durant cette période, l'artiste approfondit et précise son coup de crayon<ref>B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|115-118}}.</ref>. |
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Totor ne fait son retour dans le ''Boy-Scout'' qu'en {{Date-|février 1927}}, l'histoire reprenant à la septième planche{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=104-105}}. Sa publication est de nouveau interrompue au mois d'avril suivant et ne reprend qu'en {{Date-|décembre 1927}} dans ''Le Boy-Scout belge'', une nouvelle revue née de la fusion de deux magazines. Pour l'occasion, une douzaine d'illustrations qui résument les premiers épisodes accompagnent les nouvelles planches afin de permettre aux nouveaux lecteurs de comprendre l'histoire{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=12-14}}. Les ''Aventures de Totor'' s'achèvent finalement dans le numéro de {{Nobr|juin-juillet 1929}}, après un total de {{Nobr|21 épisodes}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=12-14}}. |
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=== Tintin et Milou au ''Petit Vingtième'' (1929-1931) === |
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==== Le goût pour la bande dessinée ==== |
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==== Dessins pour ''Le Vingtième Siècle'' et ses suppléments (1927-1928) ==== |
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{{Article connexe|Krazy Kat}} |
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[[Fichier:Bouckaert-weverbergh.jpg|vignette|alt=Photographie en noir et blanc de deux hommes souriants, se tenant côte à côte. Celui de droite porte un costume-cravate.|[[René Weverbergh]] (à droite) en 1935.]] |
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Libéré de ses obligations militaires, Hergé rencontre l'abbé [[Norbert Wallez]], directeur du ''[[Le Vingtième Siècle (quotidien)|Vingtième Siècle]]''. Il lui présente ses dernières productions, notamment les illustrations qu'il a réalisées pour le roman ''L'Âme de la mer'' de son ami Pierre Wessels, dit Pierre Dark, un ouvrage édité par [[René Weverbergh]], également membre de la rédaction du journal. Par ailleurs, il rappelle au directeur qu'il est l'auteur d'une illustration pour la marque de cirage Kortine, publiée une première fois dans les pages du quotidien le {{Date-|20 mars 1927}} avant d'être reproduite à de nombreuses reprises{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=77}}. Après plusieurs rencontres, Norbert Wallez lui propose une promotion et l'engage en qualité de [[reporter-photographe]] et dessinateur, à compter du {{Date-|22 août 1927}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=41}}{{,}}{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=81}}. C'est au ''Vingtième Siècle'' que le dessinateur fait la connaissance de Germaine Kieckens, embauchée comme secrétaire de l'abbé Wallez le {{Date-|15 février 1928}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=113}} et qui ne le laisse pas insensible{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=71}}. Il l'invite parfois à faire des promenades en barque et lui rend visite pendant ses vacances{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=71}}. |
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Hergé multiplie les contributions pour le journal, même si ses premiers travaux, plutôt ingrats, consistent en la réalisation de graphiques, de cartes didactiques ou de frises décoratives{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=65-67}}, toutes illustrations dépourvues de fantaisie{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=81}}. Il est bientôt chargé d'illustrer les pages du supplément culturel du quotidien, ''Le Vingtième Siècle Artistique et Littéraire'', ce dont il profite pour expérimenter de nouveaux instruments et de nouvelles techniques{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=115-118}}. Il met notamment en image des récits de [[Léon Tolstoï]], [[Selma Lagerlöf]], [[Maurice Genevoix]], [[Felix Salten]] ou [[Guido Milanesi]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=68-71}} et se perfectionne dans le [[lettrage]] et la composition{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=68-71}}. |
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[[Fichier:Krazy_Kat_panel.jpg|thumb|left|L'absurde ''Krazy Kat'' (1918)]] |
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En parallèle, Hergé accepte d'illustrer ''Une petite araignée voyage'', le récit de René Verhaegen, son ancien camarade de l'Institut Saint-Boniface{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=83}} publié dans la rubrique « Le Coin des petits » entre le {{Date-|17 novembre 1927}} et le {{Date-|12 janvier 1928}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=16-17}}. Les deux hommes poursuivent leur collaboration avec deux autres récits, ''Popokabaka'', l'histoire du voyage d'un souverain d'un petit peuple congolais qui paraît du {{Date-|{{1er}} mars}} au {{Date-|26 juillet 1928}}, puis ''La Rainette'', une histoire publiée du {{Date-|2 août}} au {{Date-|25 octobre}} de la même année{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=102}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=16-17}}. |
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À la fin des années 1920, Hergé découvre par l'intermédiaire de [[Léon Degrelle]], correspondant du ''Vingtième Siècle'' au [[Mexique]], la bande dessinée américaine « faisant sortir directement les paroles de la bouche des personnages ». Depuis la fin du XIX{{e}} siècle le ''[[comic strip]]'' est très populaire aux États-Unis et s'adresse avant tout aux enfants. Le tournant des années 1930 exporte le genre en Europe occidentale. Les séries américaines les plus célèbres sont ''[[Krazy Kat]]'' de [[George Herriman]] qui paraît dans ''The New York Evening Journal'' depuis [[1913]] ou encore les ''[[Pim, Pam et Poum|Katzenjammer Kids]]'' de [[Rudolph Dirks]] dans le ''New York Journal'' depuis [[1897]]. En France, le genre est déjà utilisé depuis peu par le dessinateur des aventures de [[Zig et Puce]] ([[1925]]), [[Alain Saint-Ogan]]. Jusqu'ici, les dessins de l'artiste belge n'étaient que de simples textes mis en images : désormais il va créer une véritable bande dessinée<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=14}}</ref>. Parallèlement, Hergé publie toujours dans d'autres revues : il dessine ainsi sept planches pour l'hebdomadaire satirique ''Le Sifflet'' avec en particulier, dans le numéro du {{date|30|décembre|1928}}, une histoire intitulée ''La Noël du petit enfant sage'' au contenu scatologique ; pour la première fois, Hergé y présente ses dialogues exclusivement au sein de [[phylactère|bulles]]<ref group="N">Le héros de ce récit dépose une assiette auprès du poêle en espérant que le Père Noël n'oublie pas d'apporter du pain d'épices. Son chien découvre plus tard le cadeau attendu en s'exclamant [[Contrepèterie|contrapétiquement]] « Joie ! Une pisse d'epain ! ». Après l'avoir mangé, il éprouve un besoin pressant, et ne pouvant faire sur le tapis, se soulage dans l'assiette. Son maître découvre au matin, stupéfait, « le crime du chien ». On remarquera que le personnage de cette histoire ressemble étrangement à Totor et au futur Tintin, la houppe en moins, et que le chien est un fox-terrier blanc semblable à ce que sera Milou. L'auteur cachera autant qu'il le pourra l'existence de ces récits politiquement incorrects qui ne seront exhumés qu'en [[1994]]. Volker Hamann, ''Hergé, Eine Illustrierte Bibliographie'', Ed. Alfons,Barmstedt, 2007, {{p.|7}}. ''[http://www.paulgravett.com/articles/071_clearline/071_clearline.htm Hergé & the clear line : part 1]'', Paul Gravett.</ref> À la fin de l'année 1928, songeant à abandonner l'histoire considérée comme « ennuyeuse » de « Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet », Hergé reprend le personnage de Totor, modifie son nom, lui adjoint un petit fox-terrier (« Milou », peut-être en référence à son ex-amie Marie-Louise van Cutsem ?) et lui donne un nouveau métier : celui de reporter. Mis au courant du projet, l'abbé Wallez, admirateur de [[Benito Mussolini|Mussolini]] et virulent anticommuniste, propose d'envoyer ce nouveau personnage, auquel les enfants sont invités à s'identifier, en [[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] pour y dénoncer les crimes qui y sont perpétrés<ref name="peeters p14-15">{{harvsp|Peeters|1983|p=14-15}}</ref> : dès ses origines, [[Tintin]] aura une fonction politique. |
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==== Création du ''Petit Vingtième'' (1928-1929) ==== |
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Satisfait de son travail, Norbert Wallez lui confie la responsabilité du supplément hebdomadaire destiné à la jeunesse que l'abbé veut lancer pour agrandir le nombre de ses lecteurs{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=109}}. ''[[Le Petit Vingtième]]'', dont le premier numéro paraît le {{Date-|{{1er}} novembre 1928}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=20}}, prend la forme d'un petit journal à détacher{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=109}}. En tant que [[rédacteur en chef]], Hergé sélectionne les articles et assure leur mise en page, mais il illustre également les titres de rubriques et divers récits{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=109}}. |
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Dès son lancement, ''[[Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet|L'Extraordinaire aventure de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet]]'', un récit scénarisé par le chroniqueur sportif et judiciaire du ''Vingtième Siècle'', Armand De Smet (qui signe sous le pseudonyme Smettini) et dont Hergé assure la réalisation graphique, occupe les pages centrales du supplément{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=20}}. L'histoire raconte les aventures de trois jeunes adolescents et d'un cochon gonflable, dont le cerf-volant s'accroche au train d'atterrissage d'un avion parti pour le [[Congo belge|Congo]]{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=20}}. Elle se déroule sur un fond [[colonialisme|colonialiste]] et proclérical très en vogue à l'époque, en particulier lorsque les enfants, prisonniers dans un village de [[Cannibalisme|cannibales]], sont sauvés par la bienveillance d'un [[Missionnaires d'Afrique|missionnaire catholique]]<ref group="alpha">On fête en 1927 le cinquantième anniversaire de la découverte du [[Congo belge|Congo]] par [[Henry Morton Stanley|Stanley]] à l'occasion d'un raid aérien Belgique-Congo par Edmond Thieffry. Cette histoire ressemble étrangement au cadre de ''Tintin au Congo'' réalisé deux ans plus tard.</ref>. La publication du récit s'étale pendant dix semaines, jusqu'au {{Date-|4 janvier 1929}}, pour un total de {{Nobr|20 planches}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=20}}, mais selon l'écrivain [[Benoît Peeters]], {{Citation|Le texte […] est d'une niaiserie absolue et le scénario […] est d'une désespérante platitude. Et les dessins d'Hergé, du reste non signés, sont aussi maladroits que bâclés}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=74-75}}. Hergé lui-même qualifie ce récit de {{Citation|fantaisiste mais consternant}}, et reconnaît son malaise dans l'exécution d'un travail narratif qui n'est pas le sien : {{Citation|Je me sentais comme dans un costume mal coupé qui me gênait aux entournures}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=34}}. Il prend d'ailleurs la liberté d'insérer des bribes de dialogue dans des phylactères et adapte à sa guise le texte livré par Smettini{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=111}}. |
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{{Article détaillé|Tintin au pays des Soviets}} |
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Georges Remi a toujours su s'adapter au contexte dans lequel il se trouvait. Au milieu des années 1920, il dessinait Totor, chef de patrouille comme lui. En [[1929]], devenu reporter au ''Petit Vingtième'', son nouveau héros devient naturellement reporter pour le même journal. Selon l'auteur lui-même, le visage de Tintin lui aurait été inspiré par son frère cadet Paul : le visage rond et la houpette, alors que d'autres voient une certaine ressemblance avec le jeune navigateur danois [[Palle Huld]], adepte des culottes de golf, qui fit le tour du monde en 1928<ref>[http://e.tintin.tk.free.fr/portraits.htm Une histoire de famille] et [http://www.culturclub.com/bdbulles/ligneeclair/ligne-eclair-0015_tintin-anniversaire_80-ans_1.html La Ligne Éclair, les 80 ans de Tintin]</ref>. Le {{date|10|janvier|1929}}, Tintin fait donc son apparition dans ''Le Petit Vingtième''. Hergé exécute et livre deux planches par semaine qui « enchaînent gags et catastrophes sans bien savoir où son récit l'entraîne »<ref name="peeters p14-15" />. Devant le choix de sa direction, profondément anticommuniste, d'envoyer Tintin en Russie soviétique ([[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]]), et ne pouvant se rendre sur les lieux de pérégrination de son personnage, Hergé s'inspire pour son histoire d'une source unique : le livre ''Moscou sans voiles'', paru sous la plume de Joseph Douillet en [[1928]]<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=26}}</ref>. Les caractères cyrilliques sont dessinés par son collègue le comte Perovsky<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|124}}.</ref>. Durant l'été 1929, le rappel d'Hergé sous les drapeaux lui inspire la présence d'une manœuvre militaire dans la série qu'on peut voir aux planches 56-57<ref>''Petit Vingtième'' {{numéro|39}} du {{1er}} août 1929 : [http://www.bellier.org/tintin%20chez%20les%20soviets/vue1.htm]. P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|126}}.</ref>. Le {{date|25|décembre|1929}} sort la première couverture de Tintin au ''Petit Vingtième'' en bichromie avec deux planches couleurs (100 et 101)<ref>[http://www.bellier.org/chronologie.htm]</ref>. L'hebdomadaire catholique français ''[[Cœurs vaillants]]'' reprendra dès octobre l'histoire, mais l'adaptera en y ajoutant des textes explicatifs, au grand dam d'Hergé<ref> P. Assouline (1996), ''op. cit''., chapitre 1.</ref>. Au terme des 138 planches ({{1er}} mai [[1930]]), les traits de Tintin se sont affirmés, passant des premiers dessins « du gros scout lourdaud et ridicule (…) au personnage que nous connaissons désormais. » L'aventure est assemblée dans un album publié à seulement {{formatnum:5000}} exemplaires<ref name="peeters p26-27">{{harvsp|Peeters|1983|p=26-27}}</ref>. Avant même la fin de la publication des planches, une fausse lettre de la [[Guépéou]] arrive au bureau de ''Petit Vingtième'', lui demandant de mettre un terme à l'activité du reporter virtuel : selon [[Benoît Peeters]], « il s'agit déjà d'accréditer l'existence de Tintin. »<ref name="peeters p26-27" /> |
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=== Tintin et Milou au ''Petit Vingtième'' (1929-1931) === |
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==== Les premiers succès d'Hergé ==== |
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==== Genèse de Tintin ==== |
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Parallèlement à ses travaux dans ''[[Le Petit Vingtième]]'', Hergé poursuit ses publications dans d'autres revues. C'est dans le numéro du {{Date-|30 décembre 1928}} du ''Sifflet'', un hebdomadaire dominical, satirique et catholique, qu'il publie ses deux premières véritables bandes dessinées, c'est-à-dire des histoires qui intègrent de manière récurrente des [[Phylactère (bande dessinée)|phylactères]] en lieu et place de légendes sous le dessin{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=21}}. Il en assure lui-même la conception, trouvant là l'opportunité d'adopter ses propres principes{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=125}}. Ces deux récits, ''Réveillon'' et ''La Noël du petit enfant sage'', prennent chacun la forme de quatre [[Bande (bande dessinée)|bandes]] réparties sur une [[Planche (bande dessinée)|planche]]{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=21-22}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=74-75}}{{,}}{{Note|groupe=alpha|texte=Le héros de ''La Noël du petit enfant sage'' dépose une assiette auprès du poêle en espérant que le Père Noël n'oublie pas d'apporter du pain d'épices. Son chien découvre plus tard le cadeau attendu en s'exclamant [[Contrepèterie|contrapétiquement]] {{citation|Joie ! Une pisse d'epain !}}. Après l'avoir mangé, il éprouve un besoin pressant, et ne pouvant faire sur le tapis, se soulage dans l'assiette. Son maître découvre au matin, stupéfait, {{citation|le crime du chien}}. On remarquera que le personnage de cette histoire ressemble étrangement à Totor et au futur Tintin, la houppe en moins, et que le chien est un fox-terrier blanc semblable à ce que sera Milou. L'auteur cachera autant qu'il le pourra l'existence de ces récits politiquement incorrects qui ne seront exhumés qu'en 1994<ref>{{Ouvrage |langue=de |auteur1=Volker Hamann |titre=Hergé, Eine Illustrierte Bibliographie |lieu=Barmstedt |éditeur=Alfons |année=2007 |pages totales=86 |passage=7 |isbn=978-3940216007}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |langue=en |auteur1=[[Paul Gravett]] |titre=Hergé and the clear line : part 1 |périodique=Comic Art Magazine |numéro=2 |mois=février |année=2003 |lire en ligne=http://paulgravett.com/articles/article/herge_the_clear_line}}.</ref>}}. Séduit par ces histoires qu'il juge plus vivantes, l'abbé [[Norbert Wallez]] propose à Hergé de reprendre les personnages de ''La Noël du petit enfant sage'' pour en faire les héros d'un nouveau récit à paraître dans ''Le Petit Vingtième'' et dont le dessinateur rédigerait lui-même le scénario{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=74-75}}. |
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Pour sa nouvelle histoire, Hergé affirme avoir créé son personnage principal en cinq minutes{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=62}}. Il reprend le personnage de [[Les Aventures de Totor, C. P. des Hannetons|Totor]], modifie son nom en [[Tintin]], lui adjoint un petit [[fox-terrier]] blanc, [[Milou]]<ref group="alpha">Selon de nombreux spécialistes, il est ainsi nommé en référence à Marie-Louise van Cutsem, l'amour de jeunesse du dessinateur, dont c'était le surnom. Voir {{Harvsp|Peeters|2011|gr=a|p=53}}.</ref>, et lui attribue le métier de reporter{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=77-79}}. D'après les dires du dessinateur, son personnage emprunte le visage, le caractère, le geste et les attitudes de son propre frère cadet, Paul Remi{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=77-79}}{{,}}{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=210}}. À la demande de l'abbé Wallez, Hergé envoie son héros en [[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] et le récit est ouvertement [[Anticommunisme|anticommuniste]], suivant ainsi la ligne éditoriale du quotidien{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=77-79}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=68-69}}. Il entend dénoncer les crimes perpétrés par les [[bolcheviks]]{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=14-15}}, une idée assez largement répandue à l'époque en Belgique{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=63, 90}}<ref group="alpha">Le sentiment anticommuniste est puissant, comme en témoigne le saccage d'une exposition soviétique organisée à Bruxelles en {{Date-|janvier 1928}} au cours de manifestations des Jeunesses nationales de [[Pierre Nothomb]], auxquelles participe [[Léon Degrelle]], futur collaborateur du ''Vingtième siècle'' et leader du [[Rex (parti politique)|mouvement rexiste]]. Voir {{Harvsp|Apostolidès|2006|p=37}}.</ref>. Hergé lui-même avait fait paraître des caricatures anticommunistes dans ''Le Sifflet'' quelques mois plus tôt{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=77-79}}. Dès l'origine, ''[[Les Aventures de Tintin]]'' recouvrent donc une fonction politique<ref name="angenot">{{Article |auteur1=[[Marc Angenot]] |titre=Basil Zaharoff et la guerre du Chaco : la tintinisation de la géopolitique des années 1930 |périodique=[[Études françaises]] |volume=46 |numéro=2 |titre numéro=Hergé reporter : Tintin en contexte |pages=47-63 |année=2010 |lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2010-v46-n2-etudfr3908/044534ar/}}.</ref> et le héros est présenté comme un idéal de [[journalisme d'investigation]]<ref name="tintinlm">{{Lien web |titre=Les journalistes d'investigation sont des Tintin de l'info |url=https://www.lemonde.fr/archives/article/2005/02/18/les-journalistes-d-investigation-sont-des-tintin-de-l-info_398598_1819218.html |site=[[Le Monde]]|date=18 février 2005 |consulté le=7 mars 2023}}.</ref>. |
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{{Article détaillé|Quick et Flupke}} |
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==== Lancement des ''Aventures de Tintin'' ==== |
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[[Fichier:Le petit vingtième 15 mai 1930.jpg|vignette|redresse|gauche|alt=Couverture d'un journal, avec le titre "Le Petit Vingtième" en lettres capitales en haut à droite. En premier plan, un dessin montrant un jeune garçon, la main posée sur une chaise, et un chien, assis sur la chaise. Sur l'image est écrit à la main "à vous mes amis du Petit Vingtième, cordialement, Tintin"|Couverture du ''Petit Vingtième'' du jeudi {{Date-|15 mai 1930}} après le [[Mises en scène du retour de Tintin et Milou|retour de Tintin et Milou]] du pays des Soviets.]] |
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Les deux premières planches de ''[[Tintin au pays des Soviets]]'' paraissent le {{Date|10|janvier|1929}} dans ''[[Le Petit Vingtième]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=77-79}}. Hergé exécute et livre deux planches par semaine qui enchaînent les gags et les péripéties sans que l'auteur ait encore une idée bien précise de la construction de son récit<ref name="lemaire">{{Chapitre |auteur1=Thierry Lemaire |titre chapitre=Dans les secrets des Studios Hergé |titre ouvrage={{Harvsp|id=Geo|texte=Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé|2015}} |passage=25-30}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=14-15}}. D'ailleurs, il n'imagine pas encore que son héros vivra au-delà de cette aventure, décrivant plus tard sa naissance comme {{Citation|une blague entre copains, oubliée le lendemain}}<ref>{{Article |auteur1=[[Pierre Boncenne]] |titre=Tintin s'explique |périodique=[[Lire (revue)|Lire]] |numéro=40 |mois=décembre |année=1978}}.</ref>. Pour élaborer le scénario, Hergé s'inspire d'une source unique que lui fournit l'abbé Wallez, le livre ''Moscou sans voiles'' paru sous la plume du diplomate belge [[Joseph Douillet]] en 1928{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=77-79}}. Les scènes politiques sont cependant assez rares dans l'aventure, qui présente une succession de bagarres et de poursuites à bord d'engins mécaniques que Tintin s'approprie et maîtrise avec une étonnante facilité{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=81-82}}. Comme le souligne [[Benoît Peeters]], Hergé {{Citation|ne s'embarrasse d'aucun souci de vraisemblance}}, mais il témoigne déjà d'une grande maîtrise dans la représentation du mouvement{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=81-82}}. Le graphisme du personnage, dont le trait s'affine, évolue lui aussi au fil de la publication{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=26-27}}. |
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Le {{Date-|25 décembre 1929}} sort un numéro spécial qui comprend pour la première fois une couverture de Tintin réalisée par Hergé, mais aussi deux planches imprimées en [[bichromie]]{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=23}}. La rédaction du journal propose une série d'innovations, comme la publication d'une fausse lettre de la [[Guépéou]] prétendument envoyée au ''Petit Vingtième'' pour lui demander de mettre un terme à l'activité de son reporter, un mélange de fiction et de réalité qui permet de fidéliser les lecteurs{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=23}}{{,}}{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=26-27}}. De même, au terme de l'aventure, le [[Mises en scène du retour de Tintin et Milou|retour de Tintin en Belgique]] est célébré par le journal comme si ses aventures avaient réellement eu lieu{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=314}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=24-25}}. Le {{Date-|8 mai 1930}}, à la [[Gare de Bruxelles-Nord|Gare du Nord]] de Bruxelles, un jeune scout déguisé en Tintin fait une arrivée triomphale devant une foule de lecteurs attirés par la publicité lancée les jours précédents dans les pages du ''Vingtième siècle''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=86-89}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=24-25}}. L'album, édité en {{Date-|septembre 1930}}, est vendu à {{Unité|10000|exemplaires}}, un succès remarquable à l'échelle de la Belgique francophone{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=86-89}}. |
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Dès sa première aventure, le héros créé par Hergé s'exporte en dehors des frontières de son pays. L'hebdomadaire catholique français ''[[Cœurs vaillants]]'' reprend l'histoire dès le mois d'octobre 1930{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=42-43}}, mais son directeur l'abbé [[Gaston Courtois]], qui juge les phylactères insuffisants, fait adapter le récit en y ajoutant des textes explicatifs sous le dessin, sans en avertir l'auteur{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=42-43}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=80-81}}. Après les plaintes de ce dernier, l'hebdomadaire cesse ces retouches{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=42-43}}. Mais globalement, les premiers albums d’Hergé ne sont que des succès modestes par leurs tirages{{Sfn|Guérin|2024|p=100}}, et les journaux qui publient ses aventures n’ont que des tirages modestes{{Sfn|Guérin|2024|p=102}}, en France comme en Belgique. |
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Le {{date|23|janvier|1930}}, le dessinateur crée deux nouveaux personnages de la moyenne bourgeoisie bruxelloise : [[Quick et Flupke]]. Cette nouvelle bande dessinée paraît dans les pages du ''Petit Vingtième'' de façon continue, tous les jeudis, jusqu'en [[1935]], puis de façon plus irrégulière jusqu'en [[1940]] (seulement 19 gags entre 1937-1940). D'après l'auteur lui-même : |
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==== ''Quick et Flupke'' et ''Tintin au Congo'' (1930-1931) ==== |
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{{Citation bloc|Quick était le surnom d'un de mes amis. Pour Flupke, j'ai pris Flup (Philippe) et le "ke" flamand signifie "petit". Flupke c'est "petit Philippe"|Interview d'Hergé<ref name="sadoul"/>.}} |
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{{Article détaillé|Quick et Flupke{{!}}''Quick et Flupke''}} |
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[[Fichier:Loeren om het hoekje.jpg|vignette|alt=Photographie en couleur d'une fresque peinte sur le mur d'un bâtiment montrant trois personnages de cette série : un agent de police, avec un grand manteau noir, à gauche, et deux jeunes garçons à droite.|Quick, Flupke et l'Agent 15. Peinture murale. Bruxelles - quartier des marolles.]] |
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Le {{Date-|23 janvier 1930}}, ''Le Petit Vingtième'' lance une nouvelle série créée par Hergé : ''[[Quick et Flupke]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=95-97}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=23}}{{,}}<ref group="alpha">Seul Quick apparaît dans ce premier gag, de même que sur la couverture. Flupke n'apparaît que trois semaines plus tard. Voir {{Harvsp|Peeters|2011|p=95}}.</ref>. Leurs aventures paraissent dans les pages de l'hebdomadaire de façon continue jusqu'en 1935, tous les jeudis, puis de façon plus irrégulière jusqu'en 1940{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=529-533}}, le plus souvent sous la forme d'un gag en deux planches{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=95-97}}. Dans cette bande dessinée, Hergé renonce à l'exotisme et met en scène deux enfants intrépides de [[Bruxelles]] qui se jouent de l'autorité, si bien qu'ils s'affirment d'emblée comme le parfait contrepoint de Tintin{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=95-97}}{{,}}{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=134}}. Cette nouvelle série connaît elle aussi le succès : la {{Nobr|Radio Catholique Belge}} organise quelques émissions improvisant une interview fictive des deux gamins de Bruxelles{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=150}}. |
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Le tirage du ''Petit Vingtième'' s'accroît fortement, étant multiplié par six le jour où paraît Tintin{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=15}}, si bien que l'équipe s'agrandit pour faire face au surcroît de travail que demande sa préparation. Après le recrutement d'[[Eugène van Nijverseel]], dit Evany, au début de l'année 1929, [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]] est engagé comme collaborateur d'Hergé en {{Date-|mars 1930}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=91-92}}{{,}}{{Note|groupe=alpha|texte=Paul Jamin sera plus tard connu en tant que caricaturiste du journal satirique bruxellois ''[[Pan (journal)|Pan]]'' sous le pseudonyme d'Alidor.}}. Tintin reste le personnage phare du périodique et [[Norbert Wallez]] souhaite que ses aventures se poursuivent{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=98-99}}. Dans un premier temps, Hergé veut envoyer son héros aux [[États-Unis]] pour évoquer la culture [[Amérindiens|amérindienne]] qui le fascine depuis l'enfance{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=88}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=143}}, mais l'abbé s'y oppose et choisit le [[Congo belge]] pour tenter de faire naître une vocation coloniale chez les jeunes lecteurs{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=92}}, alors que ce territoire est confronté à une pénurie de main-d'œuvre européenne qui menace son développement{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=98-99}}. Le récit est aussi l'occasion d'exalter l'œuvre d'évangélisation et d'enseignement des [[Missionnaires d'Afrique|missionnaires]] auprès des Africains<ref>{{Article |auteur1=Philippe Delisle |titre=Le missionnaire dans la bande dessinée franco-belge : une figure imposée ? |périodique=Histoire et missions chrétiennes |numéro=1 |titre numéro=Bilan et perspectives en histoire missionnaire |pages=131-147 |année=2007/1 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses1-2007-1-page-131.htm}}.</ref>. |
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Selon Benoît Peeters, les ''Exploits de Quick et Flupke'' semblent rassembler « tous les éléments que ses autres albums n'étaient pas en mesure d'intégrer. » Ici aucun exotisme, mais de simples planches de gags causés par les enfants eux-mêmes, le souvenir d'une « enfance endiablée » pour Hergé<ref name="ReferenceA">{{harvsp|Peeters|1983|p=134}}</ref>. Mais l'artiste est surtout occupé ailleurs : en mai [[1930]], commençant à se rendre compte du succès de Tintin, il imagine déjà une suite. L'abbé Wallez a l'idée de mettre en scène le retour de Tintin de son voyage soviétique. Le {{date|8|mai|1930}}, le ''Petit Vingtième'' organise le retour des héros : |
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L'histoire débute le {{Date-|5|juin|1930}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=25-29}}. Pour en établir le scénario, Hergé se documente surtout par le biais du [[musée royal de l'Afrique centrale]]. Au total, {{Nobr|118 planches}} se succèdent jusqu'au {{Date-|11|juin|1931}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=25-29}}. Malgré le peu d'enthousiasme du dessinateur pour cette aventure{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=98-99}}, ''Tintin au Congo'' est un succès : le retour triomphal de Tintin et Milou à la [[Gare de Bruxelles-Nord|gare du Nord de Bruxelles]] est une nouvelle fois [[Mises en scène du retour de Tintin et Milou|mis en scène]] devant une foule en liesse{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=15}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=25-29}}. |
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{{Citation bloc|Le jour venu, je suis parti avec un garçon [Lucien Pepperman] qu'on avait désigné pour incarner Tintin (…). Je l'avais affublé d'un costume à la russe et de belles bottes rouges ; pour faire plus réaliste nous avions emprunté tous deux le train en provenance de Cologne, c'est-à-dire le train de l'Est, de la Russie (…). J'étais persuadé que nous débarquerions dans un grand désert. Or, à ma grande stupéfaction il y avait foule.|Interview d'Hergé<ref>D. Labesse, « Repères biographiques », ''Les Cahiers de la bande dessinée'', n°14-15 (1983)</ref>.}} |
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<gallery mode="packed" caption="Célébration du retour de Tintin et Milou du Congo, le {{Date-|9 juillet 1931}}."> |
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À la fin de l'année 1930, c'est au tour de Quick et Flupke d'être rattrapés par le succès. La Radio Catholique Belge organise quelques émissions improvisant une interview fictive des deux gamins de Bruxelles<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|150}}.</ref>. |
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Fichier:Le Petit Vingtième 16 juillet 1931, foule.jpg|alt=Photographie de presse en noir et blanc montrant une foule, vue en plongée. Quelques banderoles sont portées.|Foule réunie pour l'accueil des héros. |
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Fichier:Le Petit Vingtième 16 juillet 1931, Tintin, Milou, Quick et Flupke.jpg|alt=Photographie de presse en noir et blanc montrant de jeunes garçons entourés par une foule nombreuse. Sur une banderole est écrit "vivent Tintin et Milou"|Tintin et Milou accueillis par Quick et Flupke. |
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Fichier:Le Petit Vingtième 16 juillet 1931, ballonnets.jpg|alt=Photographie de presse en noir et blanc montrant un homme soulevé par la foule et entouré de ballons.|Image de la foule en liesse. |
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==== Autres travaux et engagement catholique ==== |
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{{Article détaillé|Tintin au Congo}} |
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Malgré son investissement dans ''Le Petit Vingtième'', Hergé poursuit diverses contributions. Pendant l'année 1929, il publie quelques bandes dessinées [[Satire|satiriques]] pour ''Le Sifflet'', raillant notamment les députés [[Socialisme|socialistes]] belges [[Jean-Baptiste Schinler]] et [[Émile Vandervelde]]<ref>{{Article |auteur1=[[Philippe Goddin]] |titre=Le mystérieux Schinler |périodique=Les Amis de Hergé |numéro=56 |pages=10-13 |date=automne 2013}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=21-22}}. Au début des années 1930, il participe parfois au supplément ''Votre Vingtième, Madame'', y réalisant des couvertures d'esprit « [[Art déco]] » très différentes de ses productions habituelles : c'est l'image de la femme libérée de l'entre-deux-guerres qui transparaît ici, venue tout droit des États-Unis et influencée par les [[Années folles]]. Il dresse des portraits de femmes faisant du sport, pilotant une automobile ou encore un bateau{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=158-159}}. En parallèle, Hergé réalise des centaines de publicités qui témoignent de sa maîtrise du lettrage et de la composition. Il travaille aussi bien pour des œuvres associatives que pour des marques industrielles{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=180-191}}. |
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Hergé est par ailleurs un membre actif des mouvements d'[[Action catholique]]. En 1930, il est d'ailleurs vice-président de la Jeunesse indépendante catholique, où il rencontre [[Raymond De Becker]], dont il accepte d'illustrer deux brochures, ''Le Christ, roi des affaires'' en 1930 puis ''Pour un ordre nouveau'' deux ans plus tard. La même année, il dessine l'affiche du premier « Congrès politique de la jeunesse » sur le thème {{citation|La jeunesse et la transformation du régime}}, pour lequel il livre une image nettement [[Fascisme|fascisante]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=103-105}}. C’est en 1928 qu’il fait la connaissance d’une figure nationaliste belge très controversée, [[Léon Degrelle]], qui travaille comme lui à la rédaction du ''Vingtième Siècle''{{Sfn|Guérin|2024|p=79}} mais qui part au Mexique en 1929{{Sfn|Guérin|2024|p=80}} et se fait embaucher chez Rex en 1930{{Sfn|Guérin|2024|p=81}}. En dessinant la couverture de son ''Histoire de la guerre scolaire''{{Sfn|Peeters|1987|gr=i|p=163-177}}, le jeune Hergé ne fait que répondre à une commande du groupe Rex{{Sfn|Guérin|2024|p=79}}. Leurs relations se refroidissent même rapidement, en 1932, quand Degrelle utilise sans son accord{{Sfn|Guérin|2024|p=81}} une affiche réalisée par Hergé, sur laquelle figure une tête de mort protégée par un masque à gaz, avec le slogan {{citation|Contre l'invasion, votez pour les catholiques}}{{Sfn|Peeters |2011|gr=a|p=121-122}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=138}}. Léon Degrelle a déclaré dans ses mémoires posthumes, publiées en 2000, six ans après sa mort et considérées comme « mégalomanes », qu’il était le meilleur ami d’Hergé, information catégoriquement démentie par les historiens. Il ne faisait pas partie du groupe d’amis du jeune Hergé et n’a pas été invité à son mariage en 1932 même s’ils ont pû être tous deux invités à dîner chez l’abbé Wallez, le directeur de leur journal{{Sfn|Guérin|2024|p=81}}. |
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=== Début d'une industrie (1931-1939) === |
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==== Tintin de l'Amérique à l'Orient ==== |
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[[Fichier:Bugatti 52 baby 060117.jpg|vignette|alt=Voiture sportive rouge décapotable.|[[Bugatti Type 35|Bugatti Type 37]] dessinée dans ''Tintin en Amérique''.]] |
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En {{Date-|mai 1931}}, Hergé rencontre l'un de ses modèles déclarés, le dessinateur français [[Alain Saint-Ogan]], créateur de la série ''[[Zig et Puce]]'', et reçoit ses encouragements à persévérer dans le métier de la bande dessinée{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=90}}{{,}}{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=87-88}}. Il se lance ensuite dans la préparation de ''[[Tintin en Amérique]]'', dont les planches commencent à paraître le {{Date-|3 septembre 1931}} dans ''Le Petit Vingtième'' et ce jusqu'au {{Date-|20|octobre|1932}}{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=36}}. Pour cette aventure qui entend dénoncer la [[Crime organisé|pègre]] de [[Chicago]], tout en témoignant de la fascination de l'auteur pour les États-Unis, Hergé se documente principalement à partir d'un numéro spécial du ''[[Le Crapouillot|Crapouillot]]'' paru en {{Date-|octobre 1930}} et de l'ouvrage ''[[Scènes de la vie future]]'' de [[Georges Duhamel]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=113-116}}. Pour la première fois, il intègre un personnage réel à son récit, à savoir le célèbre bandit [[Al Capone]]<ref>{{Chapitre |auteur1=Thomas Sertillanges |titre chapitre=Al Capone en personne |titre ouvrage=Les personnages de Tintin dans l'histoire |sous-titre ouvrage=Les événements qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé |volume=2 |éditeur=[[Le Point]], [[Historia (revue)|Historia]] |mois=juillet |année=2012 |passage=10-12 |isbn=978-2-89705-104-4}}.</ref>. Bien que l'album livre une critique acerbe de la {{Citation|folie américaine}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=113-116}}, dans un récit qui témoigne d'un {{Citation|[[antiaméricanisme]] primaire, viscéral et rabique}} selon le philosophe [[Rémi Brague]]<ref name="brague">{{Article |auteur1=[[Rémi Brague]] |titre=Tintin, ce n'est pas rien ! |périodique=[[Le Débat]] |numéro=195 |titre numéro=Le sacre de la bande dessinée |pages=136-142 |éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]] |date=mai-août 2017 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-le-debat-2017-3-page-136.htm}}.</ref>, ''Tintin en Amérique'' apparaît moins caricatural sur le plan idéologique que son prédécesseur{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=113-116}}. |
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[[Fichier:All Gizah Pyramids.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en couleurs d'une vue d'ensemble des pyramides.|Les [[pyramides de Gizeh]] apparaissent en arrière-plan dans ''Les Cigares du pharaon''.]] |
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Au final, les demandes s'accroissent. Le ''Petit Vingtième'' double, puis triple, et enfin sextuple son tirage le jour où paraît le fameux Tintin<ref name="peeters p15">{{harvsp|Peeters|1983|p=15}}</ref>. La même année, Hergé se voit pourvoir un assistant en la personne de [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]] qui sera plus tard connu en tant que caricaturiste sous le pseudonyme d'Alidor. Dans l'élan d'une tradition coloniale qui le marque depuis le milieu des années 1920, Hergé décide, sous les ordres de l'abbé Wallez, d'envoyer son personnage en Afrique, dans la province belge du Congo<ref group="N">À l'origine Hergé voulait envoyer Tintin en Amérique, là où s'était déjà rendu Totor, mais l'abbé Wallez lui imposa la destination africaine pour faire l'apologie de la colonie belge. Il n'aimait pas les États-Unis où la société était infectée par l'argent facile et le capitalisme « judéo-américain », P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|143}}.</ref>. Propriété des souverains belges depuis [[1908]], la province congolaise est, au début des années 1930, confrontée à une pénurie de main-d'œuvre. Tintin s'y rend, non plus pour critiquer, mais pour faire valoir le domaine africain. L'histoire débute dans les colonnes du ''Petit Vingtième'' le {{date|5|juin|1930}}. Pour établir son histoire, Hergé s'est surtout documenté par le biais du Musée d'Afrique Centrale de [[Tervuren]] où se trouve la célèbre statue de l'Aniota à peau de léopard. De fait, 118 planches se succèdent jusqu'au {{date|11|juin|1931}}<ref group="N">Diane Hennebert, « Bruxelles, la ville de Tintin, n'apparaît qu'en filigrane », ''Géo hors-série'', 2000, {{p.|169}}</ref>. Malgré le peu d'enthousiasme du dessinateur, la seconde aventure du reporter du ''Petit Vingtième'' est encore un succès : Tintin et Milou reviennent triomphalement à la [[Gare de Bruxelles-Nord|gare du Nord de Bruxelles]], devant une foule en liesse. On peut lire dans la presse : « Tintin et Milou accueillis par Quick et Flupke. Dix Congolais les accompagnent ». Le jeune garçon qui représente le héros est costumé en colonial<ref name="peeters p15" />. |
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Le {{Date-|8|décembre|1932}}, les premières planches des ''Aventures de Tintin en Orient'' apparaissent dans ''Le Petit Vingtième''. Hergé entame un processus de transformation de son œuvre et affiche une ambition plus littéraire : pour la première fois, il lance son héros dans une véritable enquête policière{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=127-133}}. La parution s'accompagne d'une rubrique {{Citation|Le mystère Tintin}}, animée par [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]] et qui permet aux lecteurs de donner leur point de vue sur l'affaire en cours{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=33-35}}. À travers cette aventure, Hergé exploite le thème de la [[malédiction du pharaon]], à une époque où la fascination pour l'[[Égypte antique]] est encore très forte en Belgique comme en Europe, notamment depuis la découverte de la mystérieuse affaire du [[tombeau de Toutânkhamon]] quelques années plus tôt<ref>{{Article |auteur1=Mathieu Bouchard |titre=Tintin au Moyen-Orient |périodique=[[Confluences Méditerranée]] |numéro=75 |pages=227-239 |année=2010/4 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2010-4-page-227.htm}}.</ref>. Mais c'est bien l'affrontement entre Tintin et des trafiquants de stupéfiants qui est au cœur du récit, Hergé s'inspirant notamment du récit autobiographique de [[Henry de Monfreid]], qu'il représente dans l'aventure{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=40}}. Cet épisode marque également l'entrée dans la série des personnages de [[Dupond et Dupont]] et de [[Roberto Rastapopoulos]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=127-133}}. |
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==== L'illustration de romans et de publicités (1929-1932) ==== |
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Au début des années 1930, Hergé participe peu au supplément ''Votre Vingtième, Madame'', y réalisant des couvertures d'esprit « art-déco » assez étonnantes. C'est l'image de la femme libérée de l'entre-deux-guerres qui transparaît ici, influencée par les [[années folles en France|années folles]] venues tout droit des États-Unis. Le dessinateur dresse des portraits de femmes faisant du sport, pilotant une automobile ou encore un bateau<ref>B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|158-159}}</ref>. À partir de la fin des années 1920, Georges Remi officie comme illustrateur pour plusieurs romans, bien souvent dans le sillage du scoutisme catholique. Le premier d'entre eux est ''L'Âme de la mer'' (1927) de Pierre Dark, un ancien compagnon de scoutisme. L'année suivante, il illustre ''Mile, histoire d'un membre de patronage'' de Maurice Schmitz, un ouvrage à succès. Enfin, il s'associe à l'édition de l'''Histoire de la guerre scolaire'' (1932) de [[Léon Degrelle]]<ref>B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|163-177}}.</ref>. En parallèle de ces activités, Hergé réalise des centaines de publicités : le lettrage et la composition sont toujours au rendez-vous. Parmi elles figurent une affiche de 1928, la « Grande Fancy-Fair : organisée au profit des écoles libres de la paroisse Saint-Boniface », mais aussi des illustrations pour des marques d'amplificateurs (Modulophone, 1930), de tapisseries (J. Lannoy fils, 1928), de magasins de jouets (L'Innovation, 1931)… Ce travail en parallèle d'illustrateur renforce davantage sa technique et sa précision dans la composition de ses bandes dessinées<ref>B. Peeters (1987), op. cit., {{p.|180-191}}.</ref>. |
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[[Fichier:Die Adlon-Feme in Berlin (Wahre Jacob, 1917-03-30).jpg|vignette|alt=Dessin de presse montrant des individus portant une combinaison avec un cagoule pointue|Dessin d'Arthur Krüger ayant inspiré Hergé pour représenter les membres de la société secrète des ''Cigares du pharaon''.]] |
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=== Hergé, le début d'une industrie (1931-1936) === |
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==== 1931 : l'année de l'Amérique ==== |
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Au début du mois d'{{Date-|avril 1932}}, Hergé entre en contact avec l'éditeur tournaisien [[Casterman]] qui obtient finalement, après avoir indemnisé Norbert Wallez, le droit d'éditer tous les albums de l'auteur en langue française{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=73}}. Le contrat, signé en {{Date-|mars 1934}}, permet en outre au dessinateur de s'ouvrir au marché français, une perspective très prometteuse{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=198}}. ''Tintin en Orient'' s'achève le {{Date-|8|février|1934}}, après la parution des {{Nobr|124 planches}} réunies en album sous le titre ''[[Les Cigares du pharaon]]'', le premier édité chez [[Casterman]] au mois de {{Date-|novembre 1934}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=139}}. Entre-temps, le {{Date-|20 juillet}}, Hergé épouse Germaine Kieckens avec la bénédiction de l'abbé Wallez qui célèbre le mariage dans une église bruxelloise. Les jeunes mariés s'installent le mois suivant au {{Numéro|18}} [[rue Knapen]] à [[Schaerbeek]]{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=181}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=118}}. |
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==== Évolution vers le récit construit ==== |
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[[Fichier:Tintin_(28545478001).jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Photographies montrant plusieurs figurines identiques.|Figurines de Tintin et Milou cachés dans un vase du ''Lotus Bleu'' (2014).]] |
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Après la diffusion des ''[[Popol et Virginie au pays des Lapinos|Aventures de Popol et Virginie au Far West]]'', une [[bande dessinée animalière]] assez éloignée du souci de crédibilité recherché avec ''Tintin''{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=143}}, l'auteur retrouve son héros fétiche dans une aventure qu'il a soigneusement préparée. Après l'annonce du futur voyage de Tintin à [[Shanghai]], l'abbé Gosset, aumônier des étudiants chinois à l'[[Université catholique de Louvain (1834-1968)|université de Louvain]], l'exhorte à ne pas montrer les Chinois dans la vision caricaturale que les Occidentaux leur attribuent trop souvent. C'est ainsi qu'Hergé fait la connaissance d'un étudiant chinois de l'[[Académie royale des beaux-arts de Bruxelles|Académie des beaux-arts de Bruxelles]], [[Zhang Chongren|Tchang Tchong-Jen]]{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=146-147}}. Une amitié sincère se noue entre les deux hommes et le jeune étudiant fournit une mine d'informations à Hergé, lui apportant de la documentation et veillant à l'authenticité de chaque détail. Il lui donne également des conseils en matière de dessin{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=146-147}}. Par les discussions avec son ami comme par ses lectures personnelles, Hergé découvre une Chine différente de ses représentations et livre un chef-d'œuvre d'exigence et de réalisme{{Sfn|Apostolidès|2006|p=50-51}}. Par la rencontre de Tchang, qui devient lui-même un [[Tchang (Tintin)|personnage de l'aventure]], Tintin {{Citation|accède à la dignité de héros romanesque}}{{Sfn|Apostolidès|2006|p=50-51}}. ''[[Le Lotus bleu]]'', dont la parution s'étale du {{Date-|9 août 1934}} au {{Date-|17 octobre 1935}}, est aussi un récit engagé sur le plan politique, qui dénonce l'impérialisme japonais<ref name="fderuelle">{{Ouvrage |prénom1=Pierre |nom1=Fresnault-Deruelle |lien auteur1=Pierre Fresnault-Deruelle |titre=Les mystères du Lotus bleu |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |année=2006 |pages totales=32 |isbn=2-87424-121-0}}.</ref>. Cet engagement perdure quelques années plus tard, en {{Date-|décembre 1937}} : dix jours après le [[massacre de Nankin]], un appel à aider les Chinois paraît dans ''Le Petit Vingtième'', accompagné d'un dessin d'Hergé, où Tintin désigne au lecteur une famille chinoise dans les ruines d'une maison<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Édith Allaert |auteur2=Jacques Bertin |titre=Hergé |sous-titre=Correspondance |éditeur=Ducolot |année=1989 |passage=21}}.</ref>. |
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[[Fichier:Cultures précolombiennes MRAH Chimu Hergé 02 10 2011 B.jpg|vignette|upright=0.6|alt=Statue en bois.|Statue [[chimú]] très semblable à celle apparaissant dans l'album, au [[musée Art et Histoire]] de Bruxelles.]] |
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{{Article détaillé|Tintin en Amérique}} |
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Après l'épisode chinois, Hergé revient à l'aventure débridée avec ''[[L'Oreille cassée]]'', qui démarre le {{Date-|5|décembre|1935}} dans ''Le Petit Vingtième''. Une nouvelle fois, l'auteur inscrit son histoire dans l'actualité de son époque. Il transpose la [[guerre du Chaco]] qui oppose la [[Bolivie]] et le [[Paraguay]] en créant deux états fictifs, le [[San Theodoros]] et le [[Nuevo Rico]], puis évoque la disparition de l'explorateur [[Percy Fawcett]] dans la jungle brésilienne dix ans auparavant<ref name="angenot" />{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=212}}. ''L'Oreille cassée'' marque une évolution importante dans la série car c'est la première histoire qui repose sur une véritable idée de scénario : bien qu'elle emboîte encore plusieurs énigmes et enchaîne les péripéties à un rythme effréné, l'aventure conserve une certaine unité grâce à la présence d'un élément récurrent, à savoir le [[Arumbayas|fétiche arumbaya]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=157-158}}. |
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En mai 1931, Hergé et le dessinateur Jamin (qui deviendra, après la guerre, le brillant dessinateur caricaturiste de l'hebdomadaire satirique [[hebdomadaire satirique|Pan]]) se rendent à Paris où ils rendent visite à Alain Saint-Ogan pour se perfectionner et demander des conseils. Le Français témoigne : |
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[[Fichier:King Kong (1933) movie poster (2).jpg|vignette|gauche|alt=Affiche en couleur montrant un gorille en gros plan, et des personnages effrayés, avec le titre King Kong au centre.|Le film ''[[King Kong (film, 1933)|King-Kong]]'', sorti en 1933, inspiration de la « Bête » de ''L'Île Noire''.]] |
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{{Citation bloc|J'avais oublié cette visite. Mon Dieu ! Qu'avais-je pu dire alors à celui qui devait devenir le créateur de Tintin, célèbre dans le monde entier ? Grâce au Ciel, paraît-il, je ne l'avais pas découragé.|Interview d'Alain Saint-Ogan<ref name="users.skynet.be">http://users.skynet.be/tintinpassion/HERGE/Herge-pages/00_HergeBio.html</ref>. Saint-Ogan offre à Hergé une planche originale dédicacée de ''Zig et Puce''.}} |
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Le {{Date-|30|janvier|1936}}, Hergé et son épouse Germaine emménagent au {{Numéro|12}} place de Mai à [[Woluwe-Saint-Lambert]], dans la banlieue bruxelloise. Désormais, l'auteur prend conscience de ses [[droits d'auteur|droits]] et s'adjoint les services d'un avocat, maître Dujardin : les bénéfices des {{Nombre|6000|exemplaires}} tirés du ''Lotus bleu'' en {{Date-|août 1936}} lui reviennent seul et non plus à l'abbé Wallez. Par ailleurs, l'artiste commence à rêver d'une boutique Tintin et Milou à Bruxelles où l'on vendrait des produits dérivés du célèbre reporter{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=221-231}}. |
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Après avoir convaincu l'abbé Wallez qu'il fallait dénoncer la [[Crime organisé|pègre]] de [[Chicago]], l'artiste se décide enfin à envoyer son héros au pays des cow-boys et des indiens, milieu qu'il affectionne tout particulièrement. Déjà, sur les dernières planches de ''Tintin au Congo'', il avait fait figurer des gangsters américains qui devaient annoncer le prochain scénario, un peu comme si l'auteur avait hâte de passer à l'aventure suivante. Les premières planches des « Aventures de Tintin, reporter à Chicago » apparaissent le {{date|3|septembre|1931}} toujours dans le ''Petit-Vingtième''<ref name="peeters p36">{{harvsp|Peeters|1983|p=36}}</ref>. Pour la première fois, Georges Remi intègre dans le récit un personnage réel : [[Al Capone]] ([[1899]]-[[1947]]). Il se documente sur les États-Unis à travers une revue, ''[[Le Crapouillot]]'' mais aussi des ouvrages, ''[[Scènes de la vie future]]'' de [[Georges Duhamel]] ou encore ''L'Histoire des Peaux-Rouges'' de [[Paul Coze]]. Contrairement aux deux histoires précédentes, le scénario propose non plus une succession d'épisodes mais un grand mouvement général structurant<ref name="peeters p36" />. Le {{date|17|septembre|1931}}, quelques jours à peine après l'apparition de ''Tintin en Amérique'', le dessinateur propose une série publicitaire intitulée ''Tim l'écureuil, héros du Far West'' publiée dans un petit journal de quatre pages et distribué dans le magasin bruxellois ''L'Innovation''. Quelques années plus tard, l'aventure sera remaniée dans le ''Petit Vingtième'' sous le nom de ''Popol et Virginie au Far West'' (février [[1934]]). Ce sont les seules histoires d'Hergé mettant en scène des animaux [[anthropomorphisme|anthropomorphes]]<ref name="peeters p140">B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|140}}.</ref> : |
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En {{Date-|mars 1937}}, Hergé dessine les toutes premières planches de ''L'Île Noire''. Le mois suivant, il se rend en [[Angleterre]] en compagnie d'un groupe d'amis scouts de l'[[Institut Saint-Boniface Parnasse|Institut Saint-Boniface]] et ce voyage sur la côte sud du pays lui offre l'occasion d'effectuer quelques travaux de repérage afin d'accroître la vraisemblance des paysages et des lieux où il s'apprête à faire évoluer Tintin{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=73-79}}. Le scénario de l'aventure met le héros sur les traces d'une bande de [[Faux-monnayage|faux-monnayeurs]], le tout sur fond de mystère et de traditions écossaises{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=225}}. L'auteur témoigne de sa nouvelle maîtrise de la narration, alternant les scènes cruciales avec des séquences digressives qui apportent une touche comique au récit, ménagent le suspense et agissent comme une sorte de respiration au cœur d'une intrigue pleine de tension{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=124-127}}. Inscrite dans une longue tradition littéraire qui mêle le récit d'aventures et le [[roman gothique]]{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=47-49}}, ''L'Île Noire'' intègre également des éléments de son époque, le personnage du gorille [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Ranko]] évoquant le succès au cinéma de ''[[King Kong (film, 1933)|King Kong]]'' quelques années plus tôt{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=56-59}}. |
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{{Citation bloc|J'ai essayé de mettre en scène des animaux, et j'ai vu rapidement que ça ne me menait nulle part. J'en suis donc revenu à des personnages humains.|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul, (1983), ''op. cit''.</ref>.}} |
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[[Fichier:Opel olympia cabriolet coach 06011701.jpg|vignette|alt=Photographie d'une voiture jaune.|[[Opel Olympia]] des espions syldaves dans ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]'', une voiture qu'Hergé possède.]] |
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Au tournant de l'année 1931-1932, le dessinateur signe un contrat avec l'éditeur tournaisien [[Casterman]] qui aura, après avoir « indemnisé » Wallez, le privilège d'éditer tous les albums de l'auteur en langue française<ref>P. Assouline, ''op. cit''., {{p.|73}}.</ref>. Le {{date|20|juillet|1932}}, Hergé épouse Germaine Kieckens ([[1906]]-[[1995]]) avec la bénédiction de l'abbé Wallez qui célèbre le mariage dans une église bruxelloise. Les jeunes mariés s'installent le mois suivant au 10 rue Knapen à [[Schaerbeek]]<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|179}}.</ref>. L'aventure en Amérique s'achève le {{date|20|octobre|1932}}, Casterman sort le premier album à la fin de la même année<ref name="peeters p140" />. L'éditeur tournaisien propose à Hergé de percer dans le marché français très prometteur courant décembre 1933<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|198}}.</ref>. |
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À la fin des {{Nobr|années 1930}}, Hergé connaît une certaine aisance financière. Ses revenus, encore modestes, ont fortement augmenté ces dernières années entre son salaire au ''Vingtième Siècle'', les droits d'auteurs qu'il perçoit et les travaux de commande qu'il effectue<ref group="alpha">Hergé déplore cependant le manque d'activité de [[Casterman]] pour mettre en avant ses productions, celles-ci étant absentes de nombreuses librairies bruxelloises. Voir {{Harvsp|Peeters|2011|gr=a|p=179-181}}.</ref>. Il en profite pour acquérir sa première voiture en 1938, une [[Opel Olympia]] qu'il dessine notamment dans sa nouvelle aventure, ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]'', qui commence à paraître le {{Date-|4|août|1938}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=178-179}}{{,}}<ref>{{Article |auteur1=Yves Duval |titre=Hergé et l'automobile |périodique=Sport-Moteur |numéro=84 |date=26 janvier 1979}}.</ref>. Ce récit s'inscrit fortement dans l'Histoire et l'actualité de son époque{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=214}}{{,}}<ref name="grutman">{{Article |prénom1=Rainier |nom1=Grutman |lien auteur1=Rainier Grutman |titre=« Eih bennek, eih blavek » : l'inscription du bruxellois dans Le sceptre d'Ottokar |périodique=[[Études françaises]]|volume=46 |numéro=2 |pages=83-99 |lieu=Montréal |année=2010 |lire en ligne=http://www.erudit.org/revue/etudfr/2010/v46/n2/044536ar.pdf}}.</ref>, tant les signes de l'imminence d'un [[Seconde Guerre mondiale|second conflit mondial]] sont innombrables{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=62}}. De l'aveu même du dessinateur, ''Le Sceptre d'Ottokar'' est le récit d'un [[Anschluss]] raté{{Sfn|Farr|2001|p=81-82}}. Il met en scène la tentative d'annexion de la [[Syldavie]], un petit État fictif de la péninsule des [[Balkans]], par la [[Bordurie]] voisine{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=186-193}}. L'auteur multiplie les références historiques et géographiques à l'Europe centrale, mais la Syldavie apparaît également comme {{Citation|une métaphore de la [[Belgique]] et de son neutralisme}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=186-193}}. Par ailleurs, l'album emprunte une nouvelle fois à l'histoire familiale d'Hergé, tant l'aventure développe la question de la gémellité et la problématique de l'identité{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=186-193}}. |
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==== Plein cap sur l'Orient ==== |
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==== Autres périodiques et travaux de commande ==== |
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{{Article détaillé|Les Cigares du pharaon}} |
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À la fin de l'été 1931, Hergé crée un récit illustré pour les magasins bruxellois « À l'innovation », diffusé dans un fascicule de quatre pages distribué chaque jeudi aux enfants de la clientèle. Inspiré des personnages de [[Walt Disney]], ''Les Aventures de Tim l'écureuil au Far West'' mettent en scène des animaux [[anthropomorphisme|anthropomorphes]] et se composent de seize épisodes, diffusés du {{Date-|17 septembre}} au {{Date-|31 décembre}} suivant{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}. L'histoire est remaniée quelques années plus tard, en {{Date-|février 1934}}, sous le nom des ''[[Popol et Virginie au pays des Lapinos|Aventures de Popol et Virginie au Far West]]'' qui paraissent dans ''Le Petit Vingtième''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=34}}{{,}}{{Sfn|Gaumer|2010|p=690-691}}. |
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En {{Date-|décembre 1931}}, Hergé publie un gag en deux planches dans le numéro de lancement de ''Mon avenir'', journal mensuel édité par la [[Jeunesse ouvrière chrétienne]]. Intitulé ''Un prévenu… en vaut deux !'', il met en scène les personnages de Fred et Mile, qui ne sont pas sans ressemblance avec [[Quick et Flupke]], ce qui n'est pas du goût de Norbert Wallez. Ce dernier rappelle au dessinateur le contrat d'exclusivité qui le lie au ''Vingtième Siècle''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=168}}. En 1932, Hergé réalise une série de huit planches humoristiques, ''Cet aimable Monsieur Mops'', pour l'enseigne de grands magasins « Au Bon Marché »{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}. La même année, à l'occasion de la semaine scoute, il fournit un gag en deux planches pour ''Le Boy-Scout Belge'', intitulé ''Méthode Visage-Pâle. Méthode Baden-Powell'', repris dans le mensuel ''Le Scout de France''. Il entame une collaboration avec l'hebdomadaire féminin ''Vie Heureuse'', faisant paraître ''Les Aventures de Tom et Millie'' dans ''Pim et Pom'', son supplément pour la jeunesse. Après la parution d'un gag en deux planches, Hergé entame une série publiée chaque mardi du {{Date-|20 décembre 1932}} au {{Date-|14 février 1933}}. Par précaution, ces travaux sont signés des seules initiales {{Nobr|R.G.}}, pour ménager la susceptibilité de l'abbé Wallez{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}. Pour les mêmes raisons, Hergé ne signe pas la bande dessinée humoristique ''Preuves à l'appui'' qu'il publie le {{Date-|22 novembre 1933}} dans le deuxième numéro de ''Vers le vrai'', un hebdomadaire éphémère fondé par son ami Julien de Proft{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}. William Ugeux qui, en 1935, succède à l'abbé Wallez à la tête du ''Vingtième Siècle'', se montre aussi intransigeant et refuse la participation de son dessinateur à l'hebdomadaire catholique flamand ''{{Langue|nl|Ons Volk Ontwaakt}}''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}. |
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[[Fichier:Egypt.KV62.01.jpg|thumb|Les illustrations égyptiennes inspirèrent Hergé dans son travail.]] |
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[[Fichier:COURTOISgaston.png|vignette|gauche|redresse|alt=Photographie en gros plan d'un homme d'Église.|L'abbé [[Gaston Courtois]], directeur de ''[[Cœurs vaillants]]''.]] |
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Le {{date|8|décembre|1932}}, apparaissent dans le ''Petit Vingtième'' les premières planches des « Aventures de Tintin reporter en Orient » (version ancienne des ''Cigares du pharaon''). Pour la première fois Hergé fait de cette aventure une sorte de roman policier dans lequel on trouve le paramètre « mystère ». Selon B. Peeters, « ''Les Cigares du pharaon'' représentent la quintessence du récit feuilletonesque. On y retrouve (…) la mystérieuse malédiction, la redoutable société secrète, l'indémasquable génie du Mal (…), le poison qui rend fou. »<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=39-40}}</ref>. Durant les épisodes du feuilleton, l'artiste joue avec ses lecteurs chaque semaine en proposant la rubrique « Le Mystère Tintin » au sein de laquelle le public doit proposer des solutions pour sortir le héros d'affaire. La malédiction égyptienne est, au début des années 1930, dans l'air du temps. En effet, la société avait été frappée quelques années plus tôt par la mystérieuse affaire du [[tombeau de Toutânkhamon]]. Mais surtout, ce qui fait le nœud gordien de l'histoire n'est pas l'égyptologie mais le trafic (armes et drogue), particulièrement actif à l'époque dans la région de la [[mer Rouge]]. D'ailleurs Hergé s'inspire du récit autobiographique de [[Henry de Monfreid|Henri de Monfreid]], ''[[Les Secrets de la mer Rouge]]'' ([[1931]]), qu'il représente dans l'aventure<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=40}}</ref>. Dès les premières planches du feuilleton, deux nouveaux personnages apparaissent, des policiers en civil nommés X 33 et X 33 bis (futurs [[Dupond et Dupont]]). Au terme des 124 planches, ''Les Cigares du pharaon'' sont achevés le {{date|8|février|1934}}. Au début des années 1930, Hergé réalise un certain nombre de bandes dessinées à caractère publicitaire. L'une des plus célèbres est ''Cet aimable {{M.}} Mops'', composée de huit planches parues dans un agenda édité par un grand magasin bruxellois ([[1932]])<ref>Monsieur Mops apparaît en parallèle dans une planche de Quick et Flupke intitulée « Innocence » et parue dans le ''Petit Vingtième'' du 5 novembre 1931.</ref> ou encore ''Les Mésaventures de Jef Debakker'' (quatre planches) pour les Briquettes Union (vers 1934)<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=163}}</ref>. |
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À la fin de l'année 1935, l'abbé [[Gaston Courtois]], directeur de l'hebdomadaire ''[[Cœurs vaillants]]'' qui assure la diffusion française des ''Aventures de Tintin'', commande au dessinateur une nouvelle série typiquement familiale et qui met en scène des héros plus réalistes que Tintin, dotés d'une famille{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=165-168}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=49}}. ''Le Rayon du mystère'', premier épisode des ''[[Les Aventures de Jo, Zette et Jocko|Aventures de Jo, Zette et Jocko]]'', commence à paraître le {{Date-|19 janvier 1936}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=49}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=213}}. Les productions d'Hergé se diffusent peu à peu au niveau européen : les aventures de Tintin sont publiées dès 1932 en [[Suisse]] par l'hebdomadaire ''[[Écho magazine|L'Écho illustré]]''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=52-53}}, puis à partir de 1936 au [[Portugal]] dans ''{{Langue|pt|O Papagaio}}''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=57-58}}. |
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Pendant toute cette période, le dessinateur continue d'honorer diverses commandes. En 1934, il signe la couverture et plusieurs illustrations de ''La Légende d'Albert {{Ier}}'', ouvrage de son ami Paul Werrie consacré [[Albert Ier (roi des Belges)|au roi mort récemment]] après un accident d'escalade{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=160}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=139}}. La même année, il réalise pour Casterman les couvertures d'une série d'albums pour la jeunesse, ''L'Oiseau de France''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=139}}. En 1937, il conçoit ''Les Mésaventures de Jef Debakker'' en quatre planches pour la marque de briquettes de [[lignite]] Union{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p=163}}. |
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==== Tchang Tchong-Jen : un bouleversement dans l'œuvre d'Hergé ==== |
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=== Pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1944) === |
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{{Article détaillé|Tchang Tchong-Jen|Le Lotus bleu}} |
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==== Avant l’invasion allemande ==== |
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[[Fichier:Avenue Delleur 17.JPG|vignette|redresse|alt=Photographie d'une maison cossue.|Maison de l'avenue Delleur à [[Watermael-Boitsfort]] où le couple Remi s'installe en 1939.]] |
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Au printemps 1939, Georges et Germaine Remi séjournent à Paris. Ils sont notamment invités au [[Vélodrome d'Hiver]] par le journal ''[[Cœurs vaillants]]'' pour écouter l'interprétation de « La Chanson de Tintin et Milou »{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=235}}, puis ils s'installent le {{Date-|15 mai}} dans un nouvel immeuble, au {{Numéro|17}} de l'avenue Delleur à [[Watermael-Boitsfort]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=195-196}}. |
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Fin août, ''Le Petit Vingtième'' annonce le début d'une nouvelle aventure, mais son lancement est retardé : après le déclenchement de la [[Histoire de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|Seconde Guerre mondiale]], le lieutenant Hergé est mobilisé le {{Date-|{{1er}} septembre 1939}}. Il est affecté dans le petit village d'[[Herenthout]] et chargé de réquisitionner les bicyclettes des environs{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=195-196}}. Démobilisé provisoirement le {{Date-|19 septembre}}, le dessinateur se remet au travail, de sorte que les premières planches de ''[[Tintin au pays de l'or noir]]'' sont publiées le {{Date-|12 octobre}} suivant{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=195-196}}. Le {{Date-|7 décembre 1939}}, son ancien ami scout [[Raymond De Becker]] lance la revue ''L'Ouest'', un hebdomadaire officiellement neutre et prônant la solidarité entre les pays de l'[[Europe de l'Ouest|Ouest]] mais plus certainement favorable à l'Allemagne et soutenu, selon {{M.}} Benoît-Jeannin, par l'ambassade d'[[Allemagne]] à Bruxelles. Hergé dessine un gag pour chacun des quatre premiers numéros du magazine, visiblement pour se moquer des Belges qui souhaitent combattre l’Allemagne nazie en mettant en scène le personnage de ''Monsieur Bellum'', un Belge francophile souhaitant mener la guerre contre l’Allemagne{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=198-199}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=252-253}}. |
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Les quatre premières aventures de Tintin restaient maladroites, parfois un peu bâclées et truffées de préjugés. Hergé témoigna sur son rythme de travail : |
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[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1976-134-27, Belgien, Brüssel, Parade vor dem Schloss.jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Photographie en noir et blanc montrant des soldats alignés au premier plan, vus de profil, et le palais royal à l'arrière-plan, un drapeau nazi flottant dans les airs en haut à droite du cadre.|Des soldats allemands défilent devant le [[Palais royal de Bruxelles|palais royal]] de [[Bruxelles]] en {{Date-|juillet 1940}}.]] |
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{{Citation bloc|C'était réellement du travail à la petite semaine. Je ne considérais pas cela comme un véritable travail, mais comme un jeu, comme une farce. Tintin était un jeu pour moi jusqu'au ''Lotus bleu''.|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_1983">N. Sadoul (1983), ''op. cit''.</ref>.}} |
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De nouveau mobilisé le {{Date-|28 décembre 1939}}, l'artiste continue cependant d'envoyer des dessins depuis sa caserne{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=202-204}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=250-251}}. Il refuse d'ailleurs le concours de [[Pierre Ickx]] qui lui propose de réaliser les planches à sa place{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=195-196}}. Affecté à Anvers, Hergé ne peut plus fournir qu'une planche par semaine à partir du mois de février, mais il bénéficie de certains privilèges : grâce à l'intervention de l'ancien ministre [[Charles du Bus de Warnaffe]], il obtient deux jours de congé par semaine pour réaliser ses dessins{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=202-204}}. Le {{Date-|18 avril}}, il est autorisé à rentrer chez lui pour raisons médicales, avant d'être définitivement déclaré inapte au service le {{Date-|10 mai}} par la direction de l'hôpital militaire de Bruxelles{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=202-204}}. Ce même jour, l'[[Histoire de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|invasion de la Belgique par les troupes allemandes]] entraîne l'interruption du ''Vingtième Siècle'' et, de fait, celle de ''Tintin au pays de l'or noir''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=202-204}}. À ce stade, seules {{Nobr|56 planches}} ont été publiées{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=70-71}}. |
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Durant le printemps [[1934]], après avoir installé avec deux collaborateurs (José De Launoit et Adrien Jacquemotte) « l'Atelier Hergé » à Bruxelles, Georges Remi annonce à la rédaction du ''Petit Vingtième'' qu'il souhaite faire la suite des ''Cigares du pharaon'' en envoyant le jeune reporter en Extrême-Orient, plus exactement en [[Chine]]. Jamin s'empresse de brosser un tableau du pays dans lequel Tintin doit prochainement partir dans le ''Petit Vingtième''. À la lecture de cet avant-goût, certains lecteurs craignent que le reporter soit tué par les Chinois<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|188}}.</ref>! Après avoir lu les stéréotypes effrayants annoncés par le collaborateur d'Hergé, l'abbé Gosset, aumônier des étudiants chinois à l'[[Université catholique de Louvain (1834-1968)|Université de Louvain]], lui recommande au travers d'une lettre de se documenter sérieusement sur la Chine. C'est ainsi qu'Hergé fait la connaissance d'un jeune Chinois étudiant à l'[[Académie royale des beaux-arts de Bruxelles|Académie des Beaux-Arts de Bruxelles]] : [[Zhang Chongren|Tchang Tchong-Jen]] ([[1907]]-[[1998]])<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=46}}</ref>. Ce dernier fournit une mine d'informations à Hergé dans de nombreux domaines (histoire, géographie, langue, art, littérature et philosophie). Avant cette rencontre, l'artiste belge imaginait encore le mythe du « Jaune » qui mangeait des nids d'hirondelles, portait une natte et jetait les petits enfants dans les rivières comme l'avait écrit Jamin quelques jours plus tôt : |
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==== Entrée au « ''Soir volé'' » sous influence allemande ==== |
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{{Citation bloc|C'est à partir de ce moment-là que je me suis mis à rechercher de la documentation, à m'intéresser vraiment aux gens et aux pays vers lesquels j'envoyais Tintin, par souci d'honnêteté vis-à-vis des lecteurs qui me lisaient.|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_1983"/>.}} |
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Après les premiers bombardements, Georges et Germaine Remi, accompagnés de leur belle-sœur et de leur nièce, quittent Bruxelles sur les conseils de [[William Ugeux]], directeur du ''Vingtième Siècle''. Après une courte halte à Paris, ils rejoignent [[Saint-Germain-Lembron]] dans le [[Puy-de-Dôme]], où ils espèrent trouver refuge chez le dessinateur [[Marijac]]. Ce dernier étant mobilisé, c'est sa femme qui accepte de les loger dans une maison voisine. Ils y passent six semaines dans une grande inquiétude, sans nouvelles de leurs proches restés en Belgique{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=208-211}}. Le {{Date-|28 juin}}, les Remi reprennent la route de Bruxelles, où ils arrivent le {{Date-|30 juin}}, au moment où le roi [[Léopold III (roi des Belges)|Léopold III]] appelle ses sujets à reprendre le travail{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=259-261}}, alors que le pays est [[Occupation allemande de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|occupé]] et placé sous l'autorité d'une [[Administration militaire de la Belgique et du Nord de la France|administration militaire allemande]] : leur maison est d'ailleurs réquisitionnée pour loger un officier de la [[Propagandastaffel]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=208-211}}. |
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[[Fichier:Le Soir-Jeunesse Logo.png|vignette|alt=Le Soir-Jeunesse écrit de manière stylisée.|Logo du ''[[Le Soir-Jeunesse|Soir-Jeunesse]]''.]] |
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{{Article connexe|Conquête de la Mandchourie par le Japon}} |
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Avec l'arrêt du ''Vingtième Siècle'', la situation d'Hergé se précarise : le quotidien, qui lui doit plusieurs mois de préavis, ne peut reparaître faute d'autorisation, et c'est auprès de son ami Charles Lesne, son interlocuteur chez [[Casterman]], qu'il sollicite une aide financière{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=212-213}}. Après avoir refusé l'offre de [[Victor Matthys]], qui lui propose de créer un supplément jeunesse pour ''[[Le Pays réel]]'', l'organe de presse du [[Rex (parti politique)|mouvement Rex]], il accepte celle du ''[[Le Soir|Soir]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=212-213}}, bien que le journal soit sous influence allemande. Depuis la mi-juin, ce quotidien reparaît sous contrôle allemand, d'où le surnom de « ''[[Le Soir volé|Soir volé]]'' » que lui attribue une partie de la population pour dénoncer son orientation germanophile. Son rédacteur en chef, [[Raymond De Becker]], lui propose la création d'un supplément sur le modèle du ''Petit Vingtième''. Sa période d'essai débute le {{Date-|15 octobre}} et le premier numéro du ''[[Le Soir-Jeunesse|Soir-Jeunesse]]'' paraît deux jours plus tard, contenant une nouvelle aventure de Tintin, ''[[Le Crabe aux pinces d'or]]''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=72-74}}. Pour l'artiste, il s'agit d'une aubaine : outre la possibilité de développer ses créations et de s'assurer des revenus réguliers{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=242}}, le tirage du ''Soir'', près de vingt fois supérieur à celui du ''Petit Vingtième'', atteint {{Nombre|300000|exemplaires}}, ce qui en fait le premier quotidien belge, de sorte qu'Hergé augmente considérablement le cercle de ses lecteurs{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=72-74}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=261-263}}. |
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Tchang deviendra un personnage-clé de l'œuvre d'Hergé, sauvé de la noyade par Tintin, l'un des vrais amis qu'il se fera au cours de ses aventures. Pourtant, ''Le Lotus bleu'' est plus un message politique qu'une histoire pour les enfants. La cinquième aventure de Tintin est l'une des plus engagées de la carrière d'Hergé. Depuis [[1931]], le [[Japon]] cherche à coloniser la Chine pour développer sa puissance économique. L'invasion de la [[Mandchourie]] (province chinoise septentrionale) démarre suite à la section d'une voie ferrée japonaise dans cette région (près de [[Shenyang|Moukden]]). Cet attentat fut probablement planifié par les Japonais eux-mêmes, leur donnant le prétexte d'une invasion immédiate de la province. Hergé fait figurer dans l'aventure le « faux attentat » sur la voie ferrée<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|48}}. ''Le Lotus bleu'', Casterman, 1946, {{p.|21}}.</ref>. Hergé se tient au courant des événements sino-japonais en 1934-1935 grâce aux informations pourtant pro-japonaises des médias européens : l'une des planches de l'aventure représente Tintin allant au cinéma pour visionner les actualités mondiales. L'aventure se termine le {{date|17|octobre|1935}} au bout de 124 planches<ref>[http://users.skynet.be/tintinpassion/LIVRES/Livres-pages/index4.html Livres par titres]</ref>. Le ''Lotus bleu'' devient dans les années 1936-1939 un véritable succès en Chine mais pas pour Tokyo puisque l'ambassadeur japonais à Bruxelles est irrité de la position de l'histoire vis-à-vis de son pays<ref group="N">En chinois, ''Tin'' signifie « courageux » et ''Mi-lou'' « celui qui a perdu son chemin ». P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|190}} et 207.</ref>. Durant ces années, le père de Tintin poursuit la réalisation de couvertures de livres ou de publicités. Ainsi, il offre ses services à Paul Werrie, auteur de la ''Légende d'Albert I{{er}} roi des Belges'', tout juste décédé d'une chute en montagne ({{date|17|février|1934}})<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=160}}</ref>. |
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Au ''Soir'', Hergé retrouve [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]], son ancien collaborateur du ''Petit Vingtième'' qui dessine aussi pour ''Le Pays réel'' et le ''Brüsseler Zeitung'', journal quotidien de l'occupant{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=217}}. Il rencontre également le peintre et illustrateur [[Jacques Van Melkebeke]], embauché quelques mois plus tôt pour tenir la rubrique jeunesse du journal<ref name="van melk">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Benoît Mouchart]] |titre=À l'ombre de la ligne claire |sous-titre=Jacques Van Melkebeke entre Hergé et Jacobs |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Les Impressions Nouvelles]] |année=2014 |pages totales=221 |isbn=978-2-87449-228-0}}.</ref>. Tous deux l'assistent dans la création du supplément<ref name="van melk" />. |
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==== Tintin, Milou et les autres (milieu des années 1930) ==== |
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==== Activités sous l’occupation ==== |
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{{Article détaillé|L'Oreille cassée}} |
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[[Fichier:VanMelkebeeke.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc d'un homme se tenant debout et montrant une collection d'objet d'art à un autre homme.|[[Jacques Van Melkebeke]], collaborateur d'Hergé au ''Soir''.]] |
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En raison de l'[[Occupation allemande de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|occupation allemande]], l'auteur est obligé de tenir l'actualité à distance : {{Citation|Désormais, Hergé va explorer les ressources de son propre univers. ''Le Crabe aux pinces d'or'' est donc une deuxième naissance et [[Capitaine Haddock|Haddock]] […] un formidable ingrédient narratif. Au héros en creux qu'est Tintin, pur support à l'identification du lecteur, vient s'ajouter une figure romanesque plus incarnée qui surgit abruptement dans l'histoire et ne tarde pas à y prendre une place essentielle}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=226-229}}. La neuvième aventure de Tintin est ainsi marquée par l'entrée d'un personnage qui modifie en profondeur l'esprit de la série{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=232}}, mais aussi le champ lexical, le capitaine ayant pour spécificité la pratique intensive du juron fleuri et infiniment varié{{Sfn|Guérin|2024|p=116}}. |
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Sa parution subit néanmoins les aléas du conflit. La guerre entraîne une pénurie de papier et conduit la direction du ''[[Le Soir|Soir]]'' à réduire la taille de son supplément, avant de l'interrompre définitivement{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=72-74}} : à partir du {{Date-|23 septembre 1941}}, le récit est directement publié dans le quotidien, à raison d'une bande par jour, ce qui contraint le dessinateur à revoir son découpage narratif et lui permet de rattraper le retard pris lors de l'interruption du ''Soir-Jeunesse'' en publiant en moyenne {{Nobr|24 dessins}} par semaine contre 12 auparavant{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=232-234}}. Au terme de la publication en {{Date-|octobre 1941}}, l'album édité par [[Casterman]] est un succès commercial : la publication dans ''Le Soir'' offre à Tintin une publicité sans précédent{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=234}}. L'auteur tente d'ailleurs de négocier un supplément de papier auprès de la ''{{Langue|de|Propaganda-Abteilung}}'' pour en assurer la réimpression, en vain{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=211-214}}. |
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[[Fichier:PercyFawcett.jpg|thumb|left|[[Percy Fawcett]], explorateur disparu dans la jungle brésilienne en 1925 qui inspira à Hergé le personnage de Ridgewell.]] |
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[[Fichier:Bruxelles galerie du Roi 32.jpg|vignette|alt=Photographie d'une galerie couverte avec des arcades.|Le [[Théâtre royal des Galeries]], où sont jouées deux pièces coécrites par Hergé et [[Jacques Van Melkebeke]].]] |
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Après ''Le Lotus bleu'', Hergé revient à l'aventure de naguère avec ''[[L'Oreille cassée]]'' qui démarre le {{date|5|décembre|1935}} dans le ''Petit Vingtième''. Ce choix est en grande partie dû aux pressions subies par l'auteur à l'issue du ''Lotus bleu''. Au milieu des années 1930, l'[[Amérique latine]] est dans l'air du temps comme en témoignent l'expédition d'[[Henri Lavachery]] au [[Pérou]], les récits d'[[Antonin Artaud]] au [[Mexique]] et la disparition du colonel [[Percy Fawcett]] dans la jungle brésilienne dix ans auparavant<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|212}}.</ref>. Avec cette sixième histoire, le dessinateur rompt pour un temps avec le réalisme géographique et historique, puisqu'il ouvre le décor dans des pays imaginaires et surtout il s'attache à poser le récit autour du fétiche arumbaya. Désormais le mystère réapparaît au plus grand bonheur des lecteurs : qui a tué Monsieur Balthazar ? L'action se déroule en Europe puis au [[San Theodoros]] et au [[Nuevo Rico]] deux territoires inventés par Hergé mais qui reprennent l'ensemble des caractéristiques de l'Amérique latine des années 1930 : les coups d'État à répétition, la forte présence militaire, le libérateur latino-américain à la [[Simón Bolívar]]…<ref name="peeters p52">B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|52}}.</ref> Comme pour ''Le Lotus bleu'', il dresse le tableau d'une guerre contemporaine, celle du [[Guerre du Chaco|Gran Chaco]] (renommée « Gran Chapo »), opposant la [[Bolivie]] et le [[Paraguay]] ([[1932]]-[[1935]]) à propos de concessions pétrolières. Sa principale source d'inspiration est encore une fois, la revue ''Le Crapouillot''. Avec ''L'Oreille cassée'' on passe définitivement « du feuilleton au récit bouclé »<ref name="peeters p52" />. |
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Dans le même temps, Hergé multiplie ses supports de diffusion. En {{Date-|septembre 1940}}, Tintin fait son entrée dans la presse belge [[Néerlandais|néerlandophone]] avec la publication de ''{{Langue|nl|Tintin im Kongo}}'' dans le quotidien [[Flandre (Belgique)|flamand]] ''{{Langue|nl|[[Het Laatste Nieuws]]}}''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=96-99}}. Quelques semaines plus tard, ''{{Langue|nl|Het Algemeen Nieuws}}'' propose à ses lecteurs les premiers gags de ''[[Quick et Flupke]]''{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=264}}. Par ailleurs, Hergé et [[Jacques Van Melkebeke]] écrivent ensemble une pièce en trois actes intitulée ''[[Le Mystère du diamant bleu|Tintin aux Indes ou le Mystère du diamant bleu]]''. C'est lors de la première représentation au [[Théâtre royal des Galeries]] le {{Date-|15 avril 1941}} que Van Melkebeke présente à Hergé son ami dessinateur [[Edgar P. Jacobs]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=238-240}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=269}}. Une deuxième pièce rédigée par les mêmes auteurs, ''[[Monsieur Boullock a disparu]]'', est jouée au mois de décembre suivant{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=238-240}}. |
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{{Article détaillé|Jo, Zette et Jocko}} |
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Les années d'occupation marquent également le passage à la couleur des ''Aventures de Tintin''. Dès 1936, Charles Lesne presse Hergé d'intégrer la couleur à ses albums, ce que le dessinateur accepte, non sans réticence, en ajoutant quatre [[hors-texte]] en [[quadrichromie]] à chacun des albums déjà édités, à l'exception du ''[[Le Lotus bleu|Lotus bleu]]'' qui en compte cinq. Il refuse toutefois d'étendre la couleur à l'ensemble du récit{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=160-161}}. En {{Date-|janvier 1941}}, les éditions [[Casterman]] se dotent d'une nouvelle [[Rotative offset de presse|presse rotative offset]] qui permet un travail plus rapide et moins coûteux. Pour l'éditeur, le passage à la couleur est aussi un impératif commercial pour gagner de nouveaux marchés et concurrencer les bandes dessinées françaises ou américaines{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=160-161}}. Hergé finit par s'y résoudre, d'autant plus que les restrictions de papier tendent à réduire le nombre de pages de ses aventures. Le format de {{Unité|62|[[Planche (bande dessinée)|planches]]}} est donc adopté pour les nouveaux albums{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=211-214}} et en {{Date-|septembre 1942}}, ''[[L'Étoile mystérieuse]]'' est la première aventure de la série imprimée directement en couleurs{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=211-214}}. |
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Jusqu'en [[1935]], ''Les Exploits de Quick et Flupke'' continuent de paraître en parallèle des aventures de Tintin dans le ''Petit Vingtième''. Après cette date, les apparitions se font de plus en plus rares jusqu'à disparaître définitivement : |
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Ce récit, au début angoissant et apocalyptique, qui succède au ''Crabe aux pinces d'or'' du {{Date-|20 octobre 1941}} au {{Date-|22 mai 1942}}, est teinté d'[[antisémitisme]] et d'[[antiaméricanisme]]<ref>{{Article |langue=fr |auteur1=[[François Flahault]] |titre=Le plaisir de la peur |sous-titre=L'étoile mystérieuse et l'araignée géante |périodique=Communications |numéro=57 |pages=157-192 |mois=octobre |année=1993 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1993_num_57_1_1873}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=270}}. L'histoire met notamment en scène un riche banquier dénué de tout scrupule et dessiné selon les codes des caricatures antisémites de l'époque. Deux cases caricaturant des commerçants juifs sont même retirées dès la première impression de l'album{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=242-248}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=270}}. Ces dessins s'ajoutent aux illustrations qu'il réalise pour l'édition des ''Fables'' de Robert de Vroylande en 1941, l'une d'elles étant ouvertement antisémite{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=241-242}}. |
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{{Citation bloc|J'ai abandonné ces garnements-là parce qu'ils me donnaient beaucoup de soucis alors que Tintin me mobilisait de plus en plus.|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_1983"/>.}} |
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[[Fichier:Belgique - Louvain-la-Neuve - Centre sportif de Blocry - 52.jpg|vignette|gauche|alt=Installation dans une vitrine avec des appareils de plongée exposés devant deux cases extraites d'un album de Tintin.|Dessins extraits du ''[[Le Trésor de Rackham le Rouge|Trésor de Rackham le Rouge]]'' exposés dans les couloirs du [[Centre sportif de Blocry]] à [[Louvain-la-Neuve]].]] |
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Pourtant à travers les deux gamins de Bruxelles, Hergé avait bouleversé la bande dessinée. Les codes traditionnels se sont trouvé modifiés : il apparaît lui-même sur plusieurs planches dans lesquelles il est pris à parti par Quick et Flupke, les personnages se cognent sur le bord des cases en faisant du ski, leur parodie d'[[Adolf Hitler|Hitler]] de [[Benito Mussolini|Mussolini]] où enfin ils gomment les éléments du dessin qui leur déplaisent, « le tout dans un esprit d'absolue liberté » note B. Peeters<ref name="ReferenceA"/>. En décembre [[1935]], Gaston Courtois, de la direction de ''Cœurs vaillants'' adresse une lettre à Hergé en lui commandant des personnages plus réalistes que Tintin « dont le papa travaille, qui a une maman, une petite sœur, un petit animal de compagnie. »<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=144}}</ref>. Déjà très occupé par l'univers grandissant de Tintin, Hergé ne se sent pas très à l'aise dans un nouvel univers qu'il faut construire de toutes pièces. Cinq épisodes de [[Jo, Zette et Jocko]] sont réalisés en bichromie à partir de janvier 1936 avant d'être abandonnés à leur tour<ref>[http://www.bellier.org/chronologie.htm L'impression en bichromie du ''Rayon du mystère'' du 19 janvier 1936]. L'auteur reprend son diminutif « Jo », celui de sa mère « Zette » et le prénom d'une peluche qu'il avait « Jocko ». P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|213}}.</ref>. Tintin est une vedette internationale puisqu'après avoir conquis la Belgique, la France et la Suisse c'est au tour du Portugal où ''O Papagaio'' publie dans ses colonnes, en avril 1936, les planches colorisées de ''Tintin en Amérique'' : c'est la première traduction étrangère de l'œuvre<ref>[http://www.bellier.org/chronologie.htm Numéro de ''O Papagaio'', ''Aventuras de Tim-Tim Na América de Norte'', 16 avril 1936.] Plutôt de mauvaise qualité avec un découpage des séquences modifié à la demande d'Hergé. P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|217}}.</ref>. |
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Malgré la guerre, Hergé se tient à distance des évènements. Il passe de longues heures à travailler dans sa maison de [[Watermael-Boitsfort]], sort peu, et s'il doit se rendre à Bruxelles, c'est principalement pour livrer ses dessins dans les locaux du ''Soir''. Comme le reste de la population, il souffre des restrictions et des privations, mais il parvient à se faire livrer de petits colis alimentaires par les responsables du journal ''{{Langue|pt|O Papagaio}}'' qui continue de diffuser ses œuvres au Portugal. Il en fait d'ailleurs livrer par le même intermédiaire à son frère Paul, prisonnier en Allemagne depuis le début du conflit{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=237-238}}. L'œuvre d'Hergé souffre peu de la [[censure]] allemande : bien que les autorisations d'impression tardent à venir, les rééditions ont lieu, et aucun album de Tintin, à l'exception de ''[[L'Île Noire]]'' à l'été 1943<ref group="alpha">En 1943, la couverture de l'album, qui montre Tintin en [[kilt]], apparaît pour la ''{{Langue|de|Propaganda-Abteilung}}'' comme une référence directe à l'Écosse et donc aux [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]], de même que les policiers britanniques présentés au cœur du récit. Les éditions Casterman sont réprimandées et interdites de toute nouvelle impression pendant trois mois. Voir {{Harvsp|Schuurman|2023|gr=g|p=399}}.</ref>, n'est interdit sous l'Occupation{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=307}}. Sa popularité continue de s'accroître : le {{Date-|4|mars|1942}}, il accorde sa première interview radiophonique sur Radio-Bruxelles{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=257}}. |
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La colorisation des albums est une tâche immense et le recrutement d'un collaborateur est impératif. Le {{Date-|15 mars 1942}}, il engage spécifiquement pour ce travail la jeune Alice Devos, compagne de son ami José de Launoit{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=255}}{{,}}{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=241-242}}. Tout en remaniant ses premières aventures, Hergé continue d'écrire de nouvelles histoires. Il maintient son héros dans la voie de l'évasion littéraire et conçoit une chasse au trésor qui court sur deux albums, ''[[Le Secret de La Licorne]]'' et ''[[Le Trésor de Rackham le Rouge]]''. Le premier volet de l'aventure, qui commence à paraître le {{Date-|11|juin|1942}} dans ''[[Le Soir]]'', est une véritable réussite narrative : épaulé par [[Jacques Van Melkebeke]], qui lui fournit de nombreux conseils et des références littéraires et culturelles dont il est dépourvu, Hergé parvient à mener de front plusieurs intrigues sans nuire à la lisibilité de son récit{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=261-271}}. Par ailleurs, à travers ce diptyque, l'auteur achève de mettre en place une « famille de papier » autour de son héros : sur les traces de ''[[La Licorne (bateau)|La Licorne]]'', le [[capitaine Haddock]] revit les exploits de son ancêtre, tandis que ''[[Le Trésor de Rackham le Rouge]]'', qui prend fin le {{Date-|23 septembre 1943}}, marque l'apparition du [[professeur Tournesol]] et l'installation des héros au [[château de Moulinsart]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=261-271}}. |
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{{clr}} |
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{| class='wikitable' |
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|+'''Nombre de gags de Quick et Flupke dans le ''Petit Vingtième'' (1930-1940)<ref>[http://www.kuifje.nl/QF/QUICK&FLUPKEnb.htm]</ref>''' |
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! Dates |
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! Nombre de gags |
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! Sujets et contextes |
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| 1930 |
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| 46 |
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| La vie quotidienne de rue. |
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| 1931 |
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| 51 |
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| La vie quotidienne de rue. |
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| 1932 |
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| 47 |
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| Le Far-West, la SDN, le football, le yoyo et l'irréalisme. |
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| 1933 |
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| 24 |
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| Les obus, Hergé, le cauchemar, la politique internationale et les sports d'hiver. |
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| 1934 |
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| 41 |
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| Le Loch Ness, l'irréalisme, Hitler et Mussolini et la politique internationale. |
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|- bgcolor=#FFFFDD |
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| 1935 |
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| 35 |
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| Les automobiles, Hergé et les sports d'hiver. |
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|- bgcolor=#FFE8E8 |
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| 1936 |
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| 9 |
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| L'irréalisme, Mussolini et la politique internationale. |
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| 1939 |
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| 7 |
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| Le service militaire, l'art contemporain et l'irréalisme. |
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| 1940 |
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| 3 |
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| La vie quotidienne. |
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{{Double image verticale|right|Cheverny Château de Cheverny Südfassade 2.jpg|Château de Moulinsart.jpg|200|Le [[château de Cheverny]] ([[Loir-et-Cher]]), inspiration du…| …[[château de Moulinsart]].}} |
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==== Hergé et Léon Degrelle ==== |
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C'est dans cette demeure largement inspirée du [[château de Cheverny]] que débute l'aventure des ''[[Les Sept Boules de cristal|Sept Boules de cristal]]'', qui commence à paraître le {{Date|16|décembre|1943}}. L'aventure bénéficie de l'influence d'[[Edgar P. Jacobs]], qu'Hergé engage à compter du {{Date-|{{1er}} janvier 1944}} pour travailler à la refonte et à la colorisation des premières aventures<ref name="jacobs">{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Benoît |nom1=Mouchart |lien auteur1=Benoît Mouchart |prénom2=François |nom2=Rivière |lien auteur2=François Rivière |titre=Edgar P. Jacobs |sous-titre=Un pacte avec Blake et Mortimer |lieu=Bruxelles/impr. en Bulgarie |éditeur=[[Les Impressions nouvelles]] |année=2021 |pages totales=384 |passage=82-100 |isbn=978-2-87449-890-9}}.</ref>. Les deux hommes se lient d'amitié et entament une collaboration étroite, à laquelle s'ajoute le plus souvent Jacques Van Melkebeke qui fournit lui aussi des éléments pour le scénario{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=278-284}}. Ils conçoivent ensemble {{Citation|la plus effrayante des ''Aventures de Tintin''}}, versant plus que jamais dans le [[Fantastique dans Les Aventures de Tintin|fantastique]]<ref name="delcroix">{{Chapitre |auteur1=[[Olivier Delcroix]] |titre chapitre=Le Tour du monde en 24 albums |titre ouvrage=Tintin reporter du siècle |éditeur=[[Le Figaro]] |année=2004 |pages totales=114 |passage=24-41}}.</ref>{{,}}<ref name="marion fantastique">{{Article |auteur1=Philippe Marion |titre=Étoile mystérieuse et boule de cristal |sous-titre=Aspects du fantastique hergéen |périodique=Textyles |numéro=10 |titre numéro=Fantastiqueurs |pages=205-221 |année=1993 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/textyles/1919}}.</ref>. Hergé articule son récit autour de la [[malédiction]] de la momie [[Civilisation inca|inca]] de l'empereur [[Rascar Capac]], dont l'image lui est peut-être inspiré par un souvenir d'enfance<ref name="folie" />. |
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{{Article détaillé|Léon Degrelle}} |
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L'apport d'Edgar P. Jacobs intervient également dans la complexification des décors, Hergé s'attachant de plus en plus aux détails et à leur réalisme. Les deux hommes multiplient les séances de pose pour saisir l'expression la plus juste des personnages et mènent un travail de recherche méticuleux pour documenter le récit{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=278-284}}. La découverte d'une villa de la banlieue bruxelloise qui doit servir de modèle pour la maison du [[Hippolyte Bergamotte|professeur Bergamotte]], est même le théâtre d'un incident finalement sans conséquence pour les deux hommes, comme le rapporte Hergé des années plus tard : {{Citation|Jacobs avait découvert exactement le genre de villa qui convenait, pas très loin de chez moi, toujours à Boitsfort. Et nous voilà postés devant cette maison, amassant des croquis sans nous inquiéter […]. Notre travail terminé, nous repartons paisiblement. Surgissent à ce moment deux autos grises […] qui stoppent devant la villa : celle-ci était réquisitionnée et occupée par des [[Schutzstaffel|SS]] !}}{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=165}}. |
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Malgré la réussite de son travail avec Jacobs, Hergé connaît une certaine lassitude : après plusieurs années de travail acharné, il ressent une grande fatigue et évoque lui-même les premiers signes d'un profond [[Dépression (psychiatrie)|syndrome dépressif]]. La publication des ''Sept Boules de cristal'' s'interrompt du {{Date-|6 mai}} au {{Date-|6 juillet 1944}}, et reprend pour quelques semaines jusqu'à la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération du pays]] et l'entrée des armées alliées dans Bruxelles le {{Date-|3 septembre 1944}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=78-79}}. |
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=== Années difficiles (1944-1959) === |
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Entre [[1931]] et [[1936]], Hergé réalisa des illustrations pour divers ouvrages. Ses clients provenaient de la mouvance ultracatholique : [[Raymond de Becker]] (''Le Christ, roi des affaires'', 1930, ''Pour un Ordre nouveau'', 1932…) et surtout [[Léon Degrelle]], un journaliste correspondant au ''Vingtième Siècle'' et auteur des ''Grandes farces de Louvain'' ([[1930]]) et d'une ''Histoire de la guerre scolaire'' ([[1932]]). Degrelle était à l'origine un monarchiste [[Charles Maurras|maurrassien]] et anticommuniste précoce<ref name="degrelle">[http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Degrelle#.C3.89crivain_et_journaliste Léon Degrelle sur Wikipedia.]</ref>. C'est à son entrée au ''Vingtième Siècle'' en [[1929]] qu'il rencontra Hergé. Après un séjour outre-atlantique, d'où il initia le jeune dessinateur à la bande dessinée américaine. Pour les élections législatives de [[1932]], Hergé contribua à sa propagande anticommuniste notamment par le biais d'une affiche qu'il réalisa pour le compte du [[parti catholique]] : c'était une tête de mort protégée par un masque à gaz et qui s'exclamait : « Contre l'invasion, votez pour les Catholiques ». Après cette campagne, Hergé s'était déclaré « tout prêt à travailler avec Degrelle mais s'agissant de ce dessin comme n'importe quel autre, il n'envisage pas de le signer sans l'avoir méticuleusement revu, achevé et définitivement mis au point. »<ref name="degrelle"/> |
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==== De la Libération au ''Journal de Tintin'' (1944-1946) ==== |
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À partir de [[1934]], à la tête du mouvement [[Rexisme|Rex]], l'action de Degrelle se montra de plus en plus politique jusqu'à rencontrer [[Benito Mussolini|Mussolini]] puis [[Adolf Hitler|Hitler]] au cours de l'année [[1936]]. La même année, Degrelle créa son journal politique ''Le Pays réel'' au sein duquel il mena une violente campagne antiparlementaire et anticommuniste. Durant cette période, Hergé prit du recul avec le leader rexiste et pendant la guerre il refusa de participer aux planches du ''Pays réel'' dont le chef venait d'incorporer la [[Schutzstaffel|SS]]<ref name="degrelle"/>. Pourtant d'aucuns ([[Maxime Benoît-Jeannin]], ''Le Mythe Hergé'') notent un rapprochement entre l'œuvre d'Hergé et le mouvement rexiste par le spectre de [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] : « Par son nom Rastapopoulos est un concentré de toutes les tares que les mouvements antiparlementaires et antirépublicains stigmatisent dans leurs journaux. Et puis à la fin du XIX{{e}} siècle, le mot "rastaquouère" vise les étrangers à la richesse ostentatoire (…) »<ref>[http://www.larevuetoudi.org/fr/story/herg%C3%A9-degrelle-et-la-belgitude-aujourdhui P. Baise « Hergé, Degrelle et la Belgitude », revue en ligne Toudi.]</ref> D'ailleurs sur l'une des dernières planches de ''Quick et Flupke'' (avril 1936) concernant une parodie d'un poème de [[Théophile Gautier]], l'artiste représenta une étrange case sur laquelle on voit une allégorie de la mort portant un masque à gaz et accompagnée d'un singe brandissant le message « Rex vaincra ! ». Derrière eux, on peut voir des avions de guerre dans le ciel et un diablotin (peut-être communiste) qui asperge l'allégorie d'un insecticide appelé « antirex »<ref>Hergé, ''Les exploits de Quick et Flupke'', tome 2, Archives Hergé, Tournai, Casterman, 1978, planches 250-251.</ref>. |
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[[Fichier:Galerie de Traitres - Hergé.JPG|vignette|gauche|alt=Photographie d'un livre ouvert sur une double page où figurent la photographie du dessinateur et des informations le concernant.|Hergé dans la « Galerie de Traitres » publié par ''L'Insoumis'', modèle conservé au musée de la [[Résistance dans l'Europe occupée par les nazis|Résistance]] à [[Anderlecht]].]] |
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Au lendemain de la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération]], de longs mois d'inquiétude commencent pour Hergé. Il se sait visé par des [[Résistance intérieure belge|résistants]] qui lui reprochent ses activités dans ''Le Soir'' pendant l'Occupation, et son nom figure d'ailleurs dans une « Galerie des traîtres » publiée au printemps précédent dans ''L'Insoumis'', un bulletin mensuel diffusé clandestinement par un groupe de résistants belges{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=287-292}}. Dès le soir du {{Date-|3 septembre}}, des hommes se présentent à son domicile pour l'arrêter, mais repartent rapidement. Quatre jours plus tard, il est interrogé puis remis en liberté, et le {{Date-|9 septembre}} la [[Sûreté de l'État (Belgique)|Sûreté de l'État ]] perquisitionne à son domicile avant de le conduire à la division centrale de la police de Bruxelles. Le dessinateur passe une nuit en prison avant d'être relâché, puis dans les jours qui suivent, il est arrêté et interrogé par plusieurs unités, sans suite{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=287-292}}. |
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[[Fichier:British troops liberate Brussels, 4 September 1944.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc de la place d'une ville sur laquelle la foule en liesse salue le passage d'un véhicule militaire. |Libération de [[Bruxelles]] par les Britanniques le 4 septembre 1944.]] |
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=== La Seconde Guerre mondiale : une césure dans l'œuvre hergéenne (1937-1944) === |
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==== Un avant-goût du conflit à venir ==== |
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Le {{Date-|7 septembre}}, le Haut commandement interallié interdit à tous les journalistes ayant collaboré à la rédaction d'un journal pendant l'Occupation d'exercer leur profession{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=329}}. La notoriété d'Hergé lui cause une publicité malveillante : l'hebdomadaire résistant ''La Patrie'' fait paraître dans son premier numéro une courte parodie intitulée « Les Aventures de Tintin et Milou au pays des nazis (à la manière de M. Hergé, indisponible pour cause de Libération) »{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=287-292}}. Son sort est pourtant plus enviable que celui de nombreux membres de son entourage, anciens collègues journalistes, emprisonnés de longues semaines voire condamnés à mort par [[contumace]] comme [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]], exilé en Allemagne avec sa famille{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=287-292}}. Hergé garde tout au long de sa vie un souvenir douloureux de cette période d'[[Épuration et répression à la libération en Belgique|Épuration]], tant il estime que beaucoup de journalistes ont, comme lui, poursuivi leur activité sous l'Occupation sans pour autant travailler à la solde de l'ennemi{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=287-292}}. Il entretient d'ailleurs une certaine rancune à l'égard des résistants : |
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{{Article détaillé|L'Île Noire}} |
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{{Citation bloc|Je détestais le genre Résistant. On m'a proposé quelquefois d'en faire partie, mais je trouvais cela contraire aux lois de la guerre. Je savais que pour chaque acte de la résistance, on allait arrêter des otages et les fusiller.|Interview d'Hergé par Henri Roanne en 1974{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=275}}}} |
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Toutefois, le dessinateur ne s'interrompt pas dans ses travaux : l'interdiction de publication qui le frappe ne concerne que la presse et non les albums, si bien qu'il achève la colorisation de ''[[Tintin au Congo]]'' et réclame les originaux du ''[[Le Sceptre d'Ottokar|Sceptre d'Ottokar]]'', bloqués à Paris dans les locaux de ''[[Cœurs vaillants]]'' qui affirme qu'ils ont disparu{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=350}}. Les éditions Casterman continuent de soutenir leur auteur d'autant plus facilement que les ventes d'albums atteignent alors des chiffres records{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=293-294}}. Dans le même temps, Hergé réalise avec [[Edgar P. Jacobs]] trois planches d'essai pour des séries réalistes, qu'ils envisagent de signer sous le [[pseudonyme]] Olav : un [[western]] dont le synopsis est repris plus tard par [[Paul Cuvelier]], une aventure dans le Grand Nord et un récit policier se déroulant à [[Shanghai]]. Ces trois récits, proposés à différents journaux, ne voient finalement jamais le jour<ref>{{Chapitre |auteur1=Jacques Langlois |titre chapitre=Jacobs + Hérgé = Olav |titre ouvrage=Les personnages de Blake et Mortimer dans l'histoire |sous-titre ouvrage=Les événements qui ont inspiré l'œuvre d'Edgar P. Jacobs |lieu=Paris |éditeur=[[Historia (revue)|Historia]], [[Le Point]]|année=2014|mois=juillet|pages totales=112|isbn=979-10-90956-25-4|passage=16}}.</ref>. |
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[[Fichier:King_Kong_(1933)_movie_poster_(2).jpg|thumb|230px|Affiche du film ''King-Kong'' (sorti en 1933), inspiration d'Hergé pour la « Bête » de ''L'Île Noire''.]] |
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Malgré son statut d'incivique, Hergé bénéficie d'une certaine clémence. Dès le {{Date-|8 mars 1945}}, l'auditeur militaire Vinçotte, chargé de constituer le dossier des journalistes du ''[[Le Soir volé|Soir volé]]'', écrit à l'auditeur général [[Walter Ganshof van der Meersch]] que {{Citation|ce serait de nature à ridiculiser la justice que de s'en prendre à l'auteur d'inoffensifs dessins pour enfants}}{{Sfn|Assouline|gr=c|1996|p=352}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=295-305}}, un constat renouvelé avec encore plus d'assurance le {{Date-|12 novembre}} suivant, si bien que son dossier judiciaire est classé sans suite à la fin du mois de {{Date-|décembre 1945}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=295-305}}. Hergé se rend néanmoins au procès de ses anciens collègues qui s'ouvre le {{Date-|3 juin 1946}}. Il y subit des attaques frontales, notamment de la part de l'avocat de son ami Julien De Proft ou de l'ancien éditorialiste du ''Soir'' qui s'étonnent que le dessinateur ne soit pas poursuivi{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=295-305}}. Les problèmes judiciaires ne sont pas les seules difficultés que rencontre alors l'auteur. À la fin de l'année 1944, sa mère Elizabeth Remi est prise d'un accès de folie, qui aboutit, à la suite d'une nouvelle attaque le {{Date-|21 avril 1945}}, à son hospitalisation. Le {{Date-|5 juin}}, son frère Paul est de retour à Bruxelles, libéré après cinq ans de détention dans un [[Oflag]] allemand, mais ce retour n'améliore pas l'état de santé de sa mère. Elle meurt le {{Date-|23 avril 1946}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=295-305}}. Ce deuil, aggravé par le sentiment d'amertume né du jugement rendu et des peines prononcées à l'encontre de ses amis, plongent l'auteur dans une profonde mélancolie{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=295-305}}. |
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Le {{date|30|janvier|1936}}, Georges Remi et son épouse Germaine déménagent pour élire domicile 9 place de mai à [[Woluwe-Saint-Lambert]]. Désormais, Hergé prend conscience de ses droits d'auteur et s'adjoint les services d'un avocat, maître Dujardin. Les bénéfices des {{formatnum:6000}} exemplaires tirés du ''Lotus bleu'' en août 1936 reviendront à lui seul et non plus à l'abbé Wallez qui perd ses droits. L'artiste rêve d'une boutique Tintin et Milou à Bruxelles où l'on vendrait des produits dérivés du célèbre reporter<ref> Les albums de Tintin commencent à bien se vendre : au premier trimestre 1937, {{formatnum:1600}} albums sont vendus. P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|221}} et 231.</ref>. En mars 1937, Hergé dessine les toutes premières planches de ''Tintin en Angleterre'' (l'Ile Noire). Pour s'assurer du réalisme de ses croquis, il participe le mois suivant à un voyage scout sur place dans le [[Sussex]]. Le scénario est placé sous le signe de l'enquête policière sur fond de traditions écossaises<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|225}}.</ref>. La septième aventure qui apparaît dans les colonnes du ''Petit Vingtième'' le {{date|15|avril|1937}}, est la première à mettre en scène la technique : apparition de la télévision, les machines d'impression des faux-monnayeurs, la place centrale des trains ou encore la [[Jaguar (automobile)|Jaguar Mark IV]] du Docteur Müller. L'élément principal de l'histoire est bien entendu la « Bête » qui effraie tout le monde (un gorille). Encore une fois, il faut y chercher des éléments contemporains d'Hergé : d'abord le succès au cinéma du film ''[[King Kong (film, 1933)|King Kong]]'' ([[1933]]), une affaire de faux-monnayeurs organisée par un personnage germanophone nommé « Müller » et surtout les témoignages sur l'apparition du [[monstre du Loch Ness]] dans un lac d'[[Écosse]] ([[1934]]). Hergé mélange tous ces éléments pour établir son intrigue<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=56-59}}</ref>. |
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La rencontre de [[Raymond Leblanc]] s'avère décisive et salutaire pour le dessinateur. Par l'intermédiaire de Pierre Ugeux, frère de l'ancien directeur d'Hergé au ''[[Le Vingtième Siècle (quotidien)|Vingtième Siècle]]'', Leblanc propose au dessinateur la création d'un périodique pour la jeunesse qui reprendrait la formule du ''[[Le Petit Vingtième|Petit Vingtième]]'' tout en la modernisant. Associé à [[André Sinave]] et [[Albert Debaty]], ce résistant de la première heure se fait fort d'obtenir auprès des autorités le certificat de civisme qui permettrait à Hergé de reprendre son activité. D'abord réticent, ce dernier finit par accepter la proposition. Un contrat pour un engagement de cinq ans est signé entre les deux hommes en {{Date-|mars 1946}}, et le certificat de civisme est délivré deux mois plus tard{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=295-305}}. |
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Le 23 décembre 1937, dix jours après le [[Massacre de Nankin]], parait dans le Petit Vingtième un appel à aider les Chinois: |
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[[Fichier:Journal de Tintin, logo, 1946-1947.png|vignette|redresse|alt=Logo de journal sur fond blanc et jaune : TINTIN, avec comme sous-titre "CHAQUE JEUDI"|Logo du journal ''Tintin'' lors de sa création.]] |
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''Ne feriez-vous rien pour eux... ?'' |
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Pendant l'été 1946, [[Raymond Leblanc]] fonde ''[[Tintin (périodique)|Le Journal de Tintin]]'', dont Hergé devient le directeur artistique et [[Jacques Van Melkebeke]] le rédacteur en chef. L'équipe s'installe dans des bureaux au {{Numéro|55}} de la [[Rue du Lombard (Bruxelles)|rue du Lombard]] à Bruxelles et rassemble de jeunes dessinateurs comme [[Edgar P. Jacobs]], [[Jacques Laudy]] et [[Paul Cuvelier]]. Le premier numéro sort le {{Date-|26 septembre 1946}} et connaît un succès immédiat : les {{Unité|60000|exemplaires}} sont épuisés en trois jours{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=307-313}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=383-384}}. Après deux ans d'interruption, Hergé achève l'aventure des ''[[Les Sept Boules de cristal|Sept Boules de cristal]]'' qu'il poursuit dans ''[[Le Temple du Soleil]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=307-313}}{{,}}<ref group="alpha">Pendant treize semaines, la fin des ''Sept Boules de cristal'' est d'ailleurs publiée sous le titre ''Le Temple du Soleil'', alors même que cette nouvelle aventure ne débute réellement qu'à l'arrivée de Tintin et Haddock au Pérou. Voir {{Harvsp|Kursner|2021|gr=b|p=109}}.</ref>. Il exerce également un regard critique sur les productions de ses collègues, de sorte qu'aucun d'entre eux ne peut diffuser ses travaux dans le magazine sans avoir reçu son accord{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=307-313}}. |
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''Des milliers de nos jeunes amis chinois sont les innocentes victimes de la guerre...'' |
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Le succès de l'hebdomadaire ravive les polémiques. Des journalistes de toutes tendances, comme le communiste [[Fernand Demany]] ou la rédaction du journal catholique ''La Cité Nouvelle'', s'indignent tour à tour de voir Hergé exercer de nouveau son métier sans avoir été poursuivi par la justice malgré son implication dans ''[[Le Soir volé]]''. Le scandale est tel qu'il provoque une intervention en séance plénière au parlement et que l'auditeur général doit une nouvelle fois se prononcer pour écarter définitivement, le {{Date-|2 février 1947}}, d'éventuelles poursuites{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=313-315}}. À l'inverse, le passé de Jacques Van Melkebeke ressurgit et menace de compromettre la réputation du journal, ce qui conduit Raymond Leblanc à l'écarter{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=313-315}}. Entré dans la clandestinité, ce dernier continue cependant de réaliser certains travaux pour l'hebdomadaire, tout en travaillant comme coscénariste pour certaines dessinateurs{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=313-315}}. Au début de l'année 1947, Hergé cesse également sa collaboration avec {{Nobr|Edgar P. Jacobs}}. Pour ce dernier, le développement de sa propre série ''[[Blake et Mortimer]]'' est incompatible avec son travail pour les ''Aventures de Tintin''. Un différend financier, ainsi que le refus d'Hergé d'ajouter la signature de son collaborateur sur les albums, favorisent aussi cette prise de distance{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=316-318}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=376-385}}. |
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Cet appel est accompagné d'un dessin d'Hergé, où Tintin désigne au lecteur une famille chinoise dans les ruines d'une maison<ref>Edith Allaert et Jacques Bertin, ''Hergé, Correspondance'', éd. Ducolot, 1989, {{p.|21}}.</ref>. |
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==== Première remise en question (1947-1950) ==== |
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{{Article détaillé|Le Sceptre d'Ottokar}} |
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{{Citation bloc|Quand je dis que je suis blasé, c'est fatigué que je devrais dire. Je suis las de ces éloges ; je suis las de refaire pour la ixième fois le même gag […]. Ce que je fais ne répond plus à une nécessité. Je ne dessine plus comme je respire, comme c'était le cas il n'y a pas tellement longtemps. Tintin, ce n'est plus moi […]. |Lettre d'Hergé à sa femme le {{Date-|11 juin 1947}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=387-388}}.}} |
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Au printemps 1947, Hergé ressent une profonde lassitude. Épuisé par le rythme de travail auquel il s'astreint, le dessinateur se sent également de plus en plus seul. De ses amis d'avant-guerre, certains se sont installés en province, comme José de Launoit, d'autres sont en prison, comme [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]], [[Raymond De Becker]] ou [[Robert Poulet]], et d'autres n'ont plus de relation avec lui, comme Philippe Gérard. Depuis le départ de Jacobs, Hergé n'a plus de véritable interlocuteur pour son travail. [[Guy Dessicy]], recruté pour le suppléer, exécute parfaitement les travaux d'adaptation et de mise au format, mais il n'a pas le talent graphique de Jacobs{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=321-324}}. Par ailleurs, ses rapports avec son agent Bernard Thièry, chargé des produits dérivés, se détériorent : il reproche à ce dernier d'avoir manqué à ses obligations et de lui avoir caché certaines sommes, ce qui entraîne leur rupture{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=321-324}}. |
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La dépression qui affecte alors le dessinateur se répercute sur le plan physique : il dort mal et souffre de violentes crises d'[[Eczéma (syndrome)|eczéma]], de [[Furoncle|furonculose]] et de problèmes de digestion. Il devient irritable et de sévères disputes éclatent avec sa femme Germaine{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=321-324}}. Ses médecins lui prescrivent un repos complet. Hergé abandonne ''Tintin'' et, pour se changer les idées, le couple Remi part en Suisse du {{Date-|22 juin}} au {{Date-|10 juillet 1947}}. Ce voyage est pour eux comme une nouvelle [[Lune de miel (expression)|lune de miel]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=330-335}}. À son retour à Bruxelles, devant l'insistance de Raymond Leblanc qui lui réclame la suite du ''Temple du Soleil'', Hergé se remet au travail, à contrecœur. Fin septembre, ayant pris un peu d'avance, il repart en Suisse avec Germaine, et le couple poursuit son voyage en Italie jusqu'à [[Venise]]. Le dessinateur reprend son activité un mois plus tard mais, à court d'inspiration, il sollicite son ami [[Bernard Heuvelmans]] pour boucler son récit{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=330-335}}. |
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[[Fichier:Forges - Abbaye ND de Scourmont (2).jpg|vignette|gauche|alt=Photographie du mur de l'église abbatiale.|Hergé effectue une retraite spirituelle à l'[[Abbaye Notre-Dame de Scourmont|abbaye de Scourmont]] en 1948.]] |
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Le {{date|4|août|1938}} débutent les premières péripéties de ''Tintin en Syldavie'', pays imaginaire, sous le titre de ''le Sceptre d'Ottokar''. Comme le note B. Peeters, « les signes annonciateurs du second conflit mondial sont (…) innombrables. Et ce sont eux que l'auteur va prendre comme point de départ de sa fiction. »<ref name="peeters p62">{{harvsp|Peeters|1983|p=62}}</ref>. Hergé crée pour la seconde fois deux États imaginaires antagonistes, le royaume de [[Syldavie]] et la [[Bordurie]], qui empruntent beaucoup de traits à la [[Yougoslavie]] : les personnages coiffés de toques, la charrette de foin, les [[Alpes dinariques]], le pélican (très présent au [[Monténégro]]), les minarets…<ref>Jean Rolin, « Où est passée la Syldavie », ''Géo hors-série'', 2000, {{p.|127-133}}</ref> En cette année 1938, le contexte international est sensible et Hergé le suit de près. Le [[12 mars]], les troupes allemandes d'[[Adolf Hitler|Hitler]] annexent l'[[Autriche]] : c'est l'[[Anschluss]]. L'artiste reprend dans l'aventure cet événement qu'il transforme en un « Anschluss raté » : la dictature de Bordurie tente de s'emparer, ''via'' les moyens que possèdent ces régimes totalitaires, de la Syldavie par l'intermédiaire de Müssler qui est une synthèse de [[Benito Mussolini|Mussolini]] et d'Hitler<ref name="peeters p62" />. En faisant de la Syldavie un royaume sympathique et inoffensif, on croit reconnaître comme François Rivière « cette Belgique déguisée en pays slave »<ref group="N">Le nom de Müssler rappelle aussi celui d'[[Anton Mussert]], chef d'[[Mouvement national-socialiste aux Pays-Bas|une organisation fasciste puis nazie]] aux Pays-Bas qui voulait justement mettre la main sur la Belgique.</ref>. Cette histoire semble, enfin, emprunter de nouveau à l'histoire familiale d'Hergé : les jumeaux Nestor et Alfred Halambique font sûrement référence à son père et à son oncle (eux-mêmes jumeaux), alors que [[Bianca Castafiore]], inspirée notamment de [[Renata Tebaldi]], pourrait bien être aussi le négatif de la comtesse qui avait recueilli son père et son oncle lorsqu'ils étaient encore des nouveau-nés<ref>« Une galerie de portraits tout à fait ressemblants », ''Géo hors-série'', 2000, {{p.|37}}. S. Tisseron (1985), ''op. cit''.</ref>. X33 et X33 bis apparus en 1934, sont pour la première fois, dans ''Le Sceptre d'Ottokar'', nommés Dupont et Dupond<ref group="N">Planches 78 et 79 du 6 avril 1939 dans le ''Petit Vingtième'', [http://www.bellier.org/sceptre%20d%27ottokar%20petit%20vingtieme/vue1.htm Planches du 6 avril 1939].</ref>. Lorsque les dernières planches paraissent dans le ''Petit Vingtième'', le {{date|10|septembre|1939}}, Hitler vient de soumettre la [[Pologne]] depuis quelques jours : le second conflit mondial vient de commencer. |
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Au début de l'année 1948, la dépression d'Hergé est telle qu'il envisage de s'établir en [[Amérique du Sud]], et plus précisément en [[Argentine]]. Il se montre très discret sur ce projet, n'en informant pas ses plus proches amis à l'exception de son éditeur [[Louis Casterman]]. Il entre en contact avec [[Pierre Daye]], journaliste exilé dans ce pays depuis la Libération, qu'il charge d'étudier les différentes possibilités qui pourraient s'offrir au dessinateur, avant de renoncer définitivement à ce projet d'installation{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=339-344}}. Dans le même temps, l'auteur rêve de voir [[Adaptations des Aventures de Tintin à l'écran|adapter Tintin au cinéma]] : après une première tentative peu convaincante à la fin de l'année 1947, avec ''[[Le Crabe aux pinces d'or (film, 1947)|Le Crabe aux pinces d'or]]'', Hergé envoie une lettre à [[Walt Disney]] et lui fait parvenir plusieurs de ses albums, mais ceux-ci lui sont retournés et la réponse est négative{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=336-338}}{{,}}<ref name="assouline le débat">{{Article |auteur1=[[Pierre Assouline]] |titre=Hergé sacré, sacré Tintin ! |périodique=[[Le Débat]] |numéro=195 |titre numéro=Le sacre de la bande dessinée |pages=132-135 |éditeur=[[Éditions Gallimard]] |date=mai-août 2017 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-le-debat-2017-3-page-132.htm}}.</ref>. À la mi-mai, Georges et sa femme reprennent la direction de la Suisse accompagné de Rosane, la fille d'une amie de Germaine âgée de {{Nobr|18 ans}}. Durant le séjour, Hergé et la jeune femme entretiennent une liaison amoureuse que le dessinateur avoue aussitôt à sa femme{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=420}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=345-346}}. Mi-juin, le couple Remi repart en Suisse, mais après une nouvelle crise dépressive de son mari, Germaine rentre seule à Bruxelles. Sur les bords du [[Léman]], Hergé se repose, s'adonne à la lecture et rend notamment visite au roi [[Léopold III (roi des Belges)|Léopold III]] en exil. Depuis la Belgique, [[Marcel Dehaye]] presse cependant le dessinateur de rentrer pour honorer ses engagements envers Raymond Leblanc et le ''Journal de Tintin''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=346-354}}. De retour à Bruxelles, Hergé avoue une nouvelle infidélité à sa femme{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=357-358}} puis effectue une retraite spirituelle à l'[[Abbaye Notre-Dame de Scourmont|abbaye de Scourmont]] où la rencontre du père Gall, fasciné comme le dessinateur par la [[Amérindiens aux États-Unis|culture amérindienne]], l'aide à surmonter ses troubles{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=359-364}}. |
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==== Dans la tourmente de la guerre ==== |
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[[Fichier:Willys mb 1943 06011702.jpg|vignette|alt=Photographie d'une voiture rouge exposée devant une vignette agrandie de l'album.|La [[Willys MB|Jeep Willys]] des [[Dupond et Dupont|Dupondt]] dans ''[[Tintin au pays de l'or noir]]''.]] |
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{{Article détaillé|Tintin au pays de l'or noir}} |
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Le {{Date-|16|septembre|1948}}, Hergé reprend la publication de ''[[Tintin au pays de l'or noir]]'', récit inachevé et interrompu en {{Date-|mai 1940}} du fait de la disparition du ''Petit Vingtième'' après l'invasion allemande{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=236}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=113-116}}. Encore une fois, la publication connaît des soubresauts et se poursuit laborieusement jusqu'au {{Date-|23 février 1950}}, ce qui donne lieu à des tensions entre Hergé et Raymond Leblanc, au point que le dessinateur envisage un temps de ne pas renouveler le contrat qui le lie au périodique qui porte le nom de son héros{{Sfn|Kursner|2021|gr=a|p=113-116}}. Dans cette aventure, Hergé prend soin d'intégrer le [[capitaine Haddock]], le [[professeur Tournesol]] et le [[château de Moulinsart]], autant d'éléments apparus dans la série depuis sa première parution et dont l'absence, à la suite du ''Temple du Soleil'', aurait dérouté les lecteurs{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=371-372}}. |
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Après la démission forcée de l'abbé Wallez au milieu des années 1930 faisant suite à une altercation avec un représentant de l'État, [[William Ugeux]] devient le nouveau rédacteur-en-chef du ''Vingtième Siècle''. À la fin du printemps 1939, Georges et Germaine sont invités au [[Vélodrome d'Hiver]] à Paris par ''[[Cœurs vaillants]]'' pour écouter l'interprétation de la chanson Tintin et Milou<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|235}}.</ref>. Le 28 juin, les époux Remi s'installent au 17 avenue Delleur à [[Watermael-Boitsfort]]. À la mi-septembre 1939, l'artiste est mobilisé à [[Herenthout]] (province d'[[Anvers]]) où il est chargé de réquisitionner les bicyclettes des environs. Or durant l'automne il continue à envoyer depuis sa caserne, certes irrégulièrement, les planches de la nouvelle aventure de Tintin au ''Petit Vingtième'' : ''Tintin au pays de l'or noir''<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|250-251}}.</ref>. Son ancien ami scout [[Raymond de Becker]] lance le {{date|7|décembre|1939}} la revue ''L'Ouest'' officiellement neutre mais soutenue, selon {{M.}} Benoît-Jeannin, par l'ambassade d'[[Allemagne]] à Bruxelles<ref name="larevuetoudi.org">[http://www.larevuetoudi.org/fr/story/herg%C3%A9-degrelle-et-la-belgitude-aujourdhui P. Baise « Hergé, Degrelle et la Belgitude aujourd'hui », La revue en ligne Toudi.]</ref>. Pour de Becker, la Belgique doit cesser de s'aligner sur la politique française vis-à-vis de l'Allemagne et de l'Europe. Entre le 7 et {{date|28|décembre|1939}}, Hergé dessine pour la nouvelle revue quatre strips de ''Monsieur Bellum'' qui s'insurge contre le « bourrage de crâne », dit-il, de la radio belge<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|252-253}}. [http://pagesperso-orange.fr/hergeetsesheros/SES%20OEUVRES.htm ''Monsieur Bellum'' le héros éphémère d'Hergé.]</ref>. Lieutenant de réserve, Georges Remi est ensuite envoyé à Eekeren comme instructeur dans une compagnie d'infanterie d'expression flamande. Durant cette période (hiver 1939-printemps 1940), il continue d'envoyer, pratiquement chaque semaine, deux planches de ''Tintin au pays de l'or noir''. Le {{date|12|avril|1940}}, il tombe malade et, déclaré inapte par le médecin de l'hôpital militaire d'Anvers, il est mis en congé sans solde. Hergé termine les deux derniers gags de Quick et Flupke puis il dépose les dernières planches (55 et 56) de ''l'or noir'' qui apparaissent pour la dernière fois dans le numéro du 9 mai<ref>Les deux derniers gags de Quick et Flupke s'intitulent « Sang froid » et « Abus de confiance » et les deux dernières planches de Tintin où le reporter découvre le vrai visage de Moul Pacha : le docteur Müller (''Petit Vingtième'' du 9 mai 1940). Les planches 57 et 58 où Müller abandonne Tintin dans le désert, ne seront jamais publiées [http://www.bellier.org/ornoir%20petit%20vingtieme/vue54.htm Les dernières planches de ''L'Or noir''.].</ref>. |
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Dans l'entourage d'Hergé, les nombreuses absences du dessinateur créent des tensions de plus en plus vives. Raymond Leblanc craint pour la survie de son magazine tandis qu'[[Edgar P. Jacobs]] s'exprime sans détour : {{Citation|Tu as peur ! Tu as peur de ton travail, tu as les pépettes de recommencer une nouvelle histoire, et tu cherches toutes sortes de mauvais prétextes pour reculer le moment où il faudra te mettre à table. Tu flanches devant ta responsabilité du fait même que ta réputation atteint son apogée. […] J'ai vaguement l'impression que tu ne te rends pas compte de la réussite et de la chance fantastique de ta carrière, […] si tu avais bouffé des briques pendant quelques années, tu te comporterais tout autrement}}<ref>Lettre d'[[Edgar P. Jacobs]] à Hergé datée du {{Date-|16 août 1949}}, citée dans {{Harvsp|Peeters|2011|gr=a|p=374-376}}.</ref>. Le {{Date-|16|décembre|1949}}, Georges et Germaine Remi, qui aspirent à retrouver une certaine sérénité, font l'acquisition d'une ferme-auberge à [[Céroux-Mousty]], un village dans la campagne du [[Province du Brabant wallon|Brabant wallon]]{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=479}}. |
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{{Article connexe|Le Soir}} |
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Cependant, cette correspondance s'interrompt définitivement quand le ''Vingtième Siècle'' cesse de paraître le {{date|8|mai|1940}}. La parution suivante n'aura pas lieu à cause de l'attaque allemande du 10 mai contre la Belgique<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=17}}</ref>. En effet, durant les mois de mai et juin 1940, l'armée allemande écrase dans une [[Blitzkrieg|guerre-éclair]] les [[Pays-Bas]], le [[Luxembourg (pays)|Luxembourg]], la [[Belgique]] et la [[France]]. L'officier Paul Remi, frère d'Hergé, est alors déporté en Allemagne comme prisonnier de guerre. Après les premiers bombardements, les Remi et leur chat siamois quittent Bruxelles et font une halte à Paris chez une amie (arrivés le {{date|20|mai|1940}}). Deux jours plus tard, ils partent pour le [[Puy-de-Dôme]] à [[Saint-Germain-Lembron]] où ils trouvent refuge durant un mois dans la demeure du dessinateur [[Marijac]]. Le couple belge est de retour à Bruxelles le {{date|30|juin|1940}} au moment où le roi [[Léopold III de Belgique|Léopold III]] appelle ses sujets à reprendre le travail<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|259-261}}.</ref>. Avec l'arrêt du ''Petit Vingtième'', la situation de Georges Remi se précarise. Depuis la mi-juin, le plus gros tirage belge, ''[[Le Soir]]'', réapparaît mais sous contrôle allemand, d'où le surnom ''Le Soir volé'' que lui donnent les Résistants. Quelques semaines plus tard, [[Raymond de Becker]] un ancien camarade scout d'Hergé et admirateur de Mussolini, est nommé chef des services rédactionnels du quotidien. Après avoir refusé la proposition du ''Pays réel'', l'organe de presse du parti rexiste pro allemand [[Rexisme|Rex]], Hergé accepte celle du ''Soir''. Sa période d'essai débute le {{date|15|octobre|1940}} durant laquelle il se voit confier la responsabilité d'un supplément hebdomadaire consacré à la jeunesse : ''Le Soir-Jeunesse''<ref>Le Soir a un tirage de {{formatnum:300000}} exemplaires par jour ce qui représente une véritable aubaine pour le retour de Tintin. P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|261-263}}.</ref>. |
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==== Création des Studios Hergé (1950-1952) ==== |
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Le dessinateur y retrouve également [[Paul Jamin]] ([[1911]]-[[1995]]) qui dessine aussi pour ''Le Pays Réel'' et le ''Brüsseler Zeitung''<ref name="objectiftintin.com">[http://www.objectiftintin.com/whatsnew_Tintin_1109.lasso Biographie de Paul Jamin sur Objectif Tintin.]</ref>. Enfin, Hergé rencontre [[Jacques Van Melkebeke]] qui devient son principal collaborateur. Jamin, Van Malkebeke et Hergé signent dans ''Le Soir-Jeunesse'' des éditoriaux sous le pseudonyme « Monsieur Triplesec »<ref name="objectiftintin.com"/>. |
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[[Fichier:Fusée de tintin à l'aéroport de Bruxelles.jpg|vignette|redresse|gauche|alt=Fusée à damier rouge et blanc posé sur trois pieds, installée dans le hall d'un aéroport.|Une maquette de la fusée lunaire de Tintin installée dans l'[[Aéroport de Bruxelles-National|aéroport de Bruxelles]].]] |
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Dès l'été 1948, Hergé travaille par intermittences à la rédaction d'une nouvelle aventure qui doit conduire ses héros sur la [[Lune]]. Du scénario qu'avaient écrit pour lui [[Bernard Heuvelmans]] et [[Jacques Van Melkebeke]] quelques mois plus tôt, jugé médiocre, le dessinateur ne retient que certains gags pour élaborer son propre récit. Néanmoins, Hergé consulte régulièrement Heuvelmans pour des questions d'ordre technique ou scientifique, et s'adjoint les services d'un jeune auteur, [[Albert Weinberg]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=385-397}}. Souhaitant pousser le réalisme au maximum, il entre en contact avec un savant réputé, Alexandre Ananoff, dont le livre ''L'Astronautique'' vient de paraître, et visite le Centre de recherches des [[Ateliers de constructions électriques de Charleroi|ACEC]] dirigé par Max Hoyaux{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=385-397}}. |
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[[Fichier:Musée Hergé, Brussels 10.jpg|vignette|alt=Figurines de grande taille représentant le capitaine, le professeur Tournesol, Tintin et Milou en tenue d'astronautes.|Figurines du [[professeur Tournesol]], du capitaine Haddock, de [[Tintin]] et [[Milou]], tirées de l'album ''[[On a marché sur la Lune]]''.]] |
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Le journal ayant été repris en octobre 1940 par un groupe de [[collaboration dans l'Europe occupée par les nazis|collaborateurs]] belges, les histoires proposées ne doivent faire référence à aucun sujet brûlant : Hergé reprend un fait divers de trafic de cocaïne sur le yacht d'un certain Miguel Castanesa par le biais de boîtes de crabe<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|265}}.</ref>. Le 17 octobre commence à paraître, dans le premier numéro du ''Soir-Jeunesse'' intitulé « Tintin et Milou sont revenus ! », ''[[Le Crabe aux pinces d'or]]''. Mais la pénurie de papier ne tarde pas à réduire les dimensions du supplément qui ne connaitra pas le même succès que le ''Petit Vingtième''<ref name="Chrono">[http://users.skynet.be/tintinpassion/HERGE/Herge-pages/00_HergeBio.html Chronologie d'Hergé]. B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|18}}.</ref>. |
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L'ampleur du projet nécessite qu'une équipe s'organise autour d'Hergé, à l'image d'une véritable entreprise : c'est la naissance des [[Studios Hergé]] le {{Date-|6 avril 1950}}, domiciliés dans la maison que le dessinateur occupe depuis plus de dix ans, avenue Delleur à [[Watermael-Boitsfort]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=400-409}}{{,}}<ref group="alpha">Parmi les sept actionnaires figurent le père d'Hergé, Alexis Remi la mère de Germaine Kieckens ou encore [[Marcel Dehaye]]. Voir {{Harvsp|Goddin|2007|gr=d|p=484}}.</ref>. Le {{Date|30|mars|1950}}, les premières planches paraissent dans ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' sous le titre ''[[On a marché sur la Lune]]''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=117}}{{,}}<ref group="alpha">Ce n'est qu'après la parution complète de l'aventure que celle-ci est éditée en deux albums, ''[[Objectif Lune]]'' et ''[[On a marché sur la Lune]]''.</ref> mais la publication s'interrompt dès le {{Date-|7 septembre}} suivant : victime d'un nouvel accès dépressif, Hergé cesse le travail et se retire à [[Gland (Vaud)|Gland]], en Suisse, avec Germaine{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=400-409}}. Le mal est tel que l'aventure ne reprend que le {{Date-|9 avril 1952}}, le récit pouvant enfin parvenir à son terme le {{Date-|30 décembre 1953}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=400-409}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=135-138}}. Entre-temps, l'équipe des Studios se professionnalise avec l'arrivée du dessinateur [[Bob de Moor]] en {{Date-|mars 1951}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=400-409}} et de nouveaux projets commerciaux naissent à l'initiative de [[Raymond Leblanc]]. Le « timbre Tintin », c'est-à-dire des points à découper sur des produits de grande consommation que les enfants peuvent échanger contre des cadeaux à l'effigie du héros, rencontre un grand succès. Les [[Chromolithographie|chromos]] de la collection « Voir et Savoir » se développent également, et ces différents projets renforcent la visibilité de Tintin alors que ses ventes d'albums augmentent fortement et s'imposent peu à peu en France{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=411-412}}. |
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==== Des habitudes de travail bouleversées ==== |
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==== Rythme de travail retrouvé (1952-1956) ==== |
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{{Article détaillé|Le Crabe aux pinces d'or|capitaine Haddock}} |
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[[Fichier:Belgique - Brabant wallon - Place Communale de Céroux - 02.jpg|vignette|gauche|alt=Vue d'ensemble de la place centrale d'un village.|Le village de [[Céroux-Mousty]], dans le Brabant wallon.]] |
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{{Article connexe|Edgar P. Jacobs}} |
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Le {{Date-|17 février 1952}}, Georges et Germaine Remi sont victimes d'un accident de la route à [[Céroux-Mousty]]. Au volant de sa [[Lancia Aprilia]], le dessinateur en sort indemne mais son épouse est grièvement blessée à la jambe. Dans les jours qui suivent, son état de santé fait craindre le pire et sa convalescence nécessite de longs mois d'immobilisation et de repos{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=421-422}}. D'autres événements n'arrangent en rien la fragilité psychologique d'Hergé : l'abbé [[Norbert Wallez]], toujours resté proche du couple malgré son incarcération, meurt le {{Date-|24 septembre}} suivant{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=421-422}}, et à la même période, Hergé retrouve son amie d'enfance, et premier amour, Marie-Louise van Cutsem, lors d'une dédicace au [[Palais des Beaux-Arts (Bruxelles)|Palais des Beaux-Arts de Bruxelles]]{{Sfn |Goddin|2007|gr=d|p= 503-513}}. Le dessinateur prend également ses distances avec certains de ses amis : une amie de Germaine, Bertje Jagueneau, use de ses prétendus dons de [[voyance]] pour le convaincre de l'influence néfaste de [[Jacques Van Melkebeke]], ce qui entraîne une rupture entre les deux hommes{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=423-427}}{{,}}{{Sfn|Smolderen|Sterckx|1988|p=247-253}}. Les rapports se distendent également avec [[Edgar P. Jacobs]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=423-427}}. |
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[[Fichier:Roger Leloup.jpg|vignette|alt=Photographie d'un dessinateur penché sur sa table à dessin.|[[Roger Leloup]], l'un des collaborateurs d'Hergé aux [[Studios Hergé|Studios]].]] |
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En cet automne 1940, les affaires semblent repartir pour Hergé. Il accepte l'illustration des ''Fables'' de Robert du Bois de Vroylande où figure une histoire intitulée « Les deux Juifs et leur pari ». Puis le plus gros quotidien flamand ''Laatste Nieuws'' lui propose la publication dans ses colonnes de ''Tintin in Kongo'' en néerlandais<ref group="N">Le néerlandais est la seconde langue dans laquelle ''Les Aventures de Tintin'' sont traduites après le portugais quatre ans auparavant. Quelques semaines plus tard, ''Het Algemeen Nieuws'' proposera la version néerlandophone de ''Quick et Flupke''. P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|264}} et 270</ref>. L'évolution de la neuvième aventure, ''Le Crabe aux pinces d'or'', subit les aléas du conflit. De mois en mois, le supplément ''Le Soir-Jeunesse'' s'amenuise : alors qu'en octobre [[1940]] il occupait huit pages (dont deux pour ''Les Aventures de Tintin''), il ne dispose plus que de quatre pages en mai [[1941]], jusqu'à disparaître le [[23 septembre]]. Dès lors, c'est en minuscules strips quotidiens que l'aventure continue d'être publiée. Cette dernière est avant tout célèbre parce qu'elle fait apparaître le [[capitaine Haddock]], qui deviendra une figure-phare des aventures<ref group="N">Selon Philippe Goddin, son nom est inspiré par ''Le Capitaine Craddock'', film franco-allemand de Hanns Schwarz et Max de Vaucorbeil (1931) P. Goddin, ''op. cit''., {{p.|272}}.</ref>. Après quelques planches envoyées au journal, Hergé abandonne définitivement les ''Exploits de Quick et Flupke''. Durant ces années d'occupation, les sujets traitent de « littérature d'évasion ». Les 98 planches du « Crabe » sont bouclées le {{date|3|septembre|1941}}<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=18}}</ref>. Entre-temps, la troupe du ''Théâtre de la Jeunesse'' présente aux Galeries de Bruxelles une pièce écrite par Hergé et Jacques Van Melkebeke : ''Tintin aux Indes ou le Mystère du diamant bleu'' (avril 1941). Le décor est planté dans l'Inde des Maharadjahs on note, outre Tintin, la présence des Dupondt et celle d'un savant sourd, esquisse du futur professeur Tournesol. C'est d'ailleurs au théâtre que Van Melkebeke présente à Hergé son ami [[Edgar P. Jacobs]] ([[1904]]-[[1987]]) qui devient rapidement « décoriste » et coloriste du père de Tintin<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|269}}.</ref>. |
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En 1953, Hergé décide de séparer plus nettement vie professionnelle et vie privée en quittant sa maison de [[Watermael-Boitsfort]]. En raison de l'état de santé de Germaine, le couple Remi s'installe dans l'appartement d'un immeuble pourvu d'un ascenseur, rue de Livourne à [[Ixelles]], tandis que les [[Studios Hergé]] emménagent dans des locaux plus vaste le {{Date-|{{1er}} avril}}, sur l'[[avenue Louise]] à Bruxelles{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=433-439}}. Son équipe se complète et se structure avec l'arrivée de plusieurs personnalités. Dès le mois de {{Date-|mars 1953}}, le journaliste Baudoin van den Branden de Reeth est engagé comme secrétaire personnel, principalement chargé du courrier mais également sollicité par Hergé pour améliorer les dialogues de ses aventures{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=433-439}}. En {{Date-|février 1954}}, le dessinateur [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]] rejoint l'équipe en tant que second d'Hergé. Il impose avec lui ses deux assistants personnels, [[Roger Leloup]] et Michel Demarets, et se voit confier l'achèvement de ''[[La Vallée des Cobras]]'', une aventure de ''[[Les Aventures de Jo, Zette et Jocko|Jo, Zette et Jocko]]'' abandonnée avant-guerre{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=433-439}}. Enfin, la dessinatrice Josette Baujot est recrutée pour prendre en charge la mise en couleur{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=433-439}}. |
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{{Article détaillé|L'Étoile mystérieuse}} |
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[[Fichier:Cartoon auf einer Hausfassade in Brüssel (Belgien) 5.jpg|vignette|redresse=0.7|gauche|alt=Photographie du mur de pignon d'un immeuble entièrement peint.|Une case de ''[[L'Affaire Tournesol]]'' sur le [[parcours BD de Bruxelles]].]] |
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En 1936, Charles Lesnes, introducteur d'Hergé chez Casterman, expliquait au dessinateur qu'il fallait de toute évidence et le plus rapidement possible entrer « dans une voie nouvelle : celle de la couleur ». Trois ans plus tard, Hergé et ses collaborateurs s'étaient mis à l'œuvre et les quatre premiers albums, hormis ''Tintin au pays des Soviets'', étaient achevés. Cependant ces refontes ne concernaient que des encarts colorisés hors-texte au sein des albums en noir et blanc<ref name="ReferenceB">{{harvsp|Peeters|1983|p=70}}</ref>. En revanche, l'acquisition par Casterman d'une nouvelle machine offset fait évoluer les choses. Dès février 1941, Louis Casterman demande à Hergé d'envisager la possibilité de réduire sensiblement le nombre de pages des futurs Tintin pour qu'ils puissent être imprimés en couleur par le procédé offset. Après avoir longuement hésité, Hergé accepte de mettre en couleurs ses histoires et de respecter le cadre des 62 pages<ref name="users.skynet.be"/> : |
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Le {{Date-|22|décembre|1954}}, ''[[L'Affaire Tournesol]]'' commence à paraître dans ''Tintin''. Après l'intrusion à Moulinsart d'un nouveau personnage haut en couleur, [[Séraphin Lampion]], les héros se lancent sur la piste du professeur Tournesol dans un véritable [[Thriller (genre)|thriller]] qui les conduit en [[Suisse]] puis en [[Bordurie]]. Hergé cherche à représenter les décors de manière précise : à l'occasion d'un nouveau séjour sur les bords du [[Léman]], il dessine et photographie l'[[hôtel Cornavin]] de [[Genève]], une maison de [[Nyon]] dont il fait la demeure du [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|professeur Topolino]], mais également les routes, à la recherche de l'endroit exact où une voiture pourrait quitter la route et tomber dans le lac{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=174}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=440-446}}. L'aventure s'achève le {{Date-|22 février 1956}} : pour la première fois depuis douze ans, celle-ci paraît sans interruption, preuve que la nouvelle méthode de travail que le dessinateur adopte à la tête de ses Studios porte ses fruits{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=440-445}}. |
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|+'''Le remaniement des albums d'avant-guerre (avant 1945)''' |
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! Albums |
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! Année de la première édition |
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! Année du premier changement |
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! Année du deuxième changement |
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| '''''Tintin au Congo''''' |
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| Petit Vingtième en 1931 |
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| Casterman en 1937 |
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| Casterman en 1942 |
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| '''''Tintin en Amérique''''' |
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| Petit Vingtième en 1932 |
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| Casterman en 1937 |
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| Casterman en 1942 |
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| '''''Les Cigares du pharaon''''' |
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| Casterman en 1934 |
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| Casterman en 1938 |
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| Casterman en 1942 |
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| '''''Le Lotus bleu''''' |
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| Casterman en 1936 |
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| Casterman en 1939 |
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| Casterman en 1942 |
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| '''''L'Oreille cassée''''' |
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| Casterman en 1937 |
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| Casterman en 1942 |
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| Casterman en 1943 |
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|- bgcolor=#FFFFDD |
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| '''''L'Île Noire''''' |
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| Casterman en 1938 |
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| Casterman en 1942 |
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| Casterman en 1943 |
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| '''''Le Sceptre d'Ottokar''''' |
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| Casterman en 1939 |
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| Casterman en 1942 |
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| Néant |
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| '''''Le Crabe aux pinces d'or''''' |
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| Casterman en 1941 |
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| Casterman en 1942 |
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| Casterman en 1943 |
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|- bgcolor=FFE8D8 |
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| '''''L'Étoile mystérieuse''''' |
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| Casterman en 1942 |
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| Néant |
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| Néant |
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Entre {{Date-|octobre 1956}} et {{Date-|janvier 1958}}, les Studios Hergé réalisent ''[[Coke en stock]]'', aventure dans laquelle, selon l'expression de [[Benoît Peeters]], l'auteur {{Citation|va le plus loin dans la mise en scène de son univers}}. De nombreux personnages font leur retour, tandis que l'intrigue tourne autour du trafic d'armes et surtout d'esclaves qu'Hergé voulait dénoncer{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=449-452}}. Toujours dans un souci de réalisme, le dessinateur monte à bord d'un cargo suédois naviguant entre [[Anvers]] et [[Göteborg]], accompagné de [[Bob de Moor]], pour y prendre des clichés qui alimentent les décors de l'aventure{{Sfn|Peeters|1990|gr=h|p= 106}}<ref>{{Ouvrage |auteur1=Yves Horeau |préface=[[Philippe Goddin]] |titre=Tintin, Haddock et les bateaux |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |année=2021 |année première édition=1999 |pages totales=64 |isbn=978-2-87424-516-9}}.</ref>. |
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La tâche étant immense, Hergé doit être épaulé par des collaborateurs, dont Edgar P. Jacobs, qui entament un important travail de refonte et de mise en couleurs des albums d'avant-guerre. L'artiste annonce à l'éditeur son intention d'organiser « une sorte d'atelier, spécialisé dans ce genre de travail » : Eugène Van Nyverssel, son épouse Germaine, Edgar P. Jacobs, Alice Devos, Guy Dessicy, Franz Jageneau et Monique Laurent forment la première équipe<ref name="users.skynet.be"/>. Pourtant, Hergé ne se limite pas uniquement au coloriage de ses albums : il en profite pour corriger les maladresses de dessin ou de découpage, il réécrit lisiblement les textes, et enfin il supprime ou ajoute des cases. ''L'Étoile mystérieuse'' est le premier album à résulter de ce long travail : 176 strips parus dans ''Le Soir'' du {{date|20|octobre|1941}} au {{date|21|mai|1942}} sont remaniés en 62 planches. |
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==== Nouvelle crise personnelle (1956-1959) ==== |
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Les planches de ''L'Étoile mystérieuse'' sont alors teintées d'antisémitisme et d'anti-américanisme<ref name="PEETERS_71">B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|71}}.</ref>. |
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[[Fichier:Eric Shipton yeti footprint.png|vignette|alt=Photographie en noir et blanc d'une empreinte de pied dans la neige, à côté du piolet.|Une empreinte supposée de [[yéti]] photographiée par [[Eric Shipton]] en 1951.]] |
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À la fin de l'année 1956, Hergé entame une liaison avec la jeune coloriste, [[Fanny Rodwell|Fanny Vlamynck]], recrutée l'année précédente, en {{Date-|juin 1955}}. Cette aventure cachée finit par être révélée, et plonge le dessinateur dans une nouvelle crise : malgré son attirance pour sa jeune amante, il ne peut se résoudre à quitter son épouse Germaine, avec qui les disputes sont de plus en plus fréquentes{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=457-463}}. La santé mentale d'Hergé s'aggrave : ses nuits sont alors marquées par des rêves obsédants et angoissants qu'il choisit de consigner dans un carnet{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=483-491}}. Dans le même temps, l'auteur peine à trouver l'inspiration. Dans un premier temps, il envisage un scénario qui met en scène la défense d'une tribu amérindienne spoliée par des exploitants pétroliers, ainsi qu'une aventure dont [[Nestor (Tintin)|Nestor]] serait le personnage principal, mais ces projets sont abandonnés{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=473-483}}. C'est alors qu'il se lance dans la rédaction d'une histoire simple et dépouillée, marquée par la présence du [[yéti]] et des neiges de l'[[Himalaya]]. Après diverses hésitations, Hergé met au point le scénario de ''[[Tintin au Tibet]]'', l'album probablement le plus personnel de son œuvre et qui reflète bien son état d'esprit à cette époque{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=473-483}}. Cette aventure se démarque des précédentes par son absence de méchants ou d'armes à feu, et un Tintin plus humain que jamais à la recherche de son ami de toujours, [[Tchang (Tintin)|Tchang]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=473-483}}. Pour donner corps à son récit et intégrer au mieux l'[[Yéti|abominable homme des neiges]], le dessinateur s'appuie sur les travaux de son ami [[Bernard Heuvelmans]] et sur le témoignage de l'alpiniste [[Maurice Herzog]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=473-483}}. |
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À mesure qu'il avance dans l'élaboration de son œuvre, les rêves d'Hergé se font plus angoissants. La blancheur y tient une grande place et s'avère menaçante : {{Citation|À un certain moment, dans une sorte d'alcôve d'une blancheur immaculée, est apparu un squelette tout blanc qui a essayé de m'attraper. Et à l'instant, tout autour de moi, le monde est devenu blanc, blanc{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=178}}.}} Sur le conseil de [[Raymond de Becker]], il consulte le psychanalyste zurichois Franz Niklaus Riklin, disciple de [[Carl Gustav Jung]]<ref group="alpha">Franz Niklaus Riklin (1909-1969) est le fils de [[Franz Riklin]] (1878-1938), lui-même psychiatre et qui a collaboré avec [[Carl Gustav Jung]] sur la méthode des associations de mots. Voir {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Kirsch, Thomas B. |titre=The Jungians : A Comparative and Historical Perspective |éditeur=[[Routledge]] |année=2012 |passage=15}}.</ref>, qui lui conseille de cesser le travail pour vaincre le {{Citation|démon de la pureté}} qui l'habite{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=483-491}}. Hergé s'obstine pourtant à terminer son œuvre{{Sfn|Assouline|1996|group=c|p=557-558}}, mais il retient de sa rencontre avec le psychiatre qu'il lui faut accepter {{Citation|de ne pas être immaculé}} s'il veut mettre fin à ses tourments intérieurs{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=58}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=483-491}}. |
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Au cœur d'une expédition scientifique en [[Arctique]], Hergé prend soin de mettre en scène des ressortissants de pays neutres ou alliés de l'Allemagne ([[Suède]], [[Espagne]], [[Allemagne]], [[Suisse]] et [[Portugal]]) et dans la version d'avant 1945, le navire concurrent est américain<ref>Si les États-Unis ne sont alors pas encore en guerre contre l'Allemagne, ils ont, trois semaines avant la première publication de ''L'Étoile mystérieuse'', autorisé l'armement défensif de leurs navires de commerce. P. Assouline (1996), ''op. cit''., {{p.|155}}.</ref>. L'œuvre d'Hergé souffre peu de la [[censure]] allemande : en [[1941]], les autorisations de réimprimer ''Tintin en Amérique'' et ''L'Île Noire'' demandées par Casterman tardent à venir, mais la réédition aura lieu, et aucun album de Tintin, sauf ''L'Île Noire'' à l'été 1943<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|307}}.</ref>, ne sera interdit sous l'[[Europe sous domination nazie|Occupation]]. Le {{date|5|mars|1942}}, il est l'un des rares à intervenir, pour la première fois, sur Radio-Bruxelles. À la fin de l'année, ''L'Île Noire'', ''L'Oreille cassée'' et ''Le Crabe aux pinces d'or'' sont presque terminés<ref name="ReferenceB"/>. |
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L'achèvement de ''Tintin au Tibet'', dont la dernière planche paraît le {{Date-|25 novembre 1959}}, agit finalement comme une sorte de thérapie. Hergé décide de rompre avec sa femme pour vivre avec Fanny{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=492-495}}. Bien que la séparation soit effective, il n'est pas question de divorce car Germaine Remi s'y oppose, en s'appuyant sur la loi belge{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=499-500}}. |
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==== L'aventure pour oublier ==== |
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[[Fichier:Bundesarchiv Bild 102-13738, Auguste Piccard.jpg|thumb|left|100px|[[Auguste Piccard]], inspirateur du [[Professeur Tournesol]] (1932).]] |
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{{Article détaillé|Le Secret de La Licorne|Le Trésor de Rackham le Rouge|Professeur Tournesol}} |
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=== Dernières années (1960-1983) === |
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Sur sa lancée, Hergé poursuit l'écriture de récits d'évasion, un peu comme pour faire oublier le quotidien de l'Occupation. Le {{date|11|juin|1942}}, ''Le Secret de La Licorne'', prémices d'une chasse au trésor, commence à paraître dans ''Le Soir''. Voulant éviter la monotonie, l'artiste introduit dans son histoire un maximum de fantaisie et de liberté. Pour la première fois, ce sont les personnages secondaires qui perturbent le bon déroulement de l'histoire<ref group="N">''Le Secret de La Licorne'' était considéré par son auteur comme l'un de ses albums préférés. {{harvsp|Peeters|1983|p=73-74}}</ref>. Après les Peaux-Rouges de ''Tintin en Amérique'', le dessinateur traite ici d'un autre thème mythique de la littérature de jeunesse : les corsaires et les pirates. Pour plonger le lecteur dans cet univers, il l'embarque, fin XVII{{e}} siècle, à bord d'un vaisseau de [[Louis XIV de France|Louis XIV]], « La Licorne », commandé par un ancêtre du capitaine Haddock<ref group="N">Le pirate Rackham le Rouge est quant à lui inspiré à la fois de John Rackham, un corsaire des Antilles mort en 1720, et d'un pirate haïtien fictif nommé Lerouge. « Une galerie de portraits tout à fait ressemblants », ''Géo hors-série'', 2000, {{p.|36}}.</ref>. Depuis ''L'Étoile mystérieuse'', Hergé regrettait de ne pas avoir dessiné le navire d'exploration l'''Aurore'' à partir d'une véritable maquette. Pour ''La Licorne'', il procède méthodiquement en reproduisant très fidèlement les caractéristiques des vaisseaux d'époque dont les maquettes étaient visibles au [[Musée national de la Marine|Musée de la Marine]] de Paris<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=74-75}}</ref>. L'histoire se poursuit dans ''Le Trésor de Rackham le Rouge'' (à partir du {{date|19|février|1943}} dans ''Le Soir''). Cet épisode marque l'apparition du [[professeur Tournesol]], personnage haut en couleur, inspiré du physicien suisse [[Auguste Piccard]] (1884-1962). Ce dernier fut le concepteur de nombreuses inventions comme le ballon stratosphérique ou le [[bathyscaphe]] et réalisa des plongées sous-marines<ref>Ce qui rappelle la plongée au bord du sous-marin dans l'album. « Une galerie de portraits tout à fait ressemblants », ''Géo hors-série'', 2000, {{p.|39}}.</ref>. L'aventure se termine par l'acquisition du [[château de Moulinsart]], au terme de 183 strips en noir et blanc le {{date|23|septembre|1943}} |
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==== Succès mondial de Tintin ==== |
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<ref group="N">Moulinsart est un lieu inventé par Hergé à partir d'un véritable village brabançon nommé [[Sart-Moulin]]. P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|292}}.</ref>. |
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[[Fichier:Kuifje en Bobby Le Lombard.jpg|vignette|gauche|alt=Visages de Tintin et Milou (tenant un os dans la gueule) au-dessus du toit d'un immeuble.|À [[Bruxelles]], l'enseigne lumineuse géante au sommet de l'« immeuble Tintin », siège des éditions [[Le Lombard]], est le symbole du succès de [[Tintin]] dans les années 1950.]] |
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Vers la fin des [[années 1950]], Tintin devient une icône internationale. Les albums se vendent mieux que jamais : les [[Historique des publications des Aventures de Tintin|traductions et les parutions dans la presse du monde entier]] se multiplient et la série atteint le million d'exemplaires vendus chaque année. Symbole de ce succès planétaire, le nouveau siège des [[Le Lombard|éditions du Lombard]] est inauguré par [[Paul-Henri Spaak]] le {{Date-|13|septembre|1958}}, pendant l'[[Exposition universelle de 1958|exposition universelle]]. À son sommet trône une grande enseigne lumineuse à l'effigie de Tintin et Milou{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=465-472}}. Les médias s'intéressent de plus en plus à Hergé : en 1957, se passionnant pour le succès commercial et mondial de ses aventures, [[Marguerite Duras]] évoque une {{Citation|Internationale Tintin}}<ref>{{Article |auteur1=[[Marguerite Duras]] |titre=L'internationale Tintin |périodique=[[L'Obs|France-Observateur]] |numéro=373 |pages=13 |date=4 juillet 1957}}.</ref>; l'année suivante, l'hebdomadaire [[Paris Match]] lui consacre un article, de même que le prestigieux ''{{Langue|en|[[The Times Literary Supplement|Times Literary Supplement]]}}''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=465-472}}, puis en 1959, l'écrivain belge [[Pol Vandromme]] est le premier à consacrer une [[biographie]] au dessinateur, intitulée ''Le Monde de Tintin'' et parue chez [[Éditions Gallimard|Gallimard]]<ref name="assouline le débat" />{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=465-472}}. |
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À la même époque, les demandes d'[[Adaptations des Aventures de Tintin à l'écran|adaptations cinématographiques]] se multiplient. Plusieurs projets sont abandonnés mais en 1958, le producteur français André Barret obtient les droits de reproduction. Hergé assiste [[Remo Forlani]] dans l'écriture du scénario de ''[[Tintin et le Mystère de la Toison d'or]]'', premier film en prises de vues réelles consacré au héros, qui sort finalement en [[1961 au cinéma|1961]]{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=271-274}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=465-472}}. |
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{{Article détaillé|château de Moulinsart|Les Sept Boules de cristal}} |
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[[Fichier:Cheverny.jpg|thumb|Le [[château de Cheverny]] ([[Loir-et-Cher]]), inspiration du château de Moulinsart.]] |
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==== Rythme de création ralenti (1960-1967) ==== |
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Au tournant du ''Trésor de Rackham le Rouge'' et des ''Sept Boules de cristal'', Hergé introduit le château de Moulinsart et son serviteur Nestor. Il s'agit alors de la demeure historique de la famille Haddock qui est rachetée par le capitaine grâce aux fonds gagnés par la découverte du trésor de Rackam-le-Rouge lors des plongées de Tintin effectuées avec le sous-marin du professeur Tournesol : c'est la fin du « nomadisme » des personnages<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=76}}</ref>. ''Les Sept Boules de cristal'' commencent d'ailleurs le {{date|16|décembre|1943}} dans ce nouveau décor somptueux, largement inspiré du château français de [[Cheverny]] (privé de ses deux ailes extérieures). Dans la lignée des ''Cigares du pharaon'' et de ''L'Étoile mystérieuse'', le dessinateur fait de la malédiction d'une momie [[Civilisation inca|inca]] l'énigme centrale de son histoire. À l'époque, aidé par son collaborateur Edgar P. Jacobs, Hergé s'attache de plus en plus au réalisme des décors. Aussi Jacobs repère-t-il dans la banlieue bruxelloise une villa qui servira de modèle pour la maison du [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|professeur Bergamotte]] : |
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[[Fichier:Hergé, Premier plan, 1962, Radio-Canada, 1.jpg|vignette|alt=Image en noir et blanc montrant le dessinateur à sa table à dessin.|Hergé en 1962, travaillant sur une planche des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux de la Castafiore]]'' sur sa table à dessin.]] |
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Au début de l'année 1960, Hergé sort du profond syndrome dépressif et de la crise morale dans lesquels il était plongé depuis des années. Pourtant, l'auteur manque d'inspiration. Il collabore avec [[Michel Greg]] qui lui livre le scénario détaillé d'une nouvelle aventure, ''[[Tintin et le Thermozéro]]'', conçu à partir d'un article de [[Philippe Labro]] paru en {{Date-|décembre 1957}} dans le magazine ''[[Marie France (magazine)|Marie France]]'', mais après avoir réalisé quelques [[crayonné]]s, Hergé abandonne le projet, révélant ainsi son incapacité à mettre en images le travail d'un autre{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=271-272}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=500-507}}. Fin 1960, il prend les premières notes préparatoires des ''[[Les Bijoux de la Castafiore|Bijoux de la Castafiore]]'', une {{Citation|anti-aventure}} dépourvue d'exotisme et qui entend bousculer les codes de la bande dessinée{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=500-507}}. Elle paraît dans ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' du {{Date-|4 juillet 1961}} au {{Date-|4 septembre 1962}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=185}}. |
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Les années 1960 sont celles d'un certain désœuvrement pour Hergé et son équipe, en l'absence de nouveau projet. Les [[Studios Hergé]] tournent au ralenti, au grand dam de certains dessinateurs qui déplorent le manque d'activité. Les biographes [[François Rivière]] et [[Benoît Mouchart]] rapportent qu'à cette époque, Hergé se rend parfois aux Studios pour y {{Citation|faire salon}}, entouré de lecteurs de son œuvre et aimant {{Citation|à s'entretenir longuement dans sa tour d'ivoire avec ces représentants du monde extérieur}}<ref name="mouchart rivière">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Benoît Mouchart]] |auteur2=[[François Rivière]] |titre=Hergé |sous-titre=Portrait intime du père de Tintin |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Bouquins|Bouquins]] |année=2023 |année première édition=[[Éditions Robert Laffont]], 2011 |pages totales=211 |isbn=9782382924266}}.</ref>, ce que confirme [[Numa Sadoul]], auteur de nombreux entretiens avec le dessinateur et qui ajoute : {{Citation|C'est pour ça qu'il était content que j'arrive, c'était pour l'empêcher de travailler}}{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=263-271}}. Dans ce contexte, le travail sur d'anciens albums apparaît comme le seul moyen de combler le vide. Ainsi, ''[[L'Île Noire]]'' est entièrement redessinée entre 1963 et 1965 pour tenir compte des remarques formulées par l'éditeur [[Methuen (maison d'édition)|Methuen]], chargé de publier l'album au [[Royaume-Uni]]{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=257-263}}. Dans le même temps, Hergé prend ses distances avec le journal ''Tintin''. Après avoir fait pression au cours de l'année 1964 pour recouvrer son rôle de directeur artistique du périodique, il s'en désintéresse peu à peu après la nomination de [[Michel Greg]] comme rédacteur en chef en {{Date-|octobre 1965}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=511-514}}. Le travail de retouche des anciens albums se poursuit les années suivantes avec la modification des dialogues de ''[[Coke en stock]]'', qu'il veut rendre politiquement corrects afin de contrer toute accusation de racisme, puis la refonte de ''[[Tintin au pays de l'or noir]]'' qui, à la demande de l'éditeur britannique, reparaît en 1971 dans une version largement remaniée, effaçant le contexte [[Palestine mandataire|anglo-palestinien]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-542}}. |
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{{Citation bloc|Jacobs avait découvert exactement le genre de villa qui convenait, pas très loin de chez moi, toujours à Boitsfort. Et nous voilà postés devant cette maison, amassant des croquis sans nous inquiéter (…). Notre travail terminé, nous repartons paisiblement. Surgissent à ce moment deux autos grises (…) qui stoppent devant la villa : celle-ci était réquisitionnée et occupée par des SS !|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit'', p. 165.</ref>.}} |
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Depuis qu'il a officialisé sa relation avec [[Fanny Rodwell|Fanny Vlamynck]], de nombreuses occupations détournent l'auteur de son travail, en particulier sa nouvelle passion pour l'[[art moderne]] et l'[[art contemporain]], qui lui prend d'autant plus de temps qu'il s'essaie lui-même à la peinture sur les conseils de [[Louis Van Lint]]{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Hergé réalise trente-sept toiles, qu'il renonce cependant à exposer{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Il se rapproche également du collectionneur Marcel Stal, qu'il aide financièrement à établir sa [[Galerie d'art|galerie]] ''Carrefour'' sur l'[[avenue Louise]]{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Par ailleurs, il prend des vacances de plus en plus régulières et longues. Hergé qui, à l'inverse de son héros, n'avait que peu voyagé, multiplie désormais les destinations lointaines : il visite notamment la [[Tunisie]] à l'occasion d'une croisière en [[Mer Méditerranée|Méditerranée]] en 1963<ref>{{Ouvrage |auteur1=[[Philippe Goddin]] |titre=Hergé, Chronologie d'une œuvre |sous-titre=1958-1983 |tome=7 |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |année=2011 |mois=mai |pages totales=375 |passage=194 |isbn=978-2-87424-239-7}}.</ref>, puis effectue un voyage au [[Québec]] en 1965, lors duquel il participe au [[salon du livre de Montréal]]<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=La visite d’Hergé qui a rapproché Tintin du Québec |url=http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/340668/tintin-quebec-herge-tristan-demers |site=[[Société Radio-Canada|Radio-Canada]] |date=2021-01-26 |consulté le=2024-02-21}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. |
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Cette aventure est probablement celle où l'évolution sera la plus soumise aux aléas de la guerre : la progression est ralentie pour être totalement interrompue avec la Libération de Bruxelles par la Division britannique des Guards, au matin du {{date|4|septembre|1944}}. L'interruption correspond approximativement à la séquence où Tintin effectue une visite à l'hôpital<ref>''Les Sept Boules de cristal'', version 1975, {{p.|49}}.</ref>. |
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Quatre ans après la fin des ''Bijoux de la Castafiore'', Hergé entame enfin une nouvelle aventure de Tintin. Après avoir travaillé sur un scénario qui devait renvoyer le héros au [[San Theodoros]], l'auteur en conserve quelques éléments pour concevoir ''[[Vol 714 pour Sydney]]''<ref name="bigotudos">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Philippe Goddin]] |titre=Hergé et les Bigotudos |sous-titre=Le roman d'une aventure |lieu=Paris |éditeur=[[Casterman]] |collection=Bibliothèque de Moulinsart |année=1990 |réimpression=1993 |pages totales=287 |isbn=2-203-01709-0}}.</ref>. L'écriture de cet album répond aussi à la nécessité de contrer le succès d{{'}}''[[Astérix]]'', une série née en 1959 et qui rencontre un grand succès, au point que certains journaux lui accordent la première place des publications pour enfant{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=754}} : dans les colonnes de ''[[L'Express]]'', un journaliste affirme même que {{Citation|dans le sillage d{{'}}''Astérix'', ''Tintin'' mord la poussière}}, ce qui irrite fortement Hergé{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=754}}{{,}}{{Sfn|Assouline|gr=c|1996|p=595-597}}. Avec ''Vol 714 pour Sydney'', qui s'appuie sur l'engouement pour les phénomènes paranormaux et le succès de la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=523-526}}, Hergé poursuit le processus de déconstruction de son œuvre entamé dans ''Les Bijoux de la Castafiore'' en s'attaquant cette fois aux méchants qui sont tout bonnement ridiculisés{{Sfn|Soumois|1987|p=289}}{{,}}{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=14}}. |
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=== Le retour sur le devant de la scène (1944-1954) === |
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==== Les années difficiles (1944-1946) ==== |
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À partir de 1943, des tensions apparaissent au sein du ''Soir''. De Becker se brouille avec la hiérarchie allemande et devient progressivement anti-nazi. Il est démis de ses fonctions et placé en résidence surveillée en [[Bavière]] jusqu'à la fin de la guerre. |
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==== Reconnaissance internationale et dernier album achevé (années 1970) ==== |
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Le 4 septembre 1944, Hergé fête la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération]] avec Jacobs et deux soldats britanniques chez lui. Or, trois jours plus tard son domicile est perquisitionné par la Police Judiciaire. Mais le monde d'Hergé s'écroule. Durant l'automne 1944 plusieurs de ses amis proches dont Jacques Van Malkebeke, Paul Jamin et l'abbé Wallez sont arrêtés et jugés pour leur rôle de collaborateurs ou leur proximité supposée avec l'idéologie nazie. L'ecclésiastique comme les autres est condamné à mort avant que la peine ne soit commuée en quelques années de prison. |
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[[Benoît Peeters]], biographe d'Hergé, affirme que la décennie 1970 est pour le dessinateur celle de la {{Citation|construction du mythe}} qui suscite de premiers travaux universitaires{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-563}}. Le sémiologue [[Pierre Fresnault-Deruelle]] consacre un mémoire à la série, ainsi que plusieurs articles de la revue ''[[Communications]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-563}}. ''Les Bijoux de la Castafiore'' accède au {{Citation|statut d'album pour intellectuels}}<ref name="assouline le débat" />, et se voit célébrer notamment par le philosophe [[Michel Serres]] qui lui consacre une étude de treize pages dans la revue ''[[Critique (revue)|Critique]]'' en 1970 sous le titre ''Les Bijoux distraits ou la cantatrice sauve'', puis par [[Benoît Peeters]] dans l'essai ''Les Bijoux ravis'' en 1984<ref name="assouline le débat" />. Hergé, désormais considéré comme un {{Citation|créateur littéraire majeur}}, reçoit les hommages de la profession ou de grands artistes, comme au premier congrès international de la bande dessinée à [[New York]] en 1972<ref name="marion le débat">{{Article |auteur1=[[Jean-Luc Marion]] |titre=Tintin comme système |sous-titre=Esquisse d'une interprétation |périodique=Le Débat |numéro=195 |titre numéro=Le sacre de la bande dessinée |pages=143-158 |éditeur=[[Éditions Gallimard]] |date=mai-aôut 2017 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-le-debat-2017-3.htm}}.</ref>, ou bien au [[Festival international de la bande dessinée d'Angoulême]], duquel il est nommé président d'honneur de l'édition 1977{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=576-581}}. Le célèbre peintre américain [[Andy Warhol]] réalise une série de quatre portraits de l'artiste, les deux hommes se vouant une admiration mutuelle<ref name="warhol">{{Lien web |auteur=Camille Cado |titre=Andy Warhol et Hergé : l’histoire d’une admiration réciproque |url=https://actualitte.com/article/13657/jeux-video/andy-warhol-et-herge-l-histoire-d-une-admiration-reciproque |site=[[ActuaLitté]] |date=25 avril 2019 |consulté le=24 février 2024}}.</ref>. Le succès grandissant de ses albums attise également la critique et de nombreux journalistes s'acharnent à détruire l'image de ce qu'ils considèrent comme une bande dessinée réactionnaire{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-563}}. |
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[[Fichier:Numa.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie d'un homme chauve portant une chemise blanche, le regard tourné vers le haut.|Le journaliste [[Numa Sadoul]] réalise un entretien avec Hergé qui aboutit à la rédaction d'un livre de confidences dans les {{Nobr|années 1970}}.]] |
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Le 8 septembre, le Haut Commandement Interallié ordonne l'interdiction momentanée de l'exercice de tous les journalistes ayant collaboré à la rédaction d'un journal pendant l'Occupation<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|329}}.</ref>. Après la Libération de Bruxelles, les milices de la Résistance effectuent une vague d'arrestations dans le milieu journalistique <ref>[http://www.objectiftintin.com/whatsnew_Tintin_1122.lasso Biographie de Raymond de Becker dans Objectif Tintin]</ref>. Bien que n'y ayant jamais rédigé d'articles politiques, Hergé avait en effet travaillé pour ''Le Soir'' entre 1940 et 1944. Hergé est arrêté par quatre fois et passe une nuit en prison : |
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En {{Date-|octobre 1971}}, Hergé accorde un entretien exclusif au jeune journaliste [[Numa Sadoul]], lors duquel il dévoile une partie des secrets qui ont présidé à la création de son œuvre{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-563}}. Ce long entretien aboutit à la publication de l'ouvrage ''[[Tintin et moi]]'', en 1975, après de multiples relectures attentives de la part d'Hergé{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-563}}. S'appuyant sur ce texte, le journaliste belge Henri Roanne réalise le film documentaire ''[[Moi, Tintin]]'', diffusé pour la première fois en 1976{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-563}}. Par l'évocation de ses souvenirs lors de la préparation de ''Tintin et moi'', Hergé prend conscience de l'importance du ''[[Le Lotus bleu|Lotus bleu]]'' et de sa rencontre avec [[Zhang Chongren|Tchang Tchong-jen]] dans la construction de son œuvre. Dès lors, le dessinateur tente de retrouver sa trace. Par l'intermédiaire de son amie Dominique de Wespin, il est reçu en 1973 par le gouvernement de [[Tchang Kaï-chek]] à [[Taïwan]], alors que ce dernier lui avait déjà lancé une invitation en 1939 quand il était le chef de la [[République de Chine (1912-1949)|République chinoise]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-563}}. |
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{{Citation bloc|Plus personne ne vous connaît ni même les éditeurs, plus personne !|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_2003"/>.}} |
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Les départs de [[Roger Leloup]] et [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]] ralentissent encore le rythme de travail et de production des [[Studios Hergé]]. Le dessinateur reprend parfois le dossier de travail d'une aventure encore appelée ''Tintin et les Bigotudos'', dont les premières notes remontent à 1962, mais sans retrouver l'évidence créatrice qui le caractérisait auparavant{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=565-571}} : {{Citation|L'idée a mis longtemps à prendre forme ; c'est comme une petite graine, un petit ferment qui prend son temps pour se développer. J'avais un cadre : l'Amérique du Sud […] mais rien ne prit forme avant longtemps : il fallait que vienne un déclic{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=74}}}}. Finalement, huit ans après la fin de ''Vol 714 pour Sydney'', ''[[Tintin et les Picaros]]'' commence à paraître le {{Date-|16|septembre|1975}} dans le ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=234-235}}. Dans cet épisode, Hergé présente des personnages profondément modifiés physiquement (Tintin porte un [[Jean (tissu)|jean]], pratique le [[yoga]] et se déplace à [[cyclomoteur]]) et moralement (extrême passivité face aux actions et lassitude de l'aventure)<ref name="tourisme">{{Chapitre |auteur1=Anna Madœuf |auteur2=Olivier Sanmartin |titre chapitre=Géographe et touriste ? Quelques selfies de Tintin en voyage |titre ouvrage=Les géographies de Tintin |éditeur=CNRS éditions |année=2018 |passage=131-141 |isbn=978-2-271-11898-1}}.</ref>. Si l'album est un succès commercial, il attise les critiques de nombreux tintinophiles, de la presse généraliste et de la presse spécialisée, à l'exception de Michel Serres qui prend une nouvelle fois la défense d'Hergé dans la revue ''Critique''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=565-571}}. |
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{{Citation bloc|J'ai été arrêté quatre fois, chaque fois par des services différents, mais je n'ai passé qu'une nuit en prison ; le lendemain on m'a relâché. Je n'ai cependant pas figuré au procès des collaborateurs du ''Soir'', j'y étais en spectateur… Un des avocats de la défense a d'ailleurs demandé : "Pourquoi n'a-t-on pas aussi arrêté Hergé ?", ce à quoi l'Auditeur militaire a répondu : "Mais je me serais couvert de ridicule !"|Interview d'Hergé<ref>Pol Vandromme, ''Le Monde de Tintin'', Paris, Gallimard, 1959, p. 52.</ref>.}} |
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Le {{Date-|28 mars 1977}}, le divorce entre Georges et Germaine Remi est finalement prononcé. Quelques semaines plus tard, le dessinateur épouse, en toute discrétion, sa compagne [[Fanny Rodwell|Fanny Vlamynck]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=576-581}}. En 1979, les célébrations du cinquantième anniversaire de la série donnent lieu à nouvelle série d'hommages. À Paris, une grande réception est donnée à l'[[Musée Carnavalet|hôtel Carnavalet]], et le dessinateur est invité par [[Bernard Pivot]] sur le plateau d'''[[Apostrophes]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=576-581}}{{,}}<ref name="assouline le débat" />. À Bruxelles, une réception se tient dans les salons de l'hôtel Hilton, tandis que l'exposition ''Le Musée imaginaire de Tintin'', organisée au [[Palais des Beaux-Arts (Bruxelles)|palais des Beaux-Arts]] par Michel Baudson et [[Pierre Sterckx]], retrace l'histoire de son œuvre{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=576-581}}. |
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En effet, quelques semaines auparavant, le substitut chargé de constituer le dossier des journalistes du « Soir volé » explique que « ce serait de nature à ridiculiser la justice que de s'en prendre à l'auteur d'inoffensifs dessins pour enfants », même si reconnaît-il plus loin, il allait devoir « poursuivre des chroniqueurs littéraires, sportifs, etc. » dont les écrits personnels ne sont pourtant pas sujets à critique<ref>P. Assouline, ''Hergé'', Paris, Plon, 1996, chapitre 7</ref>. Le dessinateur est donc l'objet d'une certaine clémence qu'il doit au résistant belge William Ugeux. Ce dernier donne son avis sur le cas Hergé : |
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==== Fin de vie ==== |
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{{Citation bloc|Quelqu'un qui s'est bien conduit à titre personnel, mais qui n'en est pas moins demeuré un anglophobe évoluant toujours dans la mouvance rexiste. Il illustrait bien la passerelle qui reliait l'esprit scout primaire et la mentalité élémentaire des rexistes : goût du chef, du défilé, de l'uniforme… Un maladroit plutôt qu'un traître. Et candide sur le plan politique|William Ugeux, décembre 1945<ref name="ASSOUL_7">P. Assouline (1996), ''op. cit''., chapitre 7.</ref>.}} |
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[[Fichier:Tombe d'Hergé Friedhof Uccle Bruxelles.JPG|vignette|alt=Photographie d'une pierre tombale.|La tombe d'Hergé au [[cimetière du Dieweg]].]] |
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Immédiatement après la fin de ''Tintin et les Picaros'', le {{Date-|13|avril|1976}}, Hergé développe l'idée d'un album dont l'action se déroulerait entièrement dans un aéroport{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=723-724}}. Il imagine une histoire sans fil conducteur, un album qui pourrait se lire en partant de n'importe quelle page. Les notes se multiplient{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=573-575}}. Pendant l'été 1979, le dessinateur ressent un fort épuisement et croit à un surmenage dû aux différentes cérémonies du cinquantenaire de Tintin. En réalité, il est atteint d'une [[Insuffisance médullaire|ostéomyélofibrose]], une grave maladie du sang diagnostiquée dès le mois de septembre par des médecins. Dès lors, il doit subir une [[transfusion sanguine]] complète toutes les deux semaines{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}. |
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L'auteur est de moins en moins présent aux [[Studios Hergé]], dont Alain Baran, son secrétaire depuis quelques années, est nommé directeur administratif au début de l'année 1981{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}. Bien qu'il se désintéresse peu à peu de son métier, Hergé ressort parfois le dossier de sa prochaine aventure. Le [[Un jour d'hiver, dans un aéroport|projet de l'aéroport]] ayant été abandonné, il se tourne vers le thème de l'[[art contemporain]], sa nouvelle passion depuis les années 1960 et qui doit aboutir à la création de ''[[Tintin et l'Alph-Art]]'', un album qui s'esquisse lentement malgré l'épuisement de l'auteur{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}. Dans le même temps, Hergé se passionne plus encore pour le [[taoïsme]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}. |
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Ainsi, le {{date|22|décembre|1945}}, le dossier d'Hergé est classé sans suite et un an plus tard il obtient l'autorisation pour publier de nouveau (septembre 1946). Entre temps, les milieux résistants avaient fait paraître dans l'hebdomadaire ''La Patrie'', la ''Galerie des traîtres'', un fascicule injuriant les collaborateurs, la parodie « Tintin au pays des Nazis », dans laquelle on peut lire : |
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Le {{Date-|18|mars|1981}}, Hergé retrouve enfin son ami [[Zhang Chongren|Tchang Tchong-jen]], invité à Bruxelles par [[Gérard Valet]], journaliste à la [[Radio-télévision belge de la Communauté française|RTBF]]. Leur rencontre est retransmise en direct à la télévision. Hergé apparaît très affaibli et semble extrêmement gêné par l'hypermédiatisation de l'événement. Ces retrouvailles sont néanmoins décevantes sur le plan personnel tant le caractère des deux hommes a profondément évolué pendant plus de quarante années de séparation{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}. |
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{{Citation bloc|Élève Tintin, vous avez aidé l'élève Nazi à faire ce devoir ! Vous êtes un sale collaborateur, élève Tintin ! Je dirais même plus un sale Kollaborateur !|Extrait de la violente parodie « Tintin au pays des Nazis », 1944<ref>[http://www.naufrageur.com/a-1944.htm Extrait sur le site Tintin est vivant !]</ref>.}} |
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La maladie d'Hergé progresse. En {{Date-|septembre 1981}}, alors qu'il séjourne à [[Locarno]], sur les bords du [[lac Majeur]], le dessinateur attrape une double [[pneumonie]] et doit être rapatrié d'urgence à Bruxelles{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}. Des phases d'amélioration alternent avec des périodes de grande souffrance et la consultation des meilleurs spécialistes ne peuvent enrayer la progression de la maladie. Certains de ses proches pensent que l'aggravation de son état serait le fait d'une infection par le [[Virus de l'immunodéficience humaine|VIH]], encore peu connu à l'époque{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}. Le {{Date-|25 février 1983}}, il entre aux [[Unité de soins intensifs|soins intensifs]] des [[Cliniques universitaires Saint-Luc]], à [[Woluwe-Saint-Lambert]], pour insuffisance cardiaque. Après une semaine de [[coma]], Hergé meurt le {{Date-|3|mars|1983}}, à l'âge de {{Nobr|75 ans}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=581-588}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=973}}. Il est inhumé, à sa demande, au [[cimetière du Dieweg]] dans la commune bruxelloise d'[[Uccle]], et cela par dérogation spéciale car cette nécropole est [[cimetière|désaffectée]]<ref>{{Lien web |titre=Ni fleurs ni figurine sur sa tombe |url=https://www.dhnet.be/archives-journal/2008/03/02/ni-fleurs-ni-figurine-sur-sa-tombe-4VF6WCQFDRBETBECBGNVCHT32U/ |site=[[La DH Les Sports+]] |date=01-03-2008 |consulté le=24 février 2024}}.</ref>. |
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Hergé eut un souvenir amer de l'[[Épuration (politique)|Épuration]] et garda une certaine rancune vis-à-vis de la Résistance : |
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== Profil et particularités == |
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{{Citation bloc|Je détestais le genre Résistant. On m'a proposé quelquefois d'en faire partie, mais je trouvais cela contraire aux lois de la guerre. Je savais que pour chaque acte de la résistance, on allait arrêter des otages et les fusiller.|Interview d'Hergé<ref name="larevuetoudi.org"/>.}} |
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=== Vie privée === |
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En 1928, Georges Remi rencontre Germaine Kieckens, secrétaire de l'abbé [[Norbert Wallez]] au ''[[Le Vingtième Siècle (quotidien)|Vingtième Siècle]]''{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=113}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=71}}. Très vite, le dessinateur lui adresse des lettres passionnées, mais Germaine ne cède pas dans l'immédiat à ses avances, considérant que le jeune homme manque encore de maturité. Leurs liens se resserrent peu à peu : Germaine l'accompagne parfois sur la côte belge et, en {{Date-|mai 1931}}, elle voyage à Paris avec Georges et ses parents. Le mois suivant, le dessinateur est présenté aux parents de la jeune femme{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=109-112}}. Leurs fiançailles sont fêtées le {{Date-|21 février 1932}} chez les Kieckens, à [[Laeken]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=109-112}}. Le {{Date-|20 juillet 1934}}, leur mariage est célébré par l'abbé Wallez dans une église bruxelloise{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=181}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=118}}. |
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Pendant de longues années, le travail harassant auquel s'astreint Hergé ne laisse que peu de temps au couple pour prendre des vacances. Georges et Germaine aiment séjourner à l'hôtel Joli-Bois de [[Le Coq|Coq-sur-Mer]] mais leurs sorties sont rares : Hergé est d'un tempérament casanier et rechigne à se rendre au théâtre ou au cinéma{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=176}}. Après la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération]], le profond syndrome dépressif dans lequel s'enfonce le dessinateur provoque de violentes disputes au sein du couple{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=321-324}}. Un premier séjour en [[Suisse]] à l'été 1947 semble leur donner un nouvel élan, mais la situation se tend de nouveau quand Hergé se montre infidèle{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=330-335}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=345-346}}. Malgré l'achat d'une maison de campagne à [[Céroux-Mousty]] en 1949, où ils passent chaque week-end, Georges et Germaine prennent peu à peu leurs distances{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=279}}. Le grave accident d'automobile dont ils sont victimes en 1952 aggrave encore la situation : tandis que Georges s'enfonce dans la dépression{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=421-422}}, cet événement accroît la rancœur de sa femme à son égard{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=423-427}}. |
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Entre fin [[1944]] et fin [[1946]], Georges Remi est interdit de publication. De nombreuses rumeurs circulent alors sur son compte. Certains avancent qu'il est devenu fou et d'autres même qu'il est mort. En réalité, le dessinateur travaille sur certains de ses albums d'avant-guerre<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|18}}.</ref>. En juin [[1945]], Paul Remi rentre de captivité en Belgique mais cela n'arrange pas l'état de santé de sa mère. De son côté, Hergé améliore l'efficacité narrative des images de ''Tintin en Amérique''. De nombreuses planches de l'ancienne édition (version 1932), où certaines maladresses apparaissaient, sont corrigées. L'album est colorisé et calibré en 62 pages. ''Tintin au Congo'' est le second album à subir une refonte totale. L'auteur prend soin de modifier certaines séquences de la version en noir et blanc qui pourraient être embarrassantes à une époque sensible. Ce sont les détails colonialistes qui sont « adoucis », comme la célèbre leçon de géographie à des Congolais où Tintin s'exclamait : « Votre patrie la Belgique » (version 1930), qui devient une leçon de mathématiques : « Deux plus deux égalent ? » (version 1946)<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|30-31}}.</ref>. Casterman lui réclame les planches originales du ''Sceptre d'Ottokar'' pour les coloriser, mais celles-ci sont restées dans les locaux de ''Cœurs Vaillants'' pendant l'Occupation et ont disparu<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|350}}.</ref>. Enfin dernier album concerné, ''Le Lotus bleu'', dans l'ensemble peu modifié exceptés la colorisation, le calibrage paginal et quelques enrichissements de décor (version 1946). À la même période, Hergé lance avec Edgar P. Jacobs des planches de bandes dessinées sous le pseudonyme de « Olav »<ref name="Chrono"/>. |
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Sur un autre plan, les personnages d'enfants occupent une place importante dans les ''Aventures de Tintin'' et, le plus souvent, il s'agit d'orphelins ou d'enfants kidnappés, brusquement enlevés à leurs parents<ref name="alvares">{{Article |auteur1=Cristina Álvares |titre=Tintin orphelin |sous-titre=Une approche du héros hergéen à travers le motif de l'enfant trouvé |périodique=Synergies Espagne |numéro=13 |pages=159-171 |année=2020 |lire en ligne=http://repositorium.sdum.uminho.pt/bitstream/1822/67495/1/alvares.pdf}}.</ref>. Le rôle de [[Tintin]], que le critique [[Pierre Sterckx]] considère comme {{Citation|un orphelin à la recherche d'une famille d'adoption}}{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=111}}, consiste à restituer l'enfant à ses parents<ref name="alvares" />. Ce thème récurrent dans l'œuvre d'Hergé a fait naître plusieurs hypothèses, comme celle de son biographe [[Pierre Assouline]] qui affirme que le couple Remi, dans l'impossibilité d'avoir un enfant, aurait entamé une démarche d'adoption à la fin des {{Nobr|années 1940}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=654-655}}. Un autre biographe d'Hergé, [[Benoît Peeters]], dément cette allégation dès 2002, tandis que les héritiers du dessinateur la nient de façon tranchée{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=365}}. En 2009, ce même Benoît Peeters signe avec [[Philippe Goddin]] un communiqué commun qui qualifie l'hypothèse d'Assouline de {{Citation|sinistre racontar}}<ref>{{Lien web |auteur=Nicolas Anspach |titre=Goddin et Peeters contestent les propos d'Assouline sur la "brève paternité" d'Hergé |url=http://www.actuabd.com/Goddin-et-Peeters-contestent-les-propos-d-Assouline-sur-la-breve-paternite-d-Herge#forum17098 |site=actuabd.com |date=27 mars 2009 |consulté le=9 décembre 2015}}.</ref>. De façon plus avérée, il apparaît que l'auteur est stérile, ce qui conduit Pierre Assouline à regretter ne pas posséder plus d'information concernant ce sujet, car {{Citation|ce serait […] une clef fort utile à tous ceux qui se passionnent pour les sources de cette œuvre qui part du monde de l'enfance pour y retourner}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=654-655}}. |
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==== Le ''Journal de Tintin'' : un nouveau départ ==== |
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À la fin de l'année 1956, Hergé entame une liaison avec sa jeune coloriste [[Fanny Rodwell|Fanny Vlamynck]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=457-463}}. Malgré la passion qu'il entretient pour cette jeune femme, il ne se résout à quitter Germaine qu'au terme de la publication de ''[[Tintin au Tibet]]'', trois ans plus tard{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=499-500}}. La séparation est effective au début de l'année 1960, lorsqu'il s'installe à l'hôtel Brussels, sur l'[[avenue Louise]]. Au mois de juillet suivant, il loue un petit appartement avec sa nouvelle compagne sur l'[[avenue De Fré]], à [[Uccle]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=499-500}}. La loi belge n'autorisant pas le divorce, c'est avec Germaine qu'Hergé continue de se montrer dans les occasions publiques. D'ailleurs, il passe presque tous les lundis en sa compagnie, dans leur maison de Céroux-Mousty{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=499-500}}. Ce n'est que le {{Date-|28 mars 1977}} que le divorce est prononcé, ce qui permet à Hergé d'épouser Fanny quelques semaines plus tard{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=576-581}}. |
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{{Article détaillé|Le Journal de Tintin|Le Temple du Soleil}} |
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Le couple que forme le dessinateur avec Fanny Vlamynck est construit à l'opposé de celui qu'il formait avec Germaine, l'auteur s'attachant à ne plus mélanger le travail et la vie privée, d'autant plus que sa compagne a quitté son poste aux Studios Hergé en {{Date-|septembre 1959}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=492, 527}}. |
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Le {{date|19|avril|1946}}, [[Élizabeth Dufour|Élisabeth Remi]], la mère d'Hergé, décède dans un hôpital psychiatrique (banlieue nord-est de Bruxelles). Au cours de l'été, l'ancien résistant [[Raymond Leblanc]] ([[1915]]-[[2008]]) propose à Hergé d'obtenir pour lui l'autorisation de créer un journal. Leblanc fonde ''[[Tintin (périodique)|Le Journal de Tintin]]'' et Hergé devient le directeur artistique des bureaux situés au 55 [[Rue du Lombard (Bruxelles)|rue du Lombard]] à Bruxelles. De nombreux dessinateurs coopèrent dont Edgar P. Jacobs, Jacques Van Melkebeke et [[Jacques Laudy]]. Le premier numéro de l'hebdomadaire paraît le {{date|26|septembre|1946}}<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|82}}.</ref>. Les conditions de travail ne sont plus celles de l'Occupation, ce qui améliore considérablement la qualité du dessin (format à l'italienne, finesse des couleurs, taille des images…). Après deux ans d'interruption, la suite des ''Sept Boules de cristal'' apparaît dans le premier numéro du Journal sous le titre « Le Temple du Soleil ». Le tournant entre les deux albums s'effectue le {{date|16|janvier|1947}}. Envoyant ses héros au [[Pérou]], la documentation amassée, avec l'aide d'Edgar P. Jacobs, pour l'occasion est considérable. Outre les croquis et les photos, la source de référence du dessinateur est l'ouvrage de Charles Wiener, ''Pérou et Bolivie'' ([[1880]]). En parallèle du récit de l'aventure, les planches doubles du Journal permettent l'impression en bas de page de documents renseignant le lecteur sur les civilisations précolombiennes<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|82-83}}.</ref>. |
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=== Personnalité insaisissable === |
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Après avoir contribué à la documentation et au coloriage du ''Temple du Soleil'', Edgar P. Jacobs continue son chemin en se consacrant aux aventures de ses propres héros [[Blake et Mortimer]] à partir de janvier 1947. La période est particulièrement difficile pour Hergé. Une querelle éclate au printemps entre son agent Bernard Thièry et lui. Accusé d'escroquerie, ce dernier menace le dessinateur de divulguer la collaboration de Van Melkebeke alors interdit de publication depuis la Libération. L'abbé Wallez, quant à lui, est condamné à quatre années de prison le 10 juin<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|376-385}}.</ref>. |
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==== Homme chaleureux et drôle, à l'esprit de camaraderie ==== |
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Le journaliste et écrivain Daniel Couvreur qualifie Hergé {{Citation|d'amuseur qui ne s'est jamais pris au sérieux}}<ref name="couvreur" />. Le dessinateur apprécie en effet l'humour potache et cultive l'[[autodérision]]. Dans un entretien accordé au journaliste belge Jacques Mercier, il déclare : {{Citation|en ce qui me concerne, la chose essentielle, c'est de pouvoir se moquer un peu de soi-même… et de tout !}}<ref name="couvreur" />. Il partage avec ses amis le goût de la fantaisie et du [[canular]], au point d'utiliser dans ses albums les blagues que lui font parfois ses assistants<ref name="couvreur">{{Chapitre |auteur1=Daniel Couvreur |titre chapitre=Cultiver l'art de se moquer de soi-même |titre ouvrage={{Harvsp|id=Rire|texte=Le rire de Tintin|2014}} |passage=10-14}}.</ref>. Il puise notamment son inspiration chez les grands maîtres du [[cinéma muet]] et [[burlesque]] qu'il découvre dans sa jeunesse comme [[Charlie Chaplin]], [[Buster Keaton]], [[Harold Lloyd]], mais aussi les [[Auguste et Louis Lumière|frères Lumière]]. La scène mythique de ''[[L'Arroseur arrosé]]'' est notamment reprise dans ''[[Coke en stock]]'' aux dépens du [[capitaine Haddock]]<ref>{{Chapitre |auteur1=Jean-Marie Embs |titre chapitre=Le cinéma cher à Hergé : plans, cadrages, rythme… |titre ouvrage={{Harvsp|id=Rire|texte=Le rire de Tintin|2014}} |passage=56-60}}.</ref>. |
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Hergé témoigne d'un esprit de camaraderie acquis très tôt par le biais du [[Scoutisme en Belgique|scoutisme]]. Tout au long de sa vie, il revendique l'héritage de ses années de jeunesse passées avec la troupe : {{Citation|C'est avec le scoutisme que le monde a commencé à s'ouvrir pour moi. C'est le grand souvenir de ma jeunesse. Le contact avec la nature, le respect de la nature, la débrouillardise. Tout cela a été essentiel pour moi et, même si cela paraît un peu démodé, ce sont des valeurs que je ne renie pas{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=39-40}}.}} C'est chez les scouts que l'humour de Georges Remi trouve son premier public, par contraste avec la monotonie de son univers familial, et c'est là qu'il noue aussi des amitiés durables comme avec José de Launoit ou Philippe Gérard, l'un de ses premiers conseillers scénaristiques{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=39-40}}. C'est avec ces deux hommes qu'il joue brièvement au théâtre dans les {{Nobr|années 1920}}, au sein de la troupe des « Gargamacs », où son humour et son sens de l'à-propos font mouche{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=56}}. |
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==== La première remise en question (1947-1949) ==== |
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==== Longues périodes de dépression ==== |
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{{Article détaillé|Tintin au pays de l'or noir}} |
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Malgré le succès de ses productions, Hergé ressent dès 1944 les premiers signes d'une [[Dépression (psychiatrie)|dépression]] dans laquelle il s'enfonce plus durablement dans les années suivant la [[Libération de la Belgique et des Pays-Bas|Libération]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=321-324}}. Le dessinateur attribue non seulement cette affection au surmenage qui découle de son intense activité professionnelle, mais aussi à l'influence de son milieu familial et de sa jeunesse marquée par les crises de folie de sa mère, morte en 1946<ref name="folie" />{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=44-45}}. Dans une lettre adressée en 1948 à son ami [[Marcel Dehaye]], au plus fort d'une crise qui le détourne de son travail, il déclare : {{Citation|Tu ne sais rien de ma jeunesse, de mon hérédité, de mon [[atavisme]]. Crois-tu qu'il suffise d'un effort de volonté pour annihiler l'effet de cette hérédité ? Pour faire en sorte que les images enregistrées dans la prime jeunesse et dans l'adolescence s'effacent entièrement ? sans laisser la moindre trace{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=44-45}} ?}} |
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La santé mentale fragile du dessinateur affecte également sa santé physique : Hergé souffre de [[Trouble du sommeil|troubles du sommeil]] et subit régulièrement des crises d'[[Eczéma (syndrome)|eczéma]], de [[Furoncle|furonculose]] et des problèmes de digestion{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=321-324}}. Avec sa femme Germaine, les disputes sont incessantes{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=321-324}}. Cette dépression est souvent mal comprise par son entourage et ses collaborateurs qui lui reprochent de manquer à ses obligations{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=359-364}}. |
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[[Fichier:1949 buick roadmaster.jpg|thumb|left|200px|Buick Eight pilotée par le docteur Müller dans ''Tintin au pays de l'or noir'' (1949-1950).]] |
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==== Attrait pour l'ésotérisme et les phénomènes paranormaux ==== |
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Comme il le souligne dans l'une de ses lettres, le dessinateur est « las » : |
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L'intérêt d'Hergé pour les phénomènes paranormaux se manifeste dès son plus jeune âge et trouve son origine dans un certain nombre de situations vécues qui le marquent durablement. Dans la soirée du {{Date-|7 juin 1914}}, à l'âge de {{Nobr|7 ans}}, alors qu'il assiste à la [[veillée funèbre]] de son grand-père maternel, Joseph Dufour, il dit voir apparaître une tête de mort sur le montant extérieur d'une fenêtre. Cette apparition, que refusent de croire ses parents, le trouble tant qu'il décide d'en faire une esquisse et, selon [[Philippe Goddin]], cet évènement pourrait être le véritable élément fondateur de l'histoire des ''[[Les Sept Boules de cristal|Sept Boules de cristal]]'', en particulier la scène dans laquelle la momie de [[Rascar Capac]] apparaît à la fenêtre de la chambre de Tintin pendant son sommeil<ref>{{Interview|nom=Goddin|prénom=Philippe|lien nom=Philippe Goddin|intervieweur=Philippe Garbit|titre url=Nuit spéciale Tintin 1/2 - Entretien avec Philippe Goddin|url=https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/nuit-speciale-tintin-1-2-entretien-1-3-avec-philippe-goddin-5816882|programme=La Nuit rêvée de…|nom du média=[[France Culture]]|date=5 juillet 2015|consulté le=19 février 2023}}.</ref>{{,}}<ref name="folie" />. Hergé vit aussi difficilement les accès de folie répétés de sa mère. Les troubles mentaux d'Élisabeth Remi se manifestent peu après la naissance de son petit frère Paul, et la contraignent de s'éloigner du foyer. Ses crises devenant plus fréquentes, elle multiplie les séjours en [[hôpital psychiatrique]] avant d'être définitivement internée en 1946<ref name="folie" />. |
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La fascination du dessinateur pour les sciences occultes semble croître tout au long de sa vie. En 1939, Hergé et sa femme Germaine font appel au célèbre [[Radiesthésie|radiesthésiste]] Victor Mertens pour retrouver une [[Alliance (bijou)|alliance]] égarée à leur domicile. Ce dernier la retrouve à l'aide de son [[Pendule simple|pendule]], puis intervient une nouvelle fois auprès du couple en {{Date-|juin 1944}} en localisant, sur un plan de leur maison, le courant d'eau souterrain qui, selon lui, expliquerait leur sommeil troublé<ref name="folie" />. À la même époque, Hergé rencontre [[Bernard Heuvelmans]], [[docteur ès sciences]] de l'[[Université libre de Bruxelles]], à la rédaction du ''[[Le Soir|Soir]]''. Ce dernier lui fournit quelques éléments pour ses scénarios et l'initie à la [[cryptozoologie]] qui fascine le dessinateur au point qu'il représente le [[yéti]] comme un être sensible dans ''[[Tintin au Tibet]]''<ref name="folie" />{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=549}}. Dans les {{Nobr|années 1960}}, Hergé devient un lecteur assidu de la revue ''[[Planète (revue)|Planète]]'', fondée par [[Jacques Bergier]] et [[Louis Pauwels]], auteurs du [[best-seller]] ''[[Le Matin des magiciens]]'' et dont les écrits contribuent à populariser les [[pseudoscience]]s<ref name="folie" />{{,}}<ref name="prévost">{{Article |langue=fr |auteur1=Maxime Prévost |titre=La rédemption par les ovnis : lectures croisées de ''Vol 714 pour Sydney'' et de la revue ''Planète'' |périodique=[[Études françaises]] |volume=46 |numéro=2 |titre numéro=Hergé reporter : Tintin en contexte |pages=101–117 |éditeur=[[Presses de l'Université de Montréal]] |date=2010 |lire en ligne=https://doi.org/10.7202/044537ar}}.</ref>. |
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{{Citation bloc|Quand je dis que je suis blasé, c'est fatigué que je devrais dire. Je suis las de ces éloges ; je suis las de refaire pour la ixième fois le même gag (…). Ce que je fais ne répond plus à une nécessité. Je ne dessine plus comme je respire, comme c'était le cas il n'y a pas tellement longtemps. Tintin, ce n'est plus moi (…). |Lettre d'Hergé à sa femme (11 juin 1947)<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit.'', p. 387-388.</ref>.}} |
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Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que se manifestent chez l'auteur les premiers signes d'un [[Dépression (psychiatrie)|syndrome dépressif]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=283}}, Hergé et sa femme prennent l'habitude de consulter une [[Voyance|voyante]]. Après des échanges éphémères avec une certaine {{Mme|Sacca}}, ils consultent plus régulièrement Bertje Jageneau, la mère d'un des assistants du dessinateur<ref name="folie" />. Dans les dernières années de sa vie, Hergé se tourne vers les philosophies orientales. Malgré son éducation catholique, c'est dans la pensée du [[bouddhisme]] et du [[taoïsme]] qu'il finit par trouver son terrain de philosophie morale{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=12}}. Il ne cesse pour autant de consulter une voyante, suivant désormais les conseils de l'occultiste [[Yaguel Didier]]<ref name="folie" />. Comme le souligne Bernard Heuvelmans, {{Citation|Hergé était très intéressé par les sciences un peu marginales. […] Il aurait fait un admirable savant ; il avait toutes les qualités qui convenaient : un esprit ouvert, rigoureux et précis ; il était très méticuleux, vérifiait les moindres détails. Mais il avait une attirance indiscutable pour les phénomènes inexpliqués}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=480}}. |
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Pour se changer les idées, le couple Remi part en Suisse durant une grande partie de l'été 1947. À leur retour, ils caressent le projet de s'établir en Amérique du Sud, loin des problèmes de la Belgique d'après-guerre<ref>Au même moment Hergé dessine dans les ''Sept Boules de cristal'' le général Alcazar repartant par paquebot chez lui en Amérique du Sud…</ref>. Au printemps 1948, l'artiste belge qui rêve d'adapter Tintin au cinéma envoie une lettre à [[Walt Disney]] pour lui demander son appui, en vain. Durant l'été, Georges et sa femme reprennent la direction de la Suisse accompagnés de Rosana, âgée de 18 ans et fille d'une amie de Germaine. Durant le séjour, l'homme et la jeune fille entretiennent une courte liaison amoureuse sitôt avouée<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|420}}.</ref>. Entre-temps, d'autres collaborateurs essentiels apparaissent dans le sillage d'Hergé : [[Bob de Moor]] ([[1925]]-[[1992]]) ou Guy Dessicy<ref>« Une galerie de portraits tout à fait ressemblants », ''Géo hors-série'', 2000, {{p.|37}}.</ref>. Le {{date|16|septembre|1948}}, Hergé reprend une publication avortée de 56 planches en mai 1940 du fait de la disparition du ''Petit Vingtième'' : ''[[Tintin au pays de l'or noir]]''. Le scénario avait débuté avant guerre avec l'attentat d'[[Haïfa]] survenu durant l'été 1938 à l'encontre de l'occupant britannique<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|236}}.</ref>. |
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Fort logiquement, cet attrait pour les phénomènes paranormaux explique la grand part accordée par l'auteur au [[Fantastique dans Les Aventures de Tintin|fantastique dans ''Les Aventures de Tintin'']]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Vanessa |nom1=Labelle |titre=La représentation du paranormal dans les Aventures de Tintin |éditeur=[[Université d'Ottawa]] |nature ouvrage=thèse |année=2014 |format livre=pdf |pages totales=148 |lire en ligne=https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/31864/1/Labelle_Vanessa_2014_th%C3%A8se.pdf}}.</ref>. |
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Cette aventure est celle qui connaît le plus de fluctuations. En une décennie, l'histoire fut arrêtée trois fois : en mai 1940 (occupation de Bruxelles), en juin 1947 (première déprime de Hergé) et enfin en avril 1949 (seconde déprime)<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|460}}.</ref>. Avant de compléter la suite de l'histoire, Georges Remi procède à certaines adaptations par rapport aux planches de 1939-1940 : il intègre ainsi le capitaine Haddock et le château de Moulinsart. Comme l'exprime B. Peeters : « Véritable fantôme se glissant dans un récit qui n'avait pas été prévu pour lui, Haddock apporte à cet album une note de bizarrerie presque surréaliste. »<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|86}}.</ref> Apparaissent au cours de cette aventure, l'émir Ben Kalish Ezab et son fils Abdallah inspiré de [[Fayçal II d'Irak|Fayçal II]], fils de [[Ghazi Ier d'Irak|Ghazi I{{er}}]] le [[royaume d'Irak|roi d'Irak]]. D'un point de vue politique, c'est le témoignage des tensions qui subsistent pour l'indépendance sur fond de concessions pétrolières durant les années 1940 et 1950 dans le royaume d'Irak. L'épilogue est publié le {{date|23|février|1950}}. Depuis le {{date|16|décembre|1949}}, les Remi ont fait l'acquisition d'une ferme dont l'origine remonte au XVI{{e}} - XVII{{e}} siècle, époque de la domination espagnole, ancienne propriété Labouverie, dans le village de [[Céroux-Mousty]], au sud de Bruxelles, dans le Brabant wallon<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|479}}.</ref>. |
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=== Hergé, l'art et la culture === |
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==== À la recherche de la perfection : les Studios Hergé ==== |
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==== Une enfance {{Citation|grise}} ==== |
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Pendant son enfance, la mère d'Hergé l'emmène souvent au cinéma, mais sa culture littéraire est inexistante{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=33-35}}. Les livres sont absents du domicile familial, et ce manque d'ouverture est difficilement compensé par l'enseignement qu'il reçoit à l'[[Institut Saint-Boniface Parnasse|Institut Saint-Boniface]], qu'il juge peu qualifié{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=40-43}}. Ses lectures de jeunesse sont peu nombreuses, à l'exception du roman ''[[Sans famille]]'' d'[[Hector Malot]] et de quelques livres et brochures reçus lors des distributions de prix. À l'adolescence, il se passionne pour ''[[Les Trois Mousquetaires]]'' d'[[Alexandre Dumas]], puis économise patiemment son argent pour s'offrir les volumes suivants, ''[[Vingt Ans après]]'' et ''[[Le Vicomte de Bragelonne]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=40-43}}. L'étroitesse d'esprit et l'inculture qui entourent son milieu familial entraînent une forme de complexe d'infériorité chez Hergé, au point d'évoquer la {{Citation|grisaille de son enfance}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=40-43}} : {{Citation|Il n'y avait jamais une étincelle. Pas de livres, pas d'échanges d'idées, rien}}{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=95-96}}. |
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Le goût de la lecture lui vient peu à peu et, dans les {{Nobr|années 1920}}, il découvre avec plaisir l'humour anglophone dans les livres de [[Jerome K. Jerome]], comme ''[[Trois Hommes dans un bateau]]'' et ''Mes enfants et moi'', ou ceux de [[Mark Twain]] comme ''[[À la dure (Mark Twain)|À la dure]]''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=56}}. |
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{{Article détaillé|Studios Hergé|Objectif Lune|On a marché sur la Lune}} |
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==== Théoricien de la « ligne claire » ==== |
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[[Fichier:Bumper8 launch-GPN-2000-000613.jpg|thumb|Lancement d'une fusée « Bumper » à [[Cap Canaveral]] le {{date|24|juillet|1950}}.]] |
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{{Article détaillé|Ligne claire}} |
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[[Fichier:Fresque de Tintin à la gare de Bruxelles midi.jpg|vignette|alt=Dessin en noir sur fond blanc montrant Tintin accroché à l'avant d'une locomotive en mouvement.|Une case de ''[[Tintin en Amérique]]'' reproduite sur une fresque de la [[gare de Bruxelles-Midi]].]] |
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Le style et la technique d'Hergé évoluent considérablement entre les {{Nobr|années 1920}} et les {{Nobr|années 1970}} et, comme le souligne l'écrivain [[Benoît Peeters]], {{Citation|c'est l'une des caractéristiques les plus frappantes de l'œuvre d'Hergé […] que d'avoir été immédiatement publiée. On pourrait même dire qu'elle fut publiée avant d'être publiable. Toute sa formation se fit à découvert : sous les yeux de ses premiers lecteurs}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=50}}. |
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Georges Remi n'ayant pas suivi de cours de dessin, le style qu'il fait émerger, fondé sur le trait et l'épure et qui prend bien plus tard le nom de [[ligne claire]], ne lui est pas donné {{Citation|comme une simplicité primaire et presque puérile, un code aussi naturel qu'évident}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=69-70}}. Au début de sa carrière, le jeune dessinateur n'a pas encore son propre style et comme beaucoup de débutants il commence par imiter d'autres artistes. C'est en autodidacte qu'il se forme{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=47-48}} et comme l'affirme [[Philippe Goddin]], {{Citation|ce qu'Hergé a fait au début de sa carrière, c'est reprendre de zéro l'élaboration d'un langage, et établir étape par étape son propre code de lecture des images. On peut considérer que c'est de toutes pièces qu'il a créé son mode d'expression, car si d'autres l'avaient effectivement mis au point avant lui, il devait pratiquement tout en ignorer}}{{Sfn|Goddin|1999|gr=f|p=13}}. À ce stade, Hergé emprunte à différents artistes, sans souci de hiérarchie : il s'inspire aussi bien du trait de [[Pablo Picasso]] que des illustrations de [[Benjamin Rabier]], en particulier les ''[[Fables de La Fontaine|Fables]]'' de [[Jean de La Fontaine|La Fontaine]] qu'il apprécie, de l'illustrateur [[René Vincent (illustrateur)|René Vincent]], des gravures du ''[[Le Petit Larousse|Petit Larousse]]'', mais aussi des affiches de [[Cassandre (graphiste)|Cassandre]] et [[Léo Marfurt]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=69-70}}. [[Didier Pasamonik]] relève que le court passage de Georges Remi par la [[photogravure]] au début de sa carrière au ''Vingtième Siècle'' est décisif : dans la mesure où un dessin de presse est fait pour être reproduit, il se doit d'être lisible et efficace. Ainsi, {{Citation|la rhétorique de la simplicité qui est la sienne rejoint les procédés récents de l'imprimerie. Pour Hergé, qui suivra de près la vie du journal, ce style ne s'improvise pas : il s'impose}}<ref>{{Chapitre |auteur1=[[Didier Pasamonik]] |titre chapitre=Hergé : une ligne claire |titre ouvrage=De Georges Remi à Hergé |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Institut Saint-Boniface Parnasse|Institut Saint-Boniface]] |année=1984}}.</ref>. Il est à ce titre considéré comme {{Citation|le père de la bande dessinée européenne}}<ref>{{Lien web |titre=Dossier pédagogique - Hergé - Grand Palais |url=https://www.grandpalais.fr/pdf/dossier_pedagogique/Dossier_pedagogique_herge.pdf |format=pdf |site=grandpalais.fr |éditeur=[[Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées]] |consulté le=4 mars 2024}}.</ref>. |
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Depuis 1950, Hergé a le projet d'envoyer ses héros sur la [[Lune]]. L'idée lui en est venue à la lecture d'un livre d'Alexandre Ananoff intitulé l'[[Astronautique]]<ref> l'Astronautique, Ed. Librairie Arthème Fayard, Paris 1950. </ref> et il se met en rapport épistolaire avec l'auteur pour en obtenir des précisions sur l'aménagement d'une fusée habitable et sur les commandes et instruments de contrôle de celle-ci. L'ampleur du projet nécessite, par sa masse de documentation et de travail, une équipe autour d'Hergé et une organisation digne d'une véritable entreprise. Le {{date|6|avril|1950}}, M{{e}} Willocx, notaire à Saint-Gilles, signe l'acte de la société anonyme [[Studios Hergé]]<ref group="N">Parmi les sept actionnaires il y a Alexis Remi, la mère de Germaine Kieckens, Marcel Dehaye et Hergé lui-même. P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|484}}</ref>. Bob de Moor, second depuis le départ de Edgar P. Jacobs, est rejoint par [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]], [[Roger Leloup]] et d'autres. Pour calmer le chagrin de son père devenu veuf, Hergé le nomme comme responsable des archives. Dans le contexte international de l'époque, une partie du monde est entrée dans la [[Guerre froide]]. Le sujet de la nouvelle aventure de Tintin a pour toile de fond tantôt le rêve mythique de [[Jules Verne]] ''De la Terre à la Lune'' ([[1865]]) tantôt le contexte d'après-guerre d'utilisation des missiles et fusées. Entre [[1948]] et [[1950]], le bloc occidental reprend à son profit la technologie des [[V2 (missile)|V2]] allemands ([[Véronique (fusée)|fusée Véronique]] mise au point en [[1948]])<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|93}}.</ref>. Afin d'être lavé de tout soupçon, Hergé plante son action dans l'un de ses pays imaginaires, la [[Syldavie]]. Le {{date|30|mars|1950}}, les premières planches de ''On a marché sur la Lune'' apparaissent dans le ''Journal de Tintin''. |
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[[Fichier:Comic mural Le jeune Albert, Yves Chaland, Bruxelles.jpg|vignette|gauche|alt=Fresque murale en couleur reprenant une case de bande dessinée.|Un exemple de graphisme « [[ligne claire]] », avec ''[[Le Jeune Albert]]'' d'[[Yves Chaland]].]] |
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D'autre part, les Studios Hergé amassent une documentation énorme auprès du docteur Bernard Heuvelmans (une connaissance du groupe), spécialiste de la [[Cryptozoologie]]. Le fruit de cette collaboration donne naissance à une première planche, écrite par Hergé et Jacques Van Melkebeke (le rédacteur en chef du ''Journal de Tintin'') qui se déroule aux États-Unis avec la participation des professeurs Tournesol et Calys. Jugée médiocre, Hergé l'abandonne tout en continuant la collaboration avec Heuvelmans<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|94-95}}.</ref>. |
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Comme le souligne l'historien de l'art [[Thomas Schlesser]], les illustrations d'Hergé se distinguent par un {{Citation|extraordinaire pouvoir évocateur}}. Les traits de ses personnages traduisent immédiatement leur caractère ou leurs sentiments<ref name="caricature">[[Thomas Schlesser]], ''La caricature, un révélateur impitoyable'', in {{Harvsp|id=Rire|texte=Le rire de Tintin|2014|p=48-51}}.</ref>. Son dessin est rapidement identifiable, et tient dans l'intensité des expressions, la précision des mouvements et la justesse des attitudes<ref name="dessin">{{Chapitre |titre chapitre=Traits de génie |titre ouvrage=Tintin à la découverte des grandes civilisations |éditeur=[[Le Figaro]], [[Beaux Arts Magazine]] |année=2008 |pages totales=170 |passage=151-159 |isbn=978-2810501991}}.</ref>. Le philosophe [[Rémi Brague]] insiste sur l'extrême précision du dessin : {{Citation|Il suffirait d'ajouter ou retrancher un quart de millimètre à la ligne pour que tout soit gâché}}. Cette rigueur permet également au dessinateur de suggérer une infinité de nuances par quelques détails insignifiants<ref name="brague" />. Il subit l'influence de la bande dessinée américaine et notamment d'auteurs comme [[George McManus]], qui font comme lui intervenir les paroles des personnages dans des [[Phylactère (bande dessinée)|phylactères]]<ref name="sterckx" />, mais aussi du dessinateur français [[Alain Saint-Ogan]], à qui il rend visite en 1931 et dont il emprunte la capacité à rendre le mouvement au travers d'un trait d'une épaisseur toujours égale et d'une remarquable économie de moyens<ref name="influences art">[[Pierre Sterckx]], ''Les maîtres qui ont inspiré le maître'', in {{Harvsp|id=Geo|texte=Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé|2015|p=44-51}}.</ref>. Les ''Aventures de Tintin'' entretiennent un lien de parenté évident avec les œuvres de ce dernier, dont l'influence couvre les sept premiers albums de la série selon [[Thierry Groensteen]]{{Sfn|Groensteen|2006|p=27}}. |
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Mais le projet astronautique continue et une maquette de la fusée est conçue - dans laquelle on trouve l'influence des dessins et schémas d'Ananoff - pour permettre au décorateur-en-chef d{{'}}''Objectif Lune'' (Bob de Moor) de rendre les scènes techniquement plus réalistes. Afin d'éviter la lourdeur documentaire du sujet, Hergé introduit une ligne humoristique au travers du capitaine Haddock, pour rendre l'histoire plus légère. L'aventure se termine le {{date|30|décembre|1953}} au terme de 117 planches parues. L'ensemble est scindé en deux albums distincts : ''Objectif Lune'' (Casterman, 1953) et ''On a marché sur la Lune'' (Casterman, 1954). À la fin des deux épisodes Hergé dresse un jugement sévère : d'une part il est insatisfait de la fin tragique de l'ingénieur Wolff : |
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[[Fichier:Zheng Xie, Bambù, rocce e orchidee solitarie.jpg|vignette|alt=Peinture à l'encre montrant des bambous et des calligraphies chinoises.|Peinture de bambous réalisée par [[Zheng Xie]], exemple type de l'art chinois transmis par Tchang Tchong-jen à Hergé.]] |
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{{Citation bloc|Il fallait sortir de cette impasse et j'ai fini par céder, et par écrire cette sottise : "Peut-être par miracle me permettra-t-il d'en réchapper. (…)" Il n'y a pas de miracle possible : Wolff est condamné sans appel, et il le sait mieux que quiconque.|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_172">N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 172.</ref>.}} |
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Le graphisme d'Hergé s'affirme au contact de l'[[art égyptien]] qu'il met en scène dans ''[[Les Cigares du pharaon]]'', puis gagne en souplesse dans ''[[Le Lotus bleu]]'', sous l'influence de son ami chinois [[Tchang Tchong-Jen]] qui l'initie à l'art de la [[calligraphie extrême-orientale|calligraphie chinoise]] et lui apprend à observer attentivement la nature<ref name="sterckx">Adrien Guillemot, ''Entretien avec Pierre Sterckx'', in {{Harvsp|id=Geo|texte=Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé|2015|p=54-59}}.</ref>. La maîtrise d'Hergé se renforce dans la composition et le rythme des dessins, faisant de cette aventure un album charnière sur le plan graphique<ref name="sterckx" />. Son style continue d'évoluer à mesure qu'il s'intéresse à l'[[histoire de l'art]], lui pour qui le milieu artistique était étranger pendant l'enfance. Il emprunte notamment la rigueur du dessin aux portraits d'[[Hans Holbein le Jeune]], dont une copie est accrochée dans son bureau, et le goût pour les compositions colorées et tumultueuses de [[Joan Miró]], qui transparaissent dans les rêves et cauchemars de Tintin<ref name="influences art" />. |
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D'autre part, l'auteur estime que le sujet extraterrestre est étroit et qu'il a, selon lui, fait le tour pour ne plus y revenir : |
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==== Le {{Citation|piège des Studios}} ==== |
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{{Citation bloc|Que voulez-vous qu'il se passe sur Mars ou sur Vénus ? Le voyage interplanétaire, pour moi, est un sujet vidé.|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 170.</ref>.}} L'évolution de la conquête spatiale par les Soviétiques et les Américains et l'apparition du "mythe" des [[Objet volant non identifié|OVNI]] ne changeront rien à cette opinion, en tout cas quant aux projets d'Hergé dans la bande dessinée. |
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Dès 1942, Hergé cède à la pression de l'éditeur [[Casterman]] qui lui réclame la colorisation de ses œuvres. Le dessinateur se montre toutefois réticent, tant il est convaincu que la puissance de son dessin réside avant tout dans le trait. En 1975, à propos du passage à la couleur qu'il évoque dans un entretien avec un journaliste néerlandais, il déclare : {{Citation|Je ne sais toujours pas si cela a été un changement salutaire{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=250-251}} !}} De fait, [[Benoît Peeters]] et [[Pierre Sterckx]] s'accordent pour reconnaître que les albums dessinés en noir et blanc sont les plus beaux et les plus évocateurs{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=250-251}}, ce dernier regrettant d'ailleurs que la colorisation de l'œuvre entraîne également l'abandon de ce qu'il nomme la {{Citation|ligne folle}}, qui s'appuie sur une certaine sensualité graphique et un trait voluptueux, au profit d'une certaine rigidité que vient renforcer l'avènement des [[Studios Hergé]] dans les {{Nobr|années 1950}}{{Sfn|Schuurman|2023|gr=g|p=185-192}}. |
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La mise en couleurs de ses albums contraint Hergé à s'entourer d'une équipe pour affronter la surcharge de travail qu'elle nécessite. Ainsi le dessinateur bénéficie de l'apport de son premier véritable collaborateur, [[Edgar P. Jacobs]], qui travaille à ses côtés à partir de 1944. À son contact, les décors s'enrichissent de détails, fruits de nombreuses recherches et de croquis pris sur le vif{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=281-282}}. La complicité qu'entretiennent les deux hommes dépasse des conceptions parfois opposées sur le traitement de la couleur, la rigueur du trait ou la narration, et chacun bénéficie de l'influence de l'autre{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=281-282}}. Après la fin de leur collaboration, Hergé n'est plus en mesure de travailler seul, comme le confie le dessinateur [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]], appelé à le remplacer quelques années plus tard et qui évoque une sorte de piège artistique : {{Citation|Jacobs, avec son souci du détail, a apporté dans ''Les Aventures de Tintin'' […] des décors qu'Hergé ne faisait jamais. Hergé faisait, à l'époque, trois lignes et deux briques pour figurer une rue et un mur, et c'était tout. Or, que fait Jacobs ? Il met des affiches qui sont de vraies affiches, il dessine une entrée de cinéma qui ressemble vraiment à une entrée de cinéma, bref, il sophistique les décors chez Hergé. Et, lorsque Jacobs le quitte pour se consacrer exclusivement à ''[[Blake et Mortimer]]'', Hergé a été complètement désemparé : il ne savait pas faire des décors, ce n'était pas son truc, cela ne l'intéressait pas ! Ce qui intéressait Hergé, c'était le mouvement}}<ref>{{Chapitre |auteur1=[[Hugues Dayez]] |titre chapitre=Entretien avec Jacques Martin |titre ouvrage=Le Duel Tintin-Spirou |éditeur=Luc Pire |année=1997 |passage=55}}.</ref>. |
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Quelques semaines plus tard, le dessinateur achète un étage d'appartement, avenue Louise à Bruxelles, pour y installer les Studios Hergé. Casterman commande à Hergé les planches d'avant-guerre (1935-1939) revisitées et en couleurs de ''Jo, Zette et Jocko''. Les collaborateurs du dessinateur se mettent au travail et cinq albums sont proposés : ''[[Le Testament de M. Pump]]'' et ''[[Destination New-York]]'' (1951) reprennent les planches du ''Stratonef'', ''[[Le "Manitoba" ne répond plus]]'' et ''[[L'Éruption du Karamako]]'' (1952), reprennent ''Le Rayon du mystère'' et enfin ''[[La Vallée des cobras]]'' (1956). Sur les instructions d'Hergé, Jacques Martin s'est personnellement occupé de ce dernier album à l'origine inachevé<ref>[http://pagesperso-orange.fr/erato/horspress/martin.htm Interview de Jacques Martin sur Horspress]</ref>. |
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Ce processus aboutit à la fondation des Studios Hergé en 1950. Pour de nombreux [[Tintinologie|tintinologues]], ce changement entraîne une complexification des décors qui s'accompagne dans les derniers albums, en particulier ''[[Tintin et les Picaros]]'', d'une faiblesse graphique qu'ils attribuent au fait que l'auteur délègue une part de plus en plus importante de ses dessins à ses collaborateurs, y compris les personnages secondaires. Selon Benoît Peeters, pour qui la ligne claire {{Citation|se durcit}}, il s'agit là d'une preuve que le style d'Hergé, longtemps considéré comme neutre et facilement exportable, souffre d'une certaine fragilité{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=568}}. |
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{{Article détaillé|La Vallée des cobras}} |
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==== Un artiste exigeant ==== |
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Pointilleux et intraitable envers lui-même, Hergé l'est tout autant envers ses collègues, particulièrement en tant que directeur artistique du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]''. Dès la création du périodique, les autres dessinateurs sont tenus de lui présenter leurs planches crayonnées, de sorte qu'ils puissent tenir compte de ses critiques éventuelles : aucune planche ne paraît sans son accord{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=307-313}}. À titre d'exemple, en 1953, Hergé censure le projet de couverture réalisée par [[Edgar P. Jacobs]] pour annoncer le lancement de sa nouvelle aventure, ''[[La Marque jaune]]'', car il la juge violente, terrifiante et déplacée. Ce refus est vécu comme un affront par Jacobs<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Geert |nom1=De Weyer |titre=La Belgique dessinée |lieu=Anvers |éditeur=Ballon Media |collection=Dragonetti |année=2015 |pages totales=352 |passage=120-121 |isbn=978-94-6210-220-0}}.</ref>, une expérience vécue plus tard par d'autres dessinateurs comme [[Tibet (dessinateur)|Tibet]] ou [[François Craenhals]], valeurs montantes de la version française du magazine{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=465-466}}. |
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==== La crise personnelle (1952-1959) ==== |
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Outre la qualité graphique de leurs travaux, Hergé s'attache à ce que les histoires de ses collaborateurs fassent primer la vraisemblance sur l'imaginaire. Il critique notamment les scénarios écrits par Jacques Van Melkebeke pour la série ''[[Hassan et Kaddour]]'' de [[Jacques Laudy]], qui manquent selon lui de réalisme. Hergé fait pression pour l'écarter du sommaire de ''Tintin'', regrettant que les personnages de Laudy soient {{Citation|sans consistance, sans caractère, purement fictifs et dépourvus de vie}}, tout en affirmant qu'ils ne peuvent séduire les lecteurs dans la mesure où les auteurs les font évoluer à différentes périodes historiques et n'hésitent pas à les transformer en mouches dans l'une des aventures<ref name="van melk" /> |
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{{Article détaillé|L'Affaire Tournesol}} |
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==== Collectionneur et peintre abstrait ==== |
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[[Fichier:Borduriens flagga.svg|thumb|left|Drapeau imaginaire de la [[Bordurie]] inspiré des moustaches de [[Joseph Staline]].]] |
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{{Citation bloc|Hergé jouit d'un statut particulier dans le concert des arts et des médias de son temps. Il y figure l'exception qui confirme la règle : c'est un maître, un grand artiste mais issu d'un médium (la bande dessinée) qu'il est d'usage de considérer encore aujourd'hui comme un art mineur.|[[Pierre Sterckx]], ''L'Art d'Hergé : Hergé et l'art'', 2015{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=193}}}} |
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[[Fichier:Miro's sculpture, MADRID.jpg|vignette|gauche|alt=Sculpture en bronze figurant un oiseau représenté de manière abstraite.|L{{'}}''[[Oiseau solaire et Oiseau lunaire|Oiseau lunaire]]'', sculpture de [[Joan Miró]], l'un des artistes préférés d'Hergé.]] |
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Durant la conception des deux albums précédents, son épouse Germaine est grièvement blessée lors d'un accident de voiture ({{date|17|février|1952}}). Quelques mois plus tard, Norbert Wallez récemment sorti de prison décède pendant que le dessinateur retrouve son amie d'enfance Marie-Louise van Cutsem lors d'une dédicace d'albums au Palais des Beaux Arts de Bruxelles (septembre 1952). Ces événements n'arrangent en rien la fragilité psychologique d'Hergé<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|503-513}}.</ref>. Mais les affaires reprennent l'année suivante et Tintin devient une véritable icône mondiale. Les Studios Hergé font l'acquisition de locaux plus vastes et déménagent le [[1er avril|{{1er}} avril]] [[1953]] pour l'avenue Louise à Bruxelles. Poussé par Casterman à éditer la dernière aventure de Jo, Zette et Jocko publiée en 1939, Hergé ne parvient pas à mettre la main sur les planches originales laissées à ''Cœurs Vaillants'' qui ne veut pas les lui rendre. Enfin, Raymond Leblanc travaille au projet du premier magasin Tintin à proximité des Studios Hergé, avenue Louise<ref>P. Goddin (2007), ''op. cit''., {{p.|516-523}}.</ref>. |
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Au début des {{Nobr|années 1960}}, la passion d'Hergé pour l'[[art contemporain]] s'affirme de plus en plus. Depuis quelques années déjà, il se constitue une petite collection de tableaux sur les conseils de [[Jacques Van Melkebeke]] et du tailleur bruxellois Gustave Van Geluwe{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Bientôt, il s'essaie lui-même à la peinture, d'abord sous les conseils de [[Louis Van Lint]] puis seul. Il réalise trente-sept toiles, la plupart étant [[Art abstrait|abstraites]], dans lesquelles il est possible de retrouver l'influence de [[Joan Miró]], [[Serge Poliakoff]] et Louis Van Lint lui-même{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Sur les conseils de l'historien d'art [[Leo Van Puyvelde]], Hergé renonce à exposer ses œuvres : ses toiles ne manquent pas de qualité mais elles ne possèdent ni l'originalité ni la force des dessins qu'il réalise pour la bande dessinée{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Les toiles, conservées pour la plupart par sa veuve [[Fanny Rodwell]], ont néanmoins atteint une cote élevée sur le marché de l'art en raison de l'attraction exercée auprès des collectionneurs par tout ce qui concerne Hergé, mais aussi pour leur qualité intrinsèque. En 2011, une peinture abstraite qu'il avait offerte à l'une de ses employées de maison est vendue {{Unité|35000|euros}} à la galerie ''Rops'' de [[Namur]]<ref>{{Lien web |titre=Une peinture abstraite d’Hergé vendue 35.000 € |url=https://www.actuabd.com/+Une-peinture-abstraite-d-Herge+ |site=[[ActuaBD]] |date=28 mai 2011 |consulté le=01-03-2024}}.</ref>. |
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Le {{date|22|décembre|1954}}, ''[[L'Affaire Tournesol]]'' commence à paraître dans le Journal<ref>[http://users.skynet.be/tintinpassion/LIVRES/Livres-pages/index4.html L'Affaire Tournesol en chiffres]</ref>. Après la visite de [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Séraphin Lampion]], les héros sont envoyés en [[Suisse]] où Hergé s'était préalablement rendu en repérage. Il croqua et photographia l'hôtel Cornavin à [[Genève]], la demeure du professeur Topolino à [[Nyon]] ou les bords du [[lac Léman]] : |
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[[File:Spatial Concept 'Waiting', cut canvas by Lucio Fontana, Tate Modern.JPG|vignette|alt=Toile blanche monochrome lacéréé en son centre.|Une toile fendue de [[Lucio Fontana]].]] |
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{{Citation bloc|Il fallait que je découvre l'endroit exact près de Genève, où une voiture peut quitter la route et tomber dans un lac.|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_172"/>.}} |
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Refusant de n'être qu'un peintre {{Citation|du dimanche ou du samedi après-midi}}{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=68}}, Hergé abandonne aussitôt la peinture mais il ne se détourne pas pour autant de ce milieu{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Au contraire, il aide son ami collectionneur Marcel Stal à établir sa [[Galerie d'art|galerie]] ''Carrefour'' sur l'[[avenue Louise]], à proximité des Studios, un lieu où le dessinateur s'empresse de se rendre presque tous les jours à l'heure du déjeuner{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Dans un premier temps, il s'intéresse aux œuvres [[Expressionnisme|expressionnistes]] de [[Constant Permeke]] et [[Jacob Smits]], mais, en accord avec sa recherche philosophique qui tend vers le [[zen]] et le [[Taoïsme|tao]], ses goûts évoluent rapidement vers des œuvres plus méditatives comme les toiles monochromes fendues de [[Lucio Fontana]]{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. |
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[[Fichier:Roy Lichtenstein (1967).jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc de l'artiste posant devant l'un de ses tableaux exposés sur un mur.|[[Roy Lichtenstein]] en 1967 devant son tableau ''[[Whaam!]]''.]] |
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Il se passionne pour les tableaux torturés de [[Jean-Pierre Raynaud]] mais affiche également un certain éclectisme en s'intéressant de près au [[pop art]], principalement les œuvres de [[Roy Lichtenstein]] avec qui il se découvre une certaine affinité. Les [[sérigraphie]]s que l'artiste américain réalise à partir de la [[série des Cathédrales de Rouen]] de [[Claude Monet]] ornent d'ailleurs son bureau{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Parmi les artistes appréciés d'Hergé et dont il acquiert les œuvres figurent [[Jean Dewasne]], [[Frank Stella]], [[Auguste Herbin]], [[Tom Wesselmann]], [[Jean Dubuffet]], [[Kenneth Noland]] ou encore [[Stefan de Jaeger]]{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=212-227}}. |
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''L'Affaire Tournesol'' est l'aventure par excellence qui rend le mieux compte de l'atmosphère de la Guerre froide. Les tensions entre la [[Syldavie]] et la [[Bordurie]] trahissent les affrontements entre les blocs. Le symbole bordure des moustaches de Plekszy-Gladz est un mélange du brassard nazi et des moustaches de [[Joseph Staline|Staline]] qui vient de mourir (mars [[1953]]). La série se termine le {{date|22|février|1956}}<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|100-101}}.</ref>. La même année, Hergé entame une relation extra-conjugale avec l'une de ses coloristes, [[Fanny Rodwell|Fanny Vlamynck]], arrivée aux Studios en 1955. |
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À la galerie ''Carrefour'', Hergé fait également la rencontre d'un jeune critique d'art, [[Pierre Sterckx]], avec qui il noue une forte amitié. En plus de son avis éclairé sur des questions de peinture et d'esthétique, Pierre Sterckx fait découvrir à Hergé les textes d'intellectuels comme [[Roland Barthes]], [[Claude Lévi-Strauss]] et [[Marshall McLuhan]]{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. Cet attrait pour la peinture contemporaine et la philosophie vaut cependant à Hergé des sarcasmes de la part de certains de ses amis les plus anciens, comme [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]] et [[Robert Poulet]] qui considèrent que le dessinateur fait preuve d'une forme de [[snob]]isme en décalage avec ses origines familiales et sa propre personnalité{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. |
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{{Article détaillé|Coke en stock|Tintin au Tibet}} |
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Sur un autre plan, le rapprochement d'Hergé avec de célèbres peintres contemporains affirme chez lui la volonté d'imposer la bande dessinée comme un [[Classification des arts|art]] à part entière. Il constate que sa conception du dessin et les questions qu'il se pose dans l'exécution de ses œuvres sont proches des leurs, et des peintres comme [[Andy Warhol]] et [[Jan Dibbets]] lui témoignent à leur tour leur admiration{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=527-536}}. |
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[[Fichier:Vista del lago Tsomgo (Sikkim, la India) en abril.jpg|thumb|Les paysages blancs du [[Tibet]].]] |
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=== Positionnement politique et accusations de racisme === |
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Entre octobre [[1956]] et janvier [[1958]], les Studios Hergé réalisent ''[[Coke en stock]]''. Cette dix-neuvième aventure est celle du retour d'anciennes connaissances. Ainsi réapparaissent : l'émir ben Kalish Ezab, Abdallah, le général Alcazar, Dawson, le docteur Müller, le lieutenant Allan, [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]], Bianca Castafiore, Séraphin Lampion et Oliveira da Figueira. L'intrigue tourne autour du trafic d'armes et surtout d'esclaves qu'Hergé voulait dénoncer. Accompagné de Bob de Moor, l'artiste se rend sur un cargo suédois pour y prendre des clichés qui serviront de décor pour l'aventure<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|106}}.</ref>. |
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==== Influence du milieu catholique et nationaliste des années 1920 et 1930 ==== |
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Hergé subit l'influence des milieux catholiques, nationalistes et conservateurs d'extrême-droite qu'il fréquente dès sa jeunesse. Membre actif des mouvements d'[[Action catholique]], il est fasciné par son premier employeur, l'abbé [[Norbert Wallez]], fervent admirateur de [[Benito Mussolini]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=65-68}}{{,}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=45-48}}. C'est sous son impulsion que ''[[Tintin au pays des Soviets]]'' revêt un caractère politique ouvertement [[Anticommunisme|anticommuniste]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=77-79}}. Pour le journaliste Henri Roanne-Rosenblatt, qui l'a rencontré vers la fin de sa vie, {{Citation|Hergé est le produit de son époque et de son milieu. La Belgique d'avant-guerre baigne dans un antisémitisme de bon ton, comparable à de l'alcoolisme mondain qu'on tolère. Et Hergé s'est révélé et s'est épanoui dans un milieu catholique réactionnaire et antisémite}}<ref>{{Interview|nom=Roanne-Rosenblatt|prénom=Henri|nom2=Kotek|prénom2=Joël|intervieweur=Nicolas Zomersztajn|titre url=Hergé était-il antisémite ?|url=https://cclj.be/article/herge-etait-il-antisemite/|type=article en ligne|nom du média=[[Centre communautaire laïc juif]]|date=15 mars 2017|consulté le=25 février 2024}}.</ref>. De fait, dès 1934, Hergé commet dans les colonnes du ''[[Le Petit Vingtième|Petit Vingtième]]'' certains {{Citation|dérapages}}, selon le mot de [[Benoît Peeters]]. Dans le numéro du {{Date-|5 avril}}, tout en se félicitant qu'[[Adolf Hitler]] ait pris des mesures qui semblent, en apparence, limiter les persécutions contre les juifs, la rédaction du supplément ajoute : {{Citation|Espérons qu'il rappellera en Allemagne les nombreux juifs exilés chez nous et que nous entendrons parler autre chose que le [[yiddish]] dans notre bonne ville de [[Bruxelles]]}}<ref>''[[Le Petit Vingtième]]'', numéro du {{Date-|5 avril 1934}}, cité dans {{Harvsp|Peeters|gr=a|2011|p=134}}.</ref>. Quelques semaines plus tard, il glisse une plaisanterie douteuse dans un problème mathématique : {{Citation|Si M. Lévy peut faire une cigarette avec trois mégots (il ne les jette pas, par économie), avec neufs mégots, combien de cigarettes ?}}<ref>''[[Le Petit Vingtième]]'', numéro du {{Date-|10 mai 1934}}, cité dans {{Harvsp|Peeters|gr=a|2011|p=134}}.</ref>. |
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[[Fichier:Léon Degrelle portrait.jpg|vignette|redresse|alt=Portrait d'un homme portant un uniforme nazi.|[[Léon Degrelle]] en 1943.]] |
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En parallèle, la santé psychique d'Hergé demeure instable, marquée par des rêves de blanc et angoissants. ''[[Tintin au Tibet]]'', l'album probablement le plus personnel de son œuvre, reflète bien l'état d'esprit de l'auteur à la fin des années 1950. Pour lutter contre ses démons, le dessinateur débute sa nouvelle aventure le {{date|17|septembre|1958}} : |
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Au ''Vingtième Siècle'', Hergé rencontre le journaliste [[Léon Degrelle]], fondateur du mouvement d'extrême-droite [[Rex (parti politique)|Rex]] dans les {{Nobr|années 1930}}{{Sfn|Peeters|gr=a|2011|p=121-122}}. Le dessinateur illustre plusieurs de ses ouvrages{{Sfn|Peeters|gr=a|2011|p=121-122}} mais réfute publiquement toute adhésion à son parti ou à ses idées, contrairement à ce qu'affirme Degrelle dans son ouvrage ''Tintin, mon copain''{{Sfn|Peeters|gr=a|2011|p=171-173}}. Hergé refuse notamment de rejoindre la rédaction de son hebdomadaire ''[[Le Pays réel]]'', contrairement à d'autres journalistes du ''Vingtième Siècle'' comme [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]] ou Victor Meulenijzer{{Sfn|Peeters|gr=a|2011|p=171-173}}. Le grand thème des ''Aventures de Tintin'' publiées pendant les {{Nobr|années 1930}}, qui dénoncent les trafics et les sociétés secrètes en tous genres, se rapproche pourtant de certains arguments de campagne de Léon Degrelle{{Sfn|Peeters|gr=a|2011|p=171-173}}. [[Maxime Benoît-Jeannin]], auteur en 2007 d'un ouvrage très critique à l'égard du dessinateur, s'appuie sur la figure de [[Roberto Rastapopoulos|Rastapopoulos]] pour éclairer ce rapprochement : {{Citation|Par son nom, Rastapopoulos est un concentré de toutes les tares que les mouvements antiparlementaires et antirépublicains stigmatisent dans leurs journaux. Et puis à la fin du {{S-|XIX}}, le mot rastaquouère vise les étrangers à la richesse ostentatoire, forcément suspecte, les parvenus vulgaires et bruyants. On l'a raccourci assez vite en ''rasta''. ''Popoulos'' qu'Hergé ajoute à ''rasta'' indique que son personnage a des origines grecques et populaires. […] [Hergé] transpose les conflits de la société adulte afin qu'ils soient lisibles pour des enfants de dix ans. Mais son imaginaire et ses moyens sont ceux d'un homme d'extrême droite. Car pourquoi, sinon, faire d'un apatride aux origines grecques, un métèque, selon la terminologie [[Charles Maurras|maurrassienne]], un symbole du mal ?}}{{Sfn|Benoît-Jeannin|2007|p=88}}. |
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{{Citation bloc|À un certain moment, dans une sorte d'alcôve d'une blancheur immaculée, est apparu un squelette tout blanc qui a essayé de m'attraper. Et à l'instant, tout autour de moi, le monde est devenu blanc, blanc.|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 178.</ref>.}} |
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Dans son dernier récit paru avant la [[Seconde Guerre mondiale|guerre]], ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]'', Hergé ne peut être suspecté d'un quelconque rapprochement avec l'idéologie nazie, tant cette aventure apparaît comme une transposition et une dénonciation de l'[[Anschluss]] dont l'Autriche vient d'être victime. Pour Benoît Peeters, ce n'est pas un hasard si le complice syldave des [[Bordurie|Bordures]], et réel instigateur du complot, est dénommé ''Müsstler'' : son patronyme est un [[mot-valise]] construit sur les noms des dictateurs italien et allemand [[Benito Mussolini]] et [[Adolf Hitler]], un nom qui fait aussi écho aux dirigeants fascistes [[Royaume-Uni|britannique]] [[Oswald Mosley]] et [[Pays-Bas|néerlandais]] [[Anton Mussert]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=188-191}}. Plus encore qu'une œuvre antifasciste, ''Le Sceptre d'Ottokar'' révèle l'attachement d'Hergé à la [[monarchie belge]] en des temps où elle se trouve elle aussi menacée, par la volonté expansionniste de l'Allemagne d'une part, et par la montée du [[Rex (parti politique)|mouvement rexiste]], dont la fascisation progresse au cours des {{Nobr|années 1930}}, ou des mouvements ultra-nationalistes flamands, la [[Ligue nationale flamande]] et le [[Verdinaso]], d'autre part<ref name="angenot" />{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=188-191}}. En déjouant le complot qui vise le roi, Tintin assure la permanence de son pouvoir légitime, le monarque syldave étant présenté comme un roi soucieux du bien-être de son peuple, ainsi que le sont d'autres souverains présents dans la série<ref name="skilling">{{Ouvrage |prénom1=Pierre |nom1=Skilling |titre=Mort aux tyrans ! |sous-titre=Tintin, les enfants, la politique |lieu=Québec |éditeur=[[Éditions Nota bene]] |collection=Études culturelles |année=2001 |pages totales=191 |isbn=978-2895180777}}.</ref>. Toutefois, bien des années plus tard, Hergé défend la neutralité de son personnage dans une lettre adressée à Jean-Paul Chemin : {{Citation|Tintin n'est pas le défenseur de l'ordre établi, mais le défenseur de la justice, le protecteur de la veuve et de l'orphelin. S'il vole au secours du roi de Syldavie, ce n'est pas pour sauver le régime monarchique, c'est pour empêcher une injustice : le mal, ici, aux yeux de Tintin, est le rapt du sceptre}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=217}}. |
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Il consulte le professeur [[Franz Riklin]], psychanalyste disciple de [[Carl Gustav Jung]], qui lui conseille purement et simplement d'arrêter de travailler. Mais Hergé ne tient pas compte de ses recommandations et poursuit la réalisation de l'album. ''Tintin au Tibet'' sera tout simplement le remède à cette crise des rêves et du subconscient meurtri de Georges Remi. La vingtième aventure est assez singulière et se démarque particulièrement des autres : pas de personnages secondaires, pas de méchants et un Tintin plus humain que jamais à la recherche de son ami de toujours, Tchang. Le rôle d'Haddock équilibre l'ensemble grâce à son humour décalé et râleur. C'est aussi une documentation précise sur l'[[Himalaya]], [[Katmandou]] et surtout le légendaire [[Yéti]]<ref group="N">L'auteur avait rencontré Maurice Herzog, vainqueur de l'Annapurna, témoin de traces mystérieuses dans la neige.</ref>. Plus on progresse vers la fin de l'album, plus la blancheur l'emporte sur les autres couleurs : une couleur pure mais qui hante le dessinateur depuis plusieurs mois. Enfin, le monde du rêve est au centre de l'intrigue : rêve prémonitoire, télépathie, lévitation…<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|110-112}}.</ref> L'histoire est terminée le {{date|25|novembre|1959}}. Libéré de ses démons, Hergé quitte sa femme Germaine, sans pour autant pouvoir divorcer car Germaine ne lui accordera le divorce qu'en 1977. |
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Il n'empêche que, selon Maxime Benoît-Jeannin, {{Citation|à l'approche de la Deuxième Guerre mondiale, Hergé […] appartient à un groupe informel d'individus venant de l'Action catholique belge ou de nulle part, qui va servir l'Ordre nouveau. C'est l'effondrement de 1940, cataclysme mettant à bas l'édifice politique et social construit depuis 1830 et fondé sur le libéralisme, qui permettra à cette poignée d'idéologues fascisants et d'opportunistes de tenir tout à coup le haut du pavé}}{{Sfn|Benoît-Jeannin|2007|p=101}}. Le journaliste [[William Ugeux]], son ancien directeur au ''Vingtième Siècle'', semble dédouaner le dessinateur sur le plan politique : {{Citation|Quelqu'un qui s'est bien conduit à titre personnel, mais qui n'en est pas moins demeuré un anglophobe évoluant toujours dans la mouvance rexiste. Il illustrait bien la passerelle qui reliait l'esprit scout primaire et la mentalité élémentaire des rexistes : goût du chef, du défilé, de l'uniforme… Un maladroit plutôt qu'un traître. Et candide sur le plan politique}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=352}}. |
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{{Citation bloc|Quand je vois Franquin, je me demande comment peut-on comparer Franquin et Hergé. Il est tellement plus fort !|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_2003"/>.}} |
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==== Attitude sous l'Occupation ==== |
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==== Le succès mondial de Tintin (années 1950-1960) ==== |
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[[Fichier:Le Soir volé.jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Page de une d'un journal.|''[[Le Soir volé]]'' du {{Date-|15 avril 1943}} dans lequel paraît l'histoire du ''[[Le Secret de La Licorne|Secret de La Licorne]]''.]] |
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L'attitude d'Hergé, qui accepte de travailler pour ''[[Le Soir volé]]'' pendant l'[[Occupation allemande de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale|Occupation]], soulève de nombreuses accusations à son égard. Son biographe [[Benoît Peeters]] le présente comme {{Citation|un collaborateur passif mais opportuniste}}<ref>{{Interview|nom=Peeters|prénom=Benoît|lien nom=Benoît Peeters|intervieweur=Arnaud Tanguay|titre url=Benoît Peeters : Tel père, tel fils|url=revue.leslibraires.ca|type=article en ligne|nom du média=Les Libraires|date=01-11-2002|consulté le=25 février 2024}}.</ref>. Comme le constate [[Pierre Assouline]], son cas n'est pas isolé, et d'un point de vue artistique, le contexte de guerre et d'occupation constitue paradoxalement une forme importante de stimulation, faisant de cette période un {{Citation|âge d'or}} de la création{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=328}}. Pour Hergé comme pour d'autres artistes commence alors le temps de {{Citation|l'accommodation}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=233}}. Quand il intègre l'équipe du ''Soir'' en {{Date-|octobre 1940}}, à l'invitation de [[Raymond de Becker]], l'auteur se montre enthousiaste mais plus qu'une adhésion morale et politique, il y voit d'abord un moyen de s'assurer des revenus réguliers et de ne pas se faire oublier du grand public{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=242}}. Comme le rappelle Benoît Peeters, seule la presse peut alors lui permettre de subvenir à ses besoins : à cette époque, {{Citation|le journal est roi, les livres sont chers}}, et le dessinateur ne peut se contenter des droits que lui paie [[Casterman]] pour la vente de ses albums{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=214-219}}. |
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Son engagement lui semble d'autant plus naturel que la plupart de ses proches agissent de la même façon, comme [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]], [[Marcel Dehaye]], [[Jean Libert (écrivain)|Jean Libert]], Julien de Proft, Victor Meulenijzer ou encore Paul Werrie{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=214-219}}. Cette participation déçoit cependant certains de ses amis et entraîne notamment sa rupture avec Philippe Gérard, caricaturé ensuite sous les traits du prophète [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Philippulus]] dans ''[[L'Étoile mystérieuse]]''. Certains de ses lecteurs se montrent eux aussi circonspects. Ainsi, en {{Date-|octobre 1940}}, le dessinateur reçoit une lettre anonyme : {{Citation|Permettez Monsieur, à un père de famille nombreuse de vous dire sa tristesse et sa déconvenue de voir Tintin et Milou paraître dans le ''Nouveau Soir''. En marge de vos amusants dessins, on leur infiltrera le venin de la religion néopaïenne d'outre-Rhin. Si vous le pouvez encore faites machine arrière. Excusez de ne pas signer mais les temps sont trop incertains}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=245-246}}. |
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Vers la fin des années 1950, Hergé voyage beaucoup : il traverse l'[[Italie]], l'[[Angleterre]], la [[Suède]], la [[Grèce]] et le [[Danemark]]. Les albums de son héros Tintin voyagent aussi. À partir de [[1946]], les premières traductions néerlandaises sont commandées : la maison d'édition Casterman édite le ''Secret de La Licorne'' dans sa version néerlandaise (''Het Geheim van de Eenhoorn''), suivi de ''L'Oreille cassée'' (''Het Gebroken Oor''), ''L'Île Noire'' (''De Zwarte Rotsen'') et enfin tous les autres albums<ref>[http://www.asterix-obelix.nl/tintin/index.php?page=translations Tintin around the world]</ref>. |
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En [[1948]], Casterman atteint le premier million d'exemplaires vendus. |
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|+'''Les premières traductions étrangères (1936-1960)''' |
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! Album |
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! Édition originale |
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! Première édition étrangère |
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| '''''Tintin en Amérique''''' |
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| 1932 (Casterman) |
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| 1936 (Portugais)<ref group="N">Apparition régulière dans la revue ''O Papagaio''.</ref> |
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| '''''Tintin au Congo''''' |
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| 1931 (Casterman) |
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| 1940 (Néerlandais)<ref group="N">Apparition régulière dans le quotidien flamand ''Laatste Nieuws'' à l'automne 1940.</ref> |
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|- bgcolor=#FFE8E8 |
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| '''''Le Secret de La Licorne''''' |
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| 1943 (Casterman) |
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| 1946 (Néerlandais) |
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| '''''Le Secret de La Licorne''''' |
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| 1943 (Casterman) |
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| 1952 (Anglais britannique) |
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| '''''Le Trésor de Rackham le Rouge''''' |
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| 1944 (Casterman) |
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| 1952 (Allemand) |
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|- bgcolor=FFE8D8 |
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| '''''Le Secret de La Licorne''''' |
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| 1943 (Casterman) |
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| 1952 (Espagnol) |
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|- bgcolor=lightyellow |
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| '''''Le Sceptre d'Ottokar''''' |
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| 1939 (Casterman) |
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| 1959 (Anglais américain) |
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|- bgcolor=#FFFFDD |
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| '''''Le Sceptre d'Ottokar''''' |
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| 1939 (Casterman) |
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| 1960 (Danois) |
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| '''''Le Sceptre d'Ottokar''''' |
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| 1939 (Casterman) |
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| 1960 (Suédois) |
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À travers sa collaboration au ''Soir'', l'auteur répond au besoin de la population de se divertir afin d'oublier les malheurs du moment{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=328}}, et seuls le succès et le rayonnement de ses créations artistiques semblent alors lui importer{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=242-246}}. Il témoigne d'une certaine indifférence envers les événements de son époque, occupé qu'il est par la création de son œuvre, à laquelle il consacre au moins douze heures de travail par jour{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=238}}, comme il le déclare des années plus tard dans [[Tintin et moi|ses entretiens]] à [[Numa Sadoul]] : {{Citation|La guerre semblait bien finie pour nous [les Belges]. Aussi n'ai-je pas eu de scrupules à collaborer à un journal comme ''Le Soir'' : je travaillais, un point c'est tout, comme travaillait un mineur, un receveur de tram ou un boulanger !}}{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=130}}. De fait, la popularité de Tintin s'accroît fortement : les albums vendus atteignent la barre des {{Nombre|100000|exemplaires}} à l'automne 1941{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=151-152}}. |
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[[Fichier:Flag of Sao Rico.svg|thumb|left|Drapeau du [[Sao Rico]] qui remplace le drapeau américain dans ''L'Étoile mystérieuse''.]] |
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Plusieurs de ses actes renforcent l'ambiguïté de sa situation et dans un entretien accordé en 1973 à deux journalistes, Hergé reconnaît que son engagement au ''Soir'' ne pouvait prétendre à l'innocence et concède {{Citation|[avoir] cru que l'avenir de l'Occident pouvait dépendre de l'[[Ordre nouveau (nazisme)|Ordre nouveau]]}}{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=214-219}}. Il intervient personnellement auprès des autorités allemandes afin d'obtenir un supplément de papier et de maintenir ainsi la production de ses albums{{Sfn|Assouline|1996|group=c|p=266}}, mais ce sont principalement ses caricatures antisémites parues dans différentes œuvres qui lui valent des critiques acerbes{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=241-242}}. |
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Quatre albums vont poser problème aux éditeurs anglophones et ces derniers de réclamer des modifications à Hergé : ''L'Île Noire'', ''L'Étoile mystérieuse'', ''Le Crabe aux pinces d'or'' et ''Tintin au pays de l'or noir''. |
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==== Hergé antisémite ? ==== |
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* '''''L'Étoile mystérieuse''''' |
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[[Fichier:Jew_jokes.jpg|vignette|gauche|alt=Dessin d'un homme richement vêtu et doté d'un nez proéminent et rond, vu de profil.|Un homme avec un « [[Stéréotype du nez juif|nez juif]] » sur la couverture d'un recueil de blagues antisémites, en 1908.]] |
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Dans les premières ''Aventures de Tintin'' figurent quelques représentations de Juifs qui portent, selon [[Didier Pasamonik]], {{Citation|les traces de l'antijudaïsme chrétien si commun dans la bande dessinée belge}}. Il en est ainsi du fripier juif dans ''[[Tintin au pays des Soviets]]'' ou de l'antiquaire de ''[[L'Oreille cassée]]''<ref>{{Lien web |auteur=[[Didier Pasamonik]] |titre=Les Aventures de Tintin en yiddish |url=https://www.actuabd.com/Les-aventures-de-Tintin-en-yiddish#nb1 |site=[[ActuaBD]] |date=10 novembre 2010 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. Mais pour [[Benoît Peeters]], ''[[L'Étoile mystérieuse]]'' constitue la {{Citation|pièce à charge majeure}} contre Hergé{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=241-242}}. |
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D'une part, alors que la parution de l'histoire coïncide avec l'entrée en guerre des [[États-Unis]], la composition des deux groupes qui s'affrontent dans la quête de l'aérolithe n'est pas neutre : autour de Tintin, l'expédition financée par le {{Citation|Fonds européen de recherches scientifiques}} réunit des scientifiques issus de pays neutres ou favorables à l'[[Troisième Reich|Allemagne]], cependant que leurs ennemis, à bord du ''[[Liste des bateaux dans Les Aventures de Tintin|Peary]]'', arborent un drapeau américain. Pour l'historien [[Pascal Ory]], {{Citation|qu'Hergé le veuille ou non, ce thème d'une Europe soigneusement triée, repris fréquemment par la presse collaborationniste, a, en 1942, un sens politique très précis}}<ref>{{Article |auteur1=[[Pascal Ory]] |titre=Tintin au pays de l'ordre noir |périodique=Magazine de l'histoire|numéro=18 |mois=décembre |année=1979}}.</ref>, une analyse que rejoint [[Pierre Assouline]] qui estime que {{Citation|cette dualité n'est évidemment pas innocente}}{{Sfn|Assouline|1996|group=c|p=274}}. Benoît Peeters rapporte un autre élément : tandis que la présentation des Américains dans l'album est {{Citation|plus que tendancieuse}}, l'hydravion utilisé par Tintin pour aborder l'aérolithe est un [[Arado Ar 196]]{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=244-247}}, qui était alors considéré comme la fierté de l'armée allemande et la {{Citation|terreur des sous-marins alliés}}<ref>{{Ouvrage |prénom1=Huibrecht |nom1=van Opstal |titre=Tracé RG |sous-titre=le phénomène Hergé |éditeur=Claude Lefrancq |année=1998 |passage=81}}.</ref>. C'est donc bien une guerre, certes scientifique, que se livrent {{Citation|bons Européens […] et méchants Américains}}. Pierre Assouline considère qu'en attribuant le mauvais rôle à ces derniers, Hergé {{Citation|leur fait […] perdre la guerre par anticipation}} et se place ainsi en parfaite adéquation avec les pages politiques du quotidien dans lequel il publie{{Sfn|Assouline|1996|group=c|p=274}}. |
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Dans la version originale de ''L'Étoile mystérieuse'', dessinée en pleine Occupation allemande, Hergé avait donné aux ennemis du navire l'Aurore la nationalité américaine comme le montre la case illustrant le canot se dirigeant vers l'aérolithe tombé en mer. Suite aux pressions exercées par les éditeurs anglophones, Hergé remplace en [[1954]] le drapeau américain par le drapeau fictif du [[Sao Rico]]<ref name="PEETERS_71"/>. |
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{{Média externe|image1=[http://img.xooimage.com/files112/8/8/2/s-l1600-58044ee.jpg Le ''strip'' en question] dans le numéro du ''Soir'' du {{Date-|10 novembre 1941}}.}} |
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* '''''Le Crabe aux pinces d'or''''' |
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D'autre part, l'album contient de nombreux éléments à caractère [[Antisémitisme|antisémite]]. Non seulement le riche banquier dénué de tout scrupule qui soutient l'expédition américaine porte un patronyme à consonance [[Juifs|juive]], « [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Blumenstein]] », mais celui-ci est dessiné selon les codes des caricatures de cette époque{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=244-247}}. En 1954, lors de la réédition de l'album, Hergé abandonne ce nom {{Citation|trop lourd à porter}}, à la demande de [[Casterman]]{{Sfn|Assouline|1996|group=c|p=270}}. Il choisit celui de {{Citation|Bohlwinkel}}, issu du terme [[Brusseleer|bruxellois]] {{Citation|bollewinkel}}, qui signifie {{Citation|boutique de confiserie}}, mais cela ne suffit pas à atténuer les critiques car Hergé finit par apprendre que ce nom est lui aussi un véritable patronyme juif{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=244-247}}. Par ailleurs, deux cases parues initialement dans ''Le Soir'' sont retirées dès la première édition de l'album en raison de leur caractère outrancier{{Sfn|Assouline|1996|group=c|p=270}} : tandis que le prophète [[Liste des personnages des Aventures de Tintin|Philippulus]] poursuit Tintin en annonçant la fin du monde, ces deux personnages passent devant un magasin tenu par deux [[Juifs]] caricaturaux et portant l'enseigne « Levy ». En entendant les propos du prophète, le premier commerçant déclare : {{Citation|Tu as entendu, Isaac ? La fin du monde ! Et si c'était vrai ?}} Le second, se frottant les mains, lui répond : {{Citation|Hé ! Hé ! Ce serait une bonne bedide avaire, Salomon ! Che tois {{Unité|50000|[[Franc belge|Frs]]}} à mes vournizeurs… Gomme za, che ne tefrais bas bayer.}}{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=244-247}}{{,}}<ref>{{Article |titre=Les Aventures de Tintin et Milou |périodique=''[[Le Soir]]'' |date=10 novembre 1941}}.</ref>{{,}}<ref group="alpha">{{citation|Ce serait une bonne petite affaire, Salomon ! Je dois {{Unité|50000}} frs à mes fournisseurs… Comme ça, je ne devrais pas payer.}}</ref>. |
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''Le Crabe aux pinces d'or'' doit aussi se conformer aux exigences d'outre-Atlantique. Le puritanisme américain réclame entre autres, pour l'édition [[1958]], le retrait de deux cases dans lesquelles on voit le capitaine Haddock boire du whisky au goulot pour, dit-on, ne pas inciter les jeunes à boire…<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|67}}.</ref> |
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''L'Étoile mystérieuse'' n'est pas, à cette époque, la seule œuvre d'Hergé qui renferme des dessins à caractère antisémite : en 1941, il accepte également d'illustrer les ''Fables'' de Robert de Vroylande, dont l'une est intitulée « Les deux Juifs et leur pari ». Le dessin qu'il réalise reprend les codes des principales caricatures antisémites du moment, comme celles que publie son ami [[Paul Jamin (dessinateur)|Paul Jamin]] dans le ''{{Langue|de|Brüsseler Zeitung}}''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=241-242}}. Benoît Peeters juge la défense d'Hergé insuffisante face aux accusations d'antisémitisme qui courent à son égard : bien qu'il considère que {{Citation|[l'auteur] ignorait la [[solution finale]] lorsqu'il dessinait ''L'Étoile mystérieuse'', il ne pouvait, en revanche, pas manquer de connaître les mesures antisémites promulguées à cette époque}}{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=246}}. Dans ses entretiens avec [[Numa Sadoul]], le dessinateur s'exprime sur ces accusations, qu'il rejette en bloc : {{Citation|J'ai effectivement représenté un financier antipathique sous les apparences sémites, avec un nom juif […]. Mais cela signifie-t-il antisémitisme ?… Il me semble que, dans ma panoplie d'affreux bonshommes, il y a de tout : j'ai montré pas mal de « mauvais » de diverses origines, sans faire un sort particulier à telle ou telle race. On a toujours raconté des histoires juives, des histoires marseillaises, des histoires écossaises. Ce qui, en soi, n'a rien de bien méchant. Mais qui aurait prévu que les histoires juives, elles, allaient se terminer, de la façon que l'on sait, dans les camps de la mort de [[Treblinka]] et d'[[Auschwitz]] ?}}{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=251}}. S'il n'émet jamais publiquement d'excuses au sujet de son rôle pendant la guerre, il confie trente ans plus tard au journaliste Henri Roanne-Rosenblatt : {{Citation|C'est vrai que certains dessins, je n'en suis pas fier. Mais vous pouvez me croire : si j'avais su à l'époque la nature des persécutions et la « Solution finale », je ne les aurais pas faits. Je ne savais pas. Ou alors, comme tant d'autres, je me suis peut-être arrangé pour ne pas savoir}}{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=}}. |
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* '''''L'Île Noire''''' |
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==== Accusations de racisme ==== |
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En [[1965]], Methuen insiste pour que soit réalisée une version actualisée et plus réaliste de ''L'Île Noire'' à l'intention des lecteurs britanniques. En effet, l'éditeur londonien venait de trouver 131 erreurs de détail dans la précédente édition de [[1943]]. Surchargé de travail, l'artiste dépêche sur place son assistant Bob de Moor qui a pour mission de croquer et de photographier les traces de Tintin en Écosse. Les changements de la nouvelle édition (1966) sont frappants : l'électrification des lignes ferroviaires, le whisky Johnny Walker devient l'insignifiant [[Loch Lomond]], l'automobile de Müller devient une [[Jaguar (automobile)|Jaguar]] (modèle Jaguar Mark X de 1961) ou encore la voiture à bras des pompiers devient un camion moderne…<ref>{{M.}} Farr, « L'Écosse plus vraie que nature », ''Géo hors série'', 2000, {{p.|66-68}}.</ref> |
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[[Fichier:Tintin in Congo is not of racist.png|vignette|alt=Dessin en deux cases superposées verticalement et non bordurées montrant des personnages de forme ronde arborant les couleurs des drapeaux belge et congolais, s'exprimant en anglais, dans une cour de tribunal.|Bande dessinéee [[Countryball]] illustrant les accusations de racisme portées contre ''[[Tintin au Congo]]''.]] |
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L'historien [[Pascal Ory]] constate que les premières ''Aventures de Tintin'' regorgent de préjugés ethniques, {{Citation|entre condescendance et franche animosité}}, qui témoignent d'une {{Citation|xénophobie ordinaire}} largement répandue à cette époque. Il précise cependant que les stéréotypes ethniques sont utilisés par Hergé comme ressort comique, au même titre que ceux du savant distrait, de l'alcoolique mal repenti ou de la diva narcissique<ref name="ory">{{Chapitre |auteur1=[[Pascal Ory]] |titre chapitre=Un témoignage sur le monde vu de l'Occident |titre ouvrage={{Harvsp|id=Rire|texte=Le rire de Tintin|2014}} |passage=120-129}}.</ref>. [[Marc Angenot]] rejoint cette analyse en affirmant qu'Hergé se comporte en {{Citation|medium, imprudent mais inconscient, du discours social de son temps, dépourvu de doctrine et, jusqu’à un certain point, de mauvaises intentions délibérées}} tout en exploitant volontiers {{Citation|une imagologie xénophobe comme source élémentaire inépuisable de comique}}<ref name="angenot" />. |
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À ce titre, ''[[Tintin au Congo]]'', empreinte de paternalisme colonialiste<ref>{{Article |auteur1=Philippe Delisle |titre=Le missionnaire dans la bande dessinée franco-belge : une figure imposée ? |périodique=Histoire et missions chrétiennes |numéro=1 |pages=131-147 |année=2007/1 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses1-2007-1-page-131.htm}}.</ref>, apparaît comme l'œuvre la plus caricaturale du dessinateur et concentre les accusations de racisme<ref name="ory" />. Dans les {{Nobr|années 1960}}, l'album est introuvable en librairie, les stocks étant épuisés : les éditions [[Casterman]], inquiètes d'une potentielle indignation de la part d'intellectuels occidentaux pro-africains, ont fait le choix de ne pas rééditer l'album malgré l'insistance d'Hergé d'autant plus dans le contexte de la [[décolonisation de l'Afrique]] et de l'[[Histoire de la république démocratique du Congo|indépendance du Congo]]{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=624-625}}{{,}}<ref name="congo">{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Daniel |nom1=Couvreur |prénom2=Alain |nom2=De Kuyssche |titre=Tintin au Congo de papa |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] / Le Soir |année=2010 |pages totales=64 |isbn=978-2-87424-212-0}}.</ref>. C'est d'ailleurs dans une revue [[Zaïre|zaïroise]] que l'histoire reparaît pour la première fois au début de l'année 1970, accompagnée d'un édito qui met en cause la position de Casterman : {{Citation|Il y a une chose que les Blancs qui avaient arrêté la circulation de ''Tintin au Congo'' n'ont pas comprise. Cette chose, la voici : si certaines images caricaturales du peuple congolais données par ''Tintin au Congo'' font sourire les Blancs, elles font rire franchement les Congolais, parce que les Congolais y trouvent matière à se moquer de l'homme blanc qui les voyait comme cela{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-541}} !}} Dans un article d'un numéro hors-série de la revue ''[[Geo (magazine)|Geo]]'' consacré à Tintin, paru en 2000, Jean-Jacques Mandel insiste lui aussi sur la mansuétude de nombreux Africains par rapport à cet album<ref>{{Article |auteur1=Jean-Jacques Mandel |titre=L'Afrique sans rancune |périodique=[[Geo (magazine)|Geo]] |numéro=HS |titre numéro=Tintin, grand voyageur du siècle |pages=52 |année=2000}}.</ref>. |
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* '''''Tintin au pays de l'or noir''''' |
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Il n'empêche que ''Tintin au Congo'' joue un rôle prépondérant dans les critiques formulées à l'égard d'Hergé. En 1960, ''[[Le Canard enchaîné]]'' invite ses lecteurs à se méfier de {{Citation|ce « héros » pour qui les Blancs sont tout blancs et les Noirs tout noirs}} : {{Citation|Si vos enfants doivent être sages comme des images, évitez que ces images soient du dessinateur Hergé{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-541}}.}} Deux ans plus tard, le magazine ''[[Jeune Afrique]]'' publie l'article « Tintin le vertueux ― l'oreille réactionnaire », une violente critique de la journaliste [[Gabrielle Rolin]] qui dénonce le racisme latent présent dans les albums du jeune reporter{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=537-541}}. En {{Date-|juillet 2007}}, Bienvenu Mbutu Mondondo, un étudiant congolais de l'[[Université libre de Bruxelles]], porte plainte pour racisme<ref>{{Lien web |auteur=[[Didier Pasamonik]] |titre=Bienvenu Mbutu Mondondo : {{citation|Cette bande dessinée est raciste}}|url=https://www.actuabd.com/Bienvenu-Mbutu-Mondondo-Cette-bande-dessinee-est-raciste |site=[[ActuaBD]] |date=31 août 2007 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>, et demande soit l'interdiction de vente de ''Tintin au Congo'' en Belgique, soit la présence d'un avertissement dans l'album<ref name="congo" />. Il est finalement débouté par la justice belge<ref>{{Lien web |titre=Racisme : Tintin acquitté en Belgique |url=https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20120213.OBS1234/racisme-tintin-acquitte-en-belgique.html |site=[[L'Obs]]|date=13 février 2012 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. Dans le même temps, au [[Royaume-Uni]], la Commission britannique pour l'égalité raciale juge l'album raciste et demande son retrait des librairies<ref name="congo" />. De nombreux magasins le retirent de la vente dans les pays anglophones, de même que la [[bibliothèque publique de Brooklyn]] à [[New York]]<ref name="congo" />. Des plaintes sont également déposées en Suède et en France, mais sans résultat<ref name="congo" />. La polémique réapparaît régulièrement en France comme en Belgique. En {{Date-|décembre 2014}}, un groupe de personnes liées au [[Conseil représentatif des associations noires de France]] mène une action dans une librairie parisienne en apposant des autocollants sur les albums de ''Tintin au Congo'' pour réclamer la mise en place d'une préface à l'ouvrage, sur le modèle de l'édition en anglais qui met en garde ses lecteurs contre la présence de [[Stéréotypes sur l'histoire de l'Afrique|stéréotypes coloniaux]]<ref>{{Lien web |auteur=Mathilde Doiezie |titre=Tintin au Congo jugé « toxique » par un collectif antiraciste |url=http://www.lefigaro.fr/bd/2014/12/09/03014-20141209ARTFIG00091--tintin-au-congo-juge-toxique-par-un-collectif-antiraciste.php |site=[[Le Figaro]]|date=9 décembre 2014 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. Finalement, une nouvelle version est publiée en 2023, incluant une préface rédigée par [[Philippe Goddin]] qui place l'album dans le contexte historique de son époque<ref>{{Lien web |titre=« Tintin au Congo » enfin muni d’une préface sur son contexte colonial |url=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/12/11/tintin-au-congo-enfin-muni-d-une-preface-sur-son-contexte-colonial_6205163_3212.html |périodique=[[Le Monde]]|date=11 décembre 2023 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Damien Glez |titre=« Tintin au Congo » préfacé et revisité, une fausse bonne idée ? |url=https://www.jeuneafrique.com/1513559/culture/tintin-au-congo-preface-et-revisite-une-fausse-bonne-idee/ |site=[[Jeune Afrique]]|date=11 décembre 2023 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>, mais cette préface est néanmoins critiquée par certains historiens comme [[Pascal Blanchard (historien)|Pascal Blanchard]], qui juge que son auteur cherche à dédouaner Hergé de tout racisme ou de toute adhésion au colonialisme<ref>{{Lien web |titre=“Tintin au Congo” : une version inédite, avec une préface rappelant le contexte colonial |url=https://www.telerama.fr/livre/tintin-au-congo-une-version-inedite-et-une-preface-qui-divise-7018449.php |site=[[Télérama]]|date=11 décembre 2023 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. |
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Enfin, en [[1969]], Methuen fait redessiner ''Tintin au pays de l'or noir'' pour qui la version originale est obsolète : |
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Sans nier les clichés racistes de certains albums, Pascal Ory met en avant la nuance qu'apporte Hergé dans son regard sur l'étranger au fil des aventures : {{Citation|L'autonomie qu'[il] acquiert petit à petit à l'égard de l'idéologie conservatrice et catholique-sociale de ses débuts s'illustre par le changement de statut de l'Africain entre ''Tintin au Congo'' (1930-31) et ''[[Coke en stock]]'' (1956-58), contemporain des dernières années du Congo colonial}}<ref name="ory" />. Dans cette aventure, il n'est plus question pour l'auteur de représenter les Africains comme des colonisés infantilisés mais bien comme des victimes à protéger des mauvais marchands d'esclaves<ref name="ory" />. |
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{{Citation bloc|L'album ne pouvait paraître en Grande-Bretagne dans sa version originale : il y était question de la lutte des organisations juives contre l'occupant britannique, avant l'indépendance d'Israël.|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 169.</ref>.}} |
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== Hommages et postérité == |
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De son côté, Bob de Moor se rend dans le [[port d'Anvers]] pour prendre des clichés d'un pétrolier des années 1940 qui servira de modèle au ''Speedol Star''<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|91}}.</ref>. |
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=== Héritage et surveillance étroite de l'œuvre d'Hergé === |
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Dans le testament qu'il rédige quelques mois avant sa mort, l'auteur fait de sa veuve [[Fanny Rodwell|Fanny Remi]] sa légataire universelle{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=591-601}}. Comme il l'avait affirmé à plusieurs reprises, Hergé ne souhaite pas que les ''Aventures de Tintin'' se poursuivent sans lui : {{Citation|Il y a certes des quantités de choses que mes collaborateurs peuvent faire sans moi et même beaucoup mieux que moi. Mais faire vivre Tintin, faire vivre Haddock, Tournesol, les Dupondt, tous les autres, je crois que je suis le seul à pouvoir le faire : Tintin c'est moi, exactement comme Flaubert disait {{citation|Madame Bovary, c'est moi !}} Ce sont mes yeux, mes sens, mes poumons, mes tripes ! […] C'est une œuvre personnelle, au même titre que l'œuvre d'un peintre ou d'un romancier : ce n'est pas une industrie ! Si d'autres reprenaient ''Tintin'', ils le feraient peut-être mieux, peut-être moins bien. Une chose est certaine : ils le feraient autrement et, du coup, ce ne serait plus ''Tintin'' !}}{{Sfn|Sadoul|2000|gr=e|p=66}}. |
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Pourtant, une ambiguïté subsiste : s'il est clair qu'il n'est pas question de réaliser de nouveaux albums, [[Bob de Moor]] émet le souhait de terminer ''[[Tintin et l'Alph-Art]]'' à partir des éléments laissés par Hergé. Le dossier que lui remet Fanny Remi, qui ne comporte que trois planches crayonnées et {{Nobr|150 pages}} d'esquisses au stylo-bille, démontre que le scénario imaginé par l'auteur était loin de sa forme définitive et tous les éléments recueillis ne suffisent pas à en faire un album{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=591-601}}. En 1986, Fanny Remi renonce à l'achèvement de l'aventure et décide de la publier dans la forme laissée par Hergé{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=591-601}}. La même année, les [[Studios Hergé]] sont dissous{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=591-601}}, tandis qu'une Fondation Hergé est créée dans le but de promouvoir et d'assurer la pérennité de l'œuvre du dessinateur{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=591-601}}. |
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Le symbole le plus édifiant de ce succès planétaire est probablement l'inauguration du nouveau siège des éditions du Lombard (éditeur du ''Journal de Tintin''), avenue Spaak à Saint-Gilles ({{date|13|septembre|1958}}). L'immeuble est surmonté d'une enseigne lumineuse et pivotante représentant Tintin et Milou<ref>[http://users.skynet.be/tintinpassion/HERGE/Herge-pages/00_HergeBio.html Repères chronologiques d'Hergé]</ref>. |
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Dès lors, Fanny et son nouveau mari [[Nick Rodwell]] assurent un contrôle strict des [[droits d'auteurs]] et exploitent commercialement la marque « Tintin » à travers de nombreux produits dérivés et rééditions d'albums{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=591-601}}{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Roxana Azimi |titre=Les aventures judiciaires de Nick Rodwell, le gardien de la marque Tintin |url=https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/05/21/les-aventures-judiciaires-de-nick-rodwell-le-gardien-de-la-marque-tintin_6081057_4500055.html |site=[[Le Monde]]|date=21 mai 2021 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. Depuis la mort du dessinateur, des [[Adaptations des Aventures de Tintin à l'écran|adaptations]] télévisées, cinématographiques ou radiophoniques voient régulièrement le jour{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=591-601}}. |
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==== Tintin sous toutes les formes ==== |
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=== Entrée au musée et records de vente === |
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Après 1945, Hergé ne réalise pratiquement plus d'illustrations. Il se concentre avant tout sur la préparation de ses albums. En revanche, les Studios Hergé vont insérer l'image « Tintin et Milou » sur de nombreux supports. |
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[[Fichier:Musee Herge.JPG|vignette|alt=Vue d'ensemble du musée de style contemporain, une vignette d'un album montrant Tintin de dos et la signature d'Hergé étant visibles sur la façade.|Entrée du [[musée Hergé]] à [[Louvain-la-Neuve]].]] |
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En 2008, la douzième planche de ''[[L'Affaire Tournesol]]'' intègre les collections permanentes du [[Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou|centre Georges-Pompidou]] et devient ainsi la première planche de bande dessinée à rejoindre l'inventaire de ce musée prestigieux. Deux ans plus tard, cette même planche est choisie pour représenter le [[Classification des arts|{{9e|Art}}]] lors de l'exposition ''Chefs-d'œuvre ?'' au [[centre Pompidou-Metz]] qui rassemble les grandes figures de l'histoire de l'art du {{S-|XX}}<ref name="laffage">{{Article |auteur1=Sébastien Laffage-Cosnier |auteur2=Jean-François Loudcher |auteur3=Christian Vivier |titre=La guerre et ses représentations dans la bande dessinée : La destinée du héros sportif chez Pellos dans le journal ''Junior'' (1938-1940) |périodique=Modern & Contemporary France |volume=20 |pages=287-305 |année=2012}}.</ref>. En 2009, le [[musée Hergé]], entièrement consacré aux œuvres et à la carrière du dessinateur, ouvre ses portes à [[Louvain-la-Neuve]]. Le bâtiment est conçu par l'architecte français [[Christian de Portzamparc]]{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=228-230}}. Plus largement, à travers le monde, des expositions dédiées à Tintin et son auteur sont régulièrement organisées pour en perpétuer le souvenir<ref name="assouline le débat" />. C'est notamment le cas d'une grande rétrospective organisée en 2016 au [[Grand Palais (Paris)|Grand Palais]], à Paris<ref>{{Lien web |auteur=Stéphane Jarno |titre=Hergé à livre ouvert au Grand Palais |url=https://www.telerama.fr/scenes/herge-au-grand-palais-a-paris,148170.php |site=[[Télérama]]|date=5 octobre 2016 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. |
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[[File:Statue Hergé Louvain-la-Neuve.jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Statue en bronze exposée dans un parc.|Statue d'Hergé par [[Tom Frantzen]] à [[Louvain-la-Neuve]].]] |
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* '''Les chromos''' |
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Dans le même temps, les planches et dessins de l'artiste connaissent un grand succès sur le marché mondial de l'art et établissent de nombreux records à partir des années 1990{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=228-230}}{{,}}<ref name="RecordsEnchères">{{Article |auteur1=Olivier Delcroix |titre=1,7 million d'euros pour la couverture de Tintin en Amérique, nouveau record pour un dessin d'Hergé en noir et blanc |périodique=[[Le Figaro]] |date=10 février 2023 |lire en ligne=https://www.lefigaro.fr/bd/1-7-million-d-euros-pour-la-couverture-de-tintin-en-amerique-nouveau-record-pour-un-dessin-d-herge-en-noir-et-blanc-20230210 |consulté le=6 mars 2024 }}.</ref>. À titre d'exemples, les pages de garde des albums des ''Aventures de Tintin'' dessinées en 1937 sont adjugées pour un montant de {{Unité|2654000|euros}} lors d'une vente aux enchères à Paris en {{Date-|mai 2014}}, tandis que le dessin original de la couverture de ''[[L'Étoile mystérieuse]]'', exécuté en 1942, est vendu {{Unité|2500000|euros}} en {{Date-|février 2015}} à la [[Brafa]] de Bruxelles{{Sfn|Sterckx|2015|gr=j|p=228-230}}. En 2016, une planche encrée d'''[[On a marché sur la Lune]]'' atteint le prix de {{nobr|1,55 million}} d'euros, soit la planche de bande dessinée la plus chère au monde<ref name="RecordsEnchères" />{{,}}<ref>{{Lien web |titre=BD : une planche de Tintin vendue {{nobr|1,55 million}} d'euros, un record |url=https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/livres/bd-une-planche-de-on-a-marche-sur-la-lune-vendue-1-55-million-d-euros-un-record-19-11-2016-6348819.php |site=leparisien.fr |date=19 novembre 2016 |consulté le=6 mars 2024}}.</ref>. En 2023, la vente de la couverture de ''[[Tintin en Amérique]]'' pour {{Unité|2158400|euros}} chez [[Artcurial]] établit un nouveau record pour un dessin original d'Hergé en noir et blanc<ref name="enchères1">{{Lien web |auteur=Agathe Hakoun |titre=Bande dessinée : Record du monde aux enchères pour un dessin original de « Tintin en Amérique » |url=https://www.connaissancedesarts.com/marche-art/ventes-encheres/bande-dessinee-record-du-monde-aux-encheres-pour-un-dessin-original-de-tintin-en-amerique-11180222/#:~:text=Le%2010%20f%C3%A9vrier%2C%20Artcurial%20a,Herg%C3%A9%20en%20noir%20et%20blanc. |site=[[Connaissance des arts]]|date=13 février 2023 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. Deux ans plus tôt, le projet de couverture à la gouache pour ''[[Le Lotus bleu]]'' est devenu l'œuvre la plus chère du dessinateur, attribuée pour {{Unité|3.2|millions d'euros}}, toujours chez Artcurial<ref name="enchères1" />. |
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En septembre 1944, peu de temps avant la Libération de Bruxelles, Hergé et Edgar P. Jacobs décident de réaliser une série de cartes postales qui constitueraient une encyclopédie sur des thèmes précis. Chaque carte sera accompagnée par le personnage de Tintin vêtu d'un costume approprié. Le projet est reporté à l'automne 1946 au sein du ''Journal de Tintin'' et publié dans la rubrique documentaire. Entre 1946 et 1950, apparaissent les ''Entretiens du Capitaine Haddock'' sur l'histoire de la marine. À partir de 1950, les éditions du Lombard font éditer des chromos en couleurs indépendamment du journal, offerts en échange de l'achat de « timbres Tintin »<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., p. 168.</ref>. Sept collections sont lancées : |
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Ces records de vente s'accompagnent d'une diffusion toujours plus large des albums d'Hergé. En 2014, la barre des {{Nobr|100 traductions}} des ''Aventures de Tintin'' est franchie<ref>{{Lien web |langue=fr|auteur=Julien Helmlinger |titre=Tintin a franchi le cap des traductions dans {{nobr|100 langues}} et dialectes |url=https://www.actualitte.com/article/monde-edition/tintin-a-franchi-le-cap-des-traductions-dans-100-langues-et-dialectes/46639 |site=[[ActuaLitté]]|date=29 janvier 2014 |consulté le=5 mars 2023}}.</ref>, un chiffre en constante augmentation avec plus de {{Nobr|120 langues}} et dialectes en 2019<ref name="vente">{{Lien web |auteur=Christophe Levent |titre=À 90 ans, Tintin toujours gaillard |url=https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/livres/a-90-ans-tintin-toujours-gaillard-09-01-2019-7984704.php |site=[[Le Parisien]]|date=9 janvier 2019 |consulté le=5 mars 2023}}.</ref>. En 2020, selon les données de l'''[[Index Translationum]]'', Hergé figure au huitième rang parmi les écrivains d'expression française les plus traduits au monde<ref name="trad">{{Article |auteur1=[[Rainier Grutman]] |titre=Tintin au pays des traductions |périodique=Parallèles |numéro=32(1) |pages=177-193 |date=avril 2020 |lire en ligne=https://www.paralleles.unige.ch/files/5915/8773/4744/Paralleles_32-1_2020_Grutman.pdf |format=pdf}}.</ref>. |
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{{clr}} |
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{| class='wikitable' |
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|+'''Les chromos Tintin''' |
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! Concepteur |
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! Collection |
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|- bgcolor=#FFFFDD |
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| Edgar P. Jacobs (1946-47) |
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| [http://users.skynet.be/tintinpassion/VOIRSAVOIR/Ballon/pages_ballon/000_Ballon.html L'histoire de l'Aérostation] |
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|- bgcolor=#FFE8E8 |
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| Edgar P. Jacobs (1947-48) |
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| [http://users.skynet.be/tintinpassion/VOIRSAVOIR/Locos/pages_Locos/00_Locos.html Le chemin de fer] |
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|- bgcolor=#DDEEFF |
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| Jacques Martin |
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| [http://users.skynet.be/tintinpassion/VOIRSAVOIR/Auto/Pages_auto/Auto_000.html L'histoire de l'automobile] |
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|- bgcolor=FFE8D8 |
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| Jacques Martin |
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| [http://users.skynet.be/tintinpassion/VOIRSAVOIR/Avion2/pages_avion2/000_Avion2.html L'aviation en 1939-1945] |
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|- bgcolor=lightyellow |
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| Jacques Martin |
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| [http://users.skynet.be/tintinpassion/VOIRSAVOIR/Avion1/pages_avion1/000_Avion1.html L'aviation des origines à 1914] |
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|- bgcolor=#FFFFDD |
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| Jacques Martin |
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| [http://users.skynet.be/tintinpassion/VOIRSAVOIR/Marin1/pages_Marin1/000_Marin1.html L'histoire de la marine des origines à 1700] |
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|- bgcolor=#FFE8E8 |
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| Jacques Martin |
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| [http://users.skynet.be/tintinpassion/VOIRSAVOIR/Marin2/pages_Marin2/000_Marin2.html L'histoire de la marine de 1700 à 1850] |
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|} |
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=== Distinctions et décorations === |
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Une dernière collection sur l'histoire des costumes et des guerriers est envisagée mais le projet est abandonné<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., p. 169.</ref>. |
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[[Fichier:Hergé (1907-1983).jpg|vignette|alt=Photographie d'un panneau routier avec des mots écrits en blanc sur fond vert.|Allée Hergé au [[parc du Wolvendael]].]] |
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De nombreuses distinctions sont attribuées à Hergé pour l'ensemble de son œuvre. En 1971, il reçoit le [[prix Adamson]] du meilleur auteur international, puis le [[prix Yellow-Kid]] l'année suivante. En 1973, le [[Prix Saint-Michel|Grand prix Saint-Michel]] lui est décerné<ref name="hergé casterman" />, tandis qu'il est élevé au rang d'officier de l'[[ordre de la Couronne (Belgique)|ordre de la Couronne]] à Bruxelles, en 1978<ref name="mouchart rivière" />. Le {{Date|17|janvier|1979}}, un « Mickey d'honneur » lui est remis par la [[The Walt Disney Company|Walt Disney Company]]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Michel Daubert |titre=Musée Hergé |lieu=Paris/Bruxelles |éditeur=[[La Martinière Groupe|Édition de la Martinière]], [[Éditions Moulinsart]]|année=2013|pages totales=478|isbn=978-2732457079}}.</ref>{{,}}<ref name="hergé casterman">{{Lien web |titre=Fiche de présentation d'Hergé |url=https://www.casterman.com/fr/Bande-dessinee/Auteurs/herge |site=[[Casterman]] |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. Après sa mort, il intègre à titre posthume le [[Prix Harvey (comics)|Temple de la renommée Jack Kirby]] en 1999 puis le [[Prix Eisner|Temple de la renommée Will Eisner]] en 2003<ref name="hergé casterman" />. |
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Sur un autre plan, en 1982, son nom est donné à un [[(1652) Hergé|astéroïde]] de la [[ceinture d'astéroïdes|ceinture principale]], situé entre [[Mars (planète)|Mars]] et [[Jupiter (planète)|Jupiter]] et découvert le {{Date|9|août|1953}} à l'[[observatoire royal de Belgique]] à [[Uccle]] par l'[[astronome]] belge [[Sylvain Arend]]<ref>{{Lien web |auteur=Bernard Lamarche |titre=Hergé à tout vent |url=https://www.ledevoir.com/non-classe/21647/herge-a-tout-vent |site=[[Le Devoir]]|date=3 mars 2003 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. |
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* '''Les cartes postales''' |
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En 2003, [[Angoulême]] est la première ville française à donner le nom d'Hergé à l'une de ses rues, auparavant nommée la rue Marengo. Une statue en bronze du dessinateur y est installée<ref>{{Lien web |auteur=Cathy Lafon |titre=En 2003, quand Angoulême baptisait officiellement l’une de ses rues du nom de Hergé |url=https://www.sudouest.fr/culture/bd/en-2003-angouleme-baptisait-officiellement-l-une-de-ses-rues-du-nom-de-herge-2854004.php |site=[[Sud Ouest]]|date=10 janvier 2019 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=JLM |titre=Inauguration de la rue Hergé à Angoulême |url=https://www.actuabd.com/Inauguration-de-la-rue-Herge-a-Angouleme |site=[[ActuaBD]] |date=3 février 2003 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. La même année, l'avenue Hergé est créée sur la commune d'[[Ixelles]], dans le cadre du projet d'aménagement des Jardins de la Couronne<ref>{{Lien web |titre=Avenue Hergé |url=http://www.reflexcity.net/bruxelles/communes/ixelles/avenue-herge |site=Reflexcity.net |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. En 2019, la place Hergé est inaugurée à [[Etterbeek]], commune de naissance du dessinateur, tandis que toutes les rues adjacentes du quartier reçoivent le nom de certains des personnages qu'il a créés. Un buste en bronze à son effigie, exécuté en 1958 par le sculpteur [[Nat Neujean]], orne la place<ref name="place tintin" />{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Aline Wavreille |titre=Inauguration du buste d'Hergé à Etterbeek dans son quartier d'enfance |url=https://www.rtbf.be/article/inauguration-du-buste-d-herge-a-etterbeek-dans-son-quartier-d-enfance-10233939 |site=[[Radio-télévision belge de la Communauté française|RTBF]] |date=29 mai 2019 |consulté le=2 mars 2024}}.</ref>. |
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Les Studios Hergé publient de nombreuses cartes postales mettant en scène les personnages des ''Aventures de Tintin''. Au cours des années 1940, Hergé envoyait épisodiquement des cartes de vœux aux lecteurs. Par contre, à partir de 1950, chaque nouvel an, une carte de vœux est systématiquement dessinée. Aux cartes de style classique des premières années, les années suivantes se montrent particulièrement inventives : les personnages sont représentés sur une sorte de vitrail médiéval (1967), une mosaïque byzantine (1963) ou encore une fresque égyptienne (1978)<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|170-175}}.</ref>. |
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=== Hergé en bande dessinée === |
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* '''Le cinéma''' |
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Dès le début de sa carrière, le dessinateur a pris l'habitude de se représenter lui-même parmi les personnages qui peuplent ses albums. Pour l'universitaire suisse Jean Rime, qui étudie ces apparitions récurrentes, le nom d'Hergé {{Citation|ne désigne plus un avatar de Georges Remi, mais un personnage créé par lui pour jouer ce rôle de pivot}} médiatique entre ses personnages et ses lecteurs<ref name="rime personnage">{{Article |auteur1=Jean Rime |titre=Hergé est un personnage |sous-titre=Quelques figures de la médiation et de l’autoreprésentation dans Les aventures de Tintin |périodique=[[Études françaises]] |volume=46 |numéro=2 |pages=27-46 |année=2010 |lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2010-v46-n2-etudfr3908/044533ar/}}.</ref>. Dans ses premiers travaux, Hergé impose lui-même son statut de médiateur par {{Citation|de nombreuses mises en scène auctoriales}} : ''[[Les Aventures de Totor, C. P. des Hannetons]]'' sont présentées comme {{Citation|un grand film comique produit par United Rovers}}, parodie de la société américaine [[United Artists]] et production fictive doublée plus loin dans le récit de la mention {{Citation|Hergé Moving Pictures}} ou parfois {{Citation|Hergé, Metteur en scène}}. D'une manière analogue, l'un des premiers récits qu'il illustre pour ''[[Le Vingtième Siècle (quotidien)|Le Vingtième Siècle]]'', ''Popokabaka'', est sous-titré {{Citation|Bananera chantée. Musique de Hergé. Paroles de René Verhaegen.}} Le dessinateur se présente ainsi comme un [[cinéaste]] ou un [[compositeur]], ce que ne lui permet plus ensuite l'évolution de sa technique, l'abandon du récit légendé au profit de la bande dessinée à phylactères entraînant la disparition du [[narrateur]] à la troisième personne<ref name="rime personnage" />. |
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C'est dans les aventures de ''[[Quick et Flupke]]'' qu'il expérimente pour la première fois l'[[autoportrait]] [[Mise en abyme|en abyme]], adoptant parfois la posture de victime. Dans « Une grave affaire », Hergé est enlevé par les deux personnages et l'{{Nobr|Agent 15}}, ceux-ci l'accusant de les couvrir de ridicule chaque semaine. Menacé d'un revolver, le dessinateur admet par écrit que {{Citation|les nommés Quick et Flupke sont gentils, sages, obéissants}}<ref name="rime personnage" />. Le principe est repris dans le gag « Le dessinateur puni » : après un accident de ski lors duquel il a heurté le cadre du dessin, Flupke, plâtré, sonne à la porte du dessinateur avant de le rouer de coups<ref name="rime personnage" />. Enfin, dans « Les grands moyens », Flupke, verbalisé pour stationnement interdit, téléphone à Hergé et lui demande d'arranger la situation en effaçant le panneau d'interdiction. La main du dessinateur apparaît alors grandeur nature, {{Citation|munie d'une gomme salvatrice}}, et vient se superposer à la scène<ref name="rime personnage" />. |
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{{Article détaillé|Tintin et le Mystère de la Toison d'or|Tintin et les Oranges bleues}} |
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Loin de la tonalité fantaisiste des gags de ''Quick et Flupke'', l'univers réaliste des ''Aventures de Tintin'' ne permet pas au dessinateur de jouer avec les mêmes codes mais celui-ci s'y représente néanmoins à plusieurs reprises. Il figure ainsi dans la première planche de la version en couleur de ''[[Tintin au Congo]]'', calepin et stylo à la main parmi le groupe de journalistes qui accompagnent le départ du héros<ref name="rime personnage" />. Lors de la mise en couleur du ''[[Le Sceptre d'Ottokar|Sceptre d'Ottokar]]'', [[Edgar P. Jacobs]] et Hergé s'amusent à se représenter parmi les hauts dignitaires du régime [[Syldavie|syldave]] : ils figurent parmi les témoins de l'arrestation de Tintin par les gardes royaux puis assistent à sa décoration par le roi [[Muskar XII]] au terme de l'aventure<ref>{{Article |titre=Une galerie de portraits tout à fait ressemblants |périodique=Géo |lien périodique=Geo (magazine) |titre volume=Hors-série |numéro=1H |titre numéro=Tintin, grand voyageur du siècle |pages=36-39 |lieu=Paris |mois=novembre |année=2000}}.</ref>. Il figure une dernière fois dans ''[[L'Affaire Tournesol]]'' parmi les badauds qui se pressent devant la grille du [[château de Moulinsart]]<ref name="rime personnage" />. |
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Le cinéma a toujours fasciné Hergé. Dès 1926, dans les ''Aventures de Totor'', il inscrivait en entête « United Rovers présente un grand film comique » signé « Hergé moving pictures ». Les premières aventures d'avant-guerre s'inspiraient, elles-aussi, largement des westerns muets des années 1920-1930. Le projet d'une adaptation au grand écran apparaît après-guerre. À la fin des années 1940, la compagnie française « les Beaux Films » propose une adaptation de certaines aventures en diapositives. À la même époque, sans plus de succès, Claude Misonne crée un long métrage du ''Crabe aux pinces d'or'' joué par des poupées (1947)<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|180}}.</ref>. Il faut attendre une quinzaine d'années pour voir apparaître des propositions de films « live » avec des comédiens au grand enthousiasme d'Hergé qui, bien entendu, participe à la mise en scène. En [[1960]], sort en salle ''[[Tintin et le Mystère de la Toison d'or]]'', un film de [[Jean-Jacques Vierne]] avec [[Jean-Pierre Talbot]] dans le rôle de Tintin. Quatre ans plus tard, apparaît ''[[Tintin et les Oranges bleues]]'' de [[Philippe Condroyer]] avec Talbot au même rôle. Au grand désespoir d'Hergé, c'est un double échec, les films n'attirent pas les foules<ref name="Chrono"/>. Un projet de troisième film aurait même été abandonné en 1967. |
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Par ailleurs, Hergé choisit de dévoiler ses états d'âme et la lassitude qui le gagne par le biais d'autocaricatures publiées dans le journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]''. Ainsi en {{Date-|septembre 1947}}, il apparaît assigné à sa table à dessin et menacé par un Tintin muni d'un fouet, et deux ans plus tard, quand ''[[Tintin au pays de l'or noir]]'' reprend après une longue interruption, il se dessine en repris de justice menotté et sommé par ses personnages de reprendre le travail<ref name="rime personnage" />. Hergé utilise de nouveau ce procédé en 1978, en couverture d'un ouvrage édité pour célébrer le cinquantième anniversaire de son héros, intitulé ''Cinquante ans de travaux fort gais''<ref name="rime personnage" />. |
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{{Article détaillé|Tintin et le lac aux requins}} |
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Sur un autre plan, plusieurs [[Adaptations des Aventures de Tintin à l'écran|adaptations de Tintin]] rendent hommage à son créateur. Ainsi Hergé figure dans chaque épisode de la série animée ''[[Les Aventures de Tintin (série télévisée d'animation)|Les Aventures de Tintin]]'', réalisée à partir de 1991, mais il apparaît également dans le film ''[[Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne]]'' de [[Steven Spielberg]] en [[2011 au cinéma|2011]]<ref>{{Lien web |titre=Une série animée sur la vie d'Hergé |url=https://www.actuabd.com/+Une-serie-animee-sur-la-vie-d+ |site=[[ActuaBD]] |date=22 février 2015 |consulté le=3 mars 2024}}.</ref>. L'auteur fait aussi l'objet d'une biographie en bande dessinée, ''Les Aventures d'Hergé'', réalisée par [[José-Louis Bocquet]], [[Jean-Luc Fromental]] et [[Stanislas Barthélémy]] en 1999 et rééditée plusieurs fois depuis<ref>{{Lien web |titre=Les Aventures d'Hergé |url=https://www.bedetheque.com/BD-Aventures-d-Herge-1802.html |site=[[BD Gest']] |consulté le=3 mars 2024}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=Les aventures d'Hergé |url=https://actualitte.com/livres/7039/les-aventures-d-herge |site=[[ActuaLitté]] |consulté le=3 mars 2024}}.</ref>. |
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Après l'échec des films, Hergé revient au dessin animé classique. En [[1955]], Raymond Leblanc, le directeur du ''Journal de Tintin'', avait fondé les Studios [[Belvision]] dans le but d'adapter ''Les Aventures de Tintin'' sur grand écran. Quatre années de travail avaient été nécessaires pour qu'en [[1959 à la télévision|1959]] sortent des dessins en couleurs pour la télévision en plusieurs séquences de 5 minutes quotidiennes : ''Objectif Lune'', ''Le Crabe aux pinces d'or'', ''Le Secret de La Licorne'', ''Le Trésor de Rackham le Rouge'', ''L'Étoile mystérieuse'', ''L'Île Noire'' et ''L'Affaire Tournesol''<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|182}}.</ref>. C'est un véritable succès. Dix ans plus tard, après plusieurs années de travail aux Studios Hergé, sort en salle ''Le Temple du Soleil'' avec l'aide de [[Michel Greg|Greg]]. Bien que l'histoire d'origine (1949) ait été fortement remaniée, le public est conquis. En [[1972]], Greg propose à Hergé un scénario original de long métrage qui ne reprend pas une aventure existante de Tintin. ''Tintin et le Lac aux requins'' plante le décor en Syldavie avec comme personnages principaux : Tintin, Haddock, Tournesol et Rastapopoulos. Le film est adapté en bande dessinée en [[1973]] par Casterman en 44 pages. Enfin, intéressé par le sujet, [[Steven Spielberg]] demandera en [[1982]] l'autorisation d'Hergé pour adapter Tintin, projet qu'il mettra près de 30 ans à mûrir avant la sortie en octobre [[2011]] sur grand écran de ''[[Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne]]''. |
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=== Les dernières années (1961-1983) === |
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==== Le recul de l'auteur ==== |
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{{Article détaillé|Les Bijoux de la Castafiore}} |
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Toutes les activités accumulées par Hergé depuis les années 1950 (refonte d'albums, confections des cartes de vœux, adaptations au cinéma) en font un homme fatigué qui espace de plus en plus ses nouvelles aventures. Avec sa nouvelle histoire, il veut à la fois camper Tintin chez lui à Moulinsart, sans exotisme, « pour voir si j'étais capable de tenir le lecteur en haleine jusqu'au bout » et d'autre part, bouleverser ses habitudes d'écriture. ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]'', sorte « d'anti-aventure » paraît à partir du {{date|4|juillet|1961}} dans le ''Journal de Tintin''. |
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{{Citation bloc|Ce côté aventure me paraît à l'heure actuelle un peu infantile.|Interview d'Hergé<ref name="SADOUL_2003"/>.}} |
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Le scénario est digne d'une planche de Quick et Flupke : le récit banal est dérangé par des actions extérieures qui viennent à lui dans un cadre limité : la propriété de Moulinsart<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|116}}.</ref>. Hergé s'amuse à dérégler ses personnages. Tintin est effrayé par une chouette, Haddock passe son temps en fauteuil roulant, les Dupondt ne cessent de se casser la figure et le paroxysme de ce dérèglement est la séance de télévision dans le laboratoire de Tournesol. Au terme des 62 planches, l'aventure se termine le {{date|4|septembre|1962}}. |
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{{Article détaillé|Vol 714 pour Sydney}} |
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Quatre ans après la fin des ''Bijoux de la Castafiore'', Hergé entame sa prochaine aventure : c'est le {{date|27|septembre|1966}}. Ici Tintin et ses amis sont de nouveau projetés à l'étranger (sur une île indonésienne). Dans ''[[Vol 714 pour Sydney]]'', destination d'origine des héros, le dessinateur continue dans sa lancée de démythification de la famille de papier en réglant ses comptes avec les « méchants » : Rastapopoulos en est l'exemple frappant : |
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{{Citation bloc|En cours de récit, je me suis rendu compte qu'en définitive Rastapopoulos et Allan n'étaient que de pauvres types. J'ai découvert ça après avoir habillé Rastapopoulos en cow-boy de luxe (…). D'ailleurs, ainsi déboulonnés, mes affreux me paraissent un peu plus sympathiques : ce sont des forbans, mais de pauvres forbans !…|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 70.</ref>.}} |
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Autre point essentiel de l'album, c'est la maquette du Carreidas 160, jet privé du milliardaire Lazlo Carreidas, caricature du constructeur français [[Marcel Dassault]]. Le ''Journal de Tintin'' présente un « écorché » extrêmement précis de l'avion réalisé par [[Roger Leloup]] (1966). Enfin, par le biais du personnage Ezdanitoff (inspiré du journaliste [[Jacques Bergier]]), Hergé initie ses lecteurs à la parapsychologie et boucle l'histoire par l'intervention discrète des extraterrestres comme clin d'œil humoristique. La fin est proposée dans le ''Journal'' du {{date|28|novembre|1967}}<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|120-121}}.</ref>. |
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==== La reconnaissance internationale pour l'artiste (années 1970) ==== |
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Tintin est devenu un héros universel. « ''Au fond, je n'ai qu'un seul rival international : c'est Tintin'' » ira jusqu'à dire [[Charles de Gaulle]]. |
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Après la fin de ''Vol 714 pour Sydney'', Hergé décide de mettre de côté Tintin quelques années pour voyager, s'adonner à sa nouvelle passion l'[[art contemporain]] et surtout se reposer. Le {{date|6|juin|1970}}, [[Alexis Remi]] le père de l'artiste, décède à l'âge de 87 ans. Grand fan des Indiens d'Amérique depuis sa jeunesse, Hergé les rencontre pour la première fois, accompagné de sa compagne Fanny Vlamynck dans le [[Dakota du Sud]] ([[1971]])<ref name="users.skynet.be"/>. La même année, il donne une interview exclusive au jeune journaliste [[Numa Sadoul]] qui dure pendant quatre jours. Cette entrevue lui permet de se dévoiler et de brosser un tableau intime de Tintin et de sa vie<ref name="SADOUL_2003"/>. Pourtant, c'est durant cette décennie que le dessinateur va se trouver propulsé sur le devant de la scène. En effet, il reçoit de nombreux hommages et des décorations. En [[1973]], il est reçu par le gouvernement de [[Tchang Kaï-chek]] pour avoir soutenu la cause chinoise en [[1935]]. Trois ans plus tard, après quarante-deux ans de séparation, il retrouve les traces de son ami chinois Tchang Tchong-Jen, le co-auteur du ''Lotus bleu'' qu'il croyait mort. En [[1979]], [[Andy Warhol]] réalise une série de quatre portraits de l'artiste belge qui resteront mondialement célèbres<ref>[http://www.tintin.free.fr/biographie/?choix=succes Le Monde de Tintin]</ref>. |
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'''Distinctions autour de l'univers Tintin''' |
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* '''Hergé''' : |
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** [[1972]] : ''[[The Yellow Kid|Yellow Kid]]'' d'honneur, à [[Festival de bande dessinée de Lucques|Lucca]]. |
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** [[1973]] : ''[[Prix Saint-Michel|Grand Prix Saint-Michel]]'', à [[Bruxelles]]. |
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** [[1974]] : Président de la ''{{1re}} Convention internationale de la bande dessinée'', à [[Angoulême]]. |
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** [[1977]] : [[Prix de l'Académie|Médaille de vermeil]] de la ville d'Angoulême, lors du {{4e}} Salon. |
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** [[1978]] : Officier de l'[[ordre de la Couronne (Belgique)|ordre de la Couronne]], à Bruxelles. |
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** [[1979]] : statuette ''[[Mickey Mouse|Mickey]] d'Honneur'' des mains de [[Pierre Tchernia]], pour la [[The Walt Disney Company|Compagnie Walt Disney]]. |
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* '''Les Studios Belvision''' : |
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** [[1973]] : Prix ''Saint-Michel'' pour ''Tintin et le Lac aux Requins'' |
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* '''Le ''Journal de Tintin'' et les Éditions du Lombard''' : |
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** [[1972]] : ''Yellow Kid'' du ''Meilleur éditeur de Journal Européen de bandes dessinées'' |
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(et les Éditions [[Casterman]] en 1978 pour leur déclinaison pour adultes ''[[(À suivre)]]'' : ''Yellow Kid'' du ''Meilleur éditeur étranger de Bandes Dessinées'') |
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* ''Tintin et Moi'' de Anders Ostergaard (à partir des entretiens de [[Numa Sadoul]]): |
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** [[2004]] : Prix du ''Festival Européen du Film Documentaire'' |
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* [[(1652) Hergé]] est un [[astéroïde]] de la [[ceinture d'astéroïdes|ceinture principale]] qui porte son nom. Il fut découvert à l'[[Observatoire royal de Belgique]] le {{date|9|août|1953}} par [[Sylvain Arend]]. Il y a également [[(1683) Castafiore]] découvert le {{date|19|septembre|1950}} par le même astronome. |
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Enfin, les années 1970 sont celles de la notoriété internationale d'Hergé gagnée en plusieurs stades progressifs. Durant les années 1930, les ventes éditées par le ''Petit Vingtième'' étaient très modestes (moins de {{formatnum:50000}} exemplaires en Belgique). Une première percée se produisit en [[1941]] avec la publication du ''Crabe aux pinces d'or'' favorisée par l'apparition de l'album en couleur quelques mois plus tard chez Casterman. L'apparition du ''Journal Tintin'' en [[1946]] stimula encore davantage les ventes pour atteindre le million d'exemplaires vendus en [[1948]]. À partir de ce moment, la machine est en marche et il n'est plus possible de l'arrêter : un million d'exemplaires par an ([[1960]]), 10 millions d'exemplaires ([[1961]]), 26 millions ([[1970]]), 81 millions ([[1980]]) et jusqu'à 6 millions pour la seule année [[1983]] ! À la mort du dessinateur, ''Les Aventures de Tintin'' étaient traduites en une quarantaine de langues à travers le monde<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|199}}.</ref>. |
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==== Une œuvre inachevée ==== |
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{{Article détaillé|Tintin et les Picaros}} |
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Huit ans après la fin de ''Vol 714 pour Sydney'', l'avant-dernière aventure de Tintin apparaît le {{date|16|septembre|1975}} dans le Journal. Depuis le précédent album, Hergé ne travaille plus que pour son plaisir et il prend son temps pour bâtir l'histoire : |
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{{Citation bloc|L'idée a mis longtemps à prendre forme ; c'est comme une petite graine, un petit ferment qui prend son temps pour se développer. J'avais un cadre : l'Amérique du Sud (…) mais rien ne prit forme avant longtemps : il fallait que vienne un déclic.|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 74.</ref>.}} |
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Hergé présente des personnages profondément modifiés d'une part physiquement (port du jean, pratique du yoga, déplacement en cyclomoteur…) et moralement (extrême passivité face aux actions). Suite de ''L'Oreille cassée'', ''Tintin et les Picaros'' reprend un certain nombre de personnages déjà connus du public : le général Alcazar, le colonel Sponsz, Pablo, Ridgewell… Des nouveaux interviennent : Peggy Alcazar, le général Tapioca (qui n'était jusqu'alors que mentionné), le colonel Alvarez. L'artiste s'inspire de nouveau du contexte international instable en Amérique Latine marqué, au cours des années 1970, par l'affaire [[Régis Debray]] et des coups d'État à répétition : notamment au [[Chili]], l'assassinat du président [[Salvador Allende]] lors du coup d'État militaire du général [[Augusto Pinochet|Pinochet]] en [[1973]]. Dans ''Les Picaros'', Hergé fait de nouveau intervenir Tintin dans les affaires de l'État fictif du San Theodoros. Enfin, par le prisme de cette bande dessinée, certains y voient le début de la fin : |
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{{Citation bloc|Malgré les apparences, la fin de ''Tintin et les Picaros'' est la plus amère qu'ait jamais dessinée l'auteur. "Eh bien je ne serai pas fâché de me retrouver chez nous, à Moulinsart…" déclare le capitaine Haddock (…) "Moi aussi capitaine…" répond laconiquement Tintin. On sent (…) que les héros, cette fois, sont bel et bien fatigués.|Benoît Peeters<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., p. 127.</ref>.}} |
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{{Article détaillé|Tintin et l'Alph-Art}} |
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[[Fichier:Dieweg 09.JPG|thumb|200px|Le [[cimetière du Dieweg]] où repose Hergé.]] |
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Le {{date|13|avril|1976}}, Hergé termine ''Les Picaros''. Il a déjà, à cette période, un projet pour le prochain album : |
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{{Citation bloc|J'ai une idée, ou plutôt, une fois encore, j'ai un lieu, un décor : j'aimerais que tout se passe dans un aéroport, du début à la fin.|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul(1983), ''op. cit''., p. 151.</ref>.}} |
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En [[1978]], l'auteur abandonne l'idée de l'aéroport pour le thème de l'[[art contemporain]], sa nouvelle passion depuis les années 1960. Cependant, l'année 1979 est celle du demi-siècle de Tintin, ce qui occupe tout le temps du dessinateur. Par ailleurs, son état de santé se dégrade. ''[[Tintin et l'Alph-Art]]'' s'esquisse lentement, malgré l'épuisement de l'auteur. |
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Le {{date|18|mars|1981}}, Hergé retrouve Tchang, avec qui il s'était lié d'amitié lors de la réalisation du ''Lotus bleu''. Après plus de 40 années de séparation, leurs retrouvailles sont organisées à Bruxelles, par [[Gérard Valet]], journaliste à la [[Radio-télévision belge de la Communauté française|RTBF]], et la rencontre est retransmise en direct à la télévision. Hergé apparaît très affaibli et semble extrêmement gêné par cette hyper-médiatisation. |
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La maladie progresse, Hergé doit s'aliter et subir régulièrement des transfusions sanguines. Courant février 1983, il est hospitalisé à la clinique Saint-Luc de [[Woluwe-Saint-Lambert]]. Après une semaine passée dans le coma, Georges Remi décède d'une « [[leucémie]] » le {{date|3|mars|1983}}, à l'âge de 76 ans. La dernière aventure de Tintin est interrompue au niveau de la planche 42. Le défunt est inhumé, à sa demande, au [[cimetière du Dieweg]] dans la commune bruxelloise d'[[Uccle]], et cela par dérogation spéciale car cette nécropole est désaffectée. Mais il s'y trouve un certain nombre de monuments remarquables qui plaisaient à Hergé<ref>http://www.tintin.free.fr/biographie/?choix=succes</ref>. |
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=== L'œuvre d'Hergé aujourd'hui (depuis 1983) === |
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==== L'aventure ''post-mortem'' (1984-2010) ==== |
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Son héritière et veuve Fanny Remi (sa femme depuis [[1977]]) hésite sur le sort réservé à ''L'Alph-Art'' : ses collaborateurs poursuivent ou alors en rester là ? Hergé avait fait part de sa volonté avant de mourir : |
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{{Citation bloc|Il y a certes des quantités de choses que mes collaborateurs peuvent faire sans moi et même beaucoup mieux que moi. Mais faire vivre Tintin, faire vivre Haddock, Tournesol, les Dupondt, tous les autres, je crois que je suis le seul à pouvoir le faire : Tintin c'est moi, exactement comme Flaubert disait "Madame Bovary, c'est moi !".|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 66.</ref>.}} |
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{{Article détaillé|Les Aventures de Tintin (série télévisée d'animation)}} |
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En [[1986]], madame Remi dissout les Studios Hergé remplacés par la [[Studios Hergé|Fondation Hergé]]. Elle décide que ''L'Alph-Art'' pourra être publié mais dans l'état laissé à la mort de son créateur<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|130-131}}.</ref>. Les adaptations se multiplient : en [[1984]], Johan de Moor et le studio Graphoui avaient entrepris de redonner vie à Quick et Flupke en les adaptant au petit écran. Ainsi 260 dessins animés d'une minute sont réalisés. En parallèle, les planches en noir et blanc des « gamins de Bruxelles », sont reprises, modernisées, colorisées et partagées en onze albums (Casterman 1984-1991)<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|134}}.</ref>. En [[1991]] est créée, d'après ''Les Aventures de Tintin'', une série télévisée d'animation franco-canadienne produite par Ellipse et réalisée par Stéphane Bernasconi. Au total il y a 18 épisodes de 45 minutes chacun (hormis ''Tintin en Amérique''). La série reprend tous les albums exceptés ''Tintin au pays des Soviets'' (jugé trop ancien et partial), ''Tintin au Congo'' (jugé trop colonialiste) et enfin ''Tintin et l'Alph-Art'' (car inachevé). Diffusée sur [[France 3]] à partir de {{date||mai|1992|à la télévision}}, c'est un véritable succès<ref>« Les Aventures de Tintin » est édité en DVD par Fox Pathé Europa.</ref>. |
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{{Article détaillé|Musée Hergé|Trilogie Tintin}} |
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Malgré la volonté de l'auteur, des centaines d'[[apocryphe (littérature et art)|apocryphes]] vont se développer après sa mort. Leur diffusion se fait de façon confidentielle car ils sont poursuivis farouchement par Fanny Remi et son nouveau mari Nick Rodwell, les héritiers des droits d'auteurs qui exploitent à présent commercialement la marque et ses très nombreux produits dérivés. En [[2007]], à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de l'artiste, Hergé revient au sommet de l'actualité. Un article de [[Philippe Goddin]], un spécialiste de Tintin, affirme qu'il pourrait être mort du [[Syndrome d'immunodéficience acquise|SIDA]]. Bien qu'il soit mort officiellement de la leucémie, Hergé devait changer son sang régulièrement. Or, à cette époque, le VIH était très mal connu et encore moins détectable dans le sang. Le dessinateur aurait donc pu contracter le virus lors d'une transfusion ce qui expliquerait les fréquentes grippes, pneumonies et bronchites qu'il avait à répétition à la fin de sa vie<ref>[http://www.lefigaro.fr/culture/20070522.WWW000000352_herge_pourrait_etre_mort_du_sida.html Hergé mort du Sida, ''Le Figaro'', 22-05-2007]</ref>. Au même moment, sa veuve pose la première pierre du futur [[Musée Hergé]] de [[Louvain-la-Neuve]] au parc de la Source ([[Belgique]]). La structure ouvre ses portes en juin [[2009]]<ref>[http://www.museeherge.com/ Site officiel du Musée d'Hergé.]</ref>. En 2007, [[Steven Spielberg]] et Nick Rodwell annoncent la réalisation d'une [[Trilogie Tintin]] prévue pour 2010-2011. La première partie est une adaptation du ''Secret de La Licorne'' et Tintin est joué par le britannique [[Jamie Bell]]<ref>[http://www.lefigaro.fr/cinema/2009/01/27/03002-20090127ARTFIG00347-le-visage-du-tintin-de-spielberg-devoile-.php La Trilogie Tintin dévoilée, ''Le Figaro'', janvier 2009.]</ref>, révélé dans [[Billy Elliot]]. Le film est relativement bien accueilli par la critique, et est un succès commercial. |
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==== Une œuvre sous haute surveillance ==== |
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Après la mort d'Hergé, ses collaborateurs, groupés autour de [[Bob de Moor]], avaient donc espéré faire survivre l'œuvre de leur "patron". Du vivant de celui-ci, ils avaient entrepris quelques tentatives de réaliser des aventures de Tintin conçues dans une perspective d'avenir. Mais Hergé jugeait que "ce n'était pas |
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encore ça" <ref> Interview à la R.T.B. </ref> et, finalement, il avait décidé |
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que son œuvre s'arrêterait avec lui. Vraisemblablement, il devait craindre une dérive qui enlèverait à son héros sa spécificité incomparable, pour en faire un des multiples sujets interchangeables des bandes dessinées pullulant dans le monde. |
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La dernière manifestation posthume d'Hergé fut la réalisation par les anciens de son atelier de la fresque décorant les quais de la station Stockel du métro bruxellois. Conçue par l'architecte Jacques Baudon, cette station est dédiée à la déclaration de l'ONU sur la protection de l'enfance. On y voit représenté tous les personnages des aventures de Tintin qui ont enchanté des générations d'enfants (et d'adultes). |
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Dans les années 2000, à une des entrées de la nouvelle gare du Luxembourg, à Bruxelles, une reproduction photographique en noir et blanc fortement agrandie représente l'entrée de Saint-Nicolas à Bruxelles dessinée par Hergé dans les années trente. Ce sont les héritiers d'Hergé qui ont autorisé la pose de cette fresque, tout comme des planches agrandies installées à la gare du midi, à Bruxelles, représentant Tintin juché sur une locomotive à vapeur en pleine vitesse extraites de la version en noir et blanc de Tintin en Amérique. Sa veuve étant remariée avec Nick Rodwell, les époux, parfois jugés trop « protectionnistes », gèrent l'héritage artistique d'Hergé au travers de la société anonyme Moulinsart dans le principe d'un respect absolu de l’œuvre. Depuis [[1996]], les héritiers rachètent les franchises de droits à l'exploitation de Tintin. Désormais, la totalité de la légitimité de l'œuvre originale leur revient. Les produits dérivés, réalisés par des stylistes professionnels de la Fondation Hergé, doivent être réalisés suivant un cahier des charges extrêmement rigoureux : respect des couleurs, du texte, pas de montage… Fanny Rodwell refuse toute association entre l'image de Tintin et des marques d'alcool ou de cigarettes. De nombreux produits de l'univers de Tintin, se vendent uniquement dans les boutiques et espaces réservés à cet effet. Leurs prix, souvent élevés (entre 50 et {{unité|800|euros}} pour une statuette) sont la conséquence d'une production artisanale de qualité<ref>« Dans le respect de l'œuvre, l'aventure continue », ''Géo hors-série'', 2000, {{p.|178-181}}.</ref>. |
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{{Citation bloc|La société anonyme Moulinsart (162 avenue Louise, 1050 Bruxelles, Belgique) est titulaire exclusive, pour le monde entier, de l’ensemble des droits d’exploitation de l’œuvre d’Hergé, en particulier ''Les Aventures de Tintin''. |
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Le droit d’auteur protège non seulement les albums de bande dessinée et les dessins (cases, strips, planches, dessins hors-textes, couvertures), scénarios, textes, dialogues, gags, mais aussi les décors, les personnages et leurs caractéristiques, les noms, titres et lieux imaginaires, les onomatopées, polices de caractères et autres éléments de l’œuvre d’Hergé.|Extrait de la charte Moulinsart<ref>[http://www.tintin.com/fr/kiosque/ring/charte.html Site Tintin.com]</ref>.}} |
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En mars 2008, une gouache originale réalisée en 1932 par Hergé pour la couverture de ''Tintin en Amérique'' a été vendue, aux enchères chez Artcurial à Paris, pour la somme de {{unité|780000|euros}}. C'est un record pour un original de BD<ref>[http://www.lesoir.be/culture/livres/une-gouache-d-herge-vendue-2008-03-29-587745.shtml Article en ligne Le Soir.]</ref>. En [[2009]], depuis 1929, plus de 230 millions d'albums de Tintin ont été vendus à travers le monde en plus de 90 langues (dont 43 langues régionales)<ref>[http://www.tintin.com/fr/essentiel/essentiel.html?lang=fr Tintin en chiffres.]</ref> : |
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* '''49 Langues officielles'''<ref name="Tintin around the world">[http://www.asterix-obelix.nl/tintin/index.php?page=translations Tintin around the world.]</ref> : |
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<small>NB : La date signifie la première date d'édition.</small> |
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[[Afrikaans]] ([[1973]]) - [[Allemand]] ([[1952]]) - [[Anglais américain]] ([[1959]]) - [[Anglais britannique]] ([[1952]]) - [[Arabe]] ([[1972]]) - [[Arménien]] ([[2006]]) - [[Bengali]] ([[1988]]) - [[Bulgare]] - [[Mandarin (langue)|Chinois mandarin]] ([[2001]]) - [[Cingalais]] ([[1998]]) - [[Coréen]] ([[1977]]) - [[Danois]] ([[1960]]) - [[Espagnol]] ([[1952]]) - [[Espéranto|Esperanto]] ([[1981]]) - [[Estonien]] ([[2008]]) - [[Finnois]] ([[1961]]) - [[Français]] ([[1930]]) - [[Grec (langue)|Grec]] ([[1968]]) - [[Hébreu]] ([[1987]]) - [[Hongrois]] ([[1989]]) - [[Indonésien]] ([[1975]]) - [[Islandais]] ([[1971]]) - [[Italien]] ([[1961]]) - [[Japonais]] ([[1968]]) - [[Khmer]] ([[2001]]) - [[Latin]] ([[1987]]) - [[Letton]] ([[2006]]) - [[Lituanien]] ([[2007]]) - [[Luxembourgeois]] ([[1987]]) - [[Malais (langue)|Malais]] ([[1975]]) - [[Mongol]] ([[2006]]) - [[Néerlandais]] ([[1946]]) - [[Norvégien]] ([[1972]]) - [[Perse]] ([[1971]]) - [[Polonais]] ([[1994]]) - [[Portugais]] ([[1936]]) - [[Portugais|Portugais brésilien]] ([[1961]]) - [[Romanche]] ([[1986]]) - [[Roumain]] ([[2005]]) - [[Russe]] ([[1993]]) - [[Serbo-croate]] ([[1974]]) - [[Slovaque]] ([[1994]]) - [[Slovène]] ([[2003]]) - [[Suédois]] ([[1960]]) - [[Taïwanais]] ([[1980]]) - [[Tchèque]] ([[1994]]) - [[Thaï]] ([[1993]]) -[[Turc]] ([[1962]]) - [[Vietnamien]] ([[1989]]). |
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* '''43 Langues régionales'''<ref name="Tintin around the world"/> : |
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[[Alghero]] ([[1995]]) - Allemand (Bernois) ([[1989]]) - [[Alsacien]] ([[1992]]) - [[Anversois]] (néerlandais local) [[2008]]) - [[Asturien]] ([[1988]]) - [[Basque]] ([[1972]]) - Borain ([[2009]]) - [[Bourguignon-morvandiau|Bourguignon]] ([[2008]]) - [[Breton]] ([[1979]]) - [[Brusseleer|Bruxellois]] ([[2007]]) - [[Brusseleer|Bruxellois]] (Néerlandais local) ([[2004]]) - [[Cantonais]] ([[2004]]) - [[Catalan]] - [[Corse]] - Créole Antillais ([[2009]]) - [[Créole mauricien]] ([[2009]]) - [[Créole réunionnais]] ([[2008]]) - [[Féroïen]] ([[1988]]) - [[Flamand (dialecte)|Flamand]] (Ostende) ([[2007]]) - [[Francoprovençal]] ([[Bresse]]) ([[2006]]) - [[Francoprovençal]] ([[District de la Gruyère|Gruyère]]) ([[2007]]) - [[Francoprovençal]] (unifié) ([[2007]]) - [[frison (langue)|Frison]] ([[1981]]) - [[Langues gaéliques|Gaélique]] ([[1993]]) - [[Galicien]] ([[1983]]) - [[Gallo]] ([[1993]]) - [[Gallois]] ([[1978]]) - [[Gaumais]] ([[2001]]) - Néerlandais (Hasselts) ([[2009]]) - Néerlandais (Twents) ([[2006]]) - [[Occitan]] ([[1979]]) - [[Picard]] (Tournai-Lille) ([[1980]]) - [[Picard]] (Vimeu) - [[Papiamento|Papiamentu]] ([[2008]]) - [[Provençal]] ([[2004]]) - [[Tahitien]] ([[2003]]) - [[Tibétain]] ([[1994]]) - [[Vosgien]] ([[2008]]) - [[Wallon]] ([[Charleroi]]) - [[Wallon]] ([[Liège]]) ([[2007]]) - [[Wallon]] ([[Namur]]) ([[2009]]) - [[Wallon]] ([[Nivelles]]) ([[2005]]) - [[Wallon]] ([[Ottignies]]) ([[2006]]) - [[Français québécois]] ([[2009]]). |
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=== Hergé, une personnalité insaisissable === |
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==== Une opinion divisée ==== |
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Quand certains le comparent à [[Georges Simenon]]<ref group="N">Écrivain belge contemporain d'Hergé, particulièrement raciste au travers de ses ouvrages comme ''Le Cercle de la soif'' (1927) ou ''Le Sous-Marin dans la forêt'' (1928) dans lesquels il compara les « nègres » à des singes. Paradoxalement, [[André Gide]] était particulièrement ébloui par l'auteur.</ref> ou considèrent que c'était un [[Collaboration dans l'Europe occupée par les nazis#La collaboration neutre|collaborateur passif]] mais opportuniste<ref>Interview de [[Benoît Peeters]] par Antoine Tanguay, ''[http://www.lelibraire.org/article.asp?cat=2&id=40 Tel père, tel fils]'', {{1er}} novembre 2002</ref>, d'autres jugent qu'Hergé n'était pas un collaborateur ni un antisémite mais simplement un homme de son époque et que Tintin n'est pas une exception. Par exemple, ils avancent que [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]], le futur père d'[[Alix (bande dessinée)|Alix]], fut un « produit de Vichy » en participant aux « Chantiers de la Jeunesse » du maréchal [[Philippe Pétain|Pétain]] entre [[1941]] et [[1943]]<ref>[http://www.resistances.be/alix01.html Résistances, revue en ligne, 2005].</ref>. Finalement, s'interroge Pierre Béguin, Hergé est-il « considéré comme raciste parce qu'il a dessiné des Japonais fourbes ? Non. L'est-il pour avoir réduit Chicago à une ville de gangsters et représenté les Américains comme des affairistes sans scrupules ? Non. L'est-il pour avoir limité sa vision de l'Amérique latine à des bandes de révolutionnaires sanguinaires et avisés ? »<ref>[http://blogres.blog.tdg.ch/archive/2007/11/25/herge-antisemite.html P. Béguin, ''op. cit.'']</ref> D'ailleurs, concernant ''Tintin au Congo'', les Congolais actuels préfèrent en sourire au point de faire de Tintin une icône : « Faux ! Tintin n'était pas raciste, seulement un peu paternaliste ! Comme tous les blancs de l'époque'' (…). ''Il montre bien les méfaits de la colonisation, le côté négatif des Blancs, leurs magouilles… Les aventures du petit reporter nous ont permis de sortir de notre isolement (…) »<ref>Jean-Jacques Mandel, « L'Afrique sans rancune », ''Géo-hors série'', 2000, {{p.|52}}.</ref> |
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{{Article connexe|antisémitisme}} |
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Mais Hergé c'est aussi une période un peu plus sombre. Un jour, sous l'Occupation, le dessinateur reçoit une lettre d'un lecteur : |
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{{Citation bloc|Permettez Monsieur, un père de famille nombreuse de vous dire sa tristesse et sa déconvenue de voir Tintin et Milou paraître dans le ''Nouveau Soir''. En marge de vos amusants dessins, on leur infiltrera le venin de la religion néopaïenne d'outre-Rhin. Si vous le pouvez encore faites machine arrière. Excusez de ne pas signer mais les temps sont trop incertains.|Lettre anonyme du {{date|16|octobre|1940}}<ref name="SADOUL_2003"/>.}} |
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Au cours des années 1930 en Europe, réapparaît la vague d'[[antisémitisme]] qui s'était déjà déclarée au tournant du XIX{{e}} siècle au temps de l'[[affaire Dreyfus]]. En France et en Belgique, sans parler de l'Allemagne et de l'Italie, les milieux catholiques d'extrême-droite gagnent du terrain. Or, c'est précisément dans ce milieu qu'Hergé est né et qu'il s'épanouira. Dans l'édition originale de ''L'Oreille cassée'' (1936), on retrouve, à la 117{{e}} planche, le premier croquis d'un Juif. C'est un antiquaire à qui Tintin s'adresse pour obtenir un fétiche arumbaya<ref>Hergé, ''Versions originales des albums de Tintin'', tome 3, Archives Hergé, Tournai, Casterman, 1978, {{p.|386}}.</ref>. Cependant, c'est ''L'Étoile mystérieuse'' qui suscite toutes les interrogations. Contrairement à l'album précédent, celui-ci est dessiné pendant l'Occupation allemande entre octobre 1941 et mai 1942. Dans l'édition du ''Soir-Jeunesse'', on trouvait d'abord une planche qui représentait deux Juifs au nez crochu et à la bouche lippue s'exclamer ainsi : « Tu as entendu Isaac ? C'est la fin du monde ! Si c'était vrai ? Hé hé hé ! Ce sera une bonne bedide avaire Salomon ! Che tois 50.000 francs à mes vournisseurs… Gomme za che ne te frais bas bayer. » Puis l'histoire se montre comme une vision manichéenne : d'un côté le groupe du « Bien » des pays neutres ou alliés à l'Allemagne avec Tintin en tête qui combat d'un autre côté le groupe du « Mal » dirigé par un banquier américain Juif du nom de Blumenstein. Pour l'édition en album couleurs ([[1943]]), Casterman exigea le retrait de la première planche, le changement du nom du banquier en « Bohlwinkel » et le retrait du drapeau américain planté sur le canot ennemi<ref>[http://blogres.blog.tdg.ch/archive/2007/11/25/herge-antisemite.html Pierre Béguin, « Hergé antisémite ? », article de ''[[La Tribune de Genève]]'' en ligne.]</ref>. Ainsi, pour {{M.}} Benoît-Jeannin ''L'Étoile mystérieuse'' est une « complaisance antisémite » d'autant plus que le supplément ''Le Soir-Jeunesse'' avait une rubrique qui encourageait les lecteurs à envoyer des histoires juives<ref>[http://www.lalibre.be/culture/livres/article/359888/l-eternelle-affaire-herge.html Alain Lorfèvre, « L'éternelle affaire Hergé », article en ligne de La Libre.]</ref>. Hergé a réagi sur ces détails : |
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{{Citation bloc|J'ai effectivement représenté un financier antipathique sous les apparences sémites, avec un nom juif : le Blumenstein de ''L'Étoile mystérieuse''. Mais cela signifie-t-il antisémitisme ?… Il me semble que, dans ma panoplie d'affreux bonshommes, il y a de tout : j'ai montré pas mal de « mauvais » de diverses origines, sans faire un sort particulier à telle ou telle race. On a toujours raconté des histoires juives, des histoires marseillaises, des histoires écossaises. Ce qui, en soi, n'a rien de bien méchant. Mais qui aurait prévu que les histoires juives, elles, allaient se terminer, de la façon que l'on sait, dans les camps de la mort de [[Treblinka]] et d'[[Auschwitz]] ?… À un moment donné, j'ai d'ailleurs supprimé le nom Blumenstein et je l'ai remplacé par un autre nom qui signifie, en [[Brusseleer|bruxellois]], une petite boutique de confiserie : ''bollewinkel''. Pour faire plus « exotique » je l'ai orthographié Bohlwinkel. Et puis, plus tard, j'ai appris que ce nom était, lui aussi, un véritable patronyme israélite !|Interview d'Hergé<ref>N. Sadoul (1983), ''op. cit''., p. 251.</ref>.}} |
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Fin 1941, les massacres n'avaient pas encore touché l'Europe de l'Ouest, mais en Belgique depuis octobre 1940, les Juifs étaient déjà exclus des universités, des écoles et de l'administration{{refnec}}. |
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D'ailleurs le dessinateur n'a jamais émis publiquement d'excuses au sujet de son rôle durant la guerre, mais il confiera en privé trente ans après les faits : |
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{{citation bloc|C'est vrai que certains dessins, je n'en suis pas fier. Mais vous pouvez me croire : si j'avais su à l'époque la nature des persécutions et la « Solution finale », je ne les aurais pas faits. Je ne savais pas. Ou alors, comme tant d'autres, je me suis peut-être arrangé pour ne pas savoir|Témoignage d'H. Roanne-Rosenblatt à P. Assouline<ref name="ASSOUL_7"/>}} |
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[[Fichier:Heinkel He 118.jpg|thumb|Heinkel He 118 que pilote Tintin dans ''Le Sceptre d'Ottokar'' (version de 1939)<ref>{{Ouvrage| langue = | prénom1 = Frédéric| nom1 = Soumois| titre = Dossier Tintin| sous-titre = Sources, Versions, Thèmes, Structures| éditeur = Jacques Antoine| lieu = Bruxelles| année = 1987| pages totales = 316| isbn = 2-87191-009-X | passage = 142}}</ref>{{,}}<ref>[http://www.bellier.org/sceptre%201938-39/vue94.htm L'avion tel qu'il apparaît dans la version en noir et blanc : planche 94 dans ''Le Petit Vingtième'' {{numéro|26}} du 29 juin 1939.]</ref>.]] |
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Sur la question de l'antisémitisme et de ses éventuelles prises de position politiques, les exemples et contre-exemples abondent dans son œuvre. |
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Concernant les Juifs, leur image ne fut pas systématiquement négative<ref>Dans ''Tintin au pays des Soviets'' ({{p.|13}}), intervient un tailleur visiblement juif dont l'apparition n'aura rien d'antisémite, malgré la connotation politique du récit</ref>. En effet, lorsqu'il dépeint des activistes de l'[[Irgoun]] luttant contre les Britanniques en [[Palestine]] dans la première version (inachevée) de ''[[Tintin au pays de l'or noir]]'' en [[1939]], il ne tombe pas dans la caricature. Le riche juif américain Samuel Goldwood de ''L'Oreille cassée'', parue deux ans plus tôt, a quant à lui le beau rôle, puisqu'il restitue spontanément à Tintin le fétiche volé à la fin du récit<ref>P. Assouline (1996), ''op. cit''., chapitre 6.</ref>. |
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Concernant ses opinions politiques, il est incontestable qu'Hergé a longtemps été proche des milieux catholiques d'extrême-droite. En revanche, il semble avoir été beaucoup plus réservé vis-à-vis du fascisme et de l'Allemagne nazie. Jamais il n'a exprimé publiquement sa sympathie pour le [[rexisme]] et encore moins adhéré au mouvement. Il a en outre dépeint dans ''Le Sceptre d'Ottokar'' une Belgique victime d'une tentative d'agression allemande, par l'intermédiaire des États fictifs de la Syldavie et de la Bordurie (une sorte « d'Anschluss raté »). La tentative d'[[Anschluss]] que déjoue Tintin est perpétrée par un certain Müsstler ([[mot-valise]] construit sur les noms des dictateurs [[Italie|italien]] ([[Benito Mussolini|'''Muss'''olini]]) et [[Allemagne|allemand]] ([[Adolf Hitler|Hi'''tler''']])<ref>{{Article |
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| langue = |
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| prénom1 = Frédéric |
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| nom1 = Soumois |
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| lien auteur1 = |
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| titre = Du rififi dans les Balkans |
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| sous-titre = |
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| périodique = Historia |
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| lien périodique = Historia (revue) |
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| lieu = Paris |
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| titre volume = Hors-série |
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| numéro = |
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| titre numéro = Les personnages de Tintin dans l'histoire : Les événements de 1930 à 1944 qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé |
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| mois = juillet |
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| année = 2011 |
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| pages = 80-81 |
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}}</ref>), chef du parti « La Garde D'Acier »<ref>''Le Sceptre d'Ottokar'', {{p.|53}}</ref>. {{refnec|Il semble aussi qu'Hergé se soit inspiré des uniformes de la [[Wehrmacht]] pour dessiner ceux de l'armée bordure}} (dont les avions militaires sont des [[Heinkel]]s, comme l'atteste le nom écrit sur le fuselage dans la première version de 1939<ref>{{Ouvrage |
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| langue = |
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| prénom1 = Frédéric |
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| nom1 = Soumois |
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| titre = Dossier Tintin |
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| sous-titre = Sources, Versions, Thèmes, Structures |
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| éditeur = Jacques Antoine |
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| lieu = Bruxelles |
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| année = 1987 |
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| pages totales = 316 |
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| isbn = 2-87191-009-X |
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| passage = 142 |
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}}</ref>, et comme le lui fera sèchement remarquer un officier-censier allemand pendant la guerre<ref>{{Ouvrage |
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| langue = |
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| prénom1 = Numa |
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| nom1 = Sadoul |
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| lien auteur1 = Numa Sadoul |
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| titre = Entretiens avec Hergé |
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| sous-titre = Édition définitive |
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| numéro d'édition = 3 |
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| collection = Bibliothèque de Moulinsart |
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| lien éditeur = Casterman |
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| éditeur = Casterman |
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| lieu = Tournai |
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| année = 1989 |
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| année première édition = 1975 |
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| pages totales = 256 |
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| isbn = 2-203-01708-2 |
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| passage = 110 |
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}}</ref>{{,}}<ref group="N">Dans la version couleur de 1946, l'avion devient un [[Messerschmitt Bf 109]]</ref>). L'album est réédité en 1942, sous l'Occupation allemande : le nom de "Müsstler" est conservé dans cette version. |
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Dans ''Les Sept boules de cristal'', certains lui ont reproché la grande étoile (étoile de David) qu'il a placée sur la scène du music-hall à une période qui ne s'y prêtait pas (1943-1944). Or, lorsque la première partie de l'histoire parut dans ''Le Soir'', l'étoile ne figurait pas. Elle a été ajoutée après coup<ref>P. Assouline (1996), ''op. cit''., {{p.|184}}.</ref>. Enfin, dans l'aventure en Amérique, le dessinateur rendit plus humains les Indiens longtemps considérés comme de « cruels sauvages » en dénonçant notamment leurs expropriations foncières par les compagnies pétrolières<ref>P. Assouline, « Tintin, reporter du siècle », ''L'Histoire'', 317, {{p.|8}}.</ref>. |
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==== Hergé profiteur de guerre ? ==== |
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Comme le constate [[Pierre Assouline]] : « pour Hergé comme pour un certain nombre d'écrivains et d'artistes, l'Occupation a correspondu à un "âge d'or", ainsi qu'en témoignent la qualité, la richesse et l'abondance de leur travail durant cette période<ref>P. Assouline (1996), ''op. cit''., chapitre 6</ref>. » À partir de l'automne 1941, les albums vendus atteignent la barre des {{formatnum:100000}} exemplaires sur lesquels le dessinateur touche 10 % du prix<ref>P. Assouline (1996), ''op. cit''., {{p.|151-152}}.</ref>. Son salaire mensuel ({{formatnum:10000}} francs belges) pendant les années 1940-1944 sera aussi pointé du doigt, notamment au procès des journalistes du ''Soir'' en [[1946]]. Pour certains de ses détracteurs, en passant de la rédaction du ''Vingtième Siècle'' à celle du ''Soir'' en 1940, Hergé passe d'un journal tiré à {{formatnum:15000}} exemplaires à un autre tiré à {{formatnum:200000}} puis {{formatnum:300000}} ; il ajoutera : « De l'effondrement de 1940, date, il faut s'en souvenir, l'entrée d'Hergé dans le succès et son corollaire, la richesse… Ainsi, Hergé vendit {{formatnum:600000}} albums durant l'Occupation<ref>[http://www.larevuetoudi.org/fr/story/herg%C3%A9-degrelle-et-la-belgitude-aujourdhui Revue en ligne Toudi.]</ref>. » Pour {{M.}} Benoît-Jannin, « À l'approche de la Seconde Guerre mondiale, Hergé (…) appartient à un groupe informel d'individus venant de l'Action catholique belge ou de nulle part, qui va servir l'Ordre nouveau. C'est l'effondrement de 1940 (…) qui permettra à cette poignée d'idéologues fascisants et d'opportunistes de tenir tout à coup le haut du pavé. »<ref>[http://www.larevuetoudi.org/fr/story/herg%C3%A9-degrelle-et-la-belgitude-aujourdhui La revue en ligne Toudi.]</ref> Pour Philippe Goddin, « Hergé était un homme de droite imprégné de catholicisme et de scoutisme. Mais un homme de droite anticonformiste qui, dans son dernier album (…) renverra fascistes et révolutionnaires dos à dos. »<ref>[http://www.lalibre.be/culture/livres/article/359888/l-eternelle-affaire-herge.html La revue en ligne La Libre.]</ref> |
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==== « L'affaire Tintin au Congo » ==== |
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Malgré le rajeunissement donné par Hergé à son deuxième album en [[1946]], ''Tintin au Congo'' connut « à partir de la fin des années 1950, une assez longue période de disgrâce qui (…) le laissa fort difficile à dénicher. » Le temps était désormais à la [[décolonisation]]. Il aura fallu attendre les années 1970 pour revoir l'album dans les boutiques. L'édition britannique ne fut disponible qu'en [[1982]]<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|31}}.</ref>. Or, Hergé avait dessiné ces planches en noir et blanc entre 1930 et 1931 lorsqu'il travaillait pour le ''Petit Vingtième''. En [[1927]], on venait de fêter le cinquantenaire de la découverte du [[Congo belge]] par Stanley et ce fut donc le moment pour envoyer le jeune reporter dans cette contrée lointaine. Comme pour ''Les Soviets'', son rôle était politique : il s'agissait de faire l'éloge d'une colonie qui n'attirait aucun Belge mais qui manquait de main d'œuvre. Pour Hergé, comme c'était le cas avec la série ''Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet'' ([[1928]]), le missionnaire catholique était toujours l'un des héros des aventures africaines<ref>B. Peeters (1990), ''op. cit''., {{p.|153}}.</ref>. |
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Le {{date|23|juillet|2007}}, un Congolais étudiant en Sciences Politiques à Bruxelles porte plainte devant la justice belge contre X et contre la société Moulinsart. Il réclame l'arrêt de la vente de l'album ''[[Tintin au Congo]]'' et un euro symbolique de dommages et intérêts à l'éditeur. |
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En parallèle, la commission britannique pour l'égalité des races (CRE) estima que l'album était « délibérément raciste ». Aux [[États-Unis]] et à [[Londres]], certaines bibliothèques et librairies ont retiré l'ouvrage des rayons pour enfants pour le placer dans ceux réservés aux adultes<ref name="Afrik">[http://www.afrik.com/article12118.html « Tintin au Congo jugé raciste par un organisme britannique », Revue en ligne Afrik.com.]</ref>{{,}}<ref>[[Denis Tillinac]], ''[http://www.magistro.fr/content/view/314/80/ La morale d'Hergé]'', [[Valeurs actuelles]], le 9 septembre 2009. </ref>. |
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De son côté, la société Moulinsart s'est montrée étonnée « que cette polémique renaisse aujourd’hui. Hergé s’était expliqué, disant qu’il s’agissait d’une œuvre naïve qu’il fallait replacer dans le contexte des années 1930, où tous les Belges pensaient faire du très bon travail en Afrique<ref name="Afrik" />. » |
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Le débat est relancé toutes les décennies depuis un demi-siècle. Hergé était-il raciste ? Si le tableau qu'il dresse du Congo et de ses habitants l'est bien, il faut rappeler comme il le souligna lui-même, qu'il vivait à une époque où le colonialisme battait son plein. Bien entendu il y avait des anticolonialistes<ref group="N">[[André Gide]] (''Voyage au Congo'', 1927) et [[Albert Londres]] (''Terre d'ébène'', 1930) remirent en cause le système colonial avant l'époque de ''Tintin au Congo''. P. Assouline (1996), ''op. cit''., {{p.|53}}.</ref> mais l'opinion générale y était plutôt favorable : |
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{{Citation bloc|Pour le Congo, tout comme pour ''Tintin au pays des Soviets'', il se fait que j’étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais… C’était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque : « Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là ! », etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d’après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l’époque en Belgique.|Interview d'Hergé<ref name="Afrik" />.}} |
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Pour Jean-Claude De la Royère, conservateur au Centre belge de la Bande dessinée : « faire du politiquement correct avec de l’ancien est impossible. » D'ailleurs au final, Hergé n'avait-il pas dans beaucoup d'autres aventures insufflé d'incontestables valeurs humanistes ? Le [[Dalaï-lama]], n'a-t-il pas déclaré lors de son passage en Belgique que : « Tintin au Tibet a permis à de très nombreuses personnes de savoir que le Tibet existait<ref name="Afrik" /> » ? |
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Toutefois, les opinions restent partagées sur les valeurs véhiculées dans le numéro<ref>http://lecran.org/?p=443</ref>. |
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== Œuvre == |
== Œuvre == |
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{{Article détaillé| |
{{Article détaillé|Liste des œuvres d'Hergé}} |
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=== ''Les Aventures de Tintin'' === |
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[[Image:Intégrale Hergé (44 volumes et index - Moulinsard 2010).jpg|vignette|L'''Intégrale Hergé'' en 44 volumes et un index, aux [[éditions Moulinsart]] (2010).]] |
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La renommée d'Hergé est indissociable de celle de son héros le plus célèbre, [[Tintin]], dont les ''[[Les Aventures de Tintin|Aventures]]'' commencent à paraître le {{Date-|10 janvier 1929}} dans ''[[Le Petit Vingtième]]'', le supplément hebdomadaire pour la jeunesse du quotidien belge catholique et conservateur ''[[Le Vingtième Siècle (quotidien)|Le Vingtième Siècle]]''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=21-22}}. La série comprend {{Nobr|24 albums}}, dont une dernière aventure inachevée à la mort de l'auteur en 1983, ''[[Tintin et l'Alph-Art]]''. À l'exception de cette dernière et du premier récit, ''Tintin au pays des Soviets'', qui comporte {{Unité|108|[[Planche (bande dessinée)|planches]]}}<ref name="dictionnaire" />, tous les autres albums, édités depuis chez [[Casterman]]{{Sfn|Assouline|1996|gr=c|p=123-124}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=198}}, comptent {{Nobr|62 planches}}<ref name="dictionnaire">{{Ouvrage |auteur1=[[Renaud Nattiez]] |titre=Le dictionnaire Tintin |éditeur=Honoré Champion |lien éditeur=Éditions Honoré Champion |année=2017 |pages totales=444 |passage=23-24 |isbn=9782745345653}}.</ref>. |
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Bien qu'aucune nouvelle aventure ne soit parue depuis la disparition d'Hergé, les albums de Tintin font l'objet de nombreuses rééditions. En 2008, Casterman publie un volume de {{Unité|1693|pages}}, intitulé ''Tout Tintin'', qui reproduit l'intégrale des vingt-quatre albums de la série<ref name="rééditions">{{Chapitre |titre chapitre=En savoir plus sur le monde de Tintin |titre ouvrage=Les personnages de Tintin dans l'histoire |sous-titre ouvrage=Les évènements de 1930 à 1944 qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé |volume=1 |éditeur=[[Le Point]], [[Historia (revue)|Historia]] |mois=juillet |année=2011 |passage=128-129 |isbn=978-2-7466-3509-8 |issn=0242-6005}}.</ref>, puis à partir de 2010, la collection ''Les Archives Tintin'', dirigée par Jean-Marie Embs et Philippe Mellot avec la collaboration de [[Philippe Goddin]], en coédition par la société [[Tintinimaginatio|Moulinsart]] et Casterman, propose une édition de luxe de chacune des aventures, album par album. Chaque volume est assorti d'une documentation de {{nobr|60 pages}} qui permet de resituer l'aventure dans son contexte historique, de dévoiler les secrets de création d'Hergé, de décrire les personnages de l'aventure et de mettre en avant les différences entre les diverses versions publiées. La diffusion en est assurée par les [[Éditions Atlas]]<ref name="rééditions" />. |
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=== Hergé, théoricien de la « ligne claire » === |
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=== ''Quick et Flupke'' === |
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{{Article détaillé|Ligne claire}} |
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[[Fichier :Collection BD Quick.JPG|vignette|gauche|alt=Photo en couleur d'une pile d'albums dont on voit les reliures bleues.|Les douze albums de ''Quick et Flupke'' aux éditions Casterman.]] |
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La série ''[[Quick et Flupke]]'' débute le {{Date-|23 janvier 1930}} dans ''Le Petit Vingtième''{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=95-97}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=23}}. Les gags de cette série fantaisiste et ironique mettent en scène deux enfants intrépides de [[Bruxelles]] qui ne cessent de jouer des tours aux autres personnages, comme l'{{Nobr|Agent 15}}. Quick et Flupke apparaissent tour à tour seuls ou à deux, pour un total de {{nobr|315 gags}}. Ceux-ci sont publiés de façon quasi-hebdomadaire entre 1930 et 1935, puis de manière épisodique jusqu'en 1940<ref name="quick et flupke" />{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=23}}. Quelques gags sont encore créés par Hergé dans les pages du ''[[Le Soir|Soir]]'' ou dans le journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'' dans les {{Nobr|années 1950}}<ref name="quick et flupke" />. |
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Après leur parution dans la presse, les exploits de Quick et Flupke sont rassemblés an albums{{Sfn|Gaumer|2010|p=702-703}}. Cinq paraissent en noir et blanc avant la Seconde Guerre mondiale, les deux premiers aux éditions du Petit Vingtième et les suivants chez Casterman. Après guerre, entre 1949 et 1969, l'éditeur tournaisien les publie en couleurs, d'abord en petit format puis selon le format traditionnel des albums de Tintin, pour un total de douze albums<ref name="quick et flupke">{{Lien web |titre=Les Exploits du Quick et Flupke |url=https://www.tintin.com/fr/albums/quick-et-flupke |site=tintin.com |éditeur=[[Tintinimaginatio]] |consulté le=3 mars 2024}}.</ref>. |
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La manière de dessiner d'Hergé varia considérablement entre les années 1920 et les années 1970. Au début de sa carrière, le jeune dessinateur n'a pas encore son propre style et comme beaucoup de débutants il commence par imiter d'autres artistes. On connaît l'existence de caricatures de souverains français ([[Louis XIII de France|Louis XIII]], [[Louis XIV de France|Louis XIV]] et [[Louis XV de France|Louis XV]]) ou de croquis de militaires ([[Joseph Joffre|Joffre]] et [[Ferdinand Foch|Foch]]) qu'il a repris dans le ''[[Le Petit Larousse|Larousse]]'' (vers [[1922]])<ref>B. Peeters (1987), ''op. cit''., {{p.|18-19}}.</ref>. Au cours des années 1920, il est frappé par les techniques de plusieurs artistes comme [[Benjamin Rabier]] ([[1864]]-[[1939]]) célèbre pour ses croquis d'animaux (''[[Fables de La Fontaine]]'', [[La vache qui rit]] fondée en [[1921]]) : |
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=== ''Les Aventures de Jo, Zette et Jocko'' === |
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{{Citation bloc|On retrouve son influence au début des ''Soviets'' quand mes dessins partent d'une décorative, une ligne en "S".|Interview d'Hergé<ref name="sadoul"/>.}} |
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La série des ''[[Les Aventures de Jo, Zette et Jocko|Aventures de Jo, Zette et Jocko]]'' répond à une commande de l'abbé [[Gaston Courtois]], directeur de l'hebdomadaire ''[[Cœurs vaillants]]'' qui assure la diffusion française des ''Aventures de Tintin'' depuis 1930{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=165-168}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=49}}. ''Le Rayon du mystère'', premier épisode de cette nouvelle série, commence à paraître le {{Date-|19 janvier 1936}} dans ce périodique{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=49}}. Il s'agit d'une série typiquement familiale et qui met en scène des héros plus réalistes que Tintin, dotés d'un père et d'une mère et accompagnés d'un petit [[Chimpanzé|singe]]{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=165-168}}{{,}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=49}}. Elle comprend cinq albums parus entre 1936 et 1957<ref name="jocko">{{Lien web |titre=Les Aventures de Jo, Zette et Jocko |url=https://www.tintin.com/fr/albums/jo-zette-et-jocko/jo-zette-et-jocko |site=tintin.com |éditeur=[[Tintinimaginatio]] |consulté le=3 mars 2024}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Gaumer|2010|p=465-466}}. |
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=== Autres publications === |
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[[Fichier:Miro's sculpture, MADRID.jpg|thumb|À partir de ''Tintin et les Picaros'', Hergé commence à intégrer l'art contemporain dans ses albums (sculpture de Miró, 1968).]] |
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En {{Date|juillet 1926}}, Hergé entreprend la publication des ''[[Les Aventures de Totor, C. P. des Hannetons|Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons]]'' dans ''Le Boy-Scout'', un récit qui rapporte les exploits d'un jeune scout débrouillard. Les dessins, en noir et blanc, sont quasiment dépourvus de phylactère et le texte est placé sous les vignettes. Après une interruption de quelques mois, l'histoire s'achève en {{Date-|juillet 1929}} dans un autre périodique, ''Le Boy-Scout belge'', après un total de {{Nobr|21 épisodes}}{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=12-14}}. |
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Pour le lancement du ''[[Le Petit Vingtième|Petit Vingtième]]'' en {{Date-|novembre 1928}}, Hergé illustre ''[[Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet|L'Extraordinaire aventure de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet]]'', un récit scénarisé par le journaliste Armand De Smet qui raconte les aventures de trois jeunes adolescents et d'un cochon gonflable, dont le cerf-volant s'accroche au train d'atterrissage d'un avion parti pour le [[Congo belge|Congo]]{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=20}}. En 1934, Hergé publie dans ce même périodique les ''[[Popol et Virginie au pays des Lapinos|Aventures de Popol et Virginie au Far West]]'', une [[bande dessinée animalière]] éloignée du souci de crédibilité et de réalisme recherché avec ''Tintin''{{Sfn|Peeters|2011|group=a|p=143}}. Il s'agit d'une adaptation d'un récit illustré qu'Hergé réalise pour les magasins bruxellois « [[INNO|À l'Innovation]] » en 1931 sous le titre ''Les Aventures de Tim l'écureuil au Far West'' et repris deux ans plus tard dans ''Pim et Pom'', un encart pour la jeunesse du supplément hebdomadaire du journal belge ''[[Groupe Sudpresse|La Meuse]]'', sous le titre ''Les Aventures de Tom et Millie''{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}. L'album est édité chez [[Casterman]] en 1952 sous le titre ''Popol et Virginie au pays des Lapinos''{{Sfn|Gaumer|2010|p=690-691}}. |
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Ses premières aventures sont marquées par le peu de clarté dans les cases, les contrastes de noir et blanc qu'il commence à maîtriser à la perfection et enfin le milieu cinématographique qui a marqué son enfance<ref group="N">Après la [[Première Guerre mondiale]], sa mère l'emmenait au cinéma voir les films de [[Charlie Chaplin]] ou de [[Buster Keaton]]. P. Assouline (1996), ''op. cit''., {{p.|21}}.</ref>. Au milieu des années 1930, il prend conseil auprès du maître de la bande dessinée française, [[Alain Saint-Ogan]]. Les ''Aventures de Quick et Flupke'' sont un véritable laboratoire pour Hergé qui se lâche sans contrainte : les lignes vibratoires des notes de musique, les directions, les pirouettes<ref name="ReferenceC">« Hergé et la ligne claire » (vidéo).</ref>. Un tournant s'amorce dans le dessin de l'artiste avec ''Le Lotus bleu''. En effet, son ami chinois Tchang Tchong-Jen lui apprend l'art de la [[calligraphie extrême-orientale|calligraphie chinoise]] tout en approfondissant sa philosophie et son observation de la nature : « Cet arbre que tu regardes, il a une âme comme toi. »<ref name="SADOUL_2003"/>… Le souci principal d'Hergé est de rendre visible, clair, vivant et précis son dessin ce qu'il commence à maîtriser avec le ''Sceptre d'Ottokar''. Pendant la guerre, il travaille beaucoup et selon ses mots dessine deux cases exceptionnelles : la première dans le ''Crabe aux pinces d'or'' et la seconde dans le ''Trésor de Rackham le Rouge''<ref group="N">La première fait référence à la case où sont représentés dans le désert une colonne de Touareg qui, affolés par les injures du capitaine Haddock, se lèvent les uns après les autres et s'enfuient. La seconde fait référence à l'échouage de la barque sur l'île déserte : Haddock en avant, Tintin et les Dupondt en arrière (triangle parfait). N. Sadoul (2003), ''op. cit.''</ref>. |
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En 1932, ''Cet aimable Monsieur Mops'' constitue une série de huit planches humoristiques exécutées pour les magasins « Au Bon Marché »{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=60-67}}. En 1940, Hergé publie ''Monsieur Bellum'' dans l'hebdomadaire ''L'Ouest''. Il s'agit d'une série de quatre gags mettant en scène un Belge belliciste caricatural{{Sfn|Kursner|2021|gr=b|p=68-70}}{{,}}{{Sfn|Peeters|2011|gr=a|p=198-199}}{{,}}{{Sfn|Goddin|2007|gr=d|p=252-253}}. |
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Après [[1945]] il renforce progressivement en place sa méthode graphique qu'il approfondit au fil des années. Contrairement à ses débuts (notamment lorsqu'il était illustrateur) il y a une absence d'ombres et de hachures. Pour mettre en page son aventure, le père de Tintin commence par écrire un synopsis de deux ou trois pages avant d'effectuer un découpage sur de petites feuilles où il griffonnera des croquis. Puis il passe aux planches de grand format et enfin il fait un calque de tous les croquis qu'il juge satisfaisants « les plus clairs, qui marquent le plus le mouvement. »<ref>[http://tintim.chez.com/ligneclaire/ligne_1.htm Hergé et la ligne claire]</ref> La « ligne blanche » est particulièrement bien visible dans les albums de la fin des années 1950 et des années 1960. C'est le temps où les objets, les personnages et les décors sont systématiquement tracés à l'encre de même épaisseur. L'aplat de couleurs est un dégradé de couleurs simples et vives. Durant les années 1960, Hergé commence à se piquer d'[[art moderne]] d'abord par [[Joan Miró]] puis par [[Lucio Fontana]]<ref name="ReferenceC"/>. Lors de l'exposition Tintin à [[Rotterdam]] (1977), le dessinateur [[Joost Swarte]] fut le premier à parler du style d'Hergé comme d'une « ligne claire » (''Klare lijn''). Depuis, le père de Tintin est considéré comme le pionnier et le théoricien de cette nouvelle conception du dessin<ref>[http://expositions.bnf.fr/bd/arret/lig.htm Maîtres de la BD sur le site de la BNF.]</ref>. |
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== Annexes == |
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=== Hergé, collectionneur et peintre abstrait === |
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{{Autres projets |
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|commons=Category:Hergé |
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|wikiquote=Hergé |
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=== Articles connexes === |
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Hergé nourrissait des fortes affinités avec la peinture. Parmi les maîtres anciens, il aimait beaucoup [[Jérôme Bosch|Bosch]], [[Pieter Brueghel l'Ancien|Breugel]], [[Hans Holbein l'Ancien|Holbein]] et [[Jean-Auguste-Dominique Ingres|Ingres]], dont il admirait les trait et les lignes pures. Il s'intéresse également de près aux artistes contemporains comme [[Roy Lichtenstein|Liechtenstein]], [[Andy Warhol|Warhol]] ou [[Joan Miró|Miro]], au sujet duquel il confiera à son conseiller en art et ami [[Pierre Sterckx]] qu'il a provoqué chez lui un véritable choc. Hergé commence à acquérir des œuvres dans les années 1950, principalement des toiles d'[[Expressionnisme|expressionnistes]] flamands. Au début des années soixante, il fréquente la galerie Carrefour de Marcel Stal et, au contact des artistes, critiques, collectionneurs qu'il y croise, entreprend d'acheter des œuvres de [[Lucio Fontana|Fontana]], [[Serge Poliakoff|Poliakoff]] et bien d'autres. |
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* ''[[Les Aventures de Tintin]]'' |
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* [[Tintinologie]] |
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* [[Ligne claire]] |
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* [[Musée Hergé]] |
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=== Bibliographie === |
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En 1962, Hergé franchit le pas, il veut peindre. Il va choisir [[Louis Van Lint|Van Lint]], qui était un des peintres abstraits les plus en vue de l'époque et qu'il appréciait beaucoup, pour être son professeur particulier<ref>P. Sterckx, A. Soupart, ''Hergé collectionneur d'art'', La Renaissance du Livre, Bruxelles, 2006 ISBN 2-87415-668-x</ref>. Durant un an, Hergé apprend, sous la tutelle de Van Lint, et 37 toiles en sortiront, influencées par son professeur, mais aussi par Miro, Poliakoff, Devan ou [[Paul Klee|Klee]]. Toutefois, Hergé en restera là, ayant senti qu'il ne pouvait plus avancer, qu'il ne pouvait s'exprimer dans cette voie. Ces toiles ont néanmoins atteint une cote élevée, due à l'attraction exercée sur les collectionneurs pour tout ce qui se rapproche d'Hergé, mais aussi pour leur qualité intrinsèque[http://marchedelart.lesoir.be/actu/2011-05-23/un-herge-abstrait-a-35000-euros-841650.shtml]. |
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{{Légende plume}} |
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==== Ouvrages biographiques généraux ==== |
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* {{Ouvrage |prénom1=Pierre |nom1=Ajame |lien auteur1=Pierre Ajame |titre=Hergé |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Gallimard]] |année=1991 |pages totales=364 |isbn=978-2-070-72186-3 |oclc=24291416}}. |
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* {{Ouvrage |prénom1=Pierre |nom1=Assouline |lien auteur1=Pierre Assouline |titre=Hergé |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Gallimard]] |nature ouvrage=biographie |collection=[[Folio (Gallimard)|Folio]] |numéro dans collection=3064 |année=1996 |pages totales=463 |isbn=978-2-259-18104-4 |oclc=34681340 |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Philippe |nom1=Goddin |lien auteur1=Philippe Goddin |titre=Hergé |sous-titre=lignes de vie |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Tintinimaginatio|Éditions Moulinsart]] |nature ouvrage=biographie |année=2007 |pages totales=1010 |isbn=978-2-874-24097-3 |oclc=182733794 |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Benoît |nom1=Peeters |lien auteur1=Benoît Peeters |titre=Hergé, fils de Tintin |lieu=Paris |éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]] |collection=Champs biographie |année=2011 |année première édition=2002 |pages totales=642 |isbn=9782081267893 |oclc=52812831 |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |prénom1=Numa |nom1=Sadoul |lien auteur1=Numa Sadoul |titre=[[Tintin et moi]] |sous-titre=entretiens avec Hergé |lieu=Paris |éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]] |collection=Champs |numéro dans collection=529 |année=2000 |année première édition=[[Casterman]], 1975 |pages totales=301 |isbn=978-2-080-80052-7 |oclc=51612694 |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |prénom1=Thierry |nom1=Smolderen |lien auteur1=Thierry Smolderen |prénom2=Pierre |nom2=Sterckx |lien auteur2=Pierre Sterckx |postface=[[Michel Serres]] |titre=Hergé |sous-titre=portrait biographique |lieu=Tournai |éditeur=[[Casterman]] |année=1988 |pages totales=457 |isbn=978-2-203-01705-4 |oclc=299407155 |plume=oui}} |
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==== Articles, revues et ouvrages consacrés à l'œuvre d'Hergé ==== |
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''[[Totor]]'' ou ''Totor, CP (Chef de Patrouille) des Hannetons'', est un [[héros]] de [[bande dessinée]] créé par Hergé pour le [[journal]] ''[[Le Boy-Scout belge]]'', en [[1926]]. C'est un chef [[Scoutisme|scout]] très débrouillard, qui apparaît pour la première fois dans ''Les extraordinaires aventures de Totor, CP des Hannetons''. |
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===== Monographies ===== |
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* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Jean-Marie |nom1=Apostolidès |lien auteur1=Jean-Marie Apostolidès |titre=Les métamorphoses de Tintin |lieu=Paris |éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]] |collection=Champs |année=2006 |année première édition=1984 |pages totales=435 |isbn=978-2-08-124907-3 |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Jan |nom1=Baetens |lien auteur1=Jan Baetens |titre=Hergé écrivain |lieu=Paris |éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]] |année=2011 |pages totales=224 |isbn=9782081246157}}. |
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* {{Ouvrage |prénom1=Maxime |nom1=Benoît-Jeannin |lien auteur1=Maxime Benoît-Jeannin |titre=Le mythe Hergé |lieu=Villeurbanne |éditeur=[[Golias (maison d'édition)|Golias]] |collection=Enquêtes de Golias |année=2001 |pages totales=100 |isbn=978-2-914-47500-6 |oclc=49031714 |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |prénom1=Maxime |nom1=Benoît-Jeannin |lien auteur1=Maxime Benoît-Jeannin |titre=Les guerres d'Hergé |sous-titre=essai de paranoïa-critique |lieu=Bruxelles |éditeur=Aden |collection=Grande bibliothèque d'Aden |année=2007 |pages totales=260 |isbn=978-2-930-40223-9 |oclc=85842524 |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |prénom1=Francis |nom1=Bergeron |lien auteur1=Francis Bergeron |titre=Hergé |lieu=Grez |éditeur=Pardès |collection=Qui suis-je ? |année=2011 |pages totales=128 |isbn=2867144515}} |
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* {{Ouvrage |prénom1=Francis |nom1=Bergeron |lien auteur1=Francis Bergeron |titre=Hergé, le voyageur immobile |sous-titre=géopolitique et voyages de Tintin, de son père Hergé, et de son confesseur l'abbé Wallez |lieu=La Chaussée-d'Ivry |éditeur=Atelier Fol'Fer |collection=Impertinences |année=2015 |pages totales=180 |isbn=978-2-357-91071-3 |oclc=922813518 |bnf=44402764}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Collectif |titre=Hergé |sous-titre=Paris, Grand Palais, Galeries nationales, 28 septembre 2016 - 15 janvier 2017 |lieu=Paris/Bruxelles/impr. en Italie |éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]], [[Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées|RMN]]de la Réunion des musées nationaux |année=2016 |pages totales=63 |isbn=9782711863518}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Michael |nom1=Farr |titre=Tintin, le rêve et la réalité |sous-titre=l'histoire de la création des aventures de Tintin |titre original=Tintin : dream and reality |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |année=2001 |pages totales=205 |isbn=978-2-930-28458-3 |oclc=50237074 |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Patrick Gaumer]] |titre=Dictionnaire mondial de la BD |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Larousse]] |année=2010 |pages totales=1056 |isbn=9782035843319}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Philippe |nom1=Goddin |lien auteur1=Philippe Goddin |titre=Les débuts d'Hergé |sous-titre=Du dessin à la bande dessinée |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]] |année=1999 |isbn=2-930284-17-X |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Philippe |nom1=Goddin |lien auteur1=Philippe Goddin |titre=Hergé. Chronologie d'une œuvre (1907-1931) |tome=1 |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]] |année=2000 |pages totales=420 |isbn=9782930284378 |id=chronologie1 |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |auteur1=[[Philippe Goddin]] |auteur2=Thierry Scaillet |titre=Hergé chez les scouts |sous-titre=Les aventures de Renard Curieux |éditeur=Avant-Propos |année=2012 |pages totales=160 |isbn=2930627395 |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |prénom1=Thierry |nom1=Groensteen |lien auteur1=Thierry Groensteen |titre=Le rire de Tintin |éditeur=[[Éditions Moulinsart]] |année=2006 |pages totales=116 |isbn=9782874241086 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=9bdNDQAAQBAJ&printsec=frontcover |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |prénom1=Patrice |nom1=Guérin |titre=Tintin au delà des idées reçues |sous-titre=22 contre-vérités sur Hergé et son œuvre |éditeur=[[Les Impressions nouvelles]] |année=2024 |pages totales=208 |isbn=978-2-39070-115-6 |plume=oui}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Geoffroy Kursner |titre=Hergé et la presse |sous-titre=Ses bandes dessinées dans les journaux du monde entier |lieu=Bruxelles/impr. en République tchèque |éditeur=[[Les Impressions nouvelles]] |année=2021 |pages totales=616 |isbn=978-2874499210 |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Patrice |nom1=Leconte |titre=Tintin de A à Z|lieu=Paris| éditeur=Casterman|année=2023|pages totales=131|isbn=978-2-20325-729-0}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Dominique |nom1=Maricq |lien auteur1=Dominique Maricq |titre=Hergé par lui-même |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]] |année=2007 |pages totales=63 |isbn=978-2-290-00005-2 |oclc=421824107}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Dominique |nom1=Maricq |titre=Hergé côté jardin |sous-titre=Un dessinateur à la campagne |lieu=Bruxelles |éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]] |année=2011 |pages totales=152}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Tom |nom1=McCarthy |titre=Tintin et le secret de la littérature |lieu=Paris |éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]] |année=2006 |année première édition=anglais [[Granta]], 2006}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Benoît |nom1=Peeters |prénom2=Jens Peder |responsabilité2=conception et coordination |titre=Le Monde d'Hergé |lieu=Tournai |éditeur=[[Casterman]] |année=1990 |année première édition=1983 |réimpression=1991, 2004 |pages totales=318 |isbn=978-2-203-23124-5 |oclc=10965616 |plume=oui}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Benoît |nom1=Peeters |lien auteur1=Benoît Peeters |titre=Hergé |sous-titre=Les débuts d'un illustrateur |éditeur=[[Casterman]] |collection=Bibliothèque de Moulinsart |année=1987 |pages totales=215 |isbn=9782203017030}}. |
|||
* {{Ouvrage |prénom1=Michel |nom1=Porret|lien auteur1=Michel Porret |titre=Objectif Hergé |sous-titre=Tintin, voilà des années que je lis tes aventures |lieu= |éditeur=Les Presses de l'Université de Montréal |collection=Champ libre|année=2021 |pages totales=168 |isbn=978-2-7606-4455-7}}. |
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* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Bertrand |nom1=Portevin |prénom2=Bernadette |nom2=Robillot |titre=Le démon inconnu d'Hergé ou le génie de Georges Remi |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Dervy]] |année=2004 |isbn=978-2-84454-301-1 |lire en ligne=http://www.dervy-medicis.com/Litterature/Demon-inconnu-d-Herge-Le.html}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Bertrand |nom1=Portevin |titre=Le monde inconnu d'Hergé |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Dervy]] |année=2008 |pages totales=350 |isbn=978-2-844-54536-7 |oclc=716655462 |lire en ligne=http://www.dervy-medicis.com/Poche/Monde-inconnu-d-Herge-Le.html}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Georges Remi Jr |titre=Un oncle nommé Hergé |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions de l'Archipel|L'Archipel]] |année=2013 |pages totales=355 |isbn=978-2-809-80997-8}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Ludwig Schuurman |préface=[[Michel Porret]] |titre=Les îles noires d'Hergé |sous-titre=Étude comparée des trois versions d'un album |lieu=Chêne-Bourg |éditeur=[[Georg éditeur|Georg]] |année=2023 |pages totales=544 |isbn=9782825712399}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Frédéric Soumois |titre=Dossier Tintin |sous-titre=sources, versions, thèmes, structures |lieu=Bruxelles |éditeur=Jacques Antoine |année=1987 |pages totales=316 |isbn=2-87191-009-X}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Pierre Sterckx]] |titre=L'art d'Hergé |sous-titre=Hergé et l'art |lieu=Paris/Bruxelles |éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]], [[Éditions Moulinsart|Moulinsart]] |année=2015 |pages totales=240 |isbn=9782070149544 |plume=oui}} |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Serge |nom1=Tisseron |lien auteur1=Serge Tisseron |titre=Tintin et le secret d'Hergé |lieu=Paris |éditeur=Hors collection |année=2009 |pages totales=169 |isbn=978-2-258-08057-7 |oclc=434019083 |plume=oui}}. |
|||
* {{Ouvrage |langue=fr |nom1=[[Pol Vandromme]] |préface=[[Roger Nimier]] |titre=Le monde de Tintin |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions de la Table ronde]] |collection=Petite vermillon |numéro dans collection=32 |année=1994 |année première édition=[[Éditions Gallimard|Gallimard]], 1959 |pages totales=296 |isbn=978-2-710-30612-2 |oclc=31729959}}. |
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===== Articles et revues ===== |
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Dessiné par Hergé à ses débuts, ce [[Personnage de fiction|personnage]] est graphiquement très approximatif, et ne durera pas très longtemps, bientôt remplacé par [[Tintin]]. On peut ainsi considérer Totor comme l'ancêtre de ce dernier, à la fois [[Graphisme|graphiquement]] et historiquement. |
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* Les Amis de Hergé, revue associative semestrielle créée en {{Date-|juin 1985}}. |
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* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Collectif |titre=Vive Tintin ! |sous-titre=Spécial Hergé |éditeur=[[(À suivre)]] |année=1983 |mois=avril |numéro chapitre=Hors série}}. |
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* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Collectif |titre=Tintin à la découverte des grandes civilisations |éditeur=[[Le Figaro]], [[Beaux Arts Magazine]] |année=2008 |pages totales=170 |isbn=978-2-8105-0029-1 |id=civilisations |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Collectif |titre=Hergé, la vie secrète du père de Tintin |éditeur=[[L'Express]] |date=décembre 2009-janvier 2010 |pages totales=106. |numéro chapitre=Hors série, tome 5}} |
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* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Collectif |titre=Le rire de Tintin |sous-titre=Les secrets du génie comique d'Hergé |éditeur=[[L'Express]], [[Beaux Arts Magazine]] |année=2014 |pages totales=136 |issn=0014-5270 |id=Rire |plume=oui}} |
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* {{Ouvrage |auteur1=Collectif |titre=Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé |éditeur=[[Geo (magazine)|Geo]], [[Éditions Moulinsart]]|mois=novembre|année=2015|isbn=978-2-8104-1564-9|id=Geo|plume=oui |pages totales=160}} |
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=== Documentaires et entretiens télévisés === |
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=== ''Les Aventures de Tintin'' (1929) === |
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* {{Lien vidéo|people=[[Judith Jasmin]] (présentatrice)|date=1962-06-27|titre=Conversation dans le jardin d'Hergé|émission=Premier plan|chaine=[[Société Radio-Canada|Radio-Canada]]|durée=13|url=https://ici.radio-canada.ca/info/videos/1-7861634/conversation-dans-jardin-herge}}. |
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{{Article détaillé|Les Aventures de Tintin}} |
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* {{Ina|i08277344|Hergé à propos de Tintin et le Petit Vingtième|éditeur=''[[Au-delà de l'écran]]'', [[Office de radiodiffusion-télévision française]]|date=18 septembre 1966|consulté le=4 mars 2024}}. |
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* {{Ina|i15149717|Hergé et la naissance de Tintin|éditeur=[[Office de radiodiffusion-télévision française]]|date=26 décembre 1964|consulté le=4 mars 2024}}. |
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* [https://www.sonuma.be/archive/le-journal-tintin-fete-ses-25-ans ''Le Journal Tintin fête ses 25 ans !''] sur [[Sonuma]], Hergé (Intervenant), [[Raymond Leblanc]] (Intervenant), [[Michel Greg]] (Intervenant), André Secretin (Journaliste), émission ''Antenne Soir'' diffusée sur la [[Radiodiffusion-télévision belge|RTB]] le {{Date|13 novembre 1971}} ({{Heure||13||durée=oui}}). |
|||
* ''[[Moi, Tintin]]'', documentaire réalisé par Henri Roanne-Rosenblatt et [[Gérard Valet]] en 1976 ({{Heure|1|18||durée=oui}})<ref>{{Imdb titre|id=tt0257927|titre=Moi, Tintin}}.</ref>. |
|||
* ''[[Tintin et moi (film)|Tintin et moi]]'', documentaire d'[[Anders Østergaard]] en 2003 ({{Heure|1|15||durée=oui}})<ref>{{Imdb titre|id=tt0378879|titre=Tintin et moi}}.</ref>. |
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* ''Hergé à l'ombre de Tintin'', documentaire de [[Hugues Nancy]] en 2016 ({{Heure|1|24||durée=oui}})<ref>{{Imdb titre|id=tt6275372|titre=Hergé à l'ombre de Tintin}}.</ref>. |
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=== Podcasts === |
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La série est publiée pour la première fois le 10 janvier 1929 dans ''[[Le Petit Vingtième]]'', supplément pour enfants du journal belge ''Le Vingtième Siècle''. |
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* {{Lien web |auteur=Philippe Garbit |titre=Hergé sur la création de Tintin : "Sans réfléchir, j’ai fait un rond et j’ai mis un petit accent pour la mèche" |url=https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/herge-sur-la-creation-de-tintin-sans-reflechir-jai-fait-un |format=audio |éditeur=émission ''Les Nuits de France Culture'' ({{Heure||54||durée=oui}}), [[France Culture]].fr ; entretien enregistré en 1979 avec Michèle Cédric sur la [[RTBF International|RTB]]|date=29 octobre 2016 {{Petit|(première diffusion le {{Date|21 juillet 1993}})}}}}. |
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La série est également publiée assez rapidement dans ''[[Cœurs vaillants]]'' à partir du {{date|26|octobre|1930|en bande dessinée}}. |
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* {{Lien web |auteur=[[Jean-Noël Jeanneney]]|titre=Pérennité d'Hergé : Tintin immortel ? |url=https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/concordance-des-temps/perennite-d-herge-tintin-immortel-3134819 |format=audio |éditeur=émission ''[[Concordance des temps (émission de radio)|Concordance des temps]]'' ({{Heure||58||durée=oui}}), France Culture.fr ; entretien avec [[Pierre Assouline]]|date=12 novembre 2022 {{Petit|(première diffusion le {{Date|31 janvier 2009}})}}}}. |
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=== Liens externes === |
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* [https://www.tintin.com/fr/herge « Hergé »], sur le [[Tintinimaginatio|site officiel de Tintin]]. |
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* [https://www.museeherge.be/fr Site du Musée Hergé] |
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'''Bases de données et notices :''' |
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''Les Aventures de Tintin'' se déroulent dans un univers reproduisant minutieusement le nôtre, fourmillant de personnages aux traits de caractère bien définis. Cette série est plébiscitée depuis plus de 70 ans par les lecteurs et les critiques. |
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{{Liens}} |
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== Notes et références == |
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Le héros de la série est le personnage éponyme [[Tintin]], un jeune [[reporter]] et globe-trotter belge. Il est accompagné durant ses aventures par [[Milou]], son fidèle chien. |
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Au fil des ''Aventures'', plusieurs figures récurrentes sont apparues comme le [[Capitaine Haddock]] — au point de devenir incontournable — les détectives incompétents [[Dupond et Dupont]], ou encore le [[professeur Tournesol]]. Hergé lui-même apparaît dans chacun de ses albums, en tant que personnage secondaire. |
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Cette série à succès, publiée sous la forme d'albums (24 au total, dont 1 inachevé), est à l'origine d'un magazine à grand tirage (''[[Tintin (périodique)|Le Journal de Tintin]]''), et a été adaptée à la fois au cinéma et au théâtre. ''Les Aventures de Tintin'' ont été traduites dans environ cinquante langues et vendues à plus de 200 millions d'exemplaires. |
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=== ''Quick et Flupke'' (1930) === |
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{{Article détaillé|Quick et Flupke}} |
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''Quick et Flupke'' est une série d'albums de [[bande dessinée]] créée par Hergé. Les séries sont publiées dans les pages du journal [[Le Petit Vingtième|''Le Petit Vingtième'']] à partir du [[23 janvier]] [[1930]]. |
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Les deux héros sont des enfants des rues de [[Bruxelles]], et sont nommés ''Quick et Flupke'' (« Petit Philippe » en [[brabançon (dialecte)|brabançon]]). Les deux garçons causent de sérieux problèmes par accident, ce qui leur amène des ennuis avec leurs parents et la police, en particulier l'Agent 15. Ils aiment fabriquer toutes sortes d'engins aussi inutiles que dangereux comme des avions à roulettes ou des planeurs. |
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Après la [[Seconde Guerre mondiale]], les planches sont regroupées par séries. Les deux premières sont éditées en janvier 1949, la onzième et dernière série en janvier 1969. Six recueils des mêmes histoires sont ensuite tirés sous le nom ''Les exploits de Quick et Flupke'' de [[1975]] à [[1982]]. |
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=== ''Le Triomphe de l'Aigle Rouge'' (1930) === |
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''Le Triomphe de l'Aigle Rouge'' est une histoire de Far West parue en 1930 dans 5 n° de ''[[Cœurs vaillants]]'' |
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Les illustrations sont signées Hergé; le texte a priori également. |
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Elle raconte les aventures de Tim Cobalt et chacun des 5 épisodes est accompagné de 1 à 2 grandes illustrations (12x14 cm). |
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=== ''Popol et Virginie au pays des Lapinos'' (1934) === |
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''Popol et Virginie au pays des Lapinos'' est un album à part dans l'œuvre d'Hergé, c'est le résultat d'une longue chaîne de transformations. La première mouture de cette histoire est publiée sous le titre ''Tim l'écureuil au Far West'' dans un petit journal de quatre pages distribué à l'automne 1931 dans le grand magasin bruxellois L'Innovation. Deux ans plus tard, ''Les Aventures de Tom et Millie'' sont publiées dans ''Pim et Pom'', encart jeunesse de ''Pim - Vie heureuse'', le supplément hebdomadaire du journal belge ''[[Groupe Sud Presse|La Meuse]]''. Ensuite en 1934 ''Les Aventures de Popol et Virginie au Far West'' sont publiées dans ''Le Petit Vingtième'', avant de finalement reparaître en 1948 dans l'hebdomadaire ''[[Tintin (périodique)|Le Journal de Tintin]]'' sous le titre que nous connaissons aujourd'hui<ref>{{harvsp|Peeters|1983|p=138}}</ref>. |
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=== ''Jo, Zette et Jocko'' (1936) === |
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{{Article détaillé|Jo, Zette et Jocko}} |
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''Jo, Zette et Jocko'' raconte une histoire sous forme de [[bande dessinée]] réalisée par Hergé. Elle a été créée en [[1936]] pour le journal ''[[Cœurs vaillants]]'', dont les éditeurs catholiques un peu réservés devant le personnage de [[Tintin]], auraient demandé à Hergé de créer de nouveaux héros, avec une famille.... |
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{{1re}} planche de ''Le Rayon du mystère'' ou ''Les Aventures de Jo, Zette et Jocko'' dans le {{numéro|3}} de ''[[Cœurs vaillants]]'' du 19 janvier 1936. |
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Publié ensuite dans ''[[Le Petit Vingtième]]'', à partir d'octobre 1936. |
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Il s'agit d'un frère et d'une sœur, Jo et Zette, âgés d'une douzaine d'années, et de leur singe Jocko. Ils vivent en famille avec leur mère et leur père, l'ingénieur ''Legrand''. Jocko est un [[chimpanzé]] apprivoisé, qui les accompagne librement. Très intelligent, il lui arrive de [[wikt:soliloquer|soliloquer]], mais il ne parle pas aux humains. |
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La particularité des aventures de Jo et Zette Legrand réside dans le fait qu'il s'agit d'une action se situant dans le cadre d'une vraie famille avec des personnages ayant un prénom et un nom. On est donc de ce point de vue loin de Tintin (du même auteur) qui, lui, n'a pas de parents connus. |
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Si les enfants vivent loin de leurs parents des aventures peu ordinaires, ils restent néanmoins dépendants de l'intervention d'adultes pour les sauver. Ils ne possèdent pas de pouvoirs particuliers mais leur seule intelligence et volonté pour se sortir de mauvais pas. Ceci fait d'eux des personnages très réalistes et proches de leurs lecteurs. |
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== Annexes == |
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=== Notes === |
=== Notes === |
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{{Références| |
{{Références|taille=36|groupe=alpha}} |
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=== Références === |
=== Références === |
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* [[Benoît Peeters]], ''Hergé, fils de Tintin'', 2011 : |
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{{Références|colonnes=2}} |
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{{Références|groupe=a|taille=15}} |
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<!--Pour le référencement Harvard (qui créé un lien bleu directement vers la Bibliographie), utiliser <ref>{{harvsp|nom de l'auteur|date|p=xx}}</ref> |
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* Geoffroy Kursner, ''Hergé et la presse'', 2021 : |
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{{Références|groupe=b|taille=15}} |
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* [[Pierre Assouline]], ''Hergé'', 1996 : |
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{{Références|groupe=c|taille=15}} |
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* [[Philippe Goddin]], ''Hergé, lignes de vie'', 2007 : |
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{{Références|groupe=d|taille=15}} |
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* [[Numa Sadoul]], ''[[Tintin et moi]]'', 2000 : |
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{{Références|groupe=e|taille=15}} |
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* [[Philippe Goddin]], ''Les débuts d'Hergé, du dessin à la bande dessinée'', 1999 : |
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{{Références|groupe=f|taille=15}} |
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* Ludwig Schuurman, ''Les Îles Noires d'Hergé'', 2023 : |
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{{Références|groupe=g|taille=15}} |
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* [[Benoît Peeters]], ''Le monde de Hergé'', 1990 : |
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{{Références|groupe=h|taille=15}} |
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* [[Benoît Peeters]], ''Hergé, les débuts d'un illustrateur'', 1987 : |
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{{Références|groupe=i|taille=15}} |
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* [[Pierre Sterckx]], ''Hergé et l'art, l'art d'Hergé'', 2015 : |
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{{Références|groupe=j|taille=15}} |
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* Autres références : |
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=== Bibliographie === |
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{{Références nombreuses|taille=33}} |
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==== Œuvre d'Hergé ==== |
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* Archives Hergé 1. ''Tintin au pays des Soviets'' (1929), ''Tintin au Congo'' (1930) et ''Tintin en Amérique'' (1931), Tournai, Casterman, 1978, {{ISBN|978-2-203-00501-3}}. {{plume}} |
|||
* Archives Hergé 2. ''Les exploits de Quick et Flupke'', Tournai, Casterman, 1978 {{ISBN|978-90-303-2997-8}}. {{plume}} |
|||
* Archives Hergé 3. ''Les Cigares du pharaon'' (1932), ''Le Lotus bleu'' (1934) et ''L'Oreille cassée'' (1935), Tournai, Casterman, 1978 {{ISBN|978-2-203-00503-7}}. {{plume}} |
|||
* Archives Hergé 4. ''L'Île Noire'' (1937), ''Le Sceptre d'Ottokar'' (1938), ''Le Crabe aux pinces d'or'' (1940), Tournai, Casterman, 1978, {{ISBN|978-2-203-00504-4}}. {{plume}} |
|||
* ''Les Aventures de Jo, Zette et Jocko'', Tournai, Casterman, 2008 {{ISBN|978-2-203-01611-8}}. |
|||
* ''Popol et Virginie au pays des Lapinos'', Tournai, Casterman, 2008 {{ISBN|978-2-203-01449-7}}. |
|||
* ''Tout Tintin, l'intégrale des aventures de Tintin'', Tournai, Casterman, 2008 {{ISBN|978-2-203-01928-7}}. |
|||
* ''Tintin et l'Alph-art'', Tournai, Casterman, 2004, {{ISBN|978-2-203-00132-9}}. {{plume}} |
|||
==== Ouvrages ==== |
|||
* [[Pierre Sterckx]] et [[Thierry Smolderen]], ''Hergé, portrait biographique'', Casterman, 1987. |
|||
* [[Pierre Assouline]], ''Hergé'', Paris, Plon, 1996 {{ISBN|978-2-07-040235-9}}. {{plume}} |
|||
* Lionel Baland, ''Léon Degrelle et la presse rexiste'', Paris, Déterna, 2009 {{ISBN|978-2-913044-86-9}}. |
|||
* [[Maxime Benoît-Jeannin]], ''Le mythe Hergé'', éditions Golias, 2001 {{ISBN|978-2-914475-00-6}}. {{plume}} |
|||
* [[Maxime Benoît-Jeannin]], ''Les guerres d'Hergé. Essai de paranoïa-critique'', éditions Aden, 2007 {{ISBN|978-2-930402-23-9}}. |
|||
* Tristan Demers, sur une idée originale de Christian Proulx, ''Tintin et le Québec : Hergé au cœur de la révolution tranquille'', Montréal, Hurtubise/Moulinsart, 2010 {{ISBN|978-2-89647-080-8}}. |
|||
* Michael Farr, ''Tintin, le rêve et la réalité'', Bruxelles, éditions Moulinsart, 2001 {{ISBN|978-2-930284-58-3}}. |
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* Bob Garcia, ''Jules Verne & Hergé. D'un mythe à l'autre'', éditions Mac Guffin, 2006 {{ISBN|978-2-9524440-3-3}}. |
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* Philippe Goddin, ''Hergé. Chronologie d'une œuvre'', six tomes, Bruxelles, éditions Moulinsart, 2006. |
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* Philippe Goddin, ''Hergé. Lignes de vie'', Bruxelles, éditions Moulinsart, 2007 {{ISBN|978-2-87424-097-3}}. {{plume}} |
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* Pierre Joseph, ''Héraldique, sigillographie et emblème dans l'œuvre d'Hergé'', série ''Archivum heraldicum'' [''Archives Héraldiques Suisses''], cahier spécial, Liestal : Gebr. Lüdin, 2011. |
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* Dominique Maricq, Hergé côté jardin, Bruxelles, éditions Moulinsart, 2011. |
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* Dominique Maricq, ''Hergé par lui-même'', Paris, Librio, 2007 {{ISBN|978-2-290-00005-2}}. |
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* Tom McCarthy, ''Tintin et le secret de la littérature'', Paris : Hachette, 2006. Première édition anglaise [[Granta]], 2006. |
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* {{Ouvrage| prénom1 = Benoît | nom1 = Peeters| titre = Le monde d'Hergé| éditeur = Casterman | année =1983}} {{plume}} (nouvelle édition entièrement refondue en 1990) |
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* [[Benoît Peeters]], ''Hergé. Fils de Tintin'', Champs Flammarion, 2006. |
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* [[Benoît Peeters]], ''Lire Tintin, les bijoux ravis'', [[Les Impressions nouvelles]], 2007. |
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* Bertrand Portevin et Bernadette Robillot, [http://www.dervy-medicis.com/Litterature/Demon-inconnu-d-Herge-Le.html ''Le démon inconnu d'Hergé ou le génie de Georges Remi'', Paris, Dervy, 2004] {{ISBN|978-2-84454-301-1}}. |
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* [http://www.dervy-medicis.com/Poche/Monde-inconnu-d-Herge-Le.html Bertrand Portevin, ''Le monde inconnu d'Hergé'', Paris, Dervy, 2008] {{ISBN|978-2-84454-536-7}}. |
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* Nick Rodwell, ''Hergé'', Bruxelles, éditions Moulinsart, 2006 {{ISBN|978-2-87424-099-7}}. |
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* [[Numa Sadoul]], ''Tintin et moi. Entretiens avec Hergé'', Paris, Champs Flammarion, 1983 {{ISBN|978-2-08-080052-7}}. {{plume}} (édition d'origine : Casterman, 1975, dernière réédition en 2004) |
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* [[Serge Tisseron]], ''Tintin et le secret d'Hergé'', Paris, Hors Collection, 2009 {{ISBN|978-2-258-08057-7}}. {{plume}} |
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* Pol Vandromme, ''Le monde de Tintin'', Paris, Gallimard, 1959. Réédition La Table ronde, 1994. {{ISBN|2-7103-0612-3}} |
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* Lionel Baland, ''L’Abbé Norbert Wallez et Hergé.'' dans ''Synthèse nationale N°31'', Paris, avril 2013. |
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==== Revues ==== |
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* « Spécial Hergé », ''(A suivre) hors-série'', 1983. |
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* « Tintin spécial, hommage à Hergé », ''Lombard'' hors-série N°11bis, 1983. |
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* « Tintin à l'Opéra », ''Diapason'' {{numéro|457}}, 1999. |
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* [[Pierre Sterckx]] (int. Bruno Canard et Franck Aveline), « Hergé et la Peinture », dans ''[[L'Indispensable]]'' {{numéro|3}}, janvier 1999, {{p.|29-33}}. |
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* « Tintin grand voyageur du siècle », ''Géo hors-série'', 2000. {{plume}} |
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* « Tintin chez les savants », ''Sciences et vie spécial'', mars 2002. |
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* « Tintin, l'aventure continue », ''Télérama hors-série'', 2003. |
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* « Tintin, reporter du siècle », ''Le Figaro hors-série'', 2004. |
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* « Tintin, les secrets d'une œuvre », ''Lire Hors-série'', 2006. |
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* [[Pierre Assouline]], « Le siècle de Tintin grand reporter », ''L'Histoire'', 317, février 2007, {{p.}}6-13. {{plume}} |
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* « Tintin à la découverte des grandes civilisations », ''Le Figaro-Beaux Arts magazine hors-série'', 2008. {{plume}} |
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* « Hergé, la vie secrète du père de Tintin », ''L'Express hors-série'', septembre 2009. |
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* « Tintin, le retour », ''Le Monde hors-série'', décembre 2009-janvier 2010. |
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* « Tintin au pays des philosophes », ''Philosophie magazine hors-série'', août 2010. |
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=== Filmographie et documentaires === |
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==== Adaptation ==== |
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* ''Objectif Lune'', dessin animé de [[Raymond Leblanc]] pour [[Belvision]], 1959. |
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* ''Le Secret de La Licorne'', dessin animé de [[Raymond Leblanc]] pour [[Belvision]], 1959. |
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* ''Le Trésor de Rackham le Rouge'', dessin animé de [[Raymond Leblanc]] pour [[Belvision]], 1959. |
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* ''L'Étoile mystérieuse'', de [[Raymond Leblanc]] pour [[Belvision]], 1959. |
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* ''Le Crabe aux pinces d'or'', de [[Raymond Leblanc]] pour [[Belvision]], 1959. |
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* ''L'affaire Tournesol'' |
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* ''L'ile noire'' |
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* ''[[Tintin et le Mystère de la Toison d'or]]'', film de [[Jean-Jacques Vierne]], 1962. |
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* ''[[Tintin et les Oranges bleues]]'', film de [[Philippe Condroyer]], 1964. |
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* ''Le Temple du Soleil'', film de [[Raymond Leblanc]] pour [[Belvision]], 1969. |
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* ''[[Tintin et le Lac aux requins]]'', film de [[Raymond Leblanc]] pour [[Belvision]], 1972. |
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* ''Les Exploits de Quick et Flupke'', adaptation par [[Johan De Moor]], 1984-1985. |
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* ''[[Les Aventures de Tintin (série télévisée d'animation)|Les Aventures de Tintin]]'', adaptation par [[Stéphane Bernasconi]], 1991-1992. |
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* ''[[Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne]]'', Film 3D de [[Steven Spielberg]], 2011 |
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====Documentaire==== |
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* ''[[Moi, Tintin]]'', d'[[Henri Roanne]] et [[Gérard Valet]], 1976. |
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* ''[[Tintin et moi (film)|Tintin et moi]]'', de [[Anders Østergaard]], Production Angels, 2003. |
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* ''Hergé, Les Aventures de Tintin'', Court-métrage d'Olivier Boillot, 2004. |
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=== Liens externes === |
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* [http://www.tintin.com/ Site officiel de Tintin] |
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* [http://www.museeherge.com/ Site du Musée Hergé] |
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* [http://www.bibchato.fr/opacwebaloes/index.aspx?IdPage=84 "L'Œuvre et la vie d'Hergé : essai de bibliographie sélective" - "L'Actualité d'Hergé"] |
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=== Vidéos en ligne === |
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* [http://archives.radio-canada.ca/arts_culture/arts_visuels/clips/13234/ Interview d'Hergé (Radio-Canada, 1960)] |
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* [http://archives.tsr.ch/player/personnalite-herge Le secret du succès de Tintin par Hergé ([[Télévision suisse romande|TSR, 1960]])] |
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* [http://video.google.fr/videosearch?hl=fr&q=herg%C3%A9%20vid%C3%A9o&um=1&ie=UTF-8&sa=N&tab=wv#hl=fr&q=herg%C3%A9+vid%C3%A9o&um=1&ie=UTF-8&sa=N&tab=wv&start=10 Tintin et son père (1960)] |
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* [http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I08312561/herge-sur-tintin-le-plagiat-les-decors.fr.html Hergé sur Tintin, le plagiat et les décors (1978)] |
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* [http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I08280435/herge-a-propos-de-tintin-dieu-et-les-femmes.fr.html Hergé chez Bernard Pivot (1979)] |
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* [http://video.google.fr/videosearch?hl=fr&q=herg%C3%A9%20vid%C3%A9o&um=1&ie=UTF-8&sa=N&tab=wv# Mort d'Hergé (1983)] |
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* [http://www.wat.tv/video/lignes-claires-en-video-herge-109u1_ht8r_.html Hergé et le secret de la ligne claire] |
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=== Articles connexes === |
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* [[Tintin]], présentation de la série |
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* [[ligne claire|La ligne claire]] |
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* [[Liste d'auteurs de bande dessinée]] |
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* [[Musée Hergé]] à [[Louvain-la-Neuve]] ([[Belgique]]) |
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{{Palette|Univers d'Hergé}} |
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[[Catégorie:Lauréat du prix Adamson du meilleur auteur international]] |
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[[Catégorie:Décès à Woluwe-Saint-Lambert]] |
[[Catégorie:Décès à Woluwe-Saint-Lambert]] |
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[[Catégorie: |
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[[Catégorie:Mort d'un cancer en Belgique]] |
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[[Catégorie:Mort d'une leucémie]] |
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[[Catégorie:Personnalité inhumée au cimetière du Dieweg]] |
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Directeur artistique (en) Tintin |
---|
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Sépulture | |
Nom de naissance |
Georges Prosper Remi |
Pseudonyme |
Hergé |
Nationalité | |
Domiciles |
Etterbeek (- |
Formation |
Athénée d'Ixelles ( - École communale numéro 3 d'Ixelles (d) ( - École supérieure de la place de Londres (d) ( - Institut Saint-Boniface-Parnasse (à partir de ) Institut Saint-Luc |
Activités |
Dessinateur humoristique, illustrateur, dessinateur, scénariste, écrivain, auteur de bande dessinée, dessinateur de timbres |
Période d'activité |
- |
Conjoints |
Germaine Kieckens (d) (de à ) Fanny Rodwell (de à ) |
A travaillé pour |
Tintin (à partir du ) Le Lombard (à partir du ) Le Soir ( - Casterman (à partir de ) Le Vingtième Siècle ( - |
---|---|
Membre de |
Association royale des Boy-Scouts de Belgique (d) (- |
Conflit | |
Mouvement | |
Genre artistique | |
Influencé par |
Trois Hommes dans un bateau, They and I (d), À la dure, George McManus, Georges Colomb, Hansi, Alain Saint-Ogan |
Site web |
(en) tintin.com/herge |
Distinctions | Liste détaillée Prix Adamson () Prix Saint-Michel () Officier de l'ordre de la Couronne () Jack Kirby Hall of Fame (d) () Temple de la renommée Will-Eisner () |
Georges Remi[a], dit Hergé, né le en Belgique à Etterbeek et mort le à Woluwe-Saint-Lambert, est un auteur de bande dessinée belge, principalement connu pour Les Aventures de Tintin, l'une des bandes dessinées européennes les plus populaires du XXe siècle.
Georges Remi se distingue très tôt de ses camarades par ses qualités de dessinateur. C'est dans une revue scoute qu'il signe pour la première fois en 1924 sous le pseudonyme « Hergé », formé à partir des initiales « R » de son nom et « G » de son prénom. Quelques mois plus tard, il entre au quotidien Le Vingtième Siècle, dont le directeur l'abbé Norbert Wallez le charge en 1928 de concevoir un supplément hebdomadaire destiné à la jeunesse, Le Petit Vingtième. C'est dans ce périodique que débutent les aventures de Tintin au pays des Soviets le , premier épisode de la série qui rencontre un grand succès et par laquelle Hergé devient rapidement l'homme providentiel de son journal. Il est l'un des premiers auteurs francophones à reprendre le style américain de la bande dessinée à phylactères.
Durant les années 1930, Hergé diversifie son activité artistique (illustrations de journaux, de romans, de cartes et de publicités), tout en poursuivant la bande dessinée. Il crée notamment Les Exploits de Quick et Flupke en 1930, diffusés sous la forme d'une planche de gag hebdomadaire dans Le Petit Vingtième, mais aussi Les Aventures de Jo, Zette et Jocko en 1935 pour le journal catholique français Cœurs vaillants. En 1934, le dessinateur rencontre Tchang Tchong-Jen, jeune étudiant chinois venu étudier à l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, dont les conseils et l'amitié bouleversent la pensée et le style d'Hergé. Dès lors, il commence à se documenter sérieusement pour la conception de ses albums, ce qu'il ne faisait pas jusque-là, et crée Le Lotus bleu, considéré comme un album essentiel dans la carrière de l'auteur. Au fil des récits, son style s'affine, jetant les bases de ce qui est plus tard nommé la « ligne claire », de sorte qu'il est souvent considéré comme « le père de la bande dessinée européenne ».
La publication du Petit Vingtième est arrêtée lors de l'invasion de la Belgique en 1940, mais Hergé continue de développer ses créations dans Le Soir, alors contrôlé par l'occupant allemand. Dans le même temps, à la demande de son éditeur Casterman, il procède au remaniement et à la mise en couleurs des albums parus avant-guerre, un travail mené avec plusieurs assistants comme Edgar P. Jacobs. En acceptant de travailler pour le plus grand quotidien du pays par le tirage, Hergé assure le succès et la popularité des Aventures de Tintin, mais cela lui vaut d'être accusé de collaboration et d'être temporairement interdit de publication en 1944, à la Libération.
En 1946, il contribue au lancement du journal Tintin avec un ancien résistant devenu éditeur, Raymond Leblanc. Directeur artistique de cet hebdomadaire, dont le succès contribue à celui de la bande dessinée franco-belge, Hergé y impose son style, exerçant un certain regard critique envers les travaux de ses collègues qui ne peuvent être diffusés dans le journal sans son accord. En 1950, il fonde les Studios Hergé, un atelier qui regroupe des artistes talentueux comme Bob de Moor, Jacques Martin et Roger Leloup, chargés de l'assister dans la réalisation de ses travaux. Pour autant, la décennie 1950 est marquée pour Hergé par une véritable crise personnelle, entamée dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. En proie à de violentes dépressions, l'auteur interrompt plusieurs fois ses publications. En 1959, il quitte sa première femme Germaine pour s'installer avec sa jeune coloriste Fanny Vlamynck, et entame une nouvelle vie.
Si le rythme de création des Aventures de Tintin ralentit dans les années 1960 et 1970, sa renommée est croissante et le héros devient une véritable icône internationale. Tout en se détachant peu à peu de son personnage, Hergé assouvit certaines de ses passions, notamment pour l'art contemporain et les philosophies orientales. Il meurt d'une grave maladie du sang en 1983, après avoir affirmé sa volonté que ses héros ne lui survivent pas. Depuis sa mort, le succès de Tintin ne se dément pas : le héros et son créateur font l'objet de nombreuses adaptations, publications ou rétrospectives, et certains dessins originaux d'Hergé atteignent des sommes records lors de ventes aux enchères, cependant que ses ayant droits surveillent étroitement son héritage. Le musée Hergé, qui lui est entièrement consacré, est inauguré en 2009 à Louvain-la-Neuve.
Biographie
[modifier | modifier le code]Jeunesse bruxelloise (1907-1925)
[modifier | modifier le code]Naissance et origines familiales
[modifier | modifier le code]Georges Prosper Remi[d 1] naît au no 25 de la rue Cranz[b] à Etterbeek, commune de l'agglomération bruxelloise, le à 7 h 30[c 1]. L'enfant est baptisé quelques semaines plus tard, le , à l'église paroissiale de la commune[c 1]. Sa marraine est sa propre grand-mère maternelle, Antoinette Roch[d 1]. Ses parents appartiennent à la classe moyenne bruxelloise : Alexis Remi (1882-1970) est employé dans la maison de confection pour enfants Van Roye-Waucquez à Saint-Gilles et Élisabeth Dufour (1882-1946), ancienne couturière, est sans profession au moment de sa naissance[h 1],[1],[c 1].
L'origine d'Alexis Remi est mystérieuse. Le , sa mère Léonie Dewigne, âgée de 22 ans, donne naissance à des jumeaux, Alexis et Léon, nés de père inconnu[a 1]. D'après les recherches de Philippe Goddin, ce pourrait être Alexis Coismans, un ébéniste bruxellois qui refuse d'en endosser la paternité[2]. Goddin s'appuie notamment sur le fait que Coismans se présente à la maison communale d'Anderlecht pour déclarer la naissance des enfants et que l'un des jumeaux porte le même prénom que lui[d 1]. Mais Léonie Dewigne travaillant comme domestique auprès de la comtesse Hélène Errembault de Dudzeele dans sa propriété de Chaumont-Gistoux, dans le Brabant wallon[c 2],[c], puis à Bruxelles[a 1], certains attribuent la paternité des jumeaux à un personnage illustre, qu'il s'agisse du comte Gaston Errembault de Dudzeele, diplomate de carrière, ou encore du roi Léopold II, qui venait parfois à Chaumont-Gistoux[c 2],[3]. De fait, la comtesse porte une certaine attention aux enfants de Léonie, leur offrant des vêtements ou finançant leur inscription à l'école jusqu'à l'âge de 14 ans[a 1].
En 1893, Léonie Dewigne épouse son voisin Philippe Remi[d 2], ouvrier dans une imprimerie, qui reconnaît aussitôt Alexis et Léon, ces derniers portant désormais son nom de famille[a 1]. Après la mort de Léonie en 1901, les liens de la famille avec Philippe Remi se distendent, bien qu'il signe l'acte de mariage des parents d'Hergé ; aussi, ce dernier ne l'a jamais rencontré[a 1]. L'identité de son véritable grand-père demeure donc énigmatique[4], et la possibilité d'une ascendance illustre laisse penser au psychanalyste Serge Tisseron que le poids de ce secret de famille influence l'ensemble de son œuvre[d].
Quant à Élisabeth Dufour, d'origine flamande, elle est née dans le quartier des Marolles à Bruxelles[a 2], ce qui fait dire plus tard à Georges Remi, son père étant wallon : « Je suis un Belge synthétique[c 3] ». Après la naissance de Georges, sa famille ne cesse de déménager. Le , ils s'installent au no 34 de la rue de Theux à Etterbeek, chez les parents d'Élisabeth, Joseph Dufour (1853-1914), ancien plombier, et Antoinette Roch (1854-1935)[a 2]. De santé fragile, la jeune mère est victime d'une rechute de pleurésie durant l'hiver 1909-1910[d 3],[a 2]. Bien que souvent absent pour des raisons professionnelles qui l'amènent à voyager en France et en Italie, Alexis Remi est très affectueux et protecteur envers son épouse[a 2].
Une friction familiale conduit le couple à s'installer le au no 57 de l'avenue Jules Malou, dans la même commune[5], mais le loyer trop élevé les oblige à revenir rue de Theux, cette fois au no 91, pour la naissance de leur deuxième enfant, Paul Léon Constant Remi, le [5].
Enfance, entrée à l'école et occupation de la Belgique (1907-1918)
[modifier | modifier le code]De son enfance, Hergé semble garder un souvenir terne :
« Tout à fait quelconque mon enfance. Dans un milieu très moyen, avec des évènements moyens, des pensées moyennes. Pour moi, le « vert paradis » du poète a été plutôt gris. […] Mon enfance, mon adolescence, le scoutisme, le service militaire, tout était gris. Une enfance ni gaie, ni triste, mais plutôt morne[e 1]. »
Les entretiens que livre l'auteur au cours de sa carrière laissent entrevoir l'étroitesse d'esprit, voire l'inculture de son milieu familial, tout autant qu'un manque d'affection. Bien qu'il les décrive comme des parents « très bons », Hergé reconnaît qu'ils étaient peu expansifs et que les échanges entre eux étaient limités, voire « laconique[s] »[6]. Sa mère, qui souffre progressivement de dépression puis de problèmes psychiatriques[7], demeure assez distante de lui[a 3]. Si Hergé assure que son enfance était « exempte de grands malheurs »[8], son biographe Benoît Peeters affirme qu'il aurait subi un abus sexuel de la part d'un de ses oncles, de dix ans son aîné[a 3],[e].
Selon ses propres mots, le petit Georges est un enfant insupportable, « particulièrement lorsque ses parents l'emmenaient en visite ». L'un des remèdes les plus efficaces est de lui fournir alors un crayon et du papier[h 1]. L'un de ses premiers dessins connus, exécuté en 1911[a 4], est une image narrative[f 1] qui figure au dos d'une carte postale et représente au crayon bleu un train à vapeur, un garde-barrière et une automobile, tous trois parfaitement reconnaissables[d 4],[9]. Dans ses premières années, sa mère l'emmène chaque semaine au cinéma, mais la naissance de son frère cadet, Paul, bouleverse son quotidien, lui qui avait été élevé jusque-là comme un enfant unique. Les deux frères, de caractères très opposés, ne seront jamais proches[a 5].
Le , Georges, âgé de 6 ans, entre en première préparatoire à l'Athénée d'Ixelles, un établissement laïc et payant jouissant d'une très bonne réputation et où le jeune garçon obtient d'excellents résultats[a 5], étant classé 3e sur 25[1]. À peine l'année scolaire est-elle terminée que la Belgique est occupée par l'armée allemande de Guillaume II, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Son oncle Léon est mobilisé sur le front de l'Yser dès la fin ; il en reviendra, après quatre ans de combats, décoré de la croix de guerre avec palmes[d 5].
Entretemps, la santé d'Élisabeth décline de nouveau. La famille Remi suit les conseils de son médecin et déménage à la campagne, au no 124 rue du Tram à Watermael-Boitsfort, dans la banlieue sud de Bruxelles[1],[a 6]. La famille n'y reste que quelques mois et revient finalement à Etterbeek[a 6]. En , Georges Remi intègre l'école no 3 d'Ixelles, un établissement gratuit où il effectue la suite de sa scolarité primaire[a 6]. Il dessine parfois dans le bas de ses cahiers des histoires imagées qui racontent les démêlés d'un petit garçon avec l'occupant allemand[h 1] :
« Un jour, un élève m'a pris un dessin et l'a montré au professeur. Celui-ci l'a regardé avec une moue méprisante, et m'a dit : « Il faudra trouver autre chose pour vous faire remarquer ! » Parfois l'instituteur, me voyant occupé à griffonner et me croyant distrait, m'interpellait brusquement : « Remi !… Répétez donc ce que je viens de dire ! » Et déjà il ricanait méchamment dans sa barbe. Mais son visage exprimait généralement un profond étonnement lorsque, tranquillement, sans hésiter, je répétais ce qu'il venait de dire. Car si je dessinais d'une main, eh bien, j'écoutais attentivement de l'autre ! »
— Hergé, interview[d 6].
L'état de santé d'Élisabeth s'améliorant, la famille Remi revient s'installer définitivement en au no 34 rue de Theux à Etterbeek[d 7],[a 6]. Ce quartier, entouré de champs et de terrains vagues, est un terrain de jeu idéal pour Georges Remi qui passe son temps libre à jouer dans la rue avec ses camarades de classe[a 6].
Études secondaires et scoutisme (1918-1925)
[modifier | modifier le code]Le , il entre à l'École supérieure no 11 d'Ixelles, un établissement qui doit le préparer à entrer dans la vie active[a 7]. À l'occasion du premier anniversaire de l'Armistice en novembre 1919, il compose au tableau noir une vaste fresque patriotique avec des craies de couleur, dans laquelle les soldats belges infligent une défaite cuisante aux Allemands, ce qui émeut son professeur de dessin, monsieur Stoffijn, dit « Fine-Poussière », qui a pourtant l'habitude de lui attribuer des notes en dessous de la moyenne alors que Georges passe auprès de ses camarades pour un dessinateur doué[f 1],[c 4],[i 1]. La même année, il découvre le scoutisme aux Boy-Scouts Belges, une troupe laïque[a 7].
À la suite d'une année scolaire plutôt médiocre, le patron d'Alexis Remi lui conseille fortement de placer son fils dans un établissement scolaire catholique. Après avoir effectué sa communion solennelle à l'église Sainte-Gertrude d'Etterbeek, Georges Remi entre en 1920 à l'Institut Saint-Boniface de Bruxelles, dirigé par l'abbé Pierre Fierens[a 7]. Il intègre également la troupe scoute de l'établissement[10], membre de l'Association des scouts Baden-Powell de Belgique, ce qui est un déchirement pour lui tant il était attaché aux camarades de sa première troupe[a 7],[e 2]. Il évolue dès lors dans un milieu traditionaliste et catholique, très ancré à droite[a 7], et devient rapidement chef de la patrouille des « Écureuils », recevant le nom totémique de « Renard curieux »[i 2],[f 1]. L'adolescent prend plaisir dans cette activité et se reconnaît dans ses valeurs[a 8]. Pendant l'été 1922, sa troupe parcourt à pied la Suisse, les Dolomites et le Tyrol, puis se rend l'année suivante dans les Pyrénées, des voyages qui marquent durablement Georges Remi[a 8].
Sur le plan scolaire, il est un élève brillant qui reçoit chaque année le prix d'excellence. En , il achève ses études secondaires à la première place, obtenant paradoxalement son plus mauvais résultat en dessin[c 5],[i 2]. Son professeur l'abbé Proost justifie de ne pas lui attribuer le prix de dessin en expliquant à ses camarades : « bien sûr, Remi mérite mieux ! Mais il fallait dessiner des épures, des prismes et autres objets avec ombre portée… Chez ce garçon, un autre dessin est inné ! Ne vous en faites pas, on en reparlera »[11]. Hergé et sa famille n'ont pas vécu au 26, rue du Labrador, — adresse fictive de Tintin —, mais dans un quartier à cheval entre Ixelles et Etterbeek[12], au 97 rue de l'Orient[13] et sa grand-mère Antoinette Roch vivait à quelques pas dans la même rue[13].
La passion du dessin
[modifier | modifier le code]Durant sa scolarité, Georges Remi recouvre ses cahiers de dessins et de croquis. Tout est prétexte pour lui à dessiner et c'est en autodidacte qu'il se forme[a 9]. Il consigne ses observations sur le papier et chaque sortie de la troupe scoute est pour lui comme un reportage[f 2]. Il est également fasciné par l'Amérique des cow-boys et des Indiens, et pendant l'automne 1922, à l'occasion de la fête de l'aumônier Hansen, le créateur de sa troupe scoute, il dessine une vaste fresque sur un mur de l'Institut Saint-Boniface[c 6] qui reprend ce thème, de même que des chevaliers en armure[14]. Cette œuvre est classée en 2022 au patrimoine remarquable de Belgique[14],[15].
Dès 1922, certains de ses dessins font l'objet d'une publication dans le bimensuel Jamais Assez[f], revue de la troupe de Saint-Boniface dont le tirage est limité aux scouts du collège[f 3]. À l'initiative de René Weverbergh, il rejoint ensuite l'équipe d'illustrateurs du Boy-Scout, la revue mensuelle des Belgian Catholic Scouts[f 3],[b 1],[c 6]. C'est dans ce périodique qu'il signe pour la première fois, en , « Hergé », en inversant ses initiales[c 6].
Au début de l'été 1923, Hergé fonde l'« Atelier de la Fleur de Lys » avec Pierre Ickx, un dessinateur plus âgé que lui[f 4]. Il en rédige le manifeste théorique qu'il publie dans Le Boy-Scout[16]. Dans le même temps, il commence à publier des illustrations dans Le Blé qui lève, l'hebdomadaire des avant-gardes de l'Action catholique de la jeunesse belge[f 4]. Cette association s'inscrit dans le mouvement initié par le pape Léon XIII et poursuivi par le cardinal Mercier dont l'objectif est de relancer l'enthousiasme religieux qui commence à péricliter au sein de la société belge et plus largement européenne[i 3]. En , il réalise pour cette revue une bande de quatre dessins sur les « plaisirs du vélo » où un cyclotouriste regonfle son pneu tellement fort qu'il le fait exploser[17],[b 2]. D'après Philippe Goddin, il s'agit de la première bande dessinée d'Hergé au sens strict du terme dans la mesure où « la séquence proposée se révèle parfaitement close »[f 5].
Quelques mois plus tôt, en , Le Boy-Scout publie son premier enchaînement d'illustrations[b 1] : il s'agit d'un gag en deux images, intitulé L'Appel du clairon, qui montre de jeunes scouts plus empressés de déguster leur soupe que d'effectuer leur corvée d'épluchures. Dans cette courte séquence, le dessinateur innove par l'emploi de phylactères[18],[f 6]. Parmi ses autres réalisations figurent de nombreuses têtes de rubriques, des illustrations de contes, de petits gags, ainsi que l'emblème de la Jeunesse indépendante catholique (JIC), constitué d'un aigle noir tenant le bouclier armorié JIC[i 3]. La même année, René Weverbergh lui offre un ouvrage intitulé Anthologie d'Art afin qu'il perfectionne son coup de crayon[d 8].
À la fin de ses humanités, Georges Remi n'envisage pas de faire des études supérieures, tout comme ses parents considèrent qu'il est temps pour lui de trouver un métier[a 10]. L'été 1925 marque non seulement la fin de ses études mais aussi une profonde blessure sentimentale, causée par sa rupture avec Marie-Louise van Cutsem, surnommée « Milou ». Les deux adolescents, amis depuis l'enfance[g] car leurs familles se fréquentent et passent certaines de leurs vacances ensemble en bord de mer à Ostende[a 10],[d 9], avaient entamé une relation amoureuse pendant l'été 1924. Le père de Marie-Louise, un décorateur de renom qui travaille notamment pour Victor Horta, voit leur union d'un mauvais œil : il s'oppose à leurs fiançailles et exige que sa fille rompe avec un garçon qu'il juge sans avenir[a 10].
Première carrière de dessinateur (1925-1929)
[modifier | modifier le code]Entrée au Vingtième Siècle, début des aventures de Totor dans Le Boy-Scout (1925-1926)
[modifier | modifier le code]Ses études secondaires terminées, Hergé cherche désormais du travail. Sur la recommandation de l'abbé Armand Wathiau, directeur de l'Institut Saint-Boniface, il rencontre la direction du Vingtième Siècle qui lui propose un poste d'employé[b 3]. Ce journal bruxellois, dirigé par l'abbé Norbert Wallez, est résolument conservateur et se définit d'ailleurs comme un « journal catholique de doctrine et d’information »[a 11]. Georges Remi est engagé à partir du au service des abonnements du quotidien et son travail consiste principalement à inscrire le nom des nouveaux abonnés sur des formulaires spéciaux et à traiter du courrier[b 3],[d 10]. Dans le même temps, ses parents l'inscrivent aux cours de dessin de l'école Saint-Luc, mais il n'assiste cependant qu'à un seul cours[a 12],[f 7] : « Le plâtre, ça ne m'intéressait pas : je voulais dessiner des bonshommes, moi, des choses vivantes ! Or, à l'époque et dans ce milieu catholique, il était exclu que je fisse du modèle vivant : le nu, c'était Satan, Belzébuth et compagnie[e 3]. » À cette époque, Hergé pratique également le théâtre avec ses amis Philippe Gérard et José de Launoit, au sein de la troupe des « Gargamacs », née de la fusion de deux groupes d'anciens scouts du collège Saint-Boniface[a 13].
Son travail de « gratte-papier » au Vingtième Siècle le passionne peu[a 13]. Hergé conserve néanmoins ses responsabilités d'illustrateur pour Le Boy-Scout et Le Blé qui lève, et commence à publier des dessins dans L'Effort, magazine de l'Association de la Jeunesse Étudiante Catholique. Ces divers travaux lui apparaissent comme une bouffée d'oxygène[f 7]. Dans le numéro de du Boy-Scout, il fait paraître en pages centrales les premières planches des Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons, un « grand film comique »[b 4]. Il ne s'agit pas encore à proprement parler de bande dessinée dans la mesure où l'image en noir et blanc est quasiment dépourvue de phylactères, le texte étant placé sous les vignettes[b 4].
La suite des aventures de ce scout débrouillard, souvent reconnu comme l'ancêtre de Tintin, connaît une série d'interruptions. Le , le dessinateur est appelé au service militaire, affecté à la 4e Compagnie du 1er Régiment de Chasseurs à pied à Mons. Candidat sous-lieutenant de réserve, il doit effectuer deux mois de plus que les simples soldats, et la vie de caserne l'ennuie profondément[a 14]. Fin , sa compagnie est réquisitionnée pour surveiller l'avion de Charles Lindbergh, en visite en Belgique après son exploit aérien, à l'aérodrome de Bruxelles[d 11],[19]. Bien qu'en permission ce jour-là, Hergé assiste à l'évènement qui le marque profondément, lui qui se passionne pour les symboles de la modernité que sont les avions[19],[20].
Totor ne fait son retour dans le Boy-Scout qu'en , l'histoire reprenant à la septième planche[d 12]. Sa publication est de nouveau interrompue au mois d'avril suivant et ne reprend qu'en dans Le Boy-Scout belge, une nouvelle revue née de la fusion de deux magazines. Pour l'occasion, une douzaine d'illustrations qui résument les premiers épisodes accompagnent les nouvelles planches afin de permettre aux nouveaux lecteurs de comprendre l'histoire[b 4]. Les Aventures de Totor s'achèvent finalement dans le numéro de juin-juillet 1929, après un total de 21 épisodes[b 4].
Dessins pour Le Vingtième Siècle et ses suppléments (1927-1928)
[modifier | modifier le code]Libéré de ses obligations militaires, Hergé rencontre l'abbé Norbert Wallez, directeur du Vingtième Siècle. Il lui présente ses dernières productions, notamment les illustrations qu'il a réalisées pour le roman L'Âme de la mer de son ami Pierre Wessels, dit Pierre Dark, un ouvrage édité par René Weverbergh, également membre de la rédaction du journal. Par ailleurs, il rappelle au directeur qu'il est l'auteur d'une illustration pour la marque de cirage Kortine, publiée une première fois dans les pages du quotidien le avant d'être reproduite à de nombreuses reprises[f 8]. Après plusieurs rencontres, Norbert Wallez lui propose une promotion et l'engage en qualité de reporter-photographe et dessinateur, à compter du [c 7],[f 9]. C'est au Vingtième Siècle que le dessinateur fait la connaissance de Germaine Kieckens, embauchée comme secrétaire de l'abbé Wallez le [d 13] et qui ne le laisse pas insensible[a 15]. Il l'invite parfois à faire des promenades en barque et lui rend visite pendant ses vacances[a 15].
Hergé multiplie les contributions pour le journal, même si ses premiers travaux, plutôt ingrats, consistent en la réalisation de graphiques, de cartes didactiques ou de frises décoratives[a 16], toutes illustrations dépourvues de fantaisie[f 9]. Il est bientôt chargé d'illustrer les pages du supplément culturel du quotidien, Le Vingtième Siècle Artistique et Littéraire, ce dont il profite pour expérimenter de nouveaux instruments et de nouvelles techniques[i 4]. Il met notamment en image des récits de Léon Tolstoï, Selma Lagerlöf, Maurice Genevoix, Felix Salten ou Guido Milanesi[a 17] et se perfectionne dans le lettrage et la composition[a 17].
En parallèle, Hergé accepte d'illustrer Une petite araignée voyage, le récit de René Verhaegen, son ancien camarade de l'Institut Saint-Boniface[f 10] publié dans la rubrique « Le Coin des petits » entre le et le [b 5]. Les deux hommes poursuivent leur collaboration avec deux autres récits, Popokabaka, l'histoire du voyage d'un souverain d'un petit peuple congolais qui paraît du au , puis La Rainette, une histoire publiée du au de la même année[i 5],[b 5].
Création du Petit Vingtième (1928-1929)
[modifier | modifier le code]Satisfait de son travail, Norbert Wallez lui confie la responsabilité du supplément hebdomadaire destiné à la jeunesse que l'abbé veut lancer pour agrandir le nombre de ses lecteurs[f 11]. Le Petit Vingtième, dont le premier numéro paraît le [b 6], prend la forme d'un petit journal à détacher[f 11]. En tant que rédacteur en chef, Hergé sélectionne les articles et assure leur mise en page, mais il illustre également les titres de rubriques et divers récits[f 11].
Dès son lancement, L'Extraordinaire aventure de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet, un récit scénarisé par le chroniqueur sportif et judiciaire du Vingtième Siècle, Armand De Smet (qui signe sous le pseudonyme Smettini) et dont Hergé assure la réalisation graphique, occupe les pages centrales du supplément[b 6]. L'histoire raconte les aventures de trois jeunes adolescents et d'un cochon gonflable, dont le cerf-volant s'accroche au train d'atterrissage d'un avion parti pour le Congo[b 6]. Elle se déroule sur un fond colonialiste et proclérical très en vogue à l'époque, en particulier lorsque les enfants, prisonniers dans un village de cannibales, sont sauvés par la bienveillance d'un missionnaire catholique[h]. La publication du récit s'étale pendant dix semaines, jusqu'au , pour un total de 20 planches[b 6], mais selon l'écrivain Benoît Peeters, « Le texte […] est d'une niaiserie absolue et le scénario […] est d'une désespérante platitude. Et les dessins d'Hergé, du reste non signés, sont aussi maladroits que bâclés »[a 18]. Hergé lui-même qualifie ce récit de « fantaisiste mais consternant », et reconnaît son malaise dans l'exécution d'un travail narratif qui n'est pas le sien : « Je me sentais comme dans un costume mal coupé qui me gênait aux entournures »[c 8]. Il prend d'ailleurs la liberté d'insérer des bribes de dialogue dans des phylactères et adapte à sa guise le texte livré par Smettini[f 12].
Tintin et Milou au Petit Vingtième (1929-1931)
[modifier | modifier le code]Genèse de Tintin
[modifier | modifier le code]Parallèlement à ses travaux dans Le Petit Vingtième, Hergé poursuit ses publications dans d'autres revues. C'est dans le numéro du du Sifflet, un hebdomadaire dominical, satirique et catholique, qu'il publie ses deux premières véritables bandes dessinées, c'est-à-dire des histoires qui intègrent de manière récurrente des phylactères en lieu et place de légendes sous le dessin[b 7]. Il en assure lui-même la conception, trouvant là l'opportunité d'adopter ses propres principes[f 13]. Ces deux récits, Réveillon et La Noël du petit enfant sage, prennent chacun la forme de quatre bandes réparties sur une planche[b 8],[a 18],[i]. Séduit par ces histoires qu'il juge plus vivantes, l'abbé Norbert Wallez propose à Hergé de reprendre les personnages de La Noël du petit enfant sage pour en faire les héros d'un nouveau récit à paraître dans Le Petit Vingtième et dont le dessinateur rédigerait lui-même le scénario[a 18].
Pour sa nouvelle histoire, Hergé affirme avoir créé son personnage principal en cinq minutes[c 9]. Il reprend le personnage de Totor, modifie son nom en Tintin, lui adjoint un petit fox-terrier blanc, Milou[j], et lui attribue le métier de reporter[a 19]. D'après les dires du dessinateur, son personnage emprunte le visage, le caractère, le geste et les attitudes de son propre frère cadet, Paul Remi[a 19],[h 2]. À la demande de l'abbé Wallez, Hergé envoie son héros en URSS et le récit est ouvertement anticommuniste, suivant ainsi la ligne éditoriale du quotidien[a 19],[c 10]. Il entend dénoncer les crimes perpétrés par les bolcheviks[h 3], une idée assez largement répandue à l'époque en Belgique[e 4][k]. Hergé lui-même avait fait paraître des caricatures anticommunistes dans Le Sifflet quelques mois plus tôt[a 19]. Dès l'origine, Les Aventures de Tintin recouvrent donc une fonction politique[23] et le héros est présenté comme un idéal de journalisme d'investigation[24].
Lancement des Aventures de Tintin
[modifier | modifier le code]Les deux premières planches de Tintin au pays des Soviets paraissent le dans Le Petit Vingtième[a 19]. Hergé exécute et livre deux planches par semaine qui enchaînent les gags et les péripéties sans que l'auteur ait encore une idée bien précise de la construction de son récit[25],[h 3]. D'ailleurs, il n'imagine pas encore que son héros vivra au-delà de cette aventure, décrivant plus tard sa naissance comme « une blague entre copains, oubliée le lendemain »[26]. Pour élaborer le scénario, Hergé s'inspire d'une source unique que lui fournit l'abbé Wallez, le livre Moscou sans voiles paru sous la plume du diplomate belge Joseph Douillet en 1928[a 19]. Les scènes politiques sont cependant assez rares dans l'aventure, qui présente une succession de bagarres et de poursuites à bord d'engins mécaniques que Tintin s'approprie et maîtrise avec une étonnante facilité[a 20]. Comme le souligne Benoît Peeters, Hergé « ne s'embarrasse d'aucun souci de vraisemblance », mais il témoigne déjà d'une grande maîtrise dans la représentation du mouvement[a 20]. Le graphisme du personnage, dont le trait s'affine, évolue lui aussi au fil de la publication[h 4].
Le sort un numéro spécial qui comprend pour la première fois une couverture de Tintin réalisée par Hergé, mais aussi deux planches imprimées en bichromie[b 9]. La rédaction du journal propose une série d'innovations, comme la publication d'une fausse lettre de la Guépéou prétendument envoyée au Petit Vingtième pour lui demander de mettre un terme à l'activité de son reporter, un mélange de fiction et de réalité qui permet de fidéliser les lecteurs[b 9],[h 4]. De même, au terme de l'aventure, le retour de Tintin en Belgique est célébré par le journal comme si ses aventures avaient réellement eu lieu[d 14],[b 10]. Le , à la Gare du Nord de Bruxelles, un jeune scout déguisé en Tintin fait une arrivée triomphale devant une foule de lecteurs attirés par la publicité lancée les jours précédents dans les pages du Vingtième siècle[a 21],[b 10]. L'album, édité en , est vendu à 10 000 exemplaires, un succès remarquable à l'échelle de la Belgique francophone[a 21].
Dès sa première aventure, le héros créé par Hergé s'exporte en dehors des frontières de son pays. L'hebdomadaire catholique français Cœurs vaillants reprend l'histoire dès le mois d'octobre 1930[b 11], mais son directeur l'abbé Gaston Courtois, qui juge les phylactères insuffisants, fait adapter le récit en y ajoutant des textes explicatifs sous le dessin, sans en avertir l'auteur[b 11],[c 11]. Après les plaintes de ce dernier, l'hebdomadaire cesse ces retouches[b 11]. Mais globalement, les premiers albums d’Hergé ne sont que des succès modestes par leurs tirages[27], et les journaux qui publient ses aventures n’ont que des tirages modestes[28], en France comme en Belgique.
Quick et Flupke et Tintin au Congo (1930-1931)
[modifier | modifier le code]Le , Le Petit Vingtième lance une nouvelle série créée par Hergé : Quick et Flupke[a 22],[b 9],[l]. Leurs aventures paraissent dans les pages de l'hebdomadaire de façon continue jusqu'en 1935, tous les jeudis, puis de façon plus irrégulière jusqu'en 1940[b 12], le plus souvent sous la forme d'un gag en deux planches[a 22]. Dans cette bande dessinée, Hergé renonce à l'exotisme et met en scène deux enfants intrépides de Bruxelles qui se jouent de l'autorité, si bien qu'ils s'affirment d'emblée comme le parfait contrepoint de Tintin[a 22],[h 5]. Cette nouvelle série connaît elle aussi le succès : la Radio Catholique Belge organise quelques émissions improvisant une interview fictive des deux gamins de Bruxelles[d 15].
Le tirage du Petit Vingtième s'accroît fortement, étant multiplié par six le jour où paraît Tintin[h 6], si bien que l'équipe s'agrandit pour faire face au surcroît de travail que demande sa préparation. Après le recrutement d'Eugène van Nijverseel, dit Evany, au début de l'année 1929, Paul Jamin est engagé comme collaborateur d'Hergé en [a 23],[m]. Tintin reste le personnage phare du périodique et Norbert Wallez souhaite que ses aventures se poursuivent[a 24]. Dans un premier temps, Hergé veut envoyer son héros aux États-Unis pour évoquer la culture amérindienne qui le fascine depuis l'enfance[j 1],[d 16], mais l'abbé s'y oppose et choisit le Congo belge pour tenter de faire naître une vocation coloniale chez les jeunes lecteurs[c 12], alors que ce territoire est confronté à une pénurie de main-d'œuvre européenne qui menace son développement[a 24]. Le récit est aussi l'occasion d'exalter l'œuvre d'évangélisation et d'enseignement des missionnaires auprès des Africains[29].
L'histoire débute le [b 13]. Pour en établir le scénario, Hergé se documente surtout par le biais du musée royal de l'Afrique centrale. Au total, 118 planches se succèdent jusqu'au [b 13]. Malgré le peu d'enthousiasme du dessinateur pour cette aventure[a 24], Tintin au Congo est un succès : le retour triomphal de Tintin et Milou à la gare du Nord de Bruxelles est une nouvelle fois mis en scène devant une foule en liesse[h 6],[b 13].
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Foule réunie pour l'accueil des héros.
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Tintin et Milou accueillis par Quick et Flupke.
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Image de la foule en liesse.
Autres travaux et engagement catholique
[modifier | modifier le code]Malgré son investissement dans Le Petit Vingtième, Hergé poursuit diverses contributions. Pendant l'année 1929, il publie quelques bandes dessinées satiriques pour Le Sifflet, raillant notamment les députés socialistes belges Jean-Baptiste Schinler et Émile Vandervelde[30],[b 8]. Au début des années 1930, il participe parfois au supplément Votre Vingtième, Madame, y réalisant des couvertures d'esprit « Art déco » très différentes de ses productions habituelles : c'est l'image de la femme libérée de l'entre-deux-guerres qui transparaît ici, venue tout droit des États-Unis et influencée par les Années folles. Il dresse des portraits de femmes faisant du sport, pilotant une automobile ou encore un bateau[i 6]. En parallèle, Hergé réalise des centaines de publicités qui témoignent de sa maîtrise du lettrage et de la composition. Il travaille aussi bien pour des œuvres associatives que pour des marques industrielles[i 7].
Hergé est par ailleurs un membre actif des mouvements d'Action catholique. En 1930, il est d'ailleurs vice-président de la Jeunesse indépendante catholique, où il rencontre Raymond De Becker, dont il accepte d'illustrer deux brochures, Le Christ, roi des affaires en 1930 puis Pour un ordre nouveau deux ans plus tard. La même année, il dessine l'affiche du premier « Congrès politique de la jeunesse » sur le thème « La jeunesse et la transformation du régime », pour lequel il livre une image nettement fascisante[a 25]. C’est en 1928 qu’il fait la connaissance d’une figure nationaliste belge très controversée, Léon Degrelle, qui travaille comme lui à la rédaction du Vingtième Siècle[31] mais qui part au Mexique en 1929[32] et se fait embaucher chez Rex en 1930[33]. En dessinant la couverture de son Histoire de la guerre scolaire[i 8], le jeune Hergé ne fait que répondre à une commande du groupe Rex[31]. Leurs relations se refroidissent même rapidement, en 1932, quand Degrelle utilise sans son accord[33] une affiche réalisée par Hergé, sur laquelle figure une tête de mort protégée par un masque à gaz, avec le slogan « Contre l'invasion, votez pour les catholiques »[a 26],[c 13]. Léon Degrelle a déclaré dans ses mémoires posthumes, publiées en 2000, six ans après sa mort et considérées comme « mégalomanes », qu’il était le meilleur ami d’Hergé, information catégoriquement démentie par les historiens. Il ne faisait pas partie du groupe d’amis du jeune Hergé et n’a pas été invité à son mariage en 1932 même s’ils ont pû être tous deux invités à dîner chez l’abbé Wallez, le directeur de leur journal[33].
Début d'une industrie (1931-1939)
[modifier | modifier le code]Tintin de l'Amérique à l'Orient
[modifier | modifier le code]En , Hergé rencontre l'un de ses modèles déclarés, le dessinateur français Alain Saint-Ogan, créateur de la série Zig et Puce, et reçoit ses encouragements à persévérer dans le métier de la bande dessinée[c 14],[g 1]. Il se lance ensuite dans la préparation de Tintin en Amérique, dont les planches commencent à paraître le dans Le Petit Vingtième et ce jusqu'au [h 7]. Pour cette aventure qui entend dénoncer la pègre de Chicago, tout en témoignant de la fascination de l'auteur pour les États-Unis, Hergé se documente principalement à partir d'un numéro spécial du Crapouillot paru en et de l'ouvrage Scènes de la vie future de Georges Duhamel[a 27]. Pour la première fois, il intègre un personnage réel à son récit, à savoir le célèbre bandit Al Capone[34]. Bien que l'album livre une critique acerbe de la « folie américaine »[a 27], dans un récit qui témoigne d'un « antiaméricanisme primaire, viscéral et rabique » selon le philosophe Rémi Brague[35], Tintin en Amérique apparaît moins caricatural sur le plan idéologique que son prédécesseur[a 27].
Le , les premières planches des Aventures de Tintin en Orient apparaissent dans Le Petit Vingtième. Hergé entame un processus de transformation de son œuvre et affiche une ambition plus littéraire : pour la première fois, il lance son héros dans une véritable enquête policière[a 28]. La parution s'accompagne d'une rubrique « Le mystère Tintin », animée par Paul Jamin et qui permet aux lecteurs de donner leur point de vue sur l'affaire en cours[b 14]. À travers cette aventure, Hergé exploite le thème de la malédiction du pharaon, à une époque où la fascination pour l'Égypte antique est encore très forte en Belgique comme en Europe, notamment depuis la découverte de la mystérieuse affaire du tombeau de Toutânkhamon quelques années plus tôt[36]. Mais c'est bien l'affrontement entre Tintin et des trafiquants de stupéfiants qui est au cœur du récit, Hergé s'inspirant notamment du récit autobiographique de Henry de Monfreid, qu'il représente dans l'aventure[h 8]. Cet épisode marque également l'entrée dans la série des personnages de Dupond et Dupont et de Roberto Rastapopoulos[a 28].
Au début du mois d', Hergé entre en contact avec l'éditeur tournaisien Casterman qui obtient finalement, après avoir indemnisé Norbert Wallez, le droit d'éditer tous les albums de l'auteur en langue française[c 15]. Le contrat, signé en , permet en outre au dessinateur de s'ouvrir au marché français, une perspective très prometteuse[d 17]. Tintin en Orient s'achève le , après la parution des 124 planches réunies en album sous le titre Les Cigares du pharaon, le premier édité chez Casterman au mois de [a 29]. Entre-temps, le , Hergé épouse Germaine Kieckens avec la bénédiction de l'abbé Wallez qui célèbre le mariage dans une église bruxelloise. Les jeunes mariés s'installent le mois suivant au no 18 rue Knapen à Schaerbeek[d 18],[a 30].
Évolution vers le récit construit
[modifier | modifier le code]Après la diffusion des Aventures de Popol et Virginie au Far West, une bande dessinée animalière assez éloignée du souci de crédibilité recherché avec Tintin[a 31], l'auteur retrouve son héros fétiche dans une aventure qu'il a soigneusement préparée. Après l'annonce du futur voyage de Tintin à Shanghai, l'abbé Gosset, aumônier des étudiants chinois à l'université de Louvain, l'exhorte à ne pas montrer les Chinois dans la vision caricaturale que les Occidentaux leur attribuent trop souvent. C'est ainsi qu'Hergé fait la connaissance d'un étudiant chinois de l'Académie des beaux-arts de Bruxelles, Tchang Tchong-Jen[a 32]. Une amitié sincère se noue entre les deux hommes et le jeune étudiant fournit une mine d'informations à Hergé, lui apportant de la documentation et veillant à l'authenticité de chaque détail. Il lui donne également des conseils en matière de dessin[a 32]. Par les discussions avec son ami comme par ses lectures personnelles, Hergé découvre une Chine différente de ses représentations et livre un chef-d'œuvre d'exigence et de réalisme[37]. Par la rencontre de Tchang, qui devient lui-même un personnage de l'aventure, Tintin « accède à la dignité de héros romanesque »[37]. Le Lotus bleu, dont la parution s'étale du au , est aussi un récit engagé sur le plan politique, qui dénonce l'impérialisme japonais[38]. Cet engagement perdure quelques années plus tard, en : dix jours après le massacre de Nankin, un appel à aider les Chinois paraît dans Le Petit Vingtième, accompagné d'un dessin d'Hergé, où Tintin désigne au lecteur une famille chinoise dans les ruines d'une maison[39].
Après l'épisode chinois, Hergé revient à l'aventure débridée avec L'Oreille cassée, qui démarre le dans Le Petit Vingtième. Une nouvelle fois, l'auteur inscrit son histoire dans l'actualité de son époque. Il transpose la guerre du Chaco qui oppose la Bolivie et le Paraguay en créant deux états fictifs, le San Theodoros et le Nuevo Rico, puis évoque la disparition de l'explorateur Percy Fawcett dans la jungle brésilienne dix ans auparavant[23],[d 19]. L'Oreille cassée marque une évolution importante dans la série car c'est la première histoire qui repose sur une véritable idée de scénario : bien qu'elle emboîte encore plusieurs énigmes et enchaîne les péripéties à un rythme effréné, l'aventure conserve une certaine unité grâce à la présence d'un élément récurrent, à savoir le fétiche arumbaya[a 33].
Le , Hergé et son épouse Germaine emménagent au no 12 place de Mai à Woluwe-Saint-Lambert, dans la banlieue bruxelloise. Désormais, l'auteur prend conscience de ses droits et s'adjoint les services d'un avocat, maître Dujardin : les bénéfices des 6 000 exemplaires tirés du Lotus bleu en lui reviennent seul et non plus à l'abbé Wallez. Par ailleurs, l'artiste commence à rêver d'une boutique Tintin et Milou à Bruxelles où l'on vendrait des produits dérivés du célèbre reporter[d 20].
En , Hergé dessine les toutes premières planches de L'Île Noire. Le mois suivant, il se rend en Angleterre en compagnie d'un groupe d'amis scouts de l'Institut Saint-Boniface et ce voyage sur la côte sud du pays lui offre l'occasion d'effectuer quelques travaux de repérage afin d'accroître la vraisemblance des paysages et des lieux où il s'apprête à faire évoluer Tintin[g 2]. Le scénario de l'aventure met le héros sur les traces d'une bande de faux-monnayeurs, le tout sur fond de mystère et de traditions écossaises[d 21]. L'auteur témoigne de sa nouvelle maîtrise de la narration, alternant les scènes cruciales avec des séquences digressives qui apportent une touche comique au récit, ménagent le suspense et agissent comme une sorte de respiration au cœur d'une intrigue pleine de tension[g 3]. Inscrite dans une longue tradition littéraire qui mêle le récit d'aventures et le roman gothique[g 4], L'Île Noire intègre également des éléments de son époque, le personnage du gorille Ranko évoquant le succès au cinéma de King Kong quelques années plus tôt[h 9].
À la fin des années 1930, Hergé connaît une certaine aisance financière. Ses revenus, encore modestes, ont fortement augmenté ces dernières années entre son salaire au Vingtième Siècle, les droits d'auteurs qu'il perçoit et les travaux de commande qu'il effectue[n]. Il en profite pour acquérir sa première voiture en 1938, une Opel Olympia qu'il dessine notamment dans sa nouvelle aventure, Le Sceptre d'Ottokar, qui commence à paraître le [a 34],[40]. Ce récit s'inscrit fortement dans l'Histoire et l'actualité de son époque[c 16],[41], tant les signes de l'imminence d'un second conflit mondial sont innombrables[h 10]. De l'aveu même du dessinateur, Le Sceptre d'Ottokar est le récit d'un Anschluss raté[42]. Il met en scène la tentative d'annexion de la Syldavie, un petit État fictif de la péninsule des Balkans, par la Bordurie voisine[a 35]. L'auteur multiplie les références historiques et géographiques à l'Europe centrale, mais la Syldavie apparaît également comme « une métaphore de la Belgique et de son neutralisme »[a 35]. Par ailleurs, l'album emprunte une nouvelle fois à l'histoire familiale d'Hergé, tant l'aventure développe la question de la gémellité et la problématique de l'identité[a 35].
Autres périodiques et travaux de commande
[modifier | modifier le code]À la fin de l'été 1931, Hergé crée un récit illustré pour les magasins bruxellois « À l'innovation », diffusé dans un fascicule de quatre pages distribué chaque jeudi aux enfants de la clientèle. Inspiré des personnages de Walt Disney, Les Aventures de Tim l'écureuil au Far West mettent en scène des animaux anthropomorphes et se composent de seize épisodes, diffusés du au suivant[b 15]. L'histoire est remaniée quelques années plus tard, en , sous le nom des Aventures de Popol et Virginie au Far West qui paraissent dans Le Petit Vingtième[b 16],[43].
En , Hergé publie un gag en deux planches dans le numéro de lancement de Mon avenir, journal mensuel édité par la Jeunesse ouvrière chrétienne. Intitulé Un prévenu… en vaut deux !, il met en scène les personnages de Fred et Mile, qui ne sont pas sans ressemblance avec Quick et Flupke, ce qui n'est pas du goût de Norbert Wallez. Ce dernier rappelle au dessinateur le contrat d'exclusivité qui le lie au Vingtième Siècle[b 15],[d 22]. En 1932, Hergé réalise une série de huit planches humoristiques, Cet aimable Monsieur Mops, pour l'enseigne de grands magasins « Au Bon Marché »[b 15]. La même année, à l'occasion de la semaine scoute, il fournit un gag en deux planches pour Le Boy-Scout Belge, intitulé Méthode Visage-Pâle. Méthode Baden-Powell, repris dans le mensuel Le Scout de France. Il entame une collaboration avec l'hebdomadaire féminin Vie Heureuse, faisant paraître Les Aventures de Tom et Millie dans Pim et Pom, son supplément pour la jeunesse. Après la parution d'un gag en deux planches, Hergé entame une série publiée chaque mardi du au . Par précaution, ces travaux sont signés des seules initiales R.G., pour ménager la susceptibilité de l'abbé Wallez[b 15]. Pour les mêmes raisons, Hergé ne signe pas la bande dessinée humoristique Preuves à l'appui qu'il publie le dans le deuxième numéro de Vers le vrai, un hebdomadaire éphémère fondé par son ami Julien de Proft[b 15]. William Ugeux qui, en 1935, succède à l'abbé Wallez à la tête du Vingtième Siècle, se montre aussi intransigeant et refuse la participation de son dessinateur à l'hebdomadaire catholique flamand Ons Volk Ontwaakt[b 15].
À la fin de l'année 1935, l'abbé Gaston Courtois, directeur de l'hebdomadaire Cœurs vaillants qui assure la diffusion française des Aventures de Tintin, commande au dessinateur une nouvelle série typiquement familiale et qui met en scène des héros plus réalistes que Tintin, dotés d'une famille[a 36],[b 17]. Le Rayon du mystère, premier épisode des Aventures de Jo, Zette et Jocko, commence à paraître le [b 17],[d 23]. Les productions d'Hergé se diffusent peu à peu au niveau européen : les aventures de Tintin sont publiées dès 1932 en Suisse par l'hebdomadaire L'Écho illustré[b 18], puis à partir de 1936 au Portugal dans O Papagaio[b 19].
Pendant toute cette période, le dessinateur continue d'honorer diverses commandes. En 1934, il signe la couverture et plusieurs illustrations de La Légende d'Albert Ier, ouvrage de son ami Paul Werrie consacré au roi mort récemment après un accident d'escalade[h 11],[a 29]. La même année, il réalise pour Casterman les couvertures d'une série d'albums pour la jeunesse, L'Oiseau de France[a 29]. En 1937, il conçoit Les Mésaventures de Jef Debakker en quatre planches pour la marque de briquettes de lignite Union[h 12].
Pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1944)
[modifier | modifier le code]Avant l’invasion allemande
[modifier | modifier le code]Au printemps 1939, Georges et Germaine Remi séjournent à Paris. Ils sont notamment invités au Vélodrome d'Hiver par le journal Cœurs vaillants pour écouter l'interprétation de « La Chanson de Tintin et Milou »[d 24], puis ils s'installent le dans un nouvel immeuble, au no 17 de l'avenue Delleur à Watermael-Boitsfort[a 37].
Fin août, Le Petit Vingtième annonce le début d'une nouvelle aventure, mais son lancement est retardé : après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le lieutenant Hergé est mobilisé le . Il est affecté dans le petit village d'Herenthout et chargé de réquisitionner les bicyclettes des environs[a 37]. Démobilisé provisoirement le , le dessinateur se remet au travail, de sorte que les premières planches de Tintin au pays de l'or noir sont publiées le suivant[a 37]. Le , son ancien ami scout Raymond De Becker lance la revue L'Ouest, un hebdomadaire officiellement neutre et prônant la solidarité entre les pays de l'Ouest mais plus certainement favorable à l'Allemagne et soutenu, selon M. Benoît-Jeannin, par l'ambassade d'Allemagne à Bruxelles. Hergé dessine un gag pour chacun des quatre premiers numéros du magazine, visiblement pour se moquer des Belges qui souhaitent combattre l’Allemagne nazie en mettant en scène le personnage de Monsieur Bellum, un Belge francophile souhaitant mener la guerre contre l’Allemagne[a 38],[d 25].
De nouveau mobilisé le , l'artiste continue cependant d'envoyer des dessins depuis sa caserne[a 39],[d 26]. Il refuse d'ailleurs le concours de Pierre Ickx qui lui propose de réaliser les planches à sa place[a 37]. Affecté à Anvers, Hergé ne peut plus fournir qu'une planche par semaine à partir du mois de février, mais il bénéficie de certains privilèges : grâce à l'intervention de l'ancien ministre Charles du Bus de Warnaffe, il obtient deux jours de congé par semaine pour réaliser ses dessins[a 39]. Le , il est autorisé à rentrer chez lui pour raisons médicales, avant d'être définitivement déclaré inapte au service le par la direction de l'hôpital militaire de Bruxelles[a 39]. Ce même jour, l'invasion de la Belgique par les troupes allemandes entraîne l'interruption du Vingtième Siècle et, de fait, celle de Tintin au pays de l'or noir[a 39]. À ce stade, seules 56 planches ont été publiées[b 20].
Entrée au « Soir volé » sous influence allemande
[modifier | modifier le code]Après les premiers bombardements, Georges et Germaine Remi, accompagnés de leur belle-sœur et de leur nièce, quittent Bruxelles sur les conseils de William Ugeux, directeur du Vingtième Siècle. Après une courte halte à Paris, ils rejoignent Saint-Germain-Lembron dans le Puy-de-Dôme, où ils espèrent trouver refuge chez le dessinateur Marijac. Ce dernier étant mobilisé, c'est sa femme qui accepte de les loger dans une maison voisine. Ils y passent six semaines dans une grande inquiétude, sans nouvelles de leurs proches restés en Belgique[a 40]. Le , les Remi reprennent la route de Bruxelles, où ils arrivent le , au moment où le roi Léopold III appelle ses sujets à reprendre le travail[d 27], alors que le pays est occupé et placé sous l'autorité d'une administration militaire allemande : leur maison est d'ailleurs réquisitionnée pour loger un officier de la Propagandastaffel[a 40].
Avec l'arrêt du Vingtième Siècle, la situation d'Hergé se précarise : le quotidien, qui lui doit plusieurs mois de préavis, ne peut reparaître faute d'autorisation, et c'est auprès de son ami Charles Lesne, son interlocuteur chez Casterman, qu'il sollicite une aide financière[a 41]. Après avoir refusé l'offre de Victor Matthys, qui lui propose de créer un supplément jeunesse pour Le Pays réel, l'organe de presse du mouvement Rex, il accepte celle du Soir[a 41], bien que le journal soit sous influence allemande. Depuis la mi-juin, ce quotidien reparaît sous contrôle allemand, d'où le surnom de « Soir volé » que lui attribue une partie de la population pour dénoncer son orientation germanophile. Son rédacteur en chef, Raymond De Becker, lui propose la création d'un supplément sur le modèle du Petit Vingtième. Sa période d'essai débute le et le premier numéro du Soir-Jeunesse paraît deux jours plus tard, contenant une nouvelle aventure de Tintin, Le Crabe aux pinces d'or[b 21]. Pour l'artiste, il s'agit d'une aubaine : outre la possibilité de développer ses créations et de s'assurer des revenus réguliers[c 17], le tirage du Soir, près de vingt fois supérieur à celui du Petit Vingtième, atteint 300 000 exemplaires, ce qui en fait le premier quotidien belge, de sorte qu'Hergé augmente considérablement le cercle de ses lecteurs[b 21],[d 28].
Au Soir, Hergé retrouve Paul Jamin, son ancien collaborateur du Petit Vingtième qui dessine aussi pour Le Pays réel et le Brüsseler Zeitung, journal quotidien de l'occupant[a 42]. Il rencontre également le peintre et illustrateur Jacques Van Melkebeke, embauché quelques mois plus tôt pour tenir la rubrique jeunesse du journal[44]. Tous deux l'assistent dans la création du supplément[44].
Activités sous l’occupation
[modifier | modifier le code]En raison de l'occupation allemande, l'auteur est obligé de tenir l'actualité à distance : « Désormais, Hergé va explorer les ressources de son propre univers. Le Crabe aux pinces d'or est donc une deuxième naissance et Haddock […] un formidable ingrédient narratif. Au héros en creux qu'est Tintin, pur support à l'identification du lecteur, vient s'ajouter une figure romanesque plus incarnée qui surgit abruptement dans l'histoire et ne tarde pas à y prendre une place essentielle »[a 43]. La neuvième aventure de Tintin est ainsi marquée par l'entrée d'un personnage qui modifie en profondeur l'esprit de la série[a 44], mais aussi le champ lexical, le capitaine ayant pour spécificité la pratique intensive du juron fleuri et infiniment varié[45].
Sa parution subit néanmoins les aléas du conflit. La guerre entraîne une pénurie de papier et conduit la direction du Soir à réduire la taille de son supplément, avant de l'interrompre définitivement[b 21] : à partir du , le récit est directement publié dans le quotidien, à raison d'une bande par jour, ce qui contraint le dessinateur à revoir son découpage narratif et lui permet de rattraper le retard pris lors de l'interruption du Soir-Jeunesse en publiant en moyenne 24 dessins par semaine contre 12 auparavant[a 45]. Au terme de la publication en , l'album édité par Casterman est un succès commercial : la publication dans Le Soir offre à Tintin une publicité sans précédent[a 46]. L'auteur tente d'ailleurs de négocier un supplément de papier auprès de la Propaganda-Abteilung pour en assurer la réimpression, en vain[g 5].
Dans le même temps, Hergé multiplie ses supports de diffusion. En , Tintin fait son entrée dans la presse belge néerlandophone avec la publication de Tintin im Kongo dans le quotidien flamand Het Laatste Nieuws[b 22]. Quelques semaines plus tard, Het Algemeen Nieuws propose à ses lecteurs les premiers gags de Quick et Flupke[d 29]. Par ailleurs, Hergé et Jacques Van Melkebeke écrivent ensemble une pièce en trois actes intitulée Tintin aux Indes ou le Mystère du diamant bleu. C'est lors de la première représentation au Théâtre royal des Galeries le que Van Melkebeke présente à Hergé son ami dessinateur Edgar P. Jacobs[a 47],[d 30]. Une deuxième pièce rédigée par les mêmes auteurs, Monsieur Boullock a disparu, est jouée au mois de décembre suivant[a 47].
Les années d'occupation marquent également le passage à la couleur des Aventures de Tintin. Dès 1936, Charles Lesne presse Hergé d'intégrer la couleur à ses albums, ce que le dessinateur accepte, non sans réticence, en ajoutant quatre hors-texte en quadrichromie à chacun des albums déjà édités, à l'exception du Lotus bleu qui en compte cinq. Il refuse toutefois d'étendre la couleur à l'ensemble du récit[g 6]. En , les éditions Casterman se dotent d'une nouvelle presse rotative offset qui permet un travail plus rapide et moins coûteux. Pour l'éditeur, le passage à la couleur est aussi un impératif commercial pour gagner de nouveaux marchés et concurrencer les bandes dessinées françaises ou américaines[g 6]. Hergé finit par s'y résoudre, d'autant plus que les restrictions de papier tendent à réduire le nombre de pages de ses aventures. Le format de 62 planches est donc adopté pour les nouveaux albums[g 5] et en , L'Étoile mystérieuse est la première aventure de la série imprimée directement en couleurs[g 5].
Ce récit, au début angoissant et apocalyptique, qui succède au Crabe aux pinces d'or du au , est teinté d'antisémitisme et d'antiaméricanisme[46],[c 18]. L'histoire met notamment en scène un riche banquier dénué de tout scrupule et dessiné selon les codes des caricatures antisémites de l'époque. Deux cases caricaturant des commerçants juifs sont même retirées dès la première impression de l'album[a 48],[c 18]. Ces dessins s'ajoutent aux illustrations qu'il réalise pour l'édition des Fables de Robert de Vroylande en 1941, l'une d'elles étant ouvertement antisémite[a 49].
Malgré la guerre, Hergé se tient à distance des évènements. Il passe de longues heures à travailler dans sa maison de Watermael-Boitsfort, sort peu, et s'il doit se rendre à Bruxelles, c'est principalement pour livrer ses dessins dans les locaux du Soir. Comme le reste de la population, il souffre des restrictions et des privations, mais il parvient à se faire livrer de petits colis alimentaires par les responsables du journal O Papagaio qui continue de diffuser ses œuvres au Portugal. Il en fait d'ailleurs livrer par le même intermédiaire à son frère Paul, prisonnier en Allemagne depuis le début du conflit[a 50]. L'œuvre d'Hergé souffre peu de la censure allemande : bien que les autorisations d'impression tardent à venir, les rééditions ont lieu, et aucun album de Tintin, à l'exception de L'Île Noire à l'été 1943[o], n'est interdit sous l'Occupation[d 31]. Sa popularité continue de s'accroître : le , il accorde sa première interview radiophonique sur Radio-Bruxelles[a 51].
La colorisation des albums est une tâche immense et le recrutement d'un collaborateur est impératif. Le , il engage spécifiquement pour ce travail la jeune Alice Devos, compagne de son ami José de Launoit[a 52],[g 7]. Tout en remaniant ses premières aventures, Hergé continue d'écrire de nouvelles histoires. Il maintient son héros dans la voie de l'évasion littéraire et conçoit une chasse au trésor qui court sur deux albums, Le Secret de La Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge. Le premier volet de l'aventure, qui commence à paraître le dans Le Soir, est une véritable réussite narrative : épaulé par Jacques Van Melkebeke, qui lui fournit de nombreux conseils et des références littéraires et culturelles dont il est dépourvu, Hergé parvient à mener de front plusieurs intrigues sans nuire à la lisibilité de son récit[a 53]. Par ailleurs, à travers ce diptyque, l'auteur achève de mettre en place une « famille de papier » autour de son héros : sur les traces de La Licorne, le capitaine Haddock revit les exploits de son ancêtre, tandis que Le Trésor de Rackham le Rouge, qui prend fin le , marque l'apparition du professeur Tournesol et l'installation des héros au château de Moulinsart[a 53].
C'est dans cette demeure largement inspirée du château de Cheverny que débute l'aventure des Sept Boules de cristal, qui commence à paraître le . L'aventure bénéficie de l'influence d'Edgar P. Jacobs, qu'Hergé engage à compter du pour travailler à la refonte et à la colorisation des premières aventures[47]. Les deux hommes se lient d'amitié et entament une collaboration étroite, à laquelle s'ajoute le plus souvent Jacques Van Melkebeke qui fournit lui aussi des éléments pour le scénario[a 54]. Ils conçoivent ensemble « la plus effrayante des Aventures de Tintin », versant plus que jamais dans le fantastique[48],[49]. Hergé articule son récit autour de la malédiction de la momie inca de l'empereur Rascar Capac, dont l'image lui est peut-être inspiré par un souvenir d'enfance[7].
L'apport d'Edgar P. Jacobs intervient également dans la complexification des décors, Hergé s'attachant de plus en plus aux détails et à leur réalisme. Les deux hommes multiplient les séances de pose pour saisir l'expression la plus juste des personnages et mènent un travail de recherche méticuleux pour documenter le récit[a 54]. La découverte d'une villa de la banlieue bruxelloise qui doit servir de modèle pour la maison du professeur Bergamotte, est même le théâtre d'un incident finalement sans conséquence pour les deux hommes, comme le rapporte Hergé des années plus tard : « Jacobs avait découvert exactement le genre de villa qui convenait, pas très loin de chez moi, toujours à Boitsfort. Et nous voilà postés devant cette maison, amassant des croquis sans nous inquiéter […]. Notre travail terminé, nous repartons paisiblement. Surgissent à ce moment deux autos grises […] qui stoppent devant la villa : celle-ci était réquisitionnée et occupée par des SS ! »[e 5].
Malgré la réussite de son travail avec Jacobs, Hergé connaît une certaine lassitude : après plusieurs années de travail acharné, il ressent une grande fatigue et évoque lui-même les premiers signes d'un profond syndrome dépressif. La publication des Sept Boules de cristal s'interrompt du au , et reprend pour quelques semaines jusqu'à la Libération du pays et l'entrée des armées alliées dans Bruxelles le [b 23].
Années difficiles (1944-1959)
[modifier | modifier le code]De la Libération au Journal de Tintin (1944-1946)
[modifier | modifier le code]Au lendemain de la Libération, de longs mois d'inquiétude commencent pour Hergé. Il se sait visé par des résistants qui lui reprochent ses activités dans Le Soir pendant l'Occupation, et son nom figure d'ailleurs dans une « Galerie des traîtres » publiée au printemps précédent dans L'Insoumis, un bulletin mensuel diffusé clandestinement par un groupe de résistants belges[a 55]. Dès le soir du , des hommes se présentent à son domicile pour l'arrêter, mais repartent rapidement. Quatre jours plus tard, il est interrogé puis remis en liberté, et le la Sûreté de l'État perquisitionne à son domicile avant de le conduire à la division centrale de la police de Bruxelles. Le dessinateur passe une nuit en prison avant d'être relâché, puis dans les jours qui suivent, il est arrêté et interrogé par plusieurs unités, sans suite[a 55].
Le , le Haut commandement interallié interdit à tous les journalistes ayant collaboré à la rédaction d'un journal pendant l'Occupation d'exercer leur profession[d 32]. La notoriété d'Hergé lui cause une publicité malveillante : l'hebdomadaire résistant La Patrie fait paraître dans son premier numéro une courte parodie intitulée « Les Aventures de Tintin et Milou au pays des nazis (à la manière de M. Hergé, indisponible pour cause de Libération) »[a 55]. Son sort est pourtant plus enviable que celui de nombreux membres de son entourage, anciens collègues journalistes, emprisonnés de longues semaines voire condamnés à mort par contumace comme Paul Jamin, exilé en Allemagne avec sa famille[a 55]. Hergé garde tout au long de sa vie un souvenir douloureux de cette période d'Épuration, tant il estime que beaucoup de journalistes ont, comme lui, poursuivi leur activité sous l'Occupation sans pour autant travailler à la solde de l'ennemi[a 55]. Il entretient d'ailleurs une certaine rancune à l'égard des résistants :
« Je détestais le genre Résistant. On m'a proposé quelquefois d'en faire partie, mais je trouvais cela contraire aux lois de la guerre. Je savais que pour chaque acte de la résistance, on allait arrêter des otages et les fusiller. »
— Interview d'Hergé par Henri Roanne en 1974[a 56]
Toutefois, le dessinateur ne s'interrompt pas dans ses travaux : l'interdiction de publication qui le frappe ne concerne que la presse et non les albums, si bien qu'il achève la colorisation de Tintin au Congo et réclame les originaux du Sceptre d'Ottokar, bloqués à Paris dans les locaux de Cœurs vaillants qui affirme qu'ils ont disparu[d 33]. Les éditions Casterman continuent de soutenir leur auteur d'autant plus facilement que les ventes d'albums atteignent alors des chiffres records[a 57]. Dans le même temps, Hergé réalise avec Edgar P. Jacobs trois planches d'essai pour des séries réalistes, qu'ils envisagent de signer sous le pseudonyme Olav : un western dont le synopsis est repris plus tard par Paul Cuvelier, une aventure dans le Grand Nord et un récit policier se déroulant à Shanghai. Ces trois récits, proposés à différents journaux, ne voient finalement jamais le jour[50].
Malgré son statut d'incivique, Hergé bénéficie d'une certaine clémence. Dès le , l'auditeur militaire Vinçotte, chargé de constituer le dossier des journalistes du Soir volé, écrit à l'auditeur général Walter Ganshof van der Meersch que « ce serait de nature à ridiculiser la justice que de s'en prendre à l'auteur d'inoffensifs dessins pour enfants »[c 19],[a 58], un constat renouvelé avec encore plus d'assurance le suivant, si bien que son dossier judiciaire est classé sans suite à la fin du mois de [a 58]. Hergé se rend néanmoins au procès de ses anciens collègues qui s'ouvre le . Il y subit des attaques frontales, notamment de la part de l'avocat de son ami Julien De Proft ou de l'ancien éditorialiste du Soir qui s'étonnent que le dessinateur ne soit pas poursuivi[a 58]. Les problèmes judiciaires ne sont pas les seules difficultés que rencontre alors l'auteur. À la fin de l'année 1944, sa mère Elizabeth Remi est prise d'un accès de folie, qui aboutit, à la suite d'une nouvelle attaque le , à son hospitalisation. Le , son frère Paul est de retour à Bruxelles, libéré après cinq ans de détention dans un Oflag allemand, mais ce retour n'améliore pas l'état de santé de sa mère. Elle meurt le [a 58]. Ce deuil, aggravé par le sentiment d'amertume né du jugement rendu et des peines prononcées à l'encontre de ses amis, plongent l'auteur dans une profonde mélancolie[a 58].
La rencontre de Raymond Leblanc s'avère décisive et salutaire pour le dessinateur. Par l'intermédiaire de Pierre Ugeux, frère de l'ancien directeur d'Hergé au Vingtième Siècle, Leblanc propose au dessinateur la création d'un périodique pour la jeunesse qui reprendrait la formule du Petit Vingtième tout en la modernisant. Associé à André Sinave et Albert Debaty, ce résistant de la première heure se fait fort d'obtenir auprès des autorités le certificat de civisme qui permettrait à Hergé de reprendre son activité. D'abord réticent, ce dernier finit par accepter la proposition. Un contrat pour un engagement de cinq ans est signé entre les deux hommes en , et le certificat de civisme est délivré deux mois plus tard[a 58].
Pendant l'été 1946, Raymond Leblanc fonde Le Journal de Tintin, dont Hergé devient le directeur artistique et Jacques Van Melkebeke le rédacteur en chef. L'équipe s'installe dans des bureaux au no 55 de la rue du Lombard à Bruxelles et rassemble de jeunes dessinateurs comme Edgar P. Jacobs, Jacques Laudy et Paul Cuvelier. Le premier numéro sort le et connaît un succès immédiat : les 60 000 exemplaires sont épuisés en trois jours[a 59],[c 20]. Après deux ans d'interruption, Hergé achève l'aventure des Sept Boules de cristal qu'il poursuit dans Le Temple du Soleil[a 59],[p]. Il exerce également un regard critique sur les productions de ses collègues, de sorte qu'aucun d'entre eux ne peut diffuser ses travaux dans le magazine sans avoir reçu son accord[a 59].
Le succès de l'hebdomadaire ravive les polémiques. Des journalistes de toutes tendances, comme le communiste Fernand Demany ou la rédaction du journal catholique La Cité Nouvelle, s'indignent tour à tour de voir Hergé exercer de nouveau son métier sans avoir été poursuivi par la justice malgré son implication dans Le Soir volé. Le scandale est tel qu'il provoque une intervention en séance plénière au parlement et que l'auditeur général doit une nouvelle fois se prononcer pour écarter définitivement, le , d'éventuelles poursuites[a 60]. À l'inverse, le passé de Jacques Van Melkebeke ressurgit et menace de compromettre la réputation du journal, ce qui conduit Raymond Leblanc à l'écarter[a 60]. Entré dans la clandestinité, ce dernier continue cependant de réaliser certains travaux pour l'hebdomadaire, tout en travaillant comme coscénariste pour certaines dessinateurs[a 60]. Au début de l'année 1947, Hergé cesse également sa collaboration avec Edgar P. Jacobs. Pour ce dernier, le développement de sa propre série Blake et Mortimer est incompatible avec son travail pour les Aventures de Tintin. Un différend financier, ainsi que le refus d'Hergé d'ajouter la signature de son collaborateur sur les albums, favorisent aussi cette prise de distance[a 61],[d 34].
Première remise en question (1947-1950)
[modifier | modifier le code]« Quand je dis que je suis blasé, c'est fatigué que je devrais dire. Je suis las de ces éloges ; je suis las de refaire pour la ixième fois le même gag […]. Ce que je fais ne répond plus à une nécessité. Je ne dessine plus comme je respire, comme c'était le cas il n'y a pas tellement longtemps. Tintin, ce n'est plus moi […]. »
— Lettre d'Hergé à sa femme le [d 35].
Au printemps 1947, Hergé ressent une profonde lassitude. Épuisé par le rythme de travail auquel il s'astreint, le dessinateur se sent également de plus en plus seul. De ses amis d'avant-guerre, certains se sont installés en province, comme José de Launoit, d'autres sont en prison, comme Paul Jamin, Raymond De Becker ou Robert Poulet, et d'autres n'ont plus de relation avec lui, comme Philippe Gérard. Depuis le départ de Jacobs, Hergé n'a plus de véritable interlocuteur pour son travail. Guy Dessicy, recruté pour le suppléer, exécute parfaitement les travaux d'adaptation et de mise au format, mais il n'a pas le talent graphique de Jacobs[a 62]. Par ailleurs, ses rapports avec son agent Bernard Thièry, chargé des produits dérivés, se détériorent : il reproche à ce dernier d'avoir manqué à ses obligations et de lui avoir caché certaines sommes, ce qui entraîne leur rupture[a 62].
La dépression qui affecte alors le dessinateur se répercute sur le plan physique : il dort mal et souffre de violentes crises d'eczéma, de furonculose et de problèmes de digestion. Il devient irritable et de sévères disputes éclatent avec sa femme Germaine[a 62]. Ses médecins lui prescrivent un repos complet. Hergé abandonne Tintin et, pour se changer les idées, le couple Remi part en Suisse du au . Ce voyage est pour eux comme une nouvelle lune de miel[a 63]. À son retour à Bruxelles, devant l'insistance de Raymond Leblanc qui lui réclame la suite du Temple du Soleil, Hergé se remet au travail, à contrecœur. Fin septembre, ayant pris un peu d'avance, il repart en Suisse avec Germaine, et le couple poursuit son voyage en Italie jusqu'à Venise. Le dessinateur reprend son activité un mois plus tard mais, à court d'inspiration, il sollicite son ami Bernard Heuvelmans pour boucler son récit[a 63].
Au début de l'année 1948, la dépression d'Hergé est telle qu'il envisage de s'établir en Amérique du Sud, et plus précisément en Argentine. Il se montre très discret sur ce projet, n'en informant pas ses plus proches amis à l'exception de son éditeur Louis Casterman. Il entre en contact avec Pierre Daye, journaliste exilé dans ce pays depuis la Libération, qu'il charge d'étudier les différentes possibilités qui pourraient s'offrir au dessinateur, avant de renoncer définitivement à ce projet d'installation[a 64]. Dans le même temps, l'auteur rêve de voir adapter Tintin au cinéma : après une première tentative peu convaincante à la fin de l'année 1947, avec Le Crabe aux pinces d'or, Hergé envoie une lettre à Walt Disney et lui fait parvenir plusieurs de ses albums, mais ceux-ci lui sont retournés et la réponse est négative[a 65],[51]. À la mi-mai, Georges et sa femme reprennent la direction de la Suisse accompagné de Rosane, la fille d'une amie de Germaine âgée de 18 ans. Durant le séjour, Hergé et la jeune femme entretiennent une liaison amoureuse que le dessinateur avoue aussitôt à sa femme[d 36],[a 66]. Mi-juin, le couple Remi repart en Suisse, mais après une nouvelle crise dépressive de son mari, Germaine rentre seule à Bruxelles. Sur les bords du Léman, Hergé se repose, s'adonne à la lecture et rend notamment visite au roi Léopold III en exil. Depuis la Belgique, Marcel Dehaye presse cependant le dessinateur de rentrer pour honorer ses engagements envers Raymond Leblanc et le Journal de Tintin[a 67]. De retour à Bruxelles, Hergé avoue une nouvelle infidélité à sa femme[a 68] puis effectue une retraite spirituelle à l'abbaye de Scourmont où la rencontre du père Gall, fasciné comme le dessinateur par la culture amérindienne, l'aide à surmonter ses troubles[a 69].
Le , Hergé reprend la publication de Tintin au pays de l'or noir, récit inachevé et interrompu en du fait de la disparition du Petit Vingtième après l'invasion allemande[d 37],[b 24]. Encore une fois, la publication connaît des soubresauts et se poursuit laborieusement jusqu'au , ce qui donne lieu à des tensions entre Hergé et Raymond Leblanc, au point que le dessinateur envisage un temps de ne pas renouveler le contrat qui le lie au périodique qui porte le nom de son héros[a 70]. Dans cette aventure, Hergé prend soin d'intégrer le capitaine Haddock, le professeur Tournesol et le château de Moulinsart, autant d'éléments apparus dans la série depuis sa première parution et dont l'absence, à la suite du Temple du Soleil, aurait dérouté les lecteurs[a 71].
Dans l'entourage d'Hergé, les nombreuses absences du dessinateur créent des tensions de plus en plus vives. Raymond Leblanc craint pour la survie de son magazine tandis qu'Edgar P. Jacobs s'exprime sans détour : « Tu as peur ! Tu as peur de ton travail, tu as les pépettes de recommencer une nouvelle histoire, et tu cherches toutes sortes de mauvais prétextes pour reculer le moment où il faudra te mettre à table. Tu flanches devant ta responsabilité du fait même que ta réputation atteint son apogée. […] J'ai vaguement l'impression que tu ne te rends pas compte de la réussite et de la chance fantastique de ta carrière, […] si tu avais bouffé des briques pendant quelques années, tu te comporterais tout autrement »[52]. Le , Georges et Germaine Remi, qui aspirent à retrouver une certaine sérénité, font l'acquisition d'une ferme-auberge à Céroux-Mousty, un village dans la campagne du Brabant wallon[d 38].
Création des Studios Hergé (1950-1952)
[modifier | modifier le code]Dès l'été 1948, Hergé travaille par intermittences à la rédaction d'une nouvelle aventure qui doit conduire ses héros sur la Lune. Du scénario qu'avaient écrit pour lui Bernard Heuvelmans et Jacques Van Melkebeke quelques mois plus tôt, jugé médiocre, le dessinateur ne retient que certains gags pour élaborer son propre récit. Néanmoins, Hergé consulte régulièrement Heuvelmans pour des questions d'ordre technique ou scientifique, et s'adjoint les services d'un jeune auteur, Albert Weinberg[a 72]. Souhaitant pousser le réalisme au maximum, il entre en contact avec un savant réputé, Alexandre Ananoff, dont le livre L'Astronautique vient de paraître, et visite le Centre de recherches des ACEC dirigé par Max Hoyaux[a 72].
L'ampleur du projet nécessite qu'une équipe s'organise autour d'Hergé, à l'image d'une véritable entreprise : c'est la naissance des Studios Hergé le , domiciliés dans la maison que le dessinateur occupe depuis plus de dix ans, avenue Delleur à Watermael-Boitsfort[a 73],[q]. Le , les premières planches paraissent dans Tintin sous le titre On a marché sur la Lune[b 25],[r] mais la publication s'interrompt dès le suivant : victime d'un nouvel accès dépressif, Hergé cesse le travail et se retire à Gland, en Suisse, avec Germaine[a 73]. Le mal est tel que l'aventure ne reprend que le , le récit pouvant enfin parvenir à son terme le [a 73],[b 26]. Entre-temps, l'équipe des Studios se professionnalise avec l'arrivée du dessinateur Bob de Moor en [a 73] et de nouveaux projets commerciaux naissent à l'initiative de Raymond Leblanc. Le « timbre Tintin », c'est-à-dire des points à découper sur des produits de grande consommation que les enfants peuvent échanger contre des cadeaux à l'effigie du héros, rencontre un grand succès. Les chromos de la collection « Voir et Savoir » se développent également, et ces différents projets renforcent la visibilité de Tintin alors que ses ventes d'albums augmentent fortement et s'imposent peu à peu en France[a 74].
Rythme de travail retrouvé (1952-1956)
[modifier | modifier le code]Le , Georges et Germaine Remi sont victimes d'un accident de la route à Céroux-Mousty. Au volant de sa Lancia Aprilia, le dessinateur en sort indemne mais son épouse est grièvement blessée à la jambe. Dans les jours qui suivent, son état de santé fait craindre le pire et sa convalescence nécessite de longs mois d'immobilisation et de repos[a 75]. D'autres événements n'arrangent en rien la fragilité psychologique d'Hergé : l'abbé Norbert Wallez, toujours resté proche du couple malgré son incarcération, meurt le suivant[a 75], et à la même période, Hergé retrouve son amie d'enfance, et premier amour, Marie-Louise van Cutsem, lors d'une dédicace au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles[d 39]. Le dessinateur prend également ses distances avec certains de ses amis : une amie de Germaine, Bertje Jagueneau, use de ses prétendus dons de voyance pour le convaincre de l'influence néfaste de Jacques Van Melkebeke, ce qui entraîne une rupture entre les deux hommes[a 76],[53]. Les rapports se distendent également avec Edgar P. Jacobs[a 76].
En 1953, Hergé décide de séparer plus nettement vie professionnelle et vie privée en quittant sa maison de Watermael-Boitsfort. En raison de l'état de santé de Germaine, le couple Remi s'installe dans l'appartement d'un immeuble pourvu d'un ascenseur, rue de Livourne à Ixelles, tandis que les Studios Hergé emménagent dans des locaux plus vaste le , sur l'avenue Louise à Bruxelles[a 77]. Son équipe se complète et se structure avec l'arrivée de plusieurs personnalités. Dès le mois de , le journaliste Baudoin van den Branden de Reeth est engagé comme secrétaire personnel, principalement chargé du courrier mais également sollicité par Hergé pour améliorer les dialogues de ses aventures[a 77]. En , le dessinateur Jacques Martin rejoint l'équipe en tant que second d'Hergé. Il impose avec lui ses deux assistants personnels, Roger Leloup et Michel Demarets, et se voit confier l'achèvement de La Vallée des Cobras, une aventure de Jo, Zette et Jocko abandonnée avant-guerre[a 77]. Enfin, la dessinatrice Josette Baujot est recrutée pour prendre en charge la mise en couleur[a 77].
Le , L'Affaire Tournesol commence à paraître dans Tintin. Après l'intrusion à Moulinsart d'un nouveau personnage haut en couleur, Séraphin Lampion, les héros se lancent sur la piste du professeur Tournesol dans un véritable thriller qui les conduit en Suisse puis en Bordurie. Hergé cherche à représenter les décors de manière précise : à l'occasion d'un nouveau séjour sur les bords du Léman, il dessine et photographie l'hôtel Cornavin de Genève, une maison de Nyon dont il fait la demeure du professeur Topolino, mais également les routes, à la recherche de l'endroit exact où une voiture pourrait quitter la route et tomber dans le lac[e 6],[a 78]. L'aventure s'achève le : pour la première fois depuis douze ans, celle-ci paraît sans interruption, preuve que la nouvelle méthode de travail que le dessinateur adopte à la tête de ses Studios porte ses fruits[a 79].
Entre et , les Studios Hergé réalisent Coke en stock, aventure dans laquelle, selon l'expression de Benoît Peeters, l'auteur « va le plus loin dans la mise en scène de son univers ». De nombreux personnages font leur retour, tandis que l'intrigue tourne autour du trafic d'armes et surtout d'esclaves qu'Hergé voulait dénoncer[a 80]. Toujours dans un souci de réalisme, le dessinateur monte à bord d'un cargo suédois naviguant entre Anvers et Göteborg, accompagné de Bob de Moor, pour y prendre des clichés qui alimentent les décors de l'aventure[h 13][54].
Nouvelle crise personnelle (1956-1959)
[modifier | modifier le code]À la fin de l'année 1956, Hergé entame une liaison avec la jeune coloriste, Fanny Vlamynck, recrutée l'année précédente, en . Cette aventure cachée finit par être révélée, et plonge le dessinateur dans une nouvelle crise : malgré son attirance pour sa jeune amante, il ne peut se résoudre à quitter son épouse Germaine, avec qui les disputes sont de plus en plus fréquentes[a 81]. La santé mentale d'Hergé s'aggrave : ses nuits sont alors marquées par des rêves obsédants et angoissants qu'il choisit de consigner dans un carnet[a 82]. Dans le même temps, l'auteur peine à trouver l'inspiration. Dans un premier temps, il envisage un scénario qui met en scène la défense d'une tribu amérindienne spoliée par des exploitants pétroliers, ainsi qu'une aventure dont Nestor serait le personnage principal, mais ces projets sont abandonnés[a 83]. C'est alors qu'il se lance dans la rédaction d'une histoire simple et dépouillée, marquée par la présence du yéti et des neiges de l'Himalaya. Après diverses hésitations, Hergé met au point le scénario de Tintin au Tibet, l'album probablement le plus personnel de son œuvre et qui reflète bien son état d'esprit à cette époque[a 83]. Cette aventure se démarque des précédentes par son absence de méchants ou d'armes à feu, et un Tintin plus humain que jamais à la recherche de son ami de toujours, Tchang[a 83]. Pour donner corps à son récit et intégrer au mieux l'abominable homme des neiges, le dessinateur s'appuie sur les travaux de son ami Bernard Heuvelmans et sur le témoignage de l'alpiniste Maurice Herzog[a 83].
À mesure qu'il avance dans l'élaboration de son œuvre, les rêves d'Hergé se font plus angoissants. La blancheur y tient une grande place et s'avère menaçante : « À un certain moment, dans une sorte d'alcôve d'une blancheur immaculée, est apparu un squelette tout blanc qui a essayé de m'attraper. Et à l'instant, tout autour de moi, le monde est devenu blanc, blanc[e 7]. » Sur le conseil de Raymond de Becker, il consulte le psychanalyste zurichois Franz Niklaus Riklin, disciple de Carl Gustav Jung[s], qui lui conseille de cesser le travail pour vaincre le « démon de la pureté » qui l'habite[a 82]. Hergé s'obstine pourtant à terminer son œuvre[c 21], mais il retient de sa rencontre avec le psychiatre qu'il lui faut accepter « de ne pas être immaculé » s'il veut mettre fin à ses tourments intérieurs[e 8],[a 82].
L'achèvement de Tintin au Tibet, dont la dernière planche paraît le , agit finalement comme une sorte de thérapie. Hergé décide de rompre avec sa femme pour vivre avec Fanny[a 84]. Bien que la séparation soit effective, il n'est pas question de divorce car Germaine Remi s'y oppose, en s'appuyant sur la loi belge[a 85].
Dernières années (1960-1983)
[modifier | modifier le code]Succès mondial de Tintin
[modifier | modifier le code]Vers la fin des années 1950, Tintin devient une icône internationale. Les albums se vendent mieux que jamais : les traductions et les parutions dans la presse du monde entier se multiplient et la série atteint le million d'exemplaires vendus chaque année. Symbole de ce succès planétaire, le nouveau siège des éditions du Lombard est inauguré par Paul-Henri Spaak le , pendant l'exposition universelle. À son sommet trône une grande enseigne lumineuse à l'effigie de Tintin et Milou[a 86]. Les médias s'intéressent de plus en plus à Hergé : en 1957, se passionnant pour le succès commercial et mondial de ses aventures, Marguerite Duras évoque une « Internationale Tintin »[55]; l'année suivante, l'hebdomadaire Paris Match lui consacre un article, de même que le prestigieux Times Literary Supplement[a 86], puis en 1959, l'écrivain belge Pol Vandromme est le premier à consacrer une biographie au dessinateur, intitulée Le Monde de Tintin et parue chez Gallimard[51],[a 86].
À la même époque, les demandes d'adaptations cinématographiques se multiplient. Plusieurs projets sont abandonnés mais en 1958, le producteur français André Barret obtient les droits de reproduction. Hergé assiste Remo Forlani dans l'écriture du scénario de Tintin et le Mystère de la Toison d'or, premier film en prises de vues réelles consacré au héros, qui sort finalement en 1961[b 27],[a 86].
Rythme de création ralenti (1960-1967)
[modifier | modifier le code]Au début de l'année 1960, Hergé sort du profond syndrome dépressif et de la crise morale dans lesquels il était plongé depuis des années. Pourtant, l'auteur manque d'inspiration. Il collabore avec Michel Greg qui lui livre le scénario détaillé d'une nouvelle aventure, Tintin et le Thermozéro, conçu à partir d'un article de Philippe Labro paru en dans le magazine Marie France, mais après avoir réalisé quelques crayonnés, Hergé abandonne le projet, révélant ainsi son incapacité à mettre en images le travail d'un autre[g 8],[a 87]. Fin 1960, il prend les premières notes préparatoires des Bijoux de la Castafiore, une « anti-aventure » dépourvue d'exotisme et qui entend bousculer les codes de la bande dessinée[a 87]. Elle paraît dans Tintin du au [b 28].
Les années 1960 sont celles d'un certain désœuvrement pour Hergé et son équipe, en l'absence de nouveau projet. Les Studios Hergé tournent au ralenti, au grand dam de certains dessinateurs qui déplorent le manque d'activité. Les biographes François Rivière et Benoît Mouchart rapportent qu'à cette époque, Hergé se rend parfois aux Studios pour y « faire salon », entouré de lecteurs de son œuvre et aimant « à s'entretenir longuement dans sa tour d'ivoire avec ces représentants du monde extérieur »[56], ce que confirme Numa Sadoul, auteur de nombreux entretiens avec le dessinateur et qui ajoute : « C'est pour ça qu'il était content que j'arrive, c'était pour l'empêcher de travailler »[g 9]. Dans ce contexte, le travail sur d'anciens albums apparaît comme le seul moyen de combler le vide. Ainsi, L'Île Noire est entièrement redessinée entre 1963 et 1965 pour tenir compte des remarques formulées par l'éditeur Methuen, chargé de publier l'album au Royaume-Uni[g 10]. Dans le même temps, Hergé prend ses distances avec le journal Tintin. Après avoir fait pression au cours de l'année 1964 pour recouvrer son rôle de directeur artistique du périodique, il s'en désintéresse peu à peu après la nomination de Michel Greg comme rédacteur en chef en [a 88]. Le travail de retouche des anciens albums se poursuit les années suivantes avec la modification des dialogues de Coke en stock, qu'il veut rendre politiquement corrects afin de contrer toute accusation de racisme, puis la refonte de Tintin au pays de l'or noir qui, à la demande de l'éditeur britannique, reparaît en 1971 dans une version largement remaniée, effaçant le contexte anglo-palestinien[a 89].
Depuis qu'il a officialisé sa relation avec Fanny Vlamynck, de nombreuses occupations détournent l'auteur de son travail, en particulier sa nouvelle passion pour l'art moderne et l'art contemporain, qui lui prend d'autant plus de temps qu'il s'essaie lui-même à la peinture sur les conseils de Louis Van Lint[a 90]. Hergé réalise trente-sept toiles, qu'il renonce cependant à exposer[a 90]. Il se rapproche également du collectionneur Marcel Stal, qu'il aide financièrement à établir sa galerie Carrefour sur l'avenue Louise[a 90]. Par ailleurs, il prend des vacances de plus en plus régulières et longues. Hergé qui, à l'inverse de son héros, n'avait que peu voyagé, multiplie désormais les destinations lointaines : il visite notamment la Tunisie à l'occasion d'une croisière en Méditerranée en 1963[57], puis effectue un voyage au Québec en 1965, lors duquel il participe au salon du livre de Montréal[58],[a 90].
Quatre ans après la fin des Bijoux de la Castafiore, Hergé entame enfin une nouvelle aventure de Tintin. Après avoir travaillé sur un scénario qui devait renvoyer le héros au San Theodoros, l'auteur en conserve quelques éléments pour concevoir Vol 714 pour Sydney[59]. L'écriture de cet album répond aussi à la nécessité de contrer le succès d'Astérix, une série née en 1959 et qui rencontre un grand succès, au point que certains journaux lui accordent la première place des publications pour enfant[d 40] : dans les colonnes de L'Express, un journaliste affirme même que « dans le sillage d'Astérix, Tintin mord la poussière », ce qui irrite fortement Hergé[d 40],[c 22]. Avec Vol 714 pour Sydney, qui s'appuie sur l'engouement pour les phénomènes paranormaux et le succès de la revue Planète[a 91], Hergé poursuit le processus de déconstruction de son œuvre entamé dans Les Bijoux de la Castafiore en s'attaquant cette fois aux méchants qui sont tout bonnement ridiculisés[60],[g 11].
Reconnaissance internationale et dernier album achevé (années 1970)
[modifier | modifier le code]Benoît Peeters, biographe d'Hergé, affirme que la décennie 1970 est pour le dessinateur celle de la « construction du mythe » qui suscite de premiers travaux universitaires[a 92]. Le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle consacre un mémoire à la série, ainsi que plusieurs articles de la revue Communications[a 92]. Les Bijoux de la Castafiore accède au « statut d'album pour intellectuels »[51], et se voit célébrer notamment par le philosophe Michel Serres qui lui consacre une étude de treize pages dans la revue Critique en 1970 sous le titre Les Bijoux distraits ou la cantatrice sauve, puis par Benoît Peeters dans l'essai Les Bijoux ravis en 1984[51]. Hergé, désormais considéré comme un « créateur littéraire majeur », reçoit les hommages de la profession ou de grands artistes, comme au premier congrès international de la bande dessinée à New York en 1972[61], ou bien au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, duquel il est nommé président d'honneur de l'édition 1977[a 93]. Le célèbre peintre américain Andy Warhol réalise une série de quatre portraits de l'artiste, les deux hommes se vouant une admiration mutuelle[62]. Le succès grandissant de ses albums attise également la critique et de nombreux journalistes s'acharnent à détruire l'image de ce qu'ils considèrent comme une bande dessinée réactionnaire[a 92].
En , Hergé accorde un entretien exclusif au jeune journaliste Numa Sadoul, lors duquel il dévoile une partie des secrets qui ont présidé à la création de son œuvre[a 92]. Ce long entretien aboutit à la publication de l'ouvrage Tintin et moi, en 1975, après de multiples relectures attentives de la part d'Hergé[a 92]. S'appuyant sur ce texte, le journaliste belge Henri Roanne réalise le film documentaire Moi, Tintin, diffusé pour la première fois en 1976[a 92]. Par l'évocation de ses souvenirs lors de la préparation de Tintin et moi, Hergé prend conscience de l'importance du Lotus bleu et de sa rencontre avec Tchang Tchong-jen dans la construction de son œuvre. Dès lors, le dessinateur tente de retrouver sa trace. Par l'intermédiaire de son amie Dominique de Wespin, il est reçu en 1973 par le gouvernement de Tchang Kaï-chek à Taïwan, alors que ce dernier lui avait déjà lancé une invitation en 1939 quand il était le chef de la République chinoise[a 92].
Les départs de Roger Leloup et Jacques Martin ralentissent encore le rythme de travail et de production des Studios Hergé. Le dessinateur reprend parfois le dossier de travail d'une aventure encore appelée Tintin et les Bigotudos, dont les premières notes remontent à 1962, mais sans retrouver l'évidence créatrice qui le caractérisait auparavant[a 94] : « L'idée a mis longtemps à prendre forme ; c'est comme une petite graine, un petit ferment qui prend son temps pour se développer. J'avais un cadre : l'Amérique du Sud […] mais rien ne prit forme avant longtemps : il fallait que vienne un déclic[e 9] ». Finalement, huit ans après la fin de Vol 714 pour Sydney, Tintin et les Picaros commence à paraître le dans le Tintin[b 29]. Dans cet épisode, Hergé présente des personnages profondément modifiés physiquement (Tintin porte un jean, pratique le yoga et se déplace à cyclomoteur) et moralement (extrême passivité face aux actions et lassitude de l'aventure)[63]. Si l'album est un succès commercial, il attise les critiques de nombreux tintinophiles, de la presse généraliste et de la presse spécialisée, à l'exception de Michel Serres qui prend une nouvelle fois la défense d'Hergé dans la revue Critique[a 94].
Le , le divorce entre Georges et Germaine Remi est finalement prononcé. Quelques semaines plus tard, le dessinateur épouse, en toute discrétion, sa compagne Fanny Vlamynck[a 93]. En 1979, les célébrations du cinquantième anniversaire de la série donnent lieu à nouvelle série d'hommages. À Paris, une grande réception est donnée à l'hôtel Carnavalet, et le dessinateur est invité par Bernard Pivot sur le plateau d'Apostrophes[a 93],[51]. À Bruxelles, une réception se tient dans les salons de l'hôtel Hilton, tandis que l'exposition Le Musée imaginaire de Tintin, organisée au palais des Beaux-Arts par Michel Baudson et Pierre Sterckx, retrace l'histoire de son œuvre[a 93].
Fin de vie
[modifier | modifier le code]Immédiatement après la fin de Tintin et les Picaros, le , Hergé développe l'idée d'un album dont l'action se déroulerait entièrement dans un aéroport[c 23]. Il imagine une histoire sans fil conducteur, un album qui pourrait se lire en partant de n'importe quelle page. Les notes se multiplient[a 95]. Pendant l'été 1979, le dessinateur ressent un fort épuisement et croit à un surmenage dû aux différentes cérémonies du cinquantenaire de Tintin. En réalité, il est atteint d'une ostéomyélofibrose, une grave maladie du sang diagnostiquée dès le mois de septembre par des médecins. Dès lors, il doit subir une transfusion sanguine complète toutes les deux semaines[a 96].
L'auteur est de moins en moins présent aux Studios Hergé, dont Alain Baran, son secrétaire depuis quelques années, est nommé directeur administratif au début de l'année 1981[a 96]. Bien qu'il se désintéresse peu à peu de son métier, Hergé ressort parfois le dossier de sa prochaine aventure. Le projet de l'aéroport ayant été abandonné, il se tourne vers le thème de l'art contemporain, sa nouvelle passion depuis les années 1960 et qui doit aboutir à la création de Tintin et l'Alph-Art, un album qui s'esquisse lentement malgré l'épuisement de l'auteur[a 96]. Dans le même temps, Hergé se passionne plus encore pour le taoïsme[a 96].
Le , Hergé retrouve enfin son ami Tchang Tchong-jen, invité à Bruxelles par Gérard Valet, journaliste à la RTBF. Leur rencontre est retransmise en direct à la télévision. Hergé apparaît très affaibli et semble extrêmement gêné par l'hypermédiatisation de l'événement. Ces retrouvailles sont néanmoins décevantes sur le plan personnel tant le caractère des deux hommes a profondément évolué pendant plus de quarante années de séparation[a 96].
La maladie d'Hergé progresse. En , alors qu'il séjourne à Locarno, sur les bords du lac Majeur, le dessinateur attrape une double pneumonie et doit être rapatrié d'urgence à Bruxelles[a 96]. Des phases d'amélioration alternent avec des périodes de grande souffrance et la consultation des meilleurs spécialistes ne peuvent enrayer la progression de la maladie. Certains de ses proches pensent que l'aggravation de son état serait le fait d'une infection par le VIH, encore peu connu à l'époque[a 96]. Le , il entre aux soins intensifs des Cliniques universitaires Saint-Luc, à Woluwe-Saint-Lambert, pour insuffisance cardiaque. Après une semaine de coma, Hergé meurt le , à l'âge de 75 ans[a 96],[d 41]. Il est inhumé, à sa demande, au cimetière du Dieweg dans la commune bruxelloise d'Uccle, et cela par dérogation spéciale car cette nécropole est désaffectée[64].
Profil et particularités
[modifier | modifier le code]Vie privée
[modifier | modifier le code]En 1928, Georges Remi rencontre Germaine Kieckens, secrétaire de l'abbé Norbert Wallez au Vingtième Siècle[d 13],[a 15]. Très vite, le dessinateur lui adresse des lettres passionnées, mais Germaine ne cède pas dans l'immédiat à ses avances, considérant que le jeune homme manque encore de maturité. Leurs liens se resserrent peu à peu : Germaine l'accompagne parfois sur la côte belge et, en , elle voyage à Paris avec Georges et ses parents. Le mois suivant, le dessinateur est présenté aux parents de la jeune femme[a 97]. Leurs fiançailles sont fêtées le chez les Kieckens, à Laeken[a 97]. Le , leur mariage est célébré par l'abbé Wallez dans une église bruxelloise[d 18],[a 30].
Pendant de longues années, le travail harassant auquel s'astreint Hergé ne laisse que peu de temps au couple pour prendre des vacances. Georges et Germaine aiment séjourner à l'hôtel Joli-Bois de Coq-sur-Mer mais leurs sorties sont rares : Hergé est d'un tempérament casanier et rechigne à se rendre au théâtre ou au cinéma[a 98]. Après la Libération, le profond syndrome dépressif dans lequel s'enfonce le dessinateur provoque de violentes disputes au sein du couple[a 62]. Un premier séjour en Suisse à l'été 1947 semble leur donner un nouvel élan, mais la situation se tend de nouveau quand Hergé se montre infidèle[a 63],[a 66]. Malgré l'achat d'une maison de campagne à Céroux-Mousty en 1949, où ils passent chaque week-end, Georges et Germaine prennent peu à peu leurs distances[d 42]. Le grave accident d'automobile dont ils sont victimes en 1952 aggrave encore la situation : tandis que Georges s'enfonce dans la dépression[a 75], cet événement accroît la rancœur de sa femme à son égard[a 76].
Sur un autre plan, les personnages d'enfants occupent une place importante dans les Aventures de Tintin et, le plus souvent, il s'agit d'orphelins ou d'enfants kidnappés, brusquement enlevés à leurs parents[65]. Le rôle de Tintin, que le critique Pierre Sterckx considère comme « un orphelin à la recherche d'une famille d'adoption »[j 2], consiste à restituer l'enfant à ses parents[65]. Ce thème récurrent dans l'œuvre d'Hergé a fait naître plusieurs hypothèses, comme celle de son biographe Pierre Assouline qui affirme que le couple Remi, dans l'impossibilité d'avoir un enfant, aurait entamé une démarche d'adoption à la fin des années 1940[c 24]. Un autre biographe d'Hergé, Benoît Peeters, dément cette allégation dès 2002, tandis que les héritiers du dessinateur la nient de façon tranchée[a 99]. En 2009, ce même Benoît Peeters signe avec Philippe Goddin un communiqué commun qui qualifie l'hypothèse d'Assouline de « sinistre racontar »[66]. De façon plus avérée, il apparaît que l'auteur est stérile, ce qui conduit Pierre Assouline à regretter ne pas posséder plus d'information concernant ce sujet, car « ce serait […] une clef fort utile à tous ceux qui se passionnent pour les sources de cette œuvre qui part du monde de l'enfance pour y retourner »[c 24].
À la fin de l'année 1956, Hergé entame une liaison avec sa jeune coloriste Fanny Vlamynck[a 81]. Malgré la passion qu'il entretient pour cette jeune femme, il ne se résout à quitter Germaine qu'au terme de la publication de Tintin au Tibet, trois ans plus tard[a 85]. La séparation est effective au début de l'année 1960, lorsqu'il s'installe à l'hôtel Brussels, sur l'avenue Louise. Au mois de juillet suivant, il loue un petit appartement avec sa nouvelle compagne sur l'avenue De Fré, à Uccle[a 85]. La loi belge n'autorisant pas le divorce, c'est avec Germaine qu'Hergé continue de se montrer dans les occasions publiques. D'ailleurs, il passe presque tous les lundis en sa compagnie, dans leur maison de Céroux-Mousty[a 85]. Ce n'est que le que le divorce est prononcé, ce qui permet à Hergé d'épouser Fanny quelques semaines plus tard[a 93].
Le couple que forme le dessinateur avec Fanny Vlamynck est construit à l'opposé de celui qu'il formait avec Germaine, l'auteur s'attachant à ne plus mélanger le travail et la vie privée, d'autant plus que sa compagne a quitté son poste aux Studios Hergé en [a 100].
Personnalité insaisissable
[modifier | modifier le code]Homme chaleureux et drôle, à l'esprit de camaraderie
[modifier | modifier le code]Le journaliste et écrivain Daniel Couvreur qualifie Hergé « d'amuseur qui ne s'est jamais pris au sérieux »[67]. Le dessinateur apprécie en effet l'humour potache et cultive l'autodérision. Dans un entretien accordé au journaliste belge Jacques Mercier, il déclare : « en ce qui me concerne, la chose essentielle, c'est de pouvoir se moquer un peu de soi-même… et de tout ! »[67]. Il partage avec ses amis le goût de la fantaisie et du canular, au point d'utiliser dans ses albums les blagues que lui font parfois ses assistants[67]. Il puise notamment son inspiration chez les grands maîtres du cinéma muet et burlesque qu'il découvre dans sa jeunesse comme Charlie Chaplin, Buster Keaton, Harold Lloyd, mais aussi les frères Lumière. La scène mythique de L'Arroseur arrosé est notamment reprise dans Coke en stock aux dépens du capitaine Haddock[68].
Hergé témoigne d'un esprit de camaraderie acquis très tôt par le biais du scoutisme. Tout au long de sa vie, il revendique l'héritage de ses années de jeunesse passées avec la troupe : « C'est avec le scoutisme que le monde a commencé à s'ouvrir pour moi. C'est le grand souvenir de ma jeunesse. Le contact avec la nature, le respect de la nature, la débrouillardise. Tout cela a été essentiel pour moi et, même si cela paraît un peu démodé, ce sont des valeurs que je ne renie pas[a 8]. » C'est chez les scouts que l'humour de Georges Remi trouve son premier public, par contraste avec la monotonie de son univers familial, et c'est là qu'il noue aussi des amitiés durables comme avec José de Launoit ou Philippe Gérard, l'un de ses premiers conseillers scénaristiques[a 8]. C'est avec ces deux hommes qu'il joue brièvement au théâtre dans les années 1920, au sein de la troupe des « Gargamacs », où son humour et son sens de l'à-propos font mouche[a 13].
Longues périodes de dépression
[modifier | modifier le code]Malgré le succès de ses productions, Hergé ressent dès 1944 les premiers signes d'une dépression dans laquelle il s'enfonce plus durablement dans les années suivant la Libération[a 62]. Le dessinateur attribue non seulement cette affection au surmenage qui découle de son intense activité professionnelle, mais aussi à l'influence de son milieu familial et de sa jeunesse marquée par les crises de folie de sa mère, morte en 1946[7],[a 101]. Dans une lettre adressée en 1948 à son ami Marcel Dehaye, au plus fort d'une crise qui le détourne de son travail, il déclare : « Tu ne sais rien de ma jeunesse, de mon hérédité, de mon atavisme. Crois-tu qu'il suffise d'un effort de volonté pour annihiler l'effet de cette hérédité ? Pour faire en sorte que les images enregistrées dans la prime jeunesse et dans l'adolescence s'effacent entièrement ? sans laisser la moindre trace[a 101] ? »
La santé mentale fragile du dessinateur affecte également sa santé physique : Hergé souffre de troubles du sommeil et subit régulièrement des crises d'eczéma, de furonculose et des problèmes de digestion[a 62]. Avec sa femme Germaine, les disputes sont incessantes[a 62]. Cette dépression est souvent mal comprise par son entourage et ses collaborateurs qui lui reprochent de manquer à ses obligations[a 69].
Attrait pour l'ésotérisme et les phénomènes paranormaux
[modifier | modifier le code]L'intérêt d'Hergé pour les phénomènes paranormaux se manifeste dès son plus jeune âge et trouve son origine dans un certain nombre de situations vécues qui le marquent durablement. Dans la soirée du , à l'âge de 7 ans, alors qu'il assiste à la veillée funèbre de son grand-père maternel, Joseph Dufour, il dit voir apparaître une tête de mort sur le montant extérieur d'une fenêtre. Cette apparition, que refusent de croire ses parents, le trouble tant qu'il décide d'en faire une esquisse et, selon Philippe Goddin, cet évènement pourrait être le véritable élément fondateur de l'histoire des Sept Boules de cristal, en particulier la scène dans laquelle la momie de Rascar Capac apparaît à la fenêtre de la chambre de Tintin pendant son sommeil[69],[7]. Hergé vit aussi difficilement les accès de folie répétés de sa mère. Les troubles mentaux d'Élisabeth Remi se manifestent peu après la naissance de son petit frère Paul, et la contraignent de s'éloigner du foyer. Ses crises devenant plus fréquentes, elle multiplie les séjours en hôpital psychiatrique avant d'être définitivement internée en 1946[7].
La fascination du dessinateur pour les sciences occultes semble croître tout au long de sa vie. En 1939, Hergé et sa femme Germaine font appel au célèbre radiesthésiste Victor Mertens pour retrouver une alliance égarée à leur domicile. Ce dernier la retrouve à l'aide de son pendule, puis intervient une nouvelle fois auprès du couple en en localisant, sur un plan de leur maison, le courant d'eau souterrain qui, selon lui, expliquerait leur sommeil troublé[7]. À la même époque, Hergé rencontre Bernard Heuvelmans, docteur ès sciences de l'Université libre de Bruxelles, à la rédaction du Soir. Ce dernier lui fournit quelques éléments pour ses scénarios et l'initie à la cryptozoologie qui fascine le dessinateur au point qu'il représente le yéti comme un être sensible dans Tintin au Tibet[7],[c 25]. Dans les années 1960, Hergé devient un lecteur assidu de la revue Planète, fondée par Jacques Bergier et Louis Pauwels, auteurs du best-seller Le Matin des magiciens et dont les écrits contribuent à populariser les pseudosciences[7],[70].
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que se manifestent chez l'auteur les premiers signes d'un syndrome dépressif[a 102], Hergé et sa femme prennent l'habitude de consulter une voyante. Après des échanges éphémères avec une certaine Mme Sacca, ils consultent plus régulièrement Bertje Jageneau, la mère d'un des assistants du dessinateur[7]. Dans les dernières années de sa vie, Hergé se tourne vers les philosophies orientales. Malgré son éducation catholique, c'est dans la pensée du bouddhisme et du taoïsme qu'il finit par trouver son terrain de philosophie morale[j 3]. Il ne cesse pour autant de consulter une voyante, suivant désormais les conseils de l'occultiste Yaguel Didier[7]. Comme le souligne Bernard Heuvelmans, « Hergé était très intéressé par les sciences un peu marginales. […] Il aurait fait un admirable savant ; il avait toutes les qualités qui convenaient : un esprit ouvert, rigoureux et précis ; il était très méticuleux, vérifiait les moindres détails. Mais il avait une attirance indiscutable pour les phénomènes inexpliqués »[a 103].
Fort logiquement, cet attrait pour les phénomènes paranormaux explique la grand part accordée par l'auteur au fantastique dans Les Aventures de Tintin[71].
Hergé, l'art et la culture
[modifier | modifier le code]Une enfance « grise »
[modifier | modifier le code]Pendant son enfance, la mère d'Hergé l'emmène souvent au cinéma, mais sa culture littéraire est inexistante[a 104]. Les livres sont absents du domicile familial, et ce manque d'ouverture est difficilement compensé par l'enseignement qu'il reçoit à l'Institut Saint-Boniface, qu'il juge peu qualifié[a 105]. Ses lectures de jeunesse sont peu nombreuses, à l'exception du roman Sans famille d'Hector Malot et de quelques livres et brochures reçus lors des distributions de prix. À l'adolescence, il se passionne pour Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas, puis économise patiemment son argent pour s'offrir les volumes suivants, Vingt Ans après et Le Vicomte de Bragelonne[a 105]. L'étroitesse d'esprit et l'inculture qui entourent son milieu familial entraînent une forme de complexe d'infériorité chez Hergé, au point d'évoquer la « grisaille de son enfance »[a 105] : « Il n'y avait jamais une étincelle. Pas de livres, pas d'échanges d'idées, rien »[e 10].
Le goût de la lecture lui vient peu à peu et, dans les années 1920, il découvre avec plaisir l'humour anglophone dans les livres de Jerome K. Jerome, comme Trois Hommes dans un bateau et Mes enfants et moi, ou ceux de Mark Twain comme À la dure[a 13].
Théoricien de la « ligne claire »
[modifier | modifier le code]Le style et la technique d'Hergé évoluent considérablement entre les années 1920 et les années 1970 et, comme le souligne l'écrivain Benoît Peeters, « c'est l'une des caractéristiques les plus frappantes de l'œuvre d'Hergé […] que d'avoir été immédiatement publiée. On pourrait même dire qu'elle fut publiée avant d'être publiable. Toute sa formation se fit à découvert : sous les yeux de ses premiers lecteurs »[a 106].
Georges Remi n'ayant pas suivi de cours de dessin, le style qu'il fait émerger, fondé sur le trait et l'épure et qui prend bien plus tard le nom de ligne claire, ne lui est pas donné « comme une simplicité primaire et presque puérile, un code aussi naturel qu'évident »[a 107]. Au début de sa carrière, le jeune dessinateur n'a pas encore son propre style et comme beaucoup de débutants il commence par imiter d'autres artistes. C'est en autodidacte qu'il se forme[a 9] et comme l'affirme Philippe Goddin, « ce qu'Hergé a fait au début de sa carrière, c'est reprendre de zéro l'élaboration d'un langage, et établir étape par étape son propre code de lecture des images. On peut considérer que c'est de toutes pièces qu'il a créé son mode d'expression, car si d'autres l'avaient effectivement mis au point avant lui, il devait pratiquement tout en ignorer »[f 14]. À ce stade, Hergé emprunte à différents artistes, sans souci de hiérarchie : il s'inspire aussi bien du trait de Pablo Picasso que des illustrations de Benjamin Rabier, en particulier les Fables de La Fontaine qu'il apprécie, de l'illustrateur René Vincent, des gravures du Petit Larousse, mais aussi des affiches de Cassandre et Léo Marfurt[a 107]. Didier Pasamonik relève que le court passage de Georges Remi par la photogravure au début de sa carrière au Vingtième Siècle est décisif : dans la mesure où un dessin de presse est fait pour être reproduit, il se doit d'être lisible et efficace. Ainsi, « la rhétorique de la simplicité qui est la sienne rejoint les procédés récents de l'imprimerie. Pour Hergé, qui suivra de près la vie du journal, ce style ne s'improvise pas : il s'impose »[72]. Il est à ce titre considéré comme « le père de la bande dessinée européenne »[73].
Comme le souligne l'historien de l'art Thomas Schlesser, les illustrations d'Hergé se distinguent par un « extraordinaire pouvoir évocateur ». Les traits de ses personnages traduisent immédiatement leur caractère ou leurs sentiments[74]. Son dessin est rapidement identifiable, et tient dans l'intensité des expressions, la précision des mouvements et la justesse des attitudes[75]. Le philosophe Rémi Brague insiste sur l'extrême précision du dessin : « Il suffirait d'ajouter ou retrancher un quart de millimètre à la ligne pour que tout soit gâché ». Cette rigueur permet également au dessinateur de suggérer une infinité de nuances par quelques détails insignifiants[35]. Il subit l'influence de la bande dessinée américaine et notamment d'auteurs comme George McManus, qui font comme lui intervenir les paroles des personnages dans des phylactères[76], mais aussi du dessinateur français Alain Saint-Ogan, à qui il rend visite en 1931 et dont il emprunte la capacité à rendre le mouvement au travers d'un trait d'une épaisseur toujours égale et d'une remarquable économie de moyens[77]. Les Aventures de Tintin entretiennent un lien de parenté évident avec les œuvres de ce dernier, dont l'influence couvre les sept premiers albums de la série selon Thierry Groensteen[78].
Le graphisme d'Hergé s'affirme au contact de l'art égyptien qu'il met en scène dans Les Cigares du pharaon, puis gagne en souplesse dans Le Lotus bleu, sous l'influence de son ami chinois Tchang Tchong-Jen qui l'initie à l'art de la calligraphie chinoise et lui apprend à observer attentivement la nature[76]. La maîtrise d'Hergé se renforce dans la composition et le rythme des dessins, faisant de cette aventure un album charnière sur le plan graphique[76]. Son style continue d'évoluer à mesure qu'il s'intéresse à l'histoire de l'art, lui pour qui le milieu artistique était étranger pendant l'enfance. Il emprunte notamment la rigueur du dessin aux portraits d'Hans Holbein le Jeune, dont une copie est accrochée dans son bureau, et le goût pour les compositions colorées et tumultueuses de Joan Miró, qui transparaissent dans les rêves et cauchemars de Tintin[77].
Le « piège des Studios »
[modifier | modifier le code]Dès 1942, Hergé cède à la pression de l'éditeur Casterman qui lui réclame la colorisation de ses œuvres. Le dessinateur se montre toutefois réticent, tant il est convaincu que la puissance de son dessin réside avant tout dans le trait. En 1975, à propos du passage à la couleur qu'il évoque dans un entretien avec un journaliste néerlandais, il déclare : « Je ne sais toujours pas si cela a été un changement salutaire[a 108] ! » De fait, Benoît Peeters et Pierre Sterckx s'accordent pour reconnaître que les albums dessinés en noir et blanc sont les plus beaux et les plus évocateurs[a 108], ce dernier regrettant d'ailleurs que la colorisation de l'œuvre entraîne également l'abandon de ce qu'il nomme la « ligne folle », qui s'appuie sur une certaine sensualité graphique et un trait voluptueux, au profit d'une certaine rigidité que vient renforcer l'avènement des Studios Hergé dans les années 1950[g 12].
La mise en couleurs de ses albums contraint Hergé à s'entourer d'une équipe pour affronter la surcharge de travail qu'elle nécessite. Ainsi le dessinateur bénéficie de l'apport de son premier véritable collaborateur, Edgar P. Jacobs, qui travaille à ses côtés à partir de 1944. À son contact, les décors s'enrichissent de détails, fruits de nombreuses recherches et de croquis pris sur le vif[a 109]. La complicité qu'entretiennent les deux hommes dépasse des conceptions parfois opposées sur le traitement de la couleur, la rigueur du trait ou la narration, et chacun bénéficie de l'influence de l'autre[a 109]. Après la fin de leur collaboration, Hergé n'est plus en mesure de travailler seul, comme le confie le dessinateur Jacques Martin, appelé à le remplacer quelques années plus tard et qui évoque une sorte de piège artistique : « Jacobs, avec son souci du détail, a apporté dans Les Aventures de Tintin […] des décors qu'Hergé ne faisait jamais. Hergé faisait, à l'époque, trois lignes et deux briques pour figurer une rue et un mur, et c'était tout. Or, que fait Jacobs ? Il met des affiches qui sont de vraies affiches, il dessine une entrée de cinéma qui ressemble vraiment à une entrée de cinéma, bref, il sophistique les décors chez Hergé. Et, lorsque Jacobs le quitte pour se consacrer exclusivement à Blake et Mortimer, Hergé a été complètement désemparé : il ne savait pas faire des décors, ce n'était pas son truc, cela ne l'intéressait pas ! Ce qui intéressait Hergé, c'était le mouvement »[79].
Ce processus aboutit à la fondation des Studios Hergé en 1950. Pour de nombreux tintinologues, ce changement entraîne une complexification des décors qui s'accompagne dans les derniers albums, en particulier Tintin et les Picaros, d'une faiblesse graphique qu'ils attribuent au fait que l'auteur délègue une part de plus en plus importante de ses dessins à ses collaborateurs, y compris les personnages secondaires. Selon Benoît Peeters, pour qui la ligne claire « se durcit », il s'agit là d'une preuve que le style d'Hergé, longtemps considéré comme neutre et facilement exportable, souffre d'une certaine fragilité[a 110].
Un artiste exigeant
[modifier | modifier le code]Pointilleux et intraitable envers lui-même, Hergé l'est tout autant envers ses collègues, particulièrement en tant que directeur artistique du journal Tintin. Dès la création du périodique, les autres dessinateurs sont tenus de lui présenter leurs planches crayonnées, de sorte qu'ils puissent tenir compte de ses critiques éventuelles : aucune planche ne paraît sans son accord[a 59]. À titre d'exemple, en 1953, Hergé censure le projet de couverture réalisée par Edgar P. Jacobs pour annoncer le lancement de sa nouvelle aventure, La Marque jaune, car il la juge violente, terrifiante et déplacée. Ce refus est vécu comme un affront par Jacobs[80], une expérience vécue plus tard par d'autres dessinateurs comme Tibet ou François Craenhals, valeurs montantes de la version française du magazine[a 111].
Outre la qualité graphique de leurs travaux, Hergé s'attache à ce que les histoires de ses collaborateurs fassent primer la vraisemblance sur l'imaginaire. Il critique notamment les scénarios écrits par Jacques Van Melkebeke pour la série Hassan et Kaddour de Jacques Laudy, qui manquent selon lui de réalisme. Hergé fait pression pour l'écarter du sommaire de Tintin, regrettant que les personnages de Laudy soient « sans consistance, sans caractère, purement fictifs et dépourvus de vie », tout en affirmant qu'ils ne peuvent séduire les lecteurs dans la mesure où les auteurs les font évoluer à différentes périodes historiques et n'hésitent pas à les transformer en mouches dans l'une des aventures[44]
Collectionneur et peintre abstrait
[modifier | modifier le code]« Hergé jouit d'un statut particulier dans le concert des arts et des médias de son temps. Il y figure l'exception qui confirme la règle : c'est un maître, un grand artiste mais issu d'un médium (la bande dessinée) qu'il est d'usage de considérer encore aujourd'hui comme un art mineur. »
— Pierre Sterckx, L'Art d'Hergé : Hergé et l'art, 2015[j 4]
Au début des années 1960, la passion d'Hergé pour l'art contemporain s'affirme de plus en plus. Depuis quelques années déjà, il se constitue une petite collection de tableaux sur les conseils de Jacques Van Melkebeke et du tailleur bruxellois Gustave Van Geluwe[a 90]. Bientôt, il s'essaie lui-même à la peinture, d'abord sous les conseils de Louis Van Lint puis seul. Il réalise trente-sept toiles, la plupart étant abstraites, dans lesquelles il est possible de retrouver l'influence de Joan Miró, Serge Poliakoff et Louis Van Lint lui-même[a 90]. Sur les conseils de l'historien d'art Leo Van Puyvelde, Hergé renonce à exposer ses œuvres : ses toiles ne manquent pas de qualité mais elles ne possèdent ni l'originalité ni la force des dessins qu'il réalise pour la bande dessinée[a 90]. Les toiles, conservées pour la plupart par sa veuve Fanny Rodwell, ont néanmoins atteint une cote élevée sur le marché de l'art en raison de l'attraction exercée auprès des collectionneurs par tout ce qui concerne Hergé, mais aussi pour leur qualité intrinsèque. En 2011, une peinture abstraite qu'il avait offerte à l'une de ses employées de maison est vendue 35 000 euros à la galerie Rops de Namur[81].
Refusant de n'être qu'un peintre « du dimanche ou du samedi après-midi »[e 11], Hergé abandonne aussitôt la peinture mais il ne se détourne pas pour autant de ce milieu[a 90]. Au contraire, il aide son ami collectionneur Marcel Stal à établir sa galerie Carrefour sur l'avenue Louise, à proximité des Studios, un lieu où le dessinateur s'empresse de se rendre presque tous les jours à l'heure du déjeuner[a 90]. Dans un premier temps, il s'intéresse aux œuvres expressionnistes de Constant Permeke et Jacob Smits, mais, en accord avec sa recherche philosophique qui tend vers le zen et le tao, ses goûts évoluent rapidement vers des œuvres plus méditatives comme les toiles monochromes fendues de Lucio Fontana[a 90].
Il se passionne pour les tableaux torturés de Jean-Pierre Raynaud mais affiche également un certain éclectisme en s'intéressant de près au pop art, principalement les œuvres de Roy Lichtenstein avec qui il se découvre une certaine affinité. Les sérigraphies que l'artiste américain réalise à partir de la série des Cathédrales de Rouen de Claude Monet ornent d'ailleurs son bureau[a 90]. Parmi les artistes appréciés d'Hergé et dont il acquiert les œuvres figurent Jean Dewasne, Frank Stella, Auguste Herbin, Tom Wesselmann, Jean Dubuffet, Kenneth Noland ou encore Stefan de Jaeger[j 5].
À la galerie Carrefour, Hergé fait également la rencontre d'un jeune critique d'art, Pierre Sterckx, avec qui il noue une forte amitié. En plus de son avis éclairé sur des questions de peinture et d'esthétique, Pierre Sterckx fait découvrir à Hergé les textes d'intellectuels comme Roland Barthes, Claude Lévi-Strauss et Marshall McLuhan[a 90]. Cet attrait pour la peinture contemporaine et la philosophie vaut cependant à Hergé des sarcasmes de la part de certains de ses amis les plus anciens, comme Paul Jamin et Robert Poulet qui considèrent que le dessinateur fait preuve d'une forme de snobisme en décalage avec ses origines familiales et sa propre personnalité[a 90].
Sur un autre plan, le rapprochement d'Hergé avec de célèbres peintres contemporains affirme chez lui la volonté d'imposer la bande dessinée comme un art à part entière. Il constate que sa conception du dessin et les questions qu'il se pose dans l'exécution de ses œuvres sont proches des leurs, et des peintres comme Andy Warhol et Jan Dibbets lui témoignent à leur tour leur admiration[a 90].
Positionnement politique et accusations de racisme
[modifier | modifier le code]Influence du milieu catholique et nationaliste des années 1920 et 1930
[modifier | modifier le code]Hergé subit l'influence des milieux catholiques, nationalistes et conservateurs d'extrême-droite qu'il fréquente dès sa jeunesse. Membre actif des mouvements d'Action catholique, il est fasciné par son premier employeur, l'abbé Norbert Wallez, fervent admirateur de Benito Mussolini[a 112],[c 26]. C'est sous son impulsion que Tintin au pays des Soviets revêt un caractère politique ouvertement anticommuniste[a 19]. Pour le journaliste Henri Roanne-Rosenblatt, qui l'a rencontré vers la fin de sa vie, « Hergé est le produit de son époque et de son milieu. La Belgique d'avant-guerre baigne dans un antisémitisme de bon ton, comparable à de l'alcoolisme mondain qu'on tolère. Et Hergé s'est révélé et s'est épanoui dans un milieu catholique réactionnaire et antisémite »[82]. De fait, dès 1934, Hergé commet dans les colonnes du Petit Vingtième certains « dérapages », selon le mot de Benoît Peeters. Dans le numéro du , tout en se félicitant qu'Adolf Hitler ait pris des mesures qui semblent, en apparence, limiter les persécutions contre les juifs, la rédaction du supplément ajoute : « Espérons qu'il rappellera en Allemagne les nombreux juifs exilés chez nous et que nous entendrons parler autre chose que le yiddish dans notre bonne ville de Bruxelles »[83]. Quelques semaines plus tard, il glisse une plaisanterie douteuse dans un problème mathématique : « Si M. Lévy peut faire une cigarette avec trois mégots (il ne les jette pas, par économie), avec neufs mégots, combien de cigarettes ? »[84].
Au Vingtième Siècle, Hergé rencontre le journaliste Léon Degrelle, fondateur du mouvement d'extrême-droite Rex dans les années 1930[a 26]. Le dessinateur illustre plusieurs de ses ouvrages[a 26] mais réfute publiquement toute adhésion à son parti ou à ses idées, contrairement à ce qu'affirme Degrelle dans son ouvrage Tintin, mon copain[a 113]. Hergé refuse notamment de rejoindre la rédaction de son hebdomadaire Le Pays réel, contrairement à d'autres journalistes du Vingtième Siècle comme Paul Jamin ou Victor Meulenijzer[a 113]. Le grand thème des Aventures de Tintin publiées pendant les années 1930, qui dénoncent les trafics et les sociétés secrètes en tous genres, se rapproche pourtant de certains arguments de campagne de Léon Degrelle[a 113]. Maxime Benoît-Jeannin, auteur en 2007 d'un ouvrage très critique à l'égard du dessinateur, s'appuie sur la figure de Rastapopoulos pour éclairer ce rapprochement : « Par son nom, Rastapopoulos est un concentré de toutes les tares que les mouvements antiparlementaires et antirépublicains stigmatisent dans leurs journaux. Et puis à la fin du XIXe siècle, le mot rastaquouère vise les étrangers à la richesse ostentatoire, forcément suspecte, les parvenus vulgaires et bruyants. On l'a raccourci assez vite en rasta. Popoulos qu'Hergé ajoute à rasta indique que son personnage a des origines grecques et populaires. […] [Hergé] transpose les conflits de la société adulte afin qu'ils soient lisibles pour des enfants de dix ans. Mais son imaginaire et ses moyens sont ceux d'un homme d'extrême droite. Car pourquoi, sinon, faire d'un apatride aux origines grecques, un métèque, selon la terminologie maurrassienne, un symbole du mal ? »[85].
Dans son dernier récit paru avant la guerre, Le Sceptre d'Ottokar, Hergé ne peut être suspecté d'un quelconque rapprochement avec l'idéologie nazie, tant cette aventure apparaît comme une transposition et une dénonciation de l'Anschluss dont l'Autriche vient d'être victime. Pour Benoît Peeters, ce n'est pas un hasard si le complice syldave des Bordures, et réel instigateur du complot, est dénommé Müsstler : son patronyme est un mot-valise construit sur les noms des dictateurs italien et allemand Benito Mussolini et Adolf Hitler, un nom qui fait aussi écho aux dirigeants fascistes britannique Oswald Mosley et néerlandais Anton Mussert[a 114]. Plus encore qu'une œuvre antifasciste, Le Sceptre d'Ottokar révèle l'attachement d'Hergé à la monarchie belge en des temps où elle se trouve elle aussi menacée, par la volonté expansionniste de l'Allemagne d'une part, et par la montée du mouvement rexiste, dont la fascisation progresse au cours des années 1930, ou des mouvements ultra-nationalistes flamands, la Ligue nationale flamande et le Verdinaso, d'autre part[23],[a 114]. En déjouant le complot qui vise le roi, Tintin assure la permanence de son pouvoir légitime, le monarque syldave étant présenté comme un roi soucieux du bien-être de son peuple, ainsi que le sont d'autres souverains présents dans la série[86]. Toutefois, bien des années plus tard, Hergé défend la neutralité de son personnage dans une lettre adressée à Jean-Paul Chemin : « Tintin n'est pas le défenseur de l'ordre établi, mais le défenseur de la justice, le protecteur de la veuve et de l'orphelin. S'il vole au secours du roi de Syldavie, ce n'est pas pour sauver le régime monarchique, c'est pour empêcher une injustice : le mal, ici, aux yeux de Tintin, est le rapt du sceptre »[c 27].
Il n'empêche que, selon Maxime Benoît-Jeannin, « à l'approche de la Deuxième Guerre mondiale, Hergé […] appartient à un groupe informel d'individus venant de l'Action catholique belge ou de nulle part, qui va servir l'Ordre nouveau. C'est l'effondrement de 1940, cataclysme mettant à bas l'édifice politique et social construit depuis 1830 et fondé sur le libéralisme, qui permettra à cette poignée d'idéologues fascisants et d'opportunistes de tenir tout à coup le haut du pavé »[87]. Le journaliste William Ugeux, son ancien directeur au Vingtième Siècle, semble dédouaner le dessinateur sur le plan politique : « Quelqu'un qui s'est bien conduit à titre personnel, mais qui n'en est pas moins demeuré un anglophobe évoluant toujours dans la mouvance rexiste. Il illustrait bien la passerelle qui reliait l'esprit scout primaire et la mentalité élémentaire des rexistes : goût du chef, du défilé, de l'uniforme… Un maladroit plutôt qu'un traître. Et candide sur le plan politique »[c 19].
Attitude sous l'Occupation
[modifier | modifier le code]L'attitude d'Hergé, qui accepte de travailler pour Le Soir volé pendant l'Occupation, soulève de nombreuses accusations à son égard. Son biographe Benoît Peeters le présente comme « un collaborateur passif mais opportuniste »[88]. Comme le constate Pierre Assouline, son cas n'est pas isolé, et d'un point de vue artistique, le contexte de guerre et d'occupation constitue paradoxalement une forme importante de stimulation, faisant de cette période un « âge d'or » de la création[c 28]. Pour Hergé comme pour d'autres artistes commence alors le temps de « l'accommodation »[c 29]. Quand il intègre l'équipe du Soir en , à l'invitation de Raymond de Becker, l'auteur se montre enthousiaste mais plus qu'une adhésion morale et politique, il y voit d'abord un moyen de s'assurer des revenus réguliers et de ne pas se faire oublier du grand public[c 17]. Comme le rappelle Benoît Peeters, seule la presse peut alors lui permettre de subvenir à ses besoins : à cette époque, « le journal est roi, les livres sont chers », et le dessinateur ne peut se contenter des droits que lui paie Casterman pour la vente de ses albums[a 115].
Son engagement lui semble d'autant plus naturel que la plupart de ses proches agissent de la même façon, comme Paul Jamin, Marcel Dehaye, Jean Libert, Julien de Proft, Victor Meulenijzer ou encore Paul Werrie[a 115]. Cette participation déçoit cependant certains de ses amis et entraîne notamment sa rupture avec Philippe Gérard, caricaturé ensuite sous les traits du prophète Philippulus dans L'Étoile mystérieuse. Certains de ses lecteurs se montrent eux aussi circonspects. Ainsi, en , le dessinateur reçoit une lettre anonyme : « Permettez Monsieur, à un père de famille nombreuse de vous dire sa tristesse et sa déconvenue de voir Tintin et Milou paraître dans le Nouveau Soir. En marge de vos amusants dessins, on leur infiltrera le venin de la religion néopaïenne d'outre-Rhin. Si vous le pouvez encore faites machine arrière. Excusez de ne pas signer mais les temps sont trop incertains »[c 30].
À travers sa collaboration au Soir, l'auteur répond au besoin de la population de se divertir afin d'oublier les malheurs du moment[c 28], et seuls le succès et le rayonnement de ses créations artistiques semblent alors lui importer[c 31]. Il témoigne d'une certaine indifférence envers les événements de son époque, occupé qu'il est par la création de son œuvre, à laquelle il consacre au moins douze heures de travail par jour[a 116], comme il le déclare des années plus tard dans ses entretiens à Numa Sadoul : « La guerre semblait bien finie pour nous [les Belges]. Aussi n'ai-je pas eu de scrupules à collaborer à un journal comme Le Soir : je travaillais, un point c'est tout, comme travaillait un mineur, un receveur de tram ou un boulanger ! »[e 12]. De fait, la popularité de Tintin s'accroît fortement : les albums vendus atteignent la barre des 100 000 exemplaires à l'automne 1941[c 32].
Plusieurs de ses actes renforcent l'ambiguïté de sa situation et dans un entretien accordé en 1973 à deux journalistes, Hergé reconnaît que son engagement au Soir ne pouvait prétendre à l'innocence et concède « [avoir] cru que l'avenir de l'Occident pouvait dépendre de l'Ordre nouveau »[a 115]. Il intervient personnellement auprès des autorités allemandes afin d'obtenir un supplément de papier et de maintenir ainsi la production de ses albums[c 33], mais ce sont principalement ses caricatures antisémites parues dans différentes œuvres qui lui valent des critiques acerbes[a 49].
Hergé antisémite ?
[modifier | modifier le code]Dans les premières Aventures de Tintin figurent quelques représentations de Juifs qui portent, selon Didier Pasamonik, « les traces de l'antijudaïsme chrétien si commun dans la bande dessinée belge ». Il en est ainsi du fripier juif dans Tintin au pays des Soviets ou de l'antiquaire de L'Oreille cassée[89]. Mais pour Benoît Peeters, L'Étoile mystérieuse constitue la « pièce à charge majeure » contre Hergé[a 49].
D'une part, alors que la parution de l'histoire coïncide avec l'entrée en guerre des États-Unis, la composition des deux groupes qui s'affrontent dans la quête de l'aérolithe n'est pas neutre : autour de Tintin, l'expédition financée par le « Fonds européen de recherches scientifiques » réunit des scientifiques issus de pays neutres ou favorables à l'Allemagne, cependant que leurs ennemis, à bord du Peary, arborent un drapeau américain. Pour l'historien Pascal Ory, « qu'Hergé le veuille ou non, ce thème d'une Europe soigneusement triée, repris fréquemment par la presse collaborationniste, a, en 1942, un sens politique très précis »[90], une analyse que rejoint Pierre Assouline qui estime que « cette dualité n'est évidemment pas innocente »[c 34]. Benoît Peeters rapporte un autre élément : tandis que la présentation des Américains dans l'album est « plus que tendancieuse », l'hydravion utilisé par Tintin pour aborder l'aérolithe est un Arado Ar 196[a 117], qui était alors considéré comme la fierté de l'armée allemande et la « terreur des sous-marins alliés »[91]. C'est donc bien une guerre, certes scientifique, que se livrent « bons Européens […] et méchants Américains ». Pierre Assouline considère qu'en attribuant le mauvais rôle à ces derniers, Hergé « leur fait […] perdre la guerre par anticipation » et se place ainsi en parfaite adéquation avec les pages politiques du quotidien dans lequel il publie[c 34].
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Le strip en question dans le numéro du Soir du . |
D'autre part, l'album contient de nombreux éléments à caractère antisémite. Non seulement le riche banquier dénué de tout scrupule qui soutient l'expédition américaine porte un patronyme à consonance juive, « Blumenstein », mais celui-ci est dessiné selon les codes des caricatures de cette époque[a 117]. En 1954, lors de la réédition de l'album, Hergé abandonne ce nom « trop lourd à porter », à la demande de Casterman[c 18]. Il choisit celui de « Bohlwinkel », issu du terme bruxellois « bollewinkel », qui signifie « boutique de confiserie », mais cela ne suffit pas à atténuer les critiques car Hergé finit par apprendre que ce nom est lui aussi un véritable patronyme juif[a 117]. Par ailleurs, deux cases parues initialement dans Le Soir sont retirées dès la première édition de l'album en raison de leur caractère outrancier[c 18] : tandis que le prophète Philippulus poursuit Tintin en annonçant la fin du monde, ces deux personnages passent devant un magasin tenu par deux Juifs caricaturaux et portant l'enseigne « Levy ». En entendant les propos du prophète, le premier commerçant déclare : « Tu as entendu, Isaac ? La fin du monde ! Et si c'était vrai ? » Le second, se frottant les mains, lui répond : « Hé ! Hé ! Ce serait une bonne bedide avaire, Salomon ! Che tois 50 000 Frs à mes vournizeurs… Gomme za, che ne tefrais bas bayer. »[a 117],[92],[t].
L'Étoile mystérieuse n'est pas, à cette époque, la seule œuvre d'Hergé qui renferme des dessins à caractère antisémite : en 1941, il accepte également d'illustrer les Fables de Robert de Vroylande, dont l'une est intitulée « Les deux Juifs et leur pari ». Le dessin qu'il réalise reprend les codes des principales caricatures antisémites du moment, comme celles que publie son ami Paul Jamin dans le Brüsseler Zeitung[a 49]. Benoît Peeters juge la défense d'Hergé insuffisante face aux accusations d'antisémitisme qui courent à son égard : bien qu'il considère que « [l'auteur] ignorait la solution finale lorsqu'il dessinait L'Étoile mystérieuse, il ne pouvait, en revanche, pas manquer de connaître les mesures antisémites promulguées à cette époque »[a 118]. Dans ses entretiens avec Numa Sadoul, le dessinateur s'exprime sur ces accusations, qu'il rejette en bloc : « J'ai effectivement représenté un financier antipathique sous les apparences sémites, avec un nom juif […]. Mais cela signifie-t-il antisémitisme ?… Il me semble que, dans ma panoplie d'affreux bonshommes, il y a de tout : j'ai montré pas mal de « mauvais » de diverses origines, sans faire un sort particulier à telle ou telle race. On a toujours raconté des histoires juives, des histoires marseillaises, des histoires écossaises. Ce qui, en soi, n'a rien de bien méchant. Mais qui aurait prévu que les histoires juives, elles, allaient se terminer, de la façon que l'on sait, dans les camps de la mort de Treblinka et d'Auschwitz ? »[e 13]. S'il n'émet jamais publiquement d'excuses au sujet de son rôle pendant la guerre, il confie trente ans plus tard au journaliste Henri Roanne-Rosenblatt : « C'est vrai que certains dessins, je n'en suis pas fier. Mais vous pouvez me croire : si j'avais su à l'époque la nature des persécutions et la « Solution finale », je ne les aurais pas faits. Je ne savais pas. Ou alors, comme tant d'autres, je me suis peut-être arrangé pour ne pas savoir »[c 35].
Accusations de racisme
[modifier | modifier le code]L'historien Pascal Ory constate que les premières Aventures de Tintin regorgent de préjugés ethniques, « entre condescendance et franche animosité », qui témoignent d'une « xénophobie ordinaire » largement répandue à cette époque. Il précise cependant que les stéréotypes ethniques sont utilisés par Hergé comme ressort comique, au même titre que ceux du savant distrait, de l'alcoolique mal repenti ou de la diva narcissique[93]. Marc Angenot rejoint cette analyse en affirmant qu'Hergé se comporte en « medium, imprudent mais inconscient, du discours social de son temps, dépourvu de doctrine et, jusqu’à un certain point, de mauvaises intentions délibérées » tout en exploitant volontiers « une imagologie xénophobe comme source élémentaire inépuisable de comique »[23].
À ce titre, Tintin au Congo, empreinte de paternalisme colonialiste[94], apparaît comme l'œuvre la plus caricaturale du dessinateur et concentre les accusations de racisme[93]. Dans les années 1960, l'album est introuvable en librairie, les stocks étant épuisés : les éditions Casterman, inquiètes d'une potentielle indignation de la part d'intellectuels occidentaux pro-africains, ont fait le choix de ne pas rééditer l'album malgré l'insistance d'Hergé d'autant plus dans le contexte de la décolonisation de l'Afrique et de l'indépendance du Congo[c 36],[95]. C'est d'ailleurs dans une revue zaïroise que l'histoire reparaît pour la première fois au début de l'année 1970, accompagnée d'un édito qui met en cause la position de Casterman : « Il y a une chose que les Blancs qui avaient arrêté la circulation de Tintin au Congo n'ont pas comprise. Cette chose, la voici : si certaines images caricaturales du peuple congolais données par Tintin au Congo font sourire les Blancs, elles font rire franchement les Congolais, parce que les Congolais y trouvent matière à se moquer de l'homme blanc qui les voyait comme cela[a 119] ! » Dans un article d'un numéro hors-série de la revue Geo consacré à Tintin, paru en 2000, Jean-Jacques Mandel insiste lui aussi sur la mansuétude de nombreux Africains par rapport à cet album[96].
Il n'empêche que Tintin au Congo joue un rôle prépondérant dans les critiques formulées à l'égard d'Hergé. En 1960, Le Canard enchaîné invite ses lecteurs à se méfier de « ce « héros » pour qui les Blancs sont tout blancs et les Noirs tout noirs » : « Si vos enfants doivent être sages comme des images, évitez que ces images soient du dessinateur Hergé[a 119]. » Deux ans plus tard, le magazine Jeune Afrique publie l'article « Tintin le vertueux ― l'oreille réactionnaire », une violente critique de la journaliste Gabrielle Rolin qui dénonce le racisme latent présent dans les albums du jeune reporter[a 119]. En , Bienvenu Mbutu Mondondo, un étudiant congolais de l'Université libre de Bruxelles, porte plainte pour racisme[97], et demande soit l'interdiction de vente de Tintin au Congo en Belgique, soit la présence d'un avertissement dans l'album[95]. Il est finalement débouté par la justice belge[98]. Dans le même temps, au Royaume-Uni, la Commission britannique pour l'égalité raciale juge l'album raciste et demande son retrait des librairies[95]. De nombreux magasins le retirent de la vente dans les pays anglophones, de même que la bibliothèque publique de Brooklyn à New York[95]. Des plaintes sont également déposées en Suède et en France, mais sans résultat[95]. La polémique réapparaît régulièrement en France comme en Belgique. En , un groupe de personnes liées au Conseil représentatif des associations noires de France mène une action dans une librairie parisienne en apposant des autocollants sur les albums de Tintin au Congo pour réclamer la mise en place d'une préface à l'ouvrage, sur le modèle de l'édition en anglais qui met en garde ses lecteurs contre la présence de stéréotypes coloniaux[99]. Finalement, une nouvelle version est publiée en 2023, incluant une préface rédigée par Philippe Goddin qui place l'album dans le contexte historique de son époque[100],[101], mais cette préface est néanmoins critiquée par certains historiens comme Pascal Blanchard, qui juge que son auteur cherche à dédouaner Hergé de tout racisme ou de toute adhésion au colonialisme[102].
Sans nier les clichés racistes de certains albums, Pascal Ory met en avant la nuance qu'apporte Hergé dans son regard sur l'étranger au fil des aventures : « L'autonomie qu'[il] acquiert petit à petit à l'égard de l'idéologie conservatrice et catholique-sociale de ses débuts s'illustre par le changement de statut de l'Africain entre Tintin au Congo (1930-31) et Coke en stock (1956-58), contemporain des dernières années du Congo colonial »[93]. Dans cette aventure, il n'est plus question pour l'auteur de représenter les Africains comme des colonisés infantilisés mais bien comme des victimes à protéger des mauvais marchands d'esclaves[93].
Hommages et postérité
[modifier | modifier le code]Héritage et surveillance étroite de l'œuvre d'Hergé
[modifier | modifier le code]Dans le testament qu'il rédige quelques mois avant sa mort, l'auteur fait de sa veuve Fanny Remi sa légataire universelle[a 120]. Comme il l'avait affirmé à plusieurs reprises, Hergé ne souhaite pas que les Aventures de Tintin se poursuivent sans lui : « Il y a certes des quantités de choses que mes collaborateurs peuvent faire sans moi et même beaucoup mieux que moi. Mais faire vivre Tintin, faire vivre Haddock, Tournesol, les Dupondt, tous les autres, je crois que je suis le seul à pouvoir le faire : Tintin c'est moi, exactement comme Flaubert disait « Madame Bovary, c'est moi ! » Ce sont mes yeux, mes sens, mes poumons, mes tripes ! […] C'est une œuvre personnelle, au même titre que l'œuvre d'un peintre ou d'un romancier : ce n'est pas une industrie ! Si d'autres reprenaient Tintin, ils le feraient peut-être mieux, peut-être moins bien. Une chose est certaine : ils le feraient autrement et, du coup, ce ne serait plus Tintin ! »[e 14].
Pourtant, une ambiguïté subsiste : s'il est clair qu'il n'est pas question de réaliser de nouveaux albums, Bob de Moor émet le souhait de terminer Tintin et l'Alph-Art à partir des éléments laissés par Hergé. Le dossier que lui remet Fanny Remi, qui ne comporte que trois planches crayonnées et 150 pages d'esquisses au stylo-bille, démontre que le scénario imaginé par l'auteur était loin de sa forme définitive et tous les éléments recueillis ne suffisent pas à en faire un album[a 120]. En 1986, Fanny Remi renonce à l'achèvement de l'aventure et décide de la publier dans la forme laissée par Hergé[a 120]. La même année, les Studios Hergé sont dissous[a 120], tandis qu'une Fondation Hergé est créée dans le but de promouvoir et d'assurer la pérennité de l'œuvre du dessinateur[a 120].
Dès lors, Fanny et son nouveau mari Nick Rodwell assurent un contrôle strict des droits d'auteurs et exploitent commercialement la marque « Tintin » à travers de nombreux produits dérivés et rééditions d'albums[a 120],[103]. Depuis la mort du dessinateur, des adaptations télévisées, cinématographiques ou radiophoniques voient régulièrement le jour[a 120].
Entrée au musée et records de vente
[modifier | modifier le code]En 2008, la douzième planche de L'Affaire Tournesol intègre les collections permanentes du centre Georges-Pompidou et devient ainsi la première planche de bande dessinée à rejoindre l'inventaire de ce musée prestigieux. Deux ans plus tard, cette même planche est choisie pour représenter le 9e Art lors de l'exposition Chefs-d'œuvre ? au centre Pompidou-Metz qui rassemble les grandes figures de l'histoire de l'art du XXe siècle[104]. En 2009, le musée Hergé, entièrement consacré aux œuvres et à la carrière du dessinateur, ouvre ses portes à Louvain-la-Neuve. Le bâtiment est conçu par l'architecte français Christian de Portzamparc[j 6]. Plus largement, à travers le monde, des expositions dédiées à Tintin et son auteur sont régulièrement organisées pour en perpétuer le souvenir[51]. C'est notamment le cas d'une grande rétrospective organisée en 2016 au Grand Palais, à Paris[105].
Dans le même temps, les planches et dessins de l'artiste connaissent un grand succès sur le marché mondial de l'art et établissent de nombreux records à partir des années 1990[j 6],[106]. À titre d'exemples, les pages de garde des albums des Aventures de Tintin dessinées en 1937 sont adjugées pour un montant de 2 654 000 euros lors d'une vente aux enchères à Paris en , tandis que le dessin original de la couverture de L'Étoile mystérieuse, exécuté en 1942, est vendu 2 500 000 euros en à la Brafa de Bruxelles[j 6]. En 2016, une planche encrée d'On a marché sur la Lune atteint le prix de 1,55 million d'euros, soit la planche de bande dessinée la plus chère au monde[106],[107]. En 2023, la vente de la couverture de Tintin en Amérique pour 2 158 400 euros chez Artcurial établit un nouveau record pour un dessin original d'Hergé en noir et blanc[108]. Deux ans plus tôt, le projet de couverture à la gouache pour Le Lotus bleu est devenu l'œuvre la plus chère du dessinateur, attribuée pour 3,2 millions d'euros, toujours chez Artcurial[108].
Ces records de vente s'accompagnent d'une diffusion toujours plus large des albums d'Hergé. En 2014, la barre des 100 traductions des Aventures de Tintin est franchie[109], un chiffre en constante augmentation avec plus de 120 langues et dialectes en 2019[110]. En 2020, selon les données de l'Index Translationum, Hergé figure au huitième rang parmi les écrivains d'expression française les plus traduits au monde[111].
Distinctions et décorations
[modifier | modifier le code]De nombreuses distinctions sont attribuées à Hergé pour l'ensemble de son œuvre. En 1971, il reçoit le prix Adamson du meilleur auteur international, puis le prix Yellow-Kid l'année suivante. En 1973, le Grand prix Saint-Michel lui est décerné[112], tandis qu'il est élevé au rang d'officier de l'ordre de la Couronne à Bruxelles, en 1978[56]. Le , un « Mickey d'honneur » lui est remis par la Walt Disney Company[113],[112]. Après sa mort, il intègre à titre posthume le Temple de la renommée Jack Kirby en 1999 puis le Temple de la renommée Will Eisner en 2003[112].
Sur un autre plan, en 1982, son nom est donné à un astéroïde de la ceinture principale, situé entre Mars et Jupiter et découvert le à l'observatoire royal de Belgique à Uccle par l'astronome belge Sylvain Arend[114].
En 2003, Angoulême est la première ville française à donner le nom d'Hergé à l'une de ses rues, auparavant nommée la rue Marengo. Une statue en bronze du dessinateur y est installée[115],[116]. La même année, l'avenue Hergé est créée sur la commune d'Ixelles, dans le cadre du projet d'aménagement des Jardins de la Couronne[117]. En 2019, la place Hergé est inaugurée à Etterbeek, commune de naissance du dessinateur, tandis que toutes les rues adjacentes du quartier reçoivent le nom de certains des personnages qu'il a créés. Un buste en bronze à son effigie, exécuté en 1958 par le sculpteur Nat Neujean, orne la place[5],[118].
Hergé en bande dessinée
[modifier | modifier le code]Dès le début de sa carrière, le dessinateur a pris l'habitude de se représenter lui-même parmi les personnages qui peuplent ses albums. Pour l'universitaire suisse Jean Rime, qui étudie ces apparitions récurrentes, le nom d'Hergé « ne désigne plus un avatar de Georges Remi, mais un personnage créé par lui pour jouer ce rôle de pivot » médiatique entre ses personnages et ses lecteurs[119]. Dans ses premiers travaux, Hergé impose lui-même son statut de médiateur par « de nombreuses mises en scène auctoriales » : Les Aventures de Totor, C. P. des Hannetons sont présentées comme « un grand film comique produit par United Rovers », parodie de la société américaine United Artists et production fictive doublée plus loin dans le récit de la mention « Hergé Moving Pictures » ou parfois « Hergé, Metteur en scène ». D'une manière analogue, l'un des premiers récits qu'il illustre pour Le Vingtième Siècle, Popokabaka, est sous-titré « Bananera chantée. Musique de Hergé. Paroles de René Verhaegen. » Le dessinateur se présente ainsi comme un cinéaste ou un compositeur, ce que ne lui permet plus ensuite l'évolution de sa technique, l'abandon du récit légendé au profit de la bande dessinée à phylactères entraînant la disparition du narrateur à la troisième personne[119].
C'est dans les aventures de Quick et Flupke qu'il expérimente pour la première fois l'autoportrait en abyme, adoptant parfois la posture de victime. Dans « Une grave affaire », Hergé est enlevé par les deux personnages et l'Agent 15, ceux-ci l'accusant de les couvrir de ridicule chaque semaine. Menacé d'un revolver, le dessinateur admet par écrit que « les nommés Quick et Flupke sont gentils, sages, obéissants »[119]. Le principe est repris dans le gag « Le dessinateur puni » : après un accident de ski lors duquel il a heurté le cadre du dessin, Flupke, plâtré, sonne à la porte du dessinateur avant de le rouer de coups[119]. Enfin, dans « Les grands moyens », Flupke, verbalisé pour stationnement interdit, téléphone à Hergé et lui demande d'arranger la situation en effaçant le panneau d'interdiction. La main du dessinateur apparaît alors grandeur nature, « munie d'une gomme salvatrice », et vient se superposer à la scène[119].
Loin de la tonalité fantaisiste des gags de Quick et Flupke, l'univers réaliste des Aventures de Tintin ne permet pas au dessinateur de jouer avec les mêmes codes mais celui-ci s'y représente néanmoins à plusieurs reprises. Il figure ainsi dans la première planche de la version en couleur de Tintin au Congo, calepin et stylo à la main parmi le groupe de journalistes qui accompagnent le départ du héros[119]. Lors de la mise en couleur du Sceptre d'Ottokar, Edgar P. Jacobs et Hergé s'amusent à se représenter parmi les hauts dignitaires du régime syldave : ils figurent parmi les témoins de l'arrestation de Tintin par les gardes royaux puis assistent à sa décoration par le roi Muskar XII au terme de l'aventure[120]. Il figure une dernière fois dans L'Affaire Tournesol parmi les badauds qui se pressent devant la grille du château de Moulinsart[119].
Par ailleurs, Hergé choisit de dévoiler ses états d'âme et la lassitude qui le gagne par le biais d'autocaricatures publiées dans le journal Tintin. Ainsi en , il apparaît assigné à sa table à dessin et menacé par un Tintin muni d'un fouet, et deux ans plus tard, quand Tintin au pays de l'or noir reprend après une longue interruption, il se dessine en repris de justice menotté et sommé par ses personnages de reprendre le travail[119]. Hergé utilise de nouveau ce procédé en 1978, en couverture d'un ouvrage édité pour célébrer le cinquantième anniversaire de son héros, intitulé Cinquante ans de travaux fort gais[119].
Sur un autre plan, plusieurs adaptations de Tintin rendent hommage à son créateur. Ainsi Hergé figure dans chaque épisode de la série animée Les Aventures de Tintin, réalisée à partir de 1991, mais il apparaît également dans le film Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne de Steven Spielberg en 2011[121]. L'auteur fait aussi l'objet d'une biographie en bande dessinée, Les Aventures d'Hergé, réalisée par José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental et Stanislas Barthélémy en 1999 et rééditée plusieurs fois depuis[122],[123].
Œuvre
[modifier | modifier le code]Les Aventures de Tintin
[modifier | modifier le code]La renommée d'Hergé est indissociable de celle de son héros le plus célèbre, Tintin, dont les Aventures commencent à paraître le dans Le Petit Vingtième, le supplément hebdomadaire pour la jeunesse du quotidien belge catholique et conservateur Le Vingtième Siècle[b 8]. La série comprend 24 albums, dont une dernière aventure inachevée à la mort de l'auteur en 1983, Tintin et l'Alph-Art. À l'exception de cette dernière et du premier récit, Tintin au pays des Soviets, qui comporte 108 planches[124], tous les autres albums, édités depuis chez Casterman[c 37],[d 17], comptent 62 planches[124].
Bien qu'aucune nouvelle aventure ne soit parue depuis la disparition d'Hergé, les albums de Tintin font l'objet de nombreuses rééditions. En 2008, Casterman publie un volume de 1 693 pages, intitulé Tout Tintin, qui reproduit l'intégrale des vingt-quatre albums de la série[125], puis à partir de 2010, la collection Les Archives Tintin, dirigée par Jean-Marie Embs et Philippe Mellot avec la collaboration de Philippe Goddin, en coédition par la société Moulinsart et Casterman, propose une édition de luxe de chacune des aventures, album par album. Chaque volume est assorti d'une documentation de 60 pages qui permet de resituer l'aventure dans son contexte historique, de dévoiler les secrets de création d'Hergé, de décrire les personnages de l'aventure et de mettre en avant les différences entre les diverses versions publiées. La diffusion en est assurée par les Éditions Atlas[125].
Quick et Flupke
[modifier | modifier le code]La série Quick et Flupke débute le dans Le Petit Vingtième[a 22],[b 9]. Les gags de cette série fantaisiste et ironique mettent en scène deux enfants intrépides de Bruxelles qui ne cessent de jouer des tours aux autres personnages, comme l'Agent 15. Quick et Flupke apparaissent tour à tour seuls ou à deux, pour un total de 315 gags. Ceux-ci sont publiés de façon quasi-hebdomadaire entre 1930 et 1935, puis de manière épisodique jusqu'en 1940[126],[b 9]. Quelques gags sont encore créés par Hergé dans les pages du Soir ou dans le journal Tintin dans les années 1950[126].
Après leur parution dans la presse, les exploits de Quick et Flupke sont rassemblés an albums[127]. Cinq paraissent en noir et blanc avant la Seconde Guerre mondiale, les deux premiers aux éditions du Petit Vingtième et les suivants chez Casterman. Après guerre, entre 1949 et 1969, l'éditeur tournaisien les publie en couleurs, d'abord en petit format puis selon le format traditionnel des albums de Tintin, pour un total de douze albums[126].
Les Aventures de Jo, Zette et Jocko
[modifier | modifier le code]La série des Aventures de Jo, Zette et Jocko répond à une commande de l'abbé Gaston Courtois, directeur de l'hebdomadaire Cœurs vaillants qui assure la diffusion française des Aventures de Tintin depuis 1930[a 36],[b 17]. Le Rayon du mystère, premier épisode de cette nouvelle série, commence à paraître le dans ce périodique[b 17]. Il s'agit d'une série typiquement familiale et qui met en scène des héros plus réalistes que Tintin, dotés d'un père et d'une mère et accompagnés d'un petit singe[a 36],[b 17]. Elle comprend cinq albums parus entre 1936 et 1957[128],[129].
Autres publications
[modifier | modifier le code]En , Hergé entreprend la publication des Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons dans Le Boy-Scout, un récit qui rapporte les exploits d'un jeune scout débrouillard. Les dessins, en noir et blanc, sont quasiment dépourvus de phylactère et le texte est placé sous les vignettes. Après une interruption de quelques mois, l'histoire s'achève en dans un autre périodique, Le Boy-Scout belge, après un total de 21 épisodes[b 4].
Pour le lancement du Petit Vingtième en , Hergé illustre L'Extraordinaire aventure de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet, un récit scénarisé par le journaliste Armand De Smet qui raconte les aventures de trois jeunes adolescents et d'un cochon gonflable, dont le cerf-volant s'accroche au train d'atterrissage d'un avion parti pour le Congo[b 6]. En 1934, Hergé publie dans ce même périodique les Aventures de Popol et Virginie au Far West, une bande dessinée animalière éloignée du souci de crédibilité et de réalisme recherché avec Tintin[a 31]. Il s'agit d'une adaptation d'un récit illustré qu'Hergé réalise pour les magasins bruxellois « À l'Innovation » en 1931 sous le titre Les Aventures de Tim l'écureuil au Far West et repris deux ans plus tard dans Pim et Pom, un encart pour la jeunesse du supplément hebdomadaire du journal belge La Meuse, sous le titre Les Aventures de Tom et Millie[b 15]. L'album est édité chez Casterman en 1952 sous le titre Popol et Virginie au pays des Lapinos[43].
En 1932, Cet aimable Monsieur Mops constitue une série de huit planches humoristiques exécutées pour les magasins « Au Bon Marché »[b 15]. En 1940, Hergé publie Monsieur Bellum dans l'hebdomadaire L'Ouest. Il s'agit d'une série de quatre gags mettant en scène un Belge belliciste caricatural[b 30],[a 38],[d 25].
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Ouvrages biographiques généraux
[modifier | modifier le code]- Pierre Ajame, Hergé, Paris, Éditions Gallimard, , 364 p. (ISBN 978-2-070-72186-3, OCLC 24291416).
- Pierre Assouline, Hergé (biographie), Paris, Éditions Gallimard, coll. « Folio » (no 3064), , 463 p. (ISBN 978-2-259-18104-4, OCLC 34681340).
- Philippe Goddin, Hergé : lignes de vie (biographie), Bruxelles, Éditions Moulinsart, , 1010 p. (ISBN 978-2-874-24097-3, OCLC 182733794).
- Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, Paris, Flammarion, coll. « Champs biographie », (1re éd. 2002), 642 p. (ISBN 9782081267893, OCLC 52812831).
- Numa Sadoul, Tintin et moi : entretiens avec Hergé, Paris, Flammarion, coll. « Champs » (no 529), (1re éd. Casterman, 1975), 301 p. (ISBN 978-2-080-80052-7, OCLC 51612694).
- Thierry Smolderen et Pierre Sterckx (postface Michel Serres), Hergé : portrait biographique, Tournai, Casterman, , 457 p. (ISBN 978-2-203-01705-4, OCLC 299407155).
Articles, revues et ouvrages consacrés à l'œuvre d'Hergé
[modifier | modifier le code]Monographies
[modifier | modifier le code]- Jean-Marie Apostolidès, Les métamorphoses de Tintin, Paris, Flammarion, coll. « Champs », (1re éd. 1984), 435 p. (ISBN 978-2-08-124907-3).
- Jan Baetens, Hergé écrivain, Paris, Flammarion, , 224 p. (ISBN 9782081246157).
- Maxime Benoît-Jeannin, Le mythe Hergé, Villeurbanne, Golias, coll. « Enquêtes de Golias », , 100 p. (ISBN 978-2-914-47500-6, OCLC 49031714).
- Maxime Benoît-Jeannin, Les guerres d'Hergé : essai de paranoïa-critique, Bruxelles, Aden, coll. « Grande bibliothèque d'Aden », , 260 p. (ISBN 978-2-930-40223-9, OCLC 85842524).
- Francis Bergeron, Hergé, Grez, Pardès, coll. « Qui suis-je ? », , 128 p. (ISBN 2867144515)
- Francis Bergeron, Hergé, le voyageur immobile : géopolitique et voyages de Tintin, de son père Hergé, et de son confesseur l'abbé Wallez, La Chaussée-d'Ivry, Atelier Fol'Fer, coll. « Impertinences », , 180 p. (ISBN 978-2-357-91071-3, OCLC 922813518, BNF 44402764).
- Collectif, Hergé : Paris, Grand Palais, Galeries nationales, 28 septembre 2016 - 15 janvier 2017, Paris/Bruxelles/impr. en Italie, Moulinsart, RMNde la Réunion des musées nationaux, , 63 p. (ISBN 9782711863518).
- Michael Farr, Tintin, le rêve et la réalité : l'histoire de la création des aventures de Tintin [« Tintin : dream and reality »], Bruxelles, Éditions Moulinsart, , 205 p. (ISBN 978-2-930-28458-3, OCLC 50237074).
- Patrick Gaumer, Dictionnaire mondial de la BD, Paris, Éditions Larousse, , 1056 p. (ISBN 9782035843319).
- Philippe Goddin, Les débuts d'Hergé : Du dessin à la bande dessinée, Bruxelles, Moulinsart, (ISBN 2-930284-17-X).
- Philippe Goddin, Hergé. Chronologie d'une œuvre (1907-1931), t. 1, Bruxelles, Moulinsart, , 420 p. (ISBN 9782930284378).
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Articles et revues
[modifier | modifier le code]- Les Amis de Hergé, revue associative semestrielle créée en .
- Collectif, Vive Tintin ! : Spécial Hergé, (À suivre), , chap. Hors série.
- Collectif, Tintin à la découverte des grandes civilisations, Le Figaro, Beaux Arts Magazine, , 170 p. (ISBN 978-2-8105-0029-1).
- Collectif, Hergé, la vie secrète du père de Tintin, L'Express, décembre 2009-janvier 2010, 106., chap. Hors série, tome 5
- Collectif, Le rire de Tintin : Les secrets du génie comique d'Hergé, L'Express, Beaux Arts Magazine, , 136 p. (ISSN 0014-5270).
- Collectif, Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé, Geo, Éditions Moulinsart, , 160 p. (ISBN 978-2-8104-1564-9).
Documentaires et entretiens télévisés
[modifier | modifier le code]- Conversation dans le jardin d'Hergé, Judith Jasmin (présentatrice), dans Premier plan sur Radio-Canada (, 13 minutes).
- « Hergé à propos de Tintin et le Petit Vingtième » [vidéo], sur ina.fr, Au-delà de l'écran, Office de radiodiffusion-télévision française, (consulté le ).
- « Hergé et la naissance de Tintin » [vidéo], sur ina.fr, Office de radiodiffusion-télévision française, (consulté le ).
- Le Journal Tintin fête ses 25 ans ! sur Sonuma, Hergé (Intervenant), Raymond Leblanc (Intervenant), Michel Greg (Intervenant), André Secretin (Journaliste), émission Antenne Soir diffusée sur la RTB le (13 min).
- Moi, Tintin, documentaire réalisé par Henri Roanne-Rosenblatt et Gérard Valet en 1976 (1 h 18 min)[130].
- Tintin et moi, documentaire d'Anders Østergaard en 2003 (1 h 15 min)[131].
- Hergé à l'ombre de Tintin, documentaire de Hugues Nancy en 2016 (1 h 24 min)[132].
Podcasts
[modifier | modifier le code]- Philippe Garbit, « Hergé sur la création de Tintin : "Sans réfléchir, j’ai fait un rond et j’ai mis un petit accent pour la mèche" » [audio], émission Les Nuits de France Culture (54 min), France Culture.fr ; entretien enregistré en 1979 avec Michèle Cédric sur la RTB, 29 octobre 2016 (première diffusion le ).
- Jean-Noël Jeanneney, « Pérennité d'Hergé : Tintin immortel ? » [audio], émission Concordance des temps (58 min), France Culture.fr ; entretien avec Pierre Assouline, 12 novembre 2022 (première diffusion le ).
Liens externes
[modifier | modifier le code]Bases de données et notices :
- (en) Site officiel
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Bridgeman Art Library
- Delarge
- (de + en) Artists of the World Online
- (en) Bénézit
- (en) MutualArt
- (en + nl) RKDartists
- (en) Union List of Artist Names
- Ressources relatives à la bande dessinée :
- BD Gest'
- Tebeosfera
- (en) Comic Vine
- (it) Fondation Franco Fossati
- (en) Lambiek Comiclopedia
- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Ressources relatives à la littérature :
- Ressources relatives à la musique :
- Discogs
- (en) MusicBrainz
- Ressource relative au spectacle :
- Ressource relative à plusieurs domaines :
- Ressource relative à la recherche :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- prononcer /ʁə.mi/, comme dans « demi ».
- Devenu aujourd'hui le no 33 rue Philippe Baucq à Etterbeek.
- L'un des biographes d'Hergé, Benoît Peeters, affirme que Léonie Dewigne entre au service de la comtesse en 1888. Voir Peeters 2011, p. 23.
- Serge Tisseron voit dans la création des jumeaux Dupont et Dupond (orthographe différente) le reflet du mystère entourant la généalogie de son père et de son oncle. Voir Tisseron 2009 et Peeters 2011, p. 26.
- Benoît Peeters appuie cette thèse de plusieurs sources familiales, mais reconnaît « qu'en l'absence de documents ou de témoignages directs, la prudence doit rester de mise ». Il estime cependant que le refoulement d'un tel traumatisme expliquerait le sentiment de dégoût qu'Hergé attribue à son enfance, de même que le caractère asexué et antifamilial de son œuvre. Voir Peeters 2011, p. 44-45.
- Le Jamais Assez est créé par l'abbé Helsen le . C'est au départ un bimensuel de quatre pages dont l'en-tête est réalisé par le dessinateur Pierre Ickx. Georges Remi y publie des croquis des camps, de personnes qu'il rencontre sur place ou de paysages alpestres. Voir Peeters 1987, p. 12-17.
- En , Georges Remi avait croqué dans le cahier de poésie de son amie un dessin à l'encre de Chine et à l'aquarelle représentant un coq qui apostrophe un lapin face à un œuf brisé (Goddin 2007 page53).
- On fête en 1927 le cinquantième anniversaire de la découverte du Congo par Stanley à l'occasion d'un raid aérien Belgique-Congo par Edmond Thieffry. Cette histoire ressemble étrangement au cadre de Tintin au Congo réalisé deux ans plus tard.
- Le héros de La Noël du petit enfant sage dépose une assiette auprès du poêle en espérant que le Père Noël n'oublie pas d'apporter du pain d'épices. Son chien découvre plus tard le cadeau attendu en s'exclamant contrapétiquement « Joie ! Une pisse d'epain ! ». Après l'avoir mangé, il éprouve un besoin pressant, et ne pouvant faire sur le tapis, se soulage dans l'assiette. Son maître découvre au matin, stupéfait, « le crime du chien ». On remarquera que le personnage de cette histoire ressemble étrangement à Totor et au futur Tintin, la houppe en moins, et que le chien est un fox-terrier blanc semblable à ce que sera Milou. L'auteur cachera autant qu'il le pourra l'existence de ces récits politiquement incorrects qui ne seront exhumés qu'en 1994[21],[22]
- Selon de nombreux spécialistes, il est ainsi nommé en référence à Marie-Louise van Cutsem, l'amour de jeunesse du dessinateur, dont c'était le surnom. Voir Peeters 2011, p. 53.
- Le sentiment anticommuniste est puissant, comme en témoigne le saccage d'une exposition soviétique organisée à Bruxelles en au cours de manifestations des Jeunesses nationales de Pierre Nothomb, auxquelles participe Léon Degrelle, futur collaborateur du Vingtième siècle et leader du mouvement rexiste. Voir Apostolidès 2006, p. 37.
- Seul Quick apparaît dans ce premier gag, de même que sur la couverture. Flupke n'apparaît que trois semaines plus tard. Voir Peeters 2011, p. 95.
- Paul Jamin sera plus tard connu en tant que caricaturiste du journal satirique bruxellois Pan sous le pseudonyme d'Alidor.
- Hergé déplore cependant le manque d'activité de Casterman pour mettre en avant ses productions, celles-ci étant absentes de nombreuses librairies bruxelloises. Voir Peeters 2011, p. 179-181.
- En 1943, la couverture de l'album, qui montre Tintin en kilt, apparaît pour la Propaganda-Abteilung comme une référence directe à l'Écosse et donc aux Alliés, de même que les policiers britanniques présentés au cœur du récit. Les éditions Casterman sont réprimandées et interdites de toute nouvelle impression pendant trois mois. Voir Schuurman 2023, p. 399.
- Pendant treize semaines, la fin des Sept Boules de cristal est d'ailleurs publiée sous le titre Le Temple du Soleil, alors même que cette nouvelle aventure ne débute réellement qu'à l'arrivée de Tintin et Haddock au Pérou. Voir Kursner 2021, p. 109.
- Parmi les sept actionnaires figurent le père d'Hergé, Alexis Remi la mère de Germaine Kieckens ou encore Marcel Dehaye. Voir Goddin 2007, p. 484.
- Ce n'est qu'après la parution complète de l'aventure que celle-ci est éditée en deux albums, Objectif Lune et On a marché sur la Lune.
- Franz Niklaus Riklin (1909-1969) est le fils de Franz Riklin (1878-1938), lui-même psychiatre et qui a collaboré avec Carl Gustav Jung sur la méthode des associations de mots. Voir (en) Kirsch, Thomas B., The Jungians : A Comparative and Historical Perspective, Routledge, , p. 15.
- « Ce serait une bonne petite affaire, Salomon ! Je dois 50 000 frs à mes fournisseurs… Comme ça, je ne devrais pas payer. »
Références
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- Nom de plume
- Mononyme d'auteur
- Mononyme de dessinateur
- Auteur belge de bande dessinée du XXe siècle
- Dessinateur belge de bande dessinée
- Scénariste belge de bande dessinée
- Créateur de langues
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- Collaborateur du Journal de Tintin
- Pseudonyme formé par acronymie d'initiales
- Officier de l'ordre de la Couronne
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- Membre du temple de la renommée Jack Kirby
- Membre du temple de la renommée Will Eisner
- Personnalité bruxelloise
- Militaire belge de la Seconde Guerre mondiale
- Éponyme d'un objet céleste
- Naissance à Etterbeek
- Naissance en mai 1907
- Décès en mars 1983
- Décès à Woluwe-Saint-Lambert
- Décès à 75 ans
- Mort d'un cancer en Belgique
- Mort d'une leucémie
- Personnalité inhumée au cimetière du Dieweg