Vache Folle: La Nuit Américaine

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Vache folle : la nuit américaine (1)


J.-Y. Nau

O sons un instantané. Au risque d’être aussi précisé – acceptons-en l’augure –


lu avec deux ou trois semaines de décalage, qu’en l’état actuel des données dont elle
chez les bovins et les systèmes de traça-
bilité concernant ces derniers. Ce classe-
tentons, simplement, d’écrire au mieux dispose, il n’était pas possible de dire s’il ment ne plut guère à Washington où l’on
l’enchaînement des événements dont s’agissait là d’un cas isolé ou du début tenait pour acquis le fait que non seule-
nous sommes témoins comme nous avons d’une épidémie. ment le pays était vierge de toute trace
longtemps et patiemment tenté de le Mme Veneman: «Malgré cette décou- de vache folle mais que selon toute évi-
faire dans ces colonnes face à cette hydre verte, nous continuons à avoir confiance dans dence il le resterait.
que devenait, notre sécurité ali- Il faut aussi compter ici avec un joli
année après an- mentaire.Lerisque sophisme aux antipodes du dicton con-
née, la formida-
“ Estimant ne pas être concernées pour la santé hu- cernant l’homme qui, souhaitant la mort
ble affaire que par le risque sanitaire de l’ESB, maineestextrême- de son chien, ne craint pas de faire réfé-
demeurera celle les autorités américaines n’ont ment bas.» La rence à l’infection rabique. Estimant ne
dite de la vache nullement cherché à mettre en même:«J’ai la fer- pas être concernées par le risque sanitaire
folle. Cette fois, me intention de de l’ESB, les autorités américaines n’ont
tout a commen- œuvre une politique de dépistage servir du bœuf au nullement cherché à mettre en œuvre
cé à l’avant-veil- systématique. ” repas de Noël.» une politique de dépistage systématique.
ledelaNoël2003 Au même instant Pourquoi chercher des cas de contamina-
avec la déclaration de Ann Veneman, secré- où la secrétaire à l’Agriculture annonçait que tion alors même que l’on postule que ces
taire américaine à l’Agriculture annon- l’animal avait été abattu, Bill Brookerson, cas n’existent pas ? Pour ne pas être accu-
çant la découverte du premier cas d’en- directeur adjoint des services d’agriculture de sé de caricaturer la situation, on précisera
céphalopathie spongiforme bovine diag- l’Etat de Washington expliquait qu’il était que quelques investigations furent menées
nostiqué aux Etats-Unis. Que savons-nous plus que vraisemblable que les viandes pro- chez des animaux pouvant être considé-
à l’heure chrétienne où nous écrivons ces venant du bovin atteint avaient déjà été rés comme étant le plus à risque. C’est
lignes ? Peu de choses à dire vrai. Mme consommées «sans doute sous forme de précisément sur l’un d’entre eux, une
Veneman a précisé urbi et orbi que l’ani- hamburgers». vache dite «couchée», qu’un résultat po-
mal – une vache de race Holstein âgée de On conviendra que tout cela ne man- sitif fut trouvé.
«quatre ans ou quatre ans et demi» pro- que pas de sel, encore moins de piquant. Quelques heures seulement après la
venant d’un gros élevage de Mapleton Souvenons-nous que les Etats-Unis étaient, révélation de ce premier cas, la plupart
situé à environ 65 kilomètres de Yakima, jusqu’à aujourd’hui, officiellement enregis- des principaux pays importateurs de vian-
Etat de Washington – avait été testé posi- trés comme un pays à l’abri de tout risque des bovines américaines prenaient des
tif le 9 décembre. Mme Veneman a ajou- d’ESB. Souvenons-nous aussi que nomb- mesures d’embargo. C’est notamment le
té – genre connu – que l’animal avait été re des spécialistes des maladies à prions cas du Japon, de la Malaisie, de Taïwan, de
abattu et la ferme et les bovins de cette comme des responsables vétérinaires fran- Singapour et de la Corée du Sud qui ont
dernière (4000 bêtes) avaient aussitôt été çais et européens confiaient dans l’ombre importé 186 000 tonnes de viande des
placés en quarantaine. des couloirs des réunions scientifiques (ou Etats-Unis en 2002, soit les deux tiers de
Un doute ? Une «repentance» ? Com- lors de quelques confidences télépho- leur consommation. Hongkong a fait de
ment pourrait-il ne pas y en avoir sur ces niques crépusculaires) qu’il était bien peu même et au lendemain de Noël, 23 pays
frontières mêlées du repentir épidémio- vraisemblable que ce pays – qui compte avaient, au titre du principe de précau-
logique et des incertitudes sanitaires ? un cheptel bovin de près de cent millions tion, fermé leurs frontières tandis que le
Tout en faisant donner le tam-tam mé- de têtes – ne soit pas touché. laboratoire britannique de Waybridge
diatico-planétaire, les autorités américai- Comment comprendre ? Quelques- confirmait que l’animal de l’Etat de
nes expliquent avoir demandé confirma- uns se souviennent que la Commission Washington était bien atteint de l’encé-
tion à un laboratoire britannique du européenne avait autour de l’année 2000 phalopathie spongiforme bovine. 쎱

résultat de ce désormais fameux test osé classer les Etats-Unis dans le groupe
positif. «Même si le risque pour la santé des pays qui devaient bel et bien être (A suivre)
humaine est minime, avec la plus grande considérés non pas comme «atteints» mais
des prudences, nous allons prendre tou- bien comme «susceptibles» de l’être. On
tes les mesures adéquates» déclare Mme appréciera la subtilité des termes à usage
Veneman. Signe des temps troublés que sanitaire autant que diplomatique. Pour
nous traversons la secrétaire américaine à bâtir leur classification, les experts de la
l’Agriculture a ajouté que ce premier cas Commission avaient tablé sur une série
d’ESB identifié à la veille de la Noël sur de critères externes parmi lesquels les
le sol des Etats-Unis ne devait pas être importations de farines de viande et d’os
interprété comme une action émanant provenant de pays touchés par l’ESB, la
des milieux terroristes ; Mme Veneman a qualité des contrôles sanitaires effectués

144 Médecine&Hygiène 2465, 14 janvier 2004 쐌 www.medhyg.ch www.medhyg.ch 쐌 Médecine&Hygiène 2465, 14 janvier 2004 0000

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