Cost Accounting A Managerial Emphasis Canadian 7th Edition Horngren Solutions Manual 1
Cost Accounting A Managerial Emphasis Canadian 7th Edition Horngren Solutions Manual 1
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CHAPTER 4
JOB COSTING
SHORT-ANSWER QUESTIONS
4-1 In a job costing system, shared indirect costs of customization are assigned to a
distinct unit, batch, or product or service. In a process costing system there is little or no
distinction among outputs. The cost of a product or service is obtained by using broad
averages to assign costs to masses of similar outputs.
4-2 Separating manufacturing overhead (MOH) into more than one cost pool may allow
for better representation of cost and benefit. Sometimes this type of refinement reveals
direct cause and effect relationships between a single MOH cost pool and a single cost
driver. Where indirect inputs are shared unequally among distinct types of products,
refining a single MOH cost pool into several may improve the accuracy of output costing,
pricing, and prediction of profitability.
4-3 An advertising campaign for Pepsi is likely to be very specific to that individual
client. Job costing requires that all the specific aspects of each distinct job be identified. In
contrast, the processing of chequing account deposits is similar for almost all transactions.
Here, process costing can be used to compute the cost of each chequing account deposit.
4-4 The seven steps in job costing are: (1) identify the job that is the chosen cost object,
(2) identify the direct costs of the job, (3) select the cost-allocation bases to use for
allocating indirect costs to the job, (4) identify the indirect costs associated with each cost-
allocation base, (5) compute the rate per unit of each cost-allocation base used to allocate
indirect costs to the job, (6) compute the indirect costs allocated to the job, and (7)
compute the total cost of the job by adding all direct and indirect costs assigned to the
job.
4-5 Two major types of organizational elements that managers focus on in companies
using job costing are (1) products or services (outputs), and (2) responsibility centres or
departments (inputs).
4-6 Three major source documents used in job-costing systems are (1) job cost record or
job cost sheet, a document that records and accumulates all costs assigned to a specific job,
(2) materials requisition record, a document used to charge job cost records and
departments for the cost of direct materials used on a specific job, and (3) labour-time
record, a document used to charge job cost records and departments for labour time used
on a specific job.
4-7 The main concern with the source documents of job-cost records is the accuracy of
the records. Problems of accuracy include recording either incorrect quantity or dollar
amounts, materials recorded on one job being "borrowed" and used on other jobs, and the
wrong job numbers being assigned to materials or labour inputs.
4-9 Actual costing and normal costing differ in their use of actual or budgeted direct- or
indirect-cost rates:
Actual Normal
Costing Costing
Direct-cost rates Actual rates Actual rates
Indirect-cost rates Actual rates Budgeted rates
Both costing methods use the actual quantity of the direct-cost input and the actual
quantity of the cost-allocation base.
4-10 A construction firm can use job cost information (a) to determine the profitability of
individual jobs, (b) to assist the bidding on future jobs, and (c) to evaluate professionals
who are in charge of managing individual jobs.
4-11 The statement is false. In a normal costing system, the Manufacturing Overhead
Control account will not, in general, equal the amounts in the Manufacturing Overhead
Allocated account. The Manufacturing Overhead Control account aggregates the actual
overhead costs incurred, while Manufacturing Overhead Allocated allocates overhead
costs to jobs on the basis of a budgeted rate multiplied by the actual quantity of the cost-
allocation base.
Underallocation or overallocation of indirect (overhead) costs can arise because of:
(a) Numerator reason—the actual overhead costs differ from the budgeted overhead costs,
and (b) Denominator reason—the actual quantity used of the allocation base differs from
the budgeted quantity.
4-14 A service company might use budgeted costs rather than actual costs to compute
direct labour rates because it may be difficult to trace some costs to jobs as they are
completed.
EXERCISES
Budgeted manufacturing
Bu d geted m anu factu ring overhead costs
1. =
overhead rate Budgeted direct manufacturing
labour costs
= $2,210,000/$2,600,000
Language: French
Credits: Brian Wilson, Laurent Vogel, Pierre Lacaze and the Online
Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This
file was produced from images generously made available by
The Internet Archive/Canadian Libraries)
CLOVIS
Ouvrage auquel l'Institut de France a accordé le 1er prix
d'Antiquités nationales.
DEUXIÈME ÉDITION
TOME I
PARIS
1901
I xv
LIVRE PREMIER
I. La Belgique romaine 1
II. Les Francs en Germanie 32
III. Les Francs en Belgique 60
IV. Les Francs en Belgique (suite) 89
LIVRE II
I. L'église des Gaules 123
II. Clodion 156
III. Mérovée 182
IV. Childéric 197
LIVRE III
I. Les débuts de Clovis et la conquête de la Gaule romaine 223
II. La conquête de l'Entre-Seine-et-Loire 251
III. La soumission des royaumes francs de Belgique 266
IV. Le mariage de Clovis 278
V. La conversion de Clovis 294
VI. Le baptême de Clovis 314
T 341
INTRODUCTION
L'histoire de la société moderne a gravité pendant plusieurs siècles
autour d'un peuple prédestiné, qui en a écrit les pages les plus
mémorables: je veux parler du peuple franc. Le premier après la chute du
monde antique, il a jeté un germe de vie dans la poussière de mort où
gisait l'humanité, et il a tiré une civilisation opulente de la pourriture de
l'Empire. Devenu, par son baptême, le fils aîné de l'Église, il a fondé
dans les Gaules le royaume le plus solide de l'Europe, il a renversé les
orgueilleuses monarchies ariennes, il a groupé sous son autorité et
introduit dans la société chrétienne les nationalités germaniques, il a
humilié et tenu en échec l'ambition de Byzance, et, dès le sixième siècle,
il a été à la tête du monde civilisé. Devant l'orage formidable que l'islam
déchaînait sur le monde, il a été seul à ne pas désespérer de l'avenir: il
s'est attribué la mission de défendre la chrétienté aux abois, et il a rempli
sa tâche dans la journée de Tours, en posant au croissant des limites qu'il
n'a plus jamais franchies. Maître de tout l'Occident, il a donné au monde
une dynastie qui n'a pas sa pareille dans les fastes de l'humanité, et dont
toutes les gloires viennent se réunir dans la personne du plus grand
homme d'État que le monde ait connu: Charlemagne. Au faîte de la
puissance, il s'est souvenu de ce qu'il devait à l'Église: après l'avoir
sauvée de ses ennemis, il l'a affermie sur son trône temporel, et, armé du
glaive, il a monté la garde autour de la chaire de saint Pierre, tranchant
pour plus de mille ans cette question romaine qui se pose de nouveau
aujourd'hui, et qui attend une solution comme au temps d'Astolphe et de
Didier. La papauté lui a témoigné sa reconnaissance en consacrant par
ses bénédictions une autorité qui voulait régner par le droit plus encore
que par la force; elle a jeté sur les épaules de ses rois l'éclat du manteau
impérial, et elle a voulu qu'ils prissent place à côté d'elle, comme les
maîtres temporels de l'univers. La haute conception d'une société
universelle gouvernée tout entière par deux autorités fraternellement
unies est une idée franque, sous le charme de laquelle l'Europe a vécu
pendant des siècles. Après s'être élevé si haut qu'il n'était pas possible de
gravir davantage pour le bien de la civilisation, le peuple franc, par une
disposition providentielle, s'est morcelé lui-même, se partageant pour
mieux se multiplier, et léguant quelque chose de son âme à toutes les
nations qui sont nées de lui. Son nom et son génie revivent dans la
France; mais la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne ont eu leur part de
l'héritage commun, et l'on peut dire que l'Italie et l'Espagne elle-même
ont été vivifiées par leur participation partielle et temporaire à sa féconde
existence.
C'est dans le groupe des peuples issus de la souche franque que la
civilisation occidentale a eu ses plus brillants foyers, et l'on peut dire que
toutes les grandes choses du moyen âge y ont été conçues et exécutées.
Nulle autre race n'a servi l'idéal avec la même passion et le même
désintéressement; nulle autre n'a su, comme elle, mettre l'épée au service
de la croix, méritant que l'on écrivît de ses faits d'armes: Gesta Dei per
Francos. La croisade fut, par excellence, l'œuvre des Francs, et l'histoire
leur a rendu justice en plaçant deux de leurs princes sur les trônes de
l'Orient: Godefroi de Bouillon à Jérusalem et Baudouin de Flandre à
Constantinople. Mais les combats sanglants n'ont pas épuisé l'ardente
activité de leur génie, et toutes les entreprises de paix ont trouvé en eux
leurs plus vaillants zélateurs. La Trêve-Dieu, qui a commencé la
pacification du monde, est l'œuvre de leur épiscopat, et la réforme de
Grégoire VII, qui a arraché la civilisation au joug mortel de la féodalité
guerrière, est celle de leurs moines.
Grand par l'épée, le génie franc a été grand aussi par la pensée. Il a créé
la scolastique, cette vigoureuse méthode d'éducation de l'esprit moderne;
l'art ogival, qui a semé de chefs-d'œuvre le sol de l'Occident; l'épopée
carolingienne, plus haute dans son inspiration et plus parfaite dans son
plan que le chef-d'œuvre d'Homère. Après quatorze siècles d'une vitalité
incomparable, il n'a point encore défailli: il brûle sous la cendre des
révolutions, il reste plein de chaleur et de vie, et quand on y porte la
main, on sent palpiter l'âme du monde. La foi catholique n'a pas de
centre plus radieux, et la civilisation ne peut pas se passer de la race
franque.
Rien dans l'origine de cette race ne semblait présager de si hautes
destinées. Cantonnée à l'extrémité du monde civilisé, dans les marécages
incultes de Batavie, elle était une des plus arriérées au moment où
l'héritage de la civilisation antique s'ouvrit. Le nom des Francs, qui se
résumait alors dans celui de leurs protagonistes les Sicambres, était
synonyme de destructeurs sauvages, et la réputation qu'ils s'étaient faite
dans l'Empire ressemblait à celle qu'eux-mêmes ont faite plus tard aux
Normands et aux Hongrois. Braves et entreprenants, comme l'étaient
d'ailleurs tous les barbares, ils ne se distinguaient pas par les aptitudes
supérieures qui brillaient à un si haut degré chez d'autres peuples
germaniques. Sans notion d'État ni de civilisation, sans lettres, sans art,
sans idée nationale, ils étaient bien en dessous des Goths qui, au
lendemain de la crise universelle, fondèrent des royaumes où ils
convièrent à une fraternelle collaboration le passé et l'avenir, la vieillesse
du monde romain et la jeunesse du monde barbare. Eux, ils portaient le
fer et le feu dans les régions qu'ils conquéraient, et ne s'y établissaient
qu'après avoir exterminé les habitants et anéanti la civilisation.
D'où vient donc la grandeur historique du peuple franc? Tout entière du
choix fait de ce peuple par la volonté transcendante qui a créé le monde
moderne. A l'aurore de ce monde, il a été appelé, et il a répondu à l'appel.
Avec une joyeuse confiance il a mis sa main dans la main de l'Église
catholique, il a été son docile disciple et plus tard son énergique
défenseur, et il a reçu d'elle le flambeau de la vie, pour le porter à travers
les nations. C'est l'histoire de cette féconde alliance de l'Église et du
génie franc qui fait l'objet de ce livre.
Il semblait, pendant les premiers siècles de notre ère, que l'Empire
romain eût créé l'état définitif dans lequel l'humanité devait achever ses
destinées. Ses penseurs l'ont cru, ils l'ont dit avec des accents d'une
majesté étonnante, et tout le genre humain a partagé pendant longtemps
leur conviction. Les chrétiens eux-mêmes ne refusaient pas leur créance
à cette espèce de dogme politique. Ils trouvaient dans leurs Livres saints
des prophéties qui, interprétées au sens usuel, annonçaient l'Empire
romain comme le dernier et le plus durable de la terre, et, se persuadant
qu'après lui viendrait la fin de tout, ils le respectaient comme la suprême
sauvegarde que Dieu avait accordée à la paix terrestre. Il faut entendre
leurs apologistes, Méliton et Tertullien par exemple, s'en expliquer vis-à-
vis des persécuteurs. «Comment, leur disent-ils en substance, pourrions-
nous être des ennemis de l'Empire, nous qui sommes persuadés qu'il
durera autant que le monde?» Telle était, chez les fils et les frères des
martyrs, l'intensité du patriotisme romain: ils croyaient à l'éternité de
Rome, même alors qu'ils mouraient plutôt que de se soumettre à ses
injustes lois.
Cette conviction s'affermit singulièrement à partir du jour où le Labarum
victorieux flotta au sommet du Capitole. Lorsque la fin des persécutions
eut fait disparaître la seule cause qui pût rendre l'Empire odieux à une
partie de ses sujets, alors il apparut vis-à-vis d'eux dans tout l'éclat d'une
majesté sans pareille. C'est qu'il n'était pas seulement un État, il était la
civilisation elle-même. Sa conception de la société humaine ne
rencontrait pas de négateur. Les formes sociales qu'il avait réalisées
semblaient les seules possibles. Nul n'imaginait une autre organisation
des pouvoirs publics, une autre constitution de la famille, un autre
principe de classification sociale, une autre répartition des richesses, une
autre interprétation de la beauté. Toutes ces nouveautés hardies étaient
réalisées depuis longtemps au sein de la société chrétienne, mais les plus
grands esprits ne s'avisaient pas d'en poursuivre l'application à la société
politique. Un perfectionnement, un progrès graduel de celle-ci sous
l'influence bienfaisante de l'Évangile, toutes les âmes religieuses y
croyaient et y travaillaient. Une société politique nouvelle, qui ne serait
pas la continuation de la romaine, mais qui surgirait sur ses ruines,
personne ne se la figurait. Étant, si l'on peut parler ainsi, le moule du
royaume de Dieu, l'Empire était éternel comme lui.
Telle était, sinon la conviction raisonnée, du moins la persuasion sincère
de la grande moyenne des intelligences. Qu'ils fussent chrétiens ou
païens, qu'ils s'appelassent Ausone et Sidoine Apollinaire, ou encore
Symmaque et Rutilius Namatianus, qu'ils considérassent dans l'Empire le
protecteur de l'Église chrétienne ou qu'ils adorassent en lui l'incarnation
de l'âme divine du monde, ils avaient sous ce rapport la même foi. Ce qui
établissait l'union dans la diversité de leurs tendances, c'était ce puissant
instinct de conservation qui est une des plus grandes forces de la vie
sociale, même alors qu'elle agit à l'aveugle et sans le contrôle d'une haute
raison. Tout conspirait à entretenir ces dispositions: le souvenir des
grandeurs du passé et la terreur des maux futurs, le tour d'esprit que
donne la civilisation, l'impossibilité de concevoir une autre forme
d'existence, l'habitude si douce et si forte de vivre au jour le jour dans les
jouissances élaborées par les ancêtres dont on était les heureux héritiers.
La foi de ces dévots de l'Empire ne se laissa pas déconcerter par les
rudes leçons des événements. L'indignité et l'impuissance toujours plus
manifestes des organes dans lesquels s'incarnait la civilisation romaine
ne leur ouvrirent pas les yeux. Ils ne voulurent pas voir, ils n'essayèrent
pas de comprendre les phénomènes qui révélaient graduellement, à
l'observateur le moins perspicace, le divorce du genre humain et de
Rome. Leur culte ne fit que gagner en ferveur mystique et en
enthousiasme voulu. L'émancipation de l'humanité, quand elle frappait
leurs yeux par quelque manifestation trop éclatante, ne leur inspirait que
des sentiments d'irritation et d'indignation amère. Enfermés dans le
cercle enchanté des grands souvenirs patriotiques, et se cramponnant à la
foi impériale, en dehors de laquelle il leur semblait que l'univers dût
rentrer dans le néant, ils se refusaient à envisager l'éventualité d'un
monde privé du Capitole et du Palatin. Ils étaient ballottés entre
l'adoration passionnée d'une société dont ils portaient déjà le deuil, et
l'horreur profonde pour ces barbares grossiers, ignorants et malpropres,
qui apparaissaient comme ses seuls successeurs.
Ce n'est pas que vis-à-vis d'une situation qui allait s'assombrissant depuis
le troisième siècle, tous les esprits aient également manqué de
clairvoyance. L'affaiblissement progressif de l'Empire, la puissance
grandissante des barbares étaient des phénomènes parallèles, dont ceux-
là surtout pouvaient mesurer l'étendue qui les envisageaient du haut du
trône, et qui, ayant passé leur jeunesse dans les camps, y avaient vu
toutes les forces vives du monde concentrées dans les seuls barbares.
L'idée de mettre fin au conflit tantôt ouvert et tantôt latent entre la
civilisation et la barbarie, et de sauver celle-là en apprivoisant celle-ci,
fut une pensée haute et vraiment impériale, à laquelle les grands
empereurs chrétiens se consacrèrent avec énergie. Aller aux barbares,
leur tendre une main amie, les introduire comme des hôtes pacifiques
dans ce monde qu'ils voulaient détruire, les faire vivre côte à côte avec
les Romains au sein de la même civilisation, et raviver l'Empire en y
versant la sève jeune et ardente de la Germanie, c'était, certes, une tâche
qui valait la peine d'être entreprise; c'était, tout au moins, le dernier
espoir du monde et sa suprême chance de salut.
Il faut honorer les hommes qui ont conçu ce rêve; il faut reconnaître ce
qu'il avait de séduisant, puisqu'après avoir été caressé par les plus grands
des Romains, par Constantin et par Théodose, il put encore, un siècle
après, en pleine décomposition de l'Empire, faire la conquête de ce qu'il
y avait de meilleur parmi les barbares, d'un Ataulf et d'un Théodoric le
Grand. Mais il faut reconnaître aussi que ce n'était qu'un rêve, que
l'assimilation d'une race entière était précisément le plus gigantesque
effort et la plus grande preuve de vitalité, et que si l'Empire avait été
capable de réaliser un tel programme, c'est qu'il aurait été dans la
plénitude de sa vigueur et de sa foi. Mais Rome se mourait, et la tâche
qu'on lui imposait exigeait toutes les ressources de la force et du génie.
Au fur et à mesure que l'expérience se renouvelait, l'échec devenait de
plus en plus visible, et, à la fin, la chimère qui proposait le problème
dévora les audacieux qui essayèrent de le résoudre.
Alors se posa pour l'Église chrétienne la solennelle question. Allait-elle,
s'attachant au cadavre de l'Empire, partager ses destinées et périr avec
lui, en refusant de tendre la main à l'avenir qui s'avançait? Ou bien, se
sentant appelée à des destinées éternelles, allait-elle abandonner l'Empire
à lui-même, se porter au-devant des barbares, et commencer avec eux un
monde nouveau? Il nous est facile, à la distance où nous sommes et à la
lumière de l'histoire, de constater qu'il n'y avait qu'une seule réponse à
faire à cette question. Mais les problèmes que l'histoire résout avec
aisance, la vie les pose dans des termes qui ne laissent pas découvrir la
solution avec la même facilité. Cette triple vérité, que l'Empire était
irrémédiablement condamné, que l'avenir était du côté des barbares, et
qu'il ne fallait pas chercher le salut dans la combinaison de ces deux
mondes, était couverte d'épaisses ténèbres. La fermeté d'esprit qu'il
fallait pour l'entrevoir était regardée comme de l'impiété, et le courage
qui consistait à prendre une attitude amicale vis-à-vis des barbares, c'était
de la trahison.
L'Église ne se troubla pas devant les difficultés de sa pénible tâche. Elle
avait d'ailleurs, dans ses traditions, le souvenir d'un divorce non moins
douloureux et non moins nécessaire. Lorsque, dans les premiers jours de
son existence, les chrétiens de nation juive prétendirent faire du
christianisme une religion nationale, et exigèrent que pour entrer dans la
communion des fidèles on passât par la synagogue, le cénacle s'était
opposé avec une énergie surhumaine à ces revendications du patriotisme,
qui confisquaient au profit des seuls Israélites le patrimoine légué par le
Christ à toute l'humanité. En proclamant le caractère universel de
l'Évangile, en ouvrant les portes de l'Église toutes grandes aux Gentils,
sans autre condition que le baptême, les Apôtres avaient sauvé le
christianisme et la civilisation.
L'Église du cinquième siècle se souvint de ce sublime exemple. Elle
voulut rester la religion de l'humanité, et non celle d'un peuple, ce peuple
fût-il le peuple romain. Elle voulut s'ouvrir aux barbares comme elle
s'était ouverte aux Gentils, et les recevoir dans son sein sans qu'ils
fussent obligés de passer par l'Empire. Et, pour pouvoir remplir cette
haute mission, elle se détacha de Rome comme elle s'était détachée
d'Israël. Sacrifice cruel sans doute, qui dut coûter bien des larmes à ceux
qui le firent, qui dut leur valoir bien des anathèmes de la part de ceux qui
estiment que le salut de l'humanité et la gloire de l'Église importent
moins au monde que les couleurs d'un drapeau politique. Le sacrifice fut
consommé cependant, et la merveilleuse souplesse du génie catholique
s'affirma une fois de plus dans la manière victorieuse dont il traversa
cette grande crise.
Cette évolution mémorable n'a jamais été racontée. Elle se compose
d'une multitude de faits dont l'œil ne voit pas le lien, et ses proportions
sont tellement vastes, que les contemporains n'ont pu en apercevoir que
des épisodes isolés, dont le rapport au tout leur échappait. Comme un
pont gigantesque jeté sur l'abîme qui sépare deux mondes, et que le divin
ingénieur a laissé crouler après qu'il n'en a plus eu besoin, le grandiose
itinéraire de l'Église ne se reconnaît qu'à des arches brisées et à des
piliers épars, dont l'architecture ne se laisse deviner que par le regard
exercé, et qui effraye la paresse de l'imagination. Essayons de marquer
les principaux jalons que l'histoire a laissés debout, comme pour défier la
sagacité de l'historien.
C'est la chrétienté d'Afrique qui semble, la première, avoir entrevu la
direction de l'avenir et prononcé le mot de l'émancipation. Moins liée
aux traditions romaines, plus rapprochée, par son génie, par son climat,
par son passé, de ce monde oriental où fut le berceau de l'idée chrétienne,
elle était faite pour oser dire tout haut la pensée qui tourmentait le sein
oppressé du monde. Mais il ne fallut pas moins que son plus grand génie,
ou, pour mieux dire, le plus grand génie de l'Église latine, pour parler
avec autorité et pour trouver la formule qui devait rendre l'idée
acceptable. Lorsque l'Empire, épouvanté de la prise de Rome par Alaric,
se recueillait dans une angoisse sans bornes devant ce sacrilège auquel il
ne s'était pas attendu, et qu'il demandait à Dieu l'explication de ce qui
confondait la raison, alors saint Augustin éleva la voix, et révéla à ses
contemporains la signification des terribles événements dont ils étaient
les témoins. Avec une netteté et une hardiesse qui déchiraient tous les
voiles, il leur enseigna que l'Empire n'était pas la cité éternelle, et qu'il
n'avait pas, comme le croyaient ses fidèles, reçu la mission de réaliser la
fin de l'humanité. L'Empire n'était que la cité des hommes; mais il y avait
une cité de Dieu qui seule possédait des promesses d'éternité, et qui seule
était la patrie commune des âmes. Étrangère à ce monde, à travers lequel
elle s'acheminait en pèlerinage, la cité de Dieu reconstituait en dehors de
l'Empire une communauté humaine plus vaste, plus durable, plus
parfaite, dont la loi était établie par Dieu lui-même, et qui reposait sur la
charité universelle. Pour la cité des hommes, dont l'Empire était la
réalisation, sa mission était close: il pouvait périr sans que l'humanité fût
entraînée dans sa ruine; s'il refusait de faire partie de la cité de Dieu,
Dieu recommencerait avec les seuls barbares l'œuvre de l'avenir.
Telles furent les vues sublimes que le penseur d'Hippone ouvrit devant
les yeux de son siècle, et que les écrivains de son école développèrent
avec chaleur et éloquence. Salvien, qui s'inspire directement d'Augustin,
parle avec une visible sympathie de ces barbares grossiers, hérétiques,
ignorants, dont il ne nie pas les vices, mais dont il proclame bien haut les
vertus. Il les oppose à la dégradation des Romains de son temps, et il fait
rougir les civilisés d'être moins vertueux et moins forts que ces hommes
qu'ils méprisent. Paul Orose, autre disciple d'Augustin, est plus
catégorique encore; c'est lui surtout qui semble répudier l'Empire: «Si,
dit-il, la conversion des barbares doit être achetée au prix de la chute de
Rome, il faut encore se féliciter[2].» Il y avait dans cette simple parole le
germe d'une nouvelle philosophie de l'histoire de l'humanité.
[2] Quamquam si ob hoc solum barbari romanis finibus immissi forent, quod
vulgo per Orientem et Occidentem ecclesiæ Christi Hunnis et Suevis,
Vandalis et Burgundionibus, diversisque et innumeris credentium populis
replentur, laudanda et attollenda Dei misericordia videretur: quandoquidem,
etsi cum labefactione nostri, tantæ gentes agnitionem veritatis acciperent,
quam invenire utique nisi hac occasione non possent. Paul Orose, Histor., ,
41.
Mais ces régions lugubres étaient coupées, traversées, bornées par des
districts qui offraient l'aspect de la plus riante culture. Les confins
orientaux de la Gaule, et notamment la rive gauche du Rhin depuis