Canada's Population in A Global Context An Introduction To Social Demography 2nd All Chapter Instant Download
Canada's Population in A Global Context An Introduction To Social Demography 2nd All Chapter Instant Download
Canada's Population in A Global Context An Introduction To Social Demography 2nd All Chapter Instant Download
https://ebookgrade.com/product/demography-measuring-and-modeling-
population-processes/
ebookgrade.com
https://ebookgrade.com/product/understanding-crime-in-canada-an-
introduction-to-criminology-2nd-edition/
ebookgrade.com
https://ebookgrade.com/product/introduction-to-school-age-care-in-
canada-2nd-by-kevin-bisback-an/
ebookgrade.com
https://ebookgrade.com/product/introduction-to-population-ecology-2nd-
edition-1118947584/
ebookgrade.com
Public Policy in Canada An Introduction
https://ebookgrade.com/product/public-policy-in-canada-an-
introduction/
ebookgrade.com
https://ebookgrade.com/product/introduction-to-indigenous-health-and-
healthcare-in-canada-an/
ebookgrade.com
https://ebookgrade.com/product/population-an-introduction-to-concepts-
and-issues-12th-ed/
ebookgrade.com
https://ebookgrade.com/product/introduction-to-models-in-the-social-
sciences-an/
ebookgrade.com
Another random document with
no related content on Scribd:
La femme de chambre apparut au seuil du cabinet de toilette.
C’était une grande pièce claire. Peu de meubles, très simples.
Une longue table-coiffeuse, placée entre deux fenêtres espacées
qui donnaient sur le jardin, montrait son étalage d’instruments
délicats aux manches de vermeil.
La glace inclinée, placée au-dessus, la reflétait. L’encadrement de
cette glace était une guirlande de fleurs de porcelaine, dont les
calices contenaient des ampoules électriques.
Cette pièce était le lieu de prédilection de la jeune fille. C’était là
qu’elle écrivait ou lisait — rarement — quelqu’un des livres à la
charmante reliure verte et or qui garnissaient les tablettes d’une
bibliothèque tournante.
C’était là surtout qu’elle rêvait, et depuis la guerre ressassait ses
ennuis.
Marie jeta un coup d’œil sur le ciel pommelé où des nuages
légers obscurcissaient par moments le soleil.
— C’est un temps entre les deux, mademoiselle. C’est du soleil
qui va chercher la pluie. Faut-il préparer l’habit de cheval ?
— Non, je ne monterai pas ce matin. Donnez-moi une robe
d’intérieur et, pour cet après-midi, mon tailleur bleu à boutons
d’acier.
— Mademoiselle doit se souvenir qu’elle a commandé de rectifier
à la maison son dernier peignoir de lingerie, avec des valenciennes.
— Oui. Eh bien ?
— Je voulais dire à mademoiselle que c’est un ouvrage bien
délicat pour moi. J’ai pensé que si mademoiselle permettait, je
pourrais le donner à faire à la lingère.
— Quelle lingère ?
— Une petite ouvrière qui travaille à la maison depuis l’année
dernière. Mademoiselle n’a pas dû la voir ; elle vient deux fois par
semaine aider aux raccommodages et elle est adroite comme une
fée.
— Eh bien ! donnez-le-lui. Que ce soit vous ou une autre, cela
m’est indifférent. Arrangez-vous.
— Il faudra sans doute essayer. Si mademoiselle permettait que
cette fille travaille dans le cabinet de toilette, cela éviterait de
transporter le peignoir de la lingerie ici. Ces dentelles blanches, c’est
si délicat !
La jeune fille réfléchit une seconde.
— Eh bien ! oui. Quand j’aurai fini ma toilette, dites-lui qu’elle
pourra descendre dans mon cabinet.
— Oh ! elle ne gênera pas beaucoup mademoiselle. C’est une fille
si tranquille, si réservée, elle ne fait pas plus de bruit qu’une souris,
et pour l’honnêteté, mademoiselle peut être tranquille.
— Cela suffit, dit Diane que ce bavardage ennuyait, le bain est-il
prêt ?
Trois quarts d’heure plus tard, Mlle de Trivières s’asseyait devant
le petit bureau de sa chambre.
Elle devait répondre à une invitation et renouveler un
abonnement.
Tout à coup, le souvenir lui revint d’une promesse qu’elle avait
faite à sa mère.
C’était la veille au soir, dans l’auto qui les ramenait de leur soirée
de bridge. Mme de Trivières avait dit :
— Diane, j’ai fait ce soir une promesse ; je me suis engagée pour
toi.
— A quoi donc, maman, envers qui ?
— Envers ton tuteur. Le pauvre homme va être débordé
d’occupations, il n’aura pas un instant à lui pour sa correspondance
particulière. J’ai promis que tu lui servirais de secrétaire.
— Cela me paraît bien compliqué, avait répondu Diane.
— Pas du tout, avait repris la marquise. Je t’aiderai. Moi, je me
charge des lettres d’affaires ennuyeuses, toi, tu écriras à son neveu
Hubert qui est orphelin ; le malheureux n’a pas de famille proche,
sauf ton tuteur, et si son oncle cesse de lui écrire, tu vois qu’il sera
tout à fait abandonné. C’est vraiment une charité de s’en occuper. Et
nous soulagerons cet excellent bon ami qui a tant fait pour nous ! Tu
dois te souvenir de lui ? Il jouait avec vous quand vous étiez enfants,
Hubert de Louvigny…
— Je déteste écrire, vous le savez, maman… et à quelqu’un que
je connais si peu…
— Bah ! en ce temps-ci, on supprime les cérémonies ! Et puis,
avait ajouté l’artificieuse marquise, si tu préfères les lettres
d’affaires, je te les cède volontiers, avec documents à l’appui !
— Ah ! non, merci ! avait répondu Diane, gardons chacune notre
lot. J’aime encore mieux le pauvre orphelin sans famille… J’écrirai.
— C’est bien entendu. J’informerai ton tuteur qu’il peut compter
sur toi ?
— Oui, maman… Mais, grand Dieu ! quelle idée a eue bon ami de
m’infliger cette corvée !
Elle se répétait à ce moment même, devant une feuille de papier
blanc :
« Quelle corvée ! »
Et voici qu’au moment d’écrire, un souvenir la fit arrêter net, la
plume en l’air.
C’était, la veille, son entrée au salon, sa mère et son tuteur
chuchotant à voix basse, la regardant d’un certain air, échangeant
ensuite un regard d’intelligence.
Diane avait surpris tout cela : ce n’avait été qu’une impression,
mais elle la reliait dans son esprit avec le ton dégagé qu’avait eu la
marquise en lui parlant du neveu du général. Elle flairait un mystère.
« Pourquoi, réfléchit-elle, bon ami ne m’a-t-il pas demandé lui-même
d’écrire à son neveu ?… Il ne se gêne pas avec moi… et ma mère
m’avertit de cela comme d’une chose convenue à l’avance… Ce n’est
pas naturel !… Encore un prétendant ! Ce sera le numéro dix-neuf…
Cette histoire de correspondance n’est qu’une invention de mon
tuteur pour nous faire refaire connaissance… Bah ! A quoi cela
m’engage-t-il ? Je lui prédis autant de succès qu’aux dix-huit autres.
Lui aussi, sans doute, connaît le chiffre de ma dot !
Mlle de Trivières eut un sourire désabusé bien étrange sur une
bouche de vingt ans.
Cette triste certitude de ne jamais être recherchée pour elle-
même la rendait d’avance insensible et glacée.
La méfiance, l’habitude de douter des sentiments les plus vrais
s’était peu à peu insinuée en elle, altérant les plus généreux
mouvements de son cœur.
« Tous, se dit-elle, oui, tous ont soupiré pour ma dot. On ne m’a
jamais aimée… L’on ne m’aimera jamais. »
Une petite toux sèche, venant de la pièce voisine, interrompit ses
réflexions.
Diane se pencha en arrière pour regarder dans le cabinet de
toilette dont la porte — une sorte de baie — était large ouverte.
Cependant, il lui semblait que Marie était sortie, son service terminé.
Ce n’était qu’une petite ouvrière, la lingère qui avait apporté le
peignoir et cousait près de la fenêtre sans lever les yeux.
Diane ne l’avait jamais vue : elle la regarda un instant.
C’était une assez gentille fille, bien que d’une figure commune,
avec ce teint pâle, déjà fané des ouvrières parisiennes qui ont
travaillé trop jeunes.
Celle-ci était de taille plutôt petite, mais bien prise dans sa robe
simple en grisaille que recouvrait, devant, le petit tablier luisant de
lustrine noire.
Elle pouvait avoir vingt ans, avec un air modeste, effacé. Les
yeux baissés, elle cousait vite, sans arrêt, même quand sa petite
toux sèche la secouait et mettait une nuance rosée à ses
pommettes.
« Cette fille a l’air poitrinaire, pensa Mlle de Trivières ; je dirai à
ma mère de la renvoyer, cela peut devenir malsain… »
Diane reprit sa plume, et sa pensée se reporta sur celui à qui elle
avait promis d’écrire et dont elle se souvenait très vaguement.
Au physique : grand, assez distingué, bien que trop gros, de
beaux yeux bleus, toujours gais… Au moral, doux, aimable et
causeur.
Le portrait n’avait rien du classique héros de roman fatal ou
chevaleresque, mais, somme toute, il pouvait faire un mari
présentable. « Tout à fait mon vieux bon ami, en plus jeune… Ah ! s’il
pouvait m’aimer vraiment, celui-là ; m’aimer pour moi !… Comme je
serais prête à le lui rendre… Lui ou un autre, quel qu’il soit ! »
La petite toux sèche qui l’agaçait ramena encore son attention
vers le cabinet.
Diane jeta un regard sur l’ouvrière et pensa :
« En voici une qui peut être certaine de ne pas être aimée pour
son argent ! »
Puis une idée bizarre lui vint tout à coup, elle eut un sourire, un
haussement d’épaules, comme pour repousser une chose
impossible, et, enfin, se décidant :
« Pourquoi pas ? Je puis essayer. Ma mère et mon tuteur ont
voulu me prendre au piège, ce serait me venger d’une façon
amusante et si cela réussit… Je serai bien sûre, cette fois, d’être
aimée pour moi-même ! »
Diane de Trivières posa sa plume ; elle se pencha de nouveau
pour mieux examiner la lingère qui continuait à coudre sans
s’apercevoir qu’elle était l’objet de cette observation.
Diane pensa encore :
« Pourquoi refuserait-elle ?… Avec de l’argent on obtient tout ce
que l’on veut de ces gens-là. Allons, je me décide ! Je ne vais plus
m’ennuyer… ce sera très amusant ! »
Et de fait, depuis cinq minutes, Mlle Diane oubliait de s’ennuyer ;
la pensée nouvelle qui l’animait donnait à sa physionomie un entrain
inusité.
Elle appela :
— Dites-moi, ma fille ?
— Mademoiselle m’a parlé ?
L’ouvrière releva la tête, et Diane rencontra son regard.
C’étaient vraiment de jolis yeux d’un bleu clair, nuancés de gris,
avec de longs cils bruns. Une couronne de cheveux follets entourait
le front d’innombrables frisettes qui remuaient au moindre
mouvement de tête.
Cette physionomie très douce ne manquait pas d’intelligence.
Par instants, une flamme sautillante passait au fond de ses yeux
gris et les faisait pétiller d’esprit ou de malice.
— Oui, dit Mlle de Trivières, en reprenant le ton hautain dont elle
se servait d’ordinaire avec les domestiques, je vous parle. Comment
vous appelez-vous ?
— Rose, mademoiselle.
— Y a-t-il longtemps que vous venez ici ?
— Un peu plus d’un an, mademoiselle. Deux fois par semaine, je
vais coudre dans la lingerie. Mais, ce matin, Marie m’a dit que je
pouvais m’installer ici.
— Je l’avais permis… Y voyez-vous assez pour faire les petits
plis ?
— Oh ! oui, mademoiselle. On est si bien ici ! La lingerie est claire,
mais on n’a, en face de soi, toute la journée, qu’un grand mur tout
nu ! Tandis qu’ici… sur le jardin… Ça vous donne du cœur à travailler
avec le beau soleil et le chant des oiseaux !
Diane jeta un regard du côté du jardin, où rien pour l’instant ne
justifiait l’enthousiasme de l’ouvrière, car les nuages cachaient
complètement le soleil, et quant au chant des oiseaux, il fallait avoir
une vive imagination pour suppléer à leur absence.
La jeune fille dit sèchement :
— Il va pleuvoir et il n’y a pas un seul oiseau dans le jardin.
La lingère eut une expression drôlement désappointée en
regardant au dehors sans cesser de tirer l’aiguille.
— Eh bien ! mademoiselle, dit-elle avec un petit rire, ce que c’est
que l’idée tout de même ! Ça vous fait voir des choses ! Il y avait un
rayon de soleil quand je suis entrée dans la chambre ; je l’aurai
gardé dans ma tête ! D’abord, moi, rien que de voir un arbre, des
feuilles qui pourraient être vertes, ça me donne des idées de
printemps, et je vois tout en beau !
Diane écoutait vaguement avec son air impassible.
« Drôle de fille ! » pensa-t-elle.
Après sa longue tirade, Rose posa d’un mouvement instinctif sa
main sur sa poitrine pour s’empêcher de tousser.
— Vous êtes malade ? dit Mlle de Trivières sèchement. Vous
devriez cesser de travailler.
La lingère prit un air aussi étonné que si elle eût entendu :
« Vous devriez cesser de respirer. »
— Ça n’est rien, mademoiselle. C’est un rhume que j’ai pris en
janvier. Ça passera quand mon soldat reviendra…
Diane releva la tête.
C’était l’entrée en matière qu’elle cherchait depuis un moment.
— Ainsi, dit-elle, feignant un vague intérêt, vous avez quelqu’un
des vôtres à la guerre ?
— Quelqu’un ?
A cette question, le visage de la petite ouvrière se couvrit
entièrement d’une couleur rose pareille à ses pommettes ; toutes les
frisettes de son front s’agitèrent d’un même mouvement ; elles firent
surgir à leur appel une quantité de fossettes de tous les coins du
visage illuminé d’un sourire radieux.
Mise en confiance par l’intérêt que semblait prendre à elle cette
demoiselle si fière qu’elle n’avait fait jusqu’alors qu’entrevoir de loin,
comme une créature d’un monde supérieur, Rose répondit,
continuant à faire courir ses doigts lestes dans la dentelle :
— Oui, mademoiselle. J’ai « quelqu’un ». « Il » est fantassin, « il »
a la croix de guerre ! C’est Victor qu’il s’appelle. Il ne faudrait pas
que mademoiselle se fasse des idées de choses qui… qui ne sont
pas… Enfin, je veux dire, on a beau n’être qu’une ouvrière, ça
n’empêche pas d’être honnête fille. Nous devons nous marier quand
il reviendra de la guerre et que nous aurons assez d’argent pour
entrer en ménage. Moi, je ne suis pas ambitieuse, mais lui,
mademoiselle, il voudrait toujours me voir la plus belle… Qu’est-ce
que ça fait, puisqu’il m’aime telle que je suis ? Je mettrais tant de
bonheur dans notre petite chambre, qu’il ne s’apercevra pas qu’elle
est nue, et je peux bien me marier avec ma pauvre robe de laine
comme je suis là, ce n’est pas encore ça qui nous empêchera d’être
heureux… Ah ! oui !… bien heureux !
Une vague sensation d’envie et de tristesse s’insinua dans le
cœur de la riche héritière, en remarquant les yeux humides de
tendresse de la pauvre fille qui exprimait si naïvement son rêve de
bonheur.
— Vous écrivez souvent à… cette personne ?
— Mademoiselle comprendra qu’on n’a guère le temps d’écrire
quand on travaille. Je suis toujours dans la bousculade ! Le matin,
j’ai beau me lever à cinq heures, avant que j’aie fait mon petit
déjeuner, rangé ma chambre et que j’aie passé à l’église — il faut
bien, mademoiselle que je dise ma petite prière pour mon Victor, s’il
lui arrivait malheur, je croirais que c’est de ma faute ! Eh bien ! avec
le temps de mes courses pour me rendre au travail, je n’arrive pas à
prendre la plume… C’est seulement le dimanche que je peux lui
écrire une bonne lettre. Je lui raconte toute ma semaine. Ah ! mais
alors, je lui en dis ! Une vieille demoiselle institutrice qui demeure
dans ma maison m’a dit que j’écrivais autant qu’une dame qu’elle
connaît, une certaine Mme de Sévigné, qui écrivait comme ça à sa
demoiselle… Sans doute, une de ses anciennes patronnes.
Diane ne put s’empêcher de sourire, et toutes les frisettes de
Rose, voyant leur succès, appelèrent à la rescousse les jolies
fossettes qui s’épanouirent de gaieté :
L’ouvrière reprit en s’excusant :
— J’ai peur d’ennuyer mademoiselle avec mon bavardage !… C’est
que je suis si contente de causer !… A la lingerie, c’est joliment triste
quand Marie n’est pas là !
Mlle de Trivières avait repris sa plume et paraissait vouloir cesser
la conversation. Après un silence, elle se décida à parler :
— Rose, j’ai un petit service à vous demander.
— Un service !… A moi, mademoiselle ?
— Oui, c’est même un service assez délicat qu’il ne me
conviendrait point de demander à tout le monde. On m’a dit que
vous étiez discrète et honnête… Je crois que je puis avoir confiance.
Cet exorde était si solennel, que Rose cessa de coudre, et les
frisettes, frappées d’immobilité, parurent écouter avec attention.
Mlle de Trivières reprit :
— Voici ce que c’est. J’ai un ami d’enfance, un très ancien ami qui
est au front. Je voudrais lui écrire sans qu’il sût que cela vienne de
moi. Il faudrait que je puisse signer mes lettres d’un autre nom et lui
donner une autre adresse que celle-ci, afin qu’il puisse m’y
répondre…
Jusque-là, Mlle de Trivières avait parlé les yeux fixés devant elle,
dans le vide ; elle tourna la tête du côté de l’ouvrière et comprit, à
son regard vite abaissé, la pensée secrète de Rose.
Diane rougit légèrement et se hâta d’ajouter :
— Ma mère est au courant de cette correspondance ; c’est même
sur son avis que je l’entreprendrai ; mais c’est une idée à moi
d’intriguer ce jeune homme, en lui laissant ignorer le nom et la
qualité de sa correspondante.
— Je comprends, dit Rose épanouie ; c’est une idée comme ça
qu’a mademoiselle pour s’amuser. Une supposition que ce serait le
1er avril et que mademoiselle voudrait faire une farce ! Oh ! c’est une
bonne idée. Je crois bien que mademoiselle peut se servir de mon
adresse tant qu’elle voudra !… Et je lui rapporterai la réponse…
Comme je reçois déjà des lettres de militaires dans ma maison, on
n’y trouvera rien à redire… Mais pourvu que Victor ne l’apprenne
pas !
C’était vrai. Diane n’avait pas songé à cela. L’idée ne lui était
même pas venue que cette fille pût tenir à sa réputation.
— Vraiment, Rose, cela ne vous contrarie pas ?
— Au contraire, mademoiselle, je serai bien contente de vous
faire plaisir !
Et d’un petit air entendu :
— Je sais bien ce que c’est ! Les hommes, il faut savoir les
prendre ! Il y en a qu’il leur faut du sentiment, d’autres, c’est de la
gaieté… C’est comme nous, pardi, et c’est souvent le plus galant
qu’on aime le mieux !
Toutes les frisettes sonnèrent le carillon pendant qu’un rire clair
fusait dans la chambre.
Mais Rose s’arrêta soudain devant l’air choqué de Mlle de
Trivières.
Elle balbutia, confuse :
— Pardon, mademoiselle !… Excusez. J’aime à rire, c’est pas de
ma faute… Quelquefois, c’est la vie qui est si drôle !
Diane reprit sans faire de réflexion :
— C’est donc entendu, je pourrai me servir de votre adresse, et
quand il arrivera des réponses, vous me les porterez ici même.
Voulez-vous me dire votre nom ? Je vais l’écrire.
L’ouvrière posa son ouvrage.
Elle s’approcha du bureau où Diane préparait une enveloppe.
— Si mademoiselle veut me permettre, dit-elle, j’écrirai mon nom
et mon adresse comme j’ai l’habitude.
— C’est cela. Écrivez.
Sous les yeux de la jeune fille, la main hésitante de l’ouvrière
traça en grosses lettres maladroites :
Mademoiselle Rose Perrin,
183, rue de Longchamp, Paris.
« Monsieur l’officier,
« Un de mes amis que vous connaissez m’a appris que plusieurs
hommes de votre compagnie manquaient de marraines ; je vous
serais très reconnaissante d’en choisir un et de me l’indiquer, car je
suis à la recherche d’un filleul. Bien que possédant de faibles
ressources, je lui enverrai de temps en temps quelques douceurs et
je serai heureuse si… »
La plume s’arrêta, Diane se relut, puis :
— Aidez-moi, Rose, je ne sais comment finir ma phrase : « … lui
envoyer quelques douceurs, et je serai heureuse, si… »
— Si, dicta Rose, « s’il pense quelquefois à sa petite marraine qui,
de son côté, fera tous les matins pour lui une bonne prière… et pour
vous aussi, monsieur l’officier, afin que vous soyez protégé… parce
que, des braves, il nous en faut pour défendre notre cher pays. »
— Merci.
Diane continua seule.
« Si vous éprouvez vous-même du plaisir, monsieur l’officier, à
continuer à correspondre, j’en serai charmée. Je sais que vous
n’avez plus de famille, si mes lettres doivent rompre l’ennui de votre
solitude, veuillez me le dire, et nous reprendrons cette
correspondance.
« Recevez, monsieur… »
— Rose, comment diriez-vous, pour finir ?
— Pour finir ? Voyons…
« Au revoir, cher monsieur l’officier, je vous envoie mes
respectueuses salutations. »
— Non, dit Diane en souriant, j’ai déjà mis « Recevez, monsieur ».
Ah ! j’y suis ! « mes sincères salutations ».
Elle signa lentement d’une écriture appuyée :
« Rose Perrin ».
… Puis elle écrivit l’adresse lisiblement : « 183, rue de
Longchamp, Paris. »
« Monsieur Hervé,
« C’est pour vous dire que Mme la baronne va bien. Je lui donne
des œufs à la coque, ça passe toujours. Nous avons des nouvelles
poules sur le balcon, elles vont bien. L’autre soir, on a rapporté à
Mme la baronne qu’on s’était battu en Champagne et j’ai été mettre
un cierge à Notre-Dame-des-Victoires à votre intention.
« Rien d’autre à vous mander, monsieur Hervé ; madame vous fait
répéter qu’elle n’a besoin de rien et que tout va bien.
« Elle vous embrasse, et moi, cher monsieur Hervé, cher enfant
que j’ai vu naître, je vous dis que le bon Dieu vous préserve et vous
ramène bientôt.
« Votre fidèle servante,
« Corentine. »
« P. S. — Madame n’a pas payé le loyer, mais la propriétaire ne
nous tourmente pas. »
« Mademoiselle,
« Je suis charmé de la bonne pensée que vous avez eue de vous
adresser à moi pour vous aider à choisir un filleul.
— « Il s’agirait cependant de s’entendre, souffla Hubert de son lit,
et de savoir ce que vous désirez : si c’est un filleul des pays envahis,
j’en aurai quelques-uns à vous proposer, très dignes d’intérêt, si,
comme certaines expressions de votre lettre me le font supposer,
vous cherchez un correspondant… »
— Tu ne trouves pas que c’est aller bien vite ?…
— Tiens ! tu me fais hausser les épaules !… arrange-toi !
« … c’est-à-dire un combattant sans famille, privé de recevoir de
temps à autre un mot de sympathie, continua Hervé, j’avoue,
mademoiselle, que je suis moi-même dans ce dernier cas, et je me
mettrai volontiers sur les rangs… trop heureux, si… »
— Aide-moi, Hubert, « trop heureux, si… »
— Ah ! tu vois, tu ne t’en tires pas ! Marche :
« … Trop heureux, si vous consentez à vouloir bien faire de moi le
plus dévoué et le plus reconnaissant des filleuls…
« Agréez, mademoiselle, mes respectueux hommages.
— Et signe : « H. de Louvigny. »
— C’est fait.
— Attends, dit Hubert, il faut penser à tout. Ajoute : « Au cas où
vous consentiriez à m’agréer comme correspondant, ayez
l’obligeance de me donner sur vous-même quelques précisions. Je
répondrai volontiers aux questions que vous voudrez bien
m’adresser… »
— Après cela, est-ce tout ?
— Après cela, mon vieux, tu peux souffler la chandelle qui coule,
et je te souhaite une bonne nuit ! dit le comte de Louvigny en se
retournant du côté du mur.
CHAPITRE V