La Crise Des Ressources Et Guerre en RDC

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"L'exploitation illicite des ressources naturelles d'un Etat étranger en cas de

conflit armé : étude sur la responsabilité des Etats et de leurs dirigeants"

Kambale Mahuka, Pigeon

ABSTRACT

The core question of our research is the following: how to implement the responsibility of States and
their leaders for the illegal exploitation of natural resources of a foreign State in times of armed conflict?
To answer this question, our study is divided into two parts. The first is devoted to the definition of
basic concepts, the description of the object of our study and a systematic review of the primary rules
regulating the international protection of natural resources of a foreign State during an armed conflict. The
second part focuses on the issues of responsibility for illegal exploitation of natural resources of a foreign
State during an armed conflict. The main result can be summarized as follows : when the exploitation of
natural resources of a foreign State is at the origin or is used as a means of pursuing an international
or internationalized armed conflict, the illegality of this exploitation essentially consists in the violation
of obligations erga omnes , that is, obligations owed to the international community as a whole, or in
the violation of obligations erga omnes partes, that is, obligations owed to a group of States, which are
established for the protection of a collective interest of the group. Therefore, in cases where the victim
of the illegal exploitation of natural resources cannot enforce its rights, including the right to reparation
against the State responsible for the wrongful act, the way is open for an actio popularis, which means an
action in defense of common interest, brought by the States other than the injured State in the interes...

CITE THIS VERSION

Kambale Mahuka, Pigeon. L'exploitation illicite des ressources naturelles d'un Etat étranger en cas de
conflit armé : étude sur la responsabilité des Etats et de leurs dirigeants.  Prom. : Gautier, Philippe http://
hdl.handle.net/2078.1/141055

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Available at: http://hdl.handle.net/2078.1/141055 [Downloaded 2022/06/28 at 18:05:55 ]


1

UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN

FACULTE DE DROIT ET DE CRIMINOLOGIE

CENTRE CHARLES DE VISSCHER POUR LE DROIT INTERNATIONAL ET


EUROPEEN

L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas


de conflit armé

Etude sur la responsabilité des Etats et de leurs dirigeants

KAMBALE MAHUKA Pigeon

Dissertation présentée en vue de l’obtention

du grade de docteur en Sciences juridiques

Membres du Jury :

Professeur Paul NIHOUL, Président, Université catholique de Louvain

Professeur Philippe GAUTIER, Promoteur, Université catholique de Louvain

Professeur Philippe COPPENS, Université catholique de Louvain

Professeur Pierre d’ARGENT, Université catholique de Louvain

Professeur Frédéric Dopagne, Université catholique de Louvain

Professeur Philippe Sands, University College London

Louvain-la-Neuve, février 2014


2

INTRODUCTION GENERALE

L’interdiction du recours à la force, qui est l’un des principes cardinaux de la


Charte des Nations unies, n’a pas suffi pour mettre fin aux conflits armés. En dépit de
leur prohibition, ceux-ci demeurent une réalité, notamment en Afrique.

Parmi les causes et/ou les conséquences des conflits armés qui ont déchiré -
ou continuent de déchirer- le continent africain figure, entre autres, l’exploitation illicite
des ressources naturelles. Tel est le cas des conflits armés en Namibie, en Angola, au
Libéria, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo, qui
serviront de champs d’illustration de notre étude.

Les acteurs de cette exploitation illicite des ressources naturelles sont des
Etats, des groupes armés, des entreprises multinationales et également des personnes
physiques1.

Comme la Cour internationale de Justice l’a déclaré dans son arrêt Barcelona
Traction, « [l]a responsabilité est le corollaire nécessaire du droit »2. En d’autres termes,
la violation du droit engage la responsabilité de son auteur et, le cas échéant, celle de ses
coauteurs ou complices. Dès lors, l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
entraîne la responsabilité de son auteur et celle de ceux qui participent à cet acte illicite.

Dans le cadre de cette étude, nous nous intéresserons principalement à la


responsabilité internationale des Etats et à la responsabilité internationale pénale de leurs
dirigeants. Nous examinerons dès lors dans quelle mesure les actes d’exploitation illicite
des ressources naturelles d’un Etat étranger commis par des groupes armés, des
multinationales et des personnes physiques pourront être attribuables à des Etats. Il
importe d’emblée de signaler que la plupart des entreprises multinationales impliquées

1
Le cas de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la République démocratique du Congo est une
éloquente illustration de l’implication d’une pluralité d’acteurs dans l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé. Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation
illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, S/
2001/357, du 12 avril 2001, pp. 19-20 ; 21-27 et 49-50. Voir également la résolution 1457 du Conseil de
sécurité, S/RES/1457 (2003), 24 janvier 2003, §§ 11-13.
2
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 33, § 36.
3

dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’Etats africains sont domiciliées ou
établies aux Etats-Unis, au Canada et dans l’Union européenne, notamment en Belgique3.

La question qui constitue le fil conducteur de notre recherche peut se


formuler comme suit : Comment mettre en œuvre la responsabilité des Etats et de leurs
dirigeants en cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en
temps de conflit armé ? Plus concrètement, comment les victimes, à savoir, l’Etat
étranger, d’une part, et les personnes physiques ou morales, d’autre part, pourront-elles
obtenir réparation des préjudices résultant de cette exploitation illicite des ressources
naturelles ?

Pour répondre à cette question principale, des sous-questions méritent d’être


posées :

- Dans quelles hypothèses l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat


étranger par un Etat ou par une multinationale, dans le cadre d’un conflit armé, est-elle ou
devient-elle un fait illicite au regard du droit international ? En d’autres mots, quelles
sont les règles de droit international protectrices des ressources naturelles en cas de
conflit armé, dont la violation constitue un fait internationalement illicite ?

- En cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en


temps de conflit armé, tous les Etats qui participent à cette activité illicite engagent-ils
leur responsabilité du fait de l’exploitation illicite des ressources naturelles ? Certains
Etats engagent-ils leur responsabilité pour violations du droit international commises à
l’occasion de l’exploitation illicite par d’autres Etats ? Si oui, ces Etats peuvent-ils être
obligés de réparer des dommages résultant de l’exploitation illicite des ressources
naturelles lorsqu’ils n’y ont pas participé ?

- Peut-on prendre en compte le comportement illicite d’une multinationale


afin de mettre en cause la responsabilité d’un Etat ? En d’autres termes, eu égard aux faits
illicites des multinationales, quelles sont les obligations corrélatives des Etats au regard
du droit international ?

3
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit, pp. 49-50.
4

- Au niveau international, quels sont les organes dont les actes sont
attribuables aux Etats en cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger en période de conflit armé ?

- Dans le cas où un Etat victime de l’exploitation illicite de ses ressources


naturelles ne parvient pas à réclamer réparation des préjudices subis, les Etats autres que
l’Etat lésé peuvent-ils invoquer la responsabilité internationale de l’Etat auteur de ce fait
illicite pour réclamer réparation dans l’intérêt des victimes, à savoir l’Etat lésé et les
particuliers ? Les Etats autres que l’Etat lésé peuvent-ils également bénéficier de la
réparation ?

- Les personnes privées victimes de l’exploitation illicite des ressources


naturelles d’un Etat peuvent-elles intenter une action en réparation devant une juridiction
interne de l’Etat auquel ce fait illicite est imputable et contre celui-ci ?

Pour répondre à ces questions, nous analyserons les instruments juridiques


internationaux relatifs à la protection des ressources naturelles en temps de conflit armé
et ceux relatifs à la responsabilité des Etats et à celle de leurs dirigeants, à la lumière de la
jurisprudence internationale et nationale ainsi que de la doctrine et, le cas échéant, de la
pratique des Etats. Nous partons de l’hypothèse que l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat étranger est la cause du conflit armé ou un moyen de sa continuation.

Certes, de nombreuses publications existent tant sur la responsabilité des


Etats pour fait internationalement illicite que sur la responsabilité de leurs dirigeants.
Dans la plupart des cas, ces deux types de responsabilité sont examinés séparément.
Notre étude présente l’avantage de les examiner ensemble, en les appliquant à l’étude de
l’une des questions les plus sensibles du siècle, en particulier pour les Etats africains :
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé.
Par ailleurs, l’exploitation illicite des ressources naturelles est une question existentielle,
qui met en jeu la « (sur)vie » des Etats et des particuliers. Raison pour laquelle, outre
l’étude des questions théoriques relatives à la responsabilité des Etats, notre attention sera
davantage concentrée sur la recherche des mécanismes concrets par lesquels les victimes
de l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger, à savoir cet Etat
étranger lui-même et des particuliers, pourront obtenir réparation de la part des auteurs et
5

des complices de ce fait illicite. Nous devrons également examiner la responsabilité


internationale pénale des dirigeants politiques des Etats auteurs ou complices de ce fait
illicite, qui est, comme nous le verrons, constitutif de crimes de guerre. Notre recherche
s’articule autour de deux parties. Après avoir défini les concepts de base, décrit notre
sujet d’étude et examiné systématiquement les règles primaires applicables à la protection
internationale des ressources naturelles d’un Etat étranger pendant un conflit armé
(première partie), nous étudierons les questions de responsabilité des Etats et de leurs
dirigeants en cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger
pendant un conflit armé (deuxième partie).

Dans le cadre de l’examen des faits relatifs à l’exploitation illicite des


ressources naturelles, nous nous référerons largement aux résolutions du Conseil de
sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies, aux rapports du Secrétaire général
des Nations unies, du rapporteur spécial de la Commission/du Conseil des droits de
l’homme, des groupes d’experts de l’ONU, ainsi qu’aux rapports issus d’enquêtes
gouvernementales et non gouvernementales.

Le lecteur pourra légitimement s’interroger sur la force probante de tels


rapports. Cette question a déjà été abordée par la Cour internationale de Justice dans
l’affaire Congo c. Ouganda. Après avoir énuméré certains rapports qui lui ont été soumis
par les deux parties à l’appui de leurs prétentions4, la Cour a émis les considérations
suivantes :

« La Cour traitera avec prudence les éléments de preuve spécialement établis


aux fins de l’affaire ainsi que ceux provenant d’une source unique. Elle leur préférera

4
« Les deux Parties ont soumis à la Cour une abondante documentation. Au nombre des documents
produits par les Parties à l’appui de leurs versions respectives des faits figurent des résolutions du Conseil
de sécurité des Nations Unies, des rapports du rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme,
des rapports et notes d’information de l’OUA, des communiqués de chefs d’Etat, des lettres adressées par
les Parties au Conseil de sécurité, des rapports du Secrétaire général sur la MONUC, des rapports du
groupe d’experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de
richesses de la République démocratique du Congo (dénommés ci-après les ‘‘rapports du groupe d’experts
des Nations Unies’’), le livre blanc rédigé par le ministère congolais des droits humains, le rapport de la
commission Porter, le livre blanc de l’Ouganda relatif au rapport de la commission Porter, des ouvrages,
des rapports émanant d’organisations non gouvernementales et des articles de presse » (Activités armées
sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p.
201, § 60).
6

des informations fournies à l’époque des événements par des personnes ayant eu de ceux-
ci une connaissance directe. Elle prêtera une attention toute particulière aux éléments de
preuve dignes de foi attestant de faits ou de comportements défavorables à l’Etat que
représente celui dont émanent lesdits éléments (Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1986, p. 41, par. 64). La Cour accordera également du poids à des éléments de
preuve dont l’exactitude n’a pas, même avant le présent différend, été contestée par des
sources impartiales. La Cour relève par ailleurs qu’une attention particulière mérite
d’être prêtée aux éléments de preuve obtenus par l’audition d’individus directement
concernés et soumis à un contre-interrogatoire par des juges rompus à l’examen et à
l’appréciation de grandes quantités d’informations factuelles, parfois de nature
technique. Elle tiendra donc compte comme il convient du rapport de la commission
Porter, qui a suivi cette méthodologie. Elle relève encore que la crédibilité de ce rapport,
qui a été reconnue par les deux Parties, n’a, depuis sa publication, jamais été
contestée »5.

Fidèle à sa démarche, après avoir rappelé que « les déclarations ‘‘émanant de


personnalités politiques officielles de haut rang, parfois même du rang le plus élevé,
possèdent une valeur probante particulière lorsqu’elles reconnaissent des faits ou des
comportements défavorables à l’Etat que représente celui qui les a formulées’’ […], la
Cour pense qu’il en va de même lorsque de telles déclarations, contraires aux intérêts de
l’Etat dont elles émanent, ont pour auteurs des officiers supérieurs de l’armée, compte
tenu des circonstances objectives dans lesquelles ces déclarations ont été recueillies »6.

La Cour a ainsi reconnu la valeur probante des rapports du groupe d’experts


des Nations unies sur l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC7. Pour ce

5
Ibidem, p. 201, § 61.
6
Ibidem, p. 206, § 78.
7
« La Cour observe que, pour étayer ses allégations, la RDC s’est prévalue des rapports du groupe
d’experts des Nations Unies et du rapport de la commission Porter. La Cour s’est déjà prononcée sur la
valeur probante que revêtent en général les matériaux émanant de cette commission (voir paragraphe 61 ci-
dessus) et considère que tant le rapport de celle-ci que les rapports du groupe d’experts des Nations Unies,
pour autant que ceux-ci se soient par la suite révélés probants, fournissent des éléments de preuve suffisants
et convaincants pour lui permettre de déterminer si l’Ouganda s’est ou non livré à des actes de pillage et
d’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC » (Ibidem, p. 249, § 237).
7

qui est des rapports des ONG, elle a reconnu la crédibilité d’un rapport de Human Rights
Watch (HRW) sur la situation en Ituri, en République démocratique du Congo8. Ceci
nous permet d’accorder cette même crédibilité aux autres rapports d’ONG internationales
(FIDH, Global Witness, Partenariat Afrique Canada,…) et nationales qui contiennent des
informations concordantes, qui sont corroborées par des rapports d’organismes officiels,
généralement réputés pour leur impartialité, notamment les organes des Nations unies.

Nous avons puisé les données factuelles sur la base des rapports qui
répondent à ces critères fixés par la Cour (crédibilité des auteurs des rapports et des
personnes interrogées, preuves directes et soumises au contradictoire, absence de
contestations, etc.). Nous avons vérifié que ces conditions étaient remplies sur la base de
la qualité des experts des Nations unies, qui sont recrutés par le Secrétaire général en
fonction « [des] plus hautes qualités de travail, de compétence et d’intégrité »9
(généralement des ambassadeurs de hauts rangs, des scientifiques qualifiés dans
différents domaines pertinents), de la méthodologie des experts exposée au début de
chaque rapport, et en prenant en compte la période et les circonstances des enquêtes.
Concernant la situation particulière de la République démocratique du Congo, nous nous
appuyons également sur l’arrêt Congo c. Ouganda, qui a lui-même défini et appliqué les
critères pertinents pour évaluer la crédibilité des documents de référence.

8
« […] Les informations susmentionnées sont concordantes dans la présentation des faits, s’étayent les
unes les autres et sont corroborées par d’autres sources crédibles, telles que le rapport de HRW intitulé
«Ituri : Covered in Blood. Ethnically Targeted Violence in Northeastern DR Congo» [Ituri: Le bain de
sang. Violence ethnique ciblée dans le nord-est de la RD Congo], juillet 2003 (disponible sur le site
http://hrw.org/reports/ 2003/ituri0703/) » (Ibidem, p. 241, § 209).
9
Termes utilisés par l’article 101 de la Charte des Nations unies.
8

PREMIERE PARTIE : CONFLIT ARME ET EXPLOITATION ILLICITE DES


RESSOURCES NATURELLES D’UN ETAT ETRANGER : DEFINITIONS,
DESCRIPTION DU SUJET D’ETUDE ET REGLES PRIMAIRES APPLICABLES
AUX ETATS

L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en temps de


conflit armé est un sujet complexe, tant au niveau des acteurs et des ressources affectées,
qu’au niveau des modalités d’exploitation. Ainsi est-il impérieux d’en présenter une vue
d’ensemble dans le contexte africain (chapitre II), après la définition des concepts de base
(chapitre I). Ces éléments nous permettront d’expliquer les règles primaires relatives à la
protection internationale des ressources naturelles d’un Etat étranger (chapitre III).

CHAPITRE I. DEFINITION DES CONCEPTS DE BASE

Le sujet de la recherche implique que l’on définisse deux concepts


fondamentaux : le conflit armé (section I) et l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat étranger (section II).

Section I. Conflit armé

En droit international contemporain, le concept de « conflit armé » tend à être


préféré à celui de « guerre »10. Cette tendance, qui se reflète à travers de nombreux
instruments juridiques internationaux11, nous amène à relever brièvement les raisons de

10
Cf. Y. SANDOZ, CH. SWINARSKI, B. ZIMMERMANN (sous la direction de), Commentaire des
Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, CICR, 1986,
p. 21. Cet ouvrage sera ultérieurement désigné par « Protocoles, Commentaire ». Pour ces auteurs,
l’expression « conflits armés » a été préférée, pour son caractère plus objectif, à celle de « guerre » que
comportaient encore, par exemple, le titre des Conventions et leur article 2 commun.
11
Voir par exemple la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas
de conflit armé, son Règlement d’exécution (14 mai 1954) et ses protocoles (1954 et 1999), le Protocole (I)
additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux, du 8 juin 1977, diverses résolutions de l’AGNU, notamment les résolutions 2673 à
2677 (XXV) et 3318 (XXIX) sur la protection des civils, l’application des droits de la personne, la
protection des femmes et des enfants, qui disposent qu’elles s’appliquent « en cas de conflit armé » ou « en
période de conflit armé » (Cf. E. DAVID, Principes de droit des conflits armés (4e édition), Bruxelles,
Bruylant, 2008, p. 117, § 1. 48). Voir également, par exemple, des résolutions du Conseil de sécurité des
Nations Unies relatives au conflit en RDC, entre autres, les Résolutions 1234 (1999), 1457 (2003),…et
l’article 8 statut de Rome, etc.
9

cette préférence (§1), avant de nous intéresser à la typologie des conflits armés12, en
examinant le conflit armé international (§2), le conflit armé non international (§3) et le
conflit armé interne internationalisé (§4).

§1. Préférence du terme « conflit armé » au vocable « guerre »

L’histoire de l’humanité est jonchée de « guerres ». Le terme « guerre » y est


tellement utilisé qu’il pourrait même paraître inutile de le définir. Pourtant, il suffit de lui
adjoindre tel déterminatif ou tel qualificatif, par exemple « guerre d’agression »,
« guerre civile », « guerre de libération nationale », « guerre contre le terrorisme »,
« guerre de sécession », « guerre froide », « guerre économique », « guerre des ondes »
ou « guerre médiatique »,… pour qu’il renvoie à des réalités différentes13. Comme nous
allons le découvrir progressivement, sur les neuf expressions contenant le mot « guerre »,
que nous venons de mentionner, les cinq premières impliquent un recours à la force
armée. En revanche, les quatre dernières expressions ne traduisent pas directement une
violence armée. En outre, parmi les « guerres » qui sont des luttes armées, certaines sont
des conflits armés internationaux, d’autres des conflits armés internes. Il ne nous semble
donc pas inutile de mettre en exergue les raisons de la préférence accordée à la notion de
« conflit armé » dans la littérature contemporaine.

Recherchant l’origine de la guerre, certains penseurs, contrairement à ceux


qui estiment que « la guerre est aussi ancienne que l’humanité »14, sont parvenus à la

12
Voir S. VITE, « Typologie des conflits armés en droit international humanitaire : concepts juridiques et
réalités », disponible sur http://www.icrc.org/fre/assets/files/other/irrc-873-vite-fre.pdf consulté le 16 avril
2012. Nous nous étendrons plus largement aux catégories de conflits armés présentant des liens avec notre
thème de recherche.
13
Sur la classification des guerres, voir J. CAZENEUVE, « Guerre et paix », in Encyclopaedia universalis,
Corpus 11, Paris, Encyclopaedia universalis S.A., 1996, pp. 5-7. Voir également R. ARON, Paix et guerres
entre les Nations, Paris, Calmann-Lévy, 1962.
14
Voir par exemple ARISTOTE, cité par P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international
public. La responsabilité internationale des Etats à l’épreuve de la guerre, Bruxelles/ Paris,
Bruylant/L.G.D.J., 2002, p. 11. Sans faire office d’historien, nous pouvons citer à titre indicatif les guerres
médiques (499-479 av. J.-C.), la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.), la guerre de cent ans (1337-
1453), la guerre de la succession d’Espagne (1704-1708), la guerre franco-allemande (1870-1871), les deux
guerres mondiales (1914-1918 ; 1939-1945), la guerre de Corée (1950-1953), les guerres israélo-arabes
(1948, 1956, 1967, 1973), les guerres du Golfe (Iran-Irak : 1980-1990, Irak-Koweït : 1990-1991), etc. (Cf.
M. MOURRE, Dictionnaire encyclopédique d’histoire, Paris, Bordas, 1978, p. 2093 et P. D’ARGENT, Les
réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 11 et suivantes.
10

conclusion que « la guerre est un phénomène social qui est apparu à un certain stade du
développement de la société humaine, en même temps que se formaient les Etats »15. Ce
faisant, dans son acception classique, la notion de la guerre est inséparablement liée à
celle de l’Etat. Du point de vue politique, « la guerre est une lutte armée entre Etats pour
atteindre leurs buts économiques et sociaux, c’est la continuation de la politique étatique
par des moyens violents »16. Sur le plan juridique, en droit international classique, qui
nous intéresse davantage, la guerre est « un conflit armé entre Etats, entrepris dans le but
de faire prévaloir un point de vue national suivant des moyens réglementés par le droit
international »17. Cette dernière définition met en évidence trois éléments majeurs : la
guerre est un conflit armé « entre Etats » en conformité avec le droit international.

A notre connaissance, ni le droit de La Haye (1899 et 1907), ni le droit de


Genève (1949 et 1977) ne donnent une définition de la guerre pas plus qu’ils n’en
donnent du conflit armé. Cette lacune est heureusement comblée par la jurisprudence et la
doctrine.

Aucune juridiction n’a défini la guerre. Cependant, le Tribunal pénal


international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a défini le conflit armé. Selon le TPIY, « un
conflit armé existe chaque fois qu’il y a recours à la force armée entre Etats ou un conflit
armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou
entre de tels groupes au sein de l’Etat »18.

De par cette définition, le terme « conflit armé » renferme non seulement un


affrontement armé interétatique ou guerre au sens classique, mais également une lutte

15
I. PAENSON et al., Manuel de la terminologie du droit des conflits armés et des organisations
humanitaires internationales, Bruxelles, Bruylant, et London, Dordrecht, Boston, Martinus Nijhoff
Publishers, 1989, p. 4.
16
Ibidem, p. 4.
17
C. PIGUET, La guerre civile en droit international. Contribution à l’étude de la responsabilité
internationale de l’Etat à raison des dommages éprouvés sur son territoire par des étrangers, du fait du
mouvement insurrectionnel, Lausanne, Imprimerie Vaudoise, 1982, p. 11.
18
TPIY, App., aff. IT-94-1-AR 72, 2 octobre 1995, Tadic, § 70; idem, Chambre II, 7 mai 1997, §§ 561 et
ss. Sans vouloir entraver les mérites du TPIY, relevons en passant que cette définition du conflit armé
présente tout de même l’inconvénient, mineur soit-il, de reprendre le mot conflit armé alors même que c’est
son sens qui est recherché. A notre avis, dans la seconde séquence de la définition, le Tribunal aurait pu
dire, par exemple, « […] ou un recours à la force armée prolongé entre les autorités gouvernementales et
… » ou alors « […] ou une lutte armée prolongée […] ».
11

armée soit entre une entité étatique et une entité non étatique, soit entre une entité
étatique et une faction dissidente, soit entre deux ethnies à l’intérieur d’un Etat19.

Au sens du droit international classique, la guerre suppose un affrontement


armé entre Etats. Un conflit armé oppose soit des Etats entre eux, soit des Etats à des
acteurs non étatiques (forces dissidentes, groupes armés), soit des acteurs non étatiques
entre eux. Il appert que la guerre est un conflit armé, mais tout conflit armé n’est pas une
guerre. Le terme conflit armé a une extension plus grande que celui de guerre20. Ce fait
constitue une des raisons de la préférence du concept de « conflit armé » à celui de
« guerre ». En effet, à en croire Jean Pictet, « [c]’est à dessein que l’on a remplacé le
mot ‘‘guerre’’ par cette expression beaucoup plus générale. On peut discuter
abondamment [de] la définition juridique de la guerre. Un Etat peut toujours prétendre
lorsqu’il commet un acte d’hostilité armée contre un autre Etat, qu’il ne fait pas la
guerre, qu’il procède à une simple opération de police, ou qu’il [agit en exerçant son
droit] de légitime défense. Avec l’expression ‘‘conflit armé’’, une telle discussion est
moins aisée. Tout différend surgissant entre deux Etats et provoquant l’intervention des
membres des forces armées, est un conflit armé au sens de l’article 221, même si l’une des
Parties conteste l’état de belligérance. Ni la durée du conflit, ni le caractère plus ou
moins meurtrier de ses effets ne jouent aucun rôle. Le respect dû à la personne humaine
ne se mesure pas au nombre des victimes »22.

19
Cf. P. VERRI, Dictionnaire du droit international des conflits armés, Genève, CICR, 1988, pp. 36-37.
20
Cf. E. DAVID, Principes de droit des conflits armés, Op. cit., p. 117.
21
Texte de l’article 2 commun aux Conventions de Genève de 1949 :
« En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de paix, la présente Convention
s'appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des
Hautes Parties contractantes, même si l'état de guerre n'est pas reconnu par l'une d'elles. La Convention
s'appliquera également dans tous les cas d'occupation de tout ou partie du territoire d'une Haute Partie
contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire. Si l'une des Puissances en
conflit n'est pas partie à la présente Convention, les Puissances parties à celle-ci resteront néanmoins liées
par elle dans leurs rapports réciproques. Elles seront liées en outre par la Convention envers ladite
Puissance, si celle-ci en accepte et en applique les dispositions ».
22 J. PICTET (sous la direction de), Les Conventions de Genève du 12 août 1949. Commentaire. IV. La
Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, CICR,
1956, pp. 25-26.
12

Pour Eric David, cette préférence tient d’une raison terminologique et d’une
raison juridique23. D’une part, au niveau terminologique, « la notion de conflit armé
semble recouvrir un plus large spectre de situations que le concept de guerre qui aurait
une signification plus étroite…on a intuitivement tendance à ne voir dans la guerre que
ce grand embrasement social, ce ‘‘sursaut collectif’’ qui requiert ‘‘toutes les énergies’’
et ‘‘rassemble’’ tous les membres de la cité. Ce faisant, on ignore des situations qui sont
en deçà de la belligérance- des actes ‘‘short of war’’- tels qu’incidents de frontière, raids
de bandes armées, rébellions sans contrôle de territoire, etc. »24. D’autre part, « la
raison juridique du choix de l’expression ‘‘conflit armé’’ réside d’abord dans le fait que
les [Conventions de Genève] du 12 août 1949 stipulent en leur art. 2, al. 1er, commun
qu’elles s’appliquent non seulement ‘‘en cas de guerre déclarée’’, mais aussi ‘‘en cas
de… tout autre conflit armé…’’ […], ce qui confirme bien que la notion de conflit armé
est plus large que celle de guerre, mais qu’elle n’en relève pas moins du droit de la
guerre (ou plutôt du droit des conflits armés). En outre, on observe que les instruments
juridiques modernes parlent beaucoup moins de ‘‘guerre’’ que de ‘‘conflit armé’’ »25.

Se penchant à son tour sur cette question, Robert Kolb donne deux raisons
objectives pour lesquelles le terme « droit de la guerre », longtemps privilégié, est
aujourd’hui délaissé26. En premier lieu, le terme « guerre » est devenu suspect à cause du
développement d’un droit international contre la guerre (Ius contra bellum), ce qui
explique les hésitations à maintenir le terme droit de la guerre, qui connote, même de
loin, la permanence d’une conduite interdite (article 2, § 4 de la Charte des Nations
unies)27. En second lieu, explique-t-il, le terme « guerre » a été délaissé après la seconde
guerre mondiale, car il s’est révélé trop étroit et requiert un statut juridique complexe (un
animus belligerendi exprimé par la déclaration de guerre), ce qui n’englobe pas le cas de
recours à la force que la doctrine qualifie de « mesures armées en-deçà de la guerre »
(forcible measures short of war). Kolb se réfère, à l’instar d’Eric David, à la formulation

23
Cf. E. DAVID, Op. cit., p. 115.
24
Ibidem, p.115.
25
Ibidem, pp. 116-117. Pour les exemples d’instruments juridiques, voir note 11.
26
Cf. R. KOLB, Ius in bello. Le droit international des conflits armés, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2003,
p. 9.
27
Cf. Ibidem, pp. 9-10.
13

de l’article 2 commun aux Conventions de Genève, qui adjoint à la guerre (déclarée) tout
autre conflit armé. Et pour peaufiner sa logique, il évoque même le pas franchi dans le
cadre du droit de la paix en soulignant qu’avant 1945, les textes interdisaient le recours à
la guerre ; dès 1945, avec l’article 2, § 4 de la Charte, c’est la force qui est interdite dans
les relations internationales28. Kolb va même jusqu’à affirmer que « quand les anciens
textes parlent de guerre, comme le font les Conventions de La Haye de 1899 et de 1907,
cela est lu comme signifiant désormais ‘‘conflit armé’’, en ligne avec les Conventions de
Genève »29.

Pour notre part, aux raisons susmentionnées, nous ajoutons le fait que le
terme « guerre » est parfois utilisé dans des expressions qui ne traduisent pas directement
l’usage de la force armée et échappent ipso facto au droit des conflits armés. Il en est
ainsi de la « guerre froide », cet « état de tension politique entre Etats idéologiquement
opposés qui cherchent mutuellement à s’affaiblir, mais sans aller jusqu’à déclencher une
guerre mondiale (expression forgée à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour
caractériser la rivalité entre le bloc occidental et le bloc communiste) »30. Il en est de
même de la « guerre économique », qui est « une relation interétatique dans laquelle au
moins l’un des Etats essaye de nuire aux ressources productives et en général à
l’économie d’un ou de plusieurs autres Etats. Cette situation ne relève pas, dans le droit
international contemporain, du principe interdisant le recours à la force, mais du principe
de non intervention »31. Par ailleurs, la « guerre des ondes » ou « guerre médiatique » ne
rentre pas non plus dans le cadre du droit des conflits armés. En effet, il s’agit, en temps
de conflit armé, de l’« utilisation de la radiodiffusion comme moyen de propagande, de

28
Cf. Ibidem, p. 10.
29
Ibidem, p. 78.
30
S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER (sous la direction de), Lexique des termes juridiques 2010 (17e
édition), Paris, Dalloz, 2009, p. 362. Parlant de la guerre froide, Francescakis précise du reste qu’elle
échappe par nature à toute discipline juridique. Voir PH. FRANCESCAKIS (sous la direction de),
Répertoire de droit international, Tome II, Paris, Jurisprudence Générale Dalloz, 1969, p. 78.
31
J. SALMON (sous la direction de), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001,
p. 539. Pour Jean Salmon, « le terme se rapproche du droit des conflits armés, quand il n’est qu’un aspect
particulier d’un conflit armé. ‘‘ Il suffit de constater que la guerre mondiale était dès son début en même
temps une guerre économique, destinée à priver l’ennemi de ressources économiques utiles à la gestion de
la guerre, et à briser ses forces de résistance’’ (C.P.J.I., Mémoire du Gouvernement allemand, affaire
relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, série C, n°11, vol. I, p. 384) » (J.
SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 539).
14

manipulation de l’opinion »32. Cet agissement ne constitue pas en soi un recours à la


force armée.

Après cette précision terminologique, il convient d’examiner tour à tour les


différentes manifestations de conflits armés.

§2. Conflit armé international

Une lecture combinée de l’article 2 commun aux quatre Conventions de


Genève (ci-après CG) de 1949 et de l’article 1er du Protocole additionnel (I) de 1977
relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux révèle deux cas de
figures d’un conflit armé international : un conflit armé interétatique et une guerre de
libération nationale.

A. Un conflit armé interétatique

Un conflit armé interétatique peut être soit une guerre déclarée, soit tout autre
conflit armé, soit une occupation d’un territoire d’un autre Etat sans résistance militaire33.

Une guerre déclarée entre deux ou plusieurs parties contractantes est un


conflit armé international, même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles
(article 2 CG). La déclaration de guerre joue un rôle pratique en ce sens que même si elle
n’est pas suivie d’hostilités effectives, elle crée déjà un état de guerre entre les Etats
concernés34. Même si l’état de guerre est contesté par l’une des parties au conflit armé, on
est en présence d’un conflit armé international35.

Par ailleurs, tout conflit armé interétatique autre qu’une guerre déclarée36 est
également un conflit armé international au sens de l’article 2 des Conventions de Genève
de 1949. Cette précision vise à écarter dans le chef d’un Etat au conflit toute possibilité

32
Larousse. Dictionnaire Maxipoche 2010, Paris, Larousse, 2009, p. 655.
33
Robert Kolb distingue trois hypothèses: l’affrontement armé de fait, l’état de guerre déclarée et
l’occupation sans résistance d’un territoire. Voir R. KOLB, Op. cit., pp. 73-74. Tout en nous inspirant de
lui, nous suivons l’ordre et la formulation de l’article 2 commun aux Conventions de Genève.
34
Cf. Ibidem, p. 74.
35
Cf. M. DEYRA, L’essentiel du droit des conflits armés, Paris, Gualino éditeur, 2002, p. 17.
36
L’alinéa 1er de l’article 2 commun aux Conventions de Genève indique que « la présente Convention
s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé… ». « Tout autre conflit armé »
renvoie donc à un conflit armé autre qu’une guerre déclarée.
15

d’écarter l’application des règles humanitaires en cas de measures short of war37. Elle
vise également à englober des conflits armés qui, tout en réunissant les caractéristiques
d’une guerre, n’ont pas fait l’objet de déclaration de guerre. Ceci est très fréquent en cas
de « guerre d’agression », qui est « une guerre entreprise par un Etat en violation de ses
obligations internationales »38. Sous l’empire de l’Organisation des Nations unies, il
s’agit précisément de la violation de l’interdiction du recours à la menace ou à l’emploi
de la force par un Etat, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un
autre Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies,
consacrée par l’article 2, § 4 de la Charte. Tel fut le cas de l’invasion du Koweït par l’Irak
le 2 août 199039. Il en fut de même des activités armées sur le territoire de la République
démocratique du Congo par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi40.

Enfin, l’occupation du territoire d’un Etat sans résistance est un conflit armé
international. Si l’occupation se fait après résistance militaire, nous sommes dans l’une
des deux hypothèses susmentionnées (guerre déclarée ou tout autre conflit armé).
L’absence de résistance n’enlève rien au caractère armé du conflit. La puissance
occupante est prête à user des armes. Elle n’attend que la résistance de celle dont le

37
Cf. R. KOLB, Op. cit., p. 72.
38
UNION ACADEMIQUE INTERNATIONALE, Dictionnaire de la terminologie du droit international,
Paris, Sirey, 1960, p. 308.
39
Cf. P. D’ARGENT, « Le fonds et la Commission de compensation des Nations Unies », in R.B.D.I.,
1992/2, p. 485. Pierre d’Argent précise que dans sa résolution 660 du 2 août 1990, le Conseil de sécurité
n’a pas qualifié l’opération militaire iraquienne d’ « acte d’agression »,…préférant condamner « l’invasion
du Koweit par l’Iraq », cause de la « rupture de la paix et de la sécurité internationale ». C’est plutôt la
doctrine qui s’accorde sans trop d’hésitation pour considérer que l’Iraq a commis en l’occurrence un acte
d’agression au sens de l’article 3 (a) de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale sur la définition
de l’agression. Voir P. D’ ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit.,
pp.327-328.
40
La remarque de Pierre d’Argent dans la note précédente mérite d’être reprise ici. En effet, en guise
d’exemple, la résolution 1234 (1999) du Conseil de sécurité, sans parler expressis verbis d’agression,
mentionne : « Préoccupé [ndlr : le Conseil de sécurité] par les informations selon lesquelles les forces
opposées au Gouvernement ont pris dans la partie orientale de la République démocratique du Congo des
mesures violant la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du pays ». De même, dans l’affaire des
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), la CIJ, sans
utiliser le mot « agression », dit que «[l]’intervention militaire illicite de l’Ouganda a été d’une ampleur et
d’une durée telles que la Cour la considère comme une violation grave de l’interdiction de l’emploi de la
force énoncée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies» (Activités armées sur le
territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 227, §
165). Cependant, dans son opinion individuelle, le juge Simma a estimé que le recours à la force par
l’Ouganda devait être qualifié d’acte d’agression (Cf. Ibidem, p. 334-335, § 2). Il en est de même du juge
Elaraby, dans son opinion individuelle (Cf. Ibidem, p. 332, § 18).
16

territoire est occupé. Ce fut le cas de l’Allemagne qui envahit la Tchécoslovaquie en


1939 et le Danemark en 1940, sans que ces pays ne tentent de se défendre eu égard à la
disproportion des forces en présence41.

Pour tout dire, tout conflit armé interétatique est international et exige
l’application du droit des conflits armés internationaux. La question qui se pose est de
savoir dans quelle mesure les Etats non Parties aux Conventions de Genève peuvent être
liés par elles. Deux hypothèses se présentent :

- Un ou plusieurs Etats parties aux Conventions sont en conflit armé avec un


ou plusieurs Etats non parties ;

- Deux ou plusieurs Etats non parties aux Conventions sont en conflit armé.

L’article 2, alinéa 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 vise la


première hypothèse. Alors que les Puissances parties aux Conventions seront liées par
celles-ci dans leurs rapports réciproques, elles ne seront liées par les Conventions dans
leurs rapports envers la Puissance non partie que si celle-ci en accepte et en applique les
dispositions42. Il ressort de cette disposition qu’un Etat non Partie aux conventions est
libre de choisir d’être lié par elles.

Qu’en est-il si l’Etat non partie n’accepte pas et n’applique pas les
dispositions des Conventions de Genève de 1949 ? Le commentaire de l’alinéa 3 de
l’article 2 commun indique que « si la Convention…prévoit que, dans certaines
conditions, une Puissance contractante peut être légalement dégagée de ses obligations,
son esprit encourage cette Puissance à persévérer dans l’application des règles
humanitaires quelle que soit l’attitude de la Partie adverse »43. Cette position doctrinale
sera confirmée et même étendue par la jurisprudence. En effet, dans son avis relatif aux
armes nucléaires, rendu à la requête de l’AGNU, la CIJ a soutenu que même les Etats

41
Cf. E. DAVID, Op. cit., p. 123.
42
Le commentaire de cet alinéa mentionne que l’acceptation peut être tacite, implicitement contenue dans
une application de fait. Voir J. PICTET (sous la direction de), Les Conventions de Genève du 12 août 1949.
Commentaire. IV. La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre, Op. cit., p. 30.
43
Ibidem, p. 30.
17

non Parties aux Conventions de Genève de 1949, du moment qu’ils sont en conflit armé,
sont liés par les règles fondamentales de ces Conventions sur une base coutumière44.

B. Une guerre de libération nationale

Une guerre de libération nationale est un conflit armé dans lequel un peuple
lutte contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre un régime raciste
ou d’apartheid dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes45. Au titre de
guerres de libération nationale figurent les conflits armés qu’ont connus la Rhodésie du
Sud et la Namibie. Ces conflits armés s’inscrivent non seulement dans le cadre des luttes
contre l’occupation étrangère, mais également dans le cadre de la lutte contre un régime
raciste ou d’apartheid. En effet, la Rhodésie a connu une occupation par des colonies de
peuplement, alors que la Namibie a été l’objet de l’occupation par l’Afrique du Sud suite
au retrait du mandat par l’Assemblée générale des Nations unies. Sur les deux territoires
était établi un système de ségrégation raciale, l’apartheid46. Le conflit armé lié à
l’occupation du Sahara occidental par le Maroc, quant à lui, relève uniquement de la lutte
contre l’occupation étrangère47.

Il importe de nous arrêter un instant sur la pertinence de la reconnaissance par


la Communauté internationale d’une guerre de libération nationale comme un conflit
armé international alors que ce dernier n’est pas interétatique au sens strict.

44
« C’est sans doute parce qu’un grand nombre de règles du droit humanitaire applicable dans les conflits
armés sont si fondamentales pour le respect de la personne humaine et pour ‘‘ des considérations
élémentaires d’humanité’’ […] que la convention IV de La Haye et les conventions de Genève ont
bénéficié d’une large adhésion des Etats. Ces règles fondamentales s’imposent d’ailleurs à tous les Etats,
qu’ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment, parce qu’elles constituent des
principes intransgressibles du droit international coutumier » (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 257, § 79). Par ailleurs, la Cour a reconnu l’existence d’une certaine
opinio juris selon laquelle les « principes et règles du droit humanitaire font partie du jus cogens tel que le
définit l’article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 » (Ibidem, § 83).
45
Cf. Article 1er, § 4 du Protocole additionnel (I) aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la
protection des victimes des conflits armés internationaux. Voir également P. VERRI, Op. cit., p. 60. A
propos de la différence entre domination coloniale et occupation étrangère, notons que les peuples en lutte
contre la domination coloniale sont ceux auxquels les NU ont reconnu le droit à l’autodétermination, à
savoir, les peuples des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, en vertu des articles 73 et 76
de la Charte des Nations Unies combinés avec la résolution 1514 (XV) adoptée par l’AGNU le 14
décembre 1960, alors que les peuples en lutte contre l’occupation étrangère sont ceux d’un territoire non
encore pleinement érigé en Etat. Voir E. DAVID, Op. cit., pp. 186-190.
46
Cf. R. KOLB, Op. cit., pp. 76 et 77.
47
Cf. Ibidem, p. 77.
18

Sous la plume de Rosemary Abi-Saab, nous lisons : « A la lumière des avis


des experts consultés en 1970 par le CICR et de son expérience pratique, le CICR était
amené à faire une double constatation : d’une part il est indéniable qu’il existe au sein de
la Communauté internationale une tendance de plus en plus largement partagée, selon
laquelle les luttes pour l’autodétermination ou contre la discrimination ne peuvent plus
être placées sur le même pied qu’un conflit interne. Ces luttes ont un caractère
international et les combattants capturés doivent bénéficier d’un traitement analogue à
celui que prévoit la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre. De même, les
victimes de ces conflits devraient également être au bénéfice de la protection du droit
humanitaire »48. Cette tendance de la communauté internationale, partagée
essentiellement par les Etats socialistes et les Etats du tiers monde, contre l’opposition
des Etats occidentaux49, procède du fait que la notion d’autodétermination est consacrée
par la Charte des Nations Unies, par des résolutions adoptées par l’Assemblée générale et
est considérée comme un droit par les Pactes internationaux relatifs aux droits de
l’homme du 16 décembre 196650. Il s’agit en quelque sorte de donner « effet utile » aux
dispositions pertinentes de ces instruments juridiques internationaux, en postulant
l’application intégrale du droit des conflits armés aux guerres de libération nationale51.

Le caractère international des luttes pour l’autodétermination ou contre la


discrimination (liée à la race, aux classes sociales,…) est postulé par diverses résolutions
adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies52. A titre indicatif, la résolution
3103 (XXVIII), du 12 décembre 1973, intitulée « Principes de base concernant le statut
juridique des combattants qui luttent contre la domination coloniale et étrangère et contre
les régimes racistes », consacre clairement le caractère international des « guerres de

48
R. ABI-SAAB, Droit humanitaire et conflits internes, Genève/ Paris, Institut Henry –Dunant / Pedone,
1986, p. 111.
49
Cf. E. DAVID, Op. cit., p. 184.
50
Articles 1er et 55 de la Charte des Nations unies, Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale du 14
décembre 1960 relative à l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples colonisés, résolution 2105 (XX) de
l’Assemblée générale du 20 décembre 1965, article 1er commun aux Pactes internationaux de 1966. Cf. R.
ABI-SAAB, Op. cit., p. 100.
51
« Le droit des conflits armés […] s’applique intégralement lorsque ces conflits sont internationaux et
partiellement lorsqu’ils ne le sont pas » (E. DAVID, Op. cit., p. 115).
52
Voir, par exemple : Résolution 2105 (XX), du 20 décembre 1965, § 10 ; Résolution 2444 (XXIII), du 19
décembre 1968, Préambule, alinéas 2, 3 et 4 ; Résolution 2621 (XXV), du 12 octobre 1970, § 2 et § 6, a) ;
Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, du 24 octobre 1970 ; etc.
19

libération nationale » en ces termes : « Les conflits armés où il y a lutte de peuples contre
la domination coloniale et étrangère et les régimes racistes doivent être considérés
comme des conflits armés internationaux au sens des Conventions de Genève de 1949, et
le statut juridique prévu pour les combattants dans les Conventions de Genève de 1949 et
les autres instruments internationaux doit s’appliquer aux personnes engagées dans une
lutte armée contre la domination coloniale et étrangère et les régimes racistes »53. Cette
volonté d’internationalisation de la guerre de libération nationale viendra culminer dans
le Protocole additionnel I. En effet, selon l’article 1er, § 4 de ce protocole, les guerres de
libération nationale sont des conflits armés internationaux.

La Communauté internationale a de plein droit « internationalisé » les


guerres de libération nationale, en vue d’une protection optimale des combattants de la
liberté.

§3. Conflit armé non international

A. Notion et éléments constitutifs

Synonyme de « guerre civile »54, c’est-à-dire un conflit armé entre citoyens


d’un même pays55, le conflit armé non international ou conflit armé interne ou encore
conflit armé intra-étatique, n’est pas défini par l’article 3 commun aux Conventions de
Genève de 1949, qui fixe les règles minimales applicables « en cas d’un conflit armé ne
présentant pas un caractère international ». C’est l’article 1er, § 1 du Protocole additionnel
(II) relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, qui, en
développant et en complétant l’article 3, comble un tant soit peu ce vide. Selon cette
disposition, les conflits armés non internationaux sont ceux qui ne rentrent pas dans le
champ d’application du Protocole I, autrement dit, des conflits armés autres que des
guerres de libération nationale, qui se déroulent sur le territoire d’une Haute Partie
contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes
armés organisés, qui sous la conduite d’un commandement responsable, exercent sur une

53
Résolution 3103 (XXVIII), 12 décembre 1973, dispositif, § 3.
54
Cf. P. VERRI, Op. cit., p. 37.
55
Cf. M. CRUCHAGA TACORNAL, « Guerre civile », in A.-F. FRANGULIS (sous la direction de),
Dictionnaire diplomatique, Paris, Académie diplomatique internationale, s.d., p. 1030.
20

partie de son territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations
militaires continues et concertées et d’appliquer le Protocole II.

Partant de cette définition, Haykel Ben Mahfoudh constate que les conflits
armés non-internationaux selon l’article 1er du Protocole II additionnel de 1977 sont ceux
qui se produisent entre le gouvernement et les insurgés, et non pas les conflits entre des
groupes dissidents, ou entre les insurgés eux-mêmes56. Il se rallie ainsi à l’interprétation
qui en est donnée par Robert Kolb57. Cette interprétation est pertinente du fait que, dans
cet article, la préposition « entre » n’est pas reprise après la conjonction de coordination
« ou ». Ceci signifie que les conflits se déroulent entre les forces armées d’un Etat et des
forces armées dissidentes ou entre les forces armées d’un Etat et des groupes armés
organisés. Les conflits entre groupes armés organisés, y compris des forces dissidentes,
qui échappent au champ d’application du Protocole additionnel II, restent couverts par
l’article 3 commun aux Conventions parce qu’ils demeurent des conflits armés ne
présentant pas un caractère international. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’in fine de la
définition du conflit armé par le TPIY dans l’affaire Tadic que nous avons déjà évoquée :
« un conflit armé prolongé entre […] de tels groupes au sein de l’Etat »58. Cet acquis
prétorien sera récupéré par les rédacteurs du Statut de Rome dont l’article 8, 2 f) vise des
conflits ne présentant pas un caractère international, qui sont des conflits armés qui
opposent de manière prolongée sur le territoire d’un Etat les autorités du gouvernement
de cet Etat et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux.

Un autre élément important est que les forces dissidentes ou les groupes
armés organisés opposés aux forces armées d’une Puissance contractante (ou, selon la
jurisprudence du TPIY et le Statut de Rome, les groupes armés opposés entre eux)
doivent être sous la conduite d’un commandement responsable. Celui-ci devra veiller au
respect des règles humanitaires.

56
Cf. H. BEN MAHFOUDH, « Acteurs non étatiques et conflits armés non internationaux », in R. BEN
ACHOUR et S. LAGHMANI (sous la direction de), Acteurs non étatiques et droit international, Paris,
Pedone, 2007, p. 221.
57
Cf. R. KOLB, Op. cit., p. 85.
58
TPIY, App., aff. IT-94-1-AR 72, 2 octobre 1995, Tadic, § 70.
21

Par ailleurs, en vertu de l’article 1er, § 1er du Protocole additionnel II, les
groupes dissidents ou les groupes organisés doivent exercer un contrôle territorial qui leur
permette de mener des opérations militaires continues et concertées.

Il sied de noter que ces divers éléments constitutifs d’un conflit armé non
international ont déjà à plusieurs reprises fait l’objet d’une interprétation par la Cour
pénale internationale. Dans l’affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, la Chambre
Préliminaire I a conclu qu’ « en plus du critère des violences devant atteindre une
certaine intensité et s’étant prolongées dans le temps, l’article 1er, alinéa 1 du Protocole
additionnel II requiert que les groupes armés disposent : i) d’un commandement
responsable impliquant une certaine organisation des groupes armés, suffisante pour
concevoir et mener des opérations militaires continues et concertées et pour imposer une
discipline au nom d’une autorité de fait incluant l’application du Protocole; et ii) un
contrôle du territoire suffisant pour pouvoir mener des opérations militaires continues et
concertées »59.

De même, dans l’affaire Le Procureur c. Omar Al Bashir, la Chambre


Préliminaire I indique :

“The Chamber has also highlighted that article 8(2)(f) of the Statute makes
reference to "protracted armed conflict between [...] organized armed groups", and that,
in the view of the Chamber, this focuses on the need for the organised armed groups in
question to have the ability to plan and carry out military operations for a prolonged
period of time. In this regard, the Chamber observes that, to date, control over the
territory by the relevant organised armed groups has been a key factor in determining
whether they had the ability to carry out military operations for a prolonged period of
time”60.

Par contre, en l’affaire Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, la


Chambre Préliminaire II a opéré un revirement jurisprudentiel eu égard à la question du

59
ICC-01/04-01/06-803, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision sur la confirmation des
charges, 29 janvier 2007, § 232.
60
ICC-02/05-01, In the Case of the Prosecutor v. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, Decision on the
Prosecution's Application for a Warrant of Arrest against Omar Hassan Ahmad Al Bashir, 4 March 2009,
§ 60.
22

contrôle territorial requis des groupes armés organisés en ces termes : « [L]e Statut
n’exige pas l’élément légal énoncé à l’article 1-1 du Protocole additionnel II, selon lequel
le ou les groupes armés organisés doivent exercer un contrôle sur une partie du
territoire »61. Par voie de conséquence, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale
est plus exigeant que le Protocole additionnel (II) : toutes les violations des droits de
l’homme commises par des groupes armés organisés constituent des crimes de guerre, qui
relèvent de la compétence de la Cour.

B. Situations exclues

D’après le § 2 de l’article 1er du Protocole II, les situations de tensions


internes, de troubles intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de
violence et autres actes analogues, ne sont pas considérées comme des conflits armés non
internationaux. Cette disposition est pratiquement reprise à l’article 8, 2 d) et f) du Statut
de la Cour pénale internationale. Hormis le fait d’énumérer quelques exemples de
situations de tensions internes ou de troubles intérieurs, aucune définition par
compréhension n’a été donnée de ces situations. De l’avis de Pietro Verri, reprenant une
définition donnée par le CICR, les tensions internes sont des « situations qui peuvent se
caractériser par : a) un grand nombre d’arrestations ; b) un grand nombre de détenus
politiques ou de sécurité ; c) de probables mauvais traitements infligés aux détenus ; d)
la déclaration de l’état d’urgence ; e) des allégations de disparitions. Contrairement aux
situations de troubles intérieurs - où les rebelles sont suffisamment organisés et
identifiables- en cas de tensions internes, l’opposition est rarement organisée de façon
visible »62. S’agissant des troubles intérieurs, Pietro Verri, se référant encore à une
définition donnée par le CICR, note que « cette expression couvre les situations dans
lesquelles, sans qu’il y ait à proprement parler de conflit armé, il existe cependant, sur le
plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de gravité ou de durée et
qui comporte des actes de violence. Ces derniers peuvent revêtir des formes variables
allant de la génération spontanée d’actes isolés de révolte à la lutte entre groupes plus

61
ICC-01/05-01/08-424, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Décision rendue en application des
alinéas a) et b) de l’article 61‐7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à
l’encontre de Jean‐Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009, § 236.
62
P. VERRI, Op. cit., p. 119.
23

ou moins organisés et les autorités au pouvoir. Dans ces situations, qui ne dégénèrent
pas nécessairement en luttes ouvertes, les autorités au pouvoir font appel à de vastes
forces de police, voire aux forces armées pour rétablir l’ordre intérieur »63.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la « guerre contre le terrorisme »


est devenue très présente. Il se pose alors la question de savoir si les opérations contre le
« terrorisme » peuvent être qualifiées de conflit armé. De l’avis de Djamchid Momtaz, la
réponse à cette interrogation est affirmative si la violence qui accompagne ces opérations
atteint l’intensité de celle d’un conflit armé et que la partie contre laquelle elles sont
menées est identifiable et structurée64. C’est pour ce motif, affirme-t-il, que la Cour
suprême d’Israël qualifie de conflit armé les opérations que cet Etat mène dans les
territoires palestiniens occupés65. Malheureusement, la Cour suprême ne s’est pas
prononcée sur le caractère international ou non du conflit armé, ayant estimé qu’il n’était
pas nécessaire de répondre à cette question66.

C’est dire que des actes terroristes ou les réponses à ces actes devront être
examinés au cas par cas pour savoir s’ils constituent un conflit armé (interne) ou alors des
situations de tensions ou de troubles intérieurs.

Les conflits armés non internationaux font intervenir uniquement des acteurs
intraétatiques : hostilités entre Etat et acteurs infraétatiques ou entre acteurs non étatiques
entre eux. Pour ce, ils sont, par une certaine doctrine, qualifiés de « conflits armés non
internationaux purs »67, par opposition aux conflits qui à l’origine sont non
internationaux, mais s’internationalisent par l’intervention d’acteurs extérieurs. Ces
derniers sont alors dénommés « conflits armés non internationaux mixtes ou
internationalisés »68 ou « conflits armés non-internationaux internationalisés »69 ou

63
Ibidem, p. 123.
64
Cf. D. MOMTAZ, « Bilan de recherches de la Section de la langue française du Centre d’Etude et de
recherche de l’Académie », in ACADEMIE DE DROIT INTERNATIONAL DE LA HAYE, Les règles et
les institutions du droit international humanitaire à l’épreuve des conflits armés récents, Leiden/ Boston,
Martinus Nijhoff Publishers, 2008, p. 57.
65
Cf. Ibidem, p. 57.
66
Cf. Ibidem, p. 57.
67
Cf. Ibidem, p. 219; R. KOLB, Op. cit., p. 79.
68
H. BEN MAHFOUDH, « Art. cit. », p. 222.
69
R. KOLB, Op. cit., p. 85.
24

encore « conflits armés internes internationalisés »70, ou tout simplement « conflits armés
internationalisés »71.

§4. Conflit armé interne internationalisé

A propos du conflit armé interne internationalisé, Pietro Verri écrit : « Un


conflit armé non international peut s’internationaliser dans les hypothèses suivantes : a)
l’Etat victime d’une insurrection reconnaît les insurgés comme des belligérants ; b) un
ou plusieurs Etats étrangers interviennent avec leurs propres forces armées en faveur
d’une des Parties ; c) deux Etats étrangers interviennent avec leurs forces armées
respectives, chacun en faveur d’une des Parties »72.

Robert Kolb, quant à lui, distingue quatre cas de conflits armés non
internationaux internationalisés : le conflit armé non international avec reconnaissance de
belligérance, le conflit armé interne avec sécession réussie, le conflit armé interne avec
l’intervention d’un ou plusieurs Etats et le conflit armé non international avec
intervention d’une Organisation internationale (notamment les Nations unies)73.

Par rapport à Verri, Kolb ajoute deux éléments importants : la sécession


réussie et l’intervention d’une Organisation internationale. Sur cette question, le point de
vue d’Eric David est moins clair car il renferme toutes ces hypothèses dans le conflit
armé international en écrivant que le conflit armé est, ou peut être, réputé international
dans six cas74 :

- le conflit armé est interétatique ;


- le conflit armé est interne, mais il a fait l’objet d’une reconnaissance de
belligérance ;
- le conflit armé est interne, mais il s’y produit une ou plusieurs
interventions étrangères ;

70
Cf. P. VERRI, Op. cit., p. 37 ; M. DEYRA, Op. cit., p. 18.
71
D. MOMTAZ, «Art. cit. », p. 29.
72
P. VERRI, Op. cit., p. 37.
73
Cf. R. KOLB, Op. cit., pp. 86- 93.
74
Cf. E. DAVID, Op. cit., p. 151. Au regard d’un conflit armé internationalisé, dans cette énumération
s’insèrent deux « intrus », qui ne méritent plus de commentaire car ils sont déjà précédemment examinés
dans le conflit armé international: le conflit armé interétatique et la guerre de libération nationale.
25

- le conflit armé est interne, mais l’ONU y intervient ;


- le conflit armé est une guerre de libération nationale ;
- le conflit armé est une guerre de sécession.

Force est de constater que certains auteurs, comme Robert Kolb et Haykel
Ben Mahfoudh, analysent le conflit armé non international internationalisé ou interne
internationalisé en tant que conflit armé non international75. En revanche, d’autres auteurs
comme Eric David et Djamchid Momtaz l’analysent en tant que conflit armé
international76.

Dans l’un ou l’autre camp, les raisons de ce classement ne sont pas relevées.
Il semble que les premiers insistent sur l’origine interne du conflit non international
internationalisé alors que les seconds mettent l’accent sur le résultat qui est
l’internationalisation du conflit interne. Dans tous les cas, ces auteurs s’accordent sur la
typologie bipartite des conflits armés (internationaux et non internationaux) retenue par
les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels.

D’un autre côté, des auteurs, comme Pietro Verri et Michel Deyra, érigent le
conflit armé interne internationalisé en une catégorie à part entière. On se retrouve ainsi
devant une répartition tripartite des conflits armés : les conflits armés internationaux, les
conflits armés non internationaux ou internes et les conflits armés internes
internationalisés77. Cette subdivision, quoique n’étant pas conforme aux Conventions de
Genève et leurs protocoles additionnels, nous semble la plus réaliste et la plus
pédagogique. Il est fort probable que les concepteurs de ce droit de Genève n’ont pas eu à
l’esprit cette hypothèse des conflits armés internes internationalisés, qui sont pourtant
devenus très fréquents. En effet, à ce jour, il n’existe pas de dispositions internationales
spécifiques à ce type de conflit armé78.

75
Cf. R. KOLB, Op. cit., pp. 79 et 85 ; H. BEN MAHFOUDH, « Art. cit. », pp. 218-222.
76
Cf. E. DAVID, Op. cit., pp. 151 et suivantes; D. MOMTAZ, «Art.cit. », pp. 21, 24- 25 et 29.
77
Cf. P. VERRI, Op. cit., p. 37 et M. DEYRA, Op. cit., pp. 17-19.
78
Cf. P. VERRI, Op. cit., p. 37.
26

Cela dit, s’agissant du conflit armé interne internationalisé, quatre cas de


figure pertinents méritent d’être développés79.

A. Conflit armé interne avec reconnaissance de belligérance

La reconnaissance de la belligérance, explique Eric David, c’est « l’acte par


lequel, soit un gouvernement reconnaît que le conflit armé qui se déroule sur son
territoire est une guerre soumise à l’ensemble des lois et coutumes de la guerre, soit un
Etat tiers considère que ce conflit armé est une guerre à l’égard de laquelle il entend
rester neutre. Dans un cas comme dans l’autre, la principale conséquence de la
reconnaissance de la belligérance réside dans le fait que son auteur assimile un conflit
armé a priori interne à un conflit armé international, ce qui implique qu’il s’oblige à lui
appliquer tout le droit de la guerre »80. Cette institution de la reconnaissance de la
belligérance, poursuit Eric David, est aujourd’hui tombée en désuétude, pour diverses
raisons, en l’occurrence, la raison juridique selon laquelle elle se justifie moins que jadis
puisque les conflits armés non internationaux sont de toute façon couverts par les règles
minimales du droit des conflits armés et les règles relatives aux droits des personnes81.

B. Conflit armé interne avec sécession réussie

Une « guerre de sécession » est un conflit armé qui oppose le gouvernement


d’un Etat à la population qui habite une partie du territoire (de cet Etat) dont elle
revendique l’indépendance82. Ce conflit armé se différencie d’une « guerre de libération
nationale », que nous avons déjà définie, en ce sens qu’ « à la différence du peuple qui
mène une guerre de libération nationale, les NU ne reconnaissent pas à la population qui
veut faire sécession le droit de disposer d’elle-même »83.

Il est tout à fait clair que ce conflit armé dénommé « guerre de sécession » est
originairement interne. Mais il s’internationalise si la sécession est effective pendant que
le conflit perdure, notamment avec la reconnaissance de l’Etat nouveau par l’ancien Etat

79
L’approche est essentiellement doctrinale, faute de règles de droit international régissant la matière.
80
E. DAVID, Op. cit., pp. 157-158.
81
Cf. Ibidem, p. 159. Voir également R. KOLB, Op. cit., p. 86.
82
Cf. R. KOLB, Op. cit., p. 87.
83
E. DAVID, Op. cit., p. 198.
27

plénier (internationalisation subjective) ou l’admission du nouvel Etat aux Nations unies


(internationalisation objective)84. L’exemple de la situation en ex-Yougoslavie suite à
l’admission aux Nations Unies, en 1992, de la Slovénie, de la Croatie et de la Bosnie
illustre fort bien cette hypothèse85.

Si l’Etat amputé ne reconnaît pas l’Etat nouveau, et que celui-ci n’est pas
encore admis aux Nations unies, il peut se prévaloir de l’application des règles relatives
aux conflits armés non internationaux. Tel fut le cas de la France en Indochine, en 1950,
qui prétendit assimiler ses adversaires Vietminh à des rebelles, faute de reconnaissance
de la République démocratique du Vietnam86. Sur ce point, la doctrine considère
cependant que dès qu’il y a indépendance de fait, on devra appliquer l’ensemble du droit
des conflits armés, c’est-à-dire le droit des conflits armés internationaux, en vertu du
principe d’effectivité87.

C. Conflit armé interne avec intervention d’un ou plusieurs Etats

Concernant l’intervention d’un ou plusieurs Etats étrangers en faveur d’une


des Parties88 au conflit non international, y compris l’hypothèse dans laquelle chacune
des Parties bénéficie d’une intervention étatique, il convient de relever d’entrée de jeu
que, par principe, l’intervention sollicitée par le gouvernement est licite alors que celle
sollicitée par les insurgés ne l’est pas. Cette conception est confirmée notamment par la
« Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des
Etats », adoptée par l’AGNU le 17 novembre 195089, par la « Déclaration relative aux
principes de droit international touchant les relations amicales entre les Etats
conformément à la Charte », adoptée par l’AGNU, le 24 octobre 197090 ainsi que par
l’article 3 du Protocole additionnel (II) aux Conventions de Genève. A son tour, la

84
Cf. R. KOLB, Op. cit., p. 87.
85
Cf. Ibidem, p. 87.
86
Cf. E. DAVID, Op. cit., p. 206.
87
Cf. Ibidem, pp. 206-207 et R. KOLB, Op. cit., p. 87.
88
« Le droit international humanitaire exige…l’existence d’une ou plusieurs parties adverses. L’expression
partie à un conflit armé s’applique généralement à des forces armées ou des groupes armés ayant un certain
niveau d’organisation, plus précisément la capacité d’appliquer le droit international humanitaire… » (D.
MOMTAZ, « Art. cit. », p. 58).
89
Résolution 377, 17 novembre 1950.
90
Résolution 2625, 24 octobre 1970.
28

jurisprudence consolide cette position ainsi qu’il ressort de l’arrêt de la Cour


internationale de Justice, dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires des Etats-
Unis au Nicaragua et contre celui-ci91.

Toutefois, il est actuellement admis que l’intervention sollicitée par des


autorités en place pour faire obstacle au libre exercice du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes est illicite92. En effet, pareil agissement est contraire à l’alinéa 1er de
l’article 3 du Protocole(II) additionnel aux Conventions de Genève, aux termes duquel «
aucune disposition du présent Protocole ne sera invoquée en vue de porter atteinte à la
souveraineté d’un Etat ou à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou de rétablir
l’ordre public dans l’Etat ou de défendre l’unité nationale et l’intégrité territoriale de
l’Etat par tous les moyens légitimes » (C’est nous qui soulignons). A l’inverse, en
pareilles circonstances, l’intervention sollicitée par des peuples pour exercer leur droit à
disposer d’eux-mêmes devient licite. En effet, estiment Patrick Daillier et Alain Pellet,
l’usage de la force par un peuple pour se libérer du joug colonial est licite et par une
exception apparentée au principe de l’interdiction de l’intervention armée, l’aide dont il
peut bénéficier à cette fin n’est pas considérée comme une ingérence prohibée93.

L’intervention étatique en faveur des insurgés peut s’opérer par l’envoi soit
des troupes combattantes sur le territoire étranger, soit des conseillers techniques ou
militaires, qui prennent part aux hostilités sous l’autorité de leur Etat d’origine, soit des
« volontaires »94. Elle peut également s’opérer par la simple aide financière, technique ou

91
« Comme la Cour l'a indiqué, le principe de non-intervention relève du droit international coutumier. Or
il perdrait assurément toute signification réelle comme principe de droit si l'intervention pouvait être
justifiée par une simple demande d'assistance formulée par un groupe d'opposants dans un autre Etat, en
l'occurrence des opposants au régime du Nicaragua, à supposer qu'en l'espèce cette demande ait été
réellement formulée. On voit mal en effet ce qui resterait du principe de non-intervention en droit
international si l'intervention, qui peut déjà être justifiée par la demande d'un gouvernement, devait aussi
être admise à la demande de l'opposition à celui-ci. Tout Etat serait ainsi en mesure d'intervenir à tout coup
dans les affaires intérieures d'un autre Etat, à la requête, tantôt de son gouvernement, tantôt de son
opposition. Une telle situation ne correspond pas, de l'avis de la Cour, à l'état actuel du droit international »
(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J.Recueil 1986, p. 126, § 246).
92
Cf. D. MOMTAZ, « Art.cit. », p. 28.
93
Cf. P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public (7e édition), Paris, L.G.D.J., 2002, p. 523.
94
Cf. R. KOLB, Op. cit., p. 88. « Le “volontaire” international est un individu qui s’engage dans une force
étrangère pour participer à ses actions, poussé par des mobiles divers » (P. VERRI, Op. cit., p.128).
29

militaire95. Nous reviendrons sur cet aspect dans le chapitre relatif à la responsabilité des
Etats, précisément en matière d’imputabilité d’actes de particuliers à un Etat.

A tout prendre, dans un conflit armé interne internationalisé, s’appliquent,


selon la pratique générale des Etats, le droit des conflits armés non internationaux entre le
gouvernement et les insurgés, entre un Etat intervenant en faveur du gouvernement et les
insurgés ; et le droit des conflits armés internationaux entre l’Etat intervenant et un autre
Etat intervenant pour la partie adverse, entre le gouvernement local et un Etat intervenant
en faveur des rebelles.

Mais pour leur part, les institutions internationales (Conseil de sécurité,


CICR, tribunaux pénaux) sont plus favorables à une internationalisation généreuse96.
Cette internationalisation globale est plus favorable à la protection des victimes.

D. Conflit armé interne avec intervention d’une Organisation internationale

Dès que les forces d’une Organisation internationale, notamment les Nations
unies, la CEDEAO, interviennent du côté d’une des parties à un conflit armé interne, ce
conflit armé s’internationalise97. Et donc à partir de cette intervention s’applique le droit
des conflits armés internationaux.

En règle générale, les forces d’une Organisation internationale combattent du


côté des forces gouvernementales. Tel fut le cas des troupes des Nations unies dans le
conflit du Congo (1960-1961) pour lutter contre la sécession katangaise. C’est aussi, en
RDC, le cas des opérations conjointes MONUC-FARDC contre les rebelles FDLR (2008-
2009) ou le cas des opérations conjointes MONUSCO-FARDC contre le Mouvement du

95
Cf. R. KOLB, Op. cit., p. 88.
96
Cf. Ibidem, pp. 88-91.
97
Cf. Ibidem, p. 92. Pour Eric David, « la seule présence de forces de maintien de la paix de l’ONU sur le
territoire d’un Etat déchiré par un conflit armé non international ne suffit évidemment pas à
internationaliser le conflit. Comme dans un conflit armé interétatique classique […], on ne devrait pouvoir
parler de conflit armé international que s’il y a affrontement entre les forces de l’ONU et une des Parties au
conflit. Encore faut-il noter que si cet affrontement est constitutif de conflit armé international entre l’ONU
et la Partie adverse, en soi cet affrontement n’implique pas que l’ensemble du conflit armé
s’internationalise, surtout s’il s’agit d’un événement isolé. Ce n’est que dans l’hypothèse où ces
affrontements deviendraient récurrents et prendraient une certaine ampleur que l’on pourrait considérer,
comme dans le cas de l’intervention massive d’un Etat tiers, que l’ensemble du conflit interne
s’internationalise » (E. DAVID, Op. cit. (1999), p. 146. Nous estimons que ce raisonnement devrait
s’appliquer à l’intervention des forces de toute Organisation internationale.
30

23 mars (M23) en 2013. Cependant, il pourrait arriver que les forces d’une organisation
internationale, bien qu’elles ne combattent pas du côté des « insurgés » contre le
gouvernement légal, protègent de facto ceux-là contre celui-ci, notamment dans le cadre
de l’exercice du droit d’ingérence humanitaire, qui, « contrairement au principe de non-
ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat, corollaire de la souveraineté, affirmé par
la charte des Nations unies, […] vise à permettre une action internationale quand un
peuple serait gravement menacé dans sa survie même ».98 A ce stade, on peut citer
l’exemple de l’intervention des forces des Nations Unies en 1992 dans l’ex-Yougoslavie
et en Somalie99.

La question du respect du droit international humanitaire par des forces d’une


Organisation internationale qui interviennent dans un conflit armé interne a fait l’objet de
controverses, concernant particulièrement les forces des Nations unies. Au fait, ni les
Conventions de Genève, ni leurs Protocoles additionnels - les instruments principaux du
droit international humanitaire- n’ont prévu l’activité des forces des Nations unies, qu’il
s’agisse d’opérations de maintien de la paix ou d’imposition de la paix100. Ce faisant,
« pendant de nombreuses années, l’ONU a hésité à reconnaître l’applicabilité du droit
international humanitaire aux forces de maintien de la paix. […] En particulier, l’ONU a
soutenu qu’elle n’est pas partie aux Conventions de Genève, et que celles-ci ne prévoient
pas la ratification par des organisations internationales. Par ailleurs, l’ONU ne pourrait
être assimilée à une puissance au sens des Conventions de Genève. Enfin, la mise en
œuvre de certaines dispositions (sur la répression pénale des infractions, notamment)
serait inconcevable »101.

Cette position de l’ONU a connu une évolution très significative, résultant de


la pratique de cette Organisation et d’instruments juridiques adoptés en son sein102. De

98
S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER (sous la direction de), Op.cit. , p. 274.
99
Cf. Ibidem, p. 274.
100
Cf. A. RYNIKER, « Respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies.
Quelques commentaires à propos de la circulaire du Secrétaire général des Nations Unies du 6 août 1999 »,
in Revue internationale de la Croix-Rouge, N°836, pp. 795-805, disponible sur http://www.cicr.og , p. 2,
consulté le 14 juillet 2010.
101
Ibidem, p. 2.
102
Dans certains conflits armés (Congo, 1960-1963, Yougoslavie, 1991-1995, Somalie, 1992-1995), les
forces de maintien de la paix ont reçu mandat de recourir à la force en cas de nécessité (Cf. E. DAVID, Op.
31

nos jours, l’applicabilité du droit international humanitaire aux forces de l’ONU, et


logiquement, aux forces de toute Organisation internationale, ne fait l’ombre d’aucun
doute103.

Pour clore ce point sur le conflit armé internationalisé, il importe de nous


arrêter sur l’intervention des personnes physiques ou morales étrangères du côté d’une
des parties à un conflit armé interne. Il nous semble qu’à moins d’établir que ces
personnes physiques ou morales (notamment des multinationales) sont des organes de fait
d’un Etat et participent au conflit, auquel cas il y aurait internationalisation, le conflit
armé demeure non international. Et dans ce contexte, la responsabilité d’une
multinationale pourra être retenue, sans qu’on cherche à imputer ses actes à un Etat. Ceci
dit, l’Etat pourra voir sa responsabilité engagée s’il a manqué à une obligation
internationale, lequel manquement est à l’origine de l’activité illicite de la multinationale
ou l’a favorisée. Nous développerons ce point dans la deuxième partie (chapitre IV).

Pour rappel, notre recherche porte sur l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat étranger par des Etats, des groupes armés, des multinationales et des
personnes physiques. A titre d’hypothèse, nous voulons notamment examiner la
possibilité d’imputer dans ce contexte les actes des multinationales aux Etats dont elles
relèvent (siège, filiale, contrôle). Ce sont donc les conflits armés internationaux et les
conflits armés internationalisés par une intervention étatique qui intéressent

cit. (1999), p. 188). Et effectivement au Congo et en Somalie, ces forces se sont retrouvées dans une
position de partie belligérante (Cf. Ibidem, p. 188). Dans la pratique, l’ONU a depuis un certain temps
affirmé, notamment dans les règlements applicables aux forces de maintien de la paix, dans des accords
entre elle et les Etats qui fournissent des contingents pour des opérations de maintien de la paix, dans des
accords conclus avec les Etats d’envoi des forces, etc. que les membres de ces forces sont « tenus de
respecter les principes et l’esprit des conventions internationales relatives aux opérations du personnel
militaire » (Voir par exemple le Règlement de la FUNU du 20 février 1957, article 44; le Règlement de
l’UNFICYP du 25 avril 1964, article 40; in R.T.N.U., 271, pp. 149, 185 et 555. Voir également Doc. ONU
A/46/185, du 23 mai 1991). En outre, l’applicabilité du droit international humanitaire aux forces des
Nations unies a été réaffirmée par l’article 20 de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations
unies et du personnel associé, adoptée à New York, le 9 décembre 1994 (Cf. R.T.N.U., Vol. 2051, I-35457,
pp. 400-458). En pratique, l’ONU demande aux Etats membres qui fournissent des contingents de faire
respecter par ceux-ci les règles du droit international humanitaire (Voir Circulaire du Secrétaire général
relative au « Respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies », Doc. ONU
ST/SGB/1999/13, du 6 août 1999).
103
Voir, par exemple, P. KOVACS, « Intervention armée des forces de l’OTAN au Kosovo : Fondement de
l’obligation de respecter le droit international humanitaire », in Revue internationale de la Croix-Rouge,
n°837, pp. 103-128.
32

principalement ce travail. La question des obligations des Etats tiers aux conflits par
rapport aux Etats belligérants devra également être examinée. Elle le sera dans le chapitre
afférent aux règles applicables aux Etats. Avant d’y arriver, il convient de définir
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger.

Section II. Exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger

§1. Notion de ressources naturelles

Quand les médias, les organisations non gouvernementales, les Etats, les
Organisations internationales…dénoncent l’exploitation « illégale », mieux l’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat, de nombreuses personnes pensent
spontanément aux ressources minières (diamant, or, cuivre, cassitérite, etc.). La notion de
« ressources naturelles » est pourtant très complexe et ne se limite pas aux « matières
précieuses », au sens de minerais.

Dans l’affaire des Crevettes, l’Organe d’Appel de l’Organe de Règlement des


Différends de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) a précisé que « […] dans la
perspective du préambule de l’Accord sur l’OMC, […] le contenu ou la référence de
l’expression générique ‘‘ressources naturelles’’ employée dans l’article XX g) [du GATT
de 1994] ne sont pas ‘‘statiques’’ mais plutôt ‘‘par définition évolutifs’’. Il convient donc
de noter que les conventions et déclarations internationales modernes font souvent
référence aux ressources naturelles comme étant à la fois des ressources biologiques et
non biologiques »104.

104
- Etats-Unis- Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de
crevettes, WT/DS 58/ AB/ R, 12 octobre 1998, § 130. Cette précision est venu mettre fin à la polémique
autour de la notion de « ressources naturelles épuisables », ainsi qu’il ressort de ce passage du rapport de
l’Organe d’Appel : « Si l'on considère son texte, l'article XX g) ne se limite pas à la conservation des
ressources naturelles ‘‘minérales’’ ou ‘‘non vivantes’’. Le principal argument des parties plaignantes
repose sur l'idée que les ressources naturelles "biologiques" sont "renouvelables" et ne peuvent donc pas
être des ressources naturelles ‘‘épuisables’’. Nous ne croyons pas que les ressources naturelles
‘‘épuisables’’ et ‘‘renouvelables’’ s'excluent mutuellement. La biologie moderne nous enseigne que les
espèces vivantes, bien qu'elles soient en principe capables de se reproduire et soient donc ‘‘renouvelables’’,
peuvent dans certaines circonstances se raréfier, s'épuiser ou disparaître, bien souvent à cause des activités
humaines. Les ressources biologiques sont toutes aussi ‘‘limitées’’ que le pétrole, le minerai de fer et les
autres ressources non biologiques » (Ibidem, § 128). Pour des détails sur les arguments des plaignants, voir
Ibidem, § 127. Pour un commentaire sur cette décision et plus généralement sur l’article XX g) du GATT
33

Parmi les conventions internationales se rapportant à la protection des


ressources naturelles figurent la Convention sur le commerce international des espèces de
faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) du 3 mars 1973, la Convention
sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (23 juin 1979),
la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (10 décembre 1982), l’Accord
international sur les bois tropicaux (26 janvier 1994), l’Accord des Nations unies sur les
stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs (4 décembre
1995),…105

Dans ces conventions, le terme « ressources naturelles », à défaut d’une


définition spécifique à la convention concernée, doit être compris dans le sens précisé par
l’affaire des Crevettes, mentionné ci-avant. Quelques rares conventions consacrent une
définition particulière à cette notion générique de « ressources naturelles ». A titre
exemplatif, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources
naturelles du 15 septembre 1968 dispose en son article III, 1 que l’expression
« ressources naturelles » signifie ressources naturelles renouvelables, c’est-à-dire les sols,
les eaux, la flore, et la faune106.

Cette disposition, bien qu’elle ait l’avantage d’énumérer certaines ressources


naturelles, présente l’inconvénient de limiter la notion de ressources naturelles aux
ressources renouvelables. Il est clair qu’on ne saurait exclure des ressources naturelles
celles qui ne sont pas renouvelables, c’est-à-dire les ressources non vivantes ou
ressources minérales, qui ne peuvent se reproduire ou qui ont été surexploitées. Pour
pallier cet inconvénient, la Convention africaine sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles du 11 juillet 2003 (convention de 1968 révisée en 2003, non encore

(1994), voir, entre autres, D. LUFF, Le droit de l’Organisation mondiale du Commerce. Analyse critique,
Bruxelles/Paris, Bruylant/L.G.D.J., 2004, pp. 178-183 et S. MALJEAN-DUBOIS (sous la direction de),
Droit de l’Organisation mondiale du Commerce et protection de l’environnement, Bruxelles, Bruylant,
2003, pp. 31-50.
105
Pour ces différentes conventions relatives à la protection des ressources naturelles, voir M. PRIEUR et
S. DOUMBE-BILLE (sous la direction de), Recueil francophone des traités et textes internationaux en
droit de l’environnement, Bruxelles, Bruylant, 1998 et E. DAVID et C. VAN ASSCHE, Code de droit
international public (2e édition), Bruxelles, Bruylant, 2006.
106
PRIEUR, M. et DOUMBE-BILLE, S. (sous la direction de), Op. cit., p. 232.
34

entrée en vigueur107) définit en son article V, 1 les « ressources naturelles » comme « les
ressources naturelles renouvelables, tangibles et non tangibles, notamment les sols, les
eaux, la flore et la faune, ainsi que les ressources non renouvelables »108.

Plus expressif est le Protocole sur l’exploitation illégale des ressources


naturelles, adopté dans le cadre de la Conférence internationale sur la Région des Grands
Lacs (africains), le 30 novembre 2006, dont l’article 1er définit les ressources naturelles
comme « les substances fournies par la nature, utiles aux personnes humaines, ayant une
valeur économique […] Les principaux types de ressources naturelles comprennent
notamment les minerais, la flore et la faune, les produits halieutiques et l’eau »109.

Ces exemples confirment, à la lumière de l’affaire des Crevettes, que les


ressources naturelles sont soit biologiques, soit non biologiques.

Dans le cadre de ce travail, l’aspect économique des ressources naturelles doit


être souligné. Les ressources naturelles doivent être prises dans le sens de richesses,
comme nous pouvons le déduire non seulement du « Protocole sur la lutte contre
l’exploitation illégale des ressources naturelles », mais aussi et surtout de plusieurs
rapports des Groupes d’experts des Nations unies sur l’exploitation « illégale » des
ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo et de
plusieurs résolutions du Conseil de sécurité sur la République démocratique du Congo110.
En parlant de ressources naturelles et autres richesses, ces rapports et résolutions
considèrent avant tout que les ressources naturelles sont des richesses. Et c’est dans ce

107
Voir http://au.int/en/sites/default/files/Revised%20-%20Nature%20and%20Natural%20Resources_0.pdf
consulté le 10 novembre 2013.
108
Pour le texte de cette convention, voir http://au.int/en/content/african-convention-conservation-nature-
and-natural-resources-revised-version consulté le 12 mai 2013.
109
Voir Protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles (Conférence
internationale sur la Région des Grands Lacs), disponible sur
http://www.icglr.org/common/docs/docs_repository/prot_ienr_fr.pdf consulté le 16 avril 2009. Ce
Protocole est entré en vigueur le 21 juin 2008, date d’entrée en vigueur du Pacte sur la sécurité, la stabilité
et le développement dans la Région des Grands Lacs. En effet, l’article 37, § 1 du Protocole dispose que ce
protocole fait partie intégrante du Pacte et ne doit pas être sujet à une signature et à une ratification séparée
des Etats membres. Voir http://www.linternationalmagazine.com/article4782.html consulté le 29 mai 2008.
110
Voir par exemple S/ 2001/49, 16 janvier 2001 ; S/ 2001/357, 12 avril 2001 ; S/2001/1072, 13 novembre
2001 ; S/ 2002/1146, 16 octobre 2002 ; S/ 2003/ 1027, 23 octobre 2003 ; S/ RES/ 1457 (2003), 24 janvier
2003 ; etc. C’est nous qui mettons « illégale » entre guillemets pour des raisons qui seront expliquées
ultérieurement.
35

sens que nous utiliserons ce terme tout au long de la présente dissertation. Ces rapports et
résolutions parlent d’exploitation illégale de ressources naturelles et autres richesses
parce qu’en plus des ressources naturelles, les forces occupantes de la RDC ont pillé des
voitures, de l’argent dans des banques ; elles ont même imposé des taxes illégales,
démonté des usines, etc.111

Cette définition nous permet de circonscrire la notion d’ « exploitation » des


ressources naturelles et de montrer dans quelle mesure cette activité peut se révéler
illicite.

§2. Exploitation des ressources naturelles d’un Etat

A. Notion d’exploitation des ressources naturelles

Dans son sens ordinaire, « exploitation » signifie « action d’exploiter, de


mettre en valeur en vue d’un profit »112. Ce sens n’est pas tout à fait clair et pourrait
amener plus d’une personne à se demander ce que signifie l’expression « exploitation des
ressources naturelles ». Cet embarras n’a pas laissé insensible le Groupe d’experts des
Nations unies sur l’exploitation « illégale » des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, qui a adopté une interprétation large de la
notion d’exploitation113. En effet, d’après le rapport du Groupe d’experts du 12 avril
2001, l’exploitation comprend « non seulement la production et l’extraction, mais aussi
toutes les activités qui permettent aux acteurs et parties prenantes de mener dans les
secteurs primaire, secondaire et tertiaire des activités professionnelles liées aux
ressources naturelles et d’autres richesses de la République démocratique du Congo »114.

Ainsi, l’exploitation des ressources naturelles peut signifier, selon un cas


d’espèce, « l’extraction, la production, la commercialisation et l’exportation des

111
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 3-5, 9, 14-15. Ce Groupe a travaillé sous la
présidence de Safiatou Ba-N’Daw (Côte d’Ivoire). Pour les autres membres du Groupe, voir p. 3.
112
Larousse 2010. Dictionnaire maxipoche, p. 542.
113
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 5, § 15.
114
Ibidem, p. 5, § 15.
36

ressources naturelles »115. Les ressources naturelles qui font généralement l’objet
d’exploitation illicite sont les ressources minières, les ressources forestières (bois
tropicaux) et les espèces précieuses de faune sauvage (éléphants, okapis, gorilles, etc.).
Reste alors à savoir comment cette exploitation est illicite.

B. Illicéité de l’exploitation des ressources naturelles

Les rapports des Groupes d’experts et de nombreuses résolutions du Conseil


de sécurité, qui ont été adoptées à la suite de ces rapports, parlent d’exploitation
« illégale ». Il en est de même du « Protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale des
ressources naturelles ». Avant de poursuivre, autant dire rapidement que c’est au sens d’
« illicite » qu’il faut comprendre « illégale » dans les lignes qui suivent116.

Le Groupe d’experts a estimé dans son rapport du 12 avril 2001 que la


définition de l’ « illégalité » de l’exploitation des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo repose sur quatre éléments, tous liés à la
primauté du droit : la violation de la souveraineté, le non respect des règlements existant
dans le pays ou territoire où les acteurs opèrent ou mènent leurs activités,
l’incompatibilité des pratiques commerciales normalement acceptées et des méthodes
pratiquées en République démocratique du Congo, et enfin la violation du droit
international, y compris des instruments non contraignants117. Cette appréhension de
l’illégalité, mieux de l’illicéité, mérite quelques observations.

Il est clair que le Groupe d’experts entend examiner l’ « illégalité » au niveau


interne et au niveau international. Il y a lieu de se demander si cette approche est
adéquate au regard de la responsabilité internationale de l’Etat.

D’une part, l’article 3 du Projet d’articles de la C.D.I. sur la responsabilité de


l’Etat pour fait internationalement illicite énonce que « la qualification du fait de l’Etat

115
Ibidem, p. 5, § 15.
116
Sur la nette différence entre « illégalité » et « illicéité », voir S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER
(sous la direction de), Op. cit., p. 373 : illégalité, caractère de ce qui est contraire à la loi, entendue au sens
formel (textes votés par le Parlement) ; illicéité : caractère de ce qui n’est pas permis, de ce qui est contraire
à un texte de droit (loi, décret, arrêté), à l’ordre public, aux bonnes mœurs.
117
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 5, § 15.
37

comme internationalement illicite relève du droit international ». C’est le cas de


l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat sans son consentement, qui constitue
une violation de sa souveraineté. C’est par exemple un Etat qui déclenche un conflit armé
pour spolier les ressources d’un autre Etat ou qui autorise ses forces militaires ou alors
des personnes étrangères, physiques ou morales, à exploiter les ressources d’un autre
Etat. Dans cette optique, le Groupe d’experts considère que « seuls les forces non invitées
et les ressortissants des pays auxquels celles-ci appartiennent mènent des activités
illégales en République démocratique du Congo »118. Ce faisant, l’exploitation des
ressources naturelles par les Etats alliés de la RDC, en vertu d’un accord, en l’occurrence
par le Zimbabwe, et par des sociétés zimbabwéennes et autres sociétés étrangères ou
nationales autorisées par le gouvernement congolais, est conforme au droit international,
à moins que, par exemple, cette exploitation ne soit caractérisée par des violations des
droits de l’homme.

D’autre part, une des règles substantielles du droit international requiert que
le droit interne d’un Etat soit respecté. Ainsi, par exemple, en matière de droits de
l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques exige le respect de la
« loi » en cas d’arrestations ou détentions (article 9) ou d’expulsion (article 13). Dans le
même angle, de l’avis du Groupe d’experts, le droit international considère comme illicite
l’exploitation des ressources naturelles faite contrairement aux lois de l’Etat qui exerce la
souveraineté sur ces ressources. Il en est ainsi, notamment, de l’exploitation faite en
violation de la compétence interne d’autorisation. On est en présence d’un test de respect
du droit international par le respect du droit interne.

Bref, en ce qui concerne l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un


Etat étranger par d’autres Etats, on doit distinguer deux niveaux : l’exploitation en
violation de la souveraineté d’un Etat (sur ses ressources naturelles) et l’exploitation en
violation des lois de l’Etat « maître » des ressources naturelles, notamment les lois
protectrices des droits de l’homme. Ce deuxième type d’illicéité porte sur les modalités
d’exploitation des ressources naturelles. Les deux types d’illicéité peuvent coexister,

118
Ibidem, p. 5, § 15.
38

notamment en cas de pillage par un Etat des ressources naturelles d’un Etat étranger en
recourant au travail forcé, à la torture, aux traitements inhumains et autres violations des
droits des populations de l’Etat lésé.

De même, à propos des multinationales, et de notre interrogation portant sur


l’imputabilité de leurs actes illicites aux Etats, nous pouvons souscrire à la démarche du
Groupe d’experts selon laquelle celles-ci peuvent exploiter les ressources de manière
« illégale ». Toutefois, nous devons préciser dès à présent que les multinationales sont par
principe régies par le droit interne. C’est à titre exceptionnel que le droit international
leur est applicable. Il s’agit plus particulièrement du droit international des droits de
l’homme et du droit international humanitaire119. Il sied de souligner en passant qu’il peut
arriver que l’exploitation qui a bel et bien commencé de manière licite devienne illicite
par la suite. C’est le cas d’une multinationale qui a conclu, avec l’Etat étranger
propriétaire, un contrat d’exploitation de ressources naturelles, mais qui, au moment où
survient un conflit armé international (agression, par exemple), continue d’exploiter les
ressources, mais en se mettant au service de l’agresseur. Ou alors, tel serait le cas d’une
multinationale qui, munie de toutes les autorisations de l’Etat propriétaire des ressources
naturelles, exploiterait celles-ci en violation des droits de l’homme. Enfin, l’exploitation
des ressources naturelles par une multinationale sera illicite dans le cas où elle est faite en
complicité ou en co-perpétration avec un acteur étatique ou non étatique en situation
illicite, y compris en cas de conflit armé.

Certes, dans certains cas, l’illicéité peut être encouragée par l’Etat souverain
sur les ressources naturelles. Mais, comme nous le verrons dans la suite de ce travail,
nous visons l’hypothèse dans laquelle l’Etat lésé n’est pas impliqué dans l’exploitation
illicite de ses ressources naturelles. Il s’agit des ressources naturelles exploitées dans les

119
Cf. Sur la violation du droit international humanitaire par des entreprises (multinationales), voir Krupp
and Others, Tribunal militaire international de Nuremberg, 30 juin 1948, I.L.R., Vol. 15, Case n°214, cité
par A.-L. VAURS CHAUMETTE, Op. cit., p. 368, note 70 ; Krauch and Others (I.G. Farben Trial),
Tribunal militaire international de Nuremberg, 29 juillet 1948, T.W.C., Vol. VIII, cité par Ibidem, p. 369,
note 74 ; Alfred Musema (Appelant) c. Le Procureur (Intimé), affaire n° ICTR-96-13-A, arrêt, 16 novembre
2001, Le Procureur c. Ferdinand Nahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze, affaire n° ICTR-
99-52-T, 3 décembre 2003.
39

zones occupées par des forces étrangères non invitées et par des groupes armés opposés
au gouvernement légitime.

Toujours dans cette définition de « l’illégalité » par le Groupe d’experts, un


élément requiert une attention toute particulière : le non respect d’un instrument non
contraignant peut-il constituer une « illégalité », mieux un acte internationalement
illicite ? Plus clairement, la responsabilité d’un Etat peut-elle être engagée sur la base de
la violation de la Soft Law ?

Cette question a déjà fait l’objet d’une abondante littérature qui traite des
accords ou engagements politiques dans la pratique internationale, communément
dénommés ‘‘gentlemen’s agreements’’, « accords informels », ‘‘non binding
agreements’’ou ‘‘non legal norms’’120.

L’expression soft law est utilisée ‘‘to cover instruments which are deprived of
legally binding force and whose legal significance is therefore weaker than legally
binding norms referred to as hard law. Soft law includes not only non-binding
agreements but also non-binding unilateral acts of States, such as declarations,
communiqués, etc (…) or non-binding instruments adopted by international
organizations (…) eg recommendations, declarations, such as the Universal Declaration
of Human Rights (1948), guidelines, codes of conduct’’121.

Concernant les conséquences juridiques d’un non-binding agreement,


Philippe Gautier mentionne :

120
Voir par exemple, P. EISEMANN, « Le gentlemen’s agreement comme source du droit international »,
in J.D.I., 1979, pp. 326 et ss. ; PH. GAUTIER, Essai sur la définition des traités entre Etats : la pratique
de la Belgique aux confins du droit des traités, Bruxelles, Bruylant, 1993, pp. 312- 375 ; A. AUST, ‘‘The
theory and practice of informal international instruments’’, in I.C.L.Q., 1986, pp. 787 et ss. ; O.
SCHACHTER, ‘‘The twilight existence of non binding international agreements’’, in AJIL, 1977, pp. 296
et ss. ; M. BOTHE, ‘‘Legal and non legal norms- a meaningful distinction in international relations ?’’, in
NYIL, 1980, pp. 65 et ss. ; PH. GAUTIER, « Accord et engagement politique en droit des gens. A propos
de l’acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l’OTAN et la Fédération
de Russie, signé à Paris le 27 mai 1997, in A.F.D.I., 1997, pp. 82- 92 ; PH. GAUTIER, ‘‘Non-Binding
Agreements”, in Max Planck Encyclopedia of Public International Law (revised edition), 2008, disponible
sur http://www.mpepil.com/subscriber_article?script=yes&id=/epil/entries/law-9780199231690-
e1444&recno=2&author=Gautier%20%20Philippe consulté le 7 septembre 2010 ; etc.
121
PH. GAUTIER, “Non-Binding Agreements”, “Art. cit.’’, § 4.
40

‘‘What seems generally accepted is that non-binding agreements are


instruments not intended to create legal rights and obligations and that no legal
responsibility is incurred in the event of a breach of the commitments contained therein.
[…] When concluding a non-binding agreement, States are consciously avoiding legal
obligations and there is then no reason for attempting at any price to attach legal effect
to it, particularly when the existence of the agreement is based only on the (in)action of
the States concerned’’122.

Dans le même sens, s’agissant plus globalement de la Soft Law, Dominique


Carreau souligne que « de tels engagements non-contraignants ne sont jamais
susceptibles de faire l’objet de sanctions juridictionnelles ni de mettre en œuvre la
responsabilité internationale de l’Etat en cas de non-respect »123. Ceci ne signifie
nullement que les engagements non contraignants soient dépourvus de toute valeur ou
implication juridique124. En effet, la Soft Law peut être utile dans l’interprétation de la
Hard Law. Elle peut également contribuer à l’émergence d’une coutume. Elle pourrait
par ailleurs constituer la base d’une pratique subséquente à un traité, qui manifesterait
l’intention des Etats parties de le modifier125.

Fort de ces éclaircissements, nous ne nous rallions pas à la démarche du


Groupe d’experts selon laquelle la violation du droit international comprend également la
violation per se des instruments non contraignants. En effet, aux termes de l’article 1er du
Projet d’articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite, « tout fait internationalement illicite de l’Etat engage sa responsabilité
internationale ». Et considérer que le non respect des engagements non-contraignants,
dont les obligations ne sont pas exécutoires, constitue une violation du droit international,
ce serait requérir la responsabilité internationale d’un Etat sur la base de la Soft Law, ce
qui est superflu. Nous ne pourrons donc considérer comme violation du droit
international que le non respect de normes obligatoires (accord, coutume, acte unilatéral,
principes généraux)

122
Ibidem, § 14.
123
D. CARREAU, Droit international (10e édition), Paris, Pedone, 2009, p. 202.
124
Cf. Ibidem, pp. 203-205 et PH. GAUTIER, “Non-Binding Agreements”, “Art. cit.”, § 14.
125
Cf. PH. GAUTIER, “Non-Binding Agreements”, “Art. cit.”, § 14.
41

Cela dit, l’article 1er du « Protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale
des ressources naturelles » définit ainsi l’« exploitation illégale » : « toute exploration,
développement, acquisition, utilisation de ressources naturelles contraires à la loi, à la
coutume, au principe de souveraineté permanente des Etats sur les ressources naturelles
ainsi qu’aux dispositions du présent protocole ». Précisons en passant que cette
disposition élargit davantage la notion d’exploitation en incluant même une pure et
simple activité d’exploration, laquelle peut ne pas être suivie d’une extraction ou
production. Il y a lieu d’y voir la forte détermination des auteurs de la Convention à lutter
contre l’exploitation illicite des ressources naturelles, qui est devenue un véritable fléau,
surtout dans la sous-région africaine des Grands Lacs.

§3. Pillage des ressources naturelles d’un Etat

Le terme « pillage » relève essentiellement du droit international humanitaire,


plus précisément du droit international des conflits armés. L’article 28 du Règlement de
La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre dispose : « Il est
interdit de livrer au pillage une ville ou localité, même prise d’assaut ». De même l’article
47 de ce Règlement dispose : « Le pillage est formellement interdit ». A son tour, l’article
33 de la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en
temps de guerre du 12 août 1949 interdit le pillage. Le Protocole additionnel (II) aux
Conventions de Genève, en son article 4, § 2, al. g), interdit aussi le pillage. Le pillage
figure également au titre des crimes de guerre dans les Statuts du TPIY (article 3, § 1er,
e), du TPIR (article 4, § 1er, f), du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (article 3). Il est
de même incriminé par le Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité (article 20, e, v) ainsi que par les Conventions de Genève au titre de
« l’appropriation » illicite, massive et sans nécessité militaire de biens (article 50 CG I,
article 51 CG II et 147 CG IV)126. Et pour sa part, l’article 8, b), xvi) du Statut de la Cour
pénale internationale qualifie de crime de guerre, « le pillage d’une ville ou d’une
localité, même prise d’assaut ». Bref, comme le font bien remarquer Jean-Marie
Henckaerts et Louise Doswald-Beck, selon la pratique des Etats, la règle de l’interdiction

126
Cf. E. DAVID, Op. cit., p. 781.
42

du pillage constitue une norme de droit international coutumier applicable dans les
conflits armés tant internationaux que non internationaux127. Dans l’affaire des Activités
armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), la
Cour internationale de Justice a reconnu le caractère coutumier de l’article 47 du
Règlement de La Haye de 1907, qui interdit le pillage128.

Que faut-il entendre par « pillage » ? Le Dictionnaire de la terminologie du


droit international définit le « pillage » en ces termes : « Acte individuel d’appropriation
de biens mobiliers appartenant à autrui. Par son caractère d’action individuelle autorisée
ou tolérée par un belligérant de la part de ses troupes, le pillage se distingue de la prise de
butin, acte de l’Etat et de ses organes »129. Selon le Dictionnaire du droit international
des conflits armés publié par Pietro Verri, le pillage est une « appropriation systématique
et violente de biens meubles de propriété publique ou privée, effectuée par les membres
des forces armées au préjudice de l’Etat adverse ou des blessés, des malades, des
naufragés et des prisonniers de guerre. Le pillage est considéré comme un crime de
guerre »130. Dans le même sens, le Dictionnaire de droit international public, publié sous
la direction de Jean Salmon, définit le pillage comme un « acte d’appropriation
individuelle et violente de biens mobiliers privés ou publics commis lors d’une situation
de conflit armé ou de troubles internes »131. De son côté, le Black’s Law Dictionary
définit le terme ‘‘pillage’’ comme ‘‘the forcible seizure of another’s property, especially
in war; especially, wartime plundering of a city or a territory’’132.

De ces définitions du pillage, un élément attire directement notre attention :


alors que les trois premiers dictionnaires mentionnent la nature mobilière des biens
pouvant faire l’objet d’un pillage, le Black’s Law Dictionary est muet quant à l’aspect
mobilier ou immobilier de ces biens. Peut-on concilier ces deux points de vue ? Doit-on

127
Cf. J.-M. HENCKAERTS et L. DOSWALD-BECK, Droit international humanitaire coutumier, Vol. I.
Règles, traduit de l’anglais par D. LEVEILLE, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 243.
128
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 244, § 219.
129
UNION ACADEMIQUE INTERNATIONALE, Dictionnaire de la terminologie du droit international,
Op. cit., p. 451.
130
P. VERRI, Dictionnaire du droit international des conflits armés, Op. cit., p. 98.
131
J. SALMON (sous la direction de), Dictionnaire de droit international public, Op. cit., p. 831.
132
B. A. GARNER (ed.), Black’s Law Dictionary, Eighth edition, Thomson West, 2004, p. 1185.
43

absolument limiter la notion de pillage aux biens meubles ou faut-il l’étendre aux
immeubles ? Par exemple, si l’on peut aisément parler de pillage de stocks de diamants
dans un entrepôt d’une société, qui sont des biens mobiliers, peut-on de même parler de
pillage d’une mine ou de diamants non encore extraits d’une mine, lesquels sont des
immeubles par nature133 ?

Dans la Déclaration solennelle signée à Londres le 5 janvier 1943 contre les


actes d’expropriation commis sur les territoires sous l’occupation ou le contrôle de
l’ennemi, les Alliés affirment « qu'ils ont l'intention de faire tout ce qui est en leur
pouvoir pour mettre en échec les méthodes d'expropriation pratiquées par les
gouvernements avec lesquels ils sont en guerre, contre les pays et les populations qui ont
été cruellement assaillis et pillés . [En] conséquence, les gouvernements signataires de
cette déclaration et le Comité national français se réservent tous droits de déclarer non
valables tous transferts ou transactions relatifs à la propriété, aux droits et aux intérêts de
quelque nature qu'ils soient, qui sont ou étaient dans les territoires sous l'occupation ou
le contrôle direct ou indirect, des gouvernements avec lesquels ils sont en guerre, ou qui
appartiennent ou ont appartenu aux personnes (y compris les personnes juridiques)
résidant dans ces territoires. Cet avertissement s'applique tant aux transferts ou
transactions se manifestant sous forme de pillage avoué ou de mise à sac, qu'aux
transactions d'apparence légale, même lorsqu'elles se présentent comme ayant été
effectuées avec le consentement des victimes »134. Au regard de cet extrait de la
Déclaration de Londres de 1943, le pillage est l’une des méthodes d’expropriation contre
des Etats et des populations en cas de conflit armé. La mise en échec des méthodes
d’expropriation consiste à déclarer non valables tous transferts ou transactions relatifs à la
propriété, aux droits et aux intérêts de quelque nature qu'ils soient. Pour ne citer que le

133
Cf. Article 6 de la loi foncière congolaise : « Le sol et les mines sont immeubles par leur nature »
(disponible sur http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2004/JO.01.12.2004.pdf consulté le 23 novembre
2013). Voir également Article 518 du Code civil belge : « Les fonds de terre et les bâtiments sont
immeubles par leur nature » (disponible sur http://www.jura.be consulté le 23 novembre 2013).
134
http://www.culture.gouv.fr/documentation/mnr/or1211.htm consulté le 25 novembre 2013. Pour le texte
original en anglais, voir : « Inter-Allied Declaration against Acts of Dispossession committed in Territories
under Enemy Occupation and Control, available at http://www.lootedartcommission.com/inter-allied-
declaration consulted on 25 November 2013.
44

cas de la propriété concernée par l’expropriation qu’il faut mettre en échec, elle peut être
de toute nature. Cette propriété peut donc être individuelle ou collective, privée ou
publique, mobilière ou immobilière, etc. Les transferts ou transactions que la Déclaration
vise à combattre se manifestent sous deux formes principales : soit sous forme de pillage
avoué ou de mise en sac, soit sous une apparence légale. Or, comme on l’a déjà noté, ces
transferts ou transactions, qui peuvent prendre la forme d’un pillage avoué, peuvent être
relative à la propriété de toute nature. Ceci nous amène à croire que, selon cet extrait de
la Déclaration, le pillage peut concerner les (transferts des) biens tant mobiliers
qu’immobiliers.

Cela dit, dans le commentaire du CICR sous l’article 33, alinéa 2 de la


Convention IV de Genève de 1949, qui interdit le pillage, nous lisons : « La présente
Convention a pour objet la protection de la personne humaine. Elle contient aussi
certaines dispositions relatives aux biens, destinées à épargner aux populations les
souffrances résultant de la destruction de leur avoir mobilier ou immobilier (maisons,
titres, meubles, vêtements, provisions, instruments de travail, etc.). […] L'interdiction du
pillage […] garantit toutes les catégories de biens, les propriétés de personnes privées
comme celles des collectivités ou de l'Etat »135. L’usage de l’expression « toutes les
catégories de biens » dans ce commentaire du CICR ne saurait nous permettre d’exclure
les biens immobiliers du champ d’application de la notion de « pillage », tant que l’on
sait que la classification élémentaire des biens est celle qui oppose les meubles aux
immeubles.

Par ailleurs, les éléments du crime de pillage commis dans le cadre d’un
conflit armé international consacré par l’article 8-2-b-xvi du Statut de Rome de la Cour
pénale internationale sont ainsi définis :

« 1. L’auteur s’est approprié certains biens.

2. L’auteur avait l’intention de spolier le propriétaire des biens et de se les


approprier à des fins privées ou personnelles.

135
J. PICTET (sous la direction de), Les Conventions de Genève du 12 août 1949. Commentaire. IV. La
Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Op. cit., p. 244.
45

3. L’appropriation s’est faite sans le consentement du propriétaire.

4. Le comportement a eu lieu dans le contexte de et était associé à un conflit


armé international.

5. L’auteur avait connaissance des circonstances de fait établissant


l’existence d’un conflit armé » 136.

Un bref commentaire sur les éléments du crime de pillage consacrés par les
points 1 et 2 peut nous permettre d’approfondir la question de l’applicabilité de la notion
de pillage aux biens immobiliers. Tout d’abord, selon le point 1, l’auteur doit s’être
approprié certains biens. A défaut de précision qu’il doit s’agir des biens mobiliers, il y a
lieu de comprendre que cet élément vise indistinctement les meubles et les immeubles. Le
point 2 porte sur l’intention de l’auteur du pillage de spolier le propriétaire des biens et de
se les approprier… La spoliation peut-elle viser les meubles et les immeubles ? Le
Dictionnaire de droit international public précité définit la « spoliation » comme suit :
« Confiscation de propriété sans indemnité. a) Ce terme a été utilisé pour les mesures de
dépossession illégales accomplies par l’ennemi. […] b) Il a quelquefois été employé à
propos de nationalisations sans indemnités […]. c) On le rencontre aussi comme
fondement de la restitution de leurs richesses naturelles aux peuples qui en ont été
dépossédés […] »137. Dans le même ordre d’idées, le Vocabulaire juridique de Gérard
Cornu précise à propos de la spoliation : « 1. Confiscation ou nationalisation non
reconnue parce que contraire au Droit international ou à l’ordre public. 2.
[Spécialement], acte accompli dans les territoires occupés par l’ennemi, sur son ordre ou
sous son inspiration et qui, même d’apparence légale, a eu pour résultat de dépouiller
d’un bien ou d’un droit un national, un allié ou un neutre […]. 3. Parfois [synonyme] de
dépossession violente »138. A partir de ces définitions, l’on constate que la spoliation peut

136
Ces éléments de crimes sont les mêmes que ceux consacrés par l’article 8-2-e-v s’agissant du crime de
pillage commis dans le cadre d’un conflit armé ne présentant pas un caractère international. Pour un
commentaire sur l’article 8 du Statut de la C.P.I., vor M. EUDES, « Article 8. Crimes de guerre », in J.
FERNANDEZ et X. PACREAU (sous la direction de), Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Commentaire article par article, Tome I, Paris, Pedone, 2012, pp. 481-535 (spécialement, p. 253 pour
l’article 8-2-b-xvi).
137
J. SALMON (sous la direction de), Dictionnaire de droit international public, Op. cit., p. 1048.
138
G. CORNU, Vocabulaire juridique (9e édition mise à jour), Paris, P.U.F., 2011, pp. 976-977.
46

s’opérer dans le cadre ou en dehors d’un conflit armé. Dans le contexte de conflit armé, la
spoliation devient un élément constitutif du pillage comme crime de guerre. Par contre,
rien ne nous permet de limiter la notion de spoliation aux biens meubles. S’agissant par
exemple des nationalisations comme mode de spoliation (généralement en dehors de
conflit armé), la pratique montre qu’elles ont le plus souvent porté sur des concessions
minières ou pétrolières, qui sont des immeubles. Par ailleurs, dans le cadre d’un conflit
armé, l’Ordonnance du 12 novembre 1943 du Comité national français sur la nullité des
actes de spoliation accomplis par l’ennemi ou sous son contrôle montre que la spoliation
a concerné les meubles et les immeubles. En effet, le préambule de ce texte énonce que
« [l]a déclaration [de Londres du 5 janvier 1943] […] s'applique à toutes les espèces de
spoliations, depuis la saisie brutale et sans compensation de biens, droits et intérêts, de
toute nature jusqu'aux transactions en apparence volontaires, auxquelles ne manque
aucune des formes légales »139.

Il nous semble que la définition de la spoliation formulée par Pietro Verri


comme la « [s]oustraction, pas nécessairement violente, de biens meubles appartenant à
des blessés, malades, naufragés, prisonniers de guerre, dépouilles mortelles sur le champ
de bataille »140 n’est applicable que dans un contexte particulier. On conçoit très
facilement qu’un combattant se retrouve sur le champ de bataille avec des biens meubles,
dont il peut être spolié. Mais ceci ne devrait pas nous permettre de restreindre la notion
de spoliation aux biens mobiliers.

La jurisprudence de la Cour pénale internationale confirme la possibilité de


pillage des biens tant mobiliers qu’immobiliers. Dans sa décision du 30 septembre 2008,
relative à la confirmation des charges contre Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo
Chui, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (CPI) indique :
« Comme le crime de guerre consistant en la destruction de biens visé à l’article 8-2-b-
xiii, le pillage constitutif d’un crime de guerre inscrit à l’article 8-2-b-xvi requiert que les
biens détruits appartiennent à un ‘‘ennemi’’ dans le cadre du conflit. Les biens pillés -

139
J.O. du 18 novembre 1943, voir http://www.culture.gouv.fr/documentation/mnr/or1211.htm consulté le
25 novembre 2013.
140
P. VERRI, Dictionnaire du droit international des conflits armés, Op. cit., p. 115.
47

qu’ils soient meubles ou immeubles, privés ou publics - doivent donc être la propriété
d’individus ou d’entités qui se sont alliées ou font allégeance à une partie au conflit qui
est l’ennemie de l’auteur des crimes en cause ou lui est hostile »141. De même, dans
l’affaire Bemba, la Chambre préliminaire II de la CPI « observe que le pillage d’une ville
ou d’un lieu, tel qu’il est visé à l’article 8-2-e-v du Statut, implique l’appropriation sur
une relativement grande échelle de toutes sortes de biens, publics ou privés, meubles ou
immeubles, qui va au-delà de simples actes sporadiques de violation des droits de
propriété »142.

A la lumière de ces précisions tirées de la Déclaration de Londres du 5 janvier


1943, de l’Ordonnance du 12 novembre 1943 du Comité national français sur la nullité
des actes de spoliation, des éléments du crime de pillage tel que consacré par le Statut de
la CPI, de la doctrine et de la jurisprudence, il nous semble que la restriction par certains
auteurs de la notion de pillage aux biens mobiliers ne se justifie pas. Nous soutenons le
point de vue selon lequel les actes de pillage peuvent porter indifféremment sur les biens
mobiliers et immobiliers. D’aucuns pourront ne pas être de cet avis. Mais il nous semble
que cela ne remettrait pas en cause la démarche que nous empruntons dans la suite de
cette étude. Nous restons dans l’hypothèse d’un conflit armé pendant lequel des éléments
d’un groupe armé ou d’une force d’occupation s’approprient par la violence une mine de
diamants par exemple, naturellement avec pour objectif d’extraire ces pierres précieuses
en vue d’un intérêt économique. Dès leur extraction, ces diamants deviennent des
meubles par nature, dont la possibilité d’être pillés ne peut faire l’objet d’une
controverse. De même, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant, des stocks de
diamants ont fait l’objet de pillage incontestable. Certes, les diamants dans une mine sont
des immeubles par nature. Conformément à la position que nous appuyons (pillage des
biens mobiliers ou immobiliers), l’appropriation violente d’une mine de diamants dans le
cadre d’un conflit armé mérite d’être qualifiée de pillage. Pour démontrer l’insuffisance

141
ICC-01/04-01/07-717-tFRA, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Décision
relative à la confirmation des charges, 30 septembre 2008, § 329 (souligné par nous).
142
ICC-01/05-01/08-424, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Décision rendue en application des
alinéas a) et b) de l’article 61‐7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à
l’encontre de Jean‐Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009, § 317 (italiques ajoutés).
48

de la restriction de la notion de pillage aux biens mobiliers, nous pourrions


paradoxalement faire recours à la notion civiliste de meubles par anticipation : il s’agit
des « [c]hoses immobilières (non encore détachées du sol) que l’on traite par avance
comme meubles parce qu’elles sont destinées à le devenir bientôt. Ex. les récoltes sur
pied font l’objet d’une vente mobilière »143. Dans ce sens, étant donné que des éléments
d’un groupe armé ou d’une force d’occupation se sont approprié par la violence armée
une mine de diamants pour en extraire ces pierres précieuses, généralement dans un délai
très bref pour en retirer les intérêts économiques, ces diamants peuvent être considérés
comme des meubles par anticipation et donc susceptibles de pillage en tant que biens
mobiliers. Ceux qui insistent sur la nature mobilière des biens pouvant être pillés
pourront peut-être se sentir ainsi confortés. Entretemps, ceux qui estiment que des biens
immeubles peuvent être pillés mettront l’accent sur le caractère immobilier d’un meuble
par anticipation. Cet apparent accommodement se révèle en réalité un argument contre
les premiers, une preuve qu’un immeuble peut être pillé.

Quoi qu’il en soit, par-delà cette polémique « académique », le droit


international condamne toute appropriation illicite des biens meubles ou immeubles en
cas de conflit armé, que cet acte soit qualifiable de pillage ou non. Dès lors, nous avons
préféré articuler notre recherche autour de l’exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat étranger en cas de conflit armé et non seulement autour du pillage de ces
ressources.

En tout état de cause, il se dégage des définitions mentionnées ci-avant que le


pillage ne peut spécialement ou à proprement parler s’effectuer que dans un contexte de
violence armée (conflit armé ou troubles internes). Et les éléments des crimes du Statut
de la CPI de préciser que l’appropriation doit être « à des fins privées ou personnelles »,
autrement dit, « les appropriations justifiées par les nécessités militaires ne constituent
pas un crime de pillage »144. La décision relative à la confirmation des charges contre
Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui précise qu’ « il y a pillage quand les biens

143
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Op. cit., p. 653.
144
Eléments des crimes de la CPI (2000), article 8, § 2, al. b) xvi et note explicative 47.
49

de l’ennemi sont passés sous le contrôle de l’auteur du crime. Ce n’est qu’à partir de ce
moment que celui-ci est en mesure de ‘‘s’approprier’’ les biens »145.

De cette approche, il apparaît clairement que le pillage ne peut être évoqué en


dehors d’un conflit armé ou d’une action de forces armées ou groupes armés. L’usage du
mot « pillage » dans un tout autre contexte ne peut être qu’abusif. Il en est ainsi, par
exemple, lorsque l’ONG Greenpeace affirme que l’Afrique de l’Ouest est victime du
pillage des pêcheries pirates, alors que la pêche illicite dans les eaux sous la juridiction
des Etats côtiers de cette sous-région africaine n’implique nullement un recours à la
violence armée146. Il s’agit plutôt de la violation de la réglementation de la pêche
maritime147.

D’autres exemples d’usage abusif très fréquent de « pillage » concernent


l’exploitation des ressources naturelles de la République démocratique du Congo. En
2007 et 2008, pour la construction ou la réhabilitation des infrastructures (routes, chemins
de fer, hôpitaux, etc.), les autorités congolaises ont conclu des contrats avec des
entreprises chinoises. Celles-ci fournissent tous les fonds et toute l’expertise. En
contrepartie, l’Etat congolais met à la disposition de ses partenaires des matières
précieuses brutes (or, diamant, cobalt, coltan, etc.) qu’ils exploitent148. Ces contrats sont
décriés par plusieurs Congolais149 voire des Occidentaux150 qui les qualifient de

145
ICC-01/04-01/07-717-tFRA, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Décision
relative à la confirmation des charges, 30 septembre 2008, § 330.
146
Cf. GREENPEACE, L’Afrique de l’Ouest : Victime du pillage des pêcheries pirates, Rapport, septembre
2001, pp. 1, 2, 3 et suivantes, disponible sur
http://www.seaaroundus.org/Dakar/scienceDocs/Doc_NGO_04-FR.pdf , Consulté le 9 juin 2009.
147
Cf. P. KAMBALE MAHUKA, « Assiste-t-on à un pillage de ressources halieutiques dans les espaces
maritimes des Etats de l’Afrique de l’Ouest ? », in Parcours et Initiatives, N° 8, 2011, pp. 210 et suivantes.
148
Pour les textes des contrats RDC et entreprises chinoises, consulter les archives du Ministère congolais
des Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction, 2007 et 2008.
149
Ainsi par exemple, « [s]elon le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM), les
contrats miniers passés entre la Chine et l'Etat congolais pillent les ressources naturelles de la RDC et
privent les congolais d'une partie de leur richesse » (C’est nous qui soulignons). Voir CADTM, « Les
congolais floués par le contrat RDC-Chine », disponible sur
http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/06/27/les-congolais-floues-par-le-contrat-
rdc-chine-selon-le-cadtm.html consulté le 13 mai 2009.
150
« Lorsque, en 2007, Kinshasa a signé avec Pékin une convention prévoyant plus de 6 milliards d’euros
d’investissements chinois en échange de l’accès aux gisements de cuivre, les Occidentaux ont crié au
scandale. Ils accusaient les Chinois de se payer sur la bête, puisque la réfection des routes et des chemins de
fer ou la construction des hôpitaux devaient être financées par les profits réalisés dans le secteur minier. Un
vulgaire troc ? Rien de plus exact. Sauf que, depuis deux ans, de multiples chantiers ont démarré, tandis
50

« pillage » des ressources naturelles de la RDC. Du moment qu’il y a des contrats conclus
en bonne et due forme, quand bien même ils contiendraient des clauses léonines, on ne
saurait à bon droit parler de pillage.

Par ailleurs, début octobre 2009, au Congo-Kinshasa, un rapport d’enquête


sénatorial a conclu que « le pillage des ressources minières de la République
démocratique du Congo (RDC) se poursuit »151. Cette conclusion résulte du fait que « le
secteur minier, qui repose pourtant sur des ressources minérales immenses et variées, n’a
pas encore, du fait de la mauvaise gouvernance, contribué un tant soit peu à trouver les
réponses aux cris des populations congolaises vouées à vivre dans des conditions
infrahumaines »152. En un mot, pour les rédacteurs du rapport, le fait que les sociétés
minières exploitent les ressources de la RDC sans payer de contrepartie constitue un
pillage des ressources minières. Mais à vrai dire, à défaut de violence dans cette
exploitation, il est sans doute impropre de parler de pillage, au sens du droit international
des conflits armés.

On peut enfin noter un usage abusif du terme « pillage » par le Mouvement


burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), une ligue de la Fédération
internationale des droits de l’homme (FIDH), dans sa « Déclaration sur le pillage des
ressources naturelles à travers l’exploitation minière », faite à Banjul (Gambie) à la 53e
Session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (avril 2013).
Dans cette déclaration, cette ONG considère comme un pillage l’exploitation des
ressources minières du continent africain par des multinationales qui ne profite pas aux
populations153.

En revanche, de nombreux exemples d’un véritable pillage de ressources


naturelles peuvent être mentionnés. C’est le cas du pillage systématique des stocks de

que des compagnies privées continuent sans vergogne à piller le pays. Au Congo comme dans de
nombreux pays africains, misérables en dépit de leurs richesses naturelles » (C’est nous qui introduisons le
caractère italique) (« L’Afrique pillée », in Le Monde, 16.10. 09, consulté sur www.lemonde.fr ).
151
J.-P. TUQUOI, «Au Congo-Kinshasa, les sénateurs mettent au jour le pillage des richesses minières »,
in Le Monde, 15.10. 09, consulté sur www.lemonde.fr
152
Ibidem.
153
FIDH, « Déclaration sur le pillage des ressources naturelles à travers l’exploitation minière », disponible
sur http://www.fidh.org/declaration-sur-le-pillage-des-ressources-naturelles-a-travers-l-13172 consulté le
23 avril 2013.
51

minerais, de produits agricoles et forestiers et de bétails de la République démocratique


du Congo entre septembre 1998 et août 1999 par des troupes ougandaises, rwandaises
et/ou des soldats du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD), une faction
rebelle154. C’est également le cas du pillage des diamants sierra léonais par les éléments
du Revolutionary United Front (RUF), entre 1991 et 2001, avec la complicité du seigneur
de guerre libérien, Charles Taylor, devenu plus tard président du Libéria155 ou le cas du
pillage des diamants angolais par la rébellion de l’UNITA qu’elle échangeait contre les
armes156.

En définitive, alors que tout pillage de ressources naturelles, qui consiste en


leur appropriation par la force en cas de conflit armé ou de trouble intérieur, qu’elles
soient en l’état mobilier ou immobilier, est une exploitation illicite157, toute exploitation
illicite des ressources naturelles, même à grande échelle, ne constitue pas
automatiquement un pillage. La violence armée est essentielle à la notion de pillage. Pas
de pillage sans conflit armé ou troubles internes158.

Muni de ces définitions, présentons un panorama du phénomène


d’exploitation illicite des ressources naturelles de quelques Etats africains en temps de
conflit armé (chapitre II).

154
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 8, § 32.
155
Cf. L. GBERIE, Guerre et paix en Sierra Leone : les diamants, la corruption et la filière libanaise,
Ottawa, Partenariat Afrique Canada, 2002, p. 2.
156
Cf. Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctions imposées par le Conseil
de Sécurité à l’Uniâo nacional para a independência total de Angola (UNITA), S/2000/203, du 10 mars
2000, p.12, § 16.
157
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 3, § 4 : « L’exploitation illégale des ressources
minérales et forestières de la République démocratique du Congo se poursuit à un rythme inquiétant. On
peut distinguer deux phases : le pillage systématique et l’exploitation endogène et exogène des ressources
naturelles ». Voir également Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du
Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, pp. 249-252, §§ 237-250. Cette partie de l’arrêt, dans
laquelle la Cour apprécie les actes de pillage de ressources naturelles, porte le titre « Actes d’exploitation
illégale de ressources naturelles : appréciation de la Cour ».
158
Cf. P. KAMBALE MAHUKA, « Art. cit. », p. 224.
52

CHAPITRE II. L’EXPLOITATION ILLICITE DES RESSOURCES


NATURELLES D’ETATS AFRICAINS EN TEMPS DE CONFLIT ARME

L’expérience africaine révèle que certains Etats dotés d’importantes


ressources naturelles sont dépourvus de structures institutionnelles capables de protéger
ces richesses et de les exploiter pour le bien-être de leurs populations. Cette situation, qui
attise les convoitises d’autres Etats, est très souvent la source des conflits armés
caractérisés par une exploitation illicite de ressources naturelles. A ce sujet, les conflits
armés au Libéria, en Sierra Leone, en Somalie, au Soudan, en Angola et en République
démocratique du Congo constituent d’éloquentes illustrations159.

Ce chapitre entend donner une description des principaux conflits armés que
le phénomène d’exploitation illicite des ressources naturelles a rendus les plus longs et
les plus sanglants sur le continent africain. Il s’agit des conflits armés en Angola (section
I), en Sierra Leone (section II) et en République démocratique du Congo (section III)160.
Nous nous concentrerons plus largement sur les conflits armés en République
démocratique du Congo. En effet, non seulement ces conflits sont les plus significatifs en
termes d’acteurs internationaux, transnationaux et nationaux et de diversité de ressources
naturelles touchées, mais également ils mettent en lumière un problème grave
d’exploitation illicite des ressources naturelles qui n’est pas encore réglé.

Ces trois cas, qui constituent l’échantillon de notre recherche, nous


permettront d’appréhender finalement les liens existant entre conflit armé et exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger (section IV).

Au cours de notre travail, nous serons parfois amené à parler brièvement


d’autres conflits africains auxquels se rapportent des instruments juridiques utiles à notre
analyse.

159
Cf. S. MARYSSE et C. ANDRE, « Guerre et pillage économique en République démocratique du
Congo », in S. MARYSSE et F. REYNTJENS (sous la direction de), L’Afrique des Grands Lacs. Annuaire
2000-2001, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 308.
160
Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, S/2001/1072, 13 novembre 2001, p. 10, § 36.
53

Section I. Conflit armé en Angola et exploitation illicite des ressources naturelles

L’Angola a connu deux types de conflit armé : une guerre de libération


nationale, menée contre le pouvoir colonial portugais, de 1961 à 1975, et une longue
guerre civile, qui a duré pratiquement 27 ans (11 novembre1975- 4 avril 2002)161.

La guerre de libération nationale a été menée dès 1961 par deux mouvements
nationalistes : le Mouvement populaire de Libération de l’Angola (MPLA), dirigé par
Agostinho Neto et José Eduardo Dos Santos, et le Front national de Libération de
l’Angola (FNLA), dirigé par Roberto Holden162. Dès sa création par M. Jonas Savimbi,
en 1966, l’Union nationale pour l’Indépendance totale de l’Angola (UNITA) s’est
également engagée dans la lutte contre le pouvoir colonial. Plutôt que de constituer une
‘‘union sacrée contre les troupes portugaises’’, les trois mouvements politiques
s’opposaient idéologiquement dès leur origine163.

Dès l’accession de l’Angola à l’indépendance, le 11 novembre1975, le pays a


été déchiré par une guerre civile entre le gouvernement marxiste du MPLA et la rébellion
de l’UNITA. Ce conflit armé s’est trop tôt internationalisé par l’intervention d’Etats du
côté de l’une et de l’autre partie belligérante. Il a connu par la suite une période de forte
exploitation illicite des diamants par l’UNITA. Il convient tout d’abord d’en examiner le
contexte et les divers acteurs (§1), avant de nous appesantir sur l’exploitation illicite des
diamants par l’UNITA (§2).

§1. Contexte et acteurs de la guerre civile en Angola

En 1975, les trois mouvements de libération de l’Angola (MPLA, FNLA,


UNITA) avaient conclu les accords d’Alvor (Portugal), consacrant la tenue d’élections

161
Cf. GLOBAL WITNESS, A Rough Trade. The Role of Companies and Governments in the Angolan
Conflict, London, Global Witness Ltd, 1998, p. 1; R. GOY, « Quelques accords récents mettant fin à des
guerres civiles », in A.F.D.I., Volume 38, 1992, p. 124 et M. K. TSHITENGE LUBABU, « Fin de la guerre
civile en Angola », disponible sur http://www.jeuneafrique.com/Article/LIN30038findealogna0/ consulté le
16 novembre 2011.
162
Cf. R. GIRARD, « L’UNITA, l’Angola et l’Afrique australe : quel rôle pour l’Occident ? », in Politique
étrangère, N°2-1986-51e année, pp. 508 et 512 ; et J.-F. ORRU et al., « Le diamant dans la géopolitique
africaine », in Afrique contemporaine, 2007/1, n° 221, p. 181, note 23.
163
Cf. J.-F. ORRU et al., « Art. cit. », p. 181, note 23.
54

libres pour la formation du premier gouvernement de l’Angola indépendante. Ces accords


furent violés par le MPLA qui, dès l’accession de l’Angola à l’indépendance, s’empara
du pouvoir grâce au soutien cubain et à l’appui de l’amiral portugais Rosa Coutinho, chef
de la marine164. Agostinho Neto est devenu le premier président communiste d’Angola165.

Jonas Savimbi, qui était sûr de la victoire aux élections, a considéré que
« l’UNITA a été évincé du pouvoir en 1975 par un classique coup d’état marxiste »166.
Pour lui, cette confiscation de l’indépendance justifie sa rébellion armée contre le
gouvernement entaché d’illégalité dès sa naissance167.

Dès l’éclatement du conflit armé, le gouvernement du MPLA a été appuyé


par Cuba, allié de l’URSS. De son côté, l’UNITA a reçu le soutien de la République Sud-
africaine (RSA)168. Sur la pression du Président Carter, la RSA s’est retirée de l’Angola
en 1975 et a cessé d’apporter son appui à l’UNITA169. Dès l’accès au pouvoir en Angola
de José Eduardo Dos Santos (MPLA), successeur d’Agostinho Neto en 1979, « la
présence militaire soviétique, est-allemande et cubaine s’est accrue pour protéger le
régime »170. Les grands champs pétrolifères exploités par la compagnie américaine
Chevron et la compagnie française Elf-Aquitaine, qui étaient restés sous le contrôle du
gouvernement durant tout le conflit armé, étaient protégés par des soldats cubains171. Ce
sont les revenus du pétrole qui finançaient les alliés du régime. Mais nous devons
rappeler que l’exploitation du pétrole angolais par ces deux multinationales était licite,
car dûment autorisée par le pouvoir souverain.

Dans un contexte de guerre froide, ce conflit armé fera de l’Angola un terrain


d’affrontements indirects entre l’Union soviétique et les Etats-Unis172. Après dix ans de
conflit, les milieux politiques américains alimenteront un âpre débat sur l’opportunité

164
Cf. R. GIRARD, « Art. cit. », p. 509.
165
Cf. Ibidem, p. 512.
166
Ibidem, p. 509.
167
Cf. Ibidem, p. 509.
168
Cf. Ibidem, pp. 505 et 507.
169
Cf. Ibidem, p. 509.
170
Ibidem, p. 512.
171
Cf. Ibidem, pp. 512 et 514.
172
Cf. A.-C. RENAULD, Diamants et conflits, Mémoire de D.E.A. Droit international public et privé,
Université de Nice-Sophia Antipolis, Institut du droit de la Paix et du Développement, 2000-2002, p. 12.
55

d’aider financièrement l’UNITA, qui est de facto un mouvement de libération pro-


occidental, dans le combat contre la mainmise soviéto-cubaine en Angola173. Considérant
les combattants de l’UNITA comme des freedom fighters (« combattants de la liberté »),
qui résistent à la stratégie d’implantation périphérique de la puissance soviétique174, « le
Président Reagan a décidé […] après avoir reçu Jonas Savimbi à la Maison-Blanche,
d’accorder à l’UNITA, sur les fonds secrets de la CIA, une aide militaire de l’ordre de 15
millions de dollars, comprenant notamment des missiles anti-aériens Stringer »175.

Les accords de paix de Bicesse (Portugal) en 1991 ont permis l’organisation


des élections présidentielle et législatives du 30 septembre 1992, remportées par Eduardo
Dos Santos (au pouvoir) contre Jonas Savimbi. La contestation de ces résultats par
l’UNITA a entraîné la reprise des hostilités. L’UNITA a été quasi unanimement déclarée
illégitime et a de ce fait perdu progressivement ses soutiens diplomatiques et
logistiques176. Pour amoindrir les sources de financement des opérations militaires de ce
mouvement rebelle, l’ONU a finalement pris des sanctions contre lui. Dans sa résolution
864 (1993), le Conseil de sécurité a interdit « la vente ou la fourniture à l’UNITA
d’armements et de matériel connexe, ou d’une assistance militaire, ainsi que de pétrole et
de produits pétroliers »177. Ces sanctions ont contraint l’UNITA à signer le Protocole de
Lusaka, le 20 novembre 1994, ce qui a permis le rétablissement d’une paix relative. Faute
de s’acquitter des obligations lui incombant en vertu du Protocole de Lusaka, l’UNITA se
verra imposer des sanctions supplémentaires en 1997 prévoyant le gel de ses comptes
bancaires, l’interdiction des déplacements à l’étranger de ses dirigeants et la fermeture de

173
Cf. R. GIRARD, « Art. cit. », p. 505.
174
Cf. Ibidem, p. 505. D’après Anne-Christine Renauld, les Etats-Unis appliquent une logique
dangereusement manichéenne selon laquelle « les ennemis de mon ennemi sont mes amis » (Cf. A.-C.
RENAULD, Op.cit., p. 17).
175
R. GIRARD, « Art. cit », p. 505.
176
Cf. J.-F. ORRU et al., « Art.cit. », p. 182.
177
Le Conseil de sécurité a ainsi décidé que « tous les Etats empêcheront la vente ou la fourniture, par leurs
nationaux ou depuis leur territoire, ou par l’intermédiaire de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon,
d’armements et de matériel connexe de tous types, y compris d’armes et de munitions, de véhicules et
d’équipement militaires et de pièces détachées y afférentes, ainsi que de pétrole et de produits pétroliers,
que ceux-ci proviennent ou non de leur territoire, à destination du territoire de l’Angola autrement que par
des points d’entrée désignés dont le Gouvernement angolais communiquera la liste au Secrétaire général
qui en avisera promptement les Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies » (S/RES/ 864 (1993),
15 novembre 1993, § 19).
56

ses bureaux à l’étranger178. Les sanctions contre l’UNITA culmineront en juin 1998 par
l’interdiction de l’achat de ses diamants ou de ceux provenant des zones tenues par
elle179. Aux fins du contrôle du respect de ces sanctions, le Conseil de sécurité a créé, par
sa résolution 1295 (2000), du 18 avril 2000, l’Instance de surveillance de sanctions contre
l’UNITA180.

En dépit de ces sanctions, l’UNITA a pu poursuivre ses activités armées


grâce au soutien militaire de plusieurs Etats et à l’exploitation illicite des diamants.
L’UNITA a même tenté de mettre la main sur les ressources pétrolières contrôlées par le
gouvernement. A la suite de la mort de Jonas Savimbi le 22 février 2002, les rebelles de
l’UNITA ont été contraints de signer l’accord de paix du 4 avril 2002, mettant
officiellement fin à la guerre civile181. Ce conflit armé aura duré 27 ans et causé la mort
de plus de 1,5 millions de personnes182.

Pour faire le point sur le soutien reçu par l’UNITA, on peut mentionner qu’en
plus de l’aide de la RSA et des USA (pendant la guerre froide), elle a bénéficié de l’appui
de bien d’autres Etats, notamment le Zaïre, le Maroc, l’Arabie Saoudite, la Côte-d’Ivoire,
le Togo, le Rwanda, le Burkina Faso. L’aide intervenait à des titres divers, selon le cas :
aide financière, aide en armes et matériel militaire connexe, formation militaire, aide pour
contourner les sanctions sur les armes, sur le pétrole et sur les produits pétroliers et les
diamants au bénéfice de l’UNITA décidées par le Conseil de sécurité, notamment dans
ses résolutions 1127 (1997) du 28 août 1997 et 1173 (1998) du 12 juin 1998183. Si l’aide a
dans un premier temps été accordée à l’UNITA dans le cadre de la lutte contre
l’expansion de la puissance soviétique, elle l’a surtout été, après la guerre froide, en

178
Cf. Résolution 1127 (1997), S/RES/1127 (1997), 28 août 1997, p. 2, § 4 et autres résolutions ultérieures
sur la situation en Angola.
179
Cf. Résolution 1173 (1998), S/RES/1173 (1998), 12 juin 1998, p. 3, § 12, b.
180
Cf. Résolution 1295 (2000), S/RES/ 1295 (2000), 18 avril 2000, p. 2, § 3.
181
Cf. M. K. TSHITENGE LUBABU, «Art. cit.», disponible sur
http://www.jeuneafrique.com/Article/LIN30038findealogna0/ consulté le 16 novembre 2011.
182
Cf. J.-F. ORRU et al., « Art.cit. », p. 183.
183
Cf. Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctions imposées par le Conseil
de Sécurité à l’Uniâo nacional para a independência total de Angola (UNITA), S/2000/203, 10 mars 2000,
p. 11 et ss.
57

contrepartie des diamants bruts ou de l’argent gagné de leur vente. Effectivement, à partir
de 1998, l’UNITA s’est illustrée par une exploitation illicite systématique des diamants.

§2. Exploitation illicite des diamants par l’UNITA

La fin de la guerre froide a détourné les Etats-Unis, principal appui de


l’UNITA, de tout intérêt à la soutenir financièrement. La survie de ce mouvement rebelle
dépendra dès lors de l’exploitation des diamants. Dans le rapport du Groupe d’experts
chargé d’étudier les violations des sanctions contre l’UNITA, nous lisons : « Le diamant
jouait un rôle particulièrement important dans l’économie politique et militaire de
l’UNITA. Premièrement, la capacité de l’UNITA de continuer de vendre des diamants
bruts pour des espèces et d’échanger des diamants bruts contre des armes lui donne les
moyens de poursuivre ses activités politiques et militaires. Deuxièmement, le diamant a
été et continue d’être un élément important de la stratégie de l’UNITA pour se faire des
amis et entretenir un appui extérieur. Troisièmement, les caches des diamants bruts
plutôt que des dépôts monétaires ou bancaires constituent pour l’UNITA le moyen
privilégié de stocker sa fortune »184.

L’UNITA a acquis des diamants de diverses manières : exploitation par ses


partisans ou par des personnes réquisitionnées, perception de diamants bruts comme taxes
sur la production des mineurs, commission en diamants en échange de licences
d’exploitation accordées aux personnes physiques et aux sociétés nationales ou
étrangères185. Il est difficile d’évaluer la production de diamants par l’UNITA, car les
opérations étaient devenues secrètes après l’imposition des sanctions. Mais, en 1999, la
valeur de la production de l’UNITA dépassait 150 millions de dollars américains186.

Le rôle joué par les diamants dans la poursuite des opérations militaires de
l’UNITA leur vaudra la dénomination de « diamants du sang »187. Pour contrer ce

184
Cf. Ibidem, p. 28, § 77.
185
Cf. Ibidem, p. 28, §§ 78-79.
186
Cf. Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, S/2000/1225,
21 décembre 2000, pp. 44-45, § 71.
187
« C’est en Angola que le phénomène des « diamants du sang » fut d’abord dénoncé » (J.-F. ORRU et al.,
« Art. cit. », p. 181). Il sera systématiquement étudié à propos du conflit sierra-léonais, qui l’illustre le
mieux, à raison de multiples tueries et mutilations des civils dans les zones diamantifères, qui l’ont
58

phénomène, la communauté internationale adoptera des sanctions visant l’exploitation


des diamants. A ce titre, par la résolution 1173 (2000), du 12 juin 1998, le Conseil de
sécurité a décidé que « tous les Etats doivent prendre les mesures nécessaires pour :

a)[…]

b) Interdire l’importation directe ou indirecte, sur leur territoire, de tous


diamants provenant d’Angola qui ne sont pas assujettis au régime du certificat d’origine
établi par le Gouvernement d’unité et de réconciliation nationale;

c) Interdire […] la vente ou la livraison à des personnes ou entités se


trouvant dans des régions de l’Angola auxquelles ne s’étend pas l’administration de
l’Etat, par leurs nationaux ou à partir de leur territoire, ou au moyen de navires battant
leur pavillon ou d’aéronefs immatriculés par eux, de matériel utilisé dans les industries
extractives ou les services connexes […] »188.

Les termes de cet extrait montrent bel et bien que les sanctions, qui se
résument en un embargo sur les diamants et sur le matériel de l’industrie extractive et des
services connexes, ciblaient exclusivement les diamants de l’UNITA. D’après Jean-
François Orru, Rémi Pelon et Philippe Gentilhomme, « c’était une manière claire de
prendre parti. Le Gouvernement en place étant reconnu comme légitime, l’UNITA était
de fait déclarée rebelle. La responsabilité du conflit lui incombait désormais au regard de
la communauté internationale »189.

En violation de l’embargo, des Etats (A) et des multinationales (B) ont


participé à l’exploitation des diamants de l’UNITA.

caractérisé. Par ailleurs, ce témoignage fort éloquent nous laisse croire que les diamants en Angola ont été
moins à l’origine d’écoulement de sang des populations civiles dans les zones tenues par l’UNITA:
« Savimbi a pour premier souci le bien-être des populations contrôlées par l'UNITA. Il fait en sorte qu'elles
souffrent le moins possible de la guerre car il ne croit pas du tout à la possibilité d'une victoire militaire sur
un MPLA soutenu par les Cubains. Sa stratégie est avant tout politique : gagner les populations à sa cause
et obliger le gouvernement de MPLA à négocier et à partager avec lui le pouvoir » (R. GIRARD, « Art.
cit. », p. 510).
188
Résolution 1173 (1998), S/RES/1173 (1998), 12 juin 1998, p. 3, § 12, b et c. L’Angola a d’abord mis sur
pied un système exclusif d’achat des diamants bruts en Angola (Angola Selling Corporation, ASCorp), puis
un système de certification des diamants bruts angolais.
189
J.-F. ORRU et al., « Art. cit. », p. 181.
59

A.Participation des Etats au commerce des diamants de l’UNITA

Selon les informations contenues dans le rapport du Groupe d’experts de


l’ONU, les diamants ont permis à l’UNITA de s’assurer des amis et appuis extérieurs
importants, notamment l’ex-Président du Zaïre, Mobutu Sese Seko ; l’ex-Président du
Togo, Gnassingbé Eyadema ; le Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, et, après
1998, le Président rwandais, Paul Kagame. Ceux-ci étaient payés en diamants par Jonas
Savimbi pour « sceller » ou « consolider leur amitié » et en contrepartie de la protection
et des faveurs accordées à l’UNITA. Leurs pays ont servi de cadres privilégiés du
commerce des diamants de l’UNITA, exportés de l’Angola en contrebande190. Au fait,
« l’UNITA dirigeait la plus importante opération de contrebande de diamants du monde
jusqu’à ce que la guerre prenne fin »191.

La Côte d’Ivoire a aussi figuré parmi les Etats protecteurs des transactions
relatives aux diamants de l’UNITA, bien que les autorités ivoiriennes aient très
rapidement décidé d’y mettre un terme192. De même, la Namibie a joué un rôle important
dans l’exportation en contrebande des diamants de l’UNITA vers Anvers (Belgique). Le
rapport du Groupe d’experts signale la présence en Namibie d’un certain nombre de
représentants de l’UNITA à cette fin193.

Par ailleurs, l’Afrique du Sud a été un lieu de blanchiment des diamants de


l’UNITA. A ce sujet, d’après des informations que le rapport du Groupe d’experts estime
crédibles, Monsieur Piet Hand, un Sud-Africain, qui opérait à partir de Johannesburg,
avait des contacts avec un certain nombre de petits opérateurs miniers agréés en Afrique
du Sud, et procédait au blanchiment des diamants angolais en les mélangeant avec la
production des mines sud-africaines, mélange qui était ensuite légalement exporté comme

190
Cf. Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctions imposées par le Conseil
de Sécurité à l’Uniâo nacional para a independência total de Angola (UNITA), Op. cit., pp. 29 et 33-34, §§
82 et 99-103.
191
GLOBAL WITNESS et PARTENARIAT AFRIQUE CANADA, Le riche et le pauvre. Diamants du
développement et diamants de la pauvreté : les possibilités de changement dans les champs alluviaux de
diamants artisanaux en Afrique, Ottawa et Washington, Partenariat Afrique Canada et Global Witness
Publishing Inc., 2004, p. 20.
192
Cf. Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctions imposées par le Conseil
de Sécurité à l’Uniâo nacional para a independência total de Angola (UNITA), Op. cit., p. 29, § 82.
193
Cf. Ibidem, p. 30, § 84.
60

production sud-africaine194. En Afrique du Sud, les bourses du diamant achetaient


principalement des diamants produits par les mines artisanales du pays. Etant donné que
les propriétaires et les négociants de diamants devaient être munis d’une licence ou d’un
permis, l’UNITA devait passer par un intermédiaire195. Selon le rapport de l’Instance de
Surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, des diamants extraits de la
concession de Mavinga en Angola, une concession cédée à la société sud-africaine De
Beers mais occupée par l’UNITA, étaient vendus à Kimberley196.

Outre cette participation directe ou indirecte des Etats à l’exploitation illicite


des diamants de l’UNITA, celle des entreprises multinationales mérite également une
attention soutenue.

B.Participation des multinationales à l’extraction et au commerce des diamants de


l’UNITA

De nombreuses entreprises étrangères ont participé à l’extraction et à la vente


des diamants dans les zones contrôlées par l’UNITA. Dans la vallée de la Cuangu,
l’extraction était principalement réalisée par la Cuango Mining Corporation, un
consortium créé par le gouvernement zaïrois avec des investisseurs européens, dont
David Zollman, et par la société sud-africaine Les frères De Decker197. La Cuango
Mining Corporation travaillait en partenariat avec la société anversoise Glasol et le
Groupe Forrest, une entreprise belge occupant une place de premier plan dans l’économie
de la République démocratique du Congo198. Ces sociétés extractives mettaient à la
disposition de l’UNITA un équipement minier199.

194
Cf. Ibidem, p. 30, § 85.
195
Cf. Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, S/2000/1225,
21 décembre 2000, p. 47, § 182.
196
Cf. Ibidem, p. 47, § 185.
197
Cf. Ibidem, p. 41, §§ 154-155. Pour d’autres détails sur la Cuango Mining Corporation, voir
http://www.historykb.com/Uwe/Forum.aspx/what-if/7427/A-Missile-For-Mobutu-24-Triple-Cross consulté
le 29 novembre 2011.
198
Cf. Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, Op. cit., pp.
41-42, §§ 155.
199
Cf. Rapport complémentaire de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’UNITA,
S/2002/486, 26 avril 2002, p. 19, §§ 120-121.
61

L’achat des diamants de l’UNITA ou extraits des zones tenues par cette
rébellion était effectué par 16 sociétés, qui avaient toutes des bureaux de vente à Anvers,
même lorsqu’elles n’étaient pas à 100 % belges. Quatre d’entre elles avaient des sociétés
sœurs ou des filiales en Afrique du Sud et trois avaient des sociétés sœurs ou des filiales
en Israël200. Deux sociétés méritent une attention particulière : Limo Diamonds et De
Beers Diamond Trading Company (ci-après dénommée De Beers).

Limo Diamonds était basée à Anvers et à Tel Aviv. Selon l’Instance de


surveillance des sanctions contre l’UNITA, Limo Diamonds avait acheté des diamants
soumis à l’embargo201. Entre janvier et septembre 2000, elle avait acheté un total de 50
000 carats pour une valeur de 18 millions de dollars américains202.

De Beers, un consortium sud-africain, est le principal acheteur des diamants


bruts du monde203. La Central Selling Organization (CSO), associée à De Beers ayant son
siège à Londres, avait acheté la majorité des diamants produits en Angola et avait fixé le
prix à l’achat sur le « marché libre ». Selon les estimations de la compagnie australienne
Ashton Mining, partenaire de De Beers, qui exploitait les mines de la Cuango, des
diamants pour une valeur de 2 milliards de dollars auraient été extraits de cette zone204.

De Beers a toujours nié sa participation dans le commerce des diamants de


l’UNITA et a décidé, en 1999, pour couper court avec toute suspicion, de cesser
d’acheter les diamants angolais (à l’exception de ceux produits par une certaine mine, à
laquelle elle s’est engagée par contrat à acheter sa production)205. Malgré cette décision,
l’Instance de surveillance a été informée par des sources crédibles que des clients de De

200
Cf. Rapport complémentaire de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’UNITA,
S/2001/966, 12 octobre 2001, pp. 38 et 43, §§ 178, b et 205.
201
Rapport complémentaire de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’UNITA,
S/2002/486, 26 avril 2002, p. 21, § 137.
202
Cf. Ibidem, p. 21, § 141.
203
Cf. Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctions imposées par le Conseil
de Sécurité à l’Uniâo nacional para a independência total de Angola (UNITA), Op. cit., p. 33, § 96.
204
Cf. Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, Op. cit., p. 41,
§ 153. Pour des détails sur l’implication de De Beers dans le commerce des diamants de l’UNITA ou
provenant des zones tenues par ce mouvement, voir GLOBAL WITNESS, A Rough Trade. The Role of
Companies and Governments in the Angolan Conflict, Op. cit., pp. 3 et 6.
205
Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctions imposées par le Conseil de
Sécurité à l’Uniâo nacional para a independência total de Angola (UNITA), Op. cit., p. 33, § 96.
62

Beers continuaient d’acheter des diamants de l’UNITA206. Dans cette situation, il n’y a
donc pas de certitude que De Beers avait cessé d’acheter des diamants de l’UNITA,
même après la fermeture de ses bureaux d’achat en Afrique207.

En définitive, les négociants qui étaient disposés à acheter les diamants bruts
de l’UNITA, soumis à l’embargo, avaient la possibilité de faire passer les pierres par
contrebande jusqu’aux centres de taille où ils pouvaient les importer en empruntant des
voies moins surveillées (par exemple, des centres de taille dans les pays où les contrôles
sont moins rigoureux)208.

La part de responsabilité de l’industrie diamantaire dans ce commerce illicite


ne saurait être oubliée. Surtout à Anvers, elle s’est caractérisée par une réticence ou une
incapacité à sanctionner les personnes physiques ou les sociétés qui ont coopéré avec
l’UNITA209. Par ailleurs, l’on doit noter le laxisme de contrôle qui a depuis longtemps élu
domicile dans l’industrie des diamants en général. En effet, note le rapport du Groupe
d’experts sur la situation en Angola, « le laxisme des contrôles dans certains pays
producteurs permet à l’UNITA de faire passer les diamants qu’elle négocie pour des
diamants de différente origine ; et un certain nombre de pays qui n’en produisent pas
exportent néanmoins des diamants bruts comme s’ils provenaient de leur territoire. En
outre, les diamants qui s’écoulent sur le marché libre n’ont jamais fait l’objet d’un
contrôle d’origine, et on s’est toujours borné à n’en enregistrer que la provenance, c’est-
à-dire le lieu d’expédition, lorsqu’ils arrivaient sur le marché »210. Nous constatons que
le Groupe d’experts n’a pas défini le « pays d’origine », tel qu’il a fait ci-haut du « pays
de provenance ». Il est cependant important de le définir en ces termes très simples : le
« pays d’origine » des diamants bruts est le « pays dans lequel ils ont été extraits »211.

206
Cf. Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, Op. cit., p. 46,
§ 181.
207
Cf. Ibidem, p. 50, § 199.
208
Cf. Ibidem, p. 50, § 197.
209
Cf. Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctions imposées par le Conseil
de Sécurité à l’Uniâo nacional para a independência total de Angola (UNITA), Op. cit., pp. 31-32, § 91.
210
Ibidem, p. 32, § 92.
211
Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, Op. cit., p. 52, §
207.
63

Le bien-fondé de la distinction entre « pays d’origine » et « pays de


provenance » des diamants bruts mérite d’être examiné. Nous préférons procéder à cet
examen après nous être muni d’autres éléments de fait à partir de l’examen de la question
de l’exploitation illicite des diamants dans le cadre du conflit armé en Sierra Leone.

Section II. Conflit armé en Sierra Leone et exploitation illicite des ressources
naturelles

Le conflit sierra-léonais, qui s’est internationalisé par l’intervention de


plusieurs Etats, fut très alarmant en termes d’exploitation illicite de ressources naturelles,
les diamants en particulier212. Nous examinerons graduellement le contexte et les acteurs
du conflit armé en Sierra Leone (§1) et le rôle des diamants dans ce conflit armé (§2).

§1. Contexte et acteurs du conflit armé en Sierra Leone

Le conflit armé en Sierra Leone a duré pratiquement une décennie. Déclenché


le 23 mars 1991, soit trente ans après son indépendance politique (1961), il a pris fin le
18 janvier 2002213. Au dire de Sandra Szurek, à son origine, le conflit sierra-léonais a été
un conflit d’importation214. En effet, l’embrasement a commencé au Libéria, en 1990,
lorsque Charles Taylor, chef de la rébellion du Front national patriotique du Libéria
(NPLF), lançait une offensive contre le régime de Samuel Doe. Alors que Charles Taylor,
qui contrôlait déjà 90 % du territoire libérien, était sur le point de s’emparer du palais
présidentiel de Monrovia, les forces de l’ECOMOG215, Groupe d’Observateurs militaires
de la CEDEAO, composées en partie de troupes sierra-léonaises, avaient in extremis
déjoué la victoire de la rébellion216.

212
Cf. Rapport de la mission du Conseil de sécurité en Sierra Leone, S/2000/992, 16 octobre 2000, p. 6, §
33.
213
Cf. S. SZUREK, « Sierra Leone : un Etat en attente de ‘‘ paix durable’’. La Communauté internationale
dans l’engrenage de la paix en Afrique de l’Ouest », in A.F.D.I., Vol. 46, 2000, p. 176 et A.-C. RENAULD,
Op. cit., p. 34.
214
S. SZUREK, « Art. cit. », p. 176.
215
Economic Community of West Africa States Monitoring Group.
216
Cf. S. SZUREK, « Art. cit », pp. 176 et 177, note 5 ; et A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 31.
64

Vexé par cette contribution de la Sierra Leone à son échec, Charles Taylor a,
en mars 1991, commandité la création d’un mouvement de lutte armée contre la Sierra
Leone, dénommé Revolutionary United Front (RUF), à la tête duquel il a placé Foday
Sankoh, un ancien caporal de l’armée sierra-léonaise. Implanté au Libéria, dans la base
arrière de Charles Taylor, le long de la frontière entre le Libéria et la Sierra Leone, le
RUF a lancé plusieurs attaques sur des villes sierra-léonaises217. Profitant de la
désintégration de l’armée sierra-léonaise, ce qui a abouti à un coup d’Etat en 1992218, le
RUF s’est implanté en Sierra Leone et a fini par occuper en 1994 les régions productrices
de diamants et les mines de bauxite et de titanium219. Ainsi que nous le démontrerons par
la suite, l’exploitation des diamants permettra au RUF de financer ses opérations
militaires.

Les Republic of Sierra Leone Military Forces (RSLMF), appuyées par les
milices Kamajor (chasseurs traditionnels) et par l’ECOMOG, n’ont pas pu mettre le RUF
hors d’état de nuire. C’est ainsi qu’en 1995, après avoir tenté, sans succès, de combattre
le RUF par des gardiens de sécurité Gurkha, le National Provisional Ruling Council
(NPRC) a eu recours à une firme privée de sécurité sud-africaine, Executive Outcomes220.
L’intervention de cette société a pu stopper l’avance du RUF à quelques kilomètres de
Freetown. Les régions diamantifères ont été momentanément libérées, ce qui a
sensiblement atténué l’activité des rebelles221.

En janvier 1996, le général Julius Maada Bio remplace le capitaine Valentine


Strasser à la présidence de la Sierra Leone. Il amorce des pourparlers de paix avec le
RUF à Abidjan222. Un processus électoral est engagé. Le Sierra Leone’s People Party
(SLPP) gagne les élections législatives de février. Son leader, Ahmad Tejan Kabbah,

217
Cf. Ibidem, « Art. cit. », p. 177.
218
En avril 1992, une mutinerie des soldats sierra-léonais non rémunérés s’est transformée en coup d’Etat
contre le Président Joseph Momoh, qui a pris la fuite. Le National Provisional Ruling Council (NPRC),
dirigé par le capitaine Valentine Strasser (âgé de 27 ans), a pris le pouvoir (Cf. I. SMILLIE et al., Le cœur
du Problème. La Sierra Leone, les diamants et la sécurité humaine, Ottawa, Partenariat Afrique Canada,
2000, p. 2).
219
Cf. Ibidem, p. 3.
220
Cf. Ibidem, p. 3.
221
Cf. Ibidem, p. 3.
222
Cf. Ibidem, p. 3.
65

remporte l’élection présidentielle en mars 1996 et sitôt après sa prestation de serment, il


poursuit les négociations de paix avec le RUF. Le 20 novembre 1996, un accord de paix
est conclu à Abidjan entre F. Sankoh et A.T. Kabbah223.

L’Accord de paix d’Abidjan s’est révélé éphémère. Le 25 mai 1997, un


putsch a été opéré contre A.T. Kabbah par une alliance du RUF et de l’Armed Forces
Revolutionary Council (AFRC) du major Johnny Paul Koroma. Après la fuite de Kabbah,
J. P. Koroma et Foday Sankoh sont devenus respectivement président et vice-président de
la Sierra Leone224. Ce coup d’Etat contre le premier président démocratiquement élu de la
Sierra Leone a été vivement et clairement condamné par la Communauté internationale,
qui a exigé le retour immédiat et inconditionnel du président Kabbah au pouvoir. Les
sanctions adoptées par le Conseil de sécurité225 et la présence des troupes de l’ECOMOG
devant Freetown ont mis la pression sur la junte militaire au pouvoir et ont poussé celle-
ci à accepter un nouveau plan de paix initié par la CEDEAO226.

C’est dans ce contexte que sera signé l’accord de Conakry du 23 octobre


1997, qui prévoit notamment l’arrêt des hostilités et le rétablissement d’A. T. Kabbah
dans ses fonctions de président dans un délai de six mois227. Cet accord n’a pas pour
autant empêché la reprise des hostilités. C’est plutôt l’offensive lancée contre Freetown
par l’ECOMOG, en février 1998, qui a mis en déroute la coalition AFRC-RUF et a
permis, le 10 mars 1998, le retour effectif du président Kabbah au pouvoir228. Pour
appuyer les efforts de paix de la CEDEAO, le Conseil de sécurité a créé, par la résolution

223
Cf. S. SZUREK, « Art. cit. », p. 177.
224
Cf. Ibidem, p. 178.
225
Voir la résolution 1132 (1997), du 8 octobre 1997. Parmi les sanctions imposées en vertu de cette
résolution, il y a lieu de noter l’interdiction aux membres de la junte militaire et des membres adultes de
leur famille de l’entrée ou du passage en transit sur le territoire d’un Etat membre de l’ONU (sauf dans
quelques cas limitativement prévus par la résolution) ; l’embargo sur les armes et autres matériels militaires
et paramilitaires, ainsi que sur les produits pétroliers.
226
Cf. S. SZUREK, « Art. cit. », p. 178.
227
Voir S/1997/824, du 28 octobre 1997, annexe I et annexe II. L’annexe I est un communiqué publié à
Conakry le 23 octobre 1997 à l’issue de la réunion entre les ministres des affaires étrangères du Comité des
cinq de la CEDEAO sur la Sierra Leone et la délégation représentant le major Johnny Paul Koroma.
L’annexe II est, quant à elle, un plan de la CEDEAO pour le rétablissement de la paix en Sierra Leone dans
un délai de six mois (23 octobre 1997-22 avril 1998).
228
Cf. S. SZUREK, « Art. cit. », p. 178 et I. SMILLIE et al., Op. cit., p. 3.
66

1181(1998), la Mission d’Observation des Nations Unies en Sierra-Leone


(MONUSIL)229.

En janvier 1999, la situation s’est détériorée avec de nouvelles attaques et la


prise de Freetown par le RUF et l’AFRC230. Le 7 juillet 1999, un accord de paix a été
signé à Lomé, entre le gouvernement sierra-léonais et le RUF231. Aux termes de cet
accord, une amnistie générale a été accordée à tous les membres du RUF et de
l’AFRC232. De surcroît, la présidence du Conseil d’administration de la Commission de
gestion des ressources stratégiques, de la Reconstruction nationale et du Développement
a été accordée au RUF. Foday Sankoh a acquis le statut de Vice-président de la
République. Enfin, cet accord consacrait la transformation du RUF en un parti politique
légal, habilité à se lancer dans le processus démocratique233. L’accord de Lomé est resté
« un accord de paix sans paix »234. La poursuite des attaques du RUF et de l’AFRC contre
le gouvernement de Freetown et la brutalité contre les civils ainsi que les prises d’otages
des membres de la MONUSIL et de l’ECOMOG ont amené le Conseil de sécurité à
transformer la MONUSIL en Mission des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL),
autorisée à recourir à la force armée en cas de besoin235. Dès décembre 1999, la
MINUSIL est devenue opérationnelle236. En mai 2000, alors que des forces de la
MINUSIL commençaient à se déployer dans les zones diamantifères contrôlées par le
RUF, elles ont été attaquées et un de leurs camps a été saccagé par ce mouvement rebelle.
Plus de 500 casques bleus ont été pris en otages par le RUF. Grâce à l’intervention des
forces britanniques, le chef et d’autres dirigeants du RUF ont été arrêtés le 17 mai 2000 à
Freetown par le gouvernement sierra-léonais237. Cette crise a connu un dénouement avec
la conclusion de l’accord de cessez-le-feu d’Abuja du 10 novembre 2000238. Et le 18

229
S/RES/1181(1998), 13 juillet 1998.
230
Cf. Y. MONDY et D. DESCHENES, « Le conflit en Sierra Leone : les diamants du sang », in Le
Maintien de la paix, Bulletin n°52, IQHEI, avril 2001, p. 1.
231
Cf. S. SZUREK, « Art. cit. », p. 180.
232
Cf. Ibidem, p. 181.
233
Cf. Ibidem, pp. 181-182.
234
Ibidem, p. 180.
235
Voir Résolution 1270 (1999) du Conseil de sécurité, S/RES/1270(1999), 22 octobre 1999.
236
Cf. I. SMILLIE et al., Op. cit., p. 3.
237
Cf. S. SZUREK, « Art. cit. », pp. 184-185.
238
Cf. Ibidem, p. 185.
67

janvier 2002, le président A.T. Kabbah a solennellement déclaré le retour de la paix en


Sierra Leone239.

Ce bref historique du conflit armé en Sierra Leone suscite quelques


questions :

Comment le RUF a-t-il pu résister pendant presque toute une décennie contre
le gouvernement sierra-léonais appuyé d’abord par les forces de l’ECOMOG, puis par les
casques bleus ? Plus clairement, quelles ont été les sources de financement et d’armement
du RUF ? Comment le RUF, qui a été façonné par le mouvement rebelle de Charles
Taylor, a-t-il bénéficié de l’appui financier et logistique des Etats et d’autres acteurs non
étatiques ?

Bien des chercheurs et experts qui se sont intéressés au conflit armé sierra-
léonais allèguent que les diamants ont permis au RUF de financer ses activités militaires
et de s’assurer l’appui d’Etats, de sociétés étrangères et d’hommes d’affaires.

§2. Rôle des diamants dans le conflit armé en Sierra Leone

En quête de légitimité, le RUF s’est présenté au début du conflit comme un


mouvement recherchant un changement démocratique240. Mais il a tôt levé le masque. En
effet, écrit Anne-Christine Renauld, « si la guerre déclenchée en 1991 par Foday Sankoh
se voulait pro-démocratique, elle est devenue une guerre ‘‘pour’’ le diamant. Les
aspirations démocratiques animant le RUF ont rapidement laissé place à une soif de
pouvoir plus liée à l’accès aux richesses qu’à la volonté de restaurer une véritable
démocratie. Le premier trimestre de l’année 1993, le RUF s’empare de Gandohun, dans
le district diamantifère de Kono. Dès lors, la plupart des combats ont lieu autour des
mines »241. Après que le RUF ait été chassé des gîtes diamantifères du district de Kono en
1995 par Executive Outcomes, « l’intérêt manifesté […] pour les diamants s’est aiguisé
davantage, en particulier après l’emprisonnement de Foday Sankoh au Nigéria en

239
Cf. A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 34.
240
Au moment de l’éclatement du conflit, la vie politique sierra-léonaise était dominée par des élites
créoles, largement minoritaires, qui se caractérisaient par la gabegie, le népotisme et la corruption (Cf. S.
SZUREK, « Art. cit. », p. 177).
241
A.-C. RENAULD, Op. cit., pp. 16-17.
68

1997 »242. Le RUF a mobilisé tous les fonds, moyennant l’exploitation des diamants, pour
maintenir son emprise sur le district de Kono et Tongo Fields, les deux régions
diamantifères les plus importantes de la Sierra Leone243.

Les « montagnes du lion »244, réputées pour la bonne qualité de leurs


diamants245, ont été de facto scindées en deux parties : « celle qui possède des diamants,
tenue par le RUF et celle qui en est pratiquement dépourvue, contrôlée par le
Gouvernement »246.

D’après le rapport du Groupe d’experts constitué en application du


paragraphe 19 de la résolution 1306(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra
Leone247 (ci-après dénommé « le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone »),
« les estimations de la quantité de diamants extraite par le RUF […] vont d’une valeur de
25 millions de dollars à 125 millions de dollars par an. Selon les estimations de De Beers,
la valeur totale aurait atteint 70 millions de dollars en 1999 »248. Et le groupe de renchérir
que « le montant total des recettes que le RUF retire des diamants […] représente […]

242
Cf. Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution
1306(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, S/2000/1195, 20 décembre 2000, p. 18, §
67. En contrepartie de cette intervention d’Executive Outcomes (EO), le gouvernement sierra-léonais a
accordé à la société canadienne Branch Energy, partenaire d’EO et qui lui avait présenté cette firme de
sécurité privée, des concessions d’or et de diamants pour 25 ans (Cf. A. DENEAULT et al., Noir Canada.
Pillage, corruption et criminalité en Afrique, Montréal, Ecosociété, 2008, p. 185). En plus, en 1997, c’est
également suite à l’obtention de concessions diamantifères du gouvernement sierra-léonais en exil d’A.T.
Kabbah, que Rakesh Saxena, un actionnaire de la société canadienne Global Exploration Corporation,
présente en Sierra Leone, aurait versé 1,5 millions de dollars américains à la firme de sécurité privée
Sandline International pour renverser la junte militaire AFRC et RUF et organiser le retour à Freetown du
Président Kabbah (Cf. A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 47).
243
Cf. Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution
1306(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit. , p. 18, §§ 67-68.
244
Traduction française du nom portugais « Sierra Leone » (Cf. Y. MONDY et D. DESCHENES, « Art.
cit. », p. 1).
245
« Les cristaux sont assez gros, ont une grande pureté et une belle couleur » (P. ROBITAILLE, Les
diamants en Sierra Leone. De la mine à la mort, Université du Québec à Montréal, GRAMA, 2004, p. 12).
246
Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306 (2000)
du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., pp. 32-33, § 151.
247
Le Groupe avait pour mandat, notamment, de rassembler des informations au sujet des violations
éventuelles des restrictions imposées aux forces non gouvernementales (dont le RUF) par la résolution
1171 (1998), ainsi que des liens entre le commerce des diamants et le commerce des armements et du
matériel connexe (Voir Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la
résolution 1306 (2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op cit., p. 15, § 51).
248
Ibidem, pp. 19-20, § 78.
69

une source importante voire essentielle de revenus pour le RUF et lui suffit largement
pour soutenir son effort de guerre »249.

Tout comme le Groupe d’experts sur la Sierra Leone250, nous nous sommes
naturellement posé la question suivante : Comment les embargos sur le commerce illicite
des diamants bruts et sur les armes décidés par le Conseil de sécurité251 ont-ils été
contournés par le RUF ?

Pour répondre adéquatement à cette question, une distinction doit tout


d’abord être opérée entre « diamants de la guerre » et diamants « illicites » (A), en vue de
comprendre par la suite comment le commerce des diamants de la guerre a permis au
RUF de s’assurer la complicité des Etats et des entreprises diamantaires, qui lui ont
facilité l’approvisionnement en armes et autres matériels militaires (B).

A. « Diamants de la guerre » et diamants « illicites »

Le financement des conflits armés par les diamants n’a pas laissé indifférente
la Communauté internationale. Celle-ci devait prendre des mesures efficaces pour
combattre non seulement les « diamants de la guerre », mais également tous les diamants
« illicites ». L’on pourrait s’interroger sur la différence entre ces deux qualifications de
diamants et surtout sur la pertinence de la distinction.

Les « diamants de la guerre » sont « les diamants provenant de zones


contrôlées par des forces qui combattent le gouvernement légitime et internationalement
reconnu du pays concerné »252. La lutte pour la conquête des diamants, dont le commerce
constitue le « nerf de la guerre » en Sierra Leone253, a été à l’origine des tueries des
populations civiles et d’autres graves violations des droits de l’homme254. De ce fait, les
« diamants de la guerre » sont également appelés « diamants du sang » (‘‘blood

249
Ibidem, p. 20, § 80.
250
Cf. 4264e Séance du Conseil de sécurité, Intervention de M. Chowdhury, S/PV. 4264, 25 janvier 2001,
p. 3.
251
Voir, par exemple, la résolution 1306 (2000) du 5 juillet 2000, §§ 1, 5, 9 et 17.
252
Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306 (2000)
du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 31, § 144.
253
Cf. S. SZUREK, « Art.cit. », p. 195.
254
Nous reviendrons sur la question des violations des droits de l’homme dans les zones diamantifères
occupées par le RUF.
70

diamonds’’, en anglais) ou « diamants sales »255. D’aucuns les appellent même des
« diamants de la honte »256. Concernant ces diamants, la société De Beers a estimé qu’en
1999, le volume total des diamants de la guerre représentait environ 255 millions de
dollars, soit moins de 4 % de la production mondiale de diamants bruts, estimée à 6,8
milliards de dollars. Selon cette société, 35 millions de dollars provenaient de la
République démocratique du Congo, 150 millions de dollars de l’Angola et 70 millions
de dollars de la Sierra Leone257.

Les diamants « illicites » sont ceux qui se prêtent à toute une série d’activités
illicites, au niveau de l’extraction ou de la commercialisation (devises officieuses pour les
transactions internationales, blanchiment d’argent, contournement de la législation
nationale ou internationale)258. Il en est ainsi, par exemple, des diamants qui quittent un
territoire national ou y entrent par contrebande ou sous une fausse déclaration, qu’ils
proviennent des zones contrôlées par le Gouvernement ou de celles sous l’emprise des
rebelles ou des forces étrangères illégitimes. C’est également le cas des diamants extraits
en violation des droits de l’homme de part et d’autre. Cependant, dans notre étude, nous
traiterons uniquement des ressources naturelles exploitées dans les zones non contrôlées
par le Gouvernement.

Dans cette définition de l’expression « diamants illicites », le terme illicite


vise à la fois la violation du droit national ou/et du droit international. Certes, dans le cas
précis de l’objet de notre étude sur la responsabilité des Etats et de leurs dirigeants dans
le cadre de l’exploitation illicite des ressources naturelles, « illicite » signifie contraire au
droit international. Nous avons adhéré à cette définition des « diamants illicites »
comprenant la violation du droit national et du droit international pour montrer que même
si des entreprises (multinationales) ne sont pas régies par le droit international, leur
participation à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger par

255
Cf. A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 13; I. SMILLIE, « Diamants de guerre : pour en finir », disponible sur
http://web.idrc.ca/fr/ev-2531-201-1-DO_TOPIC.html consulté le 20 août 2011.
256
Cf. H. BUZZETTI, « Le retour des diamants de la honte », disponible sur
http://www.penseesnoires.info/2011/08/04/le-retour-des-diamants-de-la-honte/ consulté le 16 novembre
2011.
257
Cf. Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306
(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 31, § 144.
258
Cf. Ibidem, pp. 31-32, § 146.
71

d’autres Etats peut être sanctionnée pénalement en vertu du droit national, en marge de
l’attribution de leurs faits à l’Etat, qui relève du droit international.

Pour revenir à la distinction entre « diamants de la guerre » et « diamants


illicites », on comprend d’emblée que les « diamants de la guerre » sont illicites sur le
plan international. En effet, l’exploitation des mines de diamants par des rebelles ou leurs
alliés étrangers se fait en violation non seulement du droit national (violation du régime
national de gestion des ressources naturelles, par exemple), mais également du droit
international, notamment la violation du consentement de l’Etat souverain, la violation
d’embargos décidés par le Conseil de sécurité, par exemple par la résolution 1306 (2000),
du 5 juillet 2000, visant le commerce illicite des ressources minérales par le RUF, en
particulier des diamants. Comme l’a précisé le Groupe d’experts sur la Sierra Leone, « le
commerce des diamants illicites est très important et… les diamants de la guerre n’en
constituent qu’une partie. Il s’agit, en fait, de diamants illicites qui sont ‘‘sales’’ »259.

La pertinence de la distinction entre les diamants du sang et les diamants


illicites est qu’en définitive l’embargo du Conseil de sécurité sur les diamants vise ceux-
là, rappelons-le, dont l’exploitation est sous le contrôle des forces opposées au
Gouvernement. En effet, aux termes de la résolution 1306 précitée, « [l]e Conseil de
sécurité […] 1. Décide que tous les Etats prendront les mesures nécessaires pour
interdire l’importation directe ou indirecte sur leur territoire de tous les diamants bruts
en provenance de la Sierra Leone […] 5. Décide que les mesures visées au paragraphe 1
ci-dessus ne s’appliqueront pas aux diamants bruts contrôlés par le Gouvernement
sierra-léonais au moyen du régime de certificat d’origine lorsque le Comité aura fait
savoir au Conseil, compte tenu d’avis d’experts obtenus par le Secrétaire général à la
demande du Comité, qu’un régime efficace est pleinement opérationnel »260.

Ceci ne signifie pas que le Conseil de sécurité est insensible aux diamants
illicites produits dans les zones contrôlées par le Gouvernement. Il revient à l’Etat, en

259
Ibidem, p. 32, § 149.
260
Le 6 octobre 2000, le Président du Comité des sanctions contre la Sierra Leone a informé le Conseil de
sécurité de l’établissement d’un régime efficace de certificat d’origine des diamants bruts par le
Gouvernement sierra-léonais (Cf. Ibidem, p. 15, § 55).
72

l’occurrence la Sierra Leone, de mettre sur pied un régime efficace de certificat d’origine
des diamants bruts aux fins d’exclure tous les diamants illicites du commerce
international. Cet effort a été déployé au niveau mondial dans le cadre du Processus de
Kimberley pour la certification des diamants bruts.

Pour clore ce point, il convient de jeter un coup de projecteur sur les


modalités d’extraction des diamants du sang. En Sierra Leone, l’extraction artisanale des
diamants est la plus utilisée261. Au départ, les combattants du RUF procédaient eux-
mêmes à l’extraction, tout en soumettant la population civile aux travaux forcés262. Les
conditions de travail difficiles ont à juste titre été qualifiées d’ « esclavage
contemporain » par la Commission des droits de l’homme263. Par la suite, le RUF a mis
au point un système permettant aux mineurs locaux de garder une partie de leur
production, évidemment de moindre valeur264.

La conquête par le RUF des gîtes diamantifères de Kono, les plus riches, lui a
permis de mettre sur pied une structure d’extraction dénommée ‘‘RUFP Mining Ltd’’,
dirigé par des officiers du mouvement rebelle, sous le regard extrêmement vigilant du
Président Charles Taylor265. Les mines de diamants sont devenus des lieux de violations
systématiques des droits de l’homme : travail des enfants, enfants soldats drogués pour le
combat, exécution des combattants et non combattants pris en possession de diamants
non déclarés, amputation des membres des civils voulant se soustraire aux travaux forcés,
viols et violences physiques, privation des populations de besoins vitaux, y compris en
nourriture, refus d’accès aux organismes humanitaires,…266 Les mutilations des civils par
des éléments du RUF ont été tellement dramatiques comme l’atteste cette description
émouvante qu’en fait Sidiki Kaba : « Leurs victimes, pour avoir la vie sauve devaient
choisir entre ‘‘Manches Courtes’’ et ‘‘Manches Longues’’. Expressions atroces pour

261
Cf. P. ROBITAILLE, Op. cit., p. 14.
262
Cf. Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution
1306(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 18, § 69.
263
Cf. P. ROBITAILLE, Op. cit., p. 14.
264
Cf. Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution
1306(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 18, § 69.
265
Cf. Ibidem, pp. 68 et 69, §§ 70 et 72.
266
Cf. L. GBERIE, Op. cit., p. 20 ; S. SZUREK, « Art. cit. », p. 176; I. SMILLIE et al., Op. cit., pp. 1-2 ;
Rapport de la mission du Conseil de sécurité en Sierra Leone, Op. cit., pp. 8 et 11.
73

désigner l’usage de la machette par les sinistres miliciens qui coupaient le poignet ou
l’avant bras de leurs victimes »267.

En un mot, « le RUF n’était pas beaucoup plus qu’une machine meurtrière


d’extraction de diamants, télécommandée par Charles Taylor »268.

Le commerce de ces diamants du sang a connu une forte implication des Etats
et des entreprises multinationales.

B. Etats et entreprises impliqués dans le commerce des diamants du RUF

Il importe de montrer comment certains Etats africains ont coopéré


directement au commerce des diamants du RUF (1), avant d’élucider la participation des
entreprises diamantaires étrangères dans ce commerce, en indiquant les pays de transit et
pays de destination de ces diamants (2).

1. Etats qui ont directement coopéré au commerce des diamants du RUF


Certains Etats africains ont directement coopéré au commerce des diamants
du RUF. En point de mire figurent le Libéria, la Gambie et le Burkina Faso. Evidemment,
comme on le verra dans les lignes subséquentes, le Libéria est resté l’ « épicentre » des
opérations commerciales du RUF.

Concernant le Libéria, il importe de relever que Charles Taylor, d’abord chef


d’une rébellion libérienne, puis Président de ce pays, a soutenu le RUF, qui, pour rappel,
fut créé à son initiative. Sous sa présidence (2 août 1997-11 août 2003), le Libéria a joué
un rôle clé non seulement dans la conduite des opérations militaires, mais également dans
le commerce des diamants du RUF. Au sujet de l’appui militaire et stratégique, nous
lisons dans le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone : « Le Groupe d’experts a
par ailleurs trouvé des preuves formelles et irréfutables que le Libéria appuyait
activement le RUF à tous les niveaux , en lui fournissant un entraînement, des armes et
du matériel connexe, un soutien logistique, une base à partir de laquelle lancer ses
attaques et une zone de sécurité pour s’y retirer et reprendre des forces, ainsi que pour ses

267
S. KABA, La justice universelle en question. Justice des blancs contre les autres ?, Paris, L’Harmattan,
2010, p. 92.
268
L. GBERIE, Op.cit., p. 3.
74

activités de relations publiques »269. En contrepartie, le Président Charles Taylor et de


nombreux hommes d’affaires de son entourage direct avaient une mainmise sur les
diamants du RUF. En effet, c’est le riche homme d’affaires libanais Talal El-Ndine,
trésorier de l’entourage du Président, qui payait personnellement les Libériens qui
combattaient en Sierra Leone aux côtés du RUF et ceux qui sortaient des diamants de la
Sierra Leone270.

Les transactions sur les diamants du RUF en Sierra Leone étaient effectuées
sous la surveillance d’un représentant du Président Taylor. Les diamants étaient alors
acheminés auprès du Président libérien par des officiers du RUF271. A partir du Libéria,
les exportations, officielles ou non, des diamants extraits en Sierra Leone, étaient le plus
souvent réalisées au su, voire avec la complicité, des hauts fonctionnaires du
Gouvernement libérien272.

Sur le marché international, ces diamants bruts d’origine sierra-léonaise


étaient présentés comme des diamants libériens. Cette situation n’a pas manqué de
présenter quelques irrégularités dans les statistiques internationales des diamants bruts.
Ainsi, par exemple, en 1998, les importations belges de diamants bruts « libériens »
étaient de loin supérieures à la capacité de production du Libéria273. En sus, des diamants
de loin supérieurs en qualité à ce qui était disponible au Libéria étaient considérés comme
étant d’origine libérienne274. Dans ce contexte, il n’y a rien de plus logique que de
conclure à la participation directe du Libéria au commerce des diamants du sang du RUF.

S’agissant de la Gambie, qui ne produit pas de diamants bruts, les diamants


bruts importés à partir de son territoire sont nécessairement originaires d’autres pays. Par
exemple, le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone fait état d’importations

269
Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306(2000) du
Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 10, § 20.
270
Cf. Ibidem, pp. 10-11, § 23.
271
Cf. Ibidem, p. 21, §§ 85 et 86.
272
Cf. Ibidem, p. 21, §§ 88-89.
273
« Le Ministère libérien des terres, des mines et de l’énergie a informé le Groupe d’experts qu’en 1998,
les exportations officielles de diamants ne se sont élevées qu’à 8 000 carats, d’une valeur totale de 800 000
dollars (soit 100 dollars le carat). La Belgique indique pourtant que, la même année, 26 entreprises ont
importé du Libéria un volume total de 2 560 000 carats s’élevant à 217 millions de dollars, soit 85 dollars le
carat » (Ibidem, p. 28, § 122).
274
Cf. Ibidem, p. 28, § 125.
75

belges des diamants « gambiens », entre 1998 et 2000, tout en soulignant que « tous les
importateurs belges de diamants bruts ‘‘gambiens’’ importent aussi d’un ou plusieurs
pays producteurs de la région, à savoir la Sierra Leone, la Guinée et le Libéria »275.
D’après le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone, 90 % des diamants
« gambiens » provenaient de la Sierra Leone276. Vu que les zones diamantifères de la
Sierra Leone étaient sous le contrôle du RUF, il est hors de doute que la plupart des
diamants « gambiens » étaient des diamants sales.

Quant au Burkina Faso, le président Blaise Compaoré était un proche allié de


Charles Taylor, même avant l’accession de celui-ci à la présidence libérienne. En 1994 et
1995, le Burkina Faso soutenait la rébellion de Charles Taylor par 400 soldats qui
combattaient au Libéria277. Pendant la présidence de Charles Taylor, le RUF et le Libéria
faisaient l’objet d’un embargo sur les armes278, mais le président burkinabé Blaise
Compaoré les leur fournissait moyennant le commerce des diamants du RUF279. Sur ce
point, le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone indique que « c’est un national
du Burkina Faso, le général Ibrahim Bah (alias Baldé) […] qui effectue une grande partie
des transactions d’argent, de diamants et d’armes entre le RUF, le Libéria et le Burkina
Faso. Il fait régulièrement le voyage entre Monrovia et Ouagadougou »280.

On peut se demander si la Guinée, pays limitrophe de la Sierra Leone, dont


une partie est contiguë aux zones contrôlées par le RUF, n’a joué aucun rôle dans le
commerce des diamants du sang. Le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone fait
remarquer au sujet de la Guinée : « Certains diamants du RUF ont été écoulés en Guinée.
On a retrouvé la trace de transactions isolées dans lesquelles des commandants du RUF

275
Ibidem, p. 29, § 132.
276
Cf. Ibidem, p. 29, § 132.
277
Cf. Ibidem, p. 40, § 197.
278
L’embargo sur les armes à destination du RUF a été décidé par la résolution 1171 (1998), S/RES/1171
(1998), 5 juin 1998, p. 1, § 2. Celui visant les armes à destination du Libéria (hormis celles des forces de
maintien de la paix) a été décidé par la résolution 788(1992), S/RES/ 788 (1992), 18 novembre 1992, p. 3,
§ 8.
279
Le Burkina Faso s’approvisionnait en Ukraine en certifiant qu’il était le destinataire final de la cargaison
et l’utilisateur final des armes. Après la réception des armes, il les introduisait clandestinement en Sierra
Leone, dans le fief du RUF, via le Libéria (Cf. A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 41).
280
Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306(2000) du
Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 40, § 197.
76

ont échangé des diamants contre des vivres, et parfois contre des armes, en traitant avec
des sous-officiers de l’armée guinéenne qui agissaient pour leur propre compte. […] Il
n’existe toutefois aucune preuve de collusion officielle de la Guinée dans ce
commerce »281. Il nous semble qu’à ce niveau la Guinée aurait manqué à une obligation
de vigilance en ne prenant aucune disposition pour empêcher ce commerce. Nous
pourrons approfondir cette question en temps utile.

Enfin, certains Etats ont été qualifiés par la Belgique de « pays sensibles ». Il
s’agit des pays dont les lots pourraient comporter des diamants produits par l’UNITA, en
Angola, ou par le RUF, en Sierra Leone282. De son côté, la Suisse a établi une liste des
pays dits « à risques », susceptibles de contourner les embargos sur les diamants sales de
l’UNITA ou du RUF. Il est vrai que ces pays requièrent une attention particulière en
raison de leur proximité avec des zones de conflits ou de la complicité de leurs dirigeants
avec les rébellions283. Mais, comme l’indique le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra
Leone, cette appellation n’implique pas l’existence de pratiques délictueuses284.
Cependant, les importations de diamants à partir de ces pays devraient être passées au
crible285.

2.Participation des entreprises multinationales au commerce des diamants du


RUF : pays de transit et pays de destination des diamants sales

De prime abord, force est de souligner que les termes « pays de transit » et
« pays de destination » des diamants bruts sont pris dans leur sens ordinaire. L’on peut
considérer une situation simple dans laquelle une entreprise qui importe des diamants
bruts à partir d’un Etat A dans un Etat B (pays de destination), qui ne partage pas de
frontière avec l’Etat A, a rempli les formalités pour les faire passer à travers le territoire
d’un Etat C (pays de transit). Aucune confusion entre ces deux termes n’est en principe

281
Ibidem, p. 20, 82.
282
Cf. Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les sanctions contre l’Angola, Op. cit., p. 49,
§ 196.
283
A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 89.
284
Cf. Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306
(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 9, note 1.
285
Cf. Ibidem, p. 9, § 11. La liste de ces pays comprend l’Ouganda, la République centrafricaine, le
Ghana, la Namibie, le Congo Brazzaville, le Mali, la Zambie, le Libéria, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la
Gambie, le Togo, le Zimbabwe et le Burkina Faso (Voir également A.-C. RENAULD, Op.cit., p. 87).
77

envisageable. Par contre, l’attention mérite d’être attirée sur la distinction entre « pays de
provenance » et « pays d’origine » des diamants bruts. A en croire le Groupe d’experts
sur la Sierra Leone, « le pays de provenance se réfère au dernier pays à partir duquel les
diamants ont été importés tandis que le pays d’origine indique le pays où ils ont été
extraits »286. Il s’ensuit que, sur un marché national ou international, des diamants bruts
ayant un même pays d’origine peuvent avoir été importés en utilisant plusieurs pays de
provenance.

L’intérêt de la distinction entre « pays de provenance » et « pays d’origine »


peut s’apprécier à trois niveaux. Primo, la confusion entre les deux notions pourrait
entraîner de graves anomalies dans le calcul des statistiques du commerce national. A ce
propos, le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone cite l’exemple de la Suisse
qui, en 1999, a été indiquée comme « pays d’origine » de 41 % des importations
britanniques de diamants bruts alors qu’elle n’en produisait pas. Elle ne pouvait pourtant
qu’être un « pays de provenance », ayant elle-même importé ces diamants bruts d’un
autre pays287. Secundo, « comme les systèmes de taxation varient d’un pays à un autre et
que les bordereaux d’importation ne font souvent état que du dernier pays de provenance,
on encourage ainsi le commerce illicite du diamant. Une partie des diamants illicites sont
en fait désignés comme des diamants du Libéria, de Gambie ou de Guinée, afin
d’échapper à des contrôles fiscaux ou pour bénéficier des droits d’entrée particuliers des
produits africains sur le marché européen. Ainsi des diamants déclarés de provenance
africaine sont souvent d’origine russe »288. Tertio, indiquer le pays de provenance au lieu
du pays d’origine pourrait permettre aux diamants du sang de contourner l’embargo
auxquels ils seraient soumis. C’est ainsi qu’avant l’embargo imposé au Libéria, les
diamants du RUF transitaient par ce pays et accédaient au marché mondial sous le
couvert des documents officiels libériens. Ces diamants devenaient ipso facto
« libériens ». Les transactions étaient alors réputées licites. En fait, avant l’imposition

286
Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306(2000) du
Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 27, § 115.
287
Cf. Ibidem, p. 27, §§ 115-116.
288
Y. MONDY et D. DESCHENES, « Art. cit. », p. 3.
78

d’un système de certificat d’origine, seul le pays de provenance était pris en compte pour
apprécier la licéité des transactions internationales des diamants bruts289.

A côté du rôle direct joué par certains Etats dans le commerce des « diamants
de la guerre » du RUF, en violation de l’embargo, rôle que nous avons relevé plus haut, il
faut mentionner l’implication des entreprises diamantaires. Sans méconnaître la
participation des sociétés sierra-léonaises au commerce des diamants du RUF290, notre
recherche s’intéresse de préférence aux entreprises étrangères. En guise d’illustration,
nous nous référons aux entreprises impliquées dans le commerce des diamants de Foday
Sankoh après l’accord de Lomé et à celles qui ont importé des diamants à partir du
Libéria. Nous ne pourrons passer sous silence l’attitude de De Beers, la plus grande
société diamantaire du monde.

Nommé Président de la Commission de gestion des ressources stratégiques


par l’Accord de paix de Lomé de 1999, « Foday Sankoh a signé de nombreux contrats
avec des entreprises commerciales internationales et a demandé des faveurs financières à
d’autres en s’adressant à eux en son nom propre, au nom de la Commission et au nom du
RUF »291. En décembre 1999, Sankoh avait commandé, pour le compte du RUF, en
contrepartie des diamants, 14 véhicules auprès de Chudi Izegbu, Président d’un
conglomérat de sociétés qui avaient son siège à MacLean, en Virginie, dont faisait partie
la société Integrated Mining, qui était enregistrée aux îles Caïmans292. Le rapport du
Groupe d’experts fait également état des transactions commerciales liées aux diamants,
en 1999 et en 2000, entre Sankoh et les entreprises américaines US Trading & Investment
Company et Lazare Kaplan International (LKI), en Sierra Leone, au Libéria, au Togo et
directement à New York293. Les quantités de diamants n’ont pas été révélées d’autant
plus que les opérations étaient généralement secrètes, les correspondances entre les

289
Cf. A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 50.
290
La plupart de bureaux d’achats de diamants du RUF en Sierra Leone sont administrés par des Libanais
(Cf. L. GBERIE, Op. cit., p. 18).
291
Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution 1306(2000) du
Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 22, § 92.
292
Cf. Ibidem, p. 22, § 93.
293
Cf. Ibidem, p. 22, §§ 94-96.
79

cocontractants étaient codées de façon à ne pas utiliser des mots comme « diamants » et
« or »294.

En ce qui concerne l’importation des diamants provenant du Libéria, la


Belgique occupe une place de choix. Parmi les 26 entreprises qui, en 1998, avaient
importé en Belgique 2 56 000 carats295, la société dénommée ‘‘Company A’’ avait, à elle
seule, importé 168 056 carats estimés à 87 millions de dollars, soit 516 dollars le carat296.

Le rapport du Groupe d’experts sur la Sierra Leone énumère, sur une liste non
exhaustive, des sociétés et particuliers qui ont importé en 1999 et/ou 2000 des diamants
« libériens »297. La plupart des sociétés mentionnées avaient à cette époque leur siège ou
une filiale à Anvers, en Belgique298. En fait, « Anvers est le centre mondial du diamant
brut. […] C’est aussi le principal ‘‘marché extérieur’’ servant à acheminer plus de la
moitié de tous les diamants bruts qui sont produits dans le monde entier »299. On retrouve
également sur cette liste des sociétés exerçant des activités en Inde (par exemple,
Sunshine Gems), aux Etats-Unis (Shallop Diamonds, Ankur Diamonds, Siddhi Gems,…),
etc.

Enfin, il n’est pas concevable de traiter du commerce mondial des diamants


bruts sans évoquer le rôle de De Beers, qui contrôle entre 70 et 80 % des échanges300.
L’on peut légitimement se demander si cette géante des diamants n’a pas trempé dans le
commerce des gemmes de sang, ce dont elle a été maintes fois accusée301.

De Beers intervient dans la prospection, l’extraction et la vente des diamants


bruts. Pour ce, elle comprend en son sein deux organismes : la Diamond Producers
Association (DPA), qui contrôle la production, et la Central Selling Organization (CSO),

294
Cf. Ibidem, p. 22, § 93.
295
Voir note 273.
296
Cf. Rapport du Groupe d’experts constitué en application du paragraphe 19 de la résolution
1306(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone, Op. cit., p. 28, § 122.
297
Cf. Ibidem, p. 29, § 128.
298
Voir, par exemple, Afrostars Diamonds, Ankur Diamonds, Hardwill Diamonds, Omega Diamonds,
Marjan Diamonds, Sima Diamonds, etc.
299
I. SMILLIE et al., Op. cit., p. 3.
300
Cf. A.-C. RENAULD, Op. cit., p. 54 et P. ROBITAILLE, Op. cit., p. 16.
301
Cf. P. ROBITAILLE, Op. cit., p. 16.
80

qui contrôle la qualité, le volume et les prix sur le marché mondial302. La DPA détient des
bureaux pratiquement dans tous les pays producteurs des diamants bruts. La CSO, quant
à elle, se trouve représentée par des bureaux dans tous les pays qui organisent des bourses
de diamants, dont la plus importante est à Anvers, en Belgique303.

La CSO, dont le siège est situé à Londres, achète des diamants extraits des
mines de De Beers et ceux provenant du « marché extérieur », c’est-à-dire des sociétés
autres que ceux du groupe De Beers304. Jusqu’aux années 80, cette « entreprise
incontournable dans l’industrie du diamant » était propriétaire de concessions
diamantifères en Sierra Leone et d’un bureau d’achat de diamants à Freetown305. En dépit
de son retrait de la Sierra Leone, le groupe De Beers a entretenu des relations indirectes
avec la Sierra Leone par l’entremise d’un bureau de négoce de diamants, Polystar, au
Libéria et de deux bureaux d’achat ainsi que d’une des filiales du groupe, Debson, en
Guinée306. Dans ces conditions, étant donné que le Libéria avait toujours appuyé le RUF,
et avait servi, avec la Guinée, de pays de transit des diamants du RUF, « il est peu
raisonnable de penser que De Beers n’a jamais acheté, d’une façon ou d’une autre, des
diamants issus de la contrebande de la Sierra Leone »307.

Le cartel sud-africain du diamant, rappelons-le, n’a jamais reconnu une


quelconque implication dans le commerce des diamants de la guerre. Pour redorer ses
blasons, il s’était retiré des zones de conflits et il avait soutenu la campagne du Conseil
de sécurité contre les diamants de la guerre308.

302
Cf. Ibidem, p. 17.
303
Cf. Ibidem, p. 17.
304
Cf. I. SMILLIE et al., Op. cit., p. 2.
305
Cf. Y. MONDY et D. DESCHENES, « Art. cit. », p. 2.
306
Cf. Ibidem, p. 2 et A.-C. RENAULD, Op. cit., pp. 54-55.
307
Y. MONDY et D. DESCHENES, « Art. cit. », p. 2. Voir également I. SMILLIE et al., Op. cit., p. 3.
308
Cf. A.-C. RENAULD, Op. cit., pp. 55-56. Pour plus d’informations sur cette campagne, lire M.
FLESHMAN, « Contre les ‘‘diamants de la guerre’’. Le Conseil de sécurité mène une campagne contre les
rebelles et les fournisseurs d’armes », in NATIONS UNIES, Afrique Relance, disponible sur
http://www.un.org/french/ecosocdev/geninfo/afrec/vol14no4/diamants.htm consulté le 10 novembre 2011.
81

Section III. Conflits armés en République démocratique du Congo et exploitation


illicite des ressources naturelles

La particularité de la dimension « ressources naturelles » dans les conflits


armés en République démocratique du Congo exige que l’on en retrace le contexte en vue
de faire ressortir clairement les différents acteurs et leurs rôles (§1), les modalités
d’exploitation illicite des ressources naturelles (§2) et les ressources les plus touchées
(§3).

§1. Contexte des conflits armés et acteurs de l’exploitation illicite des ressources
naturelles

La République démocratique du Congo (RDC) a toujours été considérée


comme un « scandale géologique »309. Son développement reste inversement
proportionnel à ses extraordinaires et précieuses ressources naturelles, faute d’une gestion
efficace entre autres. Ces ressources n’ont pas manqué d’alimenter des conflits armés
d’une grande ampleur.

Les conflits armés liés à l’exploitation illicite des ressources naturelles de la


RDC s’étendent sur trois grandes périodes.

A .Première période (août 1996- mai 1997) : un conflit armé internationalisé

La première période de conflit armé est celle communément appelée la


« guerre de libération », la « première guerre du Kivu », « la première guerre des Grands
Lacs », qui a éclaté en août 1996310. Il s’agit d’un conflit armé interne internationalisé.
Les hostilités ont opposé les forces armées zaïroises (FAZ) aux troupes de l’Alliance des
Forces démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL), un mouvement rebelle

309
Voir, par exemple, J.-C. MASANGU MULONGO, « Postface », in L. MUPEPELE MONTI, L’industrie
minérale congolaise. Chiffres et défis, Tome 1, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 299 ; P. COLLIER, The
Bottom Billion. Why the Poorest Countries Are Failing and What Can Be Done About It, Oxford, Oxford
University Press, 2008, pp. 38-39; RFI, « Le Congo : un ‘‘scandale géologique’’ », disponible sur
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44994.asp consulté le 8 août 2011.
310
Cf. N. NZEREKA MUGHENDI, Les déterminants de la paix et de la guerre au Congo-Zaïre,
Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2011, pp. 21-22. Voir également A. MAMPUYA, « responsabilité et
réparations dans le conflit armé des Grands-Lacs au Congo-Zaïre », in R.G.D.I.P., 2004-3, pp. 679-707.
82

congolais dirigé par Laurent-Désiré Kabila et appuyé par des forces angolaises,
ougandaises et rwandaises311. Pour financer les coûts des opérations militaires, ces forces
étrangères et les troupes de l’AFDL ont activement et ouvertement exploité des
ressources naturelles dans les « territoires libérés », avec l’accord du dirigeant de
l’AFDL312. Ce dernier a également conclu avec des sociétés étrangères et des hommes
d’affaires étrangers des contrats d’exploitation des ressources naturelles dans l’est de la
RDC (territoires libérés)313. Cet épisode a pris fin le 17 mai 1997, avec l’entrée
triomphale des forces de l’AFDL et de leurs alliés à Kinshasa. L.-D. Kabila s’est alors
proclamé Chef de l’Etat dont il a changé la dénomination de « Zaïre » en « République
démocratique du Congo »314.

Au cours de cette période, l’exploitation illicite des ressources naturelles de la


RDC, alors Zaïre, n’a pas du tout attiré l’attention de la communauté internationale. En
effet, l’AFDL et ses alliés étaient dotés d’une grande légitimité, ayant combattu la
dictature du Président Mobutu. Du reste, les autorités rebelles ayant accédé au pouvoir, la
question d’une quelconque exploitation illicite de ressources naturelles ne se posait donc
plus.

B. Deuxième période (2 août 1998- 2 juin 2003) : un conflit armé international, des
conflits armés internationalisés et des conflits armés internes

La deuxième période s’étend pratiquement du mois d’août 1998 au mois de


septembre 2003315. Ces activités armées, qui ont commencé le 2 août 1998, opposant les
forces rwandaises et ougandaises aux forces armées congolaises, ont été déclenchées
suite au refus de ces forces étrangères, alliées à l’AFDL, de se retirer du territoire
congolais et à la tentative du gouvernement congolais de les y contraindre, conformément

311
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 23.
312
Cf. Ibidem, p. 6, § 23.
313
Cf. Ibidem, p. 7, § 26.
314
Cf. N. NZEREKA MUGHENDI, Op. cit., p. 22.
315
Cf. GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire. Une étude contextuelle sur les ressources
naturelles de la République démocratique du Congo, Washington, Global Witness Publishing Inc., 2004, p.
10.
83

à la déclaration officielle du Président L.- D. Kabila, en date du 28 juillet 1998316. C’est


le début d’un conflit armé international souvent qualifié de « deuxième guerre » ou
« guerre de rectification »317. Le 4 août 1998, le Rwanda, qui avait le projet de renverser
le Président L.-D. Kabila en 10 jours, a organisé une opération aéroportée, en amenant
ses soldats de la ville de Goma, située à l’est de la RDC, à Kitona, dans le Bas-Congo,
plus près de la ville de Kinshasa, la capitale congolaise. Alors que tout au long du mois
d’août plusieurs villes du Bas-Congo étaient déjà tombées sous le contrôle des troupes
étrangères, l’appui de l’Angola et du Zimbabwe à la RDC fera définitivement échec à la
prise de Kinshasa318. La Namibie est aussi intervenue du côté de la RDC, quoique avec
un nombre de soldats très réduit319.

De son côté, l’Ouganda a profité de cette offensive lancée par le Rwanda pour
faire incursion en RDC. Dans l’affaire Congo c. Ouganda, la RDC a prétendu que les
forces ougandaises ont également participé à l’opération de Kitona, ce que la Cour n’a
pas pu admettre, faute de preuves suffisantes320. Par contre, elle a admis que les forces
ougandaises ont pris les villes de Beni et Butembo, au Nord-Kivu et ont progressé
jusqu’en Province Orientale, en occupant les villes les plus importantes (Bunia, Watsa,
Kisangani,…)321. Le Soudan et le Tchad, qui sont également intervenus du côté du
gouvernement congolais pour combattre les forces ougandaises, ont rapidement retiré
leurs forces322.

316
Cf. CIJ, Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt du 19 décembre 2005, CIJ Recueil, 2005, §§ 29-31 et 49. Nous utilisons le texte disponible sur le Site
Internet de la CIJ (www.icj-cij.org ).
317
Cf. N. NZEREKA MUGHENDI, Op. cit., p. 25.
318
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 192, § 31.
319
Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 20, § 87.
320
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 192, § 31 et p. 205, § 71.
321
Cf. Ibidem, pp. 206-207, §§ 77-79.
322
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 24.
84

Comme on peut déjà le voir à ce niveau, cette deuxième période des conflits
armés en RDC a connu la participation de sept Etats étrangers323. C’est à juste titre que
certains auteurs ont pu considérer ce conflit armé international comme ‘‘la plus grande
guerre d’Afrique’’324 ou encore de la ‘‘Première guerre mondiale africaine’’325.

Ainsi qu’il ressort des lignes suivantes, après la cessation des affrontements
directs des forces rwandaises et ougandaises aux forces congolaises, on est passé d’un
conflit armé international à un conflit armé interne internationalisé opposant les forces
congolaises soutenues par des groupes armés nationaux et étrangers à des mouvements
rebelles congolais appuyés à partir de l’extérieur par des Etats étrangers (Rwanda et
Ouganda). On a également enregistré des conflits armés internes opposant des groupes
armés congolais ne bénéficiant pas (du moins officiellement) d’un appui étatique externe.
Il s’agit en particulier des conflits armés entre divers groupes congolais d’autodéfense
populaire. Cette observation vaut également pour la troisième période des conflits armés
en RDC.

En dépit du cuisant échec subi à la porte de Kinshasa, le Rwanda ne renonça


nullement à son ambition. C’est ainsi que, en collaboration avec l’Ouganda, il va
continuer de combattre le pouvoir de Kinshasa en soutenant deux rebellions créées,
respectivement le 12 août et le 30 septembre 1998: le Rassemblement congolais pour la
Démocratie (RCD), d’obédience rwandaise, et le Mouvement de Libération du Congo
(MLC), sous les auspices de l’Ouganda326. Déjà en début 1999, les forces rwandaises et
ougandaises, ainsi que les deux rébellions susvisées contrôlaient le tiers du territoire

323
Le Rwanda, l’Ouganda, l’Angola, le Zimbabwe, la Namibie, le Soudan et le Tchad. Contrairement à
certains rapports qui classent le Burundi parmi les Etats agresseurs de la RDC (Voir, par exemple,
GLOBAL WITNESS, Op.cit. , p.10), le Groupe d’experts a établi que la présence des forces burundaises
en RDC avait pour objectif d’arrêter les attaques lancées par les groupes rebelles, en particulier les Forces
pour la Défense de la Démocratie (FDD), qui sont basés dans le Sud-Kivu et au Katanga et qu’il n’y avait
aucune preuve d’implication des forces burundaises dans l’exploitation illicite des ressources naturelles de
la RDC (Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et
autres richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 22, § 101). D’ailleurs, force est de
constater que suite au désistement de la RDC, qui a été accepté par le Burundi, l’affaire des Activités
armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Burundi) a été rayée du rôle de la
Cour internationale de Justice (Voir Ordonnance du 30 janvier 2001, p. 4, disponible sur http://www.icj-
cij.org/docket/files/115/8053.pdf consulté le 9 août 2011).
324
N. NZEREKA MUGHENDI, Op. cit., p. 25.
325
F. GERE, cité par Ibidem, p. 25, note 25.
326
Cf. N. NZEREKA MUGHENDI, Op. cit., p. 25.
85

congolais327. En réaction contre l’occupation étrangère, plusieurs Congolais des


territoires occupés se sont organisés en forces d’autodéfense locale, connues sous la
dénomination de Mai-Mai (Maï-Maï ou Mayi-Mayi)328. Ils ont été de fait des alliés du
régime de Kinshasa.

Le Rassemblement congolais pour la Démocratie va connaître un conflit de


leadership, qui le conduira à l’éclatement en deux factions : le Rassemblement congolais
pour la Démocratie-Goma (RCD-Goma ou RCD-G), resté fidèle au Rwanda, et le
Rassemblement congolais pour la Démocratie-Kisangani (RCD-K), devenu plus tard le
Rassemblement congolais pour la Démocratie-Kisangani /Mouvement de Libération
(RCD-K-ML) et finalement le Rassemblement congolais pour la Démocratie -
Mouvement de Libération (RCD-ML), soutenu par l’Ouganda. Cette configuration
politique va créer de vives tensions entre le Rwanda et l’Ouganda, qui vont finir par
s’affronter pour la première fois à Kisangani, en août 1999, chacun appuyé par ses alliés
rebelles congolais329. Une seconde bataille à Kisangani opposera ces deux Etats et leurs
alliés rebelles congolais en juin 2000. Pour renforcer son influence en Province Orientale,
l’Ouganda va créer, le même mois, un autre mouvement rebelle : le Rassemblement
congolais pour la Démocratie-National (RCD-National ou RCD-N), dirigé par Roger
Lumbala, un transfuge du RCD-Goma (assujetti au Rwanda)330.

D’autres groupes armés ont vu le jour sous l’influence des forces ougandaises
ou rwandaises et de leurs alliés congolais, particulièrement dans le District de l’Ituri, en
Province Orientale. Il s’agit, notamment, du Front des Nationalistes Intégrationnistes
(FNI), du Front de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI), du Parti pour l’Unité et la
Sauvegarde de l’Intégrité du Congo (PUSIC), du Front pour l’Intégration et la Paix en
Ituri (FIPI) et des Forces armées du Peuples congolais (FAPC), proches de l’Ouganda,

327
Cf. GLOBAL WITNESS, Op. cit., p. 10.
328
Cf. Ibidem, p. 10.
329
Cf. Ibidem, p. 12.
330
Cf. Ibidem, p. 13.
86

ainsi que de l’Union des Patriotes congolais(UPC), d’émanation ougandaise, mais


finalement alliée au Rwanda331.

En cette même période, l’on doit signaler la présence sur le territoire


congolais des groupés armés étrangers, communément appelés les « forces négatives »332.
Parmi eux figurent les groupes rebelles ougandais, à savoir l’Alliance des Forces
démocratiques, l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), le West Nile Bank Front, le
People’s Redemption Army ; les groupes rebelles angolais, dont l’Union nationale pour
l’Indépendance totale de l’Angola (UNITA) et le Front de Libération de l’Enclave de
Cabinda (FLEC) ; les groupes rebelles burundais Forces pour la Défense de la
Démocratie (FDD) et Forces nationales de Libération (FNL), ainsi que les ex-Forces
armées rwandaises (FAR) et la milice Interahamwe, qui ont formé, en 1998, l’Armée
pour la Libération du Rwanda (ALIR), et sont devenues, à partir de 2000, les Forces
Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)333. Les FDLR, alliées de fait du
Gouvernement congolais, se sont principalement battues contre les forces rwandaises et
le RCD-Goma334.

Qu’il s’agisse des forces étrangères et des rebelles congolais ou des forces
d’autodéfense populaire, l’exploitation illicite des ressources naturelles a joué un rôle
majeur dans l’approvisionnement en matériels militaires, le paiement de la solde,… et a
même fait naître des ambitions d’enrichissement personnel auprès des belligérants.
Plusieurs hauts responsables militaires et personnalités civiles attachées aux forces et
groupes armés ont été individuellement impliqués dans l’exploitation des ressources
naturelles335. Dans ce contexte, le contrôle des zones minières a souvent été la cause de
récurrents affrontements armés. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, la seconde
bataille de Kisangani, ci-haut évoquée, a été dictée par la détermination des forces

331
Cf. Rapport spécial sur les événements d’Ituri (Janvier 2002-décembre 2003), S/ 2004/573, du 16 juillet
2004, pp. 52-54.
332
Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 27.
333
Cf. Ibidem, p. 27, § 135 et GLOBAL WITNESS, La paix sous tension : Dangereux et illicite commerce
de la cassitérite dans l’est de la RDC, Washington, Global Witness Publishing Inc., 2005, p. 9.
334
Cf. GLOBAL WITNESS, La paix sous tension…, Op. cit., p. 9.
335
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 19-20.
87

rwandaises d’arracher aux forces ougandaises le contrôle du marché du diamant336. De


même, en Ituri, l’or a été la source des luttes entre groupes armés locaux337. En plus,
plusieurs affrontements d’un côté entre divers groupes Mai-Mai et d’un autre côté entre
groupes Mai-Mai et forces ougandaises, aux environs de la ville de Butembo, à l’est de la
RDC, ont eu lieu avec pour objectif la maîtrise des zones riches en coltan
(colombotantalite).

Pour acquérir des moyens financiers, les forces étrangères, les rebelles et
même les forces d’autodéfense locales ont autorisé, sous conditions de paiement de taxes
et redevances, des sociétés étrangères et nationales à exercer des activités minières dans
les zones occupées. Certaines sociétés opéraient déjà légalement en RDC avant le conflit
armé, d’autres, par contre, en ont profité pour s’installer dans les territoires occupés. En
guise d’illustration, la société ougando-thaïlandaise DARA-Forest, qui avait sans succès
sollicité des autorités de Kinshasa une concession forestière en RDC, l’a obtenue des
autorités du RCD-ML, en coopération avec les forces ougandaises338. Même des sociétés
minières étrangères qui ont dûment obtenu l’autorisation du Gouvernement de Kinshasa
ont directement fait allégeance aux forces étrangères, rebelles ou d’autodéfense
populaire, selon le cas. Il y a lieu de noter, par exemple, que la société sud-africaine
AngloGold Ashanti Ltd a tiré bénéfice de ses bonnes relations avec le groupe armé FNI
qui avait le contrôle effectif sur la zone minière de Mongbwalu où elle exploitait de
l’or339. En effet, en contrepartie des avantages matériels et financiers qu’elle accordait au
groupe armé, celui-ci assurait la sécurité de ses agents340. On peut également noter le cas
des sociétés ougandaises Uganda Commercial Impex Ldt et Machanga Ldt, qui ont
exporté de l’or en provenance du Congo sous l’égide de hauts commandants des forces

336
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
formes de richesse de la République démocratique du Congo, S/2002/1146, du 16 octobre 2002, p. 19, §
83.
337
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, New York,
Human Rights Watch, 2005, pp. 21-23.
338
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 10, §§ 47-48.
339
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Op. cit., pp. 65-68.
340
Cf. Ibidem, pp. 68-76.
88

ougandaises341. Du côté rwandais, le rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation


illégale des ressources naturelles et autres richesses de la RDC, du 12 avril 2001,
présente, à son annexe I, un échantillon de 34 sociétés qui importaient des minéraux de la
RDC via le Rwanda342. Les pays de destination sont principalement la Belgique,
l’Allemagne, la Malaisie, le Canada, la République Unie de Tanzanie, la Suisse, les Pays-
Bas, le Royaume-Uni, le Kenya, l’Inde, le Pakistan et la Fédération de Russie343. Par
ailleurs, plus globalement, le rapport final du groupe d’experts sur l’exploitation illégale
des ressources naturelles et autres formes de richesse de la RDC accuse 85 compagnies,
domiciliées ou exerçant leurs activités dans plus de 20 Etats différents, de violations des
Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales344.

Enfin, il importe de relever que certains Etats africains ont facilité


indirectement et passivement l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC en
tant que pays de transit de celles-ci345. A ce propos, les ports de Mombasa (Kenya) et de
Dar-es-Salaam (Tanzanie) ont permis à l’Ouganda et au Rwanda d’exporter du bois, de la
cassitérite, du café et différentes écorces à usage pharmaceutique en provenance de la
RDC, alors que le port de Douala (Cameroun) a facilité au Mouvement de Libération
nationale (MLC) l’exportation des diamants et du café en provenance de la Province de
l’Equateur via Bangui (République centrafricaine)346. En outre, les ports sud-africains de
Durban et de Nelson Mandela (Port Elizabeth) ont servi à l’expédition vers leur
destination finale du diamant, de l’or, du coltan, du cuivre et du cobalt produits
illicitement en RDC, mais traités d’abord en Afrique du Sud347.

341
Cf. Ibidem, p. 112.
342
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 49-50.
343
Cf. Ibidem, pp. 49-50.
344
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
formes de richesse de la République démocratique du Congo, Op. cit., Annexe III, pp. 7-10.
345
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 41, § 191.
346
Cf. Ibidem, pp. 41-42, §§ 191-192.
347
Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 23, §§ 107 et 109.
89

C. Troisième période (3 juin 2003 -…) : Conflits armés internationalisés et conflits


armés internes

La période des conflits armés qui a connu une intense exploitation illicite des
ressources naturelles de la RDC a officiellement pris fin le 2 juin 2003, avec le retrait
définitif des forces ougandaises348, intervenu après celui des forces rwandaises349. Ce fut
l’installation du gouvernement d’union nationale et de transition (intégrant les anciens
mouvements rebelles, devenus alors des partis politiques)350. La même année, le mandat
du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes
de richesses de la RDC351, prorogé (pour la dernière fois) jusqu’au 31 octobre 2003 par la
résolution 1499 (2003) du Conseil de sécurité, du 13 août 2003, a pris fin. En effet, dans
sa Déclaration du 19 novembre 2003, le Président du Conseil de sécurité a pris note du
rapport final (S/2003/1027) du Groupe d’experts… « qui conclut ses travaux »352.

Cependant, la paix n’a pas été totalement rétablie sur le territoire national.
Des hostilités se sont poursuivies à l’est de la RDC, notamment dans le District de l’Ituri
et dans les Provinces du Nord et du Sud-Kivu. Profondément préoccupé par cette
situation, le Conseil de sécurité a, par la résolution 1493 (2003), du 28 juillet 2003,
imposé aux Etats, y compris la RDC, un embargo sur les armes destinées « à tous les
groupes armés et milices étrangers et congolais opérant dans le territoire du Nord et du
Sud-Kivu et de l’Ituri, et aux groupes qui ne sont pas parties à l’Accord global et inclusif,
en République démocratique du Congo »353. Par la suite, il a créé, par sa résolution
1533(2004), du 12 mars 2004, un Comité du Conseil de sécurité, composé de tous les
membres du Conseil, chargé notamment du suivi des mesures nécessaires prises par les
Etats pour empêcher tout appui aux groupes armés en Ituri, au Sud-Kivu et au Nord-
Kivu. Conformément à cette résolution, le Secrétaire général, agissant en consultation

348
Cf. CIJ, Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt du 19 décembre 2005, CIJ Recueil, 2005, § 264.
349
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Op. cit., p. 2.
350
Cf. GLOBAL WITNESS, La paix sous tension…, Op. cit., p. 9.
351
Voir le contenu de ce mandat dans la Déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2000/20,
du 2 juin 2000, p. 1.
352
Cf. Déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2003/21, 19 novembre 2003, p. 1. C’est
nous qui introduisons le caractère italique pour insister sur la fin du mandat.
353
S/RES/1493 (2003), 28 juillet 2003, p. 4, § 20.
90

avec ledit Comité, est habilité à établir des Groupes d’experts sur la République
démocratique du Congo, avec un mandat portant, entre autres, sur la récolte et l’analyse
d’informations relatives aux mouvements des armes et autres matériels connexes de ces
groupes armés. D’autres résolutions du Conseil de sécurité abondent dans ce sens354.

En Ituri, les six groupes armés nationaux mentionnés ci-dessus (FNI, FRPI,
PUSIC, FIPI, FAPC, UPC) sont restés très opérationnels jusqu’à début 2005. Leur
fragilité a commencé lorsqu’« après le meurtre de neuf soldats de maintien de la paix des
Nations unies en Ituri en février 2005, le gouvernement de transition a arrêté Floribert
Ndjabu, Thomas Lubanga et une poignée d’autres commandants de haut rang en
Ituri »355. En outre, en août 2005, à l’appel du Gouvernement de transition, trois de ces
groupes armés (FNI, PUSIC et UPC) sont devenus des partis politiques356. Ce faisant, la
plupart de leurs éléments ont quitté le maquis. Bien plus, la remise à la Cour pénale
internationale et le transfèrement au quartier pénitentiaire à La Haye de Thomas Lubanga
de l’UPC (17 mars 2006), de Germain Katanga du FRPI (17 octobre 2007) et de Mathieu
Ngudjolo Chui du FNI (7 février 2008)357 ont largement contribué à l’affaiblissement de
ces groupes armés en Ituri. S’agissant des groupes armés étrangers, la majorité des
éléments de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), qui étaient encore actifs en Ituri
jusqu’en 2008, se retrouvent actuellement dans le Soudan du Sud et dans le sud-est de la
République centrafricaine, suite à la pression exercée contre eux par les armées
congolaises et ougandaises358. Au cours de cette dernière période du conflit congolais,
l’exploitation illicite des ressources naturelles par les poches de résistance des groupes
armés en Ituri, d’une moindre importance, est enregistrée « à proximité des mines d’or les

354
Voir, par exemples, les résolutions suivantes : Rés. 1552 (2004), 27 juillet 2004 ; Rés. 1596 (2005), 18
avril 2005 ; Rés. 1616 (2005), 29 juillet 2005 ; Rés. 1654 (2006), 13 janvier 2006 ; Rés. 1698 (2006), 31
juillet 2006 ; Rés. 1768 (2007), 13 juillet 2007 ; Rés. 1771 (2007), 10 août 2007 ; Rés. 1799 (2008), 15
février 2008 ; Rés. 1807 (2008), 31 mars 2008 ; Rés. 1857 (2008), 22 décembre 2008 ; Rés. 1896 (2009), 7
décembre 2009 ; Rés. 1952 (2010), 29 novembre 2010 ; Rés. 2021(2011), 29 novembre 2011 ; etc.
355
HUMAN RIGHTS WATCH, Op. cit., p. 23. Floribert Ndjabu et Thomas Lubanga étaient
respectivement Président du FNI et Président de l’UPC.
356
Voir http://congovox.blogspot.com/2010/10/liste-des-partis-politiques-en-rdc.html consulté le 18 août
2011.
357
Voir http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Situations+and+Cases/Situations/Situation+ICC+0104/ consulté
le 16 août 2011.
358
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2010/596, 29
novembre 2010, pp. 32-33, §§ 103-107.
91

plus éloignées » 359. En revanche, ce sont des éléments indisciplinés des Forces armées de
la RDC (FARDC) qui sont de plus en plus impliqués directement dans le commerce des
minéraux360.

Par ailleurs, dans les Provinces du Nord et du Sud-Kivu, deux groupes armés
sont restés particulièrement actifs dans le pillage systématique des ressources naturelles :
le Congrès national pour la Défense du Peuple (CNDP) et les Forces Démocratiques pour
la Libération du Rwanda (FDLR)361. Le CNDP, un mouvement politico-militaire dirigé
par le Général Laurent Nkunda, a officiellement vu le jour le 25 juillet 2006, en territoire
de Rutshuru, avec l’objectif officiel de défendre les populations tutsi du Nord-Kivu
contre les attaques des FDLR coalisées avec l’armée congolaise « brassée » (FARDC)362.
Ce mouvement était appuyé par le Gouvernement rwandais, en ce qui concerne le
recrutement, notamment d’enfants, la fourniture du matériel militaire et la formation
militaire par des officiers des Forces de Défense rwandaises (RDF)363. Dans les zones
minières qu’elles contrôlaient, les troupes du CNDP avaient un regard très vigilant sur la
production des sociétés minières et des creuseurs artisanaux. Elles percevaient des taxes

359
Ibidem, p. 73, § 245.
360
Cf. Ibidem, p. 73, §§ 246-247.
361
D’autres groupes armés, notamment les PARECO et différents groupes Maï-Maï au Nord et au Sud-
Kivu, participaient eux aussi parfois à l’activité minière, mais plutôt lorsque l’occasion se présentait que
dans le cadre d’une stratégie bien organisée (GLOBAL WITNESS, « Face à un fusil, que peut-on faire ? ».
La guerre et la militarisation du secteur minier dans l’est du Congo, Londres, Global Witness Ltd, 2009, p.
55). Le sigle PARECO signifie : Coalition des Patriotes Résistants congolais.
362
Cf. N. NZEREKA MUGHENDI, Op. cit., pp. 287-288. Pour tenter de mettre un terme aux récurrents
conflits armés en RDC, le gouvernement congolais a initié un processus d’intégration des groupes armés
dans les forces armées de la RDC (FARDC). Ce processus dénommé « brassage » consistait en une
formation, dans les camps des FARDC, des éléments issus des groupes armés. Ceux-ci étaient ensuite
déployés dans les territoires autres que ceux qu’ils contrôlaient avant le processus (Cf. http://www.pole-
institute.org/site%20web/echos/echo47.htm consulté le 7 mai 2013). Le CNDP, d’obédience rwandaise, a
résisté au « brassage ». En accord avec le gouvernement congolais, il a été institué un autre processus
appelé « mixage ». Contrairement au « brassage », dans le « mixage », l’intégration des insurgés (CNDP) a
été faite automatiquement après la formation, par des brigades loyalistes, des seuls officiers supérieurs du
CNDP. La formation se déroulait dans les cas des insurgés. Et tous les insurgés intégrés dans les rangs des
FARDC devaient continuer d’œuvrer dans les territoires jadis contrôlés par le CNDP (Provinces du Nord-
Kivu et du Sud-Kivu) (Cf. http://www.pole-institute.org/site%20web/echos/echo47.htm consulté le 7 mai
2013). Dès lors, une partie des FARDC est restée de facto sous l’allégeance de l’armée rwandaise. Cette
situation sera à la base du conflit armé déclenché plus tard par d’anciens éléments du CNDP réunis au sein
d’une autre rébellion appelée Mouvement du 23 mars (M23), dont on parlera incessamment.
363
Sur les preuves de l’appui au CNDP par le Gouvernement rwandais, lire le Rapport final du Groupe
d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2008/773, 12 décembre 2008, pp. 16-20, §§ 61-68.
Lire également HUMAN RIGHTS WATCH, « Vous serez punis ». Attaques contre les civils dans l’est du
Congo, New York, Human Rights Watch, 2009, pp. 34-35.
92

sur les minerais vendus et sur les mines elles-mêmes, et s’emparaient parfois de la
production364. Les mines concernées étaient celles de coltan, de wolframite et de
cassitérite365. Le CNDP était également impliqué dans le commerce en Ouganda du
charbon de bois du parc national des Virunga, via le poste frontalier congolo-ougandais
de Bunagana366. Pour le commerce des minerais, il travaillait avec des sociétés et
comptoirs basés à Goma, notamment le comptoir MUNSAD et la société Mwangachuchu
Hizi International (MHI), ainsi qu’avec la société belge Trademet367. Le processus
d’intégration du CNDP dans les Forces armées de la RDC (FARDC) a échoué vu que « le
CNDP conserv[ait] des unités et des armes non intégrées, a[vait] des liens avec des
groupes armés et présent[ait] de profondes divisions internes »368. En plus, bien que le
CNDP soit déjà reconnu comme un parti politique, des unités des FARDC issues de ce
mouvement se sont opposées à leur déploiement en dehors du Nord-Kivu et du Sud-Kivu,
où elles continuaient de se livrer à l’exploitation illicite des ressources naturelles369. En
2012, des anciens membres du CNDP, intégrés dans les FARDC, se sont mutinés et ont
créé le Mouvement du 23 mars (M23)370. Le M23, soutenu par le Rwanda et l’Ouganda,
se caractérise par de graves violations des droits de l’homme et l’exploitation illicite des
ressources naturelles de la RDC371. Suite à la menace que représentait le M23 pour la
RDC, le Conseil de sécurité a, par sa résolution 2098 (2013), créé au sein de la Mission
de l’Organisation des Nations unies pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO) une
« brigade d’intervention » chargée de « neutraliser les groupes armés » opérant sur le

364
Cf. Ibidem, p. 15, § 57 et GLOBAL WITNESS, « Face à un fusil, que peut-on faire ? », Op.cit., pp. 54-
55.
365
Cf. GLOBAL WITNESS, « Face à un fusil, que peut-on faire ? »…, Op. cit., p. 54.
366
Cf. Ibidem, p. 55.
367
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2008/773, 12
décembre 2008, pp. 15-16, §§ 58-60.
368
Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2010/596, 29
novembre 2010, p. 3.
369
Cf. Ibidem, p. 3.
370
L’appellation « Mouvement du 23 mars » résulte des réclamations de ses membres, qui estiment que le
gouvernement congolais n’a pas respecté l’accord signé avec le CNDP le 23 mars 2009 au moment de leur
intégration dans les FARDC.
371
Cf. Lettre datée du 12 octobre 2012 adressée au Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la
résolution 1533(2004) par le Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2012/843, 15
novembre 2012, notamment, p. 6, § 4, p. 40, § 146 et p. 42, § 159.
93

territoire congolais372. Les opérations militaires menées fin octobre-début novembre 2013
par les FARDC appuyées par cette brigade d’intervention des Nations unies ont
complètement mis en déroute le M23, qui a annoncé la fin de sa rébellion le 5 novembre
2013373.

A propos des FDLR, un rapport du Groupe d’experts sur la RDC indique :


« La principale source de financement des FDLR est le commerce illicite des ressources
minérales. […] Le groupe estime que les FDLR tirent des bénéfices se chiffrant en des
millions de dollars par an du commerce de minéraux dans l’est de la République
démocratique du Congo, en particulier la cassitérite, l’or, le coltan et la wolframite »374.
Pour ce commerce illicite de minerais, les FDLR coopéraient au Sud-Kivu et au Nord-
Kivu principalement avec les entreprises congolaises suivantes : le Groupe Olive,
l’Etablissement Muyeye, la société MDM Sprl, la World Mining Company (WMC),
l’Etablissement Panju et Glory Mineral375. De nombreuses sociétés étrangères, parmi
lesquelles, la société belge Traxys et la société Afrimex, domiciliée au Royaume-Uni,
s’approvisionnaient auprès de ces sociétés congolaises au Nord-Kivu et au Sud-Kivu376.
Pour ne pas inutilement allonger la liste d’entreprises étrangères impliquées dans le
commerce illicite des minerais produits dans les zones contrôlées par les FDLR, le
Groupe d’experts sur la RDC, à propos des violations concernant les ressources naturelles
et l’embargo sur les armes, résume la situation en ces termes: « La cassitérite, le coltan et
la wolframite sont officiellement exportés par des entreprises installées en Belgique, au
Rwanda, en Malaisie, en Thaïlande, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande
du Nord, à Hong-Kong (Chine), au Canada, en Fédération de Russie, en Autriche, aux
Pays-Bas, en Suisse, en Inde, aux Emirats arabes unis et en Afrique du Sud. Les

372
Cf. S/RES/2098 (20132), 28 mars 2013, p. 6, § 9.
373 Cf. « Le M23 annonce la fin de sa rébellion en RDC », disponible sur
http://radiookapi.net/actualite/2013/11/05/le-m23-annonce-la-fin-de-sa-rebellion-en-rdc/ consulté le 5
novembre 2013.
374
Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2008/773, 12 décembre
2008, pp. 21-22, §§ 72-73.
375
Cf. Ibidem, pp. 22 et 26, §§ 78 et 94 ; pp. 78-79, Annexe 12 ; et Rapport final du Groupe d’experts sur
la République démocratique du Congo, S/2009/603, 23 novembre 2009, pp. 35-36, §§ 128-130.
376
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2008/773, 12
décembre 2008, p. 25, § 88. Concernant d’autres sociétés étrangères impliquées dans l’achat des minerais
dans les zones contrôlées par les FDLR, voir Rapport final du Groupe d’experts sur la République
démocratique du Congo, S/2009/603, 23 novembre 2009, p. 47, §§ 174-177.
94

principaux points d’exportation de ces minerais sont Mombasa et Dar-es-Salaam. […]


L’or sort en contrebande par les pays voisins avant de rejoindre principalement les
Emirats arabes unis et l’Europe »377.

En somme, au cours des conflits armés en RDC, plusieurs acteurs sont


directement intervenus dans l’exploitation illicite des ressources naturelles, à savoir des
acteurs étatiques (Rwanda, Ouganda), des groupes armés nationaux et étrangers, des
personnes physiques agissant à titre individuel, y compris de hauts responsables
politiques et militaires congolais, et des entreprises étrangères et nationales. En revanche,
d’autres Etats sont concernés indirectement, à savoir les Etats d’origine (nationalité,
domicile) ou de contrôle des entreprises étrangères impliquées dans l’exploitation des
ressources naturelles. Il en va de même des pays de transit et des pays de destination des
ressources naturelles provenant illicitement de la RDC.

A présent, il convient de présenter les modalités concrètes d’exploitation


illicite des ressources naturelles par ces divers acteurs.

§2. Conflits armés et modalités d’exploitation illicite des ressources naturelles

L’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC pendant le conflit


armé a revêtu trois formes : la confiscation, l’exploitation directe et l’établissement d’un
monopole accompagné d’une fixation arbitraire des prix378.

La confiscation des ressources naturelles consistait en ce que, dans les zones


occupées entre 1998 et août 1999, les forces ougandaises et rwandaises, ainsi que leurs
alliés locaux, s’emparaient de tous les stocks de minerais, de produits agricoles et
forestiers et de bétail. Toutes ces ressources étaient chargées dans les véhicules et avions
de l’armée379.

377
Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2008/773, du 12
décembre 2008, p. 35, § 129.
378
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 25.
379
Cf. Ibidem, p. 8, §§ 32-33.
95

Après avoir (quasiment) épuisé toutes les ressources naturelles disponibles en


stocks, les forces occupantes se sont livrées directement à l’extraction. Pour reprendre les
mots du Groupe d’experts, « la confiscation et l’exploitation directe des richesses ont
atteint des proportions telles que la guerre en République démocratique du Congo est
devenue une ‘‘affaire’’ très lucrative »380. Au cours de cette exploitation, les forces
occupantes réquisitionnaient, à des fins de travaux forcés, des civils, hommes, femmes et
enfants, et avaient même recours à l’importation de prisonniers381. A ce sujet, le Groupe
d’experts a souligné que cette exploitation des ressources humaines, qui donne lieu à des
violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme, est un phénomène beaucoup
plus grave que l’exploitation des ressources matérielles382. Effectivement, comme on peut
le lire dans plusieurs rapports des ONG des droits de l’homme, en l’occurrence « Le fléau
de l’or », publié par Human Rights Watch, les mines ont été des lieux de violations
massives des droits de l’homme comme l’a déclaré un creuseur d’or : « On est maudit à
cause de notre or. On ne fait que souffrir. Il n’y a pas de profit pour nous »383. Ces
violations ont également été dénoncées par des organes des Nations Unies. A titre
exemplatif, le Secrétaire général, dans sa note intitulée « Protection des enfants touchés
par les conflits armés », présentée à la cinquante-huitième session de l’Assemblée
générale, mentionne : « Le pillage des ressources naturelles dans les régions en conflit,
en particulier le pillage des diamants, de l’or, du bois d’œuvre et de la colombotantalite
(coltan) a assuré le financement des machines de guerre qui brutalisent les enfants. Le
Représentant spécial s’est employé à faire parler davantage de cette question, en
particulier en République démocratique du Congo et en Sierra Leone, et il a attiré
l’attention sur le fait que les ressources qui devraient être consacrées à la réinsertion des
enfants, à leur éducation et aux soins de santé étaient littéralement pillées »384. De
même, examinant la question de la violation des droits de l’homme et des libertés

380
Ibidem, p. 6, § 25.
381
Cf. Ibidem, pp. 12-13, §§ 58-60.
382
Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 16.
383
HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op.cit., p.1. Dans le
même sens, un creuseur de Shabunda (Sud-Kivu) a déclaré : « Nous sommes leur viande, leurs animaux.
On n’a rien à dire » (GLOBAL WITNESS, « Face à un fusil, que peut-on faire ? »…, Op. cit., p. 4).
384
Protection des enfants touchés par les conflits armés, Note du Secrétaire général, A/ 58/328, 29 août
2003, p. 12.
96

fondamentales, où qu’elle se produise dans le monde, précisément la situation des droits


de l’homme en République démocratique du Congo en 2002, la Commission des droits de
l’homme se déclare préoccupée par « h) L’exploitation illégale des ressources naturelles
de la République démocratique du Congo, par le lien qui existe entre cette exploitation et
la poursuite du conflit, ainsi que par la violation systématique des droits de l’homme
subie par la population congolaise, et exige que cette exploitation cesse, en soulignant
que les ressources du pays ne doivent pas servir à y financer le conflit »385.

Au demeurant, pour maximiser leurs revenus, les puissances occupantes ont


créé par la force des monopoles et ont procédé elles-mêmes à la fixation des prix. Non
seulement elles ont utilisé des sociétés nationales et étrangères, mais des cadres militaires
et civils faisant parties d’un « réseau d’élites » ont créé des entreprises en recourant à des
« prête-noms ». Plusieurs sociétés fictives ont été ainsi créées pour se livrer au commerce
illicite des ressources naturelles386. Certaines sociétés ont même fait recours à l’usage de
fausse monnaie (faux francs congolais et faux dollars américains) pour acheter des
ressources naturelles387. Enfin, un cas très particulier mérite d’être souligné pour le
Rwanda, qui a créé le « Bureau Congo » pour une administration continue et efficace de
ses activités armées en RDC, en particulier l’exploitation illicite des ressources
naturelles388.

Les groupes armés, faute d’organisation aussi soutenue que celle des forces
d’occupation, ont généralement recours à la confiscation et à l’extraction directe des
ressources naturelles.

Toutes les ressources naturelles dont regorge la RDC n’ont pas subi le même
degré d’exploitation illicite. Il sied de faire le point sur les ressources les plus visées.

385
Question de la violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, où qu’elle se produise
dans le monde, E/ CN.4/ 2002/ L.25, 12 avril 2002, p. 7.
386
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 10-19.
387
Cf. Ibidem, pp. 14, 20 et 42, §§ 67, 93 et 194.
388
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
formes de richesse de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 15, § 65.
97

§3. Ressources naturelles les plus touchées par l’exploitation illicite pendant les
conflits armés

Il peut paraître abstrait de parler d’exploitation illicite des ressources


naturelles sans préciser les ressources affectées ou tout simplement d’en énumérer
certaines, sans données chiffrées. Ainsi nous semble-t-il important de donner au lecteur
une vue d’ensemble des ressources naturelles les plus touchées par l’exploitation illicite
au cours des conflits armés en RDC. Pour chaque ressource, nous préciserons les
principaux acteurs, quelques données chiffrées de l’exploitation illicite par chacun des
acteurs, en expliquant, le cas échéant, les causes particulières suscitant la convoitise à
l’égard de cette ressource, et si possible, en dégageant des éléments qui facilitent son
exploitation illicite. Faute d’une présentation synoptique de statistiques des ressources
naturelles illicitement exploitées, nous prendrons en considération les ressources les plus
citées dans les rapports d’enquêtes des groupes d’experts onusiens, des institutions
étatiques (Sénat de Belgique389, Commission Porter en Ouganda390, Commission
Lutundula391 et Division des Mines en RDC), des organisations non gouvernementales,
etc.

A titre indicatif, le Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources


naturelles et autres richesses de la RDC, qui a élaboré une liste non exhaustive de
ressources naturelles exploitées pendant les conflits armés, tant du côté gouvernemental
que de celui des forces d’occupation, considère que « la colombotantalite, l’or, le cuivre

389
SENAT DE BELGIQUE, Rapport de la Commission d’enquête parlementaire chargée d’enquêter sur
l’exploitation et le commerce légaux et illégaux de richesses naturelles dans la région des Grands Lacs au
vu de la situation conflictuelle actuelle et de l’implication de la Belgique, Rapport fait au nom de la
Commission d’enquête « Grands Lacs » par MM. Colla et Dallemagne, Session de 2002-2003, Doc. 2-
942/1, 20 février 2003.
390
THE REPUBLIC OF UGANGA, Judicial Commission of Inquiry into allegations into illegal
exploitation of natural resources and other forms of wealth in the Democratic Republic of Congo
2001(May-October 2001), Legal Notice No. 5/2001, Interim Report, October, 2001, S/2001/1080, 15
November 2001; THE REPUBLIC OF UGANGA, Judicial Commission of Inquiry into allegations into
illegal exploitation of natural resources and other forms of wealth in the Democratic Republic of Congo
2001(May 2001- November, 2002), Legal Notice No. 5/2001, as amended, Final Report, November, 2002,
available at http://archive.niza.nl/docs/200305271650358053.pdf consulted on 16 November 2013.
391
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, Assemblée nationale, Commission spéciale chargée
de l’examen de la validité des conventions à caractère économique et financier conclues pendant les guerres
de 1996-1997 et de 1998, Rapports des travaux sous la Présidence de Christophe Lutundula, Kinshasa,
2006.
98

et le cobalt, les diamants, le bois d’œuvre (…) sont des produits qui illustrent les formes
actuelles de cette exploitation »392. De même, dans le rapport de la Commission
d’enquête parlementaire diligentée par le Sénat de Belgique, nous lisons : « Le diamant,
l’or, le coltan, le bois, le cuivre et le cobalt sont les principales ressources qui font l’objet
d’un pillage »393. Profondément préoccupé par de graves violations des droits de
l’homme au cours d’une intense exploitation illicite de l’or pendant le conflit armé en
RDC, Human Rights Watch n’a pas manqué de dénoncer le « fléau » que cause
l’exploitation illicite de ce minerai394. Divers rapports du Groupe d’experts sur la RDC et
de Global Witness, que nous avons déjà évoqués, insistent sur l’exploitation illicite du
coltan, de l’or, de la cassitérite et de la wolframite au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et au
Maniema.

Cela dit, il s’ensuit qu’au titre des ressources naturelles les plus touchées
pendant le conflit armé figurent tout d’abord des ressources minérales (A), puis des
ressources végétales (B). Toutefois, nous ne manquerons pas de jeter un coup d’œil sur
les espèces de la faune sauvage menacées d’extinction (C).

Nous n’aborderons que l’exploitation des « ressources de conflits », c’est-à-


dire celles qui provenaient des secteurs contrôlés par des forces étrangères non invitées
(par le gouvernement) ou par des factions ou groupes armés opposés au gouvernement
légitime au regard de la communauté internationale et qui étaient utilisées pour financer
des opérations militaires contre ce gouvernement ou en contravention des décisions du
Conseil de sécurité395. Leur exploitation présentait une illicéité manifeste, car effectuée
sans le consentement du pouvoir légitime. Par contre, dans les zones sous le contrôle

392
Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 15.
393
SENAT DE BELGIQUE, Op. cit., p. 33. Il faut néanmoins noter que le mot « pillage » n’est pas pris ici
dans son sens du droit international. En effet, le rapport se réfère à Marysse et André (Cf. Ibidem, p. 33),
qui donnent au pillage une définition économique : « Dès lors, l’on parle de pillage économique à partir du
moment où une ressource quitte un territoire sans contrepartie en importations, déduction faite de la valeur
ajoutée qui reste sur place » (S. MARYSSE et C. ANDRE, « Art. cit. », p. 314). Il est déjà intéressant
d’avoir une idée sur les ressources qui ont été les plus exploitées pendant le conflit armé. Il nous reviendra
d’examiner au cas par cas si l’exploitation était licite ou illicite.
394
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op.cit., p.1 et
suivantes.
395
Nous nous inspirons de la définition des « diamants de la guerre » donnée précédemment.
99

gouvernemental, le Zimbabwe, invité par la RDC, et des entreprises étrangères et


nationales exploitaient des ressources naturelles sur la base des accords (contrats) avec le
gouvernement. Il s’agit à première vue d’une exploitation licite même si ces contrats ont
parfois été qualifiés de léonins. L’essentiel pour le gouvernement congolais était
d’obtenir un appui militaire et de générer des revenus pour financer le conflit armé. Ce
financement du conflit au moyen des ressources naturelles par le gouvernement légitime
était tout à fait licite. Le cuivre et le cobalt étaient exploités dans ce cadre396 et ne
rentreront pas dans cette étude, bien qu’ils aient fait l’objet d’une surexploitation.

A. Ressources minérales

Nous traiterons successivement des diamants, de l’or, de la Colombotantalite


(coltan), de la cassitérite et de la wolframite.

1.Diamants
Depuis longtemps, la RDC figure parmi les grands producteurs des diamants.
Les provinces congolaises les plus riches en diamants sont le Kasaï oriental (Mbuji-
Mayi), le Kasaï occidental (Tshikapa) et la Province orientale (Kisangani). D’autres
provinces en disposent également, quoiqu’en petites quantités. Les diamants congolais,
en grande partie d’origine alluvionnaire, sont exploités artisanalement, à l’exception des
pipes de kimberlites (roches volcaniques) de Mbuji-Mayi, dont l’exploitation par la
Minière des Bakwanga (MIBA) est surtout industrielle397.

Tout comme en Angola et en Sierra Leone, les diamants ont contribué à la


poursuite du conflit armé en RDC398. A ce sujet, il y a lieu de se rappeler les
affrontements de Kisangani entre forces rwandaises et ougandaises. C’est à juste titre que

396
Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 9-10, §§ 30-35.
397
Cf. GLOBAL WITNESS, La paix sous tension…, Op. cit., p. 29 et SENAT DE BELGIQUE, Op. cit., p.
34. Pour plus de détails sur la production congolaise de diamants, voir L. MUPEPELE MONTI, L’industrie
minérale congolaise, Op. cit., pp. 65-79.
398
« Les diamants provenant de l’exploitation artisanale dans le secteur de Kisangani ont fourni une source
de revenus aux rebelles, à l’Armée patriotique rwandaise, aux Forces armées ougandaises » (Additif au
rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la
République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 11-12, § 44).
100

le Groupe d’experts parle des « ‘‘diamants de la guerre’’ de Kisangani »399. Après la


conquête de Kisangani, l’Armée patriotique rwandaise(APR) a créé un monopole
d’exportation des diamants : tous les diamantaires locaux étaient obligés de vendre à un
comptoir principal agréé par le « Bureau Congo » de l’APR, en collaboration avec le
RCD-Goma. Des militaires de l’APR emportaient les diamants de ce comptoir à un prix
dérisoire, qu’ils fixaient eux-mêmes400. Le propriétaire du comptoir devait payer des
taxes au « Bureau Congo » et au RCD-Goma. Ainsi, par exemple, en 2001, M. Hamad
Khalil s’est acquitté d’une taxe de 500 000 dollars américains par mois en exportant des
diamants d’une valeur de 576 380 dollars en 27 jours401. Par ailleurs, au Kasaï oriental,
malgré l’établissement d’un monopole d’exportation dans les régions du Sankuru et de
Lodja, il a été constaté que « des officiers de l’APR acheminaient clandestinement de
grandes quantités de diamants du Kasaï oriental vers le Bureau Congo à Kigali », au
détriment du RCD-Goma402.

Dans les zones contrôlées par des forces ougandaises et leurs alliés rebelles,
le commerce des diamants par les sociétés locales était coordonné par une société écran,
le groupe Victoria, qui les exportait via Kampala403. Cette société utilisait des capitaux et
des services de commercialisation de la société belge Nami Gems à Anvers404. Le Groupe
d’experts, qui se réfère au Conseil supérieur du diamant, souligne : « De 1987 à 1996,
aucune exportation de diamants par l’Ouganda n’a été enregistrée pour ce marché.
Entre 1997 et 2000, les exportations de l’Ouganda se situaient entre 2 000 et 11 000
carats, avec des valeurs pouvant atteindre 1,7 million de dollars par an. Les chiffres pour
2001, extrapolés des ventes des huit premiers mois, montrent que les exportations de
diamants ougandaises vers Anvers sont estimées à 35 000 carats, pour une valeur de 3, 8
millions de dollars »405.

399
Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes
de richesse de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 19, § 86.
400
Cf. Ibidem, p. 19, §§ 83- 84.
401
Cf. Ibidem, p. 19, § 85.
402
Cf. Ibidem, p. 19, § 85.
403
Cf. Ibidem, p. 24, § 112.
404
Cf. Ibidem, p. 24, § 112.
405
Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 12, § 44.
101

L’implication de l’Ouganda dans l’exploitation illicite des diamants congolais


se déduit très logiquement de ces données relatives aux exportations ougandaises de
diamants :

« a) L’Ouganda ne produit pas de diamants officiellement ;

b) Les exportations de diamants en provenance de l’Ouganda n’ont été


observées que depuis quelques années et ce phénomène coïncide curieusement avec
l’occupation de la partie orientale de la République démocratique du Congo »406.

Le même raisonnement s’applique mutatis mutandis aux exportations de


diamants entre 1997 et 2000 par le Rwanda407.

La facilité du commerce illicite des diamants congolais est due à certains


facteurs. D’une part, ils sont répandus sur l’ensemble du territoire national et leur
extraction est plus artisanale qu’industrielle408. D’autre part, ils sont légers et ne posent
pas de problème de transport, car susceptibles même de se mettre en poche409.

2.Or
En RDC, l’or se trouve principalement dans le Nord-est, à savoir en Province
orientale, au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, au Maniema et au Nord-est du Katanga. Son
extraction y est plus artisanale qu’industrielle410. A en croire Human Rights Watch, cette
région « abrite l’un des gisements aurifères les plus riches de toute l’Afrique »411. Hormis
les exportations réalisées officiellement par des entreprises minières, l’exportation de l’or
de la RDC s’opère en contrebande, à travers les pays voisins (Ouganda, Rwanda,
Burundi, etc.). Il est ainsi difficile d’en trouver de statistiques complètes. Nous nous
référerons seulement aux statistiques citées dans le rapport des experts des Nations unies

406
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 22, § 98. Sur les pays producteurs de diamants bruts,
voir http://www.diamants-infos.com/brut/producteur.html consulté le 24 août 2011.
407
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 26, § 104 et Tableau 5.
408
Cf. SENAT DE BELGIQUE, Op.cit., p. 34.
409
Cf. Ibidem, p. 34.
410
Cf. GLOBAL WITNESS, La paix sous tension…, Op. cit., p. 32.
411
HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op.cit., p.1.
102

du 12 avril 2001, dans le rapport du Sénat de Belgique du 20 février 2003 et dans


l’ouvrage de Léonide Mupepele Monti (2012)412.

Avant l’éclatement du conflit armé en 1996, l’or était exploité par trois
grandes entreprises d’Etat congolaises : l’Office des mines d’or de Kilo-Moto (OKIMO),
dans le District de l’Ituri, en Province orientale, la Société minière et industrielle du Kivu
(SOMINKI), au Sud-Kivu, et la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), au
Nord-est du Katanga413. En 1996, des sociétés étrangères ont acquis des concessions
minières de ces trois entreprises congolaises. Une petite partie des concessions de
l’OKIMO a été acquise par Kimin, une joint-venture entre l’Etat zaïrois et le groupe
belgo-canadien Mindev, qui l’a cédée à son tour au groupe ghanéen Ashanti
Goldfields414. Mais la grande partie a été acquise par le conglomérat canadien Barrick
Gold Corporation, quelques semaines avant la conquête de l’Est du Zaïre par l’AFDL,
rappelons-le, une rébellion congolaise appuyée par le Rwanda et l’Ouganda, ce qui
« permet de présumer que ce géant de l’or était […] à tout le moins informé de la
rébellion toute proche et de son issue »415. Du côté de la SOMINKI, une convention a été
conclue entre cette société, l’Etat zaïrois et la société canadienne Banro Resource
Corporation aux fins de la reprise de tous les droits miniers de la SOMINKI par la
Société aurifère du Kivu et du Maniema (SAKIMA), une joint-venture constituée par
Banro et l’entreprise britannique Cluff Mining416.

Dès la conquête de l’Est du Zaïre par l’AFDL, en 1996, la société américano-


canadienne American Mineral Fields International (AMFI), une des entreprises, qui, de
concert avec l’Ouganda et le Rwanda, ont placé Laurent-Désiré Kabila à la tête de la
rébellion417, a obtenu des concessions de la GECAMINES, notamment dans la mine de

412
Voir L. MUPEPELE MONTI, L’industrie minérale congolaise, Op. cit., pp. 46-62.
413
Cf. GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire…, Op. cit., p. 32.
414
Cf. SENAT DE BELGIQUE, Op.cit., p. 113-115.
415
Ibidem, p. 114.
416
Cf. Ibidem, p. 113 et GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire…, Op. cit., p. 32.
417
Cf. A. DENEAULT et al., Op. cit, p. 59. Les autres entreprises qui ont placé L.-D. Kabila au pouvoir
pour tirer profit des richesses de la RDC sont les sociétés canadiennes Anvil, Emaxon, First Quantum,
Kinross et Lundin (Cf. Ibidem, p. 107). AMFI a été ultérieurement dénommée Adastra Mining, puis
Adastra Minerals Inc. (Cf. Ibidem, p. 59 et 117).
103

zinc-cuivre de Kipushi, au Katanga, qui comprend également des gisements d’or418. En


1998, L.-D. Kabila a arraché de nombreuses concessions à l’AMFI, au profit d’autres
entreprises canadiennes et sud-africaines, et a renégocié à la baisse les contrats de Barrick
Gold et de Mindev419. Par ailleurs, il a remplacé la SAKIMA par la Société minière du
Congo (SOMICO), tout en mettant fin au contrat conclu entre l’Etat zaïrois et l’entreprise
Banro420.

Déçues par la position de L.-D. Kabila, AMFI, Banro, Barrick et Mindev se


sont ralliées à l’Ouganda et au Rwanda pour lancer des hostilités contre lui à partir d’août
1998421. Avec l’occupation du Nord-est de la RDC par l’Ouganda et le Rwanda,
l’OKIMO est tombée sous le contrôle des forces ougandaises, alors que la SOMICO (ex-
SOMINKI) et les anciennes concessions de Banro sont tombées sous le contrôle du RCD
et des forces rwandaises422. En septembre 2001, le RCD-Goma a attribué la quasi-totalité
des concessions de l’ex-SOMINKI, parmi lesquelles les concessions aurifères de
Twangiza, à l’entreprise Congo Holding Development Company (CHDC), dirigée par
deux fidèles du régime rwandais423. La CHDC a créé une joint-venture avec la société
sud-africaine Trackstar Reading 151 Ltd424.

Concernant l’implication directe de l’élite politico-militaire ougandaise dans


l’exploitation illicite de l’or congolais, force est de noter qu’elle a commencé pendant la
lutte menée par l’AFDL. En effet, après la conquête de l’Est de la RDC, alors Zaïre, le
général ougandais Khaleb Akandwanaho, alias Salim Saleh, beau-frère du Président
ougandais Yoweri Museveni, a directement créé à Kisangani un poste commercial pour
l’achat d’or et de diamants dénommé « Caleb International »425. Durant l’occupation

418
Cf. GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire…, Op. cit., p. 32.
419
Cf. A. DENEAULT, et al., Op. cit., p. 107.
420
Cf. SENAT DE BELGIQUE, Op. cit., p. 113. Banro a intenté contre la RDC une action en
dédommagement devant le CIRDI et ultérieurement devant la Cour fédérale américaine. Mais ces
procédures ont connu un retard et Banro s’est retirée de la RDC en juillet 2000. C’est en 2003 que le
gouvernement Joseph Kabila lui a rendu les concessions (Cf. Ibidem, p. 113 et GLOBAL WITNESS,
S.O.S. Toujours la même histoire…, Op. cit., p. 32).
421
Cf. A. DENEAULT et al., Op. cit., pp. 107 et 110.
422
Cf. SENAT DE BELGIQUE, Op. cit., pp. 113 et 115.
423
Cf. Ibidem, p. 116.
424
Cf. Ibidem, p. 116.
425
Cf. Ibidem, p. 113.
104

ougandaise de 1998 à 2002, AMFI, Banro, Barrick et Mindev ainsi que la société
australienne Russel Ressources International Ltd se sont associées aux forces ougandaises
pour l’exploitation de l’or dans le District de l’Ituri426. On peut noter, dans cette optique,
que c’est Salim Saleh qui protégeait les aires d’exploitation de Barrick, en sous-
traitance427.

Dans les concessions de Kilo-Moto, des militaires ougandais participaient


directement à l’extraction de l’or. Et pour maximiser la quantité, ils autorisaient et
encourageaient la population locale à l’extraction de ce minerai, en contrepartie d’un
paiement au responsable militaire d’une redevance journalière d’un gramme d’or par
mineur. Le total de redevances atteignait en moyenne deux kilogrammes par jour428. Le
haut commandement militaire ougandais tirait également profit de cette situation suite à
son actionnariat dans Trinity et Victoria, deux entreprises minières ougandaises dont
l’activité principale était la commercialisation des matières premières, provenant
essentiellement de l’Est de la RDC, sous occupation ougandaise429.

D’après le rapport du Groupe d’experts du 12 avril 2001, les chiffres de


l’Ouganda présentent des discordances importantes entre la production et l’exportation de
l’or. En guise d’illustration, pendant l’occupation de l’Est de la RDC, l’Ouganda en a
produit en 1998, en 1999 et en 2000 respectivement 0, 0082 tonnes ; 0, 0047 tonnes et 0,
0044 tonnes alors qu’il en a exporté respectivement 5, 03 tonnes ; 11,3 tonnes et 10, 83
tonnes. Ces quantités exportées ont quasiment doublé par rapport à celles antérieures à
l’occupation, soit de 1994 à 1997, une période pendant laquelle la production est restée
insignifiante430. Partant de ces constatations des experts des Nations unies, le rapport du
Sénat de Belgique conclut sans détours : « Comme on l’a déjà dit, l’Ouganda n’extrayait
pratiquement pas d’or sur son territoire et cette augmentation des exportations d’or
ougandais était entièrement due à l’occupation du Nord-Kivu et de la riche région

426
Cf. A. DENEAULT et al., Op. cit., pp. 108 et SENAT DE BELGIQUE, Op. cit., p. 115.
427
Cf. A. DENEAULT et al., Op. cit., p. 142.
428
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 12 et 13, §§ 57 et 59.
429
Cf. SENAT DE BELGIQUE, Op. cit., p. 116.
430
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 21, tableau 1.
105

aurifère de Kilo-Moto »431. Selon les estimations de Stefaan Marysse et Catherine André,
dont les calculs sont basés sur un cours de 8,3 millions de dollars US la tonne, la valeur
de l’or exporté par l’Ouganda s’élèverait respectivement 95 millions de dollars US en
1999 et 90 millions de dollars US en 2000432.

Au sujet de l’exploitation illicite de l’or dans les territoires occupés par les
forces rwandaises, le groupe d’experts des Nations unies a estimé que la production d’or
dans les zones contrôlées par le RCD-Goma, soutenu par le Rwanda, était en moyenne à
60 kilos par mois, soit 720 kilos par an en 1999 et à 100 kilos par mois, soit 1 200 kilos
en 2000433. Cette production était exportée à partir de Bukavu par trois comptoirs d’or, à
savoir Shenimed, Panju et Congocom, et passait entièrement par le Rwanda, à destination
de la Belgique, de la Suisse et du Royaume-Uni434.

A en croire les recherches de Marysse et André, dont les résultats ont été
confirmés par l’enquête du Sénat de Belgique, la production aurifère dans la région
contrôlée par le Rwanda à partir de 1996 s’élèverait à 3,5 tonnes par an, chiffres qui
correspondent plus ou moins aux importations belges à partir du Rwanda (4,3 tonnes en
1997 et 3,75 tonnes en 1998)435. Partant du cours de 8,3 millions la tonne, ils considèrent
ainsi que ces 3,5 tonnes d’or exportées par le Rwanda s’élèveraient à 29 millions de
dollars US par an436. En considérant que 80% de ce chiffre d’affaires reste au Congo et
que le RCD-Goma prélève des taxes de 5% sur la production qu’il contrôle, ils concluent
que la valeur de la production pillée par le Rwanda s’élève respectivement à 5,6 et 5,4
millions de dollars US en 1999 et 2000437.

En dépit de leur retrait de la RDC, l’Ouganda et le Rwanda avaient continué


de soutenir des groupes armés locaux qui se battaient continuellement pour le contrôle

431
SENAT DE BELGIQUE, Op.cit., p. 119.
432
Cf. Cf. S. MARYSSE et C. ANDRE, « Art. cit. », p. 322.
433
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 33, § 144.
434
Cf. SENAT DE BELGIQUE, Op.cit., pp. 117, 119 et 120.
435
Cf. S. MARYSSE et C. ANDRE, « Art. cit. », p. 323 et SENAT DE BELGIQUE, Op. cit., p. 120.
436
Cf. S. MARYSSE et C. ANDRE, « Art. cit. », p. 323.
437
Cf. Ibidem, p. 323.
106

des zones riches en or : le FNI, lié à l’Ouganda et l’UPC, appuyée par le Rwanda438. Des
entreprises multinationales avaient profité de cette situation de troubles. Il s’agissait
principalement d’AngloGold Ashanti, une société sud-africaine dont nous avons déjà
souligné les relations avec le FNI, de Metalor Technologie SA, une société basée en
Suisse, qui avait des partenaires à Kampala, et des deux grandes sociétés ougandaises
d’exportation d’or, à savoir Uganda Commercial Impex Ltd et Machanga Ltd439. D’après
les chercheurs de Human Rights Watch, l’exportation de l’or congolais à partir de
Kampala, en 2003, avoisinait 60 millions USD440.

Enfin, comme nous l’avons déjà mentionné, des groupes armés FDLR et
CNDP se sont également livrés à l’exploitation illicite de l’or dans le Nord-Kivu et le
Sud-Kivu. Les sociétés nationales et étrangères qui collaboraient avec eux faisaient
transiter ce minerai par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi.

3.Colombotantalite (coltan)
Communément appelé « coltan »441, la colombotantalite intervient dans
l’industrie métallurgique, dans les technologies stratégiques comme les
télécommunications, le nucléaire, l’aéronautique ou l’électronique. Les produits qui en
résultent sont une grande source de revenus (milliards de dollars) pour les multinationales
qui les fabriquent et les commercialisent442. A vrai dire, le coltan comprend deux métaux
différents : le colombium (ou niobium) et le tantale, ce dernier étant le plus précieux, et
donc le plus prisé dans cette combinaison443. Le coltan se présente comme une pierre
grisâtre, ce qui fait qu’on l’appelle parfois « l’or gris »444.

438
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op. cit., p. 2. Le
FNI et l’UPC ont livré cinq batailles pour arracher le contrôle de la zone aurifère de Mongbwalu entre 2002
et 2004 (Cf. Ibidem, p. 2).
439
Cf. Ibidem, pp. 68-72 et 112.
440
Cf. Ibidem, pp. 3 et 112.
441
« L’appellation ‘‘coltan’’, aujourd’hui d’usage courant dans presque toutes les langues du monde, est
d’origine congolaise : Il s’agit d’une abréviation utilisée par les Ingénieurs de SOMINKI en lieu et place de
colombo-tantalite, jugé trop long » (L. MUPEPELE MONTI, L’industrie minérale congolaise, Op. cit., p.
89). Pour plus de détails sur ce minerai, voir Ibidem, pp. 89-96.
442
Cf. CH. ONANA, Ces tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009, p. 121.
443
Cf. P. MARTINEAU, « La route commerciale du coltan congolais : une enquête », p. 7, disponible sur
http://www.unites.uqam.ca/grama/pdf/Martineau_coltan.pdf consulté le 29 août 2011.
444
Cf. Ibidem, pp. 5 et 8.
107

Ce minerai abonde dans l’est de la RDC, où son exploitation est totalement


artisanale. Mais son utilité industrielle est restée longtemps ignorée de la population
locale. Entre fin 1999 et fin 2000, une forte demande des industries a déclenché une
sensible flambée des prix du tantale, à telle enseigne que « les cours de ce minerai ont
atteint un sommet historique de plus de 300 dollars la livre (660 dollars le kilogramme)
en 2000 »445. Cette situation a coïncidé avec la « deuxième guerre de libération » du
Congo. Ce faisant, le coltan a subi une exploitation systématique tant par la population
locale que par les forces étrangères d’occupation, par les mouvements rebelles et par des
groupes armés. Toutefois, cette période de montée vertigineuse du prix du coltan, que
Patrick Martineau qualifie de « grande surchauffe »446, n’a pas duré longtemps. Pendant
les six premiers mois de 2001, le prix s’est encore normalisé, atteignant entre 44 et 66
dollars le kilo447. Cette normalisation du prix a été due non seulement à une augmentation
de la production mondiale, qui a entraîné une chute de la demande, mais également à un
souci des industriels d’éviter le « tantale du sang »448.

A propos des forces rwandaises, l’exploitation illicite du coltan a commencé


avant même la montée du prix de ce minerai. L’exemple le plus frappant est celui du
pillage, entre novembre 1998 et avril 1999, des stocks de 1000 à 1500 tonnes, constitués
pendant sept ans par la société minière et industrielle du Kivu (SOMINKI), dont le
transport à Kigali par avion a pris près d’un mois449. Quant est venue la ruée sur le coltan,
le monopole de son commerce a été accordé à la Société minière des Grands Lacs
(SOMIGL), qui, en contrepartie, payait des taxes au ‘‘Bureau Congo’’ de l’APR et au
RCD-Goma. En avril 2001, déterminées à contourner leurs alliés du RCD-Goma et à
accumuler plus de recettes, les forces rwandaises ont mis fin au monopole exercé par la
SOMIGL et ont directement organisé l’extraction forcée du coltan par la population

445
Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 17.
446
P. MARTINEAU, « Art. cit. », p. 5.
447
Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 17.
448
Cf. Ibidem, p. 6, § 17. Cette expression « tentale du sang » a été employée après la publication du
rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles…, du 12 avril 2001 (Cf.
Ibidem, p. 6, § 17).
449
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 8, § 33.
108

locale et par des prisonniers importés du Rwanda450. Ainsi, 60 à 70 % de coltan étaient


exportés de l’est de la RDC. Seuls trois comptoirs, en l’occurrence, MHI, Eagle Wings et
Rwanda Metals SARL, qui appartenaient à des officiers de l’APR, s’occupaient de la
petite part restante d’exportations du coltan, qu’ils avaient exploité dans leurs propres
sites d’extraction, en utilisant leurs propres travailleurs dans des conditions inhumaines,
ou qu’ils avaient acheté auprès des négociants locaux dans des mines éloignées ou
d’agents de groupes locaux de défense451.

Les experts onusiens ont estimé que « l’armée rwandaise exporterait au moins
100 tonnes par mois par l’intermédiaire de Rwanda Metals »452. Ils en ont déduit qu’
« elle pourrait avoir obtenu 20 millions de dollars par mois simplement en vendant le
coltan qu’en moyenne les intermédiaires paient environ 10 dollars par kilo aux petits
négociants »453. Ainsi, en se fondant sur les estimations les plus élevées des coûts d’achat
et de transport du coltan, les experts et certains négociants concluent que « l’armée
rwandaise a retiré au minimum 250 millions de dollars sur une période de 18 mois, ce qui
est suffisant pour financer la guerre en République démocratique du Congo »454.

Il importe de souligner que l’échantillon de sociétés qui importaient des


minéraux de la RDC via le Rwanda révèle que 27 sociétés sur 34 s’intéressaient au
coltan455.

Du côté des forces ougandaises, l’exploitation extensive du coltan en


Province orientale a été faite par des groupes armés et par la population locale, sous la
supervision des officiers de l’UPDF456. Bien des opérations relatives au coltan ont été
coordonnées par les généraux de l’UPDF, à savoir le général Kazini, par le biais de la

450
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
formes de richesse de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 17, §§ 74-76.
451
Cf. Ibidem, p. 17, §§ 75 et 76.
452
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 31, § 130.
453
Ibidem, p. 31, § 130.
454
Ibidem, p. 31, § 130.
455
Cf. Ibidem, pp. 49-50. Les pays de destination du coltan « pillé » sont : l’Allemagne, la Belgique, l’Inde,
le Kenya, la Malaisie, le Pakistan, les Pays-Bas, le Royaume- Uni, la Russie et la Suisse.
456
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
formes de richesse de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 23, § 108.
109

société Trinity Investment et le général Salim Saleh, à travers la société Conmet457. Pour
confirmer l’implication de l’Ouganda dans l’exploitation illicite du coltan, nous nous
basons sur des chiffres officiels reçus du Gouvernement ougandais par les experts
onusiens. Selon ces chiffres, en 1999, l’Ouganda a exporté 69,50 tonnes de coltan alors
qu’il n’en a pas produit depuis 1996458. Compte tenu du contexte ci-haut décrit, ce coltan
ne pourrait provenir que de la RDC.

Quoique ne disposant pas de données chiffrées, rappelons que le CNDP et les


FDLR se sont également livrés à l’exploitation illicite du coltan et ont eu à coopérer avec
des sociétés nationales et étrangères pour l’écouler.

4.Cassitérite (minerai d’étain)


La cassitérite, un oxyde d’étain qui se produit naturellement, est le plus
important des minerais d’étain459. L’étain sert au revêtement d’autres métaux pour
empêcher la corrosion (par exemple, les boîtes de conserve sont faites en acier recouvert
d’étain). Pour ce, il est principalement utilisé dans les emballages alimentaires, les
équipements culinaires, les jointures de composants électroniques, la plomberie, les
plombages dentaires et les ignifugeants460.

En RDC, la cassitérite est principalement exploitée, de manière artisanale, au


Nord-Kivu, au Sud-Kivu et au Maniema, en général aux mêmes endroits que le coltan461.
Selon les informations reçues de Léonide Mupepele Monti, « [l]a cassitérite, SnO2, est
l’unique forme dans laquelle l’étain se présente dans les gisements stannifères du Congo.
On notera qu’en Amérique du Sud, l’étain se rencontre parfois sous forme de stannite,
Cu2FeSnS4, laquelle contient 28% de Sn. […] On notera que les statistiques
internationales qui reprennent pourtant la RD Congo dans le top 10 mondiaux de gros
réservoirs de l’étain n’attribuent pas de réserve officielles au Congo »462. Au cours de

457
Cf. Ibidem, pp. 23 et 24, § 108 et 111. Trinity Investment et Conmet étaient deux sociétés écrans basées
à Kampala, qui opéraient également à l’est de la RDC.
458
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 21, tableau 1.
459
GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire…, Op. cit., p. 22.
460
Cf. Ibidem, p. 22.
461
Cf. Idem, La paix sous tension…, Op. cit., p. 14.
462
L. MUPEPELE MONTI, L’industrie minérale congolaise, Op. cit., pp. 81 et 89.
110

ses recherches, Léonide Mupepele a abouti au résultat selon lequel « la réserve


congolaise de cassitérite est […] estimée à 327 955 tonnes de cassitérite ; ce qui
représente environ 6,83% de réserves mondiales »463.

Pendant l’occupation de ces provinces à partir d’août 1998 par les forces
rwandaises et ougandaises, ce minerai a été exporté de la RDC via le Rwanda et
l’Ouganda.

Concernant le Rwanda, tout en reconnaissant que ce pays est également


producteur de cassitérite464, le rapport du Groupe d’experts n’a pas manqué de dénoncer
des sociétés belges, allemandes, malaisiennes, canadiennes, tanzaniennes, russes,
indiennes (et une société rwandaise) qui importent de la cassitérite de la RDC via le
Rwanda465. Dans son rapport de 2005 consacré au « dangereux et illicite commerce de la
cassitérite dans l’Est de la RDC » (sous-titre du rapport), Global Witness avait souligné
que le Rwanda, par où transitait la majeure partie des minerais de l’est de la RDC,
exportait cinq fois plus de cassitérite qu’il n’en produisait. Par exemple, en 2003, il avait
produit 283 tonnes de cassitérite, mais en avait exporté 1458 tonnes, équivalant à 4, 49
millions de dollars466. D’après ce rapport, « le Rwanda pourrait avoir importé une
quantité importante de cassitérite […] soit environ 500 tonnes par an pour la période
2000-2002, environ 1 400 tonnes en 2003, et autant en 2004. Il est fort probable que ces
importations proviennent principalement de l’Est de la RDC, y compris des zones de
conflit »467.

A propos de la cassitérite congolaise exportée via l’Ouganda, le Groupe


d’experts a relevé, sans autre précision, que « d’après les chiffres communiqués par le
Gouvernement ougandais, 1 800 camions chargés de grumes, de bois, de café, d’écorces
médicinales, de cassitérite, de pyrochlore, de minerai de fer, de thé et de quinine sont
entrés en Ouganda entre 1998 et 2000, soit en moyenne 600 camions par an, tous

463
Ibidem, p. 89.
464
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 25, tableau 4.
465
Cf. Ibidem, pp. 49-50.
466
Cf. GLOBAL WITNESS, La paix sous tension…, Op. cit., p. 25.
467
Ibidem, p. 4.
111

enregistrés par les fonctionnaires des douanes »468. Néanmoins, des registres d’un poste
de douane ougandais situé à la frontière entre la RDC et l’Ouganda, indiquent que 30 kg
et 151 fûts de cassitérite ont été exportés de la RDC en Ouganda, respectivement en 1999
et en 2000469. D’après Global Witness, cette cassitérite en provenance des zones occupées
par les forces ougandaises était souvent transportée par navire de Mombasa et Dar-es-
Salaam vers l’Europe470.

Depuis la fin de l’occupation de l’Est de la RDC par les forces armées


étrangères, ce sont les FDLR qui excellent dans l’extraction illicite de la cassitérite. Selon
les enquêteurs de Global Witness, qui avaient contacté un représentant du gouvernement
provincial du Nord-Kivu en 2008, environ 60% de la cassitérite du territoire de Walikale,
territoire qui en recèle les plus grands gisements, étaient produits, directement ou
indirectement par les FDLR471. Tout en soulignant que les FDLR continuaient d’avoir
accès à des réserves considérables de cassitérite, de coltan et de wolframite au Nord-Kivu
et au Sud-Kivu, le Groupe d’experts sur la RDC avait constaté que le commerce de la
cassitérite était le plus rémunérateur des trois minerais pour les FDLR, qui pourraient en
retirer entre plusieurs centaines de milliers de dollars et quelques millions de dollars par
an472. Une bonne quantité de cassitérite était également produite par le CNDP, appuyé par
le Rwanda473. Il est important de souligner que les groupes armés se sont davantage
intéressés à la cassitérite à partir d’août 2002 avec la hausse du cours de l’étain474, soit
environ une année après la chute très sensible du prix du coltan.

Les statistiques du gouvernement congolais relatives à l’exportation de la


cassitérite du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, révèlent que 10 172,1 tonnes et 10 902, 71
tonnes ont été exportées du Nord-Kivu, respectivement en 2007 et de janvier à septembre

468
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 32, § 139.
469
Cf. Ibidem, p. 24, § 102.
470
Cf. GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire…, Op. cit., p. 22.
471
Cf. Idem, « Face à un fusil, que peut-on faire ? », Op.cit., p. 47.
472
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2009/603, du 23
novembre 2009, p. 44, § 164.
473
Cf. GLOBAL WITNESS, « Face à un fusil, que peut-on faire ? », Op. cit., pp. 54-55.
474
Cf. Idem, La paix sous tension…, Op. cit., p. 14.
112

2008, et que 4 730, 70 tonnes ont été exportées du Sud-Kivu en 2007475. Les entreprises
belges occupaient le premier rang de ces exportations. Il s’agissait principalement de
Trademet, Traxys, SDE, STI et Specialty Metals. D’autres sociétés étrangères étaient
également impliquées dans ce commerce de la cassitérite, notamment la société
thaïlandaise Thailand Smelting and Refining Corporation (THAISARCO), les sociétés
britanniques Amalgamated Metal Corporation (AMC) Group et Afrimex, la société
rwandaise Metal Processing Association(MPA), filiale de l’entreprise sud-africaine Kivu
Resources, ainsi que d’autres entreprises chinoises, indiennes, autrichiennes,
hollandaises, canadiennes et russes476. Il y a lieu de rappeler que les entreprises Trademet,
Specialty Metals, Afrimex, AMC et Malaysian Smelting Corporation figurent dans le
rapport final du Groupe d’experts de 2002 parmi les entreprises en violation des principes
directeurs de l’OCDE. Par ailleurs, Trademet, Traxys, Afrimex et THAISARCO sont
citées dans les rapports finals du Groupe d’experts sur la RDC, du 12 décembre 2008 et
du 23 novembre 2009, parmi les principales sociétés étrangères qui s’approvisionnaient
auprès des comptoirs en collaboration avec les groupes armés, en particulier les FDLR477.

Actuellement, les FDLR sont toujours présents dans des zones minières à
l’Est de la RDC. Les médias locaux annoncent régulièrement leurs attaques contre des
populations civiles autour des carrières minières478. Mais nous ne disposons pas de
statistiques pouvant nous permettre d’évaluer leur implication dans le commerce illicite
des minerais.

475
Cf. Division des Mines Nord-Kivu et Division des Mines Sud-Kivu, citées par GLOBAL WITNESS,
« Face à un fusil, que peut-on faire ? », Op. cit., pp.103, 105 et 106.
476
Cf. Ibidem, pp.66-67 et 102-106.
477
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2008/773, du 12
décembre 2008, p. 25, § 88 et Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du
Congo, S/2009/603, du 23 novembre 2009, p. 47, §§ 174-177.
478
Voir par exemple, « Sud-Kivu : les FDLR attaquent une carrière près de Kamituga, 2 morts et plusieurs
disparus », disponible sur
http://radiookapi.net/actualite/2011/08/12/sud-kivu-les-fdlr-attaquent-une-carriere-pres-de-kamituga-2-
morts-et-plusieurs-disparus/ consulté le 12 août 2011.
113

5. Wolframite
Exploitée au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, la wolframite, appelée encore le
wolfram, est un minerai de tungstène479. La désignation « wolfram » « dérive de
l’allemand wolf rahm qui signifie ‘‘bave du loup’’ par allusion à son origine
magmatique »480.

Le tungstène intervient non seulement dans la fabrication d’outils de grande


dureté entrant dans l’industrie lourde (coupe de métaux et de roches, extraction minière,
etc.), mais aussi dans la fabrication des lampes à incandescence, des alliages et aciers et
dans la réalisation de la fonction des vibreurs de téléphones portables481.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la wolframite est en grande partie
extraite dans les zones contrôlées par les FDLR. D’après les statistiques officielles du
gouvernement congolais, les exportations de wolframite du Nord-Kivu avaient atteint
718, 7 tonnes (soit 27 018 628, 39 USD) en 2007 et 324, 42 tonnes, de janvier à
septembre 2008, alors que celles du Sud-Kivu, en 2007, s’élevaient à 455 tonnes482.
Parmi les entreprises étrangères qui se procuraient ce minerai figuraient encore une fois
en première position les sociétés belges Trademet et Specialty Metals. Il y avait
également d’autres entreprises comme Afrimex, THAISARCO,…483

B.Ressources végétales : cas spécifique du bois

Si, pendant le conflit armé, la convoitise des ressources naturelles a surtout


concerné des ressources minières, elle n’a pas pour autant épargné des ressources
végétales. Sans ignorer le cas des ressources agricoles, en l’occurrence le café484, une
attention soutenue mérite d’être portée sur une ressource forestière particulièrement
visée : le bois précieux.

479
Cf. GLOBAL WITNESS, « Face à un fusil, que peut-on faire ? », Op. cit., p. 24.
480
L. MUPEPELE MONTI, L’industrie minérale congolaise, Op. cit., p. 96.
481
Cf. Ibidem, p. 24.
482
Cf. Division des Mines Nord-Kivu et Division des Mines Sud-Kivu, citées par Ibidem, pp. 103, 105 et
106.
483
Cf. Ibidem, pp. 102-106.
484
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 8-9 et 14, §§ 35 et 63.
114

La RDC abrite la plus vaste forêt tropicale d’Afrique et la deuxième forêt


tropicale du monde (après le Brésil), allant de 128 à 170 millions d’hectares485. Elle
regorge de bois de différentes qualités, pouvant servir à divers usages : bois d’œuvre, bois
d’industrie et bois de feu.

Avant l’éclatement du conflit armé en 1996, l’industrie congolaise du bois


était dominée par des sociétés telles que la Société industrielle commerciale de bois
(SICOBOIS), la Société industrielle et forestière du Congo (SIFORCO), la Société
forestière du Mayumbe (SOFORMA), la Société Enzymes Refiners Association (ENRA),
etc. Le conflit armé a paralysé cette industrie de l’exploitation commerciale du bois. En
effet, non seulement les forces d’occupation contrôlaient les meilleures forêts, mais aussi
elles avaient démantelé et pillé bien des usines486.

D’énormes quantités de bois d’œuvre avaient été illicitement exploitées par


des forces d’occupation ougandaises et rwandaises, en étroite coopération avec leurs
alliés rebelles, des entreprises forestières étrangères et des exploitants forestiers
artisanaux.

Dans les zones contrôlées par l’Ouganda, le Groupe d’experts a


particulièrement noté l’exploitation du bois par DARA-Forest, une société ougando-
thaïlandaise, qui avait obtenu des rebelles du RCD-ML, en 2000, une concession de 100
000 hectares et s’était engagée dans la production industrielle du bois487. Le bois d’œuvre
exploité par cette société (environ 48 000 mètres cubes par an depuis 1998) était utilisé
en Ouganda ou transitait exclusivement par ce pays pour être exporté vers le Kenya, d’où
d’importantes quantités étaient par la suite exportées vers l’Asie, l’Europe et l’Amérique
du Nord488. D’après les experts onusiens, « les sociétés qui importent ce bois d’œuvre

485
Cf. G. SAKATA, La gouvernance en matière de ressources naturelles. De la centralisation vers un
système décentralisé et participatif. Le cas de la République démocratique du Congo, Thèse de doctorat
(inédite), Louvain-la-Neuve, UCL, 2009, p. 21.
486
Cf. GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire…, Op. cit., p. 36. Lire également L.
DEBROUX et al. (sous la direction de), La forêt en République démocratique du Congo post-conflit.
Analyse d’un agenda prioritaire, Jakarta, CIFOR, 2007, p. 18.
487
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 10 et 11, § 47 et 54.
488
Cf. Ibidem, pp. 10-11 et 12, §§ 48 et 54. Le bois traité au Nord-Kivu par DARA-Forest était transporté à
Mombasa via l’Ouganda par la société de fret TMK (Cf. Additif au rapport du Groupe d’experts sur
115

non documenté provenant de DARA-Forest sont essentiellement ressortissantes de grands


pays industrialisés, notamment la Belgique, la Chine, le Danemark, les Etats-Unis
d’Amérique, le Japon, le Kenya et la Suisse »489. Marysse et André ont estimé que
l’Ouganda tirait une grande valeur ajoutée de ce bois qu’il réexportait. En vertu de leurs
calculs, le chiffre d’affaires de l’exploitation et de l’exportation du bois s’élèverait à un
minimum de 4,8 millions490.

Pour tout dire, l’inquiétante exploitation illicite du bois d’œuvre dans cette
partie de la RDC y était liée à la présence des Ougandais (civils, militaires et sociétés)491.

Dans les zones contrôlées par le Rwanda, des Rwandais associés avec des
entreprises congolaises d’exploitation forestière se sont livrés à l’abattage du bois. Bien
que sans données chiffrées, le Groupe d’experts affirme qu’en dépit du mauvais état des
routes congolaises pour acheminer le bois des endroits éloignés dans la forêt, du bois
congolais était retrouvé au Rwanda et au Burundi492.

Enfin, le bois n’avait pas manqué d’être la cible des groupes armés, en
l’occurrence le CNDP et les FDLR, non seulement dans la production du bois d’œuvre,
mais surtout pour la fabrication du charbon de bois dans le parc des Virunga493. Il est
toutefois difficile d’en fournir des statistiques. D’une part, les véhicules transportant du
bois d’œuvre étaient le plus souvent escortés par des éléments armés et franchissaient les
frontières sans déclaration. D’autre part, le commerce du charbon relève généralement du
secteur informel. Il est ainsi pratiquement impossible d’en avoir des données chiffrées.

C.Espèces de faune sauvages menacées d’extinction

l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du


Congo, Op. cit., p. 13, § 48).
489
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 11, § 50.
490
Cf. S. MARYSSE et C. ANDRE, « Art. cit. », p. 325. « Les seuls chiffres que donne le panel sont
48.000 m³ de bois d’œuvre exploité par DARAS FOREST vendu par an […] au prix de 100 dollars US par
m³ pour un mélange de bois de qualités diverses et 250 dollars US par m³ pour du bois d’œuvre de qualité.
Le chiffre d’affaires retiré de l’exportation du bois se situe entre 4,8 millions de dollars US et 12 millions
de dollars US par an » (Ibidem, p. 325, note 41).
491
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 12, § 54.
492
Cf. Ibidem, p. 12, § 55.
493
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2010/596, du 29
novembre 2010, pp. 73-76.
116

La RDC possède sept parcs nationaux et une soixantaine de réserves de


faune, abritant des espèces rares et spectaculaires494. Quatre parcs nationaux, à savoir les
parcs des Virunga, de la Garamba, de Kahuzi-Biega et de la Salonga, ainsi que la réserve
de faune à okapis (à Epulu, Province Orientale) font partie du patrimoine mondial495.

Durant les conflits armés, des parcs et réserves de faune ont été ravagés par
des forces occupantes. Par exemple, dans le secteur occupé par les forces ougandaises, il
y a lieu de signaler que près de 4 000 éléphants sur une population de 12 000 ont été tués
dans le parc de Garamba entre 1995 et 1999496. En avril 2000, environ trois tonnes de
défenses d’éléphants ont été transférées à Kampala avec la complicité des forces
ougandaises497. Au mois d’août de la même année, un colonel des UPDF et son escorte
ont été vus avec 800 kilogrammes de défenses dans leur véhicule près du Parc de
Garamba498.

Dans le secteur contrôlé par les forces rwandaises et le RCD-Goma, la


situation de la faune sauvage a également été grave tant dans le parc de Kahuzi-Biega que
dans celui des Virunga. Le parc de Kahuzi-Biega ne comptait plus en 2000 que deux
familles d’éléphants sur 350499. Fin 2000, deux tonnes de défenses provenant de ce parc
avaient été repérées en la possession des commandants rwandais dans le secteur de
Bukavu500. Dans le parc des Virunga, des éléphants, des buffles, des gorilles, des
antilopes, des hippopotames, voire des léopards, furent massacrés par des hommes en
uniformes. La viande sauvage était publiquement vendue par des militaires et par des
civils qui s’approvisionnaient auprès d’eux. Les défenses d’éléphants revenaient aux

494
Cf. G. SAKATA, Op. cit., p. 22. Lire également G. SAKATA, « Le droit forestier en République
démocratique du Congo », in Etudes juridiques de la FAO en ligne, juin 2008, p. 5, disponible sur
http://www.fao.org/legal/prs-ol/lpo72.pdf , consulté le 14 septembre 2011. Les sept parcs nationaux sont:
Virunga, Garamba, Kahuzi-Biega, Salonga, Upemba, Kundelungu et Maiko.
495
http://whc.unesco.org/fr/list/ consulté le 17 septembre 2011.
496
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 13, § 61.
497
Cf. Ibidem, p. 13, § 61.
498
Cf. Ibidem, p. 13, § 62.
499
Cf. Ibidem, p. 13, § 61.
500
Cf. Ibidem, p. 13, § 61.
117

commandants. Les éléphants et les hippopotames, qui étaient les plus visés, sont
aujourd’hui devenus rares501.

Dans les conflits armés en Angola, en Sierra Leone et en RDC, étudiés


comme échantillon, on assiste à une exploitation illicite des ressources naturelles de
l’Etat en proie aux hostilités. Ceci nous amène à expliquer les liens entre conflit armé et
exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger.

Section IV. Liens entre conflit armé et exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat étranger

L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger peut être
une cause (§1) ou un moyen de poursuite (§2) d’un conflit armé.

§1. Exploitation des ressources naturelles, cause d’un conflit armé

Les Etats présentent des inégalités quant à leurs ressources naturelles. Les
grandes potentialités de ressources engendrent très souvent des convoitises de certains
Etats. Ces derniers en viennent à déclencher des conflits armés en vue de s’emparer d’une
bonne partie de ressources d’autres Etats. A ce propos, Colette Braeckman écrit au sujet
de la République démocratique du Congo : « Il y a bien longtemps que le sous-sol du
Congo aiguise les appétits. Dans un monde où l’intangibilité des frontières n’est plus un
dogme, plusieurs pays de la région, le Rwanda, l’Ouganda, le Zimbabwe, se sont pris à
rêver de bâtir leur développement à partir des ressources puisées chez leur voisin »502.
Parlant du « moteur de la guerre » en RDC, cette journaliste belge émet cette
considération : « L’appétit pour les richesses du pays, le désir d’y accéder à bas prix fut-il
la principale motivation de la deuxième guerre ? Les Congolais n’ont aucun doute à ce

501
Cf. C. PALUKU MASTAKI, « Effectivité de la protection de la biodiversité forestière en République
démocratique du Congo : Cas du Parc national des Virunga (PNVi) », in Etudes juridiques de la FAO en
ligne, février 2005, p. 19, disponible sur http://www.fao.org/legal/prs-ol/lpo43.pdf consulté le 14 septembre
2011.
502
C. BRAECKMAN, Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Paris,
Fayard, 2003, p. 7.
118

sujet, et les trois rapports publiés par les Nations unies, consacrés au pillage des
ressources naturelles, les ont confortés dans cette idée »503.

Plus radicale est cette déclaration de Charles Onana : « La guerre qui fait des
millions de morts au Congo n’a rien d’ethnique ni de politique. Ce sont les minerais
stratégiques ou rares qui sont au cœur du bain de sang que les puissances mondiales
imposent au peuple congolais sous couvert de ‘‘rébellions’’ ou de lutte contre de
prétendus ‘‘génocidaires hutus’’. Parmi ces minerais, il y a la colombo-tantalite »504.
Charles Onana n’use d’aucun euphémisme pour dénoncer le fait que « les extrémistes
tutsi au pouvoir à Kigali pillent le Congo non seulement pour leur propre profit mais
aussi et d’abord pour celui des entreprises occidentales dont certaines opèrent tantôt
officiellement tantôt clandestinement à Kigali, la capitale du Rwanda »505.

Disons en passant que ce ne sont pas seulement les forces étrangères qui se
livraient à l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC. Même des groupes
armés locaux ont fait des ressources naturelles leur objectif. A ce sujet, le cas des groupes
armés qui ont lutté pour l’or de l’Ituri, entre 2002 et 2004, est plus que révélateur506.

Le rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources


naturelles et autres richesses de la RDC (12 avril 2001) n’a pas passé sous silence ce lien
de causalité existant entre l’exploitation des ressources naturelles et le conflit armé. Ce
rapport présente le Congo comme suit : « La République démocratique du Congo […] est
dotée d’une biodiversité remarquable, de ressources minérales et forestières très riches
et de sols fertiles se prêtant à l’agriculture. […] Ces conditions favorables, surtout dans
l’est du pays, sont à l’origine de l’occupation actuelle et de la lutte pour l’exploitation

503
Ibidem, p. 187.
504
CH. ONANA, Ces tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009, p. 121. Cette
position de Charles Onana n’est pas très différente de celle de Lansana Gberie concernant le conflit sierra
léonais, dont il dit : « La guerre en Sierra Leone n’était ni une ‘‘rébellion’’ dans le sens d’une insurrection
interne, ni une ‘‘guerre civile’’ dans le sens d’une lutte pour des objectifs politiques compréhensibles et
réalisables. C’était plutôt un chapitre du récit sans fin de l’escalade de la violence régionale et de la terreur,
engendrées en grande partie par des intérêts économiques criminels, la plupart étant inspirés et contrôlés
par Charles Taylor » ( L. GBERIE, « Art. cit. », p. 3).
505
CH. ONANA, Op. cit., p. 150.
506
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 22
et ss.
119

des ressources naturelles »507. Dans le même sens, le rapport poursuit : « Des nombreux
récits entendus à Kampala, il ressort que les partisans de la décision de s’engager dans
le conflit en août 1998 se recrutaient parmi les officiers supérieurs qui avaient servi dans
l’est du Zaïre pendant la première guerre et qui avaient déjà une idée des bonnes affaires
que l’on pouvait réaliser dans la région. Certains témoins clefs, qui avaient servi dans les
premiers mois du conflit dans les rangs de la faction rebelle du Rassemblement congolais
pour la Démocratie (RCD), ont dit que les forces ougandaises se tenaient prêtes à entrer
dans le pays et à occuper les régions dans lesquelles étaient situées les mines d’or et de
diamants »508.

Officiellement, les Etats qui sont intervenus en RDC ont justifié leurs
activités armées sur ce territoire par des impératifs sécuritaires. Le rapport du Groupe
d’experts du 12 avril 2001 lève toute équivoque lorsqu’il mentionne que tout indique, à
propos de l’intervention ougandaise en RDC, que certains officiers de l’état-major, en
l’occurrence les généraux Salim Saleh et James Kazini, avaient sans nul doute des
desseins plus obscurs, à savoir des objectifs économiques et financiers509. Concernant le
Rwanda, Alain Deneault et ses collaborateurs révèlent que « la crainte des génocidaires
postés aux frontières rwandaises a aussi valeur d’alibi : le tracé de l’incursion et la
rapidité avec laquelle les armées investissent villes et régions à forte concentration
minière attestent qu’il y va d’intérêts d’une autre nature »510. Ces « intérêts d’une autre
nature » sont évidemment économiques (miniers).

A propos du conflit armé en Sierra Leone, Agata Turbanska affirme


clairement que « les diamants furent la cause de la guerre civile »511. Cette affirmation
rejoint la déclaration de M. Kamara, délégué de la Sierra Leone à la 4168e séance du
Conseil de sécurité du 5 juillet 2000 : « En adoptant ce projet de résolution aujourd’hui,
le Conseil de sécurité va, pour la première fois, traiter des vraies causes du conflit en

507
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 21.
508
Ibidem, p. 7, § 27.
509
Cf. Ibidem, p. 7, § 28.
510
A. DENEAULT et al., Op. cit., p. 59.
511
A. TURBANSKA, « Les diamants furent la cause de la guerre civile en Sierra Leone », disponible sur
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=848 consulté le 9 avril 2012.
120

Sierra Leone. Nous avons toujours dit que ce conflit ne concerne pas une question
idéologique ni des divergences de nature tribale ou régionale. Il n’a rien à voir avec ce
que l’on appelle le problème de jeunes marginalisés et ne constitue pas, comme l’ont
décrit des commentateurs politiques, un soulèvement de pauvres des campagnes contre
l’élite des villes. La racine du conflit est et demeure les diamants, les diamants, les
diamants »512.

Dans un conflit armé ayant pour cible les ressources naturelles, « les
combattants peuvent être traités comme des entrepreneurs de la guerre voire comme des
agents rationnels faisant des calculs coûts/avantages »513. Effectivement, « certains chefs
d’Etat comme Taylor sont devenus des entrepreneurs de la guerre. Les avantages
économiques attendus de la guerre civile sont le pillage, la protection moyennant
rémunération (Libéria, Somalie), les profits liés au commerce des armes, des aliments ou
des narcodollars […] ou les avantages des combattants ‘‘se payant sur la bête’’ »514.

Dans une large mesure, la soif des ressources naturelles d’autres Etats
constitue, comme nous venons de le relever, l’une des causes principales des conflits
armés en Afrique. Mais, il existe également des liens entre l’exploitation des ressources
naturelles et la poursuite de ces conflits, qu’il convient d’examiner.

§2. Exploitation des ressources naturelles, moyen de poursuite d’un conflit armé

Nul n’ignore qu’un conflit armé exige d’énormes moyens financiers pour
l’achat des armes et autres matériels militaires, le paiement de la solde, etc. En Afrique,
les Etats impliqués dans des conflits armés sont généralement pauvres et ne pourraient

512
4168e séance du Conseil de sécurité, Intervention de M. Kamara, S/PV. 4168, 5 juillet 2000, p. 2. Dans
un sens plus ou moins contraire, David J. Francis considère qu’ « il est plutôt simpliste de réduire les causes
de la guerre civile en Sierra Leone aux diamants de la guerre ou à l’appât du gain, même si telle est
l’analyse qui a guidé les décideurs politiques internationaux dans leurs réactions. […] Il est certain que le
trafic de diamants a contribué à alimenter et à pérenniser les combats, mais cela n’en fait pas d’eux la cause
première. Il serait plus plausible de penser que l’exclusion économique et politique, l’injustice sociale et
des doléances plus fondamentales sont à la base de la guerre qui déchire actuellement la Sierra Leone » (D.
J. FRANCIS, « Le vrai rôle des diamants dans la guerre civile », in Le courrier ACP-UE, juillet-août 2001,
p. 74). Tout en stigmatisant la réduction des causes du conflit armé sierra léonais aux diamants, l’auteur
semble insinuer que les diamants en constituent l’une des multiples causes.
513
PH. HUGON, « Les conflits armés en Afrique : mythes et limites de l’analyse économique », in Tiers-
Monde, 2003, tome 44, n°176, p. 832.
514
Ibidem, p. 839.
121

normalement pas faire face aux dépenses militaires. S’agissant du conflit en RDC, le
rapport du Groupe d’experts du 12 avril 2001 révèle que ces dépenses sont très
supérieures aux montants inscrits aux budgets de différents Etats « agresseurs »515.

C’est dire qu’avec les montants inscrits aux budgets, le conflit n’aurait pas pu
se poursuivre. En guise d’exemple, « l’Ouganda a dépensé en 1999 environ 126 millions
de dollars pour ses forces armées, soit environ 16 millions de dollars de plus que le
montant inscrit au budget »516. La situation fut quasiment pareille au Rwanda. La
question qui se pose est de connaître la source de financements supplémentaires qui ont
permis la poursuite du conflit armé.

A ce sujet, force est de noter cette description quelque peu cynique du conflit
armé en République démocratique du Congo par le Président rwandais Paul Kagame
comme « un conflit qui s’autofinance »517. Pour le dire clairement, les forces occupantes
exploitaient illicitement les ressources naturelles du territoire occupé pour financer leurs
opérations militaires. Le matériel militaire était obtenu par trois moyens : « a) l’achat
direct contre paiement d’armes et de matériel ; b) le troc (c’est-à-dire l’obtention d’armes
contre des concessions d’exploitation minière) ; et c) la création de coentreprises »518.

De ce qui précède, il ressort qu’il existe un lien étroit entre la poursuite des
conflits armés et l’exploitation illicite des ressources naturelles519.

Parlant du conflit en RDC, Anne Renauld ne tarde pas de relever que « les
ressources naturelles sont devenues l’enjeu du conflit congolais »520. En effet, mentionne-
t-elle, « la particularité de cette guerre est d’avoir été financée, en partie au moins, par
le biais de l’exploitation des ressources naturelles dont le sous-sol congolais regorge.
Cuivre, cobalt, fer, zinc, niobium, uranium, or, diamant, coltan : le Congo apparaît

515
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 28, § 109.
516
Ibidem, p. 29, § 117.
517
Ibidem, p. 28, § 114.
518
Ibidem, p. 30, § 125.
519
Certaines ressources naturelles jouent un rôle très complexe dans le cadre d’un conflit armé. Ainsi, par
exemples, « les forêts peuvent être le lieu du conflit, un objet de litige ou un moyen de financer le conflit »
(FAO, Les forêts et les conflits, Rome, FAO, 2009, p. 12).
520
RENAULD, A., République démocratique du Congo. Ressources naturelles et transferts d’armes,
disponible sur www.grip.org , p.7, consulté le 11 janvier 2010.
122

comme un ‘‘géant minier’’ dont la richesse attise toutes les convoitises et permet, outre
l’enrichissement personnel, la conquête du pouvoir »521.

Ce lien entre l’exploitation illicite des ressources naturelles et la poursuite des


conflits armés a été souligné dans plusieurs rapports d’experts (que nous avons déjà
suffisamment évoqués) et communiqués de presse des Nations Unies. A titre illustratif,
nous lisons dans le communiqué de presse du 14 décembre 2001 : « Il est manifeste que
le pillage de la République démocratique du Congo (RDC) est devenu l’élément moteur
du conflit »522. Par cette déclaration, le Représentant de la France a ainsi souligné le lien
étroit entre la poursuite de la guerre et l’exploitation « illégale » des ressources naturelles
congolaises alors que le Conseil de sécurité examinait…la situation en RDC à la lumière
du rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation « illégale » des ressources naturelles et
autres richesses de cet Etat523. Dans le même sens et à la même occasion, le Représentant
de la Belgique, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne et des pays associés, a
jugé cette situation en RDC particulièrement cynique et tragique pour la population
congolaise, victime des richesses de son pays dont elle devrait être la bénéficiaire524.

A la suite de divers rapports d’experts, plusieurs résolutions du Conseil de


sécurité des Nations Unies ont reconnu ce lien entre l’exploitation illicite des ressources
naturelles et la poursuite des conflits armés. A titre énonciatif, la résolution 1341 (2001),
du 22 février 2001 indique : « Le Conseil de Sécurité, […] Réaffirmant également la
souveraineté de la République démocratique du Congo sur ses ressources naturelles, et
prenant note avec préoccupation des informations faisant état de l’exploitation illégale
des ressources du pays et des conséquences que peuvent avoir ces activités sur la sécurité
et la poursuite des hostilités […] »525. De même, dans sa résolution 1457 (2003), du 24
janvier 2003, le Conseil de sécurité « [n]ote avec préoccupation que le pillage des
ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo se
poursuit et constitue l’un des principaux éléments qui entretiennent le conflit dans la

521
Ibidem, p. 7.
522
CS/ 2229, 14 décembe 2001, p. 1.
523
Cf. Ibidem, p. 1.
524
Cf. Ibidem, p. 1.
525
S/RES/ 1341 (2001), 22 février 2001, p. 1.
123

région et exige donc que tous les Etats concernés prennent immédiatement des mesures
pour mettre fin à ces activités illégales qui perpétuent le conflit, entravent le
développement économique de la République démocratique du Congo et exacerbent les
souffrances de sa population »526.

Dans le cadre des conflits armés en Afrique de l’Ouest, le rôle joué par
l’exploitation illicite des ressources naturelles a été souligné à maintes reprises par le
Conseil de sécurité. En guise d’exemples, sur la situation en Sierra Leone, la résolution
1306 (2000), du 5 juillet 2000, énonce : « Le Conseil de Sécurité,[…] Se déclarant
préoccupé par le rôle que joue le commerce illégal des diamants en alimentant le conflit
en Sierra Leone, et par des informations indiquant que ces diamants transitent par des
pays voisins, notamment par le territoire du Libéria […] »527. Dans la résolution 1459
(2003), du 28 janvier 2003, « le Conseil de sécurité […] Soulignant en outre qu’il
importe de prévenir les conflits en combattant le commerce illicite de diamants bruts qui
les entretient, ce qui est la vocation même du Processus de Kimberley […] Appuie
pleinement le système de certification du Processus de Kimberley, de même que le
processus en cours visant à l’améliorer et à l’appliquer, que la Conférence d’Interlaken
a adopté comme un instrument précieux pour lutter contre le trafic de diamants des
conflits, en attend l’application avec intérêt et encourage vivement les participants au
Processus à régler les questions encore en suspens »528. Concernant la situation au
Libéria et en Afrique de l’Ouest, dans la résolution 1521 (2003), du 22 décembre 2003, le
Conseil de sécurité reconnaît « le lien entre l’exploitation illégale des ressources
naturelles, comme les diamants et le bois, le commerce illicite de ces ressources et la
prolifération et le trafic d’armes illégales qui contribuent grandement à attiser et
exacerber les conflits en Afrique de l’Ouest, en particulier au Libéria […] »529. Par
ailleurs, ce lien est exprimé notamment par la résolution 1643 (2005), du 15 décembre

526
S/ RES/ 1457 (2003), 24 janvier 2003, pp. 1-2. Voir également : S/ RES/ 1533(2004), 12 mars 2004, p.
2, § 6 ; S/ RES/ 1616 (2005), 15 août 205, p. 1 ; S/RES/ 1625 (2005), 14 septembre 2005, p. 3 ; S/ RES/
1698 (2006), 31 juillet 2006, p.1 ; S/ RES/ 1856 (2008), 22 décembre 2008, p. 2 ; etc.
527
S/ RES/ 1306 (2000), 5 juillet 2000, p. 1. Voir également S/ RES/ 1343 (2001), 7 mars 2001, p. 2.
528
S/ RES/ 1459 (2003), 28 janvier 2003, pp. 1-2, alinéa 1-2 et § 1.
529
S/ RES/ 1521 (2003), 22 décembre 2003, p. 1. Voir également S/ RES/ 1579 (2004), 21 décembre 2001,
p. 1.
124

2005, concernant la Côte-d’Ivoire, en ces termes : « […] conscient que le lien entre
l’exploitation illégale des ressources naturelles, comme les diamants, le commerce illicite
de ces ressources, et la prolifération et le trafic d’armes et le recrutement et l’utilisation
de mercenaires est l’un des facteurs qui contribuent à attiser et exacerber les conflits en
Afrique de l’Ouest […] »530.

De cet échantillon de résolutions du Conseil de sécurité, il transparaît que


l’exploitation illicite des ressources naturelles favorise le commerce illicite d’armes
(légères), le recrutement et l’utilisation des mercenaires, ce qui pérennise les conflits
armés en Afrique.

L’Assemblée générale des Nations Unies n’est pas restée insensible au lien
entre les conflits armés et l’exploitation illicite des ressources naturelles. A ce sujet, par
exemple, elle a adopté la résolution 55/56, du 29 janvier 2001, intitulée « Le rôle des
diamants dans les conflits : briser le lien entre le négoce illicite des diamants bruts et les
conflits armés afin de contribuer à la prévention et au règlement des conflits »531. Dans
cette résolution, l’Assemblée générale exprime son inquiétude devant le fait que les
diamants du sang alimentent les conflits armés dans un certain nombre de pays, et que ces
conflits ont des conséquences dévastatrices pour la paix et la sécurité des populations des
pays touchés532. Elle est consciente que les diamants provenant de zones de conflit sont
des diamants bruts utilisés par les mouvements rebelles pour financer leurs activités
militaires, en particulier des tentatives visant à ébranler ou renverser des gouvernements
légitimes ; et que le problème des diamants provenant de zones de conflit est un sujet de
grave préoccupation à l’échelle internationale, et que les mesures propres à porter remède
à ce problème devraient mobiliser toutes les parties concernées, y compris les pays qui
produisent, travaillent, exportent et importent ces diamants, de même que l’industrie du
diamant533. Elle reconnaît qu’il faut s’attaquer au problème posé par les diamants bruts en
provenance de territoires appartenant à des pays producteurs de diamants qu'occupent

530
S/ RES/1643 (2005), 15 décembre 2005, p. 2.
531
A/RES/55/56, 29 janvier 2001.
532
Cf. Ibidem, alinéa 2, p. 1.
533
Cf. Ibidem, alinéas 3 et 6, p. 1.
125

militairement d'autres pays, bien sûr, en conformité avec le droit international534. C’est
cette résolution qui a été à l’origine du Système de Certification du Processus de
Kimberley sur les diamants bruts(SCPK)535. Par sa résolution 56/263, du 9 avril 2002,
portant le même titre que la résolution 55/56, l’Assemblée générale, après avoir considéré
« les conséquences dévastatrices des conflits alimentés par le commerce des diamants du
sang sur la paix, la sûreté et la sécurité des populations des pays touchés… »536, a
encouragé et appuyé le processus de Kimberley537.

Par ailleurs, il convient de mentionner sa résolution du 1er décembre 2006,


dans laquelle elle insiste sur la nécessité de s’attaquer aux effets néfastes pour la paix, la
sécurité et le développement en Afrique de l’exploitation « illégale » des ressources
naturelles sous tous ses aspects, et sur le fait que le trafic illicite des ressources naturelles
est une cause de grave préoccupation internationale, pouvant être directement liée au
financement des conflits armés, au trafic illicite d’armes et à leur prolifération, surtout
des armes légères et des armes portatives538.

Au bout de cette analyse, il importe de souligner que les liens entre conflit
armé et exploitation illicite des ressources naturelles (cause ou moyen de poursuite du
conflit armé) ne doivent pas toujours être considérés dans un « isolationnisme clinique ».
Au fait, dans la pratique, l’exploitation des ressources naturelles peut être à la fois une
cause et un moyen de poursuite d’un conflit armé. Pour reprendre l’heureuse expression
de Philippe Hugon, « les facteurs économiques jouent un rôle essentiel à la fois comme
enjeux et comme mode de financement des conflits (le nerf de la guerre) »539. Tels furent
les cas dans les conflits armés en Sierra Leone et en RDC, ainsi que nous l’avons relevé.

534
Cf. Ibidem, alinéa 8, p. 1.
535
« Création et mise en application d’un système international simple et fonctionnel de délivrance de
certificats pour les diamants bruts » (Cf. A/RES/55/56, 29 janvier 2001, point 3, a), p. 2). Nous
n’analyserons pas le SCPK parmi les règles applicables aux Etats car il n’est pas juridiquement
contraignant. En effet, il a été adopté par la Déclaration d’Interlaken du 5 novembre 2002, un instrument
qui ‘‘ use hortatory language, more particularly, the word ‘should’ instead of ‘shall’’’. (Voir J.
PAUWELYN, ‘‘WTO Compassion or Superiority Complex ?: What to make of the WTO Waiver for
‘Conflict diamonds’’’, in Michigan Journal of International Law, Vol. 24, 2002-2003, pp. 1193-1196).
536
A/RES/56/263, 9 avril 2002, p. 1.
537
Cf. Ibidem, pp. 2-3, §§ 1-9.
538
Cf. A/ 61/ L. 41, 1er décembre 2006.
539
PH. HUGON, « Art. cit. », p. 839.
126

Une question incidente à aborder brièvement est celle de la « malédiction des


ressources naturelles ». Pour les tenants de cette thèse, « de manière paradoxale,
l’exploitation des richesses du sous-sol est souvent associée à la misère des populations
locales, à la mauvaise gouvernance et à la dégradation de l’environnement »540. C’est ce
que Terry Lynn Karl dénomme « le paradoxe de l’abondance »541. Dans le même sens,
Paul Collier dénonce le « piège de l’abondance de ressources naturelles »542. Appliquant
cette théorie à l’Afrique, d’aucuns considèrent que « le continent africain serait
internationalement convoité pour ses richesses. Selon ce point de vue, toute crise
politique aiguë menant à des conflits violents est perçue comme fait d’acteurs
internationaux occultes manipulant les acteurs nationaux, cherchant à satisfaire des
intérêts économiques et à asseoir leur domination »543. Ecartant cette thèse, Jean-François
ORRU et ses collaborateurs mentionnent à propos des diamants : « Les diamants sont
essentiels pour bien des économies africaines et représentent toujours un enjeu majeur
dans les luttes de pouvoir, y compris dans des pays qui n’ont pas défrayé la chronique à
ce sujet (des conflits armés) : pays d’Afrique australe, République du Congo, Guinée,
République Centrafricaine, Tanzanie, etc. Cela pourrait suffire à faire douter les voix qui
relient directement les ressources en diamant au développement des conflits, en
suggérant entre les deux un lien de causalité »544. Prenant à son tour position face à la
théorie de la « malédiction des ressources naturelles », Gilles Carbonnier, se montre bien
nuancé : « En résumé, une majorité d’études récentes incitent au pessimisme. La plupart
des études de cas accréditent aujourd’hui la thèse de la malédiction des matières
premières en général, du pétrole en particulier […] Il existe toutefois des exceptions à la
règle. Quelques pays en développement ont su tirer parti de la richesse de leur sous-sol
pour lutter contre la pauvreté avec succès relatif (par exemple le Botswana, l’Indonésie
et la Malaisie) »545. Pour sa part, Philippe Le Billon souligne que « cette ‘‘malédiction’’

540
G. CARBONNIER, « Comment conjurer la malédiction des ressources naturelles ? », in Annuaire suisse
de politique de développement, Vol. 26, n°2/2007, p. 84.
541
T.L. KARL cité par Ibidem, p. 84.
542
‘‘Why Is Natural Resource Abundance a Trap ?’’ (P. COLLIER, The Bottom Billion, Op. cit., pp. 50-
52).
543
S. MARYSSE et C. ANDRE, « Art. cit. », p. 308.
544
J.-F. ORRU et al., « Art. cit. », p. 173.
545
G. CARBONNIER, « Art. cit. », p. 87.
127

ne vient pas des ressources mais plutôt des dirigeants »546. Et dans un sens tout à fait
positif, Charles-Philippe David et Jean-François Gagné observent que ‘‘ [n]atural
resources can be a source of development rather than a source of conflict’’547.

Après cette présentation descriptive du phénomène d’exploitation illicite des


ressources naturelles de quelques Etats africains en temps de conflit armé, il convient
d’examiner à présent les règles relatives à la protection internationale des ressources
naturelles d’un Etat étranger, de manière générale, c’est-à-dire en tout temps, et de
manière particulière pendant un conflit armé. Cet examen nous permettra de découvrir les
règles primaires applicables et de comprendre dans quelles hypothèses, dans le cadre
d’un conflit armé, l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat étranger par d’autres
Etats est illicite (chapitre III).

546
PH. LE BILLON, « Matières premières, violences et conflits armés », in Tiers-Monde, tome 44, n°174,
2003, p. 317.
547
CH.-PH. DAVID et J.-F. GAGNE, ‘‘Natural resources. A source of conflict?’’, in International Journal,
62/2006-2007, p. 17.
128

CHAPITRE III. REGLES PRIMAIRES APPLICABLES AUX ETATS

La protection des ressources naturelles figure parmi les préoccupations de la


Communauté internationale. La multitude et la diversité des règles juridiques
internationales dans ce domaine en constituent un vibrant témoignage. Dans le cadre de
notre recherche, nous nous limiterons à examiner les règles primaires applicables aux
Etats.

La protection des ressources naturelles d’un Etat par le droit international doit
être assurée en tout temps, c’est-à-dire en temps de paix et en temps de conflit armé548
(section I). Cependant, en cas de conflit armé, certaines règles spécifiques sont
d’application (section II).

Section I. Règles applicables en tout temps

La protection des ressources naturelles d’un Etat est assurée en tout temps par
des règles générales conventionnelles ou coutumières (§1) et par des règles particulières
constituant une réaction des Etats au phénomène d’exploitation illicite des ressources
naturelles (§2). Etant donné le foisonnement des règles de Soft Law en cette matière, nous
ne nous concentrerons que sur les règles juridiquement obligatoires qui nous semblent les
plus pertinentes. Cela ne nous empêche pas de faire référence aux règles de nature
politique (par exemple, des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale
des Nations unies,…) en tant que moyen d’interprétation du droit international.

548
Selon Jean d’Aspremont, ‘‘the platform offered by international humanitarian law to develop a
regulatory framework for natural resources brigandage has quickly shown its limits and alternative routes
have been devised. Mention is briefly made here of:
(1) International human rights law;
(2) International criminal law;
(3) The principle of permanent sovereignty over natural resources;
(4) The law of collective security;
(5) Environmental law; and
(6) Due diligence’’ (J. D’ASPREMONT, ‘‘Towards an International Law of Brigandage: Interpretative
Engineering for the Regulation of Natural Resources Exploitation’’, in Asian Journal of International Law,
Vol. 3, 2013, p. 8).
129

§1. Règles générales conventionnelles ou coutumières protectrices des ressources


naturelles

Nous examinerons tour à tour le principe de l’interdiction du recours à la


force (A), le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles (B) et
l’obligation de vigilance ou obligation de diligence (C).

A. Principe de l’interdiction du recours à la force

L’une des innovations spectaculaires de la Charte des Nations unies est sans
doute l’affirmation du principe de l’interdiction du recours à la force (Jus contra bellum)
« comme une règle de droit général, s’imposant à tous les membres de la communauté
internationale »549. En effet, selon le prescrit de l’article 2, § 4, « [l]es Membres de
l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace
ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de
tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies »550.

Selon Patrick Daillier, Mathias Forteau et Alain Pellet, « la prohibition posée


par l’article 2, § 4, de la Charte vise tout recours à la force, dont la guerre n’est qu’une
forme extrême »551. Joe Verhoeven ne manque pas de préciser que la force prohibée est
« la force armée, c’est-à-dire celle qui, s’agissant des Etats, s’appuie sur des moyens
militaires »552.

Aussi ferme que paraisse ce principe de l’interdiction du recours à la force,


deux exceptions (seulement) sont admises par la Charte : la légitime défense (article 51)

549
J. VERHOEVEN, Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 670.
550
D’après la doctrine et la jurisprudence, cette règle a un caractère coutumier, même si son expression
n’oblige formellement que les Etats membres de l’ONU ; c’est une norme de jus cogens (Cf. J.
VERHOEVEN, Op. cit., p. 671 et E. CANAL-FORGUES et P. RAMBAUD, Droit international public,
Paris, Flammarion, 2007, p. 318). La CIJ a confirmé le caractère coutumier de la prohibition de l’emploi de
la force dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. Elle a en
outre appuyé l’opinion de la Commission du droit international (CDI) selon laquelle « le droit de la Charte
concernant l'interdiction de l'emploi de la force constitue en soi un exemple frappant d'une règle de droit
international qui relève du jus cogens » (paragraphe 1 du commentaire de la Commission sur l'article 50 de
ses projets d'articles sur le droit des traités, Annuaire de la Commission, 1966-II, p. 270) ( Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 100, § 190).
551
P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit international public (8e édition), Paris, L.G.D.J.,
2009, p. 1035.
552
J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 672.
130

et l’emploi collectif de la force, décidée par le Conseil de Sécurité en vertu du chapitre


VII553.

Certes, de nombreuses études ont été consacrées à ce principe554. Pour le


moment, notre objectif est de mettre en évidence le lien entre sa violation et l’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger. Plus simplement, il s’agit de montrer
comment le principe de l’interdiction du recours à la force protège les ressources
naturelles d’un Etat.

Au chapitre précédent, nous avons synthétisé les liens entre conflit armé et
exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en ce sens que celle-ci
peut ou bien être une cause du conflit, ou bien être un moyen de poursuite, de
continuation du conflit. De nos jours, dans la plupart des cas, l’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger intervient en cas de conflit armé, mieux, en cas
de violation de la règle de la prohibition du recours à la force.

Si cette règle n’était pas consacrée par le droit des gens, l’on comprend
combien plus grande serait, pour certains Etats militairement puissants, la volonté de
déclencher des conflits armés pour s’emparer des ressources naturelles d’autres Etats. De
toute évidence, le principe de non recours à la force constitue un frein à ces velléités de
pillage des ressources naturelles des Etats étrangers. Autrement dit, si la Communauté
internationale parvenait à faire respecter ce principe, il n’y aurait pas de conflit armé avec

553
Cf. D. CARREAU, Droit international (10e édition), Op. cit., p. 516 et J. VERHOEVEN, Op. cit., p.
679.
554
Voir par exemple H. WEHBERG, « L’interdiction du recours à la force. Le principe et les problèmes
qui se posent », in R.C.A.D.I., 1951-I, Vol. 78, pp. 7- 121 ; W. WENGLER, « L’interdiction du recours à la
force. Problèmes et tendances », in R.B.D.I., 1971, pp. 401-450 ; J. ZOUREK, L’interdiction de l’emploi de
la force en droit international, Leyde, Sijthoff, 1974 ; R. HIGGINS, « The Legal Limits to the Use of Force
by Sovereign States. UN Practice », in BYbIL, 1961, pp. 269- 319 ; M. VIRALLY, « Commentaire de
l’article 2, § 4, de la Charte », in J.-P. COT et A. PELLET (éditeurs), La Charte des Nations Unies (2e
édition), Paris, Economica, 1991, pp. 115- 128 ; O. CORTEN, « L’interdiction du recours à la force dans
les relations internationales est-elle opposable aux groupes ‘‘ terroristes’’ ? », in R. BEN ACHOUR et S.
LAGHMANI (Sous la direction de), Op.cit., pp. 129-159 ; R. VAN STEENBERGHE, « L’arrêt de la Cour
internationale de Justice dans l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo et le recours à la force.
Conclusions (implicites) de la Cour », in R.B.D.I., 2006/2, pp. 671-702 ; R. VAN
STEENBERGHE, « L’emploi de la force en Libye : questions de droit international et de droit belge », in
Journal des Tribunaux, n°6444, juillet 2011, pp. 529-537 ; R. VAN STEENBERGHE, La légitime défense
en droit international public, Bruxelles, Larcier, 2012 ; M. ROSCINI, « Threats of Armed Force and
Contemporary International Law », in NILR, 2007, 229- 278 ; N. STURCHLER, The Threat of Force in
International Law, Cambridge, CUP, 2007 ; etc.
131

comme objectif l’exploitation illicite des ressources naturelles. De ce fait, le principe de


l’interdiction du recours à la force contribue indirectement à la protection des ressources
naturelles d’un Etat. Nous reviendrons sur ce point en traitant des règles spécifiques de
jus in bello relatives à la protection des ressources naturelles, en particulier des
obligations de la puissance occupante.

Alors que le principe de l’interdiction du recours à la force vise la protection


des ressources naturelles d’une manière indirecte, le Principe de souveraineté permanente
sur les ressources naturelles est tout à fait pertinent.

B.Principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles

Elaboré à l’initiative des pays en voie de développement, dans une logique


de contestation par ces « Etats nouveaux » des normes classiques édictées sans eux555, le
principe de souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles signifie que
« chaque Etat décide en dernière instance et en toute indépendance du sort des ressources
naturelles qui se trouvent sur son territoire et des activités économiques qui s’y
exercent »556. Il a été énoncé dans la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des
Nations unies, le 14 décembre 1962, dont le point 1 dispose : « Le droit de souveraineté
permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles
doit s’exercer dans l’intérêt du développement national et du bien-être de la population de
l’Etat intéressé ».

Ce droit a été confirmé et développé notamment par la Déclaration relative à


l’instauration d’un nouvel ordre économique international (résolution 3201 (S.VI) de
l’Assemblée générale, en date du 1er mai 1974, par la Charte des droits et devoirs
économiques des Etats (résolution 3281(XXIX) de l’Assemblée générale, du 12

555
Cf. D. ROSENBERG, Le principe de souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles, Paris,
L.G.D.J., 1983, p. 118. Pour ces Etats, « Pas d’indépendance politique sans indépendance économique ».
Ainsi donc, l’émancipation économique est le complément nécessaire de l’indépendance politique (Cf.
Ibidem, p. 130).
556
J. SALMON (sous la direction de), Dictionnaire de droit international public, Op. cit., p. 1046.
132

décembre 1974, par la Déclaration sur le droit au développement (résolution 41/128) du 4


décembre1986557.

La valeur juridique de ce principe a fait l’objet d’une controverse doctrinale.


En effet, au regard de la force juridique des résolutions de l’Assemblée générale, deux
courants de pensée se sont dessinés, comme nous lisons sous la plume d’Obed Asamoah:
“[…] Broadly speaking, there are two sets of view: there is a school of thought which
denies then a part in the development of international law and regards them merely as of
moral weight. Another school of thought admits their legal significance but is hopelessly
divided on its nature and scope […]”558.

Pour la première école, dans laquelle s’inscrit par exemple G. Fischer, « en


règle générale, les résolutions de l’Assemblée générale ne lient pas les Etats »559. Ainsi,
« comme les autres résolutions de l’Assemblée Générale, la résolution du 14 décembre
1962 ne comportant que des recommandations n’a pas de force obligatoire »560. On
comprend du coup que selon cette école, le principe de souveraineté permanente des Etats
sur leurs ressources naturelles, consacré par un instrument non contraignant, est dépourvu
de force juridique.

Pour la seconde école, dans laquelle figurent par exemple Virally et


Charpentier, la valeur juridique d’une résolution de l’Assemblée générale varie selon
qu’il s’agit d’une recommandation ou d’une déclaration. La recommandation est, pour

557
Voir par exemple, « Article 4, alinéa e) : Souveraineté permanente intégrale de chaque Etat sur ses
ressources naturelles et sur toutes les activités économiques. En vue de sauvegarder ces ressources, chaque
Etat est en droit d’exercer un contrôle efficace sur celles-ci et sur leur exploitation par les moyens
appropriés à sa situation particulière, y compris le droit de nationaliser ou de transférer la propriété à ses
ressortissants, ce droit étant une expression de la souveraineté permanente intégrale de l’Etat. Aucun Etat
ne peut être soumis à une coercition économique, politique ou autre visant à empêcher l’exercice libre et
complet de ce droit inaliénable » (Déclaration relative à l’instauration d’un nouvel ordre économique
international, Résolution 3201 (S. VI), du 1er mai 1974) ; « 2-1. Chaque Etat détient et exerce librement une
souveraineté entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques,
y compris la possession et le droit de les utiliser et d’en disposer (Charte des droits et devoirs économiques
des Etats, A/RES/3281 (XXIX)- 12 décembre 1974) ; « Article 1er-2. Le droit de l’homme au
développement suppose aussi la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui
comprend, sous réserve des dispositions pertinentes des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de
l’homme, l’exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs
ressources naturelles. » (Déclaration sur le droit au développement, A/ RES/41/128- 4 décembre 1986), etc.
558
O. Y. SAMOAH cité par D. ROSENBERG, Op. cit., p. 198.
559
Cf. G. FISCHER, « La souveraineté sur les ressources naturelles », in A.F.D.I., Vol. 8, 1962, p. 517.
560
M. PETREN cité par D. ROSENBERG, Op. cit., p. 198.
133

son ou ses destinataires, une invitation à adopter un comportement déterminé561. Elle est
de ce fait facultative, non contraignante. En revanche, la déclaration est une résolution
par laquelle l’Organisation des Nations unies affirme la valeur juridique de certains
principes562. Elle leur confère une force juridique. Pour cette partie de la doctrine, les
déclarations de l’Assemblée générale énoncent des règles qui font partie du droit
international coutumier. En effet, ces déclarations confirment une pratique et une
certaine opinio juris des Etats563.

La jurisprudence internationale a déjà abordé la question de la valeur


juridique des résolutions de l’Organisation des Nations unies. Dans l’affaire Texaco-
Calasiatic c. Gouvernement libyen, l’arbitre unique, René-Jean Dupuy, indique que les
textes émis par l’Organisation sont très divers et sont revêtues d’une valeur juridique
inégale564. Evaluant la force juridique des résolutions relatives aux ressources et
richesses naturelles adoptées au sein de l’ONU, le Tribunal arbitral a tenu compte des
critères habituellement retenus, à savoir l’examen des conditions de vote et l’analyse des
dispositions énoncées565.

Compte tenu des conditions de vote, le Tribunal constate que la résolution


1803 (XVII), du 14 décembre 1962, a été votée à l’Assemblée générale par 87 voix
contre 2, avec 12 abstentions. La majorité comprend non seulement de nombreux Etats
du Tiers Monde, mais également plusieurs pays occidentaux développés, dont le plus
important, les Etats-Unis. Il conclut que les principes contenus dans cette résolution ont
ainsi obtenu l’assentiment d’un grand nombre d’Etats représentant l’ensemble des régions

561
Cf. M. VIRALLY, « La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », in
A.F.D.I., Vol. 2, 1956, p. 68.
562
Cf. Ibidem., p. 68.
563
Cf. D. ROSENBERG, Op. cit., pp. 202- 206.
564
Cf. Affaire Texaco-Calasiatic c. Gouvernement libyen, Sentence arbitrale au fond du 19 janvier 1977, in
Journal du droit international, Vol. 104, 1977, p. 376, § 83. Un brillant commentaire de cette sentence
arbitrale a été réalisé par J.-F. LALIVE, « Un grand arbitrage pétrolier entre un Gouvernement et deux
sociétés privées étrangères (Arbitrage Texaco/ Calasiatic c/ Gouvernement Libyen) », in Journal du droit
international, Vol. 104, 1977, pp. 319- 389. Voir également G. COHEN-JONATHAN, « L'arbitrage
Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen; décision au fond du 19 janvier 1977 », A.F.D.I., Volume
23, 1977, pp. 452-479 ; J. VERHOEVEN, « Droit international des contrats et droit des gens. (A propos de
la sentence rendue le 19 janvier 1977 en l’affaire California Asiatic Oil Company et Texaco Overseas Oil
Company c. Etat libyen) », in R.B.D.I., Vol. 14, 1978-1979-1, pp. 209-230.
565
Cf. Affaire Texaco-Calasiatic c. Gouvernement libyen, p. 376, § 83.
134

géographiques, mais également l’ensemble des systèmes économiques566. Par contre, le


Tribunal constate que les autres résolutions (3171 (XXVII), 3201 (S.VI) et 3281 (XXIX)
n’ont pas été adoptées dans les mêmes conditions que la résolution 1803 (XVII), en ce
qui concerne la représentation de l’ensemble des régions géographiques et l’ensemble des
systèmes économiques. Elles n’ont été votées ou appuyées que par une majorité d’Etats
ne comptant aucun des grands pays développés à économie de marché567.

Partant de ce premier critère, le Tribunal, tout en considérant que « l’absence


de force obligatoire attachée aux résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies
implique que celles-ci ont besoin d’être acceptées par les membres de l’Organisation
pour produire des effets de droit […] constate que seule la résolution 1803 (XVII) du 14
décembre 1962 a été votée par une majorité d’Etats membres représentant l’ensemble
des groupes qualifiés »568. Aux yeux du Tribunal, ces conditions de vote traduisent une
‘‘opinio juris communis’’ et de ce fait, la résolution 1803 (XVII) reflète « l’état du droit
coutumier existant en la matière »569.

S’agissant du second critère, à savoir le contenu des résolutions, le Tribunal


distingue deux types de dispositions :

- « les dispositions constatant un droit existant sur lequel la généralité des


Etats a manifesté son accord »570 : ces dispositions ‘‘de lege lata’’ « proclament des
normes reconnues par la Communauté internationale, il ne s’agit pas de créer une
coutume, mais de la confirmer en la formulant et en précisant sa portée »571. Selon
l’heureuse expression de l’Ambassadeur Castaneda, reprise par le Tribunal, « ces
résolutions ne sont pas créatrices de droit ; elles ont un caractère déclaratif de
constat »572 ;

- « les dispositions introduisant des principes nouveaux rejetés par certains


groupes représentatifs d’Etats et ne représentant qu’une valeur‘‘ de lege ferenda’’ :

566
Cf. Ibidem, p. 376, § 84.
567
Cf. Ibidem, pp. 377-378, § 85-86.
568
Ibidem, p. 378, § 86.
569
Cf. Ibidem, p. 379, § 87.
570
Ibidem, p. 378, § 87.
571
Ibidem, p. 378, § 87.
572
Ibidem, p. 379, § 87.
135

celles-ci n’ont cette valeur ‘‘ de lege ferenda’’ qu’aux yeux des Etats qui les ont adoptés ;
pour les autres, le rejet de ces mêmes principes implique qu’ils les considèrent comme
allant ‘‘ contra legem’’ »573.

Appliquant les deux critères, le Tribunal conclut que «si la résolution 1803
(XVII) apparaît dans une large mesure comme la manifestation d’une volonté générale
réelle, il n’en est rien en ce qui concerne les autres résolutions précitées »574.

Somme toute, dans ce travail, nous retenons que le principe de souveraineté


permanente sur les ressources naturelles relève du droit international coutumier. Il ne
nous semble pas très intéressant de faire, comme le Tribunal arbitral, une distinction
méticuleuse relative aux instruments internationaux dans lequel ce principe est consacré.
Nous adoptons simplement l’attitude de la Cour internationale de Justice qui, dans
l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du
Congo c. Ouganda), après avoir rappelé les résolutions dans lesquelles le principe de
souveraineté permanente sur les ressources naturelles a été consacré et développé,
reconnaît, sans détours, « l’importance de ce principe, qui revêt le caractère d’un
principe de droit international coutumier »575.

La valeur juridique du principe de souveraineté permanente sur les ressources


naturelles étant hors de doute, il convient à présent d’examiner la question de son
applicabilité à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en temps
de conflit armé.

De manière lapidaire et fort surprenante, la Cour internationale de Justice


écarte l’applicabilité du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles
au cas d’exploitation illicite pendant un conflit armé lorsqu’elle indique : « Tout en
reconnaissant l’importance de ce principe, qui revêt un caractère d’un principe de droit
international coutumier, la Cour relève que rien dans ces résolutions de l’Assemblée
générale ne laisse entendre qu’elles soient applicables au cas particulier du pillage et de

573
Ibidem, p. 378, § 87.
574
Ibidem, p. 379, § 88.
575
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, pp. 251, § 244.
136

l’exploitation de certaines ressources naturelles par des membres de l’armée d’un Etat
intervenant militairement sur le territoire d’un autre Etat […]. La Cour n’estime pas que
ce principe s’applique à ce type de situation »576.

Cette position de la Cour mérite quelques observations. La Cour semble


souscrire à l’argument de l’Ouganda, selon lequel ce principe, « façonné dans un cadre
historique précis (notamment celui de la décolonisation) et ayant une finalité précise », ne
saurait être applicable dans le contexte de l’affaire des activités militaires sur le territoire
du Congo577. Ce point de vue de la Cour a été salué par le juge ad hoc Kateka, désigné
par l’Ouganda, qui s’est ainsi exprimé dans son opinion dissidente : « La Cour a, selon
moi, à bon droit, rejeté une partie du chef de conclusions de la RDC relatif à la violation
de la souveraineté permanente du Congo sur ses ressources naturelles, au motif que cette
violation n’a pas été établie. La notion de souveraineté permanente sur les ressources
naturelles a été formulée dans la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale en date
de 1962. Elle a été adoptée à l’époque de la décolonisation, marquée par l’affirmation
des droits des Etats nouvellement indépendants. Il serait donc malvenu de l’appliquer à
une affaire opposant deux Etats africains. Cette observation est sans préjudice du droit
des Etats à la propriété de leurs ressources naturelles et/ou de leur droit d’en disposer
comme ils l’entendent »578.

De leur côté, Daillier, Forteau et Pellet vont dans le sens de l’argument de


l’Ouganda et du juge ad hoc Kateka en ces termes: « Quant à la doctrine de la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles […], elle ne vise le peuple comme
bénéficiaire exclusif et direct qu’avant l’indépendance : son rôle est alors de sauvegarder
les droits futurs de la collectivité étatique et de gêner l’exploitation coloniale »579.

576
Ibidem, pp. 251-252, § 244.
577
Ibidem, § 231.
578
Ibidem, Opinion dissidente de M. le juge Kateka, § 56, disponible sur http://www.icj-
cij.org/docket/files/116/10473.pdf consulté le 25 novembre 2013. Par son observation finale, J. L. Kateka
voudrait insister sur le fait que, à son avis, le droit de propriété qu’exerce un Etat indépendant sur ses
ressources naturelles ne peut pas être qualifié de souveraineté permanente sur les ressources naturelles, ce
dernier concept n’étant applicable que dans un contexte de décolonisation. Nous ne partageons pas cet avis
pour des raisons que nous avancerons dans les lignes suivantes.
579
P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op.cit., p. 580.
137

Nous éprouvons une certaine réticence à épouser ce point de vue. Il nous


semble important de procéder à une interprétation du point 1 de la résolution 1803 (XVII)
de l’Assemblée générale des Nations unies, du 14 décembre 1962, qui énonce le principe
de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles : « Le droit de souveraineté
permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles
doit s’exercer dans l’intérêt du développement national et du bien-être de la population de
l’Etat intéressé ».

La question préalable qui se pose est celle de la méthode d’interprétation que


nous allons appliquer à cette disposition. Les méthodes d’interprétation des règles
juridiques ont fait l’objet d’une abondante littérature580. Jean-Louis Bergel résume les
« méthodes actuelles d’interprétation » en ces termes : « Derrière l’interprétation
grammaticale et logique des textes par rapport à leur rédaction et à leur contexte dans le
droit positif, à côté du respect de leur esprit dont la connaissance suppose une
interprétation psychologique de la volonté des auteurs, il faut admettre une méthode
téléologique et une méthode historique ou évolutive […]. La méthode téléologique fondée
sur l’analyse de la finalité de la règle, sur son but social, fait prévaloir son esprit sur sa
lettre, fût-ce en sacrifiant le sens terminologique des mots […]. La méthode historique ou
évolutive se fonde sur l’idée que le droit est une création continue de la société dont les
textes ne sont que l’expression provisoire qui doit évoluer avec le milieu social. Ils

580
Voir inter alia : PH. COPPENS, Normes et fonction de juger, Bruxelles/ Paris, Bruylant/L.G.D.J., 1998,
pp. 101-116 ; J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit (3e édition), Paris, Dalloz, 1999, pp. 245-256 ; H.
BATIFFOL, « Questions de l’interprétation juridique », in L’interprétation dans le droit, in Archives de
Philosophie du Droit, n°17, 1972, pp. 9-27 ; CH. PERELMAN, « L’interprétation juridique », in Ibidem,
pp. 29-37 ; M. VILLEY, « Modes classiques d’interprétation du droit », in Ibidem, pp. 71-88 ; F. OST,
« Interprétation », in Vocabulaire fondamental du droit, in Archives de Philosophie du Droit, Tome 35,
1990, pp. 165-190 ; C. SANTULLI, « Rapport général » du dossier Les techniques interprétatives de la
norme internationale, in R.G.D.I.P., Tome 115, 2011/2, pp. 297-308 ; P. BRUNET, « Aspects théoriques et
philosophiques de l’interprétation normative », in Ibidem, pp. 311-327 ; B. REMY, « Techniques
interprétatives et systèmes de droit », in Ibidem, pp. 329-347 ; O. CORTEN, « Les techniques reproduites
aux articles 31 à 33 des Conventions de Vienne : approche objectiviste ou approche volontariste de
l’interprétation ? », in Ibidem, pp. 351-372 ; G. DISTEFANO, « L’interprétation évolutive de la norme
internationale », in Ibidem, pp. 373-396 ; M. FORTEAU, « Les techniques interprétatives de la Cour
internationale de Justice », in Ibidem,, pp. 399-416 ; G. GUILLAUME, « Discutant », in Ibidem, pp. 417-
420 ; M. UBEDA-SAILLARD, « Les techniques interprétatives des tribunaux pénaux internationaux », in
Ibidem, pp. 421-434 ; F. LATTANZI, « Discutant », in Ibidem, pp. 435-458 ; F. LATTY, « Les techniques
interprétatives du CIRDI », in Ibidem,, pp. 459-480 ; S. TOUZE, « Les techniques interprétatives des
organes de protection des droits de l’homme », in Ibidem,, pp. 517-532 ; F. TULKENS, « Discutant », in
Ibidem, pp. 533-540 ; PH. WECKEL, « Conclusions générales », in Ibidem, pp. 541-549.
138

peuvent donc se détacher de la volonté initiale du législateur et acquérir un sens nouveau


pour s’adapter aux exigences nouvelles […]. Le sens d’un texte peut donc changer avec
le temps et les circonstances »581.

Ces méthodes sont applicables à tout texte juridique. Comme la disposition


qui nous concerne à présent relève du droit international public, nous devons mentionner
clairement les méthodes propres à cette branche juridique. Selon Carlo Santulli, « en
droit international, […] [c]’est la Convention de Vienne de 1969 qui codifie le droit des
traités et choisit d’énoncer des règles d’interprétation qu’elle tient pour des règles
coutumières du droit international. […] [A]vec des nuances, les règles d’intreprétation
posées par la Convention de Vienne ont été appliquées de façon constante par la
jurisprudence internationale, même dans les cas où la Convention de Vienne n’était pas
applicable en tant que traité, si bien que leur nature coutumière […] n’est aujourd’hui
guère contestée, du moins dans leurs orientations fondamentales »582.

Ce sont donc la règle générale et les moyens complémentaires


d’interprétation consacrés par les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne de 1969583

581
J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit, Op. cit., pp. 251-252.
582
C. SANTULLI, « Rapport général » du dossier Les techniques interprétatives de la norme
internationale, « Art. cit. », p. 297.
583
« Article 31
Règle générale d’interprétation
1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans
leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes
inclus:
a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la
conclusion du traité;
b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par
les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.
3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :
a) De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de
l’application de ses dispositions;
b) De toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des
parties à l’égard de l’interprétation du traité;
c) De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties.
Article 32
Moyens complémentaires d’interprétation
Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux
préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens
139

qui seront applicables, mutatis mutandis, au principe de souveraineté permanente sur les
ressources naturelles. Il va sans dire que les principes des articles 31 et 32 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités rejoignent pratiquement les grandes
méthodes d’interprétation (grammaticale et logique, psychologique, téléologique, et
historique ou évolutive) expliquées ci-avant. Dans les développements suivants, nous
reprendrons parfois les termes des articles 31 et 32 en cas de besoin, mais nous utiliserons
plus fréquemmment des expressions génériques comme interprétation littérale, évolutive,
etc.

Cela dit, le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles


peut être interprété de trois façons différentes :

a) Le texte du point 1 de la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale


des Nations unies du 14 décembre 1962, selon lequel « [l]e droit de souveraineté
permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles
doit s’exercer dans l’intérêt du développement national et du bien-être de la population de
l’Etat intéressé », peut être interprété comme ayant été adopté dans un contexte de
décolonisation et comme devant y être limité. Cependant, les termes utilisés dans le texte
n’indiquent pas cette limitation. Certes, dans ce texte, le droit de souveraineté permanente
appartient aux peuples et aux nations. Ceci se comprend facilement pour des peuples et
nations des entités non autonomes. Mais la même disposition précise que ce droit « doit
s’exercer dans l’intérêt du développement national et du bien-être de la population de
l’Etat intéressé ». Si le droit de souveraineté appartient aux peuples et nations, pourquoi
un Etat serait-il intéressé à ce que ce droit (qui ne lui appartient pas) soit exercé dans
l’intérêt de son développement national ? Ce n’est pas très clair. Il y a lieu d’interpréter
que le droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles appartient aux
peuples et nations des territoires non autonomes. Mais dans le cas des territoires
indépendants (c’est-à-dire sur lesquels les peuples et nations sont constitués en Etat), ce

résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée
conformément à l’article 31 :
a) Laisse le sens ambigu ou obscur; ou
b) Conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable ».
140

droit appartient à l’Etat, lequel doit l’exercer en vue du développement national (c’est-à-
dire étatique) et du bien-être de sa population.

b) Une interprétation évolutive de ce texte peut permettre son application aux


Etats indépendants, y compris ceux dont les ressources sont illicitement exploitées en cas
de conflit armé. Cette interprétation est celle que nous partageons et sur laquelle nous
allons revenir incessamment.

c) Selon une interprétation évolutive plus poussée, on pourrait considérer que


ce principe pourrait être utilisé par les particuliers pour se retourner contre leur Etat si
celui-ci n’a pas sauvegardé les ressources naturelles. Cette interprétation est tout à fait
logique et semble consolidée par certaines constitutions584. Elle sera néanmoins écartée
de notre étude qui se limite à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger en cas de conflit armé, sans la complicité de l’Etat lésé.

Pourquoi avons-nous opté pour une interprétation évolutive du principe de


souveraineté permanente sur les ressources naturelles jusqu’à postuler son applicabilité
en cas de conflit armé ?

Le fait que ce principe a été adopté dans un contexte de décolonisation ne le


fige pas dans ce cadre. En effet, d’après Dominique Rosenberg, « les quelques Etats qui
luttèrent au sein des instances onusiennes et en pratique pour affirmer le droit souverain
de disposer des ressources naturelles et lui donner substance et application intégrèrent
cette mission au combat plus général pour la reconnaissance et le respect de
l’autodétermination des peuples […] cette tendance très caractéristique ne signifiait pas
que ceux qui la soutenaient entendaient limiter la portée de ce droit souverain aux
peuples n’ayant pas encore accédé à l’indépendance politique […] et ne pas l’étendre
aux Etats déjà indépendants […] tout au contraire une tendance croissante semblait se
développer, qui affirmait le droit souverain des Etats déjà constitués à une seconde
libération, la libération économique »585. Abondant dans le même sens, Pierre-Marie

584
Voir notamment l’article 58 de la Constitution de la RDC : « Tous les congolais ont le droit de jouir des
richesses nationales. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au
développement ». Il s’ensuit que lorsque l’Etat manque à son devoir, sa responsabilité peut être engagée.
585
D. ROSENBERG, Op. cit., pp. 129 et 137.
141

Dupuy souligne : « Le principe de souveraineté sur les ressources naturelles […] a


longtemps constitué le socle de revendication de la souveraineté économique énoncée par
les pays en développement, qu’ils aient ou non acquis de longue date leur indépendance
politique »586. Bref, ce principe traduit la libération, mieux l’indépendance économique,
qui consiste pour un Etat à jouir librement et à tout moment de ses ressources naturelles.

Selon la règle d’interprétation consacrée par l’article 31, § 3, b) et c), il sera


tenu compte en même temps que du contexte, de toute pratique ultérieure suivie dans
l’application du texte à interpréter et de toute règle pertinente de droit international
applicable. Il est à ce titre utile de tourner le regard vers d’autres résolutions de
l’Assemblée générale contenant le principe de souveraineté permanente sur les ressources
naturelles. Dans l’affaire Congo c. Ouganda, la Cour internationale de Justice a rappelé
que « le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles a été énoncé
dans la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale, en date du 14 décembre 1962,
puis a été développé dans la déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre
économique international (résolution 3201 (S.VI) de l’Assemblée générale, en date du
1er mai 1974), ainsi que dans la charte des droits et devoirs économiques des Etats
(résolution 3281 (XXIX) de l’Assemblée générale, en date du 12 décembre 1974) »587.
On se rend effectivement compte que dans les résolutions 3201 (S.VI) et 3281 (XXIX) de
l’Assemblée générale, le principe de souveraineté permanente sur les ressources
naturelles a connu une évolution et a été clairement énoncé. La souveraineté sur les
ressources naturelles appartient à l’Etat. En effet, l’article 4, alinéa e) de la résolution
3201 (S.VI) est libellé comme suit : « Souveraineté permanente intégrale de chaque Etat
sur ses ressources naturelles et sur toutes les activités économiques. En vue de
sauvegarder ces ressources, chaque Etat est en droit d’exercer un contrôle efficace sur
celles-ci et sur leur exploitation par les moyens appropriés à sa situation particulière, y
compris le droit de nationaliser ou de transférer la propriété à ses ressortissants, ce droit
étant une expression de la souveraineté permanente intégrale de l’Etat. Aucun Etat ne
peut être soumis à une coercition économique, politique ou autre visant à empêcher

586
P.-M. DUPUY, Droit international public (9e édition), Paris, Dalloz, 2008, p. 747.
587
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 251, § 244.
142

l’exercice libre et complet de ce droit inaliénable »588. Et l’article 2-1 de la résolution


3281 (XXIX) de disposer : « Chaque Etat détient et exerce librement une souveraineté
entière et permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités
économiques, y compris la possession et le droit de les utiliser et d’en disposer »589.

Au paragraphe 244 de l’arrêt Congo c. Ouganda, la Cour écarte l’application


du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles en cas de conflit
armé. Toutefois, il y a lieu de noter qu’au paragraphe 242 de cet arrêt, « la Cour conclut
qu’elle ne dispose pas d’éléments de preuve crédibles permettant d’établir qu’existait une
politique gouvernementale de l’Ouganda visant à l’exploitation de ressources naturelles
de la RDC, ou que cet Etat ait entrepris son intervention militaire dans le dessein
d’obtenir un accès aux ressources congolaises »590. En interprétant ce paragraphe en
corrélation avec le paragraphe 244, pouvons-nous dire que le principe de souveraineté
permanente sur les ressources naturelles serait applicable en l’espèce si l’on apportait la
preuve d’une politique gouvernementale de l’Ouganda d’exploitation des ressources
naturelles de la RDC pendant le conflit armé? La réponse (négative) de la Cour semble
catégorique : « [R]ien dans ces résolutions de l’Assemblée générale ne laisse entendre
qu’elles soient applicables au cas particulier du pillage et de l’exploitation de certaines
ressources naturelles par des membres de l’armée d’un Etat intervenant militairement sur
le territoire d’un autre Etat »591.

A notre sens, l’interprétation des résolutions 3201 (S.VI) et 3281 (XXIX) de


l’Assemblée générale, qui développent la résolution 1803 (XVII), peut pourtant conduire
à une position différente de celle de la Cour. Lorsque l’article 4, alinéa e) de la résolution
3201 (S.VI) mentionne « [a]ucun Etat ne peut être soumis à une coercition économique,
politique ou autre visant à empêcher l’exercice libre et complet de ce droit inaliénable »,
il nous semble que l’occupation militaire est une coercition qui prive l’Etat occupé de
« l’exercice libre et complet de ce droit inaliénable ». De même, l’exploitation illicite des

588
Déclaration relative à l’instauration d’un nouvel ordre économique international, Résolution 3201 (S.
VI), du 1er mai 1974.
589
Charte des droits et devoirs économiques des Etats, A/RES/3281 (XXIX)- 12 décembre 1974.
590
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 251, § 242.
591
Ibidem, p. 252, § 244.
143

ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé empêche l’Etat d’exercer sa
souveraineté sur ses ressources, car ne pouvant plus les utiliser librement et en disposer,
selon les termes de l’article 2-1 de la résolution 3281 (XXIX) de l’Assemblée générale.

Au sujet de la position de la Cour face au principe sous examen, Robert Kolb


et Sylvain Vité écrivent : « L’argument de la Cour semble excessivement littérale. Il
prive les Etats d’un de leurs droits essentiels dans une situation où ils en ont le plus
besoin. C’est précisément lorsque l’Etat est vaincu militairement et qu’il ne contrôle plus
son territoire et ses richesses que le principe de la souveraineté permanente sur les
ressources naturelles se révèle le plus nécessaire. La formulation de ce principe est
suffisamment large pour pouvoir englober ce type de situation. La formule large des
textes devrait pencher en faveur de leur application aux occupations militaires. Pour
pouvoir affirmer le contraire, il faudrait démontrer que cette position s’oppose à la
volonté des Etats exprimée soit lors de l’adoption des résolutions, soit au travers de leur
pratique ultérieure. La cour n’a pas entrepris ce travail de démonstration »592.

Notre position selon laquelle le principe de souveraineté d’un Etat sur ses
ressources naturelles est invocable en tout temps (période coloniale ou postcoloniale,
temps de paix ou de conflit armé,…) se trouve du reste confortée par la déclaration jointe
à l’arrêt par le juge Koroma, dont nous mettons en exergue ce paragraphe fort édifiant :

« La reconnaissance par la Cour du caractère coutumier de la résolution


1803 (XVII), adoptée le 14 décembre 1962 par l’Assemblée générale au sujet de la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles, n’est pas dénuée d’importance
car, si la Cour a certes considéré le règlement de La Haye de 1907 et la quatrième
convention de Genève de 1949 comme l’expression des règles au regard desquelles le
comportement ougandais devait être jugé, la résolution 1803 (XVII) n’en a pas moins
confirmé, rappelons-le, ‘‘[l]e droit de souveraineté permanent des peuples et des nations
sur leurs richesses et leurs ressources naturelles’’, précisant clairement que ces
ressources devaient être exploitées ‘‘dans l’intérêt du ... bien-être de la population de
l’Etat intéressé’’. Ces droits et intérêts doivent être respectés en tout temps, y compris en

592
R. KOLB et S. VITE, Le droit de l’occupation militaire. Perspectives historiques et enjeux juridiques
actuels, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 433-434.
144

temps de conflit armé ou d’occupation. Dans sa résolution 1291 (2000), le Conseil de


sécurité a réaffirmé la souveraineté de la RDC sur ses ressources naturelles et a pris
note avec préoccupation des informations faisant état de l’exploitation illégale des
richesses du pays et des conséquences que ces activités risquaient d’avoir sur la sécurité
et la poursuite des hostilités. Dès lors, l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat
par les forces d’occupation contrevient, selon moi, au principe de la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles ainsi qu’au règlement de La Haye de 1907 et à
la quatrième convention de Genève de 1949. En outre, la RDC et l’Ouganda sont tous
deux parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, selon
laquelle :

‘‘Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources


naturelles. Ce droit s’exerce dans l’intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un
peuple ne peut en être privé ’’ (Art. 21, par. 1; les italiques sont de moi.) »593.

Cette interprétation en faveur de l’applicabilité en cas de conflit armé du


principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles consacré par la
résolution 1803 (XVII) est par ailleurs partagée par bien d’experts et doctrinaires, ainsi
que le remarque Jean d’Aspremont, qui semble également y adhérer :

‘‘Among the other argumentative strategies in which experts and scholars


have ventured to provide a framework to the exploitation of natural resources, the resort
to the principle of permanent sovereignty over natural resources has been recurrent. The
invocation of the principle of permanent sovereignty over natural resources to regulate
the exploitation of natural resources in times of conflict is grounded in the famous UN
General Assembly Resolution 1803 (XVII) of 14 December 1962. This instrument,
although not expressly addressing the exploitation of resources in times of occupation, is
taken to provide some support for such a hypothesis. […] The affirmation by the ICJ of
the customary character of the principle of permanent sovereignty over natural resources
is even more surprising, for it could even be speculated that one of the reasons why the
Court refused to apply the principle in the Armed Activities case is because of the

593
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, Déclaration de M. le juge Koroma, pp. 289-290, § 11.
145

extremely vague standard of conduct that such a principle prescribes, in such situations.
Indeed, when a court of law has the choice between the application of an extremely vague
standard and a less vague one, it will usually be inclined to prefer the latter. It remains
that, despite all its normative deficiencies, scholars and individual judges have pursued
such argumentation with a view to offering a stricter framework for the exploitation of
natural resources in times of conflict. Such an interpretative construction has yet to be
endorsed in adjudicatory practice’’594.

Dans sa sentence arbitrale du 31 juillet 1989, le Tribunal pour la


détermination de la frontière maritime Guinée-Bissau/Sénégal a estimé que
« l’application du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
présuppose que les ressources dont il s’agit se retrouvent dans le territoire de l’Etat qui
invoque ce principe »595. L’on comprend dès lors qu’un Etat qui empêche un autre de
jouir librement des ressources naturelles se trouvant sur son territoire, notamment par
l’exploitation illicite de celles-ci ou par l’occupation du territoire, viole le principe de
souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Point n’est besoin de vouloir
limiter l’application de ce principe au contexte de décolonisation, mieux
d’autodétermination politique. Ce serait une contradiction de reconnaître la souveraineté
permanente sur leurs ressources naturelles aux entités non autonomes et la dénier à un
Etat. Ceci signifierait que dès qu’une entité non autonome accède à l’indépendance
politique, elle perd ipso facto cette souveraineté, ce qui est difficilement tenable.

En outre, en vertu de sa souveraineté territoriale, un Etat doit en principe


exercer son pouvoir sur tout être ou situation juridique relevant de son titre territorial596.
Ceci implique la souveraineté de l’Etat sur ses ressources naturelles.

Par ailleurs, il est fort révélateur que le Conseil de sécurité évoque la


souveraineté de la République démocratique du Congo sur ses ressources naturelles dans
des résolutions concernant la situation de ce pays en conflit armé. En effet, à titre

594
J. D’ASPREMONT, ‘‘Towards an International Law of Brigandage: Interpretative Engineering for the
Regulation of Natural Resources Exploitation’’, ‘‘Art. cit.’’, pp. 11 et 13.
595
Détermination de la frontière maritime Guinée-Bissau/Sénégal, sentence arbitrale du 31 juillet 1989, in
R.G.D.I.P., tome 94, 1990, p. 232, § 39.
596
Cf. J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 1046 (voir Souveraineté territoriale).
146

indicatif, dans les résolutions 1291 (2000) et 1341 (2001), nous lisons : « Le Conseil de
Sécurité, […] Réaffirmant également la souveraineté de la République démocratique du
Congo sur ses ressources naturelles, et prenant note avec préoccupation des informations
faisant état de l’exploitation illégale des ressources du pays et des conséquences que
peuvent avoir ces activités sur la sécurité et la poursuite des hostilités […] »597. En plus,
dans la résolution 1457 (2003), du 24 janvier 2003, le Conseil sécurité, réaffirmant aussi
la souveraineté de la République démocratique du Congo sur ses ressources
naturelles,…Condamne catégoriquement l’exploitation illégale de ces ressources
naturelles598. La conclusion qui saute aux yeux est que le Conseil de sécurité considère
que l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat viole sa souveraineté sur ces
ressources. C’est la raison pour laquelle il en fait une préoccupation et la condamne. Il
importe de relever que les résolutions indiquées ont été adoptées avant l’arrêt Congo c.
Ouganda (19 décembre 2005). Le Conseil de sécurité a-t-il changé de position après cet
arrêt ? Les éléments en notre possession ne nous permettent point de le croire. En effet,
cet arrêt intervient au moment où les forces d’occupation se sont déjà retirées
définitivement du territoire congolais, le 2 juin 2003599. Après cette décision de l’organe
judiciaire principal des Nations unies, le Conseil de sécurité n’a pas encore eu l’occasion
d’évoquer la violation par un quelconque Etat de la souveraineté de la République
démocratique du Congo sur ses ressources naturelles. Cependant, nous constatons que
dans des résolutions postérieures relatives à la situation dans ce pays, où les ressources
naturelles continuent de faire l’objet d’exploitation illicite par des groupes armés et des
milices, il rappelle ses résolutions précédentes600, y compris celles dans lesquelles il fait
référence à la souveraineté permanente de cet Etat sur ses ressources naturelles.

Bien plus, l’article 21, paragraphe 1er de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples énonce : « Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses

597
S/ RES/ 1291 (2000), du 24 février 2000, p. 1 et S/ RES/ 1341 (2001), 22 février 2001, p. 1. Voir
également S/RES/1332(2000), 14 décembre 2000 ; S/RES/ 1355(2001), 15 juin 2001 ; etc.
598
Cf. S/ RES/ 1457 (2003), du 24 janvier 2003, p. 1.
599
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 259, § 264.
600
Voir, par exemple, les résolutions 1856 (2008) et 1857 (2008), 22 décembre 2008, pp. 1 et 2.
147

et de leurs ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations.
En aucun cas, un peuple ne peut en être privé ».

In fine cette disposition insiste sur le fait qu’aucune circonstance ne peut


justifier la privation d’un peuple de ses ressources. En d’autres termes, un peuple, a
fortiori celui constitué en Etat, doit jouir de son droit de souveraineté permanente sur ses
ressources naturelles.

L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger par d’autres
Etats, même en temps de conflit armé ou d’occupation, constitue une violation flagrante
de ce droit de souveraineté permanente d’un Etat sur les ressources naturelles. C’est sur
la base de cette séquence finale du paragraphe 1er de l’article 21 de la Charte africaine
sous examen que le juge Koroma a déclaré que l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat par les forces d’occupation contrevient, selon lui, au principe de
601
souveraineté permanente sur les ressources naturelles . Evidemment lorsque les
peuples, mieux des citoyens, exerçaient des droits sur des ressources naturelles qui ont
été pillées, ils ont le droit d’agir contre l’Etat auteur ou complice, soit directement, soit
par leur Etat. C’est dans ce sens que, dans l’arrêt Congo c. Ouganda, « [l]a Cour observe
par ailleurs que tant la RDC que l’Ouganda sont parties à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples, du 27 juin 1981, dont le paragraphe 2 de l’article 21 dispose:
‘‘En cas de spoliation, le peuple spolié a droit à la légitime récupération de ses biens ainsi
qu’à une indemnisation adéquate.’’ »602.

Parlant également du principe de souveraineté permanente sur les ressources


naturelles, tel que traduit par les dispositions de l’article 21 de la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples, Phoebe N. Okowa affirme : ‘‘These provisions are
general in scope and whatever the ambiguities that underlie the 1962 Resolution on
Permanent Sovereignty, it is clear that these provisions were intended to apply beyond
the colonial context and are intended to be enforceable. Arguably they create a

601
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, Déclaration du juge Koroma, pp. 289-290, § 11.
602
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 252, § 245.
148

framework of accountability in conflict zones for holding all belligerents accountable for
actions taken that has adverse effects for the territory in question. Alteration of the
environmental quality, unsustainable patterns of resource exploitation all impact
adversely on the natural resources of the territory in question’’603.

Au demeurant, le « Protocole sur la Lutte contre l’Exploitation illégale des


Ressources Naturelles », adopté, il est vrai, après l’arrêt Congo c. Ouganda, par la
Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs, à son article 4 intitulé
« Violation du droit de souveraineté permanente des Etats sur les ressources naturelles »,
dispose : «L’exploitation illégale des ressources naturelles constitue une violation du
droit de souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles et est
contraire à l’esprit et aux principes de la Charte des Nations unies, de la Déclaration de
l’Assemblée générale des Nations Unies sur le droit au développement, de l’Acte
constitutif de l’Union Africaine, de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples ».

Tous ces éléments ne nous permettent pas de souscrire au point de vue de la


Cour qui ne retient pas le principe de souveraineté sur les ressources naturelles parmi les
règles opposables au fait d’exploitation illicite, mieux au pillage des ressources naturelles
d’un Etat étranger par d’autres Etats en cas de conflit armé.

En plus de ces règles élaborées dans le cadre de l’Organisation des Nations


unies, une règle d’origine coutumière protège également les ressources naturelles d’un
Etat. Il s’agit de l’obligation de vigilance ou obligation de diligence, qu’il convient
d’aborder maintenant.

C. Obligation de vigilance ou obligation de diligence

Synonyme d’ « obligation de diligence »604, l’ « obligation de vigilance » est


une « obligation requérant un sujet de droit international de protéger les Etats étrangers

603
PH. N. OKOWA, ‘‘Natural Resources in Situation of Armed Conflict: Is there a Coherent Framework
for Protection?’’, in International Community Law Review 9 (2007), pp. 257-258.
604
Cf. J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 766 (voir obligation de diligence). On parle parfois
d’obligation de « due diligence » ou obligation de « diligence due » (Cf. Ibidem, p. 341). Il s’agit de la
149

(ou d’autres sujets de droit international), leurs représentants et leurs ressortissants ou des
espaces, contre tout acte illicite perpétré par des particuliers, que ces actes se réalisent sur
son territoire ou sous sa juridiction ou sous son contrôle »605.

De par son obligation de vigilance, qui est une obligation de prévention,


l’Etat doit empêcher des atteintes aux droits d’un Etat étranger (ou d’un autre sujet de
droit international), de ses représentants ou de ses ressortissants par des actes illicites des
particuliers606. Il s’agit des atteintes susceptibles d’être commises par des particuliers sur
son territoire ou sous sa juridiction ou son contrôle. Dans l’affaire relative à l’Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour internationale de Justice précise que
l’obligation de prévenir le génocide est « une obligation de comportement et non de
résultat, en ce sens que l’on ne saurait imposer à un Etat quelconque l’obligation de
parvenir à empêcher, quelles que soient les circonstances, la commission d’un génocide:
l’obligation qui s’impose aux Etats parties est plutôt celle de mettre en œuvre tous les
moyens qui sont raisonnablement à leur disposition en vue d’empêcher, dans la mesure
du possible, le génocide. La responsabilité d’un Etat ne saurait être engagée pour la
seule raison que le résultat recherché n’a pas été atteint ; elle l’est, en revanche, si l’Etat
a manqué manifestement de mettre en œuvre les mesures de prévention du génocide qui
étaient à sa portée, et qui auraient pu contribuer à l’empêcher. En la matière, la notion
de ‘‘due diligence’’, qui appelle une appréciation in concreto, revêt une importance
cruciale »607.

traduction littérale de l’expression anglaise ‘‘due diligence’’. En français, la préférence est accordée aux
expressions « obligation de diligence » ou « obligation de vigilance » (Cf. Ibidem, p. 341).
605
Ibidem, p. 770.
606
Cf. J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 769. Les auteurs des actes qui causent un dommage à
un Etat étranger peuvent être des organes d’un Etat, ainsi qu’on le verra à partir de l’affaire Congo c.
Ouganda et de l’affaire du Détroit de Corfou. Il nous semble trop restrictif de définir le manquement à une
obligation de vigilance uniquement par rapport à des faits commis par des particuliers. Néanmoins, nous
nous servirons de cette définition car notre recherche vise essentiellement à imputer les actes des personnes
privées (multinationales) aux Etats ou à établir une violation du droit international par des Etats au regard
du comportement des acteurs non étatiques.
607
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 221, § 430.
150

Dans son arrêt du 20 avril 2010, rendu dans l’Affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), « la Cour observe que le
principe de prévention, en tant que règle coutumière, trouve son origine dans la diligence
requise (‘‘due diligence’’) de l’Etat sur son territoire. Il s’agit de ‘‘l’obligation, pour
tout Etat, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits
d’autres Etats’’ (Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
1949, p. 22). En effet, l’Etat est tenu de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition
pour éviter que les activités qui se déroulent sur son territoire, ou sur tout espace
relevant de sa juridiction, ne causent un préjudice sensible à l’environnement d’un autre
Etat. La Cour a établi que cette obligation ‘‘fait maintenant partie du corps de règles du
droit international de l’environnement’’ (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 242, par. 29) »608.

Selon l’article 14, paragraphe 3 du Projet d’articles de la Commission du


droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, « la
violation d’une obligation internationale requérant de l’Etat qu’il prévienne un événement
donné a lieu au moment où l’événement survient et s’étend sur toute la période durant
laquelle l’événement continue et reste non conforme à l’obligation internationale »609.

Certes, il n’est pas toujours facile en pratique de prouver que les autorités
étatiques ont manqué à un devoir de prévention. Néanmoins, certains éléments pourront
servir d’indicateurs, en l’occurrence, le refus de prendre les mesures nécessaires alors
qu’elles ont été réclamées par les agents diplomatiques ou par les intéressés, la
participation des forces de l’ordre ou d’autres agents de l’Etat aux actes de violences
commis contre des étrangers, la complicité ou l’indifférence d’agents publics témoins du
fait illicite610.

608
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 55,
§ 101.
609
A/RES/56/83, 12 décembre 2001, article 14, § 3.
610
Cf. CH. ROUSSEAU, Droit international public. Tome V. Les rapports conflictuels, Paris, Sirey, 1983,
pp. 74-75. Comme le note Charles Rousseau, « […] Il existe des faits de nature à exonérer l’Etat de toute
responsabilité : a) attitude provocatrice de l’étranger ; b) avis antérieurement donné par l’Etat auquel
ressortit la victime de quitter le pays, ce conseil étant fréquemment donné à leurs nationaux par des
151

Il importe toutefois de relever que l’obligation de diligence n’est pas toujours


une obligation autonome. Selon Awalou Ouedraogo, « [l]e concept de diligence reste
attaché à la théorie des obligations internationales. L’idée, à la fois simple et complexe,
est que la diligence est un élément contenu dans certaines normes primaires de l’Etat,
notamment les obligations de prévention »611. La diligence est un concept plus général
pour désigner la promptitude et la circonspection avec laquelle un sujet de droit doit
exécuter une obligation de comportement612, ce que les civilistes appelleraient « agir en
bon père de famille »613. Dans ce sens, la « diligence due » est l’ « obligation pour l’Etat,
ses organes ou ses agents, d’éviter toute négligence, erreur, omission ou retard dans
l’accomplissement des divers devoirs prescrits par le Droit international […] »614. Ainsi,
cette obligation est formulée en des termes tels que « veiller à, s’efforcer de », etc. Il en
ressort que l’obligation de diligence est un corollaire du respect d’autres obligations
internationales.

Dans l’avis consultatif du 1er février 2011 relatif aux Responsabilités et


obligations des Etats qui patronnent des personnes et entités dans le cadre d’activités
menées dans la Zone, la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds
marins du Tribunal international du droit de la mer précise le sens de « veiller à », en ces
termes : « L’expression ‘‘veiller à’’ est souvent utilisée dans les instruments juridiques
internationaux pour faire référence aux obligations à l’égard desquelles, s’il n’est pas
considéré raisonnable de rendre un Etat responsable de toute violation commise par des
personnes relevant de sa juridiction, de même, il n’est pas non plus jugé satisfaisant de
s’en remettre à la simple application du principe aux termes duquel le comportement de

gouvernements étrangers en cas de guerre civile, de troubles ou d’émeutes (Espagne de 1936 à 1939, Chine
en 1949-1950, Iran en 1979) » (Ibidem, p. 75).
611
A. OUEDRAOGO, « La due diligence en droit international : de la règle de la neutralité au principe
général », in Revue générale de droit, Vol. 42, 2012, n°2, p.680, § 73.
612
« Diligence : soin apporté, avec célérité et efficacité, à l’accomplissement d’une tâche, qualité
d’attention et d’application caractérisant une personne ou attendue d’elle (diligence du bon père de
famille) » (G. CORNU, Vocabulaire juridique, Op. cit., p. 344).
613
« Bon père de famille : homme de vertu ordinaire, normalement avisé, soigneux, diligent, servant de
référence abstraite pour apprécier si le comportement a été fautif ou non, ou pour déterminer si la personne
en charge des intérêts d’autrui ou détentrice d’un de ses biens, a correctement rempli son obligation » ( S.
GUINCHARD et TH. DEBARD (sous la direction de), Lexique des termes juridiques 2012 (19e édition),
Paris, Dalloz, 2011, p. 115).
614
G. CORNU, Op. cit., p. 344.
152

personnes ou d’entités privées n’est pas attribuable à l’Etat en droit international (voir
les articles de la C.D.I sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite,
Commentaire sur l’article 8, paragraphe 1) »615. A en croire la Chambre, « [l]’obligation
de l’Etat qui patronne ‘‘de veiller à’’ n’est pas une obligation d’obtenir dans chaque cas
le résultat que le contractant patronné respecte les obligations précitées. Il s’agit plutôt
d’une obligation de mettre en place les moyens appropriés, de s’efforcer dans la mesure
du possible et de faire le maximum pour obtenir ce résultat. Pour utiliser la terminologie
actuelle du droit international, cette obligation peut être caractérisée comme une
obligation ‘‘de comportement’’ et non ‘‘de résultat’’, et comme une obligation de
‘‘diligence requise’’ »616.

Il y a lieu de mentionner en passant que le caractère coutumier de l’obligation


de vigilance ou obligation de diligence ne peut être remis en doute. D’une part, dans
l’Affaire relative à des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c.
Uruguay), la Cour internationale de Justice a affirmé le caractère coutumier du principe
de prévention, qui trouve son origine dans l’obligation de diligence requise617. D’autre
part, « pour évaluer par exemple le statut coutumier de la règle de non-intervention, la
Cour [internationale de Justice] a accordé un poids déterminant au fait que la Charte
des Nations unies avait été ratifiée par presque tous les pays du monde. La répétition
dans deux ou plusieurs conventions d’un même contenu normatif […] peut aussi
constituer un élément important pour établir l’existence de cette norme comme règle
coutumière de droit international général »618. L’obligation de vigilance est consacrée
dans plusieurs conventions internationales. La consécration d’une règle coutumière dans
une convention internationale ne lui enlève nullement son caractère coutumier. Il ne peut
en être autrement de l’obligation de vigilance. Nous nous inspirons ainsi de l’affirmation
de la Cour internationale de Justice, dans l’affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, qui s’exprime à propos des principes de

615
Responsabilités et obligations des Etats dans le cadre d'activités menées dans la Zone, avis consultatif,
1er février 2011, TIDM Recueil 2011, § 112.
616
Ibidem, § 110.
617
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 55,
§ 101.
618
E. CANAL-FORGUES et P. RAMBAUD, Op. cit., p. 109.
153

droit international coutumier : « Des principes comme ceux du non-recours à la force, de


la non-intervention, du respect de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des Etats et
de la liberté de navigation conservent un caractère obligatoire en tant qu’éléments du
droit international coutumier, bien que les dispositions du droit conventionnel auxquelles
ils ont été incorporés soient applicables »619.

Le manquement à l’obligation de diligence ou de vigilance a fait l’objet d’une


jurisprudence abondante620. La décision qui intéresse davantage cette recherche est l’arrêt
de la Cour internationale de Justice, dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du
Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), qui évoque l’obligation de
vigilance parmi les règles de droit international violées en cas d’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger pendant un conflit armé. En effet, en ce qui
concerne cette obligation, la Cour résume les prétentions de la République démocratique
du Congo en ces termes : « S’agissant du devoir de vigilance, la RDC prétend que
l’obligation de respecter la souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles
implique que tout Etat prenne les mesures appropriées pour que ses forces armées, ses

619
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C. I.J. Recueil 1984, pp. 424-425, § 73.
620
En guise d’illustrations, dans l’affaire du Détroit de Corfou, « les obligations qui incombaient aux
autorités albanaises consistaient à faire connaître, dans l’intérêt de la navigation en général, l’existence
d’un champ de mines dans les eaux territoriales albanaises et à avertir les navires de guerre britanniques,
au moment où ils s’approchaient, du danger imminent auquel les exposait ce champ de mines. Ces
obligations sont fondées […] sur certains principes généraux et bien reconnus, tels que des considérations
élémentaires d’humanité […], le principe de la liberté des communications maritimes et l’obligation, pour
tout Etat, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres Etats. En fait,
l’Albanie n’a ni notifié l’existence du champ de mines ni averti les navires de guerre britanniques du
danger vers lequel ils avançaient. […] En fait, rien ne fut tenté par les autorités albanaises pour prévenir le
désastre. Ces graves omissions engagent la responsabilité internationale de l’Albanie » (Affaire du Détroit
de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949 : C.I.J. Recueil 1949, pp. 22-23). Dans l’affaire des Otages américains à
Téhéran, en plus de la violation des règles de droit diplomatique et de droit consulaire, ainsi que de celles
du traité d’amitié et de commerce entre la République islamique d’Iran et les Etats-Unis, l’Iran a manqué à
une obligation de diligence. En effet, les autorités iraniennes n’ont pris aucune mesure pour empêcher les
militants d’envahir l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran et de prendre en otage le personnel diplomatique
et consulaire. (Cf. Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt, C.I.J. Recueil
1980, pp. 32-33, §§ 66-68). Voir également : Affaire de l’Alabama (Grande-Bretagne/Etats-Unis), sentence
arbitrale du 14 septembre 1872, in A. DE LA PRADELLE et N. POLITIS, Recueil des arbitrages
internationaux, Vol. II, Paris, Pedone, 1905-1954, p. 890 ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 241, § 29; Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c.
Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 55, § 101 ; Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007,
p. 220, § 428 ; Responsabilités et obligations des Etats dans le cadre d'activités menées dans la Zone, avis
consultatif, 1er février 2011, TIDM Recueil 2011, § 112 ; etc.
154

ressortissants ou les groupes qu’il contrôle ne se livrent pas à l’exploitation illégale de


ressources naturelles sur le territoire d’un autre Etat. La RDC affirme que toutes les
activités d’exploitation de ressources naturelles menées par des entreprises et
ressortissants ougandais ou des mouvements rebelles soutenus par l’Ouganda constituent
des actes d’exploitation illégale. Elle ajoute que l’Ouganda n’a pris aucune mesure
appropriée pour mettre fin à cette exploitation illégale de ses ressources naturelles par
des membres des forces armées ougandaises, par des entreprises privées et des
ressortissants ougandais, ou par les mouvements rebelles congolais qu’il contrôlait et
soutenait, manquant ainsi à son devoir de vigilance »621. Appréciant cette allégation de
manquement à l’obligation de vigilance, « [la] Cour conclut qu’il existe suffisamment
d’éléments de preuve étayant l’affirmation de la RDC selon laquelle l’Ouganda a manqué
à son devoir de vigilance en ne prenant pas les mesures adéquates pour s’assurer que ses
forces armées ne se livreraient pas au pillage et à l’exploitation des ressources naturelles
de la RDC »622.

Pour qu’un Etat se voie opposer un manquement à l’obligation de vigilance,


les actes préjudiciables à l’Etat étranger, aux ressortissants ou aux biens de ce dernier
doivent être commis sur le territoire de l’Etat défaillant ou sa juridiction, ou encore sur le
territoire de l’Etat étranger occupé par les forces de l’Etat auquel le manquement est
reproché. Les particuliers auteurs des actes dommageables doivent être sous le contrôle
de l’Etat défaillant. Peu importe qu’ils soient ses nationaux ou pas.

Ces particuliers peuvent être des personnes physiques ou morales (entre


autres des sociétés multinationales). Dans l’affaire Congo c. Ouganda, la Cour considère
d’une part que l’Ouganda a manqué à ses obligations à l’égard de ses forces armées,
mais, d’autre part, elle conclut qu’il ne peut être reproché à l’Ouganda un manquement au
devoir de vigilance faute d’avoir prévenu les actes de pillage et d’exploitation illicite des
ressources naturelles de la RDC par des groupes rebelles, du moment que ceux-ci

621
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 247, § 228.
622
Ibidem, p. 252, § 246. C’est nous qui introduisons le caractère italique pour mettre en évidence la
reconnaissance par la Cour du manquement par l’Ouganda à l’obligation de vigilance eu égard aux actes de
ses forces armées et la non reconnaissance du même manquement quant aux actes des groupes rebelles.
155

n’étaient pas sous le contrôle de l’Ouganda, en dehors du district de l’Ituri occupé par des
forces ougandaises623.

L’on se rend bien compte que le contrôle du territoire sur lequel s’opèrent les
actes dommageables à l’Etat étranger est fort déterminant dans l’appréciation du
manquement par un Etat à une obligation de diligence.

Qu’en est-il alors de l’opposabilité de cette obligation de diligence à l’Etat


d’origine d’une personne (notamment, en ce qui concerne notre étude, une société
transnationale) qui a porté atteinte aux droits d’un Etat étranger, en l’occurrence, en
exploitant illicitement des ressources naturelles de l’Etat étranger sur lequel cet Etat
d’origine n’exerce aucun contrôle territorial?

Il faut tout d’abord souligner qu’en raison de sa compétence personnelle, un


Etat exerce sa souveraineté sur ses nationaux se trouvant à l’étranger624. A ce titre,
lorsqu’une société multinationale exerce des activités à l’étranger, son Etat d’origine est
compétent pour les contrôler. Cette « compétence de contrôle » engendre parfois une
« obligation de contrôle », en vertu de l’obligation de vigilance qui incombe à chaque
Etat, conformément au droit international. En effet, dans la plupart des cas, l’Etat
d’origine ne peut prétexter ignorer des activités de cette société transnationale dans l’Etat
d’accueil. Ces activités sont le plus souvent subordonnées à un accord d’investissement.
En conséquence, « l’obligation de contrôle imposée à l’Etat d’origine des investisseurs
privés est à la mesure de l’étendue des avantages qui sont reconnus à ces investisseurs
dans l’Etat hôte, et que l’Etat d’origine aura souvent négociés pour eux »625. Cette
hypothèse s’applique au cas où l’exploitation a commencé en bonne et due forme et n’est
devenue illicite qu’après : avec les violations des droits de l’homme intervenant en cours

623
Cf. Ibidem, p. 253, § 247.
624
La compétence personnelle est « le pouvoir juridique reconnu à un Etat d’agir à l’égard de ses nationaux
se trouvant à l’étranger en leur donnant des ordres, en réglant leur statut personnel et en exerçant vis-à-vis
d’eux sa protection » (D. RUZIE, Droit international public(19e édition), Paris, Dalloz, 2008, p.70. Il
convient de préciser que « sur le territoire d’un Etat, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité,
relèvent de la compétence territoriale » (Ibidem, p. 70).
625
O. DE SCHUTTER, « La responsabilité des Etats dans le contrôle des sociétés transnationales : vers une
convention internationale sur la lutte contre les atteintes aux droits de l’homme commises par les sociétés
transnationales », in E. DECAUX (sous la direction de), La responsabilité des entreprises multinationales
en matière de droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 70.
156

d’activités (travail forcé, travail des enfants,…) ou alors, lorsque éclate un conflit armé,
la société se mettant au service de l’ennemi. Ainsi l’Etat d’origine ne saurait-il se
soustraire à l’obligation de vigilance. En effet, il doit s’efforcer d’empêcher que les
sociétés transnationales portent atteinte aux droits de l’Etat d’accueil et violent les droits
de l’homme à l’occasion de leurs activités. Dans le cas contraire, l’Etat d’origine manque
à une obligation de vigilance. Ce manquement devient d’autant plus flagrant dans le cas
où la société utilise ou commercialise sur le territoire de son Etat d’orignine ou
d’établissement les ressources illicitement exploitées dans un Etat étranger. C’est pour
éviter de tels manquements dans le chef des Etats-Unis que le Congrès américain a
adopté le 21juillet 2010 le Dodd Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act
(communément appelé Dodd-Frank Act)626. En vertu de la section 1502 (Conflict
minerals627), « les entreprises doivent soumettre à une diligence raisonnable leurs achats
de minerais provenant de la RDC et de pays voisin, ce afin d’identifier la présence
éventuelle de minerais du conflit dans leur chaîne d’approvisionnement »628.

L’autre hypothèse est celle des sociétés transnationales qui profitent d’un
conflit armé pour entreprendre des exploitations illicites des ressources naturelles de
l’Etat déchiré par le conflit. Dans ce cas, il n’est pas facile d’affirmer que l’Etat d’origine

626
Public Law 111-203-July 21, 2010, available at http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/PLAW-
111publ203/pdf/PLAW-111publ203.pdf consulted on 2 December 2013.
627
Sec. 1502. Conflict minerals, Public Law 111-203-July 21, 2010, 124 STAT. 2213-2218.
628
GLOBAL WITNESS, L’avenir du commerce de minerais congolais dans la balance. Opportunités et
obstacles associés à la démilitarisation, Londres, Global Witness Limited, 2011, p. 4. A propos de la
diligence raisonnable à laquelle sont soumises les entreprises transnationales, John Ruggie précise : « Les
entreprises devraient examiner trois catégories de facteurs. Les premiers concernent le contexte national
dans lequel elles exercent leurs activités et servent à mettre en lumière les problèmes particuliers qui
peuvent en résulter du point de vue des droits de l’homme. Les seconds visent les incidences sur les droits
de l’homme que peuvent avoir les propres activités des entreprises – production, fourniture de services,
recrutement ou cohabitation avec le voisinage – dans ce contexte. Les troisièmes ont trait à la question de
savoir si les entreprises risqueraient de contribuer à des atteintes aux droits de l’homme par le biais de leurs
relations d’affaires, par exemple avec leurs partenaires commerciaux, leurs fournisseurs, les organismes
publics et d’autres acteurs non étatiques » (CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME, Promotion et
protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le
droit au développement. Protéger, respecter et réparer : un cadre pour les entreprises et les droits de
l’homme, Rapport du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de
l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. John Ruggie, A/ HRC/8/5 du 7 avril 2008,
p. 18, § 57). En bref, souligne la FIDH, la diligence raisonnable consiste à « prendre toutes les précautions
nécessaires et raisonnables pour éviter la survenance d’un dommage » (FIDH, Entreprises et violations des
droits de l’homme. Un guide pratique sur les recours existants à l’intention des victimes et des ONG, Paris,
FIDH, 2010, p. 248).
157

est informé des activités de ces sociétés du moment qu’il n’a pas concouru comme dans
l’hypothèse précédente à l’établissement de celles-ci ou à l’exercice de leurs activités sur
le territoire de l’Etat en conflit. Il faut partir des indices, mieux des informations
certaines. Par exemple, pendant le conflit armé en République démocratique du Congo,
de nombreuses multinationales domiciliées dans des Etats occidentaux ont été impliquées
dans des activités d’exploitation illicite des ressources naturelles de cet Etat, tel qu’il
ressort de divers rapports d’experts des Nations unies629. Ces rapports ont même
clairement mentionné la violation par ces entreprises des Principes directeurs de l’OCDE
à l’intention des entreprises multinationales630. Leurs Etats d’origine, autrement dit, les
Etats dans lesquels elles sont domiciliées631, ont bel et bien été informés de ces rapports
publics des Nations unies. A notre connaissance, hormis les cas de la Belgique et du
Royaume Uni632, ils n’ont ni empêché ni sanctionné ces multinationales alors qu’ils en
avaient l’obligation et les moyens, conformément au droit international et à leurs
législations internes, et surtout dans le cadre de l’Organisation de Coopération et de
Développement économique (OCDE), en application des mécanismes prévus par les
Principes directeurs. En effet, « les pays adhérant aux Principes directeurs prennent
l’engagement contraignant de les mettre en œuvre conformément à la Décision du
Conseil relative aux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises
multinationales »633. Toutefois, les Etats ont une obligation de « faire en sorte que… »,

629
Voir par exemple « Annexe I. Echantillon de sociétés qui importent des minéraux de la République
démocratique du Congo via le Rwanda », in Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des
ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., pp. 49-50. Les
pays de destination des minéraux, qui sont les Etats d’origine des sociétés qui les importent via le Rwanda
sont : la Belgique, l’Allemagne, la Malaisie, le Canada, la République Unies de Tanzanie, la Suisse, le
Royaume-Uni, l’Inde, le Pakistan, les Pays-Bas, le Kenya et la Fédération de Russie.
630
Voir, par exemple, Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources
naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., Annex III. Business
enterprises considered by the Panel to be in violation of the OECD Guidelines for the Multinational
Enterprises, pp. 7- 10.
631
Cf. O. DE SCHUTTER, « La responsabilité des Etats dans le contrôle des sociétés transnationales : vers
une convention internationale sur la lutte contre les atteintes aux droits de l’homme commises par les
sociétés transnationales », « Art. cit. », p. 44.
632
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op. cit., p. 126.
633
OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Paris, OCDE,
2011, p. 15. La Décision du Conseil, telle qu’amendée le 27 juin 2000, dispose au point I. 4. : « Les pays
adhérents doteront leurs Points de contact nationaux de ressources humaines et financières de manière à ce
qu’ils puissent s’acquitter efficacement de leurs responsabilités […] » (Ibidem, p. 78). Le Commentaire sur
les procédures de mise en œuvre des Principes directeurs mentionne que « la Décision du Conseil
158

qui est une obligation de moyen. En fait, « [l]es Principes directeurs visent à faire en
sorte que les activités des entreprises multinationales s’exercent en harmonie avec les
politiques des gouvernements, à renforcer la confiance mutuelle entre les entreprises et
les sociétés dans lesquelles elles exercent leurs activités, à améliorer l’environnement
pour l’investissement étranger et à accroître la contribution des entreprises
multinationales au développement durable »634. Par leur inaction ou par l’inefficacité de
leurs actions, les Etats membres de l’OCDE, qui sont les pays d’origine des
multinationales impliquées dans l’exploitation illicite des ressources naturelles, ont violé
la Décision du Conseil de l’OCDE. Cette violation constitue dans leur chef un
manquement à une obligation de diligence.

Le phénomène d’exploitation illicite des ressources naturelles de la


République démocratique du Congo pendant le conflit armé a pris une envergure telle
qu’il a amené les Etats membres de la Conférence internationale sur la Région des
Grands Lacs à élaborer un cadre normatif particulier pour le combattre.

§2. Règles particulières établissant un cadre normatif pour lutter contre l’exploitation
illicite des ressources naturelles : le Protocole sur la lutte contre l’exploitation
illégale des ressources naturelles du 30 novembre 2006

La République démocratique du Congo figure parmi les Etats africains qui


ont été sérieusement touchés par l’exploitation illicite des ressources naturelles pendant
des conflits armés. Ce faisant, la Conférence internationale sur la Région des Grands
Lacs(CIRGL), dont cet Etat est membre, accorde une importance particulière à la lutte

concrétise l’engagement des pays adhérents de participer à la mise en œuvre des recommandations
contenues dans le texte des Principes directeurs […]. [Elle] souligne les responsabilités fondamentales des
pays adhérents en ce qui concerne les PCN [Points de contact nationaux] » (Ibidem, p. 87, §§ 1 et 2). Par
ailleurs, le Principe général 11 est libellé comme suit : « Les gouvernements souscrivant aux Principes
directeurs conviennent de les mettre en œuvre et d’en encourager l’usage » (Ibidem, p. 21).
634
OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Op. cit., p. 15.
Les Principes directeurs consacrent une obligation contraignante pour les Etats membres de l’OCDE
(obligation de diligence), mais « [leur] respect […] par les entreprises est volontaire et n’est pas
juridiquement contraignant » (Ibidem, p. 19). En effet, « [l]es Principes directeurs sont des
recommandations que les gouvernements adressent conjointement aux entreprises multinationales. Ils
énoncent des principes et des normes de bonnes pratiques conformes aux législations en vigueur et aux
autres normes internationalement admises » (Ibidem, p. 19).
159

contre ce phénomène. C’est à cette fin qu’elle a adopté le Protocole sur la lutte contre
l’exploitation illégale des ressources naturelles.

Le premier Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CIRGL s’est


tenu à Dar-es-Salaam, les 19 et 20 novembre 2004, sous les auspices des Nations unies et
de l’Union africaine. Il s’est soldé par la Déclaration sur la paix, la sécurité, la démocratie
et le développement dans la Région des Grands Lacs635.

Dans le préambule de cette Déclaration, les Chefs d’Etat et de Gouvernement


des pays membres de la CIRGL636, sont profondément préoccupés, entre autres par
l’exploitation « illégale » des ressources naturelles637. Ainsi se sont-ils engagés à
« encourager les pays membres de la Conférence à adhérer au Mécanisme africain
d'évaluation par les Pairs du NEPAD et à mettre en place des appareils régionaux
veillant au respect des conventions internationales sur les droits humains et sur les
pratiques criminelles, tels que le trafic illicite des armes légères et de petit calibre et
l'exploitation illégale des ressources dans la région des Grands Lacs »638.

Dans le cadre du mécanisme de suivi des engagements pris dans la


Déclaration, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont décidé, notamment, de donner un
sens à leur vision commune de la région des Grands Lacs et, à cet effet, de rendre plus
régulières leurs consultations politiques, consolider et matérialiser leur coopération sous
la forme d'un Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement qui sera adopté lors
du deuxième Sommet de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs639.

Le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région des


Grands Lacs (ci-après le Pacte) est composé de la Déclaration de Dar-es-Salaam (2004),
de 10 Protocoles qui sont juridiquement contraignants, de 4 Programmes d'Action, avec

635
Cf. http://www.cirgl.org/historique.php (consulté le 26 avril 2010).
636
Les Etats membres de la CIRGL sont : Angola, Burundi, Centrafrique, République du Congo,
République démocratique du Congo, Kenya, Ouganda, Rwanda, Soudan, Soudan du Sud, Tanzanie,
Zambie. Voir http://icglr.org/index.php/fr/les-etats-membres (consulté le 9 novembre 2013).
637
Voir § 2 du préambule, disponible sur http://www.grandslacs.net/doc/3215.pdf (consulté le 26 avril
2010).
638
CIRGL, Déclaration sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des
Grands Lacs, p. 6, § 34 disponible sur http://www.grandslacs.net/doc/3215.pdf consulté le 26 avril 2010.
C’est nous qui mettons le caractère italique.
639
Ibidem, p. 6, § 36.
160

33 projets prioritaires, d'un Fonds Spécial de Reconstruction et de Développement


(FSRD).

Dans ce travail, seul le Protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale des
ressources naturelles (ci-après le Protocole) mérite une attention soutenue. Il est
automatiquement entré en vigueur le 1er juin 2008, date d’entrée en vigueur du Pacte640.

Le Protocole est une réaction des Etats membres de la CIRGL face à


l’exploitation illicite des ressources naturelles des Etats de cette sous-région africaine en
proie aux conflits armés. En effet, il a été adopté le 30 novembre 2006, au moment où la
question de l’exploitation illicite des ressources naturelles de la République démocratique
du Congo au cours des activités armées menées sur son territoire par l’Ouganda, le
Rwanda et le Burundi était encore brûlante. Ce phénomène qu’il vise à combattre est
« l’un des facteurs responsables ou aggravants des conflits endémiques et de la
persistance de l’insécurité dans la Région »641. Il dégrade l’environnement et prive les
Etats des ressources nécessaires pour combattre la pauvreté642. Il constitue de ce fait « un
handicap majeur à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le Développement »643.

Pour l’essentiel, l’article 4 du Protocole, que nous avons déjà mentionné,


érige l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en une violation du droit de
souveraineté permanente de cet Etat sur ses ressources naturelles, consacré par l’article 3
du Protocole. L’article 1er du Protocole définit la souveraineté permanente sur les
ressources naturelles en se référant à la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale
des Nations Unies de 1962, que nous avons déjà examinée plus haut.

Pour lutter efficacement contre l’exploitation illicite des ressources naturelles,


les Etats membres prennent diverses mesures, notamment :

640
Cf. https://cirgl.org/spip.php?article2 consulté le 30 avril 2012. L’article 37 du Protocole dispose : « 1.
Ce protocole fait partie intégrante du Pacte et ne doit pas être sujet à une signature et à une ratification
séparées par les Etats membres. 2. A l’ égard de tout Etat membre qui a ratifié le Pacte, […] ce protocole
entre en vigueur automatiquement, au même moment que le Pacte […] ».
641
Protocole…, § 7 du Préambule.
642
Cf. Ibidem, § 8 du Préambule.
643
Ibidem, § 7 du Préambule.
161

- mettre fin à l’impunité des personnes physiques et morales impliquées dans


l’exploitation « illégale » des ressources naturelles (articles 9 et 17) ;

- mettre en place des mécanismes de certification des ressources naturelles


(article 11) ;

- incriminer tous les actes d’exploitation « illégale » des ressources naturelles,


en ce compris le blanchiment des produits de l’exploitation « illégale » des ressources
naturelles (articles 12 et 13) ;

- harmoniser les législations nationales sanctionnant l’exploitation « illégale »


des ressources naturelles (article 22).

En vue de la mise en œuvre du Protocole, il est créé un Comité de lutte contre


l’exploitation « illégale » des ressources naturelles, ayant une mission préventive (articles
24 et 25). La réunion constitutive dudit comité a été tenue à Gisenyi, au Rwanda, du 30
septembre au 2 octobre 2009644.

Au bout du compte, les règles protectrices des ressources naturelles


applicables en tout temps se récapitulent à trois : le principe de l’interdiction du recours à
la force, le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles et
l’obligation de vigilance ou de diligence.

Il convient à présent d’aborder les règles pertinentes en vigueur seulement


pendant un conflit armé.

Section II. Règles applicables en temps de conflit armé

La protection des ressources naturelles d’un Etat pendant un conflit armé


obéit aux règles spécifiques de jus in bello (§1) et aux décisions du Conseil de sécurité ou
d’autres organes des Nations unies relatives à la cessation du conflit armé et de
l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat victime du conflit armé (§2). La

644
Voir « Les pays des Grands Lacs passent à l’action contre l’exploitation illégale des ressources
naturelles », p. 1, sur http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900SID/VDUX-7WJQF9?OpenDocument
consulté le 19 avril 2010.
162

question se pose également du sort à réserver aux accords environnementaux


multilatéraux relatifs à la protection des ressources naturelles (§3).

§1. Règles spécifiques de jus in bello

Au regard du droit international des conflits armés, des obligations


spécifiques incombent aux belligérants, plus particulièrement à la puissance occupante
(A), et aux Etats tiers au conflit armé (B). Nous nous bornerons évidemment à celles qui
touchent à la protection des ressources naturelles contre l’exploitation illicite.

A.Obligations de la puissance occupante

De prime abord, il convient de préciser qu’en vertu de l’article 42 du


règlement de La Haye de 1907 sur les lois et coutumes de la guerre, « un territoire est
considéré comme occupé lorsqu'il se trouve placé de fait sous l'autorité de l'armée
ennemie. L'occupation ne s'étend qu'aux territoires où cette autorité est établie et en
mesure de s'exercer ».

Partant de cette disposition, Nicolas Haupais écrit : « Les critères de


l’occupation sont classiquement le caractère inamical, mais pas nécessairement illicite, de
la présence sur le territoire d’un Etat ennemi d’une armée étrangère, l’exclusion de
l’autorité normalement légitime, la substitution d’une autorité occupante ».645Il en résulte
que « l’occupation est donc marquée par une double dimension : celle du caractère
provisoire de l’administration occupante, mais aussi celle de la nécessité d’une
administration. La définition du régime de l’occupation renvoie à la crainte de l’anarchie
en raison du défaut d’autorité effective »646.

Les obligations de la puissance occupante sont très nombreuses, allant du


contrôle de ses forces armées au contrôle du territoire occupé, jusqu’au respect des droits
de l’homme647. Dans le cadre de la protection des ressources naturelles sur le territoire de

645
N. HAUPAIS, « Les obligations de la puissance occupante au regard de la jurisprudence et de la
pratique récentes », in R.G.D.I.P., Tome 111, Vol. 1, 2007, p. 119.
646
Ibidem, p. 120.
647
Cf. Ibidem, p. 130.
163

l’Etat occupé contre l’exploitation illicite648, la puissance occupante est assujettie à trois
principales obligations : l’obligation de ne pas se livrer au pillage (1), l’obligation de
prendre des mesures pour rétablir et assurer l’ordre et la vie publics (2) et l’obligation
d’administrer les biens de l’Etat ennemi conformément aux règles de l’usufruit (3).

1.Interdiction du pillage
Pour rappel, le pillage est généralement interdit par le droit des conflits
armés649. Il est qualifié de crime de guerre650. On constate d’emblée que le jus in bello
interdit le pillage d’une manière générale. Aucun accent n’est mis sur le pillage des
ressources naturelles.

S’agissant du pillage des ressources naturelles de la République démocratique


du Congo par l’Ouganda, la Cour internationale de Justice a conclu que des officiers et
soldats des UPDF (forces ougandaises), parmi lesquels les officiers les plus gradés, ont
participé au pillage et à l’exploitation des ressources naturelles de la RDC et que les
autorités militaires n’ont pris aucune mesure pour mettre un terme à ces activités651.
Statuant sur le jus in bello applicable en matière de pillage et d’exploitation illicite des
ressources naturelles sur le territoire du Congo, la Cour estime que les auteurs de ces
actes ont agi en violation de l’article 47 du Règlement de La Haye de 1907 et de l’article
33 de la quatrième convention de Genève de 1949, qui interdisent tous deux le pillage652.

648
Considérant que, dans le cadre de notre étude, l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
vise à en retirer un avantage économique, nous n’analyserons pas les règles interdisant la destruction des
ressources naturelles, notamment l’article 53 de la Convention IV de Genève de 1949 : « Il est interdit à la
Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou
collectivement à des personnes privées, à l’Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations
sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par
les opérations militaires ».
649
Voir les articles 28 et 47 du Règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre,
l’article 33 de la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre du 12 août 1949, l’article 4, § 2, al. g) du Protocole additionnel (II) aux Conventions de Genève.
650
Voir Statuts du Tribunal militaire international de Nuremberg (article 6 b), du TPIY (article 3, §1, e), du
TPIR (article 4, § 1, f), du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (article 3), de la CPI (article 8, §2, b), xvi).
651
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 251, § 242.
652
Cf. Ibidem, p. 252, § 245.
164

A en croire Franck Latty, le fait que la Cour évoque ces dispositions au


contenu quasi identique, qui traitent du pillage en général et non du pillage des ressources
naturelles, assure désormais que le premier inclut le second653.

A côté de cette obligation négative de ne pas se livrer au pillage, l’Etat


occupant doit s’acquitter de l’obligation positive de rétablir et d’assurer l’ordre et la vie
publics.

2. Obligation de prendre des mesures pour rétablir et assurer l’ordre et la vie


publics
L’article 43 du Règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et
coutumes de la guerre dispose : « L'autorité du pouvoir légal ayant passé de fait entre les
mains de l'occupant, celui-ci prendra toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de
rétablir et d'assurer, autant qu'il est possible, l'ordre et la vie publics en respectant, sauf
empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays ». De l’avis de la Cour
internationale de Justice, « cette obligation comprend le devoir de veiller au respect des
règles applicables du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit
international humanitaire, de protéger les habitants du territoire occupé contre les actes de
violence et de ne pas tolérer de tels actes de la part d’une quelconque tierce partie »654.

Pour la Cour internationale de Justice, le pillage et l’exploitation (illicite) des


ressources naturelles constituent une violation du jus in bello655. Ce faisant, dans le cadre
de son devoir de faire respecter le droit international humanitaire, une puissance
occupante est tenue de prendre des mesures appropriées pour prévenir le pillage ou toute
autre exploitation illicite des ressources naturelles dans le territoire occupé, non
seulement par des membres de ses forces armées, mais également par des personnes
privées physiques ou morales, nationales ou étrangères656.

653
Cf. F. LATTY, « La Cour internationale de Justice face aux tiraillements du droit international : les
arrêts dans les affaires des Activités armées sur le territoire du Congo (RDC c. Ouganda, 19 décembre
2005 ; RDC c. Rwanda, 3 février 2006) », in A.F.D.I., Vol. 51, 2005, p. 232.
654
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
Recueil 2005, p. 231, § 178 et p. 253, § 248.
655
Cf. Ibidem, p. 252, § 245.
656
Cf. Ibidem, p. 253, § 248.
165

Une puissance occupante exerce de fait des fonctions gouvernementales sur le


territoire occupé. Elle est parfois amenée à gérer des ressources naturelles dont regorge ce
territoire. Cette gestion fait-elle absolument naître dans son chef une obligation
supplémentaire ?

3. Obligation d’administrer les biens de l’Etat ennemi conformément aux règles


de l’usufruit ?
Cette obligation trouve son fondement à l’article 55 du Règlement de La
Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre, en ces termes : « L'Etat
occupant ne se considérera que comme administrateur et usufruitier des édifices publics,
immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l'Etat ennemi et se trouvant
dans le pays occupé. Il devra sauvegarder le fonds de ces propriétés et les administrer
conformément aux règles de l'usufruit ».

Une question surgit : qu’est-ce que l’usufruit ? Ou mieux : quelles sont les
règles de l’usufruit conformément auxquelles les ressources de l’Etat ennemi doivent être
administrées par la puissance occupante ?

L’usufruit est une notion élémentaire de droit civil. L’usufruitier d’un bien
exerce sur celui-ci le droit d’usage (Usus) et le droit de jouissance (Fructus). Ceci
signifie qu’il peut en user et en percevoir les fruits. Mais il ne peut en disposer (Abusus),
soit en le détruisant, soit en l’aliénant.

Cette conception civiliste de l’usufruit a été reprise par les internationalistes.


Yoram Dinstein écrit: “The Occupying Power must keep the capital of immovable State
property unharmed (subject to ordinary wear and tear, depending on the type of
property), and, as is common in usufruct, entitlements are limited to the rights of use (jus
utendi) and consumption of fruits (jus fruendi). The expressions ‘administration’ and
‘usufruct’ – appearing in Regulation 55 – are intended to exclude sale of property by the
Occupying Power (in the absence of ownership), while lease, utilization or cultivation of
land is permitted”657.

657
Y. DINSTEIN, The International Law of Belligerent Occupation, Cambridge, Cambridge University
Press, 2009, p. 214, § 505.
166

C’est pratiquement la même explication que donnent Robert Kolb et Sylvain


Vité en ces termes : « Conformément à l’article 55 du Règlement de La Haye de 1907, le
régime de l’usufruit doit s’appliquer aux biens publics immobiliers. […] L’occupant est
en droit de jouir de leur production, mais est tenu d’en sauvegarder le fonds. […] En
revanche, il n’a pas le droit d’aliéner, de quelque manière que ce soit, ces propriétés
publiques. De même, l’usage qu’il en fera doit rester ‘‘normal’’, c’est-à-dire
correspondre à la pratique existant avant l’occupation. La surexploitation des biens
publics immobiliers est contraire au droit de l’occupation »658.

Selon l’article 55 du Règlement de La Haye de 1907, l’usufruit est applicable


aux édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l'Etat
ennemi et se trouvant dans le pays occupé. Comme nous l’apprend Charles Rousseau, les
tribunaux internes ont surtout fait application de l’article 55 à propos des coupes d’arbres
effectuées par l’autorité occupante dans les forêts domaniales de l’Etat occupé: la
puissance occupante a seulement qualité pour exercer les droits d’administration et
d’usufruit sur les forêts de l’Etat ennemi659.

Du fait qu’il vise inter alia l’exploitation des forêts de l’Etat occupé par la
puissance occupante, cet article 55 du Règlement de La Haye de 1907 rentre bel et bien
dans le cadre de notre recherche. En effet, par exemple, pendant le conflit armé en
République démocratique du Congo, des ressources forestières ont également été
illicitement exploitées par des forces occupantes. A ce sujet, il ressort d’un rapport
d’experts des Nations unies qu’ « il est suffisamment prouvé que l’exploitation de bois
d’œuvre est directement liée à la présence ougandaise dans la Province orientale. Ces
activités ont atteint des proportions alarmantes et les Ougandais (civils, militaires et
sociétés) y [ont participé] très largement »660. Ces ressources forestières ont fait l’objet
d’un commerce fructueux, surtout au profit des éléments des forces ougandaises et des
sociétés commerciales ougandaises661. A ce sujet, la Cour internationale de Justice relève

658
R. KOLB et S. VITE, Op. cit., p. 429.
659
Cf. CH. ROUSSEAU, Le droit des conflits armés, Paris, Pedone, 1983, p. 160.
660
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 12, § 54.
661
Cf. Ibidem, p. 12, §§ 53-54.
167

dans l’affaire Congo c. Ouganda, que « [la] commission [Porter] a également considéré
que, par sa dépêche, le général Kazini avait en fait reconnu que l’allégation selon
laquelle ‘‘des officiers supérieurs des UPDF avaient [eu], dès le début, l’intention de
faire du commerce au Congo était généralement exacte’’, que ‘‘[l]es officiers
commandants liés par un partenariat commercial avec des Ougandais faisaient des
affaires au Congo et [qu’il n’avait] pris aucune mesure à ce sujet’’, et que ‘‘[d]es avions
militaires [ougandais] transportaient des hommes d’affaires congolais à Entebbe et
ramenaient au Congo des produits que ces derniers avaient achetés à Kampala’’ »662.

Ce commerce de bois d’œuvre pour des intérêts personnels des officiers des
UPDF est tout à fait contraire au droit de l’occupation militaire. Il viole précisément
l’article 55 du Règlement de La Haye de 1907. En effet, « même si le droit conventionnel
ne le dit pas explicitement, la pratique montre que les revenus ainsi acquis doivent être
utilisés exclusivement pour financer les dépenses liées à l’occupation »663.

Dans l’affaire Congo c. Ouganda, la République démocratique du Congo a,


dans la plaidoirie de M. Sands, évoqué l’applicabilité de l’article 55 du Règlement de La
Haye de 1907 au litige soumis à la Cour internationale de Justice. A ce sujet, en se
référant à plusieurs sources législatives et jurisprudentielles, la République démocratique
du Congo ?? a souligné, à propos des biens visés par cet article 55, qu’« [il] est par
ailleurs établi de fort longue date, depuis plus d’un demi-siècle, que l’occupant ne peut
utiliser les fruits de ces biens qu’aux fins de l’occupation elle-même. Le capital ne
saurait donc être utilisé pour financer le conflit, et il ne peut servir au bénéfice personnel

662
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, pp. 249-250, § 238.
663
R. KOLB et S. VITE, Op. cit., p. 430. Kolb et Vité précisent que cette question est certes controversée
dans la doctrine. Pour certains auteurs, comme Von Glahn, McDougal et Feliciano, « dans le silence de
l’article 55, l’occupant serait en droit d’exploiter les biens immobiliers de l’Etat occupé pour atteindre des
objectifs librement déterminés par lui, y compris pour développer sa propre économie nationale » (Ibidem,
p. 430, note 1280). Pour Kolb et Vité, « cette position va cependant à l’encontre de l’esprit du droit de
l’occupation, qui […] vise à organiser la gestion provisoire d’un territoire, en attendant qu’une solution
globale et permanente soit trouvée » (Ibidem, p. 430, note 1280).
168

de membres de l’armée ougandaise ou de groupes ou individus pouvant, à l’occasion,


être soutenus par l’Ouganda »664.

Il est singulièrement frappant de constater que dans son arrêt, la Cour n’a
nullement fait référence à l’article 55 du Règlement de La Haye de 1907, pourtant évoqué
expressis verbis par la République démocratique du Congo. Cet oubli de la Cour pourrait
conduire à des conséquences absurdes. En effet, l’ambiguité de sa position a amené
certains auteurs à conclure qu’elle a assimilé à du pillage toute autre forme
d’appropriation des ressources naturelles. Nous lisons ainsi sous la plume de Robert Kolb
et Sylvain Vité, qui interprètent le paragraphe 245 de l’arrêt Congo c. Ouganda :
« Comme l’a rappelé la Cour internationale de Justice dans son arrêt sur les Activités
armées en République démocratique du Congo (2005), toute autre forme d’appropriation
des ressources naturelles par la Puissance occupante doit être assimilée à du pillage et est
contraire à la fois au droit de l’occupation et à la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples »665. De même, Vaios Koutroulis écrit à propos de ce paragraphe 245 :
« La Cour, en ‘‘ rappelant’’ l’article 47 du Règlement de La Haye et l’article 33 de la IVe
Convention, laisse entendre que ces deux articles constituent la base juridique de
l’interdiction tant du pillage que de l’exploitation des ressources naturelles »666.

Nous sommes loin d’être convaincu par cette conclusion de Kolb et Vité,
ainsi que par celle de Koutroulis. Ceci nous amène à interpréter à notre tour cet extrait du
paragraphe 245 de l’arrêt sous examen : « En conséquence, chaque fois que des membres
des UPDF ont été impliqués dans le pillage et l’exploitation de ressources naturelles sur
le territoire de la RDC, ils ont agi en violation du jus in bello, lequel interdit de tels actes
à une armée étrangère sur le territoire où elle est présente. La Cour rappelle à cet égard

664
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Plaidoirie
de Ph. Sands, CR 2005/ 5, pp. 14 -15, § 15.
665
R. KOLB et S. VITE, Op. cit., p. 429.
666
V. KOUTROULIS, « L’affaire des activités armées sur le territoire du Congo (Congo c. Ouganda) : une
lecture restrictive du droit de l’occupation ? », in R.B.D.I., 2006/ 2, pp. 737 -738. Cet auteur écrit par la
suite que la notion de « pillage » est différente de celle d’ « exploitation » et qu’il est donc moins évident
de qualifier de « pillage » tous les actes constitutifs d’ « exploitation » (Cf. Ibidem, p. 738). Tout en
souscrivant à cette non assimilation à du pillage de tout acte d’exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat occupé, nous estimons néanmoins que l’interprétation du passage de l’arrêt, à partir de laquelle il
tire cette conclusion pourtant vraie, est erronée, comme nous allons le montrer dans notre commentaire du
paragraphe 245 de cet arrêt.
169

que l’article 47 du règlement de La Haye de 1907 et l’article 33 de la quatrième


convention de Genève de 1949 interdisent tous deux le pillage.

La Cour observe par ailleurs que tant la RDC que l’Ouganda sont parties à
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, du 27 juin 1981 […] »667.

De cet extrait, on voit clairement que les membres des UPDF ont été
impliqués dans deux activités différentes : la première activité est le pillage ; la seconde,
c’est l’exploitation des ressources naturelles. Au niveau formel, cette affirmation se
justifie par la présence de la conjonction de coordination « et ». Cela peut paraître moins
significatif. Mais, au niveau factuel, en se référant aux rapports du Groupe d’experts des
Nations unies et au rapport de la Commission Porter, rapports dont la Cour reconnaît une
valeur probante668, on remarque effectivement une distinction entre le pillage et d’autres
formes d’exploitation illicite des ressources naturelles. Par exemple, dans le Rapport du
Groupe d’experts des Nations unies du 12 avril 2001, nous lisons : « L’exploitation
illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo par le
Rwanda, le Burundi et l’Ouganda revêt différentes formes : confiscation, exploitation
directe, monopole forcé et fixation des prix »669. Dans le même rapport, nous trouvons
par ailleurs : « Les rebelles et les forces rwandaises et ougandaises se sont non seulement
livrés au pillage et à l’extraction des ressources mais ils ont aussi exploité illégalement le
système commercial […]. Les méthodes utilisées variaient, allant du pillage au
harcèlement des propriétaires ; l’objectif final était d’obtenir le contrôle du commerce
local […] »670.

La Cour affirme très clairement que ces agissements constituent une violation
du jus in bello. C’est dire que même cette exploitation des ressources naturelles,
différente du pillage, est également illicite. La Cour fait clairement référence aux
dispositions conventionnelles qui interdisent le pillage. Elle reste muette quant au

667
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 252, § 245. C’est nous qui mettons en italique la conjonction « et » à des fins de
notre argumentation.
668
Cf. Ibidem, p. 249, § 237.
669
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 6, § 25.
670
Ibidem, p. 14, § 64.
170

fondement de l’autre violation du jus in bello, qui est cette autre exploitation des
ressources naturelles de l’Etat occupé par la puissance occupante. Il nous semble que la
Cour aurait dû se prononcer sur la violation de l’article 55 du Règlement de La Haye de
1907, évoquée par le demandeur. La Cour pourrait expressément souligner que
l’exploitation illicite des ressources naturelles constitue une forme de pillage ou une autre
forme d’appropriation privée qui est incompatible avec l’usufruit. Nous y reviendrons
ultérieurement.

De son côté, Vaios Koutroulis a également examiné le paragraphe 245 de


l’arrêt Congo c. Ouganda. Il souligne l’absence frappante de référence à l’article 55 du
Règlement de La Haye, qui constitue, selon lui, la base juridique par excellence quant à
l’exploitation des ressources naturelles d’un territoire occupé. Il part de l’exemple du
précédent de l’exploitation des ressources pétrolières du territoire égyptien occupé par
Israël, qui fut principalement analysé par le Ministère israélien des affaires étrangères et
par la doctrine sous l’angle de l’article 55671.

Analysant l’article 55 du Règlement de La Haye de 1907, Eric David note


que « les fruits que l’Etat occupant recueille de son ‘‘administration’’ devraient
logiquement donner lieu à restitution ou indemnisation si son occupation est consécutive
à une violation du jus contra bellum »672. Il s’agit de sanctionner à bon droit un
« belligérant illicite ». Ainsi, par exemple, « à l’issue du conflit du Koweït, le Conseil de
sécurité a exigé que l’Irak restitue tous les biens pris au Koweït, notamment les archives
de ce dernier »673.

Dans l’affaire Congo c. Ouganda, la Cour considère que l’Ouganda a violé


l’interdiction du recours à la force674. L’occupation militaire était donc illégale.
L’obligation d’administrer les biens de l’Etat ennemi conformément aux règles de
l’usufruit, qui incombe à la puissance occupante conformément à l’article 55 du
Règlement de La Haye, confère en réalité à cette dernière un droit réel d’usufruit. On

671
Cf. V. KOUTROULIS, « Art. cit. », p. 737.
672
E. DAVID, Op. cit., p. 585.
673
Ibidem, p. 585.
674
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 227, § 165.
171

comprend aisément que ce règlement a été élaboré à une époque où le recours à la force
n’était pas prohibé. Du moment que la Charte des Nations unies consacre le principe de
l’interdiction du recours à la force, il paraît absurde de reconnaître ce droit à un
« occupant illégal ». Comme le traduit pertinemment un principe général de droit : « Ex
injuria jus non oritur »675. La non-applicabilité de l’article 55 à l’occupant illicite
confirme alors que le principe de l’interdiction du recours à la force est une règle
protectrice des biens d’un Etat, en ce compris ses ressources naturelles. A notre sens, le
mutisme de la Cour eu égard à l’article 55 du Règlement de La Haye aurait pu être évité
par un tel raisonnement. Par conséquent, il ne nous semble pas pertinent de retenir
l’obligation prévue par cet article 55 parmi les règles qui s’imposent à la puissance
occupante dans le cadre de notre recherche, étant donné que, dans notre hypothèse,
l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat par des Etats étrangers se fait en
violation du jus contra bellum. A la limite, on peut même dire que l’argument de la RDC
visant l’application de l’article 55 serait même en sa défaveur. Nous retenons, en somme,
deux règles spécifiques du jus in bello : l’interdiction du pillage et l’obligation de prendre
des mesures pour rétablir et assurer l’ordre et la vie publics.

Après avoir analysé les obligations de la puissance occupante face à la


protection des ressources naturelles de l’Etat occupé, force est de nous demander si des
Etats tiers au conflit armé, surtout les Etats d’origine (c’est-à-dire les Etats de domiciles)
des sociétés transnationales impliquées dans l’exploitation illicite des ressources
naturelles de l’Etat occupé, n’ont aucune obligation y afférente.

B.Obligations des Etats tiers à un conflit armé

1. Exposé du problème
Il peut paraître théorique, voire utopique de vouloir rechercher à tout prix une
responsabilité des Etats tiers à un conflit armé. Le sens commun pourrait naturellement
s’y opposer. Cependant, la récurrence de l’implication des sociétés étrangères dans des
actes d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat pendant un conflit armé

675
« La violation du droit ne peut faire naître du droit » (J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p.
482).
172

nous amène tout de même à réfléchir sur la responsabilité (éventuelle) des Etats
d’origine de ces sociétés.

Il est hors de doute que des sociétés étrangères se sont rendues complices des
actes d’exploitation illicite des ressources naturelles676. Dans ce cas, la complicité des
entreprises est surtout évoquée en matière de promotion et de protection des droits de
l’homme. John Ruggie, alors Représentant spécial du Secrétaire général des Nations
unies chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres
entreprises, l’a définie en ces termes : « La complicité est l’implication indirecte d’une
entreprise dans une atteinte aux droits de l’homme. Essentiellement, il y a complicité
quand une entreprise concourt sciemment à la violation par autrui des droits de
l’homme. L’implication est indirecte parce que ce n’est pas l’entreprise qui commet elle-
même la violation. En principe, il peut y avoir complicité s’il y a participation délibérée
à une infraction, sous quelque forme que ce soit, et qu’il s’agisse de droits civils,
politiques, économiques, sociaux ou de droits culturels »677. La protection des droits de
l’homme est assurée en temps de paix par le droit international des droits de l’homme et
en temps de conflit armé par le droit international humanitaire678. Dans ce travail qui se
situe dans un contexte de conflit armé, nous allons cerner la complicité des entreprises
sous l’angle des violations du droit international humanitaire.

La Cour internationale de Justice a déjà déclaré que le pillage et l’exploitation


illicite des ressources naturelles d’un Etat pendant un conflit armé par des forces
occupantes constituent une violation du jus in bello679. La question qu’on peut se poser
est de savoir si les entreprises qui ont agi en complicité avec ces forces occupantes sont

676
Pour des détails sur la complicité des entreprises étrangères dans l’exploitation illicite des ressources
naturelles de la République démocratique du Congo, voir A.-M. PAPAIOANNOU, ‘‘The Illegal
Exploitation of Natural Resources in the Democratic Republic of Congo : A Case Study on Corporate
Complicity in Human Rights Abuses’’, in O. DE SCHUTTER (editor), Transnational Corporations and
Human Rights, Hart Publ., Oxford and Portland-Oregon, 2006, pp. 263-286.
677
CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME, Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils,
politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement. Les notions de «sphère
d’influence » et de « complicité », Rapport du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la
question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. John Ruggie,
A/HRC/8/16, 15mai 2008, p. 10, § 30.
678
Cf. A. BIAD, Droit international humanitaire (2e édition mise à jour), Paris, Ellipses, 2006, p. 41.
679
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 252, § 245.
173

également responsables de ce même fait illicite. En nous référant à la définition de la


complicité des entreprises (transnationales) par John Ruggie, mentionnée ci-haut, il va
sans dire que des entreprises qui ont été complices des agissements de ces forces
occupantes ne sont pas responsables des violations du droit international humanitaire
commises par ces forces. Ces entreprises ne peuvent être rendues responsables du fait
d’autrui. Toutefois, elles ont participé à la commission d’actes illicites des forces
occupantes. Dès lors, on peut considérer que des Etats tiers au conflit armé, à savoir les
Etats d’origine de ces multinationales, ont manqué aux obligations de respecter et de faire
respecter le droit international humanitaire, qui leur incombent en vertu de l’article 1er
commun des Conventions de Genève et de l’article 1er, § 1 du Protocole additionnel (I).

2.Obligations de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire


L’article 1er commun aux quatre Conventions de Genève dispose : « Les
Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente
Convention en toutes circonstances ». L’article 1er, §1 du Protocole additionnel (I)
reprend textuellement cette disposition, bien sûr en remplaçant « la présente
Convention » par « le présent Protocole ». Ces deux dispositions consacrent dans le chef
des Hautes parties contractantes deux obligations : l’obligation de respecter et
l’obligation de faire respecter le droit des conflits armés. Ces obligations s’imposent en
toutes circonstances.

Avant de préciser le sens de l’une et de l’autre obligation, disons rapidement


que l’expression « en toutes circonstances » ne postule pas l’application du droit
humanitaire en tout temps. Ce serait une contradiction car le droit international
humanitaire, au sens strict, ne s’applique qu’en cas de conflits armés680. « En toutes
circonstances » signifie plutôt que les Etats doivent s’acquitter de ces obligations sans se
préoccuper du caractère juste ou injuste du conflit armé (agression ou légitime défense).
Il signifie par ailleurs que ces obligations ne sont soumises à aucun principe de
réciprocité. Autrement dit, un Etat ne peut opposer à un autre Etat qui a violé le droit

680
Cf. A. BIAD, Op. cit., p. 22. Au sens large, les règles applicables en cas de catastrophes naturelles, qui
requièrent une aide humanitaire, font partie du droit humanitaire.
174

humanitaire l’exceptio non adimpleti contractus ou exception d’inexécution et se


prétendre ainsi en droit de le violer à son tour681.

L’obligation de « respecter » le droit international humanitaire consiste à


appliquer de bonne foi les Conventions et le Protocole additionnel (I), ou plus
généralement tout instrument juridique relatif au droit humanitaire (y compris des
résolutions du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale).682

L’obligation de « faire respecter » le droit international humanitaire est ainsi


expliquée par le Commentaire de l’article premier des Conventions : « Si une autre
Puissance manque à ses obligations, chaque Partie contractante (neutre, alliée ou
ennemie) doit chercher à la ramener au respect de la Convention. Le système de
protection prévu exige en effet, pour être efficace, que les Etats Parties à la Convention
ne se bornent pas à appliquer mais encore fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour en
assurer le respect universel »683. Cette obligation signifie que « les Etats parties doivent
veiller non seulement à ce que leurs forces armées, mais aussi d’autres sujets de droit
respectent les instruments précités »684. La question qui se pose est de savoir de quels
sujets de droit il s’agit. On pourrait être tenté de penser que l’Etat ne peut exercer ce
contrôle que sur des sujets sous sa juridiction. Eric David, partant des Actes de la
Conférence diplomatique de Genève de 1949 et du Commentaire de l’article premier des
Conventions, confirme que « dans l’esprit de ses auteurs, l’obligation mise à charge de
l’Etat partie avait une portée qui dépassait largement le cadre de sa seule population
puisqu’il s’agissait de veiller à ce que les CG fussent ‘‘universellement’’ appliquées ; une
application universelle ne se limite évidemment pas à une application nationale »685.

A ce sujet, le Commentaire du Protocole (I) renseigne que « le droit


international humanitaire crée, pour chaque Etat, des obligations envers la communauté
internationale dans son ensemble (erga omnes) ; chacun de ses membres, vu l’importance

681
Cf. Y. SANDOZ, CH. SWINARSKI, B. ZIMMERMANN (sous la direction de), Commentaire des
Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, CICR, 1986,
p. 37. Cet ouvrage sera désigné par la suite « Protocoles, Commentaire ».
682
Cf. Ibidem, p. 35.
683
Conventions, Commentaires, III, article premier, p. 24.
684
E. DAVID, Op. cit., p. 625.
685
Ibidem, p. 625.
175

des droits en cause, peut être considéré comme ayant un intérêt juridique à ce que ces
droits soient protégés »686.

La portée de l’obligation de respecter et de faire respecter le droit


international humanitaire a été également dégagée par l’Assemblée générale des Nations
Unies, qui, dans la résolution 60/147, du 16 décembre 2005, intitulée « Principes
fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes
de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations
graves du droit international humanitaire »(ci-après dénommés les Principes et
directives), énonce :

« L’obligation de respecter, de faire respecter et d’appliquer le droit


international des droits de l’homme et le droit international humanitaire, telle qu’elle est
prévue dans les régimes juridiques pertinents, comprend, entre autres, l’obligation :

a) De prendre les mesures législatives et administratives appropriées ainsi


que d’autres mesures appropriées pour prévenir les violations ;

b) D’enquêter de manière efficace, rapide, exhaustive et impartiale sur les


violations et de prendre, le cas échéant, des mesures contre les personnes qui en seraient
responsables, conformément au droit interne et au droit international ;

c) D’assurer à ceux qui affirment être victimes d’une violation des droits de
l’homme ou du droit humanitaire l’accès effectif à la justice, dans des conditions
d’égalité, comme il est précisé ci-après, quelle que soit, en définitive, la partie
responsable de la violation ;

d) D’offrir aux victimes des recours utiles, y compris la réparation […] »687.

Examinant minutieusement cette résolution de l’Assemblée générale, Pierre


d’Argent constate qu’elle « n’établit pas de nouvelle règle de droit international, mais a
pour objet ‘‘de compiler et de préciser les obligations existantes’’ »688. En l’occurrence,

686
Protocoles, Commentaire, p. 36.
687
A/RES/60/147, du 21 mars 2006, Annexe, II, § 3, p. 5.
688
P. D’ARGENT, « Le droit de la responsabilité internationale complété ? Examen des Principes
fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations
176

la disposition ci-haut mentionnée précise les contours des obligations de respecter et de


faire respecter le droit international humanitaire, consacrées par les Conventions de
Genève de 1949 et par le Protocole (I) additionnel. Analysant le paragraphe 7 du
préambule de ladite résolution689 et la position des Etats intervenants à la troisième
commission de l’Assemblée générale, Pierre d’Argent relève par ailleurs « le caractère
non contraignant des principes et directives, en ce sens qu’ils ne contiennent aucune
nouvelle obligation internationale, et qu’ils sont ‘‘suffisamment souples pour laisser une
grande latitude aux Etats au niveau de leur application’’ »690.

Vu que les Principes et directives ne sont pas juridiquement contraignants,


nous les écarterons des règles violées par les Etats d’origine des multinationales qui sont
les auteurs, coauteurs ou complices de l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un
Etat étranger en cas de conflit armé. Nous nous contenterons d’évoquer la violation des
obligations de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire au regard
des Conventions de Genève de 1949 et du Protocole (I) additionnel, tout en tirant
énormément profit des précisions qui leur sont apportées par les Principes et directives.
Toujours est-il que nous garderons à l’esprit cette critique judicieuse formulée par Pierre
d’Argent à l’endroit de l’alinéa d) de l’extrait des Principes et directives concernant
l’obligation « [d]’offrir aux victimes des recours utiles, y compris la réparation […] » :
« Il nous semble en effet que le droit à la réparation n'est pas un appendice du droit à un
recours et que ce dernier n'est pas simplement ‘‘compris’’ dans l'obligation de respecter,
faire respecter et appliquer le droit. Plus logiquement, c'est la violation de cette
obligation qui donne naissance au droit à la réparation, celui-ci étant mis en œuvre
grâce au droit au recours. En d'autres termes, c'est parce que le droit à la réparation
existe comme droit individuel en conséquence de la violation de l'obligation de respecter
le droit - ou, plus simplement dit, en conséquence de la violation du droit -, qu'un recours

flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international
humanitaire », in A.F.D.I., Vol. 51, 2005, p. 36.
689
« Les Principes fondamentaux et directives n’entraînent pas de nouvelles obligations en droit
international ou interne, mais définissent des mécanismes, modalités, procédures et méthodes pour
l’exécution d’obligations juridiques qui existent déjà en vertu du droit international des droits de l’homme
et du droit international humanitaire, qui sont complémentaires bien que différents dans leurs normes ».
690
P. D’ARGENT, « Le droit de la responsabilité internationale complété ?... », « Art.cit. », pp. 36-37.
177

effectif dans les ordres juridiques internes doit être disponible pour en assurer la
jouissance. Le droit à la réparation n'est pas inclus dans le droit à un recours, lequel
n'est pas ‘‘compris’’ dans l'obligation de respecter le droit. Le droit à la réparation naît
de la violation du droit, et est en ce sens externe à l'obligation de le respecter ; le droit à
un recours, entendu – ainsi que les principes le conçoivent […]- comme droit d'accès à
un tribunal, est le moyen de réclamer la jouissance du droit primaire substantiel, ou à
défaut la réparation du dommage qui naît de sa violation »691.

Partant des commentaires du CICR relatifs à l’article 1er commun aux


Conventions de Genève, dont la substance est reprise par l’article 1er, § 1er du Protocole
additionnel I, et des principes et directives de l’Assemblée générale de 2005, nous
constatons que, dans certains cas, les obligations de respecter et de faire respecter le droit
international humanitaire, loin d’être des obligations de moyen, sont plutôt des
obligations de résultat. A ce titre, cet extrait du commentaire sous l’article 1er commun
est on ne peut plus éloquent : « [U]n Etat ne pourrait pas se contenter de donner des
ordres ou des directives à quelques tenants de l'autorité civile ou militaire, laissant ceux-
ci pourvoir à leur guise aux détails d'exécution. Il doit surveiller cette exécution. De plus,
s'il veut tenir son engagement solennel, il doit nécessairement préparer d'avance, c'est-à-
dire dès le temps de paix, les moyens juridiques, matériels ou autres permettant, le
moment venu, d'assurer une application loyale »692.

Cela dit, les obligations de respecter et de faire respecter le droit international


humanitaire ne sauraient se réduire purement et simplement à une obligation de vigilance
lorsque sont en cause les actes des personnes détenant l’autorité civile ou militaire. Pour
ces actes, l’Etat est assujetti à une obligation de résultat. Dans d’autres hypothèses, les
obligations de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire constituent
une obligation de vigilance, cette dernière demeurant une obligation de moyen. Ainsi, par
exemple, Georges Labrecque note que dans l’affaire Congo c. Ouganda, « [l]a Cour en
arrive à la conclusion que la responsabilité de l’Ouganda est engagée non seulement en

691
Ibidem, p. 43.
692
J. PICTET (sous la direction de), Les Conventions de Genève du 12 août 1949. Commentaire. IV. La
Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Op. cit., p. 21.
178

raison de tout acte et omission de ses forces armées […], mais aussi du défaut de
vigilance […] par d’autres acteurs se trouvant sur le territoire occupé, y compris les
groupes armés agissant pour leur propre compte »693. La Cour semble ici limiter
effectivement l’obligation de vigilance dans le chef de l’Etat aux actes commis par les
particuliers et non par les détenteurs du pouvoir.

3. Portée des obligations de respecter et de faire respecter le droit international


humanitaire par les Etats d’origine ou d’établissement des multinationales
impliquées dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger subissant un conflit armé

Dans le cadre des conflits armés en Angola, en Sierra Leone et en République


démocratique du Congo, pris comme échantillon, de nombreux Etats d’origine ou
d’établissement des multinationales impliquées dans l’exploitation illicite des ressources
naturelles ont bien été informés des actes des multinationales et n’ont pas mené les
actions nécessaires, y compris sur le plan judiciaire, pour mettre fin à ces actes de
« violation du jus in bello ». Il est vrai, par exemple, que la Belgique et le Royaume-Uni
ont initié des enquêtes sur la situation en République démocratique du Congo. Mais les
procédures judiciaires n’ont pas abouti. En effet, des mesures efficaces n’ont pas été
prises contre les entreprises multinationales responsables et aucune réparation n’a été
accordée aux victimes694.

Ce manquement à l’obligation de respecter et de faire respecter le droit


international humanitaire ne requiert pas, pour être invoqué, que l’Etat d’origine de la
multinationale soit partie aux Conventions de Genève et au Protocole additionnel (I).
Nous avons déjà relevé que ces instruments juridiques s’appliquent même aux Etats non
Parties, sur la base du droit international coutumier.

Il est vrai qu’il pourra se poser un problème de mécanismes de mise en œuvre


de cette responsabilité. Mais c’est une autre question par rapport à celle de la règle
applicable. Elle sera abordée dans la seconde partie du travail.

693
G. LABRECQUE, La force et le droit. Jurisprudence de la Cour internationale de Justice, Bruxelles,
Bruylant, 2008, pp. 382- 383.
694
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op. cit., p. 126.
179

En plus des règles spécifiques du jus in bello, les ressources naturelles sont
directement protégées en temps de conflits armés par des décisions pertinentes des
organes des Nations unies.

§2. Décisions des Nations unies relatives à la cessation du conflit armé et de


l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat subissant le conflit armé

Les décisions des Nations unies relatives à la cessation du conflit armé et de


l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat subissant le conflit armé émanent
principalement du Conseil de sécurité (A). L’ampleur du phénomène d’exploitation
illicite des ressources naturelles pendant des conflits armés a conduit l’Assemblée
générale à se pencher également sur cette question (B).

A.Résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies

Dans son avis consultatif du 22 juillet 2010, concernant la Conformité au


droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, la
Cour internationale de Justice a rappelé que « dans le cadre juridique de la Charte des
Nations Unies, et notamment sur la base de ses articles 24 et 25 et de son chapitre VII, le
Conseil de sécurité peut adopter des résolutions imposant des obligations en vertu du
droit international »695.

En effet, aux termes de l’article 24 de la Charte, le Conseil de sécurité a la


responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. A ce
titre, il est habilité à prendre des décisions que les Membres de l’Organisation doivent
accepter et appliquer, compte pleinement tenu de leur engagement pris conformément à
l’article 25 de la Charte. La pratique internationale confirme que les décisions du Conseil
de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales s’imposent
également aux Etats non membres et même aux entités non étatiques, y compris les
Organisations internationales696. Les décisions obligatoires du Conseil de sécurité sont

695
Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010, p. 439, § 85.
696
Cf. E. SUY et N. ANGELET, « Article 25 », in J.-P. COT et A. PELLET (sous la direction de), La
Charte des Nations Unies. Commentaire article par article (3e édition), Paris, Economica, 2005,
180

principalement prises en vertu du chapitre VII de la Charte, c’est-à-dire, dans le cadre


d’une « action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte
d’agression ». Rien n’empêche qu’exceptionnellement, le Conseil de sécurité prenne des
décisions obligatoires en vertu du chapitre VI, comme il ressort de l’avis relatif à la
Namibie697, qui, selon Joe Verhoeven, est classiquement interprété dans ce sens698. Plus
simplement, les résolutions du Conseil de sécurité « n’obligent que s’il ressort de leurs
termes que l’intention du Conseil a bien été d’imposer aux Etats des mesures
particulières, et point seulement de les leur recommander. Ce qui n’est pas toujours clair
[…] Dans le doute, il faut présumer que les résolutions adoptées sur la base du chapitre
VII de la Charte sont contraignantes et qu’elles ne le sont pas lorsqu’elles trouvent leur
fondement dans le chapitre VI. Ce qui ne préjuge pas du sort de celles qui ne visent
aucune base légale particulière »699.

Les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la cessation d’un conflit


armé font bel et bien partie du chapitre VII et sont donc obligatoires. Lorsqu’un conflit
armé s’accompagne d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat, ce qui
arrive le plus souvent comme en témoignent les conflits armés en Afrique, la pratique du
Conseil de sécurité est telle que la résolution relative aux mesures à prendre pour mettre
fin aux hostilités mentionne explicitement la cessation de l’exploitation illicite des
ressources naturelles. Par exemple, nous lisons dans la résolution 1173 (1998), relative à
la situation en Angola : « Le Conseil de sécurité […] 3. Exige à nouveau que l’UNITA
achève sa démilitarisation et cesse de rétablir ses capacités militaires. […] Agissant en
vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, […] 12. Décide aussi que tous les
Etats doivent prendre les mesures nécessaires pour : […] b) interdire l’importation
directe ou indirecte, sur leur territoire, de tous diamants provenant de l’Angola qui ne
sont pas assujettis au régime du certificat d’origine établi par le Gouvernement d’unité et

pp. 909-916.
697
Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité, Avis consultatif, C.I.J.Recueil
1971, p. 52, § 113.
698
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 792.
699
Ibidem, p. 792. Voir également, P.-M. LANFRANCHI, « La valeur juridique en France des résolutions
du Conseil de sécurité », in A.F.D.I., Vol. 43, 1997, p. 35.
181

de réconciliation nationale »700. S’agissant de la situation en République démocratique


du Congo, dans la résolution 1291 (2000), « [l]e Conseil de sécurité, […] 1. Demande à
toutes les parties de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du cessez-le-
feu […] 17. Se déclare vivement préoccupé par les informations suivant lesquelles les
ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo sont
illégalement exploitées, ce notamment en violation de la souveraineté du pays, demande
qu’il soit mis fin à ces activités »701. De même, dans la résolution 1306 (2000), « [l]e
Conseil de sécurité […] Constatant que la situation en Sierra Leone continue de
constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales dans la région […]
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies […] 1. Décide que tous
les Etats prendront les mesures nécessaires pour interdire l’importation directe ou
indirecte sur le territoire de tous les diamants bruts en provenance de la Sierra
Leone »702. Pareilles décisions ont également été prises par le Conseil de sécurité
concernant les ressources naturelles du Libéria703 et celles de la Côte d’Ivoire704.

Comme il ressort de leur formulation, ces résolutions visent la protection des


ressources naturelles d’un Etat en temps de conflit armé. Leurs destinataires principaux
sont les Etats étrangers. Cela n’empêche nullement que certaines résolutions du Conseil
de sécurité visent directement les personnes privées, physiques ou morales en vue de la
protection des ressources naturelles. C’est, par exemple, le cas de la résolution 1857
(2008), dans laquelle le Conseil de sécurité décide de reconduire les mesures financières
et les mesures en matière de déplacement, notamment à l’égard des « personnes ou
entités appuyant les groupes armés illégaux dans l’est de la République démocratique du
Congo au moyen du commerce illicite des ressources naturelles »705. Bien qu’il s’agisse
des mesures visant ces personnes ou entités, ce sont les Etats qui sont tenus de veiller à
l’application des décisions prises par le Conseil de sécurité, en l’occurrence, prendre les

700
S/RES/1173 (1998), 12 juin 1998, §§ 3 et 12 b).
701
S/RES/1291 (2000), 24 février 2000, §§ 1 et 17.
702
S/RES/1306 (2000), 5 juillet 2000, alinéas 1, 5 et 6 du préambule ; et § 1.
703
Voir, par exemple, S/RES/1521 (2003), 22 décembre 2003, §§ 2, 6 et 10.
704
Voir, par exemple, S/RES/1643 (2005), § 6.
705
S/RES/1857 (2008), 22 décembre 2008, § 4, g). Voir également S/RES/ 1896 (2009), 7 décembre 2009,
§ 3. Ces mesures ont été prises par la résolution 1807 (2008), 31 mars 2008.
182

mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des
personnes visées par le Comité de Sanction créé par la résolution 1533 (2004) (sans
qu’un Etat soit obligé de refuser à ses propres nationaux l’entrée sur son territoire) ; geler
immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques de ces
personnes ou entités se trouvant sur leur territoire, etc.706 Un Etat qui ne prend pas ces
mesures requises par le Conseil de sécurité manque à une obligation de diligence qui lui
incombe en vertu du droit international. C’est sur cette base que le 26 juillet 2010, l’ONG
Global Witness a intenté une action en demande de contrôle juridictionnel devant la
Haute Cour de Justice contre le gouvernement britannique pour non-inclusion des
entreprises britanniques faisant le commerce de minerais du conflit congolais sur la liste
des entités visées par les sanctions de l’ONU707. Cette Organisation non gouvernementale
a estimé que le Gouvernement britannique a violé les résolutions 1857 (2008) et 1896
(2009), qui édictent des sanctions contre des entreprises multinationales (gel de fonds,
interdiction de déplacement de leurs dirigeants,…)708.

En somme, le non respect par un Etat étranger des résolutions du Conseil de


sécurité relatives à la cessation d’un conflit armé et de l’exploitation illicite des
ressources naturelles de l’Etat victime du conflit constitue une violation du droit
international.

Etant donné que ces résolutions du Conseil de sécurité édictent des sanctions
contre des entreprises (multinationales), on peut, de manière incidente, se demander si le
Conseil de sécurité est habilité à prendre des décisions créant directement des obligations
dans le chef des entreprises qui participent à l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat en temps de conflit armé. Autrement dit, les décisions du Conseil de
sécurité édictant des sanctions contre des multinationales ont-elles un effet direct, en

706
Cf. S/RES/1807 (2008), 31 mars 2008, §§ 9 et 11. Les paragraphes 9 et 11 sont évoqués par la
S/RES/1857 (2008), 22 décembre 2008, § 3.
707
Voir « Global Witness intente une action contre le gouvernement britannique pour non-inclusion des
entreprises britanniques faisant le commerce de minerais du conflit congolais sur la liste des entités visées
par les sanctions de l’ONU », communiqué de presse du 26 juillet 2010, disponible sur
http://www.globalwitness.org/media_library_detail.php/1032/fr/global_witness_intente_une_action_contre
_le_gouver consulté le 26 juillet 2010.
708
S/RES/1857 (2008), 22 décembre 2008, § 4, g). Voir également S/RES/ 1896 (2009), 7 décembre 2009,
§ 3. Ces mesures ont été prises par la résolution 1807 (2008), 31 mars 2008.
183

d’autres termes, sont-elles directement applicables aux particuliers, notamment aux


sociétés ?

La notion d’applicabilité directe du droit international est déjà abondamment


traitée par la doctrine. En guise de rappel, selon Joe Verhoeven, « l’applicabilité directe
peut être entendue de l’aptitude d’une règle de droit international à conférer par elle-
même aux particuliers, sans requérir aucune mesure interne d’exécution, des droits dont
ils puissent se prévaloir devant les autorités (juridictionnelles) de l’Etat où cette règle est
en vigueur »709.

L’intérêt de la notion d’applicabilité directe du droit international, note


Philippe Gautier, réside dans le fait qu’elle « renforce l’efficacité du droit international en
traduisant une plus grande perméabilité du droit international », dans la mesure où elle
permet à la règle internationale d’être utilisable comme telle devant un juge interne710.

D’après Marie-Pierre Lanfranchi les conditions d’applicabilité directe d’une


règle de droit international se résument en ces termes : « Le caractère auto-exécutoire
d’une règle, sa capacité à pouvoir être invoquée en tant que telle par les particuliers
devant le juge interne est tributaire de deux facteurs. L’un est d’ordre matériel : il est lié
au ‘‘contenu, à (la) précision, en un mot à (la) qualité intrinsèque’’ de la règle. L’autre
est d’ordre formel et renvoie aux modalités d’application de la règle, telles que définies
par le droit international lui-même et telles que précisées par le droit interne »711.

Comme nous l’apprend Philippe Gautier, la notion d’applicabilité directe du


droit international a jusqu’à présent mené une « existence » discrète dans la jurisprudence
internationale712. Si elle a été clairement reconnue par la Cour permanente de Justice
internationale dans l’affaire de la compétence des tribunaux de Dantzig, à propos d’un
accord relatif aux fonctionnaires conclu en 1921 entre le Dantzig et la Pologne, la Cour

709
J. VERHOEVEN, « La notion d’ ‘‘applicabilité directe’’ du droit international », in R.B.D.I., 1980, p.
243 (Italiques dans l’original).
710
Cf. PH. GAUTIER, « Applicabilité directe et droit de la mer », in R. CASADO RAIGON et G.
CATALDI (sous la direction de), L’évolution et l’état actuel du droit de la mer. Mélanges de droit de la
mer offerts à Daniel Vignes, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 375, § 6.
711
M.-P. LANFRANCHI, « La valeur juridique en France des résolutions du Conseil de sécurité », in
A.F.D.I., Vol. 43, 1997, p. 47. Voir également D. CARREAU, Op. cit., p. 450, § 1220.
712
Cf. PH. GAUTIER, « Applicabilité directe et droit de la mer », « Art. cit. », p. 378, § 12.
184

internationale de Justice, notamment dans les affaires LaGrand et Avena, n’affirme pas
l’effet direct de l’article 36, § 1er de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations
consulaires alors qu’elle reconnaît pourtant que cette disposition est claire, crée des
« droits individuels » et des obligations « que l’Etat de résidence a vis-à-vis d’une
personne détenue »713. C’est essentiellement en droit européen, interprété et appliqué par
la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), dans le cadre des litiges
mettant en cause des particuliers, que la notion d’applicabilité directe du droit
communautaire et de certaines conventions internationales a connu du succès714. On peut
relever en passant que « [s]ur la base de la jurisprudence de la CJCE, une distinction est
opérée entre l’effet ‘‘vertical’’ de l’applicabilité directe – qui vise la possibilité
d’invoquer la norme dans les relations entre les organes de l’Etat et les particuliers – et
l’effet ‘‘horizontal’’ – qui concerne l’application de la règle entre particuliers, par
exemple lorsqu’une personne invoque devant un juge interne, à l’encontre de
l’employeur, le respecte de l’égalité de rémunération entre travailleurs masculins et
féminins »715.

Force est de noter avec Joe Verhoeven que « [m]ême si l’applicabilité directe
a principalement été discutée à propos des traités, elle ne leur est pas spécifique. La
question concerne en effet indifféremment toute source du droit international public
(coutume, décision d’une organisation internationale, …) »716. C’est dans ce sens que
nous nous interrogeons sur l’applicabilité directe des résolutions contraignantes du
Conseil de sécurité édictant des sanctions contre des multinationales impliquées dans
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé.

La question de l’applicabilité directe des décisions contraignantes du Conseil


de sécurité divise la doctrine717. Pour certains auteurs, notamment Marie-Pierre

713
Ibidem, pp. 376-381, §§ 9-16.
714
Cf. Ibidem, p. 378, § 12.
715
Ibidem, p. 374, § 5.
716
J. VERHOEVEN, « La notion d’ ‘‘applicabilité directe’’ du droit international », « Art. cit. », p. 244.
717
Parmi les « adversaires » de l’applicabilité directe des résolutions obligatoires du conseil de sécurité des
Nations unies, on peut citer Tullio Treves, Gilbert Guillaume, Magdalena M. Martin Martinez et Pierre-
Marie Lanfranchi. Parmi les « défenseurs » de l’applicabilité directe des résolutions obligatoires du Conseil
de sécurité figurent Benedetto Conforti, Joe Verhoeven, Nicolas Angelet, Tshibangu Kalala (Cf.
185

Lanfranchi, les décisions du Conseil de sécurité ne répondent pas jusqu’à présent aux
critères cumulatifs que nous venons de mentionner ci-dessus. Il est vrai, estime
Lanfranchi, du point de vue matériel, les décisions du Conseil de sécurité portant
sanctions contre des personnes privées sont parfois rédigées en des termes assez
complets, précis et impératifs, ce qui répond à la condition liée à toute règle de l’effet
utile718. Du point de vue formel, les décisions du Conseil de sécurité ne sauraient être
d’effet direct en l’absence du consentement des Etats719. En fait, l’article 48 de la Charte
des Nations unies subordonne l’exécution des décisions du Conseil de sécurité en matière
de maintien de la paix et de la sécurité internationales aux « mesures nécessaires à
l’exécution », qui « sont prises par tous les membres des Nations Unies ou certains
d’entre eux »720. Par ailleurs, le droit interne impose généralement des « conditions de
publication attachées à tout acte ayant pour prétention de modifier la situation juridique
des particuliers » alors que « la Charte des Nations Unies ne contient aucune disposition
relative à la publication des actes obligatoires de l’ONU »721.

Pour faire le point sur la position doctrinale qui dénie tout effet direct aux
décisions du Conseil de sécurité, nous pouvons dire que dans la logique de ces auteurs,
lorsque les Etats adoptent des mesures nécessaires à l’exécution des décisions du Conseil
de sécurité imposant des sanctions aux personnes privées, ces mesures font partie du droit
interne. Les entreprises sont tenues de se conformer à leur contenu, non comme du droit
international (décisions du Conseil de sécurité), mais plutôt comme du droit interne. Dans
ce cas, seuls les Etats ont l’obligation d’exécuter les décisions du Conseil de sécurité
relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

En revanche, d’autres auteurs estiment qu’en vertu des pouvoirs qui lui sont
conférés par la Charte en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales,
rien n’interdit au Conseil de sécurité d’adopter des résolutions contraignantes directement
applicables.

TSHIBANGU KALALA, Les résolutions de l’ONU et les destinataires non étatiques, Bruxelles, Larcier,
2009, pp. 245-266).
718
Cf. M.-P. LANFRANCHI, « Art. cit. », pp. 49-50.
719
Cf. Ibidem, p. 54.
720
Cf. Ibidem, p. 54.
721
Ibidem, p. 55.
186

Le Professeur Joe Verhoeven a expressément posé la question de l’effet direct


des décisions du Conseil de sécurité en ces termes : « Les décisions du Conseil de
sécurité peuvent-elles être ‘‘directement applicables’’ (self-executing), c’est-à-dire
conférer aux particuliers des droits – et surtout des obligations – indépendamment de
toute mesure d’exécution prise par les Etats ? »722. Nous présentons presqu’intégralement
sa réponse à cette question. Cet auteur constate tout d’abord que « [l]a Charte n’en dit
expressément rien ». Pour lui, on peut douter de la lecture « traditionnelle » selon laquelle
les obligations mentionnées dans la Charte ne concernent que des Etats723, interprétation
qui « laisse croire que les Nations unies ne sont pas en droit de conférer ‘‘directement’’, à
qui que ce soit d’autre, des droits ou des obligations »724. Cet auteur constate que
plusieurs des décisions que le Conseil de sécurité a adoptées depuis la fin de la guerre
froide « se prêteraient d’autant mieux à une application directe que certaines d’entre elles
(interdiction des relations commerciales ou financières, rupture ou nullité des contrats
d’assurances, etc.) ont immédiatement pour destinataires des particuliers »725. Ce faisant,
estime-t-il, exclure l’effet direct de telles résolutions du Conseil de sécurité « supposerait
qu’il fût établi que l’intention des auteurs de la Charte était d’interdire qu’un effet direct
soit attaché aux décisions du Conseil de sécurité »726. Etant donné que rien dans la Charte
ne permet de le croire, Joe Verhoeven conclut que « rien ne devrait catégoriquement
s’opposer à ce que ces décisions soient, le cas échéant, directement applicables »727.

Bien d’autres auteurs abondent dans le même sens que Joe Verhoeven728.
Pour notre part, nous soutenons effectivement que rien n’empêcherait le Conseil de
sécurité de prendre des décisions contraignantes interdisant directement à des entreprises
multinationales de participer à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en
cas de conflit armé. A notre connaissance, le Conseil de sécurité n’a pas encore pris une
telle décision. Mais il nous semble utile de mentionner par exemple, que dans la

722
J. VERHOEVEN, Droit international public, Op. cit., p. 795.
723
Cf. Ibidem, p. 795.
724
Cf. Ibidem, p. 795.
725
Ibidem, p. 795.
726
Ibidem, p. 795.
727
Ibidem, p. 795.
728
Voir inter alia : Benedetto Conforti, Nicolas Angelet, Tshibangu Kalala (Cf. TSHIBANGU KALALA,
Op. cit., pp. 262-266).
187

résolution 1896 (2009), du 7 décembre 2009, le Conseil de sécurité, « [r]ecommande aux


importateurs et aux industries de transformation d’adopter des politiques, des pratiques et
des codes de conduite en vue d’empêcher les groupes armés en République démocratique
du Congo de bénéficier d’un soutien indirect à la faveur de l’exploitation et du trafic de
ressources naturelles »729. Le fait que le Conseil de sécurité a adressé directement cette
recommandation aux importateurs et industries, nous convainc davantage qu’il peut leur
adresser directement des décisions contraignantes, s’il le juge nécessaire.

La responsabilité des entreprises multinationales n’étant pas notre sujet, il


convient de focaliser de nouveau notre attention sur les règles applicables aux Etats, en
examinant pour l’instant les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies.

B.Résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies

En abordant la question des résolutions de l’Assemblée générale relatives à la


cessation d’un conflit armé et de l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat
subissant ce conflit armé, il se pose nécessairement « le problème de la distribution du
pouvoir en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales »730 entre le
Conseil de sécurité et l’Assemblée générale. Ce problème est théoriquement tranché par
l’article 12, paragraphe 1 de la Charte qui dispose : « Tant que le Conseil de sécurité
remplit, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, les fonctions qui lui sont
attribuées par la présente Charte, l’Assemblée générale ne doit faire aucune
recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne
le lui demande ». C’est la conséquence logique de l’article 24, paragraphe 1er de la
Charte, qui confie au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la
paix et de la sécurité internationales. Il s’ensuit que, pour reprendre les termes de René
Degni-Segui, « au Conseil revient la fonction principale et à l’Assemblée générale la
fonction résiduelle »731.

729
S/RES/1896 (2009), 7 décembre 2009, p. 5, § 16.
730
R. DEGNI-SEGUI, « Article 24, Paragraphes 1et 2 », in J.-P. COT et A. PELLET (sous la direction de),
La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Op. cit., p. 880.
731
Ibidem, p. 880.
188

Dans la pratique, ce problème de conflit de compétence est souvent soulevé


par des plaideurs devant la Cour internationale de Justice. La Cour a encore eu l’occasion
de s’y prononcer dans son avis consultatif du 22 juillet 2010, concernant la Conformité
au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo.
En effet, a-t-elle précisé, « l’article 12 n’interdit pas à l’Assemblée générale de prendre
toute action en réponse à des menaces pour la paix et la sécurité internationales dont le
Conseil de sécurité est saisi. La Cour a longuement examiné cette question aux
paragraphes 26 et 27 de son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, où elle a relevé l’existence
d’une tendance croissante à voir l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité examiner
parallèlement une même question relative au maintien de la paix et de la sécurité
internationales et souligné qu’il était souvent arrivé que, alors que le Conseil de sécurité
tendait à privilégier les aspects de ces questions touchant à la paix et à la sécurité
internationales, l’Assemblée générale les envisageait sous un angle plus large et en
examinait également les aspects humanitaires, sociaux et économiques »732. Par ailleurs,
« comme la Cour l’a relevé dans son avis consultatif de 2004, la résolution 377A (V) de
l’Assemblée générale («L’union pour le maintien de la paix») lui permet de faire des
recommandations sur les mesures collectives à prendre pour rétablir la paix et la
sécurité internationales dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une
rupture de la paix ou un acte d’agression et où le Conseil de sécurité ne peut agir faute
d’unanimité parmi ses membres permanents (Conséquences juridiques de l’édification
d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p.
150, par. 30) »733.

732
Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010, p. 420, § 41.
733
Ibidem, pp. 420-421, § 42. Sur la portée juridique de la résolution 377 (V), voir R. DEGNI-SEGUI,
« Art.cit. », pp. 887- 891. Il conclut en ces termes : « On inclinerait à conclure que l’irrégularité originelle
de la résolution Dean Acheson n’est pas couverte par la pratique. Cette irrégularité, qui affecte seulement
les fonctions du Conseil de sécurité, laisse intacts les pouvoirs de celui-ci » (Ibidem, p. 891). Au contraire,
aux yeux de Michel Virally, « cette résolution qui transforme profondément l’équilibre établi par la Charte
au sein des Nations Unies a pu paraître inconstitutionnelle et a été très vivement attaquée sur ce plan par
les Etats du groupe soviétique. On ne peut aujourd’hui que la considérer comme régulière alors que son
utilisation a été unanimement acceptée dans les affaires de Suez et de Hongrie » (M. VIRALLY,
« Art.cit. », p. 89). Jorge Castaneda voit en l’acquiescement des membres des Nations unies la création des
189

Ce faisant, c’est à bon droit que l’Assemblée générale a pris des résolutions
recommandant aux Etats des mesures pour mettre fin à un conflit armé et à l’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un autre Etat (ou d’une entité sous statut international).
Il y a lieu d’évoquer quelques exemples, notamment la résolution 42/14 A, du 6
novembre 1987, dans laquelle l’Assemblée générale « [r]éaffirme que les ressources
naturelles de la Namibie, y compris ses ressources marines, sont le patrimoine inviolable
du peuple namibien et se déclare profondément préoccupé par l’épuisement rapide de ces
ressources, en particulier des gisements d’uranium, par suite au pillage auquel se livrent
l’Afrique du Sud et certains intérêts économiques étrangers, occidentaux et autres, en
violation des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité,
du décret n°1 pour la protection des ressources naturelles de la Namibie, de l’avis
consultatif rendu par la Cour internationale de Justice le 21 juin 1971 »734. Par
conséquent, elle « [p]rie à nouveau tous les Etats Membres, en particulier ceux dont les
sociétés se livrent à l’exploitation des ressources namibiennes, de prendre toutes les
mesures appropriées, y compris des mesures législatives et des mesures coercitives, pour
faire en sorte que les dispositions du décret n°1 pour la protection des ressources
naturelles de la Namibie soient pleinement appliquées et respectées par toutes les
sociétés et tous les particuliers relevant de leur juridictions »735. Par ailleurs, elle
« [d]emande aux gouvernements de tous les Etats, en particulier à ceux dont les sociétés
se livrent à l’extraction et au traitement d’uranium namibien, de prendre toutes les
mesures qu’appellent les résolutions et décisions de l’Organisation des Nations Unies et
le décret n°1 pour la protection des ressources naturelles de la Namibie, et notamment
d’exiger des certificats d’origine négatifs, pour interdire à leurs entreprises publiques et

normes coutumières dans l’ordre normatif particulier des Nations Unies (Cf. J. CASTANEDA, « Valeur
juridiques des résolutions des Nations Unies », in R.C.A.D.I., 1970, Vol. I, tome 129, pp. 277-281). Et
Robert Kolb opine : « Au vu de la pratique subséquente – et malgré le fait que la légalité de la Résolution
soit longtemps restée très controversée – il est possible de dire qu’elle n’est pas contraire au droit de la
Charte. La Charte, en tant qu’instrument de type constitutionnel, est un texte vivant. Depuis 1950, la
pratique atteste l’acceptation de cette Résolution » (R. KOLB, Introduction au droit des Nations Unies,
Bâle, Helbing Lichtenhahn, 2008, p. 105. Nous penchons vers le point de vue de Robert Kolb.
L’interprétation de la Charte doit être dynamique, téléologique, et non statique, figée.
734
A/RES/42/14 A, 6 novembre 1987, § 68.
735
Ibidem, § 73.
190

autres, filiales comprises, de se livrer à aucune transaction portant sur l’uranium


namibien ni aucune prospection d’uranium en Namibie »736.

Nous pouvons encore évoquer la résolution 55/56, du 29 janvier 2001,


relative au rôle des diamants dans les conflits armés, dans laquelle l’Assemblée générale

« 1. Demande à tous les Etats d’appliquer dans leur intégralité les mesures
adoptées par le Conseil de sécurité visant le lien entre le commerce des diamants du sang
et la livraison aux mouvements rebelles d’armes, de combustible ou de tout autre type de
matériel interdit;

2. Prie instamment tous les Etats d’apporter leur appui aux efforts que les
pays qui produisent, travaillent, exportent et importent des diamants, ainsi que l’industrie
du diamant, accomplissent en vue de trouver des moyens de briser le lien entre les
diamants du sang et le conflit armé, et encourage l’adoption d’autres initiatives
appropriées à cette fin, notamment l’amélioration de la coopération internationale en
matière de maintien de l'ordre;

3. Constate qu’il importe de mettre rapidement et sérieusement à l'étude


l'adoption de mesures efficaces et pragmatiques propres à remédier au problème des
diamants du sang, y compris les éléments suivants:

a) Création et mise en application d’un système international simple et


fonctionnel de délivrance de certificats pour les diamants bruts […] »737.

Mais alors, quelle est la force juridique des résolutions de l’Assemblée


générale ? Nous référant à la doctrine, nous avons déjà distingué, parmi les résolutions de
l’Assemblée générale, les déclarations, qui affirment des principes de droit international
et des recommandations, qui requièrent de leur destinataire l’adoption d’un
comportement approprié. Dans cette logique, en matière de maintien de la paix et de la
sécurité internationales, l’Assemblée générale agit par voies de recommandations. La
Charte ne dit rien de leur portée juridique. Nous devons distinguer selon que les
destinataires de la recommandation sont des Etats membres ou des Etats non membres de

736
Ibidem, § 74.
737
A/RES/55/56, 29 janvier 2001, §§ 1-3.
191

l’ONU. Lorsqu’ elle est adressée aux Etats membres, « la recommandation donne un
contenu concret aux engagements statutaires des Etats et détermine dans quelles
conditions ils devraient s’en acquitter. Ces derniers ont le droit de lui opposer leur
propre conception, mais ne peuvent utiliser ce droit pour se soustraire à leurs
obligations. Ils ne sauraient éviter de se conformer à la recommandation qui leur est
adressée que si leur refus se justifie en droit et en fait »738. La situation devient plus
simple lorsque l’Assemblée générale recommande à un Etat de se conformer à une
résolution du Conseil de sécurité, qui est déjà obligatoire par elle-même. Ces mêmes
considérations sont également applicables aux Etats non membres. En effet, en vertu de
l’article 2, § 6 de la Charte, « [l]'Organisation fait en sorte que les Etats qui ne sont pas
Membres des Nations Unies agissent conformément à ces principes dans la mesure
nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales »739. Cela se confirme
davantage lorsqu’un Etat non membre de l’ONU a attiré l’attention du Conseil de sécurité
ou de l’Assemblée générale sur un différend auquel il est partie, conformément à l’article
35, § 2 de la Charte.

Bref, bien que n’étant pas « par elles-mêmes obligatoires »740, du moins en
principe, les recommandations de l’Assemblée générale en matière de maintien de la paix
et de la sécurité internationales ont une grande force politique. En effet, « l’Assemblée
peut toujours recommander aux membres de l’organisation de prendre certaines mesures
diplomatiques ou économiques propres à faire pression sur l’Etat qui refuse à appliquer
ses recommandations. Il deviendrait ainsi très difficile à un Etat isolé au sein des Nations
Unies, et surtout si une majorité s’est prononcée contre lui, de se soustraire aux
recommandations de l’Assemblée générale »741.

Dans certaines situations particulièrement sensibles, l’Organisation des


Nations unies a préféré créer directement des organes subsidiaires. C’est le cas du
Conseil des Nations unies pour la Namibie. Celui-ci a adopté le 27 septembre 1974 un

738
M. VIRALLY, « Art.cit. », p. 96.
739
C’est la valeur universelle de la paix et de la sécurité internationales qui justifie cette exception à la
règle « Res inter alios acta […] ».
740
M. VIRALLY, « Art.cit. », p. 83.
741
Ibidem, pp. 88-89.
192

décret relatif à la protection des ressources naturelles de la Namibie. Avant l’examen de


ce texte, il faut tout d’abord présenter rapidement le contexte de son adoption.

En 1920, après la Première Guerre Mondiale, le territoire du Sud-Ouest


africain, qui deviendra plus tard la Namibie, a été soumis à un statut international
résultant du Mandat confié par les principales Puissances alliées et associées à sa Majesté
britannique pour être exercé en son nom par le Gouvernement de l’Union de l’Afrique du
Sud742. Ce Mandat a été confirmé la même année par le Conseil de la Société des Nations
(SDN)743.

A la dissolution de la SDN, le Mandat devait se transformer en Tutelle des


Nations unies, conformément à la résolution de la SDN du 18 avril 1946, transformation
à laquelle le Gouvernement sud-africain opposa un refus744. Dans son avis consultatif du
11 juillet 1950, la Cour internationale de Justice a confirmé le maintien du Mandat sur ce
territoire, en précisant que les fonctions de surveillance, autrefois assumées par le Conseil
de la SDN, sont transmises à l’Assemblée générale des Nations unies745.

Cette situation allait jeter un discrédit sur l’Organisation mondiale.


Heureusement, le 27 octobre 1966, l’Assemblée générale a pris la célèbre résolution 2145
(XXI) relative à la « Question du Sud-Ouest africain », à savoir, la révocation du Mandat
sur le Sud-Ouest africain746. L’Union sud-africaine conteste la validité de cette

742
Cf. L. LUCCHINI, « La Namibie, une construction des Nations Unies », in A.F.D.I., Vol. XV, 1969,
pp. 356 et 361- 362.
743
Cf. Ibidem, p. 362.
744
Cf. Ibidem, p. 361.
745
Cf. Statut international du Sud-Ouest africain, Avis consultatif : C.I.J. Recueil 1950, pp. 133 et 137.
Pour rappel, en vertu de son Mandat, l’Union de l’Afrique du Sud devrait s’acquitter d’une « mission
sacrée de civilisation », consistant à assurer le bien-être et le développement du peuple sud-ouest africain
(Cf. Article 22, § 1er du Pacte de la SDN). Mais, elle a adopté une attitude contraire au Mandat : violations
massives des droits de l’homme, politique de ségrégation raciale pratiquée sur le territoire du Sud-Ouest
africain, tentatives d’annexion pure et simple du territoire, etc. (Cf. L. LUCCHINI, Op. cit., pp. 356- 357).
L’ONU a tenté à plusieurs reprises de ramener l’Union de l’Afrique du Sud sur les rails, notamment par
plusieurs résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité et par des avis consultatifs de la
Cour internationale de Justice. Tous ces efforts sont restés vains.
746
Les passages pertinents de cette résolution sont les suivants : « L’Assemblée générale, […] Convaincue
que l’administration du Territoire sous mandat par l’Afrique du Sud a été assurée d’une manière contraire
au Mandat, à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration universelle des droits de l’homme, […]
Affirmant son droit de prendre des mesures appropriées à cet égard, y compris le droit de reprendre
l’administration du Territoire sous mandat […] 3. Déclare que l’Afrique du Sud a failli à ses obligations en
ce qui concerne l’administration du Territoire sous mandat, n’a pas assuré le bien-être moral et matériel et
193

révocation, en soulevant l’incompétence de l’Assemblée générale747. Pour Laurent


Lucchini, « la légitimité de la révocation découle du statut international du territoire et
des pouvoirs de haute surveillance qui en résulte pour les Nations unies […]. La
compétence de décision de l’Assemblée relativement au Mandat sur le Sud-Ouest africain
[…] [lui] paraît confirmée en vertu de la théorie des compétences implicites admise par
la Cour dans son avis du 11 avril 1949, par les fonctions de contrôle exercées par
l’Assemblée. Même si cette compétence n’est pas expressément reconnue par les textes,
elle découle nécessairement du rôle de surveillance confié à l’Assemblée. Faute de
reconnaître un tel pouvoir, la fonction de surveillance serait vidée de son contenu. Ainsi,
la révocation, la prise en charge du territoire du Sud-Ouest africain par l’O.N.U. [lui]
semblent être licites »748.

De par la résolution 2145 (XXI), mettant fin au Mandat exercé par l’Afrique
du Sud sur le territoire Sud-Ouest africain, l’Assemblée générale devait directement
administrer ce territoire. Par la résolution 2248 (S.V), du 19 mai 1967, relative à la
« Question du Sud-Ouest africain », l’Assemblée générale a décidé de créer le Conseil
des Nations unies pour le Sud-Ouest africain, devant exercer des pouvoirs et fonctions sur
le Territoire, notamment, « [p]romulguer les lois, décrets et règlements administratifs
nécessaires à l’administration du Territoire jusqu’au moment où une assemblée
législative aura été créée à la suite d’élections menées sur la base du suffrage universel
des adultes »749. Organe subsidiaire de l’Assemblée générale, le Conseil des Nations
unies pour le Sud-Ouest africain était responsable devant celle-ci750. Son siège était fixé
(théoriquement) au Sud-Ouest africain751. Les tâches exécutives et administratives étaient

la sécurité des autochtones du Sud-Ouest africain et a, en fait, dénoncé le Mandat ; 4. Décide que le Mandat
confié à sa Majesté britannique pour être exercé en son nom par le Gouvernement de l’Union sud-africaine
est donc terminé, que l’Afrique du Sud n’a aucun droit d’administrer le territoire et que désormais le Sud-
Ouest africain relève directement de la responsabilité de l’Organisation des Nations Unies […] ».
747
Cf. L. LUCCHINI, Op. cit., p. 359.
748
Ibidem, pp. 360 et 364.
749
Résolution 2248 (S.V), du 19 mai 1967, II, § 1, in Documents officiels de l’Assemblée générale,
cinquième session extraordinaire, Annexes, point 7 de l’ordre du jour, document A/ 6640.
750
Cf. Ibidem, II, § 2.
751
Cf. Ibidem, IV, § 1.
194

de la Compétence du Commissaire des Nations unies pour le Sud-Ouest africain,


responsable devant le Conseil752.

Le 12 juin 1968, par la résolution 2372 (XXII), relative à la « Question du


Sud-Ouest africain », l’Assemblée générale a proclamé que, conformément aux vœux de
son peuple, le Sud-Ouest africain sera désormais appelé « Namibie »753. Elle a par
ailleurs décidé que le Conseil des Nations Unies pour le Sud-Ouest africain sera appelé
« Conseil des Nations Unies pour la Namibie » et que le Commissaire des Nations Unies
pour le Sud-Ouest africain sera appelé « Commissaire des Nations Unies pour la
Namibie »754.

Dès lors, pendant la présence illicite continue de l’Afrique du Sud sur le


territoire namibien, la Namibie a connu de fait deux pouvoirs : le pouvoir intérieur, celui
de l’Afrique du Sud, effectif à l’intérieur du pays, mais se limitant à des compétences
internes ; et le pouvoir extérieur, celui du Conseil des Nations unies pour la Namibie, se
limitant de fait à des compétences externes, faute d’accéder et d’agir sur le territoire
namibien755.

Dans le cadre de ses compétences, le Conseil des Nations unies pour la


Namibie a adopté, le 27 septembre 1974, le décret sur les ressources naturelles de la
Namibie, dont il sied d’examiner le contenu et la portée.

752
Cf. Ibidem, II, §§ 3 et 4.
753
Cf. Résolution 2372 (XXII), du 12 juin 1968, § 1.
754
Cf. Ibidem, § 3. En dépit de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité
enjoignant à l’Afrique du Sud de se retirer du territoire namibien (Sud-Ouest africain), le Gouvernement
sud africain n’a pas cédé. La Cour internationale de Justice a même été amenée à se prononcer sur les
« Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité » (C.I.J. Recueil 1971, p. 16 et
suivantes), présence qu’elle a au bout du compte jugée illicite. C’est au bout d’activités diplomatiques
intenses que l’Afrique du Sud finira par accorder l’indépendance au peuple namibien et se retirer de la
Namibie (Cf. R. GOY, « L’indépendance de la Namibie », in A.F.D.I., Vol. 37, 1991, pp. 392-396. Voir
également CH. CADOUX, « L’Organisation des Nations Unies et le problème de l’Afrique australe.
L’évolution de la stratégie des pressions internationales », in A.F.D.I., Vol. 23, 1977, pp. 156-158).
755
Cf. Ibidem, pp. 385-389.
195

Le Décret n°1 du Conseil des Nations unies pour la Namibie (CNUN ou le


Conseil)756 vise la protection des ressources naturelles de la Namibie.

Dans le préambule, le CNUN est conscient de sa responsabilité de protéger


les ressources naturelles du peuple namibien et de s’assurer que ces ressources naturelles
ne sont pas exploitées au détriment de la Namibie, de son peuple et de son
environnement. Ainsi, il mentionne les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale
qui constituent la base légale de sa décision (résolutions que nous avons déjà relevées
dans le contexte d’adoption du décret), rappelle l’avis consultatif de la CIJ du 21 juin
1971, qui a conclu à l’occupation illicite du territoire namibien par l’Afrique du Sud et
déterminé les conséquences juridiques y afférentes.

La teneur du Décret peut se résumer en ces lignes :

- Toute personne ou toute entité, y compris les sociétés, doit obtenir


l’autorisation du Conseil des Nations unies pour la Namibie ou de toute autre autorité
habilitée par ce Conseil pour rechercher, prospecter, explorer, prendre, extraire, exploiter,
traiter, raffiner, utiliser, vendre, exporter ou distribuer une ressource naturelle, animale ou
minérale, située ou découverte à l’intérieur des limites territoriales de la Namibie (Voir
§§ 1 et 3 du Décret).

- Toute autorisation, concession ou licence accordée par une autre autorité, y


compris par le Gouvernement de l’Afrique du Sud, est nulle et non avenue, quelle que
soit la date à laquelle elle a été accordée (Voir § 2 du Décret).

- Les ressources retirées du territoire namibien sans autorisation du Conseil


ou d’une autorité dûment mandatée par lui seront saisis, de même que les véhicules,
navires ou conteneurs les transportant. Le Conseil en assurera la garde dans l’intérêt du
peuple namibien (Voir §§ 4 et 5 du Décret).

756
‘‘United Nations Council for Namibia: Decree on the Natural Resources of Namibia’’ (September 27,
1974), A/ AC.131/33, 7 October 1974 (disponible sur www.heinonline.org , consulté le 26 juillet 2010).
Nous nous référons également à la traduction de quelques dispositions par P. TAVERNIER, « L’année des
Nations Unies (19 décembre 1973- 18 décembre 1974). Questions juridiques », in A.F.D.I., Vol. 20, 1974,
p. 514). Pour un commentaire et une traduction française de ce décret, voir notamment F. RIGAUX, « Le
décret sur les ressources naturelles de la Namibie adopté le 27 septembre 1974 par le Conseil des Nations
Unies pour la Namibie », in Revue des Droits de l’Homme, 1976, pp. 467-483.
196

- La responsabilité des contrevenants (personnes physiques, entités étatiques


ou sociétés) pourra être engagée par le futur gouvernement d’une Namibie indépendante
(Voir § 6).

L’Assemblée générale a pris des mesures concernant son application. Dans la


résolution 3295 (XXIX), du 13 décembre 1974, l’Assemblée « [p]rie tous les Etats
Membres de prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que soient
pleinement appliquées et respectées les dispositions du Décret sur les ressources
naturelles de la Namibie […] et toutes les autres mesures qui pourront être nécessaires
pour contribuer à protéger les ressources nationales de la Namibie »757.

Ce Décret, rédigé en des termes coercitifs, souleva quelques problèmes


relatifs à la compétence du Conseil des Nations unies pour la Namibie, à sa validité, à sa
valeur juridique et à son caractère obligatoire758. Face à cette situation, l’Assemblée
générale, dans sa résolution 39/50 A, du 12 décembre 1984, a prié « les Gouvernements
de la République fédérale d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni de Grande
Bretagne et d’Irlande du Nord, qui exploitent l’usine d’enrichissement d’uranium
d’Urenco, d’exclure expressément l’uranium namibien du traité d’Almelo qui régit les
activités d’Urenco »759. Elle reviendra sur cette demande dans ses résolutions
ultérieures760. Pour sa part, en 1987, le Conseil des Nations unies pour la Namibie a
engagé devant le Tribunal de La Haye trois actions relatives à l’uranium namibien : deux
actions ont visé la société Urenco Nederland VOF (UN) et son associée Ultra Centrifuge
Nederland NV (UCN) du fait d’enrichissements d’uranium namibien ; et donc ces actions
tendaient à leur interdire d’exécuter les commandes fondées sur l’achat d’uranium
namibien. La troisième action a été intentée contre l’Etat néerlandais pour qu’il empêche

757
A/RES/3295 (XXIX), 13 décembre 1974, IV, § 7.
758
Cf. P.TAVERNIER, « L’année des Nations Unies (19 décembre 1973- 18 décembre 1974). Questions
juridiques », « Art. cit. », p. 514; J. CHARPENTIER, « Pratique française du droit international », in
A.F.D.I., Vol. 27, 1981, p. 907 ; R. GOY, « Art. cit. », p. 389 ; P. TAVERNIER, « L’année des Nations
Unies (19 décembre 1974- 17 décembre 1975). Questions juridiques », in A.F.D.I., Vol. 21, 1975, p. 568 ;
Idem, « L’année des Nations Unies (23 décembre 1976 – 21 décembre 1977). Questions juridiques », in
A.F.D.I., Vol. 23, 1977, p. 604 ; Idem, « L’année des Nations Unies (21 décembre 1983 – 18 décembre
1984). Questions juridiques », in A.F.D.I., Vol. 30, 1984, pp. 587- 588.
759
A/RES/39/50 A, 12 décembre 1984, § 61.
760
Voir, par exemple, A/RES/42/14 A, 6 novembre 1987, § 76 et A/RES/43/26 A, 17 novembre 1988, § 60.
197

les actions de ces sociétés en rapport avec l’uranium namibien761. Très exemplaires, ces
actions ont été vivement approuvées par l’Assemblée générale762.

Au terme de cet examen du décret sur la protection des ressources naturelles


de la Namibie, disons un mot sur sa valeur juridique et sa force obligatoire. Certains
estiment que « si les termes employés dans le décret sont particulièrement énergiques, il
n’est indiqué nulle part que ce texte ait valeur obligatoire à l’égard des Etats et l’on peut
douter que les résolutions de l’Assemblée générale, ou même l’Avis de la C.I.J. de 1971,
visés dans le préambule, puissent lui conférer une telle force. Il est en tout cas certain
que le décret du 27 septembre 1974 ne s’applique pas directement sur le territoire des
Etats membres des Nations Unies, puisque le Conseil des Nations Unies pour la Namibie
en parle dans son rapport sous la rubrique ‘‘Mesures à prendre par l’intermédiaire des
Etats membres’’ […]. Les termes utilisés par l’Assemblée générale dans sa résolution du
13 décembre 1974 confirment cette interprétation »763.

Schermers a systématiquement examiné la force contraignante de ce décret,


en étudiant son applicabilité par des juridictions nationales764. Au terme de son analyse, il
a tiré la conclusion suivante :

‘‘[…] The Council for Namibia has been lawfully established and the decree
was within its competence […]. It seems most likely that the decree should be seen as the
lawful act of foreign authority; but the foreign authority in this instance is of a special
nature, because most of the States involved […] participated in its creation and all of
them were addressees of several UN resolutions, requesting the full application of the

761
Cf. R. GOY, « Art.cit. », p. 390.
762
Voir par exemple : « (L’Assemblée générale) approuve le Conseil des Nations Unies pour la Namibie
qui, dans le cadre de l’action qu’il mène pour assurer l’application du décret n°1 pour la protection des
ressources naturelles de la Namibie, a engagé des poursuites judiciaires devant les tribunaux nationaux
contre les sociétés ou les particuliers qui exploitent, transportent, traitent ou achètent des ressources
naturelles namibiennes » (A/RES/42/14 A, 6 novembre 1987, § 75). Voir également A/RES/43/26 A, 17
novembre 1988, § 59.
763
P. TAVERNIER, « L’année des Nations Unies (19 décembre 1973- 18 décembre 1974). Questions
juridiques », in A.F.D.I., Vol. 20, 1974, p. 514. Paul Tavernier se réfère à la résolution 3295 (XXIX), que
nous avons déjà mentionnée, par laquelle l’Assemblée générale prie tous les Etats de prendre les mesures
appropriées aux fins de l’application effective de ce décret.
764
Voir H.G. SCHERMERS, ‘‘The Namibia Decree in National Courts’’, in International and
Comparative Law Quarterly, Vol. 26, 1977, pp. 81-96. Pour d’autres commentaires sur la force
contraignante du décret, voir F. RIGAUX, « Art. cit. », pp. 467-483.
198

decree. This makes the decree of higher status than a decree of foreign State. Courts
which apply similar decrees of foreign States should not hesitate to apply the Namibia
decree, and even courts which would not apply similar foreign decrees could nonetheless
apply the Namibia decree since it does not emanate from an entirely foreign authority,
and was created by the international community and in the interests of that community.
Non- application of the decree would violate international public policy and would
therefore be contrary to the national public policy as well”765.

La légalité du décret et sa force contraignante à l’égard des Etats ont été


également confirmées par François Rigaux en ces termes : « La fonction législative
attribuée à ce Conseil par la résolution 2248 (S-V) du 19 mai 1967 découle de la
responsabilité directe assumée par l’O.N.U. à l’égard de la Namibie, qui est elle-même
une conséquence du caractère illégal de la présence sud-africaine dans ce territoire. Le
Conseil des Nations Unies pour la Namibie exerce dès lors une compétence qui lui a été
déléguée par l’Assemblée générale et dont le principe a été ratifié par le Conseil de
sécurité […]. [E]n sa qualité d’organe des Nations Unies il a le pouvoir de soumettre les
relations entre la Namibie et les autres Etats à des dispositions qui doivent être
reconnues par ceux-ci »766. En ce qui concerne particulièrement la force contraignante du
paragraphe 3 du décret767, François. Rigaux note : « La disposition du paragraphe 3 […]
présente le […] caractère […] d’émaner d’un organe de la société internationale
poursuivant la mise en œuvre d’un principe de jus cogens : la restitution à un peuple de la
maîtrise de ses ressources naturelles »768.

Même s’il requiert pour son application des mesures étatiques, ce décret
présente déjà un intérêt évident. Il a certes été adopté dans un contexte très particulier de
décolonisation, mais aussi de guerre de libération nationale. Il a l’avantage d’être un outil
juridique prévoyant des obligations et des sanctions contre des Etats et des entreprises

765
H.G. SCHERMERS, “Art.cit.”, p. 96.
766
F. RIGAUX, « Art. cit. », p. 471.
767
« 3. Aucune ressource d’origine animale ou minérale ou autre ressource naturelle produite sur le
territoire de la Namibie ou provenant de ce territoire ne peut être retirée dudit territoire par un moyen
quelconque et dirigée vers un lieu quelconque situé en dehors des limites territoriales de la Namibie, par
une personne ou un organisme quelconque, constitué ou non en société, sans l’assentiment ou l’autorisation
du Conseil des Nations Unies pour la Namibie ou d’une personne habilitée à agir au nom dudit Conseil ».
768
Ibidem, p. 475.
199

multinationales qui se sont livrés au pillage des ressources naturelles de la Namibie. Ce


décret a l’avantage de rendre compte de la pratique internationale en matière
d’exploitation illicite des ressources naturelles par des Etats. Il peut encore inspirer les
organes de Nations unies (Conseil de sécurité, Assemblée générale) dans une situation
similaire. Evidemment, il a un intérêt non seulement historique, mais également et surtout
didactique.

§3. Conflit armé et sort des accords environnementaux multilatéraux relatifs à la


protection des ressources naturelles

La question des effets d’un conflit armé sur les traités n’a pas été réglée par la
Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités769. L’Institut de droit
international a examiné cette question au cours de la session d’Helsinki de 1985 et a
adopté, le 28 août, une résolution intitulée « Les effets des conflits armés sur les
traités »770. La Commission du droit international (CDI) a commencé ses travaux sur ce
sujet en 2000 (cinquante-deuxième session). Elle a adopté, en première lecture, en 2008
(soixantième session), un texte des projets d’articles sur les effets des conflits armés sur
les traités771. En 2011 (soixante-troisième session)772, elle a adopté, en seconde lecture, le
texte du projet d’articles sur les effets des conflits armés sur les traités. Comme le

769
En effet, le conflit armé, qui soulève pourtant le problème de l’extinction des traités et celui de la
suspension de leur application, ne figure pas parmi les causes d’extinction des traités ou de suspension de
leur application consacrées par les articles 54 à 64 de la Convention. La Commission du droit international
a estimé à sa quinzième session (1963) que cette question, qui implique inévitablement l’examen de l’effet
des dispositions de la Charte relatives à la menace ou à l’emploi de la force sur la légitimité du recours aux
hostilités, déborde le droit des traités et a préféré ne pas l’aborder dans la Convention de 1969(Cf. Rapport
de la Commission du droit international, soixantième session (5 mai-6 juin et 7 juillet-8 août 2008),
A/63/10, p.96, note 58). C’est l’article 73, ajouté à la Conférence de Vienne, qui énonce de manière non
équivoque que les dispositions de la Convention ne préjugent aucune question qui pourrait se poser,
notamment, à propos de l’ouverture d’hostilités entre Etats.
770
INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL, Annuaire de l’Institut de droit international, Résolutions
1957-1991, pp. 174 et suivantes.
771
Cf. Rapport de la Commission du droit international, soixantième session, Op. cit., p. 87, note 54 et p.
89. Le 6 août 2008, le texte des projets d’articles a été transmis aux gouvernements pour commentaires et
observations jusqu’au 1er janvier 2010 (Cf. Ibidem, p. 87).
772
Cf. Rapport de la Commission du droit international, soixante-troisième session (26 avril- 3 juin et 4
juillet- 12 août 2011), A/66/10, p. 183.
200

souligne Laurent Trigeaud, « [l]e projet définitivement adopté par la Commission [du
droit international], sera présenté à l’Assemblée générale des Nations Unies [Sixième
Commission] en décembre 2011 (Rés. 66/99 (2011) »773. Dans la résolution 66/99, du 9
décembre 2011, l’Assemblée générale « [p]rend note des articles sur les effets des
conflits armés sur les traités présentés par la Commission du droit international, dont le
texte est annexé à la présente résolution, et recommande qu’ils soient portés à l’attention
des gouvernements, sans que cela préjuge de leur adoption ou de toute autre mesure
appropriée qui pourrait être prise »774 et « [d]écide d’inscrire une question intitulée
‘‘Effets des conflits armés sur les traités’’ à l’ordre du jour provisoire de sa soixante-
neuvième session, notamment pour examiner la forme qui pourrait être donnée aux
articles »775.

La soixante-neuvième session de l’Assemblée générale se tiendra en 2014. En


attendant la résolution qui sera prise au cours de cette session au sujet des « Effets des
conflits armés armés sur les traités », c’est donc sur la base du texte des projets d’articles
adoptés définitivement par la C.D.I. en 2011 que nous allons articuler notre réflexion
dans les lignes qui suivent. Ce texte est, pour l’essentiel, inspiré de la résolution de
l’Institut de droit international, de la doctrine dominante776 et de la pratique des Etats. Il
traite des effets des conflits armés sur les traités d’une manière générale, y compris donc
les accords environnementaux multilatéraux relatifs à la protection des ressources
naturelles.

L’article 3, d’une importance primordiale, dispose : « L’existence d’un conflit


armé n’entraîne pas ipso facto l’extinction des traités ni la suspension de leur application:

773
L. TRIGEAUD, « Les effets des conflits armés sur les traités suivant le projet d’articles de la
Commission du droit international », in R.G.D.I.P., Tome 116, 2012-4, p. 850, note 10 (Notre emphase).
Les rapporteurs spéciaux de la C.D.I. sur cette question ont été respectivement Ian Brownlie et Lucius
Caflisch (Cf. Ibidem, p. 850, note 10).
774
Résolution 66/99. « Effets des conflits armés sur les traités », A/RES/66/99, 9 décembre 2011, § 3.
775
Ibidem, § 4.
776
Pour la doctrine dominante, en général, les traités bilatéraux conclus pour le temps de conflits armés
subsistent, alors que ceux conclus pour le temps de paix deviennent caducs, excepté ceux créant une
situation objective (situation territoriale). Les traités multilatéraux sont suspendus entre belligérants, mais
restent en vigueur entre non belligérants de même qu’entre belligérants et non belligérants. Voir, par
exemple, S. BASTID, Les traités dans la vie internationale. Conclusion et effets, Paris, Economica, 1985,
pp. 213-215 ; J. VERHOEVEN, Op. cit., pp. 437-438 ; P. DAILLIER et A. PELLET, Op. cit., pp. 312-313.
201

a) Entre les Etats parties au conflit;

b) Entre un Etat partie au conflit et un Etat qui ne l’est pas ».

Cette disposition « pose le principe général de la stabilité et de la continuité


juridiques »777. Il n’y a pas d’extinction ou de suspension automatique. Il y a donc une
présomption d’applicabilité des traités, même en temps de conflit armé778. Cette
présomption n’est pas irréfragable. Un Etat peut toujours, en temps de conflit armé,
invoquer une des causes d’extinction d’un traité ou de suspension de son application
prévues par la Convention de Vienne de 1969, surtout un changement fondamental de
circonstances779. Il pourrait en être ainsi pour un Etat qui exerce son droit de légitime
défense à titre individuel ou collectif en conformité avec la Charte des Nations Unies
(article 14 du Projet). En revanche, l’article 15 dispose qu’ « [u]n Etat qui commet une
agression au sens de la Charte des Nations Unies et de la résolution 3314 (XXIX) de
l’Assemblée générale des Nations Unies n’est pas en droit de mettre fin à un traité, de
s’en retirer ou d’en suspendre l’application du fait d’un conflit armé consécutif à l’acte
d’agression si une telle mesure devait avoir pour conséquence de lui procurer un
avantage ».

L’article 4 dispose : « Lorsque le traité lui-même contient des dispositions


portant sur son application dans des situations de conflit armé, ces dispositions
s’appliquent ».

Il est à noter que rares sont les traités environnementaux relatifs à la


protection des ressources naturelles qui prévoient leur application pendant un conflit
armé. C’est le cas de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial,
culturel et naturel, du 16 novembre 1972, entrée en vigueur le 17 décembre 1975780.
L’article 11, § 4 de cette Convention dispose que le « Comité du patrimoine mondial »
établit, met à jour et diffuse, chaque fois que les circonstances l’exigent, une « liste du

777
Rapport de la Commission du droit international, soixante-troisième session, Op. cit., p. 192, § 1.
778
Cf. Rapport de la Commission du droit international, soixantième session, Op. cit., p. 101, § 1.
779
Cf. K. MOLLARD-BANNELIER, La protection de l’environnement en temps de conflit armé, Paris,
Pedone, 2001, p. 229.
780
http://portal.unesco.org/fr/ev.phpURL_ID=13055&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html#
ENTRY consulté le 19 août 2010.
202

patrimoine mondial en péril », sur laquelle ne peuvent figurer que les biens du patrimoine
culturel et naturel qui sont menacés de dangers graves et précis, tels que […] un conflit
armé venant ou menaçant d’éclater. Parmi les biens figurant sur la « liste du patrimoine
mondial en péril », on peut citer les parcs nationaux de Virunga, de la Garamba et de
Kahuzi-Biega, situés en République démocratique du Congo, fortement menacés par les
conflits armés dans ce pays781. Nous sommes d’avis avec Karine Mollard-Bannelier
qu’« il apparaît donc clairement que cet instrument n’est pas suspendu lorsque surgit un
conflit armé et, même s’il ne l’exprime pas ouvertement, il semble tout aussi clair que les
forces belligérantes continuent à avoir, dans toute la mesure du possible, l’obligation de
ne pas porter atteinte à ces biens »782. Cette convention demeure donc applicable tant en
temps de paix qu’en temps de conflit armé.

En temps de conflit armé, il pourrait arriver que des espèces protégées par la
Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel fassent
l’objet de pillage. Ce fut le cas pendant les conflits armés en République démocratique du
Congo (surtout entre 1998 et 2001), de l’abattage d’éléphants dans le parc de la Garamba
par des soldats ougandais et de l’abattage d’éléphants et de buffles dans le parc de
Virunga par des soldats rwandais783. La République démocratique du Congo, l’Ouganda
et le Rwanda sont parties aux Conventions de Genève de 1949784. Ils ont également
ratifié ou accepté la Convention de l’UNESCO concernant la protection du patrimoine
mondial, culturel et naturel respectivement le 23 septembre 1974, le 20 novembre 1987 et
le 28 décembre 2000785. La protection de ces éléphants en temps de conflit armé est
assurée et par les Conventions de Genève et par la Convention de l’UNESCO de 1972. Il
nous semble que dans l’affaire Congo c. Ouganda, la République démocratique du Congo
aurait dû évoquer la violation par l’Ouganda de cette Convention de 1972, du moins sur
l’aspect particulier du pillage des éléphants dans le parc de la Garamba, au lieu de se

781
Cf. K. MOLLARD-BANNELIER, Op. cit., p. 240.
782
Ibidem, p. 240.
783
Cf. Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses
de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 13, § 62.
784
Voir http://www.cicr.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/5fzg54?opendocument consulté le 20 août 2010.
785
Voir http://portal.unesco.org/la/convention.asp?KO=13055&language=F&order=alpha consulté le 20
août 2010.
203

contenter d’évoquer de manière générale la violation du jus in bello. Il est vrai qu’en
période de conflit armé, le jus in bello est la lex specialis applicable à la protection des
ressources naturelles par les belligérants. Ceci ne signifie pas qu’il met fin à la protection
assurée par les autres instruments internationaux pertinents786. Ce raisonnement s’inspire
mutatis mutandis de la position de la Cour internationale de Justice qui, dans son avis
consultatif du 8 juillet 1996, dans l’affaire des Armes nucléaires, observe concernant
l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « […] La
protection offerte par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne cesse
pas en temps de guerre […]. C’est toutefois, en pareil cas, à la lex specialis applicable, à
savoir le droit applicable dans les conflits armés, conçu pour régir la conduite des
hostilités, qu’il appartient de déterminer ce qui constitue une privation arbitraire de la
vie »787.

La Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau


internationaux à des fins autres que la navigation, du 21 mai 1997, constitue un autre
exemple d’un traité prévoyant expressément son application en temps de conflit armé.
Son article 29 dispose que « les cours d’eau internationaux et les installations,
aménagements et autres ouvrages connexes bénéficient de la protection accordée par les
principes et règles du droit international applicables aux conflits armés internationaux et
non internationaux et ne sont pas utilisés en violation de ces principes et règles ». Même
si elle n’est pas encore entrée en vigueur, elle peut donner une indication sur le droit
coutumier.

Qu’en est-il en cas de silence d’un accord international sur son application
pendant un conflit armé ?

Généralement, les accords environnementaux multilatéraux ne prévoient pas


le sort qui leur est réservé en cas de conflit armé. Dans ce sens, pour ne citer que
quelques exemples de conventions environnementales multilatérales protectrices des
ressources naturelles, mentionnons la Convention africaine sur la conservation de la

786
Cf. K. MOLLARD-BANNELIER, Op. cit., p. 279: « Le jus in bello, s’il constitue une lex specialis, il
n’est guère exclusif d’autres règles ».
787
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 240, § 25.
204

nature et des ressources naturelles (1968), la Convention sur le commerce international


des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES, 1973) et
l’Accord international sur les bois tropicaux (1994). Faut-il en conclure que ces accords
cessent de s’appliquer en cas de conflit armé ?

L’article 6 du projet de la CDI dispose :

« Pour déterminer si un traité est susceptible d’extinction ou de suspension


en cas de conflit armé ou s’il peut faire l’objet d’un retrait en tel cas, il sera tenu compte
de tous les facteurs pertinents, notamment:

a) De la nature du traité, en particulier de sa matière, de son objet et de son


but, de son contenu et du nombre de parties au traité; et

b) Des caractéristiques du conflit armé, telles que son étendue territoriale,


son ampleur et intensité, sa durée, de même que, dans le cas d’un conflit armé non
international, du degré d’intervention extérieure ».

Cette disposition est complétée par l’article 7, qui énonce : « Une liste
indicative de traités dont la matière implique qu’ils continuent de s’appliquer, en tout ou
en partie, au cours d’un conflit armé figure en annexe au présent projet d’articles ». Sur
cette liste figurent « les traités relatifs à la protection internationale de
788
l’environnement » .

788
Rapport de la Commission du droit international, soixante-troisième session, Op. cit., pp. 186-187. Voir
précisément l’alinéa g). Le texte de cette annexe se présente comme suit :
« Annexe
Liste indicative de traités visés dans l’article 7
a) Les traités portant sur le droit des conflits armés, y compris les traités relatifs au droit international
humanitaire.
b) Les traités déclarant, créant ou réglementant un régime ou un statut permanent ou des droits permanents
connexes, y compris les traités établissant ou modifiant des frontières terrestres ou maritimes.
c) Les traités multilatéraux normatifs.
d) Les traités portant sur la justice pénale internationale.
e) Les traités d’amitié, de commerce et de navigation et les accords concernant des droits privés.
f) Les traités pour la protection internationale des droits de l’homme.
g) Les traités relatifs à la protection internationale de l’environnement.
h) Les traités relatifs aux cours d’eau internationaux et aux installations et ouvrages connexes.
i) Les traités relatifs aux aquifères et aux installations et ouvrages connexes.
j) Les traités qui sont des actes constitutifs d’organisations internationales.
205

Dans l’affaire des Armes nucléaires, les Etats ont adopté des positions
divergentes concernant l’applicabilité des traités environnementaux en période de conflit
armé. Pour les puissances nucléaires, notamment la France et les Etats-Unis, ces traités
cessent de s’appliquer en temps de conflit armé car, n’ayant pas été négociés pour être
appliqués en telle situation, aucun ne contient de dispositions relatives aux conflits
armés789. Par contre, les puissances non nucléaires estiment que les conventions
environnementales sont applicables même en temps de conflit armé790.

Dans son avis, la Cour internationale de Justice observe que la question posée
n’est pas celle de l’applicabilité ou non, en période de conflit armé, des traités
environnementaux, mais plutôt celle du respect absolu, durant un conflit armé, des
obligations que ces traités imposent aux Etats. Elle estime qu’il ne saurait en être ainsi à
l’occasion de l’exercice par un Etat de son droit de légitime défense, pour lequel,
toutefois, la nécessité et la proportionnalité doivent être appréciées au regard du respect
notamment de l’environnement. Ce point de vue de la Cour est basé sur le principe 24 de
la Déclaration de Rio, selon lequel les Etats doivent respecter le droit international de
l’environnement même en temps de conflit armé. La Cour souligne par ailleurs que les
articles 35, § 3791 et 55792 du Protocole additionnel I offrent à l’environnement une
protection supplémentaire (par rapport à celle offerte par les accords
environnementaux)793.

k) Les traités relatifs au règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques, notamment la
conciliation, la médiation, l’arbitrage et le règlement judiciaire.
l) Les traités relatifs aux relations diplomatiques et consulaires ».
789
Voir Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Exposé oral de la France présenté le 2
novembre 1995 par M. Marc Perrin de Brichambaut, CR 95/24, p. 22. Voir également l’exposé écrit des
Etats-Unis, lettre du 20 juin 1995, cote 18, pp. 34 et suivantes.
790
Voir, par exemple, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Exposé oral des îles
Salomon, CR 95/32, pp. 58 et suivantes.
791
Article 35, § 3 du Protocole additionnel. I. : « Il est interdit d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre
qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus, durables et
graves à l'environnement naturel ».
792
Article 55 du Protocole additionnel. I. : « Protection de l’environnement naturel
1. La guerre sera conduite en veillant à protéger l'environnement naturel contre des dommages étendus,
durables et graves. Cette protection inclut l'interdiction d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre conçus
pour causer ou dont on peut attendre qu'ils causent de tels dommages à l'environnement naturel,
compromettant, de ce fait, la santé ou la survie de la population.
2. Les attaques contre l'environnement naturel à titre de représailles sont interdites ».
793
Cf. Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 242, §§ 30-31.
206

Partant de cet avis de la Cour, Philippe Sands estime que ‘‘ The Court’s
advisory opinion has recognised, for the first time, the existence of norms of international
environmental law as custom, and that they are applicable equally in times of armed
conflict’’794.

Se référant également à l’affaire des Armes nucléaires, Dapo Akande


soutient que ‘‘ this issue has been discussed for quite a long time, there is still no definite
test for determining whether treaty obligations continue to apply to belligerents in
wartime. Though it is doubted by some, there are good reasons for holding that treaties
protecting the environment in times of peace are generally applicable during armed
conflict’’795.

Après avoir examiné les passages pertinents de l’avis de la Cour dans l’affaire
des Armes nucléaires, à savoir les paragraphes 29, 30 et 31, la Commission du droit
international les a appréciés en ces termes : « Ces observations sont bien entendu
importantes. Elles militent généralement et indirectement en faveur d’une présomption
d’applicabilité des traités relatifs à l’environnement en cas de conflit armé, en dépit du
fait que, comme il était indiqué dans les exposés écrits déposés dans l’affaire ayant donné
lieu à l’avis consultatif, il n’y avait pas d’accord général sur cette question juridique
précise »796.

Le texte du projet d’articles n’étant pas encore adopté par l’Assemblée


générale, la question des effets des conflits armés sur les traités demeure ouverte.

Pour notre part, nous soutenons la thèse de l’applicabilité des traités


environnementaux multilatéraux en temps de conflit armé sur la base du raisonnement de
la Cour internationale de Justice dans son avis sur les Armes nucléaires : « […]
L’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres
humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les

794
PH. SANDS, Principles of international environmental law, Cambridge, Cambridge University Press,
2003, p. 316.
795
D. AKANDE, ‘‘Nuclear Weapons, Unclear Law? Deciphering the Nuclear Weapons Advisory Opinion
of the International Court’’, BYBIL, Vol. 68, 1997, pp. 183-184.
796
Rapport de la Commission du droit international, soixante-troisième session, Op. cit., p. 223, § 55.
207

générations à venir »797. La protection de l’environnement (sol, minerais, air, eau, faune,
flore,…) n’a d’intérêt que pour la sauvegarde ou l’amélioration de la vie humaine.

Trois raisons principales nous amènent à rejoindre ceux qui soutiennent


l’applicabilité des conventions environnementales multilatérales durant un conflit armé.

Premièrement, les traités environnementaux multilatéraux sont indivisibles en


plusieurs relations bilatérales798. La suspension par un Etat de ses obligations envers un
co-belligérant affecte nécessairement les autres Etats parties à ces conventions qui sont
pourtant tiers au conflit armé. C’est le cas, par exemple, de la violation par un belligérant,
à l’égard d’un autre belligérant, des obligations qui lui incombent en vertu de la CITES
ou du Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche
d’ozone799. C’est pratiquement pour ne pas affecter les Etats tiers au conflit, évidemment
parties à un même accord environnemental qu’eux, que les belligérants sont tenus de
respecter les obligations résultant de cet accord. De telles obligations sont dites
« interdépendantes ». Nous y reviendrons en parlant de l’Etat lésé, en tant que
bénéficiaire du droit à réparation (Voir infra, troisième partie, chapitre V, section II, §4,
A).

Deuxièmement, notre réflexion s’enracine dans le droit de l’occupation


militaire, qui fait partie intégrante du droit des conflits armés. En vertu de l’article 43 du
Règlement de La Haye de 1907, la puissance occupante est tenue de respecter, sauf
empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays occupé. Nous comprenons que le
terme « lois » est employé dans son sens générique de « droit objectif ». En ce sens, l’Etat
occupant doit respecter même les instruments juridiques internationaux qui lient l’Etat
occupé800, à moins qu’il ne se trouve dans l’un des cas d’extinction ou de suspension de
l’application des traités, limitativement prévus par la Convention de Vienne de 1969. En
effet, les traités régulièrement ratifiés ou approuvés par l’Etat occupé font partie de son
ordre juridique interne, que l’Etat occupant doit respecter, selon l’article 43 du Règlement

797
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, pp. 241-242, § 29.
798
Cf. K. MOLLARD-BANNELIER, Op. cit., pp. 267.
799
Cf. Ibidem, pp. 268-269. Voir également D. AKANDE, « Art.cit. », p. 184.
800
Cf. K. MOLLARD-BANNELIER, Op. cit., p. 257.
208

de La Haye de 1907. A plus forte raison, lorsque l’Etat occupant et l’Etat occupé sont
parties à un même traité, en l’occurrence, un traité environnemental multilatéral, ce
dernier ne pourrait être éteint du fait de l’occupation. L’Etat occupant est obligé de
respecter et de faire respecter ce traité et sur son propre territoire et sur celui de l’Etat
occupé.

Enfin, les ressources protégées ont une valeur telle que même sur son propre
territoire, chaque Etat partie à un accord environnemental est assujetti à une obligation de
les protéger. A fortiori, lorsque ces ressources protégées se retrouvent sur un territoire
étranger, un Etat qui profite du conflit armé pour les exploiter, contrairement aux règles
qu’un accord environnemental lui impose pour ces mêmes ressources se retrouvant sur
son propre territoire, viole cet accord. En effet, un Etat ne peut avoir sur un territoire
étranger plus de droits qu’il n’en a sur son propre territoire. Le droit international ne
pourrait permettre à un Etat d’être « gentleman chez lui, voyou ailleurs »801, autrement
dit, de protéger sur son territoire des ressources naturelles qu’il gaspille à l’étranger. De
surcroît, un Etat qui déclenche un conflit armé aux fins de piller des ressources naturelles
d’un autre Etat, viole la Charte des Nations unies et la résolution 3314 (XXIX) de
l’Assemblée générale des Nations unies. Il ne peut donc se prévaloir d’une extinction ou
d’une suspension de l’application des accords environnementaux relatifs à la protection
des ressources naturelles qu’il exploite dans ces conditions. En effet, selon un principe
général de droit, « Nullus commodum capere de sua injuria propria », ce qui signifie que
nul ne peut tirer avantage de ses actes illicites802. Par contre, l’on peut accepter comme
licites les atteintes à l’environnement qui résultent d’opérations militaires conduites dans
le cadre du jus ad bellum et conformément au jus in bello.

Les traités relatifs à la protection des ressources naturelles ne perdent donc


pas leur valeur juridique lors d’un conflit armé. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, le
jus in bello, lex specialis protectrice des ressources naturelles par les belligérants,

801
Cf. P.-F. LAVAL, « A propos de la juridiction extraterritoriale de l’Etat. Observations sur l’arrêt Al-
Skeini de la Cour européenne des droits de l’homme du 7 juillet 2011 », in Revue générale de droit
international public, Tome CXVI, 2012-1, p. 76, note 56.
802
Cf. CPA, Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (« Ijzeren Rijn ») entre le Royaume de Belgique et le
Royaume des Pays-Bas, sentence du Tribunal arbitral, 24 mai 2005, p. 88, § 214, disponible sur
http://www.pca-cpa.org/upload/files/Iron_Rhine_French_award.pdf consulté le 25 août 2010.
209

coexiste avec les autres instruments juridiques internationaux pertinents. En effet, si la loi
spéciale déroge à la loi générale, elle ne l’abroge pas pour autant. Aucune règle de droit
international ne s’oppose à ce qu’un Etat dont la responsabilité internationale est engagée
du fait de la violation du jus in bello et qui est déjà, par exemple, sanctionné pour ce fait
par une juridiction internationale, ne soit l’objet d’autres sanctions émanant notamment
d’un organe établi dans le cadre d’un accord environnemental multilatéral. C’est à ce titre
que nous pensons, par exemple, que le Comité CITES devrait sanctionner un Etat qui se
livre au pillage des ressources naturelles protégées par cette Convention. Mais, à notre
connaissance, ce Comité n’a encore pris aucune décision dans ce sens.

En somme, les accords relatifs à la protection des ressources naturelles


figurent parmi les règles applicables en tout temps.

Les règles applicables à la protection internationale des ressources naturelles


d’un Etat étranger pendant un conflit armé ayant été examinées, il convient de nous
pencher sur les questions de responsabilité des Etats et de leurs dirigeants (deuxième
partie).
210

DEUXIEME PARTIE : RESPONSABILITE EN CAS D’EXPLOITATION


ILLICITE DES RESSOURCES NATURELLES D’UN ETAT ETRANGER
PENDANT UN CONFLIT ARME

Dans le cadre de notre étude, les Etats sont les principaux acteurs de
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé.
Au cours de l’examen de leur responsabilité internationale (chapitre IV), nous verrons
dans quelle mesure les actes d’exploitation illicite des ressources naturelles commis par
des acteurs non étatiques, en l’espèce les groupes armés et les entreprises
(multinationales), peuvent être imputables aux Etats.

Par ailleurs, en cas de conflit armé, l’exploitation illicite des ressources


naturelles d’un Etat étranger attribuable aux Etats est non pas l’œuvre d’« entités
abstraites », mais bien de personnes humaines. Elle constitue un crime international
(crime de guerre) dans le chef des individus et non des entités803. Dès lors, pour finaliser
le chapitre sur la responsabilité internationale des Etats, il nous paraît nécessaire de
consacrer un chapitre à la responsabilité internationale pénale de leurs dirigeants qui
décident du déclenchement d’un conflit armé contre un Etat étranger et/ou de
l’exploitation illicite de ses ressources naturelles (chapitre V).

On doit d’ores et déjà noter que « la question de la responsabilité individuelle


est en principe à distinguer de celle de la responsabilité des Etats »804, ainsi qu’il ressort

803
« Ce sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression
s’impose, comme sanction du droit international » (Procès des grands criminels de guerre devant le
Tribunal militaire international, arrêt du 1er octobre 1946, cité par J. CRAWFORD, Les articles de la
C.D.I. sur la responsabilité de l’Etat. Introduction, texte et commentaires, Paris, Pedone, 2003, p. 292).
804
Article 58 du Projet de la C.D.I. de 2001 sur la responsabilité de l’Etat, Commentaire, § 3, in
Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international, cinquante-troisième
session, 23 avril-1er juin et 2 juillet-10 août 2001, A/56/10, p. 391. Sur les rapports entre la responsabilité
de l’Etat et celle de l’individu en cas de commission de crimes internationaux, voir notamment P.-M.
DUPUY, ‘‘International Criminal Responsibility of the Individual and International Responsibility of the
State’’, in A. CASSESE, P. GAETA and J. R. W. D. JONES (Editors), The Rome Statute of the
International Criminal Court: A commentary, Volume II, Oxford, Oxford University Press, 2002, pp.
1085-1100 ; B. I. BONAFE, The Relationship Between State and Individual Responsibility for
International Crimes, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2009.
211

notamment, de l’article 58 du Projet de la C.D.I. de 2001 sur la responsabilité de l’Etat805


et de l’article 25, § 4 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale806.

Cette divergence de régimes juridiques nous amène à examiner séparément


les deux types de responsabilité. Toutefois, vu le rôle primordial joué par les Etats dans la
commission du fait internationalement illicite qui fait l’objet de la présente recherche,
nous accorderons plus d’attention à la responsabilité internationale des Etats.

Au regard de l’importante participation des entreprises (multinationales) à la


commission des faits d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en
cas de conflit armé, dont témoigne le chapitre II, nous aurions pu inclure dans notre
recherche un chapitre consacré à l’étude systématique de la responsabilité des entreprises
multinationales et de leurs dirigeants. Nous avions un moment développé cette idée au
cours de nos recherches. Toutefois, trois raisons majeures nous ont conduit à écarter cet
aspect de notre étude.

En premier lieu, en l’état actuel du droit international, « [q]uand bien même


une entreprise serait sujet-commettant d’un crime international, elle ne serait pas
sanctionnée. Seules les personnes physiques sont les sujets potentiels du droit
international pénal »807. Pour preuve, les statuts des juridictions pénales internationales808
et des juridictions pénales internationalisées809 excluent de manière non équivoque la
responsabilité internationale pénale des personnes morales810. S’agissant de la

805
« Article 58
Responsabilité individuelle
Les présents articles sont sans préjudice de toute question relative à la responsabilité individuelle d’après le
droit international de toute personne qui agit pour le compte d’un Etat ».
806
« Aucune disposition du présent statut relative à la responsabilité pénale des individus n’affecte la
responsabilité des Etats en droit international ».
807
A.-L. VAURS CHAUMETTE, Les sujets du droit international pénal. Vers une nouvelle définition de
la personnalité juridique internationale ?, Paris, Pedone, 2009, p. 365. Voir également W. KALECK et al.,
‘‘Corporate Accountability for Human Rights Violations Amounting to International Crimes’’, in Journal
of International Criminal Justice, 8 (2010), pp. 699-724.
808
Voir notamment : Article 6 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, article 5 du
Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, article 25, § 1er du Statut de la Cour pénale
internationale.
809
Voir notamment : Article 6 du Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, article 1er de la loi
relative à l’établissement des Chambres extraordinaires du Cambodge
810
Cf. A.-L. VAURS CHAUMETTE, Op. cit., pp. 370-375. Voir également, M. KREMNITZER, ‘‘A
Possible Case for Imposing Criminal Liability on Corporations in International Criminal Law’’, in Journal
212

jurisprudence internationale, le Tribunal militaire international de Nuremberg (T.M.N.) et


le Tribunal pénal international pour le Rwanda (T.P.I.R.), qui ont pourtant reconnu
clairement la participation criminelle des entreprises, n’ont pu les sanctionner compte
tenu de leurs compétences limitées à la poursuite des personnes physiques.

A propos du T.M.N., deux affaires sont pertinentes : l’affaire Krupp and


Others811 et l’affaire Krauch and Others (I.G. Farben Trial)812. Dans la première affaire,
le Tribunal a établi que la société Krupp, une aciérie (industrie d’armement) dont le
directeur G. Krupp s’était rallié aux nazis en vue d’obtenir les commandes de l’Etat
allemand813, « a participé au réarmement des forces militaires allemandes et a procédé à
des réquisitions qui lui sont partiellement attribuables : ‘‘the ‘requisitions in kind’ by or
on behalf of the Krupp firm were illegal’’ »814. Vu son incompétence à l’égard des
personnes morales, le Tribunal a attribué les actes de la société à des personnes physiques
au sein de la société en tenant compte de deux critères cumulatifs: le statut de responsable
dans l’entreprise et la participation personnelle et active à la commission de
l’infraction815. C’est ainsi que dans son jugement, le T.M.N. a mentionné que ‘‘the Krupp
firm, through defendants Krupp, Loeser, Houdremont, Mueller, Jansen, and Eberhardt,
voluntarily and without duress participated in these violations by purchasing and
removing machinery and in leasing the Paris property’’816.

De même, dans l’affaire Krauch and Others (I.G. Farben Trial), le T.M.N. a
considéré que des individus ou des personnes morales (juristic persons) qui exploitent
une situation d’occupation militaire pour acquérir par la force des propriétés publiques ou

of International Criminal Justice, 8 (2010), pp. 909-918; N. FARREL, ‘‘Attributing Criminal Liability to
Corporate Actors. Some Lessons from the International Tribunals’’, in Journal of International Criminal
Justice, 8 (2010), pp. 873-894; V. NERLICH, ‘‘Core Crimes and Transnational Business Corporations’’, in
Journal of International Criminal Justice, 8 (2010), pp. 895-908; W. SCHABAS, ‘‘ International criminal
law and the business world’’, in E. DECAUX (sous la direction de), La responsabilité des entreprises
multinationales en matière de droits de l’homme, Op. cit. , pp. 227-251.
811
Krupp and Others, Tribunal militaire international de Nuremberg, 30 juin 1948, I.L.R., Vol. 15, Case
n°214, cité par A.-L. VAURS CHAUMETTE, Op. cit., p. 368, note 70.
812
Krauch and Others (I.G. Farben Trial), Tribunal militaire international de Nuremberg, 29 juillet 1948,
T.W.C., Vol. VIII, cité par Ibidem, p. 369, note 74.
813
Cf. Ibidem, p. 368.
814
Ibidem, p. 368 et note 70.
815
Cf. Ibidem, pp. 368-369.
816
Krupp and Others, Tribunal militaire international de Nuremberg, 30 juin 1948, T.W.C., Vol. IX, p.
1353, cité par Ibidem, p. 369.
213

privées agissent en violation des Conventions de La Haye sur les lois et coutumes de la
guerre817. En l’espèce, le conglomérat I. G. Farben, qui détenait le monopole de la
production chimique allemande au début de la seconde guerre mondiale, avait installé ses
centres de production et d’expérimentation à proximité et au sein même des camps nazis
de concentration. Il en a profité pour utiliser la main-d’œuvre prisonnière et pour spolier
les biens situés sur les territoires occupés par les forces nazies818. Dans cette affaire,
résume Eric Mongelard, ‘‘the tribunal held the company responsible for a specific
violation of Article 47 of the Hague Regulations, which forbids pillage. This violation
was not interpreted by the tribunal as being able to be committed solely by the occupying
power. The tribunal considered that a legal person had the capacity to breach the laws
and customs of war and ipso facto that international humanitarian law was applicable to
a company. It can therefore be deduced from the US military tribunal’s judgment that the
war crime of pillage could be imputed directly to I.G. Farben as a company, even though
the tribunal did not have jurisdiction over legal persons’’819.

Il resort de ces deux affaires dont a connu le TMN que ‘‘companies can be
held responsible for violations of international humanitarian law, particularly war
crimes, as exemplified in this case by pillage and use of forced labour’’820.

Le T.P.I.R. a également diligenté des procédures dans lesquelles étaient


impliquées des personnes morales privées. L’exemple le plus célèbre est celui de l’affaire
Le Procureur c. Ferdinand Nahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze821,
communément appelée « le procès des médias »822 ou « l’affaire des médias de la
haine »823. Cette affaire concerne la campagne médiatique pour le génocide au Rwanda

817
Cf. Krauch and Others (I.G. Farben Trial), Tribunal militaire international de Nuremberg, 29 juillet
1948, T.W.C., Vol. VIII, p. 1153, cité par Ibidem, p. 369 et note 74 (Nous avons résumé un extrait de ce
jugement).
818
Cf. Ibidem, p. 369.
819
E. MONGELARD, ‘‘Corporate civil liability for violations of international humanitarian law’’, in
International Review of the Red Cross, Vol. 88, Number 863, September 2006, p. 676.
820
Ibidem, p. 676.
821
Le Procureur c. Ferdinand Nahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze, affaire n° ICTR-99-
52-T, 3 décembre 2003.
822
A.-L. VAURS CHAUMETTE, Op. cit., p. 371.
823
FIDH, Entreprises et violations des droits de l’homme, Op. cit., p. 265.
214

en 1994824. Elle a révélé le rôle joué dans l’incitation directe et publique à commettre le
génocide par la Radio Télévision des Mille Collines (R.T.L.M.) et le journal Kangura (ce
qui signifie en kinyarwanda « la voix qui cherche à réveiller et guider le ‘‘peuple
majoritaire’’ »)825, ainsi qu’il ressort de ce passage du jugement rendu le 3 décembre
2003 par la Chambre de première instance : « Dans le but d’assurer une large diffusion
de ces appels à la violence ethnique, des personnalités de l’entourage du Président
mettent sur pied de véritables médias de la haine qui exerceront une grande influence sur
la population rwandaise. La création de la Radio télévision libre des mille collines
(RTLM) et du journal Kangura participe de cette stratégie et s’inscrit dans cette logique.
Dès 1993, les Tutsis et les opposants politiques sont ciblés, nommément identifiés, et
menacés par ces médias. Nombre d’entre eux compteront parmi les premières victimes
des massacres d’avril 1994 »826.

Dans cet extrait, ce sont les « médias de la haine » qui ont exercé une grande
influence sur la population rwandaise. Le Tribunal n’a pas jugé que cette influence a été
exercée par les responsables et les animateurs. L’action (criminelle) des médias est ainsi
mise en exergue. Evidemment, seules les personnes physiques ont été reconnues
coupables, le Tribunal n’ayant pas compétence à l’égard des personnes morales.

On peut également mentionner l’affaire Musema, dans laquelle le T.P.I.R. a


établi la participation au génocide de l’entreprise publique « Usine à thé de Gisovu » et a
reconnu coupable son directeur, Monsieur Alfred Musema827.

En deuxième lieu, il existe des divergences dans les législations nationales


concernant la responsabilité pénale des sociétés. Ces divergences sont le résultat de
l’évolution de la conception de la responsabilité pénale des personnes morales dans
certains droits internes qui ont fini par reconnaître cette responsabilité tandis que d’autres

824
Cf. Ibidem, p. 265.
825
Cf. A.-L. VAURS CHAUMETTE, Op. cit., p. 371.
826
Le Procureur c. Ferdinand Nahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze, affaire n° ICTR-99-
52-T, 3 décembre 2003, § 1.18 (Notre emphase).
827
Cf. Alfred Musema (Appelant) c. Le Procureur (Intimé), affaire n° ICTR-96-13-A, arrêt, 16 novembre
2001.
215

législations conservent le principe « Societas delinquere non potest »828. Il serait très
ambitieux de chercher à passer en revue de nombreuses législations pénales étrangères,
au risque de ne pas rendre compte d’importantes évolutions législatives et
jurisprudentielles. En outre, en matière de responsabilité civile extraterritoriale, la
pratique est mince, d’autant plus que la jurisprudence récente semble fermer la voie un
moment ouverte aux Etats-Unis sur la base de l’Alien Tort Statute (ATS) ou Alien Tort
Claims Act (ATCA)829. Depuis les années 1990, la plupart des procédures judiciaires
contre les grandes multinationales (Exxon Mobil, Coca-Cola, De Beers, …) pour
violation de droits de l’homme ont été intentées devant des tribunaux américains par des
étrangers (Colombiens, Birmans, Sud-Africains, Soudanais,…), sur la base de l’Alien

828
Sur ce point, voir notamment les parties consacrées à la responsabilité pénale des personnes morales
dans les ouvrages suivants: C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général (3e édition), Bruxelles,
Bruylant, 2003, pp. 287-294 ; F. TULKENS et M. VAN DE KERCHOVE, Introduction au droit pénal.
Aspects juridiques et criminologiques, Waterloo, Kluwer, 2007, pp. 432-445 ; N. COLETTE-BASECQZ et
N. BLAISE, Manuel de droit pénal général, Louvain-la-Neuve, Anthemis S. A., 2010, pp. 273-297 ;
NYABIRUNGU mwene SONGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, Droit et Société, 1989, pp. 205-
211. Voir spécialement : S. ADAM, N. COLETTE-BASECQZ et M. NIHOUL (sous la direction de), La
responsabilité pénale des personnes morales en Europe – Corporate Criminal Liability in Europe,
Bruxelles, La Charte, 2008 ; M. NIHOUL (sous la direction de), La responsabilité pénale des personnes
morales en Belgique, Bruxelles, La Charte, 2005, pp. 243-273 ; PH. KENEL, La responsabilité pénale des
personnes morales en droit anglais. Un modèle pour la Suisse ?, Genève, Librairie Droz, 1991 et FIDH,
Entreprises et violations des droits de l’homme. Un guide pratique sur les recours existants à l’intention
des victimes et des ONG, Op. cit.; S. GEEROMS, « La responsabilité pénale de la personne morale : une
étude comparative », in Revue internationale de droit comparé, Vol. 48, N°3, Juillet-septembre 1996, pp.
533-579 ; B. BOULOC, « La responsabilité pénale des entreprises en droit français », in Revue
internationale de droit comparé, Vol. 46, N°2, Avril-juin 1994, pp. 669-681.
829
L’ATS est « une disposition introduite initialement à la Section 9 du First Judiciary Act de 1789, adopté
par le premier Congrès fédéral, et qui définit les compétences des juridictions fédérales. La disposition en
cause accorde aux juridictions fédérales la compétence de recevoir des actions en responsabilité civile
introduites par tout étranger qui prétend avoir subi un dommage ayant sa source dans une violation du droit
international en vigueur à l'égard des Etats-Unis (‘‘The district courts shall have original jurisdiction of
any civil action by an alien for tort only, committed in violation of the law of nations or a treaty of the
United States’’) » (O. DE SCHUTTER, « Les affaires Total et Unocal : Complicité et extraterritorialité
dans l’imposition aux entreprises d’obligations en matière de droits de l’homme », in A.F.D.I., Vol. 52,
2006, p. 61). Cette disposition est actuellement codifiée sous l’article 28 U.S.C. (United States Code), §
1350 (Cf. Ibidem, p. 61, note 23). Pour des observations sur l’ATCA, voir, inter alia, I. MOULIER,
« Observations sur l’Alien Tort Claim Act et ses implications internationales », in A.F.D.I., Vol. 49, 2003,
pp. 129-164 ; V. RENAUDIE, « Les U.S.A. pays des droits de l’homme ? Un instrument universel de
protection des droits de l’homme méconnu : le US Alien Tort Claim Act », in R.I.D.C., 3-2004, pp. 603-
622 ; M. A. PAGNATTARO, ‘‘Enforcing International Labor Standards : The Potential of the Alien Tort
Claims Act’’, in Vanderbilt Journal of Transnational Law, Vol. 37, 2004, pp. 203-264 ; CH. I. KEITNER,
‘‘Conceptualizing Complicity in the Alien Tort Cases’’, in Hastings Law Journal, Vol. 60, 2008, pp. 61-
101.
216

Tort Claims Act830. Dans sa décision historique du 17 avril 2013, rendue en l’affaire
Kiobel, la US Supreme Court a soutenu que l’Alien Tort Statute (ATS) ne s’applique pas
aux faits commis à l’étranger831. Son raisonnement est basé sur une ‘‘presumption
against extraterritoriality’’ ou ‘‘presumption against extraterritorial application’’, selon
laquelle une loi qui n’énonce pas clairement son application extraterritoriale, en
l’occurrence l’ATS, n’en a pas832. Pour la Cour Suprême, ni le texte ni l’histoire ni les
buts de l’ATS ne sont suffisants pour écarter cette présomption de sa non applicabilité
extraterritoriale833. Au bout du compte, elle a confirmé le jugement de rejet de l’action de
Kiobel par le Second Circuit834.

Enfin, en troisième lieu, la responsabilité pénale des représentants des


sociétés transnationales qui ont participé à la commission d’actes d’exploitation illicite
des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé ne présente aucune
particularité devant les juridictions internationales ou internes compétentes835. Ces

830
Cf. W. BOURDON, Face aux crimes du marché. Quelles armes juridiques pour les citoyens ?, Paris, La
Découverte, 2010, p. 35.
831
Cf. Kiobel v. Royal Dutch Petroleum Co., 569 U.S. – (2013), Slip Opinion, at 1, available at
http://www.supremecourt.gov/opinions/12pdf/10-1491_8n59.pdf consulted on 22. 04. 2013. Pour un
commentaire de cette décision, voir notamment C. A. BRADLEY, ‘‘Supreme Court Holds That Alien Tort
Statute Does Not Apply to Conduct in Foreign Countries’’, available at
http://www.asil.org/insights130418.cfm consulted on 22. 04. 2013.
832
Cf. Kiobel v. Royal Dutch Petroleum Co., 569 U.S. – (2013), Slip Opinion, at 4: “The question here is
not whether petitioners have stated a proper claim under the ATS, but whether a claim may reach conduct
occurring in the territory of a foreign sovereign. Respondents contend that claims under the ATS do not,
relying primarily on a canon of statutory interpretation known as the presumption against extraterritorial
application. That canon provides that ‘[w]hen a statute gives no clear indication of an extraterritorial
application, it has none,’ Morrison v. National Australia Bank Ltd., 561 U. S.-/- (2010) (slip op., at 6), and
reflects the ‘presumption that United States law governs domestically but does not rule the world,’
Microsoft Corp. v. AT&T Corp., 550 U. S. 437, 454 (2007). This presumption ‘serves to protect against
unintended clashes between our laws and those of other nations which could result in international
discord.’ EEOC v. Arabian American Oil Co., 499 U. S. 244, 248 (1991) (Aramco)”.
833
Cf. Ibidem, at 2 and 13. See also C. A. BRADLEY, ‘‘Art. cit.’’, available at
http://www.asil.org/insights130418.cfm consulted on 22. 04. 2013.
834
Cf. Kiobel v. Royal Dutch Petroleum Co., 569 U.S. – (2013), Slip Opinion, at 14: ‘‘On these facts, all
the relevant conduct took place outside the United States. And even where the claims touch and concern the
territory of the United States, they must do so with sufficient force to displace the presumption against
extraterritorial application. See Morrison, 561 U. S. - (slip op. at 17-24). Corporations are often present in
many countries, and it would reach too far to say that mere corporate presence suffices. If Congress were
to determine otherwise, a statute more specific than the ATS would be required.The judgment of the Court
of Appeals is affirmed’’.
835
Voir, par exemple, H.-D. BOSLY, « La responsabilité pénale des dirigeants d’entreprise et la
responsabilité pénale des personnes morales », in Y. DE CORDT et D. PHILIPPE (sous la direction de), La
responsabilité des dirigeants des personnes morales, Bruxelles, La Charte, 2007, pp. 237-256 ; J.-C.
217

représentants des sociétés ne jouissent pas d’immunités. Leur responsabilité pénale aurait
été intéressante pour notre étude en tant que corollaire de la responsabilité pénale des
entreprises multinationales. Nous n’avons cependant pas à l’examiner puisque nous
avons renoncé à un examen systématique de la question principale de la responsabilité
pénale de ces entreprises.

L’objet de notre recherche demeure essentiellement la responsabilité des


Etats et de leurs dirigeants. Ceci n’est toutefois pas en contradiction avec l’examen
sporadique de quelques questions incidentes liées à la responsabilité des entreprises
(multinationales).

SAINT-PAU, « La responsabilité pénale d’une personne physique agissant en qualité d’organe ou


représentant d’une personne morale », in Les droits et le droit. Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Paris,
Dalloz, 2007, pp. 1011-1023 ; J.-F. GOFFIN, Responsabilités des dirigeants de sociétés (3e édition),
Bruxelles, Larcier, 2012.
218

CHAPITRE IV. RESPONSABILITE DES ETATS

La force coercitive d’une norme juridique se confirme paradoxalement lors de


sa violation836. En droit international public, la violation d’une norme contraignante
entraîne automatiquement la responsabilité de son auteur. Ainsi, l’article 1er du Projet
d’articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite
adopté en 2001 (ci-après, dans ce chapitre, « Projet d’articles de la C.D.I. » ou « Projet de
la C.D.I. »837) énonce : « Tout fait internationalement illicite de l’Etat engage sa
responsabilité internationale ». On peut dès lors se poser naturellement la question
suivante : quels sont les éléments constitutifs de la responsabilité internationale de
l’Etat ? Ou encore : quel est le contenu de la responsabilité internationale de l’Etat ?

En droit international classique, la responsabilité internationale de l’Etat pour


fait internationalement illicite (parfois, ci-après, « la responsabilité internationale de
l’Etat » ou la « responsabilité internationale » ou simplement la « responsabilité de
l’Etat ») était opposée aux sanctions (communément appelées aujourd’hui « contre-
mesures »)838. La responsabilité internationale, profondément inspirée du droit civil, est
« l’institution qui assure la réparation d’un dommage tandis que les sanctions sont celle
qui, par une réaction unilatérale d’autorité de la victime (et de tiers, le cas échéant), tend
au rétablissement de ses droits subjectifs ou de l’ordre juridique compromis »839. Selon

836
Comme le souligne Pierre d’Argent, « la juridicité des normes- dites ‘‘primaires’’- se révèle par les
obligations- dites ‘‘ secondaires’’ […]- dont leurs violations sont sanctionnées » (P. D’ARGENT, Les
réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 423). « [L]es règles ‘‘primaires’’ […]
déterminent en substance des obligations de ‘‘faire’’ ou ‘‘de ne pas faire’’ posées par le droit international
dans les domaines les plus divers, et […] les règles qui gouvernent la responsabilité internationale des Etats
[sont] à juste titre qualifiées de ‘‘secondaires’’ parce qu’elles ne procèdent en principe que de la violation
des précédentes » (P.-M. DUPUY, Droit international public, Op. cit., p. 491, § 457).
837
Dans ce texte, si nous parlons d’un projet d’articles de la C.D.I. autre que celui de 2001 sur la
responsabilité de l’Etat, nous prendrons le soin d’en indiquer toutes les précisions utiles.
838
Cf. J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public (8e édition), Paris, Montchrestien, 2008, p.
522.
839
Ibidem, p. 522. Voir également J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 999. Ainsi, sur la
définition de la responsabilité de l’Etat, pouvons-nous lire, à titre indicatif, sous la plume de Charles de
Visscher : « La responsabilité internationale est une notion de fond qui se ramène à l’obligation de l’Etat de
réparer les conséquences d’un acte illicite qui lui est imputable » (DE VISSCHER, CH., « Le déni de
justice en droit international », in R.C.A.D.I., tome 52, 1935-II, p. 421). Charles Rousseau donne la même
signification à la conception de la responsabilité : « On entend par responsabilité internationale l’institution
juridique en vertu de laquelle l’Etat auquel est imputable un acte illicite selon le droit international doit
réparation à l’Etat à l’encontre duquel cet acte a été commis » (CH. ROUSSEAU, Op. cit., p. 6).
219

cette conception classique, la responsabilité internationale de l’Etat pour fait


internationalement illicite requiert donc trois conditions : une violation du droit
international (fait internationalement illicite), un dommage et un lien de causalité entre
cette violation et le dommage840. C’est dans ce contexte que se situe le célèbre passage de
l’arrêt relatif à l’Usine de Chorzów: « [C]’est un principe du droit international, voire une
conception générale du droit, que toute violation d’un engagement comporte l’obligation
de réparer. […] [L]a réparation est le complément indispensable d'un manquement à
l'application sans qu'il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention même »841.

Avec les travaux de la C.D.I., sous l’impulsion de son deuxième rapporteur


spécial, Roberto Ago, un revirement originel et substantiel de la responsabilité de l’Etat
pour fait internationalement illicite a vu le jour. D’une part, l’article 1er du Projet de la
C.D.I. précité évacue le dommage de la définition de la responsabilité. Seul le fait illicite
international engage la responsabilité de l’Etat. Ce faisant, en vertu de l’article 2 du
Projet de la C.D.I., la responsabilité internationale de l’Etat pour fait internationalement
illicite est constituée de deux éléments : le fait illicite et l’attribution de ce fait illicite à
l’Etat842. On passe d’une conception subjective à une conception objective de la
définition de la responsabilité internationale843. D’autre part, le contenu de la
responsabilité excède les seules questions de réparation. Il est désormais, pour reprendre

840
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit, p. 616. Voir également B. STERN, « Et si on utilisait le concept de
préjudice juridique ? Retour sur une notion délaissée à l’occasion de la fin des travaux de la C.D.I. sur la
responsabilité des Etats », in A.F.D.I., Vol. 47, 2001, p. 4.
841
Usine de Chorzów (Demande en indemnité) (Fond), arrêt n°13, 1928, C.P.J.I. série A n°17, p. 29.
842
« Article 2
Eléments du fait internationalement illicite de l’Etat
Il y a fait internationalement illicite de l’Etat lorsqu’un comportement consistant en une action ou une
omission :
a) Est attribuable à l’Etat en vertu du droit international; et
b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’Etat ».
843
Cf. CL. BARTHE-GAY, « Réflexion sur la satisfaction en droit international », in A.F.D.I., Vol. 49,
2003, p. 105. Le commentaire de la C.D.I. précise : « On a parfois dit que la responsabilité internationale ne
peut être engagée par le comportement d’un Etat qui manque à ses obligations que s’il existe un autre
élément, en particulier celui du ‘‘dommage’’ causé à un autre Etat. Mais la nécessité de tenir compte de tels
éléments dépend du contenu de l’obligation primaire, et il n’y a pas de règle générale à cet égard. Ainsi,
l’obligation contractée par traité d’adopter une loi uniforme est violée si cette loi n’est pas adoptée, et il
n’est pas nécessaire qu’un autre Etat partie argue d’un dommage spécifique qu’il aurait subi par ce
manquement. Pour être en mesure de déterminer si une obligation particulière est violée du seul fait que
l’Etat responsable n’a pas agi ou si pour qu’elle le soit quelque autre événement doit se produire, il faut
partir du contenu et de l’interprétation de l’obligation primaire, et l’on ne peut le faire dans l’abstrait »
(Article 2 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 9, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 102).
220

l’élégante expression de Brigitte Stern, constitué d’un « faisceau de droits et


d’obligations »844 : « maintien de l’obligation de respecter la règle violée (article 29),
cessation de la violation (article 30), assurances et garanties de non répétition (article
30.2), réparation (article 31), autorisation donnée à l’Etat lésé d’adopter des contre-
mesures (article 49) »845. La responsabilité pour fait internationalement illicite devient
ainsi « une situation complexe créée par un manquement, qui engendre un ensemble de
droits en faveur de la victime et d’obligations à la charge de l’auteur de ce manquement,
dont l’obligation de réparer n’est qu’un élément »846. Pour paraphraser le père de la
conception extensive de la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite,
cette responsabilité est constituée par l’ensemble des relations juridiques nouvelles
auxquelles un fait internationalement illicite d’un Etat peut donner naissance entre ledit
Etat et l’Etat lésé dans ses propres droits, ou aussi entre ce même Etat et d’autres sujets
du droit international, voire peut-être avec la communauté internationale dans son
ensemble847.

C’est à juste titre que bien des auteurs voient en cette approche de la C.D.I.
une « révolution »848. Cependant, dans cette nouvelle architecture de la responsabilité, la
réparation est devenue pratiquement la clé de voûte. Comme l’affirme le rapporteur
spécial Gaetano Arangio-Ruiz, la réparation est la « conséquence substantielle » de la
responsabilité de l’Etat, tandis que les sanctions en sont les « conséquences
instrumentales »849. Au sujet de la place de la réparation dans la responsabilité, Clarisse
Barthe-Gay écrit : « La consécration d’une conception objective de la responsabilité
internationale de l’Etat pour fait illicite et la diversification des conséquences de ce fait

844
B. STERN, « Art. cit. », p. 8.
845
Ibidem, p. 9.
846
J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 999.
847
Cf. R. AGO, « Troisième rapport sur la responsabilité des Etats », in A.C.D.I., 1971, Vol. II, Première
partie, p. 213.
848
Voir par exemple les expressions « révolution inachevée » et « révolution agoïste » d’Alain Pellet (A.
PELLET, « Remarques sur une révolution inachevée, le projet d’articles de la Commission du Droit
international sur la responsabilité des Etats », in A.F.D.I., Vol. 42, 1996, pp. 7-32) ; « approche
révolutionnaire » et « aspects les plus révolutionnaires des travaux de la [C.D.I.] » de Prosper Weil (P.
WEIL, « Le droit international en quête de son identité. Cours général de droit international public », in
R.C.A.D.I., tome 327, 1992-VI, pp. 339 et 340), etc.
849
Cf. G. ARANGIO-RUIZ, « Septième rapport sur la responsabilité internationale des Etats »,
A/CN.4/469, 9 mai 1995, p. 6, § 12 et p. 13, §§ 34-35.
221

n’ont pas remis en cause la place centrale occupée par la réparation dans le droit de la
responsabilité internationale. En effet, si l’existence d’un préjudice n’est plus nécessaire
à l’engagement de la responsabilité et si celle-ci ne s’épuise pas dans l’obligation de
réparer celui-là, cette obligation demeure la conséquence principale du fait
internationalement illicite »850.

Dans la plupart des règlements de litiges internationaux, c’est la réparation


qui est la finalité. Il n’est pas surprenant qu’elle retienne davantage notre attention dans
cette recherche sur l’exploitation illicite des ressources naturelles en temps de conflit
armé, étant donné les dommages graves qui en résultent.

« Epicentre » du système juridique international851, la responsabilité


internationale des Etats a fait l’objet d’abondantes et célèbres852, voire « géniales »
publications853. Notre étude ne risque-t-elle pas de revenir sur des notions déjà connues ?

La plupart des études sur la responsabilité des Etats pour fait


internationalement illicite sont consacrées aux (aspects spécifiques des) règles générales.
Appliquées à un phénomène bien déterminé, par exemple « les réparations de guerre »,
les règles abstraites trouvent une certaine incarnation et révèlent du coup quelques
« complications »854, dont l’explication et la résolution reflètent l’originalité de l’auteur.
A notre tour, nous voudrions étudier ces règles sous un angle concret, en examinant les
difficultés que pourrait susciter leur application au phénomène complexe de l’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en période de conflit armé, en
particulier dans le contexte du continent africain. A notre sens, ce contexte ne manquera
pas d’imprimer quelque plus-value à cette recherche.

850
CL. BARTHE-GAY, « Art. cit. », pp. 105-106.
851
Nous nous référons à l’affirmation de Pierre-Marie Dupuy selon laquelle « [l]a responsabilité constitue
l’épicentre d’un système juridique » (P.-M. DUPUY, « Le fait générateur de la responsabilité
internationale des Etats », in R.C.A.D.I., Tome 188, 1984-V, p. 21).
852
A titre indicatif, voir les rapports des cinq rapporteurs spéciaux sur la responsabilité de l’Etat, dont les
références sont indiquées par J. CRAWFORD, Op. cit., p. 398, et la bibliographie de cet ouvrage.
853
Nous pensons particulièrement au « génie du Professeur Ago » (E. WYLER, L’illicite et la condition
des personnes privées. La responsabilité internationale en droit coutumier et dans la Convention
européenne des droits de l’homme, Paris, Pedone, 1995, p. 3).
854
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 419 et
suivantes.
222

Afin d’éviter une répétition des notions de base du droit de la responsabilité


internationale, notre démarche se voudrait synthétique et, le cas échéant, critique. Nous
voudrions également adopter une approche pragmatique. De nombreux Etats ont
récemment souffert et/ou continuent de pâtir de l’exploitation illicite de leurs ressources
naturelles en cas de conflit armé. Une recherche sur ce fait illicite ne peut pas se
contenter d’une pure abstraction. Sans pour autant nous soustraire à l’examen des
questions théoriques, ce qui à n’en point douter est le propre d’une thèse « classique »,
nous voudrions dans la mesure du possible esquisser des pistes de solution, tout en nous
gardant de nous improviser juge ou arbitre, moins encore avocat de l’Etat lésé. Ceci nous
amène à nous concentrer davantage sur la question qui se pose avec une acuité
particulière face à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger dans
le cadre d’un conflit armé : celle de la réparation des dommages. Nous ne pourrons
aborder les autres conséquences de la responsabilité internationale que de manière
incidente, à travers les rapports qu’elles (ne) présentent (pas) avec la réparation. Ce
faisant, nous aborderons respectivement le fait illicite : l’exploitation illicite des
ressources naturelles (section I) et la réparation du préjudice qui en résulte (section II).

Section I. Le fait illicite : l’exploitation illicite des ressources naturelles

Le « fait générateur » de la responsabilité de l’Etat pour exploitation illicite


des ressources naturelles comprend un élément objectif, la violation des obligations
internationales en matière de protection des ressources naturelles (§1) et un élément
subjectif, l’imputation de cette violation à l’Etat (§2)855. L’Etat auteur de l’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger peut bénéficier de la complicité ou de
l’assistance d’autres Etats (§3). Enfin, nous nous interrogerons sur le rôle des
organisations internationales face à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un
autre Etat durant un conflit armé (§4).

855
Pierre-Marie Dupuy trouve en l’article 2 du Projet de la C.D.I. un élément objectif et un élément
subjectif du fait générateur de la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (Cf. P.-M.
DUPUY, Droit international public, Op. cit., pp. 492-493, § 459).
223

§1. Règles primaires violées

Le chapitre III a porté sur l’examen des règles primaires applicables aux Etats
en vue de la protection internationale des ressources naturelles d’un Etat étranger pendant
un conflit armé. A cet égard, l’on a montré que l’illicéité de l’exploitation des ressources
naturelles consiste essentiellement en la violation du principe de l’interdiction du recours
à la force (dans l’hypothèse où le conflit armé a été déclenché ou l’intervention de tiers a
été motivée par des raisons liées à l’exploitation des ressources naturelles), du principe de
souveraineté permanente sur les ressources naturelles et des règles fondamentales du jus
in bello applicables à la puissance occupante, à savoir, l’interdiction du pillage et
l’obligation de prendre des mesures pour rétablir et assurer l’ordre et la vie publics.
L’illicéité consiste également dans le non respect des décisions du Conseil de sécurité
relatives à la cessation de l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat victime
du conflit armé. Elle consiste enfin en la violation des droits fondamentaux de la
personne humaine au cours de l’exploitation et en la violation des règles fondamentales
des accords environnementaux multilatéraux protecteurs des ressources naturelles
affectées.

On a par ailleurs noté qu’à l’occasion de l’exploitation illicite des ressources


naturelles, des Etats auxquels ce fait illicite n’est pas attribuable, mais qui n’ont pas
suffisamment usé de moyens en leurs pouvoirs pour l’empêcher, se retrouvent par
conséquent en violation de l’obligation de diligence, manquement qui engage leur
responsabilité internationale. La violation de l’obligation de respecter et de faire respecter
le droit international humanitaire par des Etats tiers au conflit armé, en l’occurrence les
Etats d’origine des personnes physiques ou morales qui se livrent à des activités
d’exploitation, c’est-à-dire, plus particulièrement dans le cas de multinationales, les Etats
dans lesquels ces entreprises sont domiciliées, constitue un manquement à une obligation
de vigilance.

Toutes ces règles substantielles ont été largement expliquées pour ce qui est
de leur contenu (Voir supra, chapitre III). Nous ne devons plus y revenir. A présent, on
peut se poser les questions suivantes :
224

- Les obligations violées en cas d’exploitation illicite des ressources


naturelles sont-elles dues au seul Etat lésé, à un groupe d’Etats dont fait partie cet Etat
(obligations erga omnes partes) ou à la communauté internationale dans son ensemble
(obligations erga omnes) ?

- Peut-on identifier parmi les règles directement ou indirectement protectrices


des ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé des normes impératives du droit
international général (jus cogens) ?

- L’exploitation illicite des ressources naturelles constitue-elle un fait non


continu (fait achevé), un fait continu ou un fait composite ?

- A quel moment intervient la violation de(s) (l’) obligation(s)


internationale(s) et quelle en est la durée856 ?

Comme on peut bien s’en rendre compte, les deux premières questions
concernent la nature des obligations violées par l’auteur de l’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger pendant un conflit armé (A) et les deux dernières
questions, qui sont corrélatives, se rapportent au(x) caractère(s) de ce fait illicite et par
conséquent à son extension dans le temps (B).

A. Nature des obligations violées

Notre objectif n’est pas de procéder à une étude théorique systématique des
normes du jus cogens857 et des (autres) normes dont découlent des obligations erga

856
Sur la différence entre un fait continu, un fait non continu et un fait composite et sur l’extension dans le
temps de la violation qu’ils engendrent, voir G. DISTAFANO, « Fait continu, fait composé et fait
complexe dans le droit de la responsabilité », in A.F.D.I., Vol. 52, 2006, pp. 1-54. Voir également les
articles 14 et 15 du Projet d’articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite et les commentaires y relatifs, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 77-78 et 161-172.
857
Sur ce point, lire notamment R. KOLB, Théorie du Ius cogens international. Essai de relecture du
concept, Paris, P.U.F., 2001 ; M. VIRALLY, « Réflexions autour du jus cogens », in A.F.D.I., Vol. 12,
1966, pp. 5-29 ; A. GOMEZ ROBLEDO, « Le jus cogens international : sa genèse, sa nature, ses
fonctions », in R.C.A.D.I., tome 172, 1981-III, pp. 9-217 ; K. MAREK, « Contribution à l’étude du jus
cogens en droit international », in Recueil d’études de droit international en hommage à Paul Guggenheim,
Genève, 1968 ; G. GAJA, ‘‘ Jus cogens beyond the Vienna Convention’’, in R.C.A.D.I., tome 172, 1981-
III, pp. 271-316 ; L. HANNIKAINEM, Peremptory Norms (Jus cogens) in International Law, Helsinki,
Finnish Lawyers’ Pub. Co., 1988 ; etc.
225

omnes ou des obligations erga omnes partes858 en droit international. Nous voudrions
surtout réunir quelques éléments pouvant nous permettre de déceler parmi les principales
règles violées dans le cadre de l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger en cas de conflit armé celles qui rentrent dans l’une ou l’autre de ces catégories.
L’intérêt de cette démarche est double. D’une part, nous voudrions rendre compte de la
priorité accordée dans la hiérarchie des normes du droit international aux règles
protectrices des ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé, c’est-à-dire les
règles dont le non-respect rend illicite l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat,
en tant que normes du jus cogens, dont les violations graves entraînent des conséquences
supplémentaires pour l’Etat responsable et pour les autres Etats, comme nous le verrons
ci-après. D’autre part, il sera question d’envisager ultérieurement, en cas de violation de
normes énonçant des obligations erga omnes ou des obligations erga omnes partes, la
possibilité d’une actio popularis (action en défense de l’intérêt collectif) et, de lege
ferenda, la possibilité d’un droit de réparation au profit des Etats autres que l’Etat lésé, en
tant que membres d’un groupe d’Etats liés par une obligation erga omnes partes ou en
tant que membres de la communauté internationale dans son ensemble, sans préjudice de
l’intérêt de l’Etat lésé.

Partant du constat selon lequel « [s]i toutes les normes du jus cogens [sont]
par définition erga omnes, toutes les normes erga omnes [ne sont] pas nécessairement
impératives ni d’une importance fondamentale pour la communauté internationale »859, il
nous semble plus judicieux de commencer par examiner la notion de normes erga omnes.
Ceci nous permettra de concevoir les normes relevant des deux catégories comme

858
Voir notamment M. RAGAZZI, The concept of international obligations erga omnes, Oxford, Oxford
University Press Inc., 1997 ; P.-M. DUPUY (sous la direction de), Obligations multilatérales, droit
impératif et responsabilité internationale des Etats, Paris, Pedone, 2003 ; S. VILLALPANDO,
L’émergence de la communauté internationale dans la responsabilité des Etats, Paris, P.U.F., 2005 ; F.
VOEFFRAY, L’actio popularis ou la défense de l’intérêt collectif devant les juridictions internationales,
Paris, P.U.F., 2004 ; B. BOLLECKER-STERN, « Les affaires des Essais nucléaires français devant la Cour
internationale de Justice », in A.F.D.I., Vol. 20, 1974, pp. 299-333, PH. GAUTIER,‘‘Locus standi and
breaches of the United Nations Convention on the Law of the Sea. Some reflections in light of the decision
of the ICJ in the case concerning Questions relating to the obligation to prosecute or extradite (Belgium vs
Senegal)’’, in International law of the Sea. Essays in memory of Anatoly L. Kolodkin, Ctatyt, Mockba,
2014, pp. 119-139; etc.
859
Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de
sa cinquantième session (20 avril-12 juin 1998 et 27 juillet-14 août 1998), A/ 53/10, p. 140, § 279.
226

représentées dans deux cercles concentriques dont le plus grand contient des normes dont
découlent des obligations erga omnes et le plus petit, des normes de jus cogens860, pour
ce qui est des règles primaires violées par un Etat auteur d’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un autre Etat. La pertinence de la démarche est que, sur le plan
pratique, dès lors qu’une norme ne rentre pas dans la catégorie de celles qui énoncent des
obligations erga omnes, on devra déjà déduire qu’elle n’est pas impérative et qu’il n’y a
pas lieu d’en tirer de conséquences particulières attachées aux violations graves des
normes impératives du droit international général quant à la responsabilité de l’Etat mis
en cause. Néanmoins, on pourra toujours, pour un intérêt purement théorique de la
recherche, recourir à d’autres arguments tirés notamment de la pratique internationale et
de la doctrine. Par contre, si l’on remarque qu’une norme énonce des obligations erga
omnes, on devra encore vérifier si elle est déjà hissée au rang de normes du jus cogens.

1. Obligations erga omnes (partes)


La notion d’obligations erga omnes a été définie par la Cour internationale de
Justice dans l’affaire de la Barcelona Traction : « Une distinction essentielle doit en
particulier être établie entre les obligations des Etats envers la communauté
internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre Etat dans le
cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même, les premières concernent
tous les Etats. Vu l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés
comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés; les obligations dont
il s'agit sont des obligations erga omnes »861.

La Cour a énuméré quelques exemples de normes dont découlent des


obligations erga omnes : la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide, les
principes et les règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y
compris la protection contre la pratique de l'esclavage et la discrimination raciale862.

860
Cf. L.-A. SICILIANOS, « Classification des obligations et dimension multilatérale de la responsabilité
internationale », in P.-M. DUPUY (sous la direction de), Obligations multilatérales, droit impératif et
responsabilité internationale des Etats, Op. cit., p. 69.
861
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, § 33.
862
Cf. Ibidem, p. 32, § 34.
227

Comme on peut le comprendre à partir de l’arrêt Barcelona Traction, alors


que les obligations des Etats qui naissent vis-à-vis d’un autre Etat dans le cadre de la
protection diplomatique concernent les intérêts individuels de cet Etat, celles qui naissent
envers la communauté internationale dans son ensemble concernent tous les Etats, non
pas pris ut singuli, mais pris collectivement, c’est-à-dire « comme un tout » , ainsi qu’il
ressort clairement de la traduction quasiment littérale du concept anglais the
international community as a whole. Dans ce sens, Santiago Villalpando affirme : « dans
la conception de la Cour, la catégorie des obligations erga omnes couvre uniquement les
obligations qui protègent des intérêts collectifs »863.

Dans l’affaire du Timor oriental, la Cour a reconnu le droit des peuples à


disposer d’eux-mêmes comme un « droit opposable erga omnes », étant entendu qu’ « il
s’agit d’un des principes essentiels du droit international contemporain »864. La doctrine
s’accorde à reconnaître, à la suite de la Cour, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
comme une norme énonçant une obligation erga omnes865. Peut-on automatiquement
conclure que les droits erga omnes correspondent aux obligations erga omnes, autrement
dit, que toute norme accordant des droits erga omnes à un Etat fait nécessairement naître
à la charge de l’Etat qui la viole des obligations envers la communauté internationale
dans son ensemble ? Santiago Villalpando répond à cette question par la négative :
« [U]ne obligation envers la communauté internationale dans son ensemble implique un
droit de tous les autres Etats, c’est-à-dire un droit omnium, mais non pas nécessairement
un droit de chacun de ces derniers envers tous les autres, erga omnes. […] [L]es droits
erga omnes peuvent protéger aussi bien des intérêts individuels de l’Etat concerné vis-à-
vis de tous les autres (ainsi, par exemple, les normes relatives à la liberté de la haute mer

863
S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 98.
864
« La Cour considère qu'il n'y a rien à redire à l'affirmation du Portugal selon laquelle le droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes, tel qu'il s'est développé à partir de la Charte et de la pratique de l'Organisation des
Nations Unies, est un droit opposable erga omnes. Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
a été reconnu par la Charte des Nations Unies et dans la jurisprudence de la Cour […] ; il s'agit là d'un des
principes essentiels du droit international contemporain » (Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1995, p. 102, § 29). Sur les décisions dans lesquelles la C.I.J. a repris cette notion de droits
erga omnes, voir S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 100, note 350.
865
Cf. Article 40 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 296 ; Article 48
du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 9, in Ibidem, p. 332 ; J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p.
772.
228

ou au respect de la souveraineté) que des intérêts proprement collectifs dont l’Etat se fait
porteur (comme dans le cas de l’interdiction de l’emploi de la force ou du génocide). En
somme, la catégorie des droits erga omnes se caractérise par le fait que l’intérêt en cause
est juridiquement protégé vis-à-vis de tous les autres Etats, mais n’implique rien au sujet
de la nature collective de l’intérêt protégé »866.

Eu égard à ces précisions, il semble préférable d’utiliser l’expression droit


omnium s’agissant du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Lorsque certaines obligations découlant de traités multilatéraux ou du droit


international coutumier protègent un intérêt collectif d’un groupe d’Etats, sans pour
autant protéger un intérêt de la communauté internationale dans son ensemble, elles sont
communément appelées obligations erga omnes partes867. La Cour internationale de
Justice a pour la première fois qualifié certaines obligations d’erga omnes partes dans
son récent arrêt du 20 juillet 2012, rendu en l’affaire relative aux Questions concernant
l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal)868. Le droit de la
responsabilité internationale attache aux obligations erga omnes partes les mêmes
conséquences que celles liées aux obligations erga omnes, ainsi que nous le verrons plus

866
S. VILLALPANDO, Op. cit., pp. 100-101.
867
Article 48 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 6, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 331.
868
« Tous les autres Etats parties à la convention [contre la torture…] ont un intérêt commun à ce que l’Etat
sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé respecte ces obligations. Cet intérêt commun implique
que les obligations en question s’imposent à tout Etat partie à la convention à l’égard de tous les autres
Etats parties. L’ensemble des Etats parties ont ‘‘un intérêt juridique’’ à ce que les droits en cause soient
protégés (Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par.
33). Les obligations correspondantes peuvent donc être qualifiées d’ ‘‘obligations erga omnes partes’’, en
ce sens que, quelle que soit l’affaire, chaque Etat partie a un intérêt à ce qu’elles soient respectées. De ce
point de vue, les dispositions pertinentes de la convention contre la torture sont comparables à celles de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, au sujet desquelles la Cour a fait
observer ce qui suit : ‘‘Dans une telle convention, les Etats contractants n’ont pas d’intérêts propres ; ils ont
seulement tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison
d’être de la convention’’ (Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23.) » (Questions concernant l’obligation de poursuivre
ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt du 20 juillet 2012, p. 26, § 68, disponible sur http://www.icj-
cij.org/docket/files/144/17065.pdf consulté le 26 janvier 2013). Sur cette affaire, voir notamment R. VAN
STEENBERGHE, « L’arrêt de la Cour internationale de Justice dans l’affaire Belgique contre Sénégal ou
du principe Aut dedere aut iudicare », in R.B.D.I., 2012/2, pp. 663-705 ; PH. GAUTIER, ‘‘Locus standi
and breaches of the United Nations Convention on the Law of the Sea. Some reflections in light of the
decision of the ICJ in the case concerning Questions relating to the obligation to prosecute or extradite
(Belgium vs Senegal)’’, in International law of the Sea. Essays in memory of Anatoly L. Kolodkin, Ctatyt,
Mockba, 2014, pp. 119-139.
229

loin à partir de l’examen approfondi de l’article 48 du Projet de la C.D.I. relatif à


l’invocation de la responsabilité d’un Etat par les Etats autres que l’Etat lésé (Section II, §
4, B). C’est seulement le nombre d’Etats habilités à invoquer la responsabilité qui varie :
dans le premier cas, il s’agit des seuls Etats membres du groupe d’Etats liés par
l’obligation, dans le second cas, ce sont tous les Etats, parce que l’obligation transgressée
est due à la communauté internationale dans son ensemble.

Compte tenu de ces précisions, il convient de rechercher parmi les règles qui
protègent directement ou indirectement les ressources naturelles d’un Etat en cas de
conflit armé celles qui énoncent des obligations erga omnes (partes).

Tout d’abord, dans certains cas, l’illicéité de l’exploitation des ressources


naturelles d’un Etat étranger résulte du fait que cette exploitation est la finalité même de
la violation du principe de l’interdiction du recours à la force. Autrement dit, la force
armée est employée par un Etat contre les ressources naturelles de cet Etat étranger. Dans
son arrêt Barcelona Traction, la Cour cite la mise hors la loi d’actes d’agression, et non
pas de manière générale l’interdiction du recours à la force, au nombre des exemples de
normes dont découlent des obligations erga omnes. Partant de la définition de l’agression
comme « l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière
incompatible avec la Charte des Nations Unies »869, l’on peut penser que le recours à la
force armée contre un Etat pour exploiter ses ressources naturelles est dirigé contre sa
souveraineté (sur les ressources naturelles), et que, lorsque ce recours à la force revêt un
caractère suffisamment grave, il s’agit d’un acte d’agression870. Selon la jurisprudence
constante de la Cour internationale de Justice, l’appréciation de l’emploi de la force doit
être objective. A titre exemplatif, dans l’affaire Nicaragua, « la Cour considère que le
minage de ports nicaraguayens et les attaques directes contre des ports et des dépôts de
pétrole ne sauraient en aucun cas être justifiés par la nécessité de protéger les intérêts

869
Article 1er de l’Annexe à la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale du 14 décembre 1974
relative à la définition de l’agression.
870
Conformément à l’article 2 de l’annexe à la résolution 3314 (XXIX), « le Conseil de sécurité [peut]
conclure […] qu’établir qu’un acte d’agression a été commis ne serait pas justifié compte tenu des autres
circonstances pertinentes, y compris le fait que les actes en cause ou leurs conséquences ne sont pas d’une
gravité suffisante ».
230

vitaux de sécurité des Etats-Unis. […] la question de savoir si une mesure est nécessaire
à la protection des intérêts vitaux de sécurité d'une partie ne relève pas de l'appréciation
subjective de la partie intéressée »871. En outre, dans l’affaire des Plates-formes
pétrolières, la Cour note que « l'exigence que pose le droit international, selon laquelle
des mesures prises au nom de la légitime défense doivent avoir été nécessaires à cette fin,
est rigoureuse et objective, et ne laisse aucune place à ‘‘une certaine liberté
d'appréciation’’ »872. Et comme on peut le voir à partir des cas d’actes d’agression
énumérés de manière non limitative par l’article 3 de l’Annexe à la résolution 3314
(XXIX)873, l’élément intentionnel de l’auteur de l’acte n’est pas mentionné. Seuls des
exemples d’éléments matériels de l’agression ont été relevés. La qualification d’un acte
d’ « acte d’agression » ne dépend pas de l’intention de son auteur. Cependant, l’intention
de l’auteur de l’emploi de la force, qui peut se dégager de la finalité de ce recours à la
force, finalité qui est dans notre étude l’exploitation (illicite) des ressources naturelles,
peut exercer une influence sur la qualification de cet acte de violence armée comme acte
d’agression. Maurice Kamto souligne le rôle de l’intention en ces termes : « L’élément
intentionnel dans l’acte d’agression peut résulter de la conception et de la préparation
de l’agression. Cet élément semble avoir joué un rôle important dans la qualification des
actes imputables à l’Allemagne et au Japon dans le cadre de la seconde Guerre
mondiale. Ainsi, avant d’examiner les actes des Nazis durant cette guerre, le Tribunal de
Nuremberg procéda à un examen des événements qui précédèrent l’agression, d’où il est
ressorti qu’ils étaient prémédités, délibérés, minutieusement conçus et soigneusement
préparés […]. L’établissement de l’intention ou de l’élément de préméditation disqualifie
l’argument de légitime défense. Examinant la thèse de la défense présentant l’invasion de
la Norvège comme un acte de légitime défense avec pour but de prévenir un

871
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 141, § 282. Voir également Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 183, § 43.
872
Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil
2003, p. 196, § 73.
873
L’article 4 de cet instrument juridique énonce clairement que cette énumération de l’article 3 n’est pas
limitative et que le Conseil de sécurité peut qualifier d’autres actes d’actes d’agression conformément aux
dispositions de la Charte.
231

débarquement allié, le Tribunal de Nuremberg rejeta cet argument, les faits ayant prouvé
le contraire »874.

En bref, lorsqu’il est établi que l’exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat étranger est la finalité d’un emploi de la force suffisamment grave, ce fait
constitue une preuve de l’illicéité de ce recours à la force et révèle son caractère d’acte
d’agression. L’auteur de l’acte ne peut plus arguer avec succès de la légitime défense.

Certes, au sujet des conflits armés en Angola, en Sierra Leone et en RDC, le


Conseil de sécurité est resté muet sur la qualification des activités armées des Etats visant
l’exploitation illicite des ressources naturelles comme des actes d’agression. De même,
dans l’affaire Congo c. Ouganda, la Cour internationale de Justice, tout en reconnaissant
que «[l]’intervention militaire illicite de l’Ouganda a été d’une ampleur et d’une durée
telles que la Cour la considère comme une violation grave de l’interdiction de l’emploi de
la force énoncée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies»875, s’est
gardée d’utiliser le mot « agression ». Probablement à défaut de cette qualification par le
Conseil de sécurité. Mais dans son opinion individuelle, le juge Bruno Simma a estimé
que le recours à la force par l’Ouganda contre la RDC, son invasion d’une portion du
territoire de la RDC de la taille de l’Allemagne et la garde sous son contrôle (direct ou
indirect) de cette portion du territoire, puisant dans les immenses richesses naturelles de
ces régions tourmentées, devrait être qualifiés par la Cour d’acte d’agression876. De

874
M. KAMTO, L’agression en droit international, Paris, Pedone, 2010, pp. 58 et 59-60. Cet auteur
s’appuie, entre autres, sur cet extrait d’un jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg : « La
guerre germano-polonaise n’a pas éclaté soudainement dans un ciel sans nuage. Il a été prouvé clairement
que cette guerre, de même que l’invasion de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie, avait été préméditée et
soigneusement préparée. Elle a été entreprise au moment jugé opportun et comme conséquence d’un plan
préétabli. En effet, les desseins agressifs du Gouvernement nazi ne sont pas nés de la situation politique
existant à ce moment-là en Europe et dans le monde ; ils constituaient une partie essentielle et délibérément
arrêtée de la politique extérieure nazie » (Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal
militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945 – 1er octobre 1946, Nuremberg (Allemagne), 1947,
p. 15, cité par Ibidem, pp. 58-59 et note 161).
875
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 227, § 165.
876
Opinion individuelle de M. le Juge Simma, in Ibidem, pp. 334-335, § 2. Pour lui, « [l]e Conseil de
sécurité aura eu ses raisons - politiques - de s’abstenir de procéder à une telle qualification. Mais la Cour,
en sa qualité d’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, n’est pas tenue d’en faire
de même. Sa raison d’être est de formuler des décisions fondées en droit et uniquement en droit, sans
perdre de vue le contexte politique, certes, mais en ne s’abstenant pas de constater des faits manifestes pour
232

même, dans son opinion individuelle, le juge Nabil Elaraby, après avoir rappelé l’extrait
de la réplique de la RDC au contre-mémoire de l’Ouganda selon lequel « […] l’objet
essentiel de la requête [de la RDC] est l’agression ougandaise dans son principe [et que
les] modalités de cette agression, y compris le pillage des ressources naturelles et les
exactions qui l’ont accompagnée, ne sont pas envisagées de manière isolée et
séparée »877, a considéré qu’il était « d’autant plus important [que la Cour] examinât la
question avec soin et […] fît droit à l’allégation de la République démocratique du Congo
selon laquelle les activités armées de l’Ouganda sur son territoire et contre celui-ci
équivalent à une agression et, partant, constituent un manquement par l’Ouganda aux
obligations qui lui incombent en vertu du droit international »878. D’après Maurice
Kamto, « [c]ertes, la Cour ne prononce pas le terme ‘‘agression’’ ; mais elle y renvoie.
Au final, le résultat est le même. L’enseignement à tirer de cette affaire est que les
exigences en matière de preuve sont les mêmes devant la C.I.J. quel que soit l’objet du
litige : les faits doivent être établis, les éléments de preuve fournis irréfutables. A la Cour
d’apprécier leur validité et leur nature pour établir le degré de gravité de l’acte afin de
déterminer si l’on est en présence d’une violation ‘‘simple’’ ou d’une violation ‘‘grave’’
(agression) du principe de l’interdiction du recours à la force »879.

Au regard de ces éléments, le non respect suffisamment grave du principe de


l’interdiction du recours à la force armée contre un Etat en vue de l’exploitation de ses
ressources naturelles constitue un acte d’agression. Le mobile du recours à la force, en
l’espèce l’exploitation illicite des ressources naturelles, n’est pas nécessaire pour qu’il y
ait acte d’agression. Celui-ci n’est pas un élément constitutif de l’agression, mais sert
d’élément probatoire et permet d’éviter le rejet de la qualification d’acte d’agression.
Nous sommes donc en présence d’une violation d’une obligation erga omnes. Mais ceci
ne nous dispense pas de répondre à la question de savoir si l’emploi illicite de la force qui

des raisons tenant à ces considérations extrajuridiques. Telle est la répartition des rôles, prévue par la
Charte, entre la Cour et les organes politiques de l’Organisation des Nations Unies » (Ibidem, p. 335, § 3).
877
Opinion individuelle de M. le Juge Elaraby, in Ibidem, p. 328, § 5 (notre emphase).
878
Ibidem, p. 332, § 18. A notre avis, le juge Elaraby confirme implicitement l’opinion de la RDC selon
laquelle le pillage des ressources naturelles d’un Etat étranger par un autre Etat est une des modalités de
l’agression.
879
M. KAMTO, L’agression en droit international, Op. cit., pp. 163-164.
233

n’a pas pris « la forme la plus grave et la plus dangereuse » qu’est l’agression, pour
reprendre les termes du préambule de la définition de l’agression880, ne constitue pas un
manquement à une obligation erga omnes. Nous avons déjà mentionné que les normes
énonçant des obligations erga omnes visent la protection des intérêts collectifs des Etats.
L’interdiction de l’emploi illicite de la force protège à n’en point douter « l’intérêt
général au maintien de la paix et de la sécurité internationales »881. A ce titre, elle énonce
des obligations erga omnes882. Nous consoliderons ce point de vue lors de l’examen du
caractère impératif du principe de l’interdiction du recours à la force (Voir infra, chapitre
IV, section I, §1, A, 2).

S’agissant des obligations découlant des normes relatives à la protection des


droits fondamentaux de la personne humaine, leur caractère erga omnes est expressément
souligné par l’arrêt Barcelona Traction. On peut cependant se demander si la protection
des autres droits de l’homme (les droits non fondamentaux) n’impose pas d’obligations
envers la communauté internationale dans son ensemble. Sur ce point, la doctrine n’est
pas unanime. Certains auteurs considèrent que seules les règles du droit international
général qui protègent les droits fondamentaux de la personne humaine énoncent des
obligations erga omnes883. D’autres auteurs, par contre, tout en reconnaissant que tous les
droits de l’homme n’ont pas le même degré d’importance (si l’on compare par exemple le
droit à la protection contre un génocide et le droit pour un accusé de bénéficier de
l’assistance gratuite d’un interprète)884, estiment que « les obligations relatives à la
protection des droits de l’homme ont toutes une nature erga omnes, et cela quel que soit

880
« [L]’agression est la forme la plus grave et la plus dangereuse de l’emploi illicite de la force ».
881
F. VOEFFRAY, Op. cit., p. 255.
882
Cf. Ibidem, p. 255 ; S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 101 et note 354.
883
Cf. F. VOEFFRAY, Op. cit., p. 244, en particulier, note 16 et p. 245, note 20. On peut mentionner
l’intervention de Bruno Simma au cours des débats de la C.D.I. en l’an 2000, pour qui « les régimes
conventionnels régionaux imposent des obligations en matière de droits de l’homme qui ne sont pas
fondamentales et, par conséquent, ne sont pas des obligations erga omnes » (B. SIMMA, cité par Ibidem, p.
244, note 16). De même, dans son intervention, James Crawford indique, « qu’il faut veiller à ne pas
affirmer que tous les droits de l’homme sont nécessairement erga omnes : à l’évidence, les droits de
l’homme énoncés dans les accords régionaux et certaines dispositions des instruments [universels] relatifs
aux droits de l’homme ne le sont pas » (J. CRAWFORD, cité par Ibidem, p. 244, note 16).
884
Cf. Ibidem, p. 244.
234

leur degré d’importance »885. A ce sujet, on peut citer Alain Pellet « qui s’oppose à une
interprétation restrictive de la notion d’obligations erga omnes en indiquant que ces
termes signifient essentiellement ‘‘à l’égard de tous’’, et non ‘‘impératif’’ ni
‘‘fondamental’’ »886. Il nous semble donc que cette seconde position doctrinale est plus
réaliste, tout en reconnaissant que la réponse à cette question n’est pas nécessaire pour
notre recherche, étant donné que l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger par d’autres Etats en temps de conflit armé porte gravement atteinte aux droits
fondamentaux de la personne humaine ( droit à la vie, droit à la protection contre la
torture ou contre le travail forcé, droit de propriété,…).

Pour ce qui est des règles fondamentales du jus in bello (Convention IV de La


Haye et Conventions de Genève), la Cour internationale de Justice a bien déclaré dans
son avis sur les armes nucléaires qu’elles sont « si fondamentales pour le respect de la
personne humaine et pour des ‘‘considérations élémentaires d’humanité’’ »887. En nous
référant aux exemples cités par l’arrêt Barcelona Traction, nous pouvons conclure que
ces règles fondamentales du droit humanitaire applicable dans les conflits armés (jus in
bello), vu qu’elles contiennent des principes et des règles concernant les droits
fondamentaux de la personne humaine, créent des obligations envers la communauté
internationale dans son ensemble. Le statut erga omnes des règles fondamentales du jus
in bello s’explique selon la Cour par leur qualité de « principes intransgressibles du droit
international coutumier » : « Ces règles fondamentales s'imposent d'ailleurs à tous les
Etats, qu'ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment, parce
qu'elles constituent des principes intransgressibles du droit international coutumier »888.
Mais alors, quels sont les bénéficiaires de telles obligations ? Le commentaire du C.I.C.R.
relatif à l’article 1er commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, qui dispose que
« [l]es Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente

885
Ibidem, p. 245. Pour ces auteurs, la distinction entre les droits fondamentaux de l’homme et les droits
ordinaires pour limiter les obligations erga omnes aux seuls droits fondamentaux serait en contradiction
avec la pratique car aucune hiérarchie n’est faite dans les mécanismes conventionnels de contrôle ; et cette
conception serait contraire à la tendance actuelle à une approche unifiée des droits de l’homme (Cf. Ibidem,
pp. 244-245).
886
Intervention de Pellet à la 2621ième séance de la C.D.I., citée par Ibidem, p. 244, note 16.
887
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 257, § 79.
888
Ibidem, p. 257, § 79.
235

Convention en toutes circonstances », répond à cette question : « Il ne s'agit pas d'un


contrat de réciprocité, qui lie un Etat avec son co-contractant dans la seule mesure où ce
dernier respecte ses propres obligations, mais plutôt d'une série d'engagements
unilatéraux, solennellement assumés à la face du monde représenté par les autres Parties
contractantes. Chaque Etat s'oblige aussi bien vis-à-vis de lui-même que vis-à-vis des
autres. Le motif de la Convention est tellement supérieur, il est si universellement
reconnu comme un impératif de la civilisation, qu'on éprouve le besoin de le proclamer,
autant et même plus pour le respect qu'on lui porte que pour celui que l'on attend de
l'adversaire »889.

Contrairement à la Cour internationale de Justice, qui semble considérer que


seules les règles fondamentales du jus in bello consacrent des obligations envers la
communauté internationale dans son ensemble, d’après ce commentaire du C.I.C.R,
toutes les règles du jus in bello créent de telles obligations. Cette dernière position est
également celle de la Chambre de première instance du Tribunal international pénal pour
l’ex-Yougoslavie (T.P.I.Y), qui a considéré en l’affaire Kupreskic et consorts, qu’«[e]n
raison de leur caractère absolu, [l]es normes de droit international humanitaire
n’imposent pas d’obligations synallagmatiques, à savoir d’obligation d’un Etat envers un
autre. Au contraire, […] elles énoncent des obligations envers l’ensemble de la
communauté internationale […] »890. Ce dernier point de vue est également partagé par
une partie de la doctrine891. Encore une fois, nous ne voyons pas d’intérêt urgent à nous
plonger dans cette polémique, du moment que les règles du jus in bello concernées par
notre recherche sont fondamentales.

En associant le commentaire du C.I.C.R., la position de la Cour internationale


de Justice ainsi que celle du T.P.I.Y., il apparaît que les règles (fondamentales) du jus in
bello obligent tous les Etats à l’égard de la communauté internationale dans son
ensemble, représentée par tous les autres Etats.

889
J. PICTET (sous la direction de), Les Conventions de Genève du 12 août 1949. Commentaire. IV. La
Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Op. cit., pp. 20-21.
890
Le Procureur c. Zoran Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-T, 14 janvier 2000, p. 211, § 519.
891
Cf. F. VOEFFRAY, Op. cit., pp. 245-246.
236

En ce qui concerne le principe de souveraineté permanente d’un Etat sur ses


ressources naturelles, nous devons tout d’abord rappeler qu’il confère à chaque Etat le
« pouvoir de disposer » (abusus) librement de ses ressources naturelles. En principe,
chaque Etat décide en toute indépendance de faire bénéficier ou non les autres Etats de
ses ressources naturelles892. Cette règle protège l’Etat contre toute prétention illicite
d’autres Etats sur ses ressources naturelles. Elle protège non pas les intérêts de la
communauté internationale dans son ensemble, mais bien au contraire des intérêts
individuels893, voire égoïstes, de l’Etat (même si son respect contribue à la sauvegarde de
l’intérêt général de paix et de sécurité internationales, ce qui est tout autre chose). Loin de
faire naître un droit omnium, elle octroie ainsi à chaque Etat un droit opposable erga
omnes. Ceci signifie que chaque Etat peut faire valoir sa souveraineté permanente sur ses
ressources naturelles face à tous les autres Etats, mais lorsque cette souveraineté est
violée, l’auteur du fait internationalement illicite est obligé seulement envers l’Etat
« propriétaire » des ressources naturelles et non pas envers un groupe d’Etats ou envers la
communauté internationale dans son ensemble. Pour emprunter les termes de Santiago
Villalpando, le principe de souveraineté permanente d’un Etat sur ses ressources
naturelles « [s’adresse] à l’Etat dans ses relations avec tous les Etats, mais [protège] en
réalité des intérêts individuels (de même nature) de chacun de ces derniers. Dans le
rapport juridique qui en découle, ce qui est requis de l’Etat soumis à l’obligation est un
faisceau de comportements du même type dus à chacun des autres Etats
individuellement »894. Bref, le principe sous examen ne protège pas d’intérêts
« transcendant la sphère des relations bilatérales des Etats »895. Sur ce, il n’engendre pas
d’obligations erga omnes.

Si on examine ensuite les règles fondamentales contenues dans les accords


environnementaux multilatéraux qui protègent les ressources naturelles, l’on peut déduire
le caractère erga omnes (partes) des obligations qu’ils énoncent du fait que « la

892
Cf. J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 1046.
893
Cf. S. VILLALPANDO, Op. cit., pp. 100-101.
894
S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 98.
895
Expression empruntée du § 4 du commentaire sous l’article 48 du Projet de la C.D.I., in J.
CRAWFORD, Op. cit., p. 330.
237

protection et la préservation de l’environnement constituent bien un intérêt commun de


l’humanité »896. L’importance accordée à la protection de l’environnement, notamment
aux ressources naturelles, a donné naissance au concept de « patrimoine commun de
l’humanité », qui est « une des formes de la matérialisation de l’intérêt commun de
l’humanité »897. Cet intérêt commun de l’humanité, loin de se limiter aux générations
actuelles, vise également « le droit des générations futures »898.

De nombreuses conventions relatives à la conservation de l’environnement


expriment clairement cet objectif de sauvegarde de l’intérêt général899. Et la
jurisprudence internationale n’est pas restée insensible à ce sujet. En guise d’illustration,
l’avis de la Cour internationale de Justice sur les armes nucléaires, a rappelé l’importance
de l’environnement pour la vie et la santé des êtres humains, y compris pour les
générations à venir900, comme nous l’avons déjà indiqué (voir supra, chapitre III, section
II, § 3). Puis, elle a souligné que les Etats ont une « obligation générale » de « veiller à ce
que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle
respectent l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune
juridiction nationale », laquelle obligation « fait maintenant partie du corps de règles du
droit international de l'environnement »901.

Au sujet des décisions du Conseil de sécurité interdisant la poursuite de


l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat victime d’un conflit armé, on doit

896
J.-P. BEURIER et A. KISS, Droit international de l’environnement (4e édition), Paris, Pedone, 2010, p.
168, § 309. Voir également J.-C. TCHEUWA, « Communauté internationale, Guerre et responsabilité :
Réflexion autour de la responsabilité internationale des Etats », in R.H.D.H., 1/2005, pp. 97-98 ; T. M.
NDIAYE, « La responsabilité internationale des Etats pour dommages au milieu marin », in B. VUKAS
and T. M. SOSIC (eds.), International Law : New Actors, New Concepts – Continuing Dilemmas ; Liber
Amicorum Bozidar Bakotic, Leiden, Koninklijke Brill NV., 2010, pp. 265-279.
897
Cf. J.-P. BEURIER et A. KISS, Op. cit., p. 166, § 306.
898
Cf. Ibidem, p. 166, § 306.
899
Cf. Ibidem, pp. 166-168, §§ 308-309. A titre d’exemples, nous lisons dans le préambule de la
Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine (2 décembre 1946) : « Les
nations du monde ont intérêt à sauvegarder, au profit des générations futures, les grandes ressources
naturelles représentées par l’espèce baleinière ». De son côté, le préambule de la CITES (1973) déclare:
« Les Etats contractants, […] Reconnaissant que la faune et la flore sauvages constituent de par leur beauté
et leur variété un élément irremplaçable des systèmes naturels, qui doit être protégé par les générations
présentes et futures […] ».
900
Cf. Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, pp. 241-242, § 29. Voir
également Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C. I. J. Recueil 1997, p. 68, § 112.
901
Cf. Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 242, § 29.
238

remarquer qu’elles sont prises en vertu des pouvoirs lui conférés par le chapitre VII de la
Charte, en tant que responsable principal du maintien de la paix et de la sécurité
internationales902. En s’acquittant de cette responsabilité, qui lui permet de protéger cet
intérêt général que constituent la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité
agit au nom des Membres des Nations unies, ainsi qu’il ressort des termes de l’article 24,
§ 1er de la Charte. Par conséquent, les Membres de l’Organisation s’engagent à accepter
et à appliquer ses décisions (article 25 de la Charte). De par la pratique internationale, le
Conseil de sécurité agit, dans le cadre du chapitre VII, au nom de la communauté
internationale dans son ensemble. C’est sur cette base qu’on peut affirmer que ses
décisions contraignantes s’imposent également aux Etats non membres et même aux
entités non étatiques, y compris les Organisations internationales903.

Ce faisant, une décision du Conseil de sécurité ordonnant la cessation par un


Etat de l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit
armé crée une obligation envers la communauté internationale dans son ensemble, au
nom de laquelle le Conseil édicte ladite décision.

Enfin, il convient de nous interroger sur le caractère erga omnes ou non de


l’obligation de vigilance ou de diligence requise (« due diligence »). Cette question, qui
peut paraître étonnante, a un intérêt pratique non négligeable. Il s’agit en effet de
déterminer si la responsabilité d’un Etat qui a manqué à une obligation de vigilance ou de
« due diligence » à l’occasion de l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un
autre Etat peut être invoquée par des Etats autres que l’Etat lésé.

Pour déterminer si l’obligation de diligence requise est applicable erga


omnes, il faut tout d’abord en rechercher le contenu, puis vérifier si celui-ci correspond à
la protection d’un intérêt commun des Etats. Pour rappel, cette obligation consiste pour
un Etat à prendre toute mesure raisonnable et appropriée afin d’empêcher autant que
possible la commission d’actes illicites contre un autre sujet de droit international
notamment par des particuliers se trouvant sur son territoire, sous sa juridiction ou sous
son contrôle.

902
Cf. Article 24, § 1er de la Charte des Nations unies.
903
Cf. E. SUY et N. ANGELET, « Article 25 », « Art. cit. », pp. 909-916.
239

Comme l’a indiqué la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux
fonds marins du Tribunal international du droit de la mer, dans son avis consultatif du 1er
février 2011, « [i]l est difficile de décrire en des termes précis le contenu des obligations
de ‘‘diligence requise’’. Parmi les facteurs qui rendent une telle description ardue figure
le fait que la notion de diligence requise a un caractère variable. Elle peut changer dans
le temps lorsque les mesures réputées suffisamment diligentes à un moment donné
peuvent ne plus l’être en fonction, par exemple, des nouvelles connaissances scientifiques
ou technologiques. Cette notion peut également changer en fonction des risques encourus
par l’activité »904.

Le contenu de l’obligation de vigilance est difficile à cerner, ainsi que l’a


exprimé la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins, d’autant
plus qu’elle n’est pas toujours une obligation autonome. Elle est très souvent considérée
en fonction d’autres obligations qui incombent au sujet mis en cause ou à d’autres sujets
de droit international. En elle-même, elle ne contient ou ne traduit aucune « valeur » à
protéger, contrairement par exemple aux obligations découlant des règles relatives à la
protection de la personne humaine, à l’interdiction de l’emploi illicite de la force ou du
génocide, à la protection de l’environnement, qui protègent les valeurs communes d’un
groupe d’Etats ou de la communauté internationale dans son ensemble. On ne saurait
alors prétendre que l’obligation de vigilance vaut erga omnes (partes). Par ailleurs, si les
violations imputables à un autre Etat, mais face auxquelles l’Etat mis en cause a manqué
à une obligation de vigilance, sont des obligations erga omnes (partes), c’est l’Etat
auquel elles sont imputables qui en est redevable envers le groupe d’Etats ou envers la
communauté internationale dans son ensemble. En effet, de par sa définition, l’obligation
de vigilance vise la protection d’un Etat ou d’une organisation internationale contre des
actes de tiers (qui peuvent être d’autres Etats). La violation d’obligations erga omnes par
un autre Etat entrera sans doute dans l’appréciation du comportement fautif de l’Etat mis
en cause pour manquement à l’obligation de diligence requise. Mais l’Etat en cause est
seulement responsable à l’égard de l’Etat lésé ou de l’organisation lésée pour

904
Responsabilités et obligations des Etats dans le cadre d'activités menées dans la Zone, avis consultatif,
1er février 2011, TIDM Recueil 2011, § 117.
240

manquement à ladite obligation de vigilance. En définitive, l’obligation de vigilance ou


de diligence ne vaut pas erga omnes.

Cela dit, il importe de dire un mot sur une conséquence juridique particulière
à la violation d’une obligation erga omnes. Dans son obiter dictum de l’arrêt Barcelona
Traction, la Cour donne une précision importante au sujet des obligations erga omnes :
« Vu l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant
un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés »905. A cet égard, Santiago
Villalpando écrit : « Le rapport juridique correspondant [aux obligations erga omnes]
pourrait en théorie être unique et s’établir entre l’Etat obligé et la ‘‘communauté
internationale dans son ensemble’’. Toutefois - dans la mesure où le système
international ne connaît en principe aucune entité pouvant représenter les intérêts de la
communauté – ce sont les autres Etats qui se font porteurs simultanément des intérêts
collectifs. La norme impose ainsi à l’Etat obligé le devoir de tenir un comportement
unique, auquel correspond une prétention simultanée de tout autre Etat de la
communauté »906.

Dans son arrêt rendu le 20 juillet 2012, en l’affaire relative aux Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), la Cour a
appliqué mutatis mutandis aux obligations erga omnes partes la conséquence de la
violation des obligations erga omnes : « [C]haque Etat partie a un intérêt à ce qu’elles
soient respectées »907. C’est sur cette base qu’elle a reconnu à la Belgique « la qualité
pour invoquer la responsabilité du Sénégal »908. Il s’agit là d’une matérialisation

905
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, § 33.
906
S. VILLALPANDO, Op. cit., pp. 98-99.
907
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt du 20 juillet
2012, p. 26, § 68, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/144/17065.pdf consulté le 26 janvier
2013.
908
« L’intérêt commun des Etats parties à ce que soient respectées les obligations pertinentes énoncées dans
la convention contre la torture implique que chacun d’entre eux puisse demander qu’un autre Etat partie,
qui aurait manqué auxdites obligations, mette fin à ces manquements. Si un intérêt particulier était requis à
cet effet, aucun Etat ne serait, dans bien des cas, en mesure de présenter une telle demande. Il s’ensuit que
tout Etat partie à la convention contre la torture peut invoquer la responsabilité d’un autre Etat partie dans
le but de faire constater le manquement allégué de celui-ci à des obligations erga omnes partes, telles que
celles qui lui incombent en application du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 1 de l’article 7, et de
mettre fin à un tel manquement. […] Dès lors, la Cour conclut qu’en la présente espèce la Belgique a, en
tant qu’Etat partie à la convention contre la torture, qualité pour invoquer la responsabilité du Sénégal à
241

historique de l’actio popularis devant la Cour internationale de Justice, quatre décennies


après sa reconnaissance officielle par l’arrêt Barcelona Traction. Nous reviendrons plus
tard sur cette notion, à propos des bénéficiaires de l’obligation de réparer et de la mise en
œuvre de cette obligation (section II, § 4, B et § 5 A, 1).

Il convient à présent de rechercher parmi les règles pertinentes pour cette


étude celles qui relèvent du jus cogens.

2. Normes impératives du droit international général (« jus cogens »)


La notion de « norme impérative du droit international général » (« jus
cogens ») est définie par l’article 53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités : « [U]ne norme impérative du droit international général est une norme acceptée
et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que
norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par
une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ». La violation
d’une norme du jus cogens par un traité est sanctionnée par la nullité de ce traité909. Une
norme du jus cogens s’oppose ainsi à celle relevant du jus dispositivum, le droit supplétif,
auquel il peut être dérogé par des dispositions contraires910.

L’application de la notion de jus cogens ne se cantonne pas au droit des


traités. Elle est également présente dans d’autres domaines du droit international. Pour
nous limiter au droit de la responsabilité internationale de l’Etat, qui fait l’objet de ce
chapitre, le Projet d’articles de la C.D.I. attache des conséquences à la violation des
normes impératives du droit international général. Ainsi, l’article 26 dénie le caractère de

raison des manquements allégués de celui-ci aux obligations prévues au paragraphe 2 de l’article 6 et au
paragraphe 1 de l’article 7 de la convention. Dès lors, les demandes de la Belgique fondées sur ces
dispositions sont recevables. En conséquence, il n’y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur la question
de savoir si la Belgique a aussi un intérêt particulier à ce que le Sénégal se conforme aux dispositions
pertinentes de la convention dans le cas de M. [Hissène] Habré » (Ibidem, p. 27, §§ 69-70).
909
Cf. Article 53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités : « Est nul tout traité qui, au
moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général ». Pour
d’autres éléments relatifs au jus cogens dans cette Convention de Vienne, voir les articles 64 (Survenance
d’une nouvelle norme impérative du droit international général : Si une nouvelle norme impérative du droit
international général survient, tout traité existant qui est en conflit avec cette norme devient nul et prend
fin), 66, alinéa a) (sur le règlement des différends concernant l’application et l’interprétation des articles 53
et 64) et 71 (Conséquences de la nullité d’un traité en conflit avec une norme impérative du droit
international général).
910
Cf. J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 632.
242

circonstance excluant l’illicéité à tout fait de l’Etat qui, bien que rentrant matériellement
dans la catégorie des faits énumérés par les articles 20 à 25 (consacrés aux circonstances
excluant l’illicéité911), n’est pas conforme à une obligation découlant d’une norme
impérative du droit international général. En plus, les articles 40 et 41 précisent le
contenu de la responsabilité de l’Etat en cas de violations graves d’obligations découlant
de normes impératives du droit international général. Selon l’article 40 du Projet de la
C.D.I., la violation d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit
international général est grave si elle dénote de la part de l’Etat responsable un
manquement flagrant ou systématique à l’exécution de l’obligation912. Et l’article 41
énonce, dans le chef des Etats, les conséquences particulières d’une violation grave
découlant d’une norme impérative du droit international général : le devoir de coopérer
pour mettre fin à cette violation, l’obligation de ne pas reconnaître comme licite une
situation créée par une violation grave de cette norme impérative et l’obligation de ne pas
prêter aide ou assistance au maintien de cette situation913.

Conformément à l’article 53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit


des traités, pour être considérée comme norme impérative du droit international général,
une norme « doit non seulement satisfaire à tous les critères régissant sa reconnaissance
en tant que norme du droit international général, obligatoire à ce titre, mais en outre être
reconnue comme impérative par la communauté internationale des Etats dans son
ensemble »914. Cette reconnaissance ne requiert pas l’unanimité, mais plutôt une « très

911
Consentement, légitime défense, contre-mesures à raison d’un fait internationalement illicite, force
majeure, détresse et état de nécessité.
912
Nous faisons une lecture combinée des paragraphes 1 et 2 de cet article. Le commentaire de la C.D.I.
mentionne : « Pour être considérée comme systématique, une violation doit avoir été commise de façon
organisée et délibérée. En revanche, le terme ‘‘flagrante’’ renvoie à l’intensité de la violation ou de ses
effets ; il dénote des violations manifestes qui représentent une attaque directe contre les valeurs protégées
par la règle. Les termes ne sont pas mutuellement exclusifs ; les violations graves sont généralement à la
fois systématiques et flagrantes. Au nombre des facteurs pouvant déterminer la gravité d’une violation, on
citera l’intention de violer la norme ; l’étendue et le nombre des violations en cause et la gravité de leurs
conséquences pour les victimes. De plus, certaines des normes impératives en question, en particulier les
interdictions d’agression et de génocide, requièrent, de par leur nature même, une violation intentionnelle
commise à large échelle » (Article Article 40 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 8, in J. CRAWFORD,
Op. cit., p. 297).
913
Cf. Article 41 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §§ 2 et 4, in Ibidem, pp. 298 et 299.
914
Article 26 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in Ibidem, p. 226. Dans le cadre de la responsabilité
internationale de l’Etat, c’est mieux de parler de « communauté internationale dans son ensemble » que de
243

large majorité » des Etats représentative des composantes essentielles de cette


communauté915.

A la lumière de ce qui précède, le fondement et le contenu des normes du jus


cogens procèdent de la volonté des Etats de protéger des valeurs communes et
primordiales de la société internationale916. Et comme le précise le commentaire de la
C.D.I. sous l’article 40 du Projet d’articles de 2001, « [l]es obligations visées à l’article
40 [obligations découlant d’une norme impérative du droit international général]
découl[e]nt des règles de fond qui interdisent des comportements considérés comme
intolérables en raison de la menace qu’ils représentent pour la survie des Etats et de leurs
peuples, ainsi que pour les valeurs humaines fondamentales »917. Comme le dit Ian
Scobbie, le jus cogens « incarn[e] les éléments d’une politique publique
internationale »918. La difficulté majeure réside dans la détermination des normes qui
rentrent dans cette catégorie. La Convention de Vienne de 1969 n’énumère pas
d’exemples de normes du jus cogens. Mais la C.D.I. a cité quelques exemples de traités
qui seraient contraires à une règle de jus cogens :

« a) le traité qui envisage un emploi illicite de la force contraire aux


principes de la Charte ; b) le traité qui envisage l’exécution de tout autre acte constituant
un crime au regard du droit international ; et c) le traité qui tolère l’accomplissement
d’actes tels que la traite des esclaves, la piraterie ou le génocide, à la répression
desquels tout Etat est tenu de coopérer […] comme autre exemple possible, il a été

reprendre l’expression « communauté internationale des Etats dans son ensemble », cette dernière
expression ayant été employée dans le contexte particulier de l’article 53 de la Convention de Vienne de
1969 pour souligner l’importance primordiale des Etats dans la création du jus cogens (Cf. Article 25 du
Projet de la C.D.I., Commentaire § 18, in Ibidem, p. 222).
915
Cf. S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 86 et J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 631.
916
Cf. S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 89.
917
Article 40 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 295.
918
I. SCOBBIE, « Invocation de la responsabilité pour violation d’ ‘‘obligations découlant de normes
impératives du droit international général’’ », in P.-M. DUPUY (sous la direction de), Obligations
multilatérales, droit impératif et responsabilité internationale des Etats, Op. cit., p. 132.
244

question des traités qui violent les droits de l’homme, l’égalité des Etats ou le principe de
l’autodétermination »919.

La Cour internationale de Justice a longtemps évité de consacrer


expressément dans sa jurisprudence la notion de jus cogens, alors même que cette
expression a été parfois invoquée par les plaideurs920. Elle a cependant utilisé, dans son
avis sur les armes nucléaires, l’expression « principes intransgressibles du droit
international coutumier » s’agissant des règles fondamentales du droit international
humanitaire applicable dans les conflits armés921. Partant de cette position de la Cour, la
C.D.I. n’a pas hésité à considérer ces règles comme des normes impératives du droit
international général ainsi qu’on peut le lire dans son commentaire sous l’article 40 du
Projet de 2001 sur la responsabilité de l’Etat : « Au vu de ce que la Cour internationale de
Justice a dit des règles fondamentales du droit international humanitaire applicable dans
les conflits armés qui ont un caractère ‘‘intransgressible’’, il semblerait aussi justifié de
922
les considérer comme impératives » . C’est seulement à partir de 2006, dans l’affaire
Congo c. Rwanda, que la Cour s’est approprié la notion de norme de jus cogens, en
reconnaissant ce rang à l’interdiction du génocide923, position qu’elle a confirmée en
2007 dans son arrêt sur le Génocide924.

919
Projet d’articles de la C.D.I., Commentaire introductif au Chapitre III de la Deuxième partie, § 7, note
675, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 293. Cette référence de la C.D.I. reproduit un passage de l’A.C.D.I.,
1966, Volume II, Deuxième partie, p. 270.
920
Voir notamment Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, pp. 100-101, §§ 190-191, en ce qui concerne le
principe de l’interdiction du recours à la force ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires,
C.I.J. Recueil 1996, p. 258, § 83, concernant les règles du droit humanitaire applicable dans les conflits
armés.
921
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 257, § 79. Voir
également Conséquences juridiques de 1’édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif; C. I. J. Recueil 2004, p. 199, § 157.
922
Article 40 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 296.
923
« […] Il en va de même quant aux rapports entre les normes impératives du droit international général
(jus cogens) et l’établissement de la compétence de la Cour: le fait qu’un différend porte sur le respect
d’une norme possédant un tel caractère, ce qui est assurément le cas de l’interdiction du génocide, ne
saurait en lui-même fonder la compétence de la Cour pour en connaître » (Activités armées sur le territoire
du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 32, § 64).
924
« La Cour a déjà eu l’occasion de rappeler en la présente affaire la résolution 96 (I) (C.I.J. Recueil 1993,
p. 23; voir également p. 348 et 440) et son dictum de 1951 (C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 616), de même
qu’elle a réaffirmé ses dicta de 1951 et de 1996 au paragraphe 64 de son arrêt du 3 février 2006 en l’affaire
245

D’autres organes internationaux, juridictionnels, quasi-juridictionnels ou


politiques, ont reconnu le caractère de jus cogens à certaines normes925. A titre indicatif,
la valeur de jus cogens de l’interdiction de la torture a été reconnue par le Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) dans l’affaire Le Procureur c. Anto
Furundzija926, position confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son
arrêt Al-Adsani c. Royaume-Uni927. De même, dans l’affaire Le Procureur c. Zoran
Kupreskic et consorts, la Chambre de première instance du T.P.I.Y. a confirmé que « la
plupart des normes du droit international humanitaire, notamment celles qui prohibent les
crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide, sont des normes
impératives du droit international ou jus cogens, c’est-à-dire qu’elles sont impérieuses et
qu’on ne saurait y déroger »928. Pour sa part, le Tribunal de première instance des
Communautés européennes (T.P.I. des C.E.) a, dans les affaires Kadi et Yusuf, défini le
jus cogens comme « un ordre public international qui s'impose à tous les sujets du droit
international, y compris les instances de l'ONU, et auquel il est impossible de
déroger »929. Par la suite, il a indiqué que la protection des droits fondamentaux de la
personne humaine, en l’occurrence le droit de propriété, figure parmi les principes
impératifs de droit international930. Bien que les arrêts rendus dans ces deux affaires aient
été annulés par la Cour de Justice des Communautés européennes (C.J.C.E.), la notion de
jus cogens et la qualité de norme de jus cogens des règles relatives à la protection des
droits fondamentaux de la personne humaine n’ont pas été remises en cause par cette

des Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), lorsqu’elle a ajouté que la norme interdisant le génocide constituait assurément une
norme impérative du droit international (jus cogens) » (Application de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil
2007, p. 111, § 161).
925
Ces organes ont été suivis par des juridictions internes (Cf. Article 40 du Projet de la C.D.I.,
Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p.294) et même par des constituants nationaux (Cf. F.
VOEFFRAY, Op. cit., p. 258, note 52.
926
Cf. Le Procureur c. Anto Furundzija, affaire n° IT-95-17/1-T, 10 décembre 1998, p. 58, § 153.
927
Al-Adsani c. Royaume –Uni (Requête n°35763/97), Arrêt, 21 novembre 2001, §§ 10 et 60.
928
Le Procureur c. Zoran Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-T, 14 janvier 2000, p. 212, § 520.
929
Yassin Abdullah Kadi c. Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes,
arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie), affaire T-315/01, 21 septembre 2005,
§§ 226. Voir également, Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation c. Conseil de l'Union
européenne et Commission des Communautés européennes, Arrêt du Tribunal de première instance
(deuxième chambre élargie), Affaire T-306/01, 21 septembre 2005, § 277.
930
Voir les affaires citées dans la note précédente, aux §§ 228-233 de l’arrêt Kadi ; 279 et 293 de l’arrêt
Yusuf.
246

juridiction. Ces arrêts ont été annulés pour violation du droit communautaire par le
Tribunal : erreurs de droit à propos de l’articulation entre le droit communautaire et les
règles de droit international relevant du jus cogens ; et mauvaise application du droit
communautaire aux circonstances de l’espèce931. De son côté, la Commission d’arbitrage
de la Conférence européenne pour la paix en Yougoslavie a qualifié de normes
impératives du droit international général : l’interdiction du recours à la force et les
normes relatives aux droits de la personne humaine, aux droit des peuples et des
minorités ethniques, religieuses ou linguistiques932.

Au sujet des organes politiques, on peut relever que le Secrétaire général de


l’O.N.U. a mentionné clairement dans son rapport complémentaire sur l’application de la
résolution 598 (1987) du Conseil de sécurité, relative au conflit armé entre l’Irak et l’Iran,
que « l’interdiction de l’usage de la force […] est considérée comme l’une des règles du
jus cogens »933. Pour sa part, la Commission d’enquête de l’Organisation internationale
du travail a, dans son rapport du 2 juillet 1998, relatif au travail forcé au Myanmar
(Birmanie), souligné que l’interdiction du travail forcé est une norme impérative du droit
international934.

931
Il y a lieu d’indiquer notamment une erreur de droit commise par le Tribunal en jugeant « qu’il découle
des principes régissant l’articulation des rapports entre l’ordre juridique international issu des Nations unies
et l’ordre juridique communautaire que le règlement litigieux, dès lors qu’il vise à mettre en œuvre une
résolution adoptée par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies ne
laissant aucune marge à cet effet, doit bénéficier d’une immunité juridictionnelle quant à sa légalité interne
sauf pour ce qui concerne sa compatibilité avec les normes relevant du jus cogens » (Yassin Abdullah Kadi
et Al Barakaat International Foundation c. Conseil de l’Union européenne et Commission des
Communautés européennes, Arrêt de la Cour (grande chambre), Affaires jointes C-402/05 P et C-415/05 P,
3 septembre 2008, § 327). En outre, le Tribunal s’est limité à examiner la légalité du règlement litigieux au
regard des seules règles de droit international relevant du jus cogens au lieu de procéder à un examen
complet au regard des droits fondamentaux relevant des principes généraux du droit communautaire (Cf.
Ibidem, §§ 329-330). On peut noter , par ailleurs, que la restriction au droit de propriété était injustifiée
dans les circonstances de l’espèce parce que les personnes visées par le gel des fonds à raison du
Règlement (CE) en cause pris en exécution des résolutions du Conseil de sécurité dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme n’ont pas bénéficié de garanties leur permettant de se défendre devant l’autorité
compétente alors même que la restriction de leur droit de propriété doit être qualifiée de considérable au
regard de l’article 1er du Protocole n°1 de la C.E.D.H. Ce manquement constitue un motif d’annulation (Cf.
Ibidem, §§ 368-372).
932
Cf. P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 227, § 127.
933
Rapport complémentaire du Secrétaire général sur l’application de la résolution 598 (1987) du Conseil
de sécurité, S/23273, 9 décembre 1991, p. 2, § 7.
934
« L'Etat qui commandite, incite, accepte ou tolère le travail forcé sur son territoire commet un fait illicite
et engage sa responsabilité pour la violation d'une norme impérative du droit international » (Travail forcé
247

Avant de poursuivre notre cheminement, une remarque mérite d’être faite à


propos du caractère impératif du principe de l’interdiction du recours à la force. Force est
de constater que le commentaire relatif à l’article 26 du Projet d’articles de la C.D.I. cite
l’interdiction de l’agression parmi les normes impératives clairement acceptées et
reconnues935. Pourquoi ne mentionne-t-il pas l’interdiction de l’emploi de la force de
manière générale ? N’est-il pas établi que ce principe relève du jus cogens ? On sait déjà
que dans ses travaux sur le droit des traités, la C.D.I. a mentionné l’interdiction de la
force comme exemple d’une règle de jus cogens, sans distinction entre l’interdiction de
l’agression et l’interdiction de l’emploi de la force en général936. Et elle s’est référée au
même exemple dans son commentaire introductif au chapitre III de la Deuxième partie du
Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat937. Raphaël Van Steenberghe s’est appliqué
à démontrer combien la nature impérative de la règle de l’interdiction de l’emploi de la
force est bien établie. Nous voudrions juste épingler certains de ses arguments938. Tel que
cet auteur l’a remarqué, dans l’additif à son « Deuxième rapport sur la responsabilité des
Etats », le rapporteur spécial de la C.D.I., James Crawford, affirme que la disposition du
paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations unies (qui consacre le principe de
l’interdiction du recours à la force) figure « indubitablement » parmi les normes
impératives du droit international939. En outre, l’article 50 du Projet de la C.D.I. sur la
responsabilité de l’Etat, qui mentionne les obligations ne pouvant être affectées par les
contre-mesures, commence l’énumération par « l’obligation de ne pas recourir à la

au Myanmar (Birmanie), Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la


Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la
convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, Partie V. Conclusions et recommandations, Organisation
internationale du Travail, Genève, 2 juillet 1998, § 538, disponible sur http://www.ilo.org , consulté le 29
décembre 2012.
935
Article 26 du Projet d’articles de la C.D.I., Commentaire, § 5, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 226.
936
Voir le commentaire de l’article 50 (actuel article 53) du Projet d’articles de la C.D.I. sur le droit des
traités, in A.C.D.I., 1966, Vol. II, Deuxième partie, p. 270.
937
Cf. Projet d’articles de la C.D.I., Commentaire introductif au Chapitre III de la Deuxième partie, § 7,
note 675, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 293.
938
Pour l’entièreté de l’argumentaire, voir R. VAN STEENBERGHE, La légitime défense en droit
international public, Op. cit., pp. 135-140.
939
« La deuxième difficulté est que l’article 33 exclut explicitement des cas où l’état de nécessité peut être
invoqué les violations des normes impératives du droit international, parmi lesquelles figurent
indubitablement les dispositions du paragraphe 4 de l’Article 2 et de l’Article 51 de la Charte qui
concernent l’emploi de la force » (J. CRAWFORD, « Deuxième rapport sur la responsabilité des Etats »,
A/CN.4/498/Add.2, 30 avril 1999, p. 32, § 287).
248

menace ou à l’emploi de la force telle qu’énoncée dans la Charte des Nations Unies » et
la termine par les « autres obligations découlant de normes impératives du droit
international général ». Raphaël Van Steenberghe conclut que « [c]et article semble donc
assimiler l’interdiction de l’emploi de la force visée à l’article 2, § 4 de la Charte à une
obligation de nature impérative »940.

Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de faire le point sur
le caractère impératif des règles qui protègent directement ou indirectement les
ressources naturelles d’un Etat étranger en temps de conflit armé. Le caractère impératif
en droit international n’est plus légitimement contestable pour ce qui est des règles
suivantes : le principe de l’interdiction du recours à la force, soit contre l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat soit de toute autre manière
incompatible avec les buts des Nations unies, les règles fondamentales du jus in bello, les
règles relatives à la protection des droits (fondamentaux) de la personne humaine (dont la
violation en cas de conflit armé par les belligérants constitue une violation du droit
international humanitaire).

Il nous reste donc à déterminer la nature impérative des décisions du Conseil


de sécurité relatives à la cessation de l’exploitation illicite des ressources naturelles de
l’Etat victime d’un conflit armé, du principe de souveraineté permanente sur les
ressources naturelles, des règles fondamentales des accords environnementaux
multilatéraux protecteurs des ressources naturelles et de l’obligation de vigilance.

On peut légitimement s’interroger sur la possibilité de reconnaissance d’un


caractère impératif aux décisions contraignantes du Conseil de sécurité prises en vertu du
chapitre VII de la Charte, en l’espèce, celles relatives à la cessation de l’exploitation des
ressources naturelles de l’Etat victime d’un conflit armé. Comme l’a mentionné la Cour
européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Al-Jedda c. Royaume-Uni, « selon le
juge Bernhardt, il semble désormais communément admis en pratique que les décisions
contraignantes du Conseil de sécurité adoptées en vertu du chapitre VII l’emportent sur
toute autre obligation conventionnelle (‘‘The Charter of the United Nations : A

940
R. VAN STEENBERGHE, La légitime défense en droit international public, Op. cit., p. 138.
249

Commentary’’, 2ème éd., B. Simma (dir. de publ.), pp. 1299-1300) »941. Pour préciser les
contours de la primauté des « devoirs découlant de décisions exécutoires des organes des
Nations Unies »942, dont les décisions contraignantes du Conseil de sécurité, la Cour s’est
référée au rapport du Groupe d’experts de la C.D.I. de 2006 intitulé « Fragmentation du
droit international : difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit
international »943, pour ce qui est des observations sur l’article 103 de la Charte944: « […]
Même si la primauté des décisions du Conseil de sécurité selon l’Article 103 n’est pas
expressément prévue dans la Charte, dans la pratique comme dans la doctrine, elle a été
largement acceptée. On s’est parfois demandé si les résolutions du Conseil adoptées ultra
vires prévalaient elles aussi en vertu de l’Article 103. Comme les obligations des Etats
Membres des Nations Unies ne peuvent découler que des résolutions prises par le
Conseil dans l’exercice de ses pouvoirs, les décisions ultra vires n’engendrent aucune
obligation à proprement parler. D’où l’absence de conflit […] »945.

On peut ainsi reconnaître la primauté des décisions du Conseil de sécurité


relatives à la cessation de l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat victime
d’un conflit armé, lesquelles sont conformes aux pouvoirs lui conférés par le chapitre VII
de la Charte, sur toute obligation conventionnelle ne résultant pas de la Charte. Mais
alors, quelles sont les conséquences de cette primauté ?

Examinant la question des conséquences à tirer de la primauté d’une


obligation sur une autre, le Groupe d’experts de la C.D.I. a conclu non pas à la non-
validité, mais à la priorité946 : « La règle de moindre importance est simplement mise à
l’écart dans la mesure où elle est en conflit avec l’obligation visée à l’Article 103. […]
[L]es termes mêmes de l’Article 103 indiquent manifestement que cet article pose le

941
Al-Jedda c. Royaume-Uni (Requête n°27021/08), Arrêt, 7 juillet 2011, § 20 (précisément au § 35 de la
déclaration de Lord Bingham citée par la Cour).
942
Al-Jedda c. Royaume-Uni, Op. cit., § 57.
943
Commission du droit international, Fragmentation du droit international : Difficultés découlant de la
diversification et de l’expansion du droit international, Rapport du groupe d’étude de la Commission du
droit international établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi, A/ CN. 4/L. 682, 13 avril 2006.
944
L’article 103 de la Charte dispose : « En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations
Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les
premières prévaudront ».
945
Commission du droit international, Fragmentation du droit international …, Op. cit., p. 184, § 331.
946
Cf. Ibidem, p. 185, § 333.
250

principe de la primauté de la Charte et non celui de la non-validité des traités


incompatibles avec elle. […] Grammaticalement, le verbe ‘‘prévaudront’’ n’implique pas
que la disposition de rang inférieur serait automatiquement invalidée, ou même
suspendue. L’Etat se voit simplement interdire d’honorer une obligation découlant de
cette autre norme. L’Article 103 prévoit littéralement qu’en cas de conflit l’Etat
considéré doit s’acquitter de ses obligations en vertu de la Charte et remplir ses devoirs
en vertu de ses autres engagements pour autant qu’ils soient compatibles avec celles-
ci »947.

Du moment qu’un traité contenant des obligations contraires à une décision


exécutoire du Conseil de sécurité, en l’occurrence celle ordonnant la cessation de
l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat victime d’un conflit armé, ne peut
pas être sanctionné par la nullité conformément aux articles 53 et 64 de la Convention de
Vienne de 1969 sur le droit des traités, cette décision n’a pas les effets d’une norme de
jus cogens.

S’agissant du principe de souveraineté permanente sur les ressources


naturelles, nous avons déjà affirmé que sa violation ne crée pas d’obligation envers la
communauté internationale dans son ensemble. Nous avons déjà également relevé qu’une
norme du jus cogens fait nécessairement naître une obligation erga omnes948. En effet,
« [l]a restriction à la liberté contractuelle des Etats qu’incarne le jus cogens n’est
compréhensible qu’au motif de protéger des intérêts collectifs, donc parce que les normes
en cause instituent des obligations erga omnes. Si seuls les intérêts des Etats ayant conclu
le traité étaient affectés, il n’y aurait pas de raison de frapper ce traité de nullité »949.
Cependant, une norme dont découle une obligation erga omnes ne relève pas
nécessairement du jus cogens950. Sur ce point, l’exemple éloquent que nous avons déjà
rencontré est celui des décisions contraignantes du Conseil de sécurité prises en vertu du
chapitre VII. Alors qu’elles créent des obligations erga omnes, elles ne sont pas pour

947
Ibidem, pp. 185-186, §§ 333-334.
948
Cf. Assemblée générale, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa
cinquantième session, Op. cit., p. 140, § 279 ; F. VOEFFRAY, Op. cit., p. 260.
949
F. VOEFFRAY, Op. cit., p. 260.
950
Cf. Assemblée générale, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa
cinquantième session, Op. cit., p. 140, § 279 ; F. VOEFFRAY, Op. cit., p. 260.
251

autant de règles impératives du droit international général, ainsi que nous venons de
l’expliquer.

Etant donné que le principe de souveraineté permanente sur les ressources


naturelles n’est pas établi dans l’intérêt commun des Etats, mais plutôt pour la défense
des intérêts individuels de chaque Etat, essentiels soient-ils pour sa survie, ce principe ne
saurait donc être élevé au rang d’une norme du jus cogens. Pour étayer cette position, il
convient également de faire référence à des décisions de juridictions arbitrales qui ont
statué sur ce point.

Dans sa sentence arbitrale du 19 janvier 1977 rendue en l’affaire Texaco-


Calasiatic c. Gouvernement libyen, le Tribunal a été saisi de la question de savoir si le
principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles constituait une norme
impérative du droit international général (jus cogens) et pouvait de ce fait être considéré
comme « un principe suprême justifiant les nationalisations en tout état de cause »951.
Après avoir démontré que « [l]a notion de souveraineté permanente est parfaitement
conciliable avec la conclusion par l’Etat d’actes contractuels qui lui laissent le contrôle
sur les activités de son cocontractant »952, le Tribunal arbitral a émis ces considérations :
« En décider autrement serait considérer comme contraire à une règle de ‘‘jus cogens’’
tout contrat passé par un Etat avec une entreprise privée étrangère dès lors qu’il
concerne l’exploitation des ressources naturelles. Ce serait donner à la notion de ‘‘jus
cogens’’ une portée que la Convention de Vienne sur le droit des traités n’a certainement
pas entendu lui conférer. A supposer que cette notion doive être étendue aux accords
conclus entre Etats et entreprises privées étrangères, ce qui semble admissible, il n’en
demeure pas moins qu’elle ne devrait pas s’appliquer à tout traité ou contrat dès
l’instant qu’il porte sur l’exploitation des ressources naturelles et qu’il convient, dans
chaque cas d’espèce, de vérifier si l’acte considéré emporte effectivement aliénation de
la souveraineté de l’Etat sur ces ressources. Dès lors qu’il ressort de l’examen du
rapport juridique établi entre les parties que l’Etat conserve non seulement la jouissance

951
Texaco-Calasiatic c. Gouvernement Libyen, sentence arbitrale au fond du 19 janvier 1977, in Journal
du droit international, Vol. 104, 1977, p. 373, § 76, 2).
952
Ibidem, p. 373, § 77.
252

de sa souveraineté mais également une part non négligeable de son exercice, il convient
de conclure à la validité de l’acte conventionnel qui l’a créé dans l’ordre juridique
international en vertu d’un acte qui, lui-même, exprime la souveraineté de l’Etat »953.

Dans ce passage, le Tribunal arbitral ne se prononce pas clairement sur la


nature impérative du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Il
démontre plutôt que le contrat de concession portant sur les ressources naturelles d’un
Etat est compatible avec la souveraineté permanente de cet Etat sur ses ressources
naturelles vu qu’il n’emporte pas effectivement aliénation de cette souveraineté. Il ne
peut donc pas être annulé pour violation d’une norme de jus cogens. A contrario, si un
contrat portant sur les ressources naturelles d’un Etat emporte effectivement aliénation de
cette souveraineté ou atteinte grave à son exercice (ex. concession pour 50 ans), il doit
être invalidé. Et dans ce cas, l’engagement de ne pas nationaliser devient nul954. L’arbitre
unique, René-Jean Dupuy, semble admettre implicitement le principe de souveraineté
permanente sur les ressources naturelles comme un principe de jus cogens. Toutefois,
bien des auteurs estiment également que « le Tribunal ne se prononce pas définitivement
sur le caractère impératif de la norme »955. Cette position est défendable dans la mesure
où le Tribunal a lui-même commencé par « remarquer qu’une réponse affirmative à cette
question ne suffirait pas à fournir une justification à toutes les nationalisations
intervenues en son nom. Il ne pourrait en être ainsi que dans les cas où un
Gouvernement utiliserait la procédure de nationalisation pour revenir sur une aliénation
effective de sa souveraineté à laquelle lui ou un de ses prédécesseurs aurait consenti. Or
telle n’est pas – ou, du moins, pas nécessairement, la portée d’une concession
pétrolière »956.

953
Ibidem, p. 373, § 78.
954
Cf. G. COHEN-JONATHAN, « L'arbitrage Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen; décision au
fond du 19 janvier 1977 », « Art. cit. », p. 476.
955
Cf. S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 92. Voir également G. COHEN-JONATHAN, « L'arbitrage
Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen; décision au fond du 19 janvier 1977 », « Art. cit. », p.
476.
956
Texaco-Calasiatic c. Gouvernement Libyen, sentence arbitrale au fond du 19 janvier 1977, in Journal
du droit international, Vol. 104, 1977, p. 373, § 77.
253

Il est fort probable que le Tribunal n’a pas eu l’intention de se prononcer sur
le caractère impératif de la norme en cause pour la simple raison que cette question
n’avait pas d’incidence sur la solution du litige.

Par contre, dans sa sentence arbitrale du 24 mars 1982, rendue en l’affaire


Aminoil c. Koweit, le Tribunal957 a déclaré « dénuée de fondement » la prétention du
Gouvernement selon laquelle « la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
est devenue une règle impérative de ius cogens, empêchant les Etats d’accorder , par
contrat ou par traité, des garanties de quelque nature que ce soit à l’encontre de l’exercice
de l’autorité publique à l’égard des richesses naturelles »958. Ainsi, de par cette position
du Tribunal, il ne serait pas possible de déduire des dispositions consacrant ce principe,
notamment la résolution 1803 (XXVII) de l’Assemblée générale de 1962, l’existence
d’une règle de droit international interdisant à un Etat de s’engager à ne pas procéder à
une nationalisation durant une période de temps limitée959. Certes, dans cette affaire, le
Tribunal s’est prononcé sur une interprétation particulière de la norme de la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles (au regard de l’engagement d’un Etat à ne pas
nationaliser). On peut se demander si cette justification du Tribunal suffit à dénier à cette
norme tout caractère de jus cogens lorsque l’on invoque une autre acception, par
exemple, l’interdiction de confiscation des ressources naturelles d’un Etat. Cet aspect n’a
pas été soulevé devant le Tribunal. Mais, comme on le verra ultérieurement, dans la
pratique des Etats, le gel des avoirs et la saisie des ressources naturelles d’un Etat qui a
commis un fait illicite, comme ce fut le cas de la confiscation de l’or albanais par le
Royaume-Uni, sont licites au regard du droit international, au titre des contre-mesures
réparatoires, quand bien même cela porte atteinte à la souveraineté de cet Etat sur ses
ressources (naturelles) (voir infra, chapitre IV, section II, § 5, B). Cette possibilité de

957
Le Tribunal arbitral était composé comme suit : Paul Reuter, Président ; Homek Sultan, arbitre désigné
par le Gouvernement ; Sir Gerald Fitzmaurice, arbitre désigné par la société (Cf. PH. KAHN, « Contrats
d’Etats et nationalisation. Les apports de la sentence arbitrale du 24 mars 1982 », in Journal du droit
international, Vol 109, 1982, p. 844, note 1).
958
Aminoil c. Koweit, sentence arbitrale du 24 mars 1982, in Journal du droit international, Vol. 109,
1982, p. 893, § 90. Pour un commentaire sur cette sentence, voir e.g. G. BASTID-BURDEAU, « Droit
international et contrats d’Etats- La sentence Aminoil contre Koweit du 24 mars 1982 », in A.F.D.I., Vol.
28, 1982, pp. 454-470.
959
Cf. Ibidem, p. 893, § 90.
254

déroger au principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles, même sous
son aspect d’interdiction de la confiscation, peut légitimement laisser penser que ce
principe ne relève pas du jus cogens. Notre objectif restant de déterminer ce qu’en dit la
jurisprudence, nous n’analyserons pas ici les différends doctrinaux.

Devant le Tribunal composé en vue de la détermination de la frontière


maritime Guinée-Bissau/Sénégal960, la Guinée-Bissau a allégué que le principe de
souveraineté permanente sur les ressources naturelles est une norme impérative, car il est
un corollaire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui est une norme
impérative961. Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal a conclu, dans sa
sentence du 31 juillet 1989, que le principe de souveraineté permanente sur les ressources
naturelles n’est pas applicable au cas dont il est saisi et n’a donc pas eu à se prononcer sur
son caractère impératif962.

A partir de ces trois affaires, que conclure du caractère impératif du principe


de souveraineté permanente sur les ressources naturelles ? Il n’a pas été clairement
reconnu par la sentence Texaco-Calasiatic, il a été explicitement nié en tant que
principe ou que règle interdisant de s’engager à ne pas nationaliser par la sentence
Aminoil et la sentence Guinée-Bissau/Sénégal est restée muette à son égard. Au niveau de
la jurisprudence, une incertitude semble donc planer au-dessus du caractère impératif de
cette règle et on ne peut s’en prévaloir dans ces conditions. Etant donné cette incertitude
jurisprudentielle ainsi que notre avis négatif exprimé précédemment sur le caractère erga
omnes de ce principe, nous pouvons en conclure que sa nature de règle de jus cogens
n’est pas reconnue.

960
La composition du Tribunal arbitral était la suivante : Julio A. Barberis, Président ; André Gros et
Mohammed Bedjaoui, arbitres (Cf. Détermination de la frontière maritime Guinée-Bissau/Sénégal,
sentence arbitrale du 31 juillet 1989, in R.G.D.I.P., tome 94, 1990, pp. 204 et 274).
961
Cf. Ibidem, pp. 230-231, § 37.
962
Cf. Ibidem, pp. 232-233, § 39. La Guinée-Bissau soutenait que l’Accord de 1960 entre la France et le
Portugal, relatif à la détermination de sa frontière maritime avec le Sénégal, « constituerait une aliénation
de territoire, ce qui serait contraire au principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles ».
D’après le Tribunal, « [l]’application du principe de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles présuppose que les ressources dont il s’agit se trouvent dans le territoire de l’Etat qui invoque ce
principe. […] D’un point de vue logique, la Guinée-Bissau ne peut soutenir que la norme qui a déterminé
quel était son territoire maritime (l’Accord de 1960) lui a enlevé une partie du territoire maritime qui était
‘‘le sien’’. […] Il en résulte que le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
n’est pas applicable au présent cas » (Ibidem, pp. 232-233, § 39).
255

Concernant les règles fondamentales des accords environnementaux


multilatéraux protecteurs des ressources naturelles, nous avons déjà démontré qu’elles
énoncent des obligations erga omnes. Mais sont-elles impératives ? Dans l’affaire relative
au Projet Gabcikovo-Nagymaros, la Hongrie a soutenu que les normes relatives à la
protection de l’environnement, en l’occurrence l’obligation de ne pas causer de dommage
substantiel au territoire d’un autre Etat, créent des obligations erga omnes de prévention
de dommages conformément au principe de précaution963. Et la Slovaquie de rétorquer
qu’aucun des nouveaux développements du droit international de l’environnement n’avait
engendré de normes de jus cogens qui prévaudraient sur le traité de 1977 sur la non
application duquel portait le litige964. La Cour internationale de Justice a constaté qu’
« aucune des Parties n'a prétendu que des normes impératives du droit de l'environnement
soient nées depuis la conclusion du traité de 1977 »965. Aussi a-t-elle estimé qu’elle
« n'aura par suite pas à s'interroger sur la portée de l'article 64 de la convention de Vienne
sur le droit des traités »966.

La Cour semble ainsi faire implicitement droit à l’allégation de la Slovaquie


relative à l’absence de normes de jus cogens en droit international de l’environnement.
Cette interprétation de la position de la Cour semble confirmée par le fait que, l’année
précédente, dans son avis sur les armes nucléaires, elle s’est penchée sur la question de
savoir si les obligations nées des traités relatifs à la protection de l’environnement ont été
conçues comme imposant une abstention totale pendant un conflit armé et n’a pas estimé
que les traités en question avaient entendu priver un Etat de l'exercice de son droit de
légitime défense en vertu du droit international, au nom des obligations qui sont les
siennes de protéger l'environnement967. Par ailleurs, la Cour s’est référée à la résolution
47/37 de l'Assemblée générale du 25 novembre 1992, intitulée « Protection de
l'environnement en période de conflit armé », qui précise que « la destruction de

963
Cf. Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C. I. J. Recueil 1997, p. 62, § 97.
964
Cf. Ibidem, p. 62, § 97.
965
Ibidem, p. 67, § 112.
966
Ibidem, p. 67, § 112.
967
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 242, § 30. La Cour a
néanmoins précisé que « [l]e respect de l'environnement est l'un des éléments qui permettent de juger si une
action est conforme aux principes de nécessité et de proportionnalité » (Ibidem, p. 242, § 30).
256

l'environnement non justifiée par des nécessités militaires et ayant un caractère gratuit est
manifestement contraire au droit international en vigueur »968. Ceci signifie a contrario
que, pour des nécessités militaires, les belligérants ont le droit de déroger aux règles
relatives à la protection de l’environnement. Et comme on l’a déjà dit, en temps de conflit
armé, la protection de l’environnement est assurée par le droit international des conflits
armés969, qui constitue une lex specialis qui déroge aux règles du droit international de
l’environnement. Cette « dérogeabilité » des règles du droit international de
l’environnement traduit leur caractère non-impératif.

Enfin, la norme coutumière énonçant l’obligation de vigilance ou de


diligence, dont le contenu n’est pas facile à préciser et ne correspond pas à des valeurs
collectives d’un groupe d’Etats ou de la communauté internationale dans son ensemble,
ainsi que nous l’avons montré ci-avant, ne saurait prétendre au statut de norme de jus
cogens puisqu’elle n’a pas été considérée comme relevant de la catégorie d’obligations
erga omnes.

Après ces précisions relatives à la nature des règles protectrices des


ressources naturelles d’un Etat contre l’exploitation illicite en cas de conflit armé, nous
abordons à présent les questions touchant au(x) caractère(s) de ce fait illicite et à son
extension dans le temps.

B. Caractère(s) du fait illicite consistant à exploiter de manière illicite les ressources


naturelles d’un Etat étranger et extension dans le temps

La présentation des situations d’exploitation illicite des ressources naturelles,


que nous avons esquissée dans la première partie (chapitre II), révèle que, selon le modus
operandi de ses auteurs, ce fait illicite peut revêtir un caractère soit non continu, soit
continu, mais qu’il n’a pas un caractère composite.

968
Cf. Ibidem, p. 242, § 32.
969
Voir par exemple les articles 35, § 3 et 55 du Protocole additionnel I, qui « consacrent une obligation
générale de protéger l'environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves; une
interdiction d'utiliser des méthodes et moyens de guerre conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils
causeront, de tels dommages; et une interdiction de mener des attaques contre l'environnement naturel à
titre de représailles » (Ibidem, p. 242, § 31).
257

Premièrement, le fait de piller des stocks des minerais ou de bois d’œuvre est
non continu et la violation du droit international se produit au moment même de la
réalisation de ce fait970. Ceci signifie que ce pillage est effectué dans un laps de temps
relativement court, « sans impliquer pour autant que ce fait soit nécessairement achevé en
un instant »971.

Deuxièmement, l’exploitation illicite des ressources naturelles peut être


envisagée en tant que fait continu. C’est le cas de l’extraction des ressources minières, de
la coupe de bois précieux, de la chasse aux espèces de faune sauvages et de la
commercialisation de toutes ces ressources naturelles. Chacun de ces faits pris
séparément (extraction, coupe, chasse, commercialisation) constitue une exploitation de
ressources naturelles, telle que définie dans la première partie (chapitre I, section II) et
s’étend sur une période plus ou moins longue. Il constitue à lui seul un fait continu. Dans
ce sens, l’exploitation illicite de ressources naturelles est un phénomène constitué de
plusieurs faits continus. L’illicéité de chaque fait, et donc de l’exploitation que constitue
ce fait, s’étend sur toute la période durant laquelle il se réalise972.

Troisièmement, l’exploitation illicite des ressources naturelles ne peut


nullement être considérée comme un fait composite. En effet, un fait composite est
constitué « d’une série d’actions ou d’omissions, définie dans son ensemble comme
illicite »973. Les principaux exemples de faits illicites composites relevés par la C.D.I.
sont le génocide, la discrimination raciale (apartheid) et les crimes contre l’humanité974. Il
résulte de ces exemples que « le fait illicite composite constitue une violation distincte
des atteintes individuelles aux droits de l’homme dont il se compose »975. En outre,
précise la C.D.I., « [i]l découle de la nature du fait composite que le moment où il se

970
Cf. Art. 14, § 1er du Projet de la C.D.I.
971
Article 14 du projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 162.
972
Cf. Article 14, § 2 du Projet de la C.D.I.
973
Article 15, § 1er du Projet de la C.D.I. La violation d’une obligation internationale par un fait composite
se réalise « quand se produit l’action ou l’omission qui, conjuguée aux autres actions ou omissions, suffit à
constituer le fait illicite » (Article 15, § 1er du Projet de la C.D.I.). Cette violation est de caractère continu
et s’étend « sur toute la période débutant avec la première des actions ou omissions de la série de faits qui
constitue le comportement illicite » (Article 15 du Projet C.D.I., Commentaire, § 1er, in J. CRAWFORD,
Op. cit., p. 169).
974
Cf. Article 15 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §§ 2-5, in Ibidem, pp. 169-170.
975
Article 15 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in Ibidem, p. 170.
258

produit ne peut pas coïncider avec le moment où a lieu la première des actions ou
omissions de la série »976. Au regard de ces considérations, même si l’exploitation illicite
des ressources naturelles peut être envisagée comme une série d’actes (exploration,
extraction et commercialisation), chacun des actes de cette série est, comme nous venons
de le mentionner ci-avant, constitutif d’une exploitation illicite. La possible réalisation de
l’illicéité de l’exploitation par un seul acte de la série pris même isolément exclut ainsi le
caractère composite en ce qui concerne l’exploitation illicite des ressources naturelles.

Cela dit, le caractère continu ou non continu de l’exploitation illicite des


ressources naturelles sera pris en compte dans l’évaluation du dommage pour la fixation
du montant de la réparation.

§2. Attribution de l’exploitation illicite des ressources naturelles à un Etat

Pour que la responsabilité d’un Etat soit engagée du fait de l’exploitation


illicite des ressources naturelles d’un autre Etat, ce fait illicite doit lui être imputable ou
lui être attribuable977. En d’autres termes, l’Etat mis en cause doit « en être réputé
l’auteur »978. Simplement, le comportement illicite doit être un « fait de l’Etat »979.
L’imputation ou l’attribution doit être envisagée selon que l’exploitation illicite est
opérée par des « organes » de l’Etat (A) ou par des personnes privées (B).

976
Article 15 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 7, in Ibidem, p. 171.
977
Après des débats entre ses membres autour du sens des mots « imputation » et « attribution », la C.D.I. a
préféré le terme d’ « attribution » à celui d’« imputation », ce dernier ayant une connotation pénale. Mais
bien des auteurs les considèrent comme synonymes. Voir, par exemple, L. CONDORELLI, « L’imputation
à l’Etat d’un fait internationalement illicite : solutions classiques et nouvelles tendances », in R.C.A.D.I.,
Tome 189, 1984-VI, pp. 19 et 41 ; S. KARAGIANNIS, « Du non étatique à l’étatique : la cruciale question
de l’imputabilité d’actes de particuliers en droit international », in R. BEN ACHOUR et S. LAGHMANI,
Acteurs non étatiques et droit international, Op. cit., p. 163 ; F. FINCK, L’imputabilité dans le droit de la
responsabilité internationale. Essai sur la commission d’un fait illicite par un Etat ou une organisation
internationale, Thèse de doctorat en droit, Université de Strasbourg, 2011, p. 20, disponible sur http://scd-
theses.u-strasbg.fr/2208/01/FINCK_Fran%C3%A7ois_2011.pdf consulté le 20 novembre 2012. Sur les
débats au sein de la C.D.I., voir E. ROUCOUNAS, « Facteurs privés et droit international public », in
R.C.A.D.I., Tome 299, 2002, pp. 335 et suivantes ; L. CONDORELLI, « Art. cit. », p. 41.
978
J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 621.
979
L. CONDORELLI, « Art. cit. », p. 41.
259

A. Exploitation illicite par des « organes » de l’Etat

Avant de nous pencher sur la question de l’exploitation illicite des ressources


naturelles, il convient de dégager rapidement la substance des dispositions relatives à
l’attribution à l’Etat du fait de ses organes.

Selon l’article 4 du Projet de la C.D.I.980, le droit international considère


comme un fait de l’Etat le comportement de tout organe, c’est-à-dire toute personne ou
entité, qui a ce statut d’après le droit interne de cet Etat. D’après la Cour internationale de
Justice, cette règle de droit international est bien établie et revêt un caractère
coutumier981.

L’article 4 du Projet de la C.D.I. vise un organe qui exerce des fonctions


législatives, exécutives, judiciaires ou autres, qu’il soit d’un rang supérieur ou inférieur et
qu’il relève du gouvernement central ou d’une collectivité territoriale de l’Etat. Il s’agit
de l’acception la plus large de l’expression « organe de l’Etat »982. Le droit international
reconnaît à chaque Etat le « droit à l’auto-organisation »983. En contrepartie, « tout acte
d’un organe étatique est à attribuer directement à l’Etat »984. Un Etat ne peut « échapper à
sa responsabilité en s’abritant derrière la personnalité juridique distincte qu’il peut
reconnaître à ses démembrements »985. Comme le rappelle Pierre-Marie Dupuy, « [l]’Etat
est certes une personne morale, mais ses actes sont décidés et accomplis par des

980
« Article 4
Comportement des organes de l’Etat
1. Le comportement de tout organe de l’Etat est considéré comme un fait de l’Etat d’après le droit
international, que cet organe exerce des fonctions législative, exécutive, judiciaire ou autres, quelle que soit
la position qu’il occupe dans l’organisation de l’Etat, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du
gouvernement central ou d’une collectivité territoriale de l’Etat.
2. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut d’après le droit interne de l’Etat ».
981
« Selon une règle bien établie du droit international, le comportement de tout organe d’un Etat doit être
regardé comme un fait de cet Etat. Cette règle […] revêt un caractère coutumier » (Différend relatif à
l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1999, p. 87, § 62) . La Cour se réfère à l’article 6 du Projet d’articles de la C.D.I. sur la
responsabilité des Etats, devenu l’article 4 dans le projet adopté en 2001. Voir également, Activités armées
sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p.
242, § 213.
982
Cf. Article 4 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §§ 1, 6 et 7, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 112-
115.
983
L. CONDORELLI, « Art. cit. », p. 54.
984
S. KARAGIANNIS, « Art. cit. », p. 165.
985
P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 863, § 474. Voir également L.
CONDORELLI, « Art. cit. », p. 53.
260

individus »986. En droit international, ces individus, agents ou fonctionnaires de l’Etat,


agissant en son nom ou pour son compte, sont des « organes de l’Etat»987. Selon le
commentaire de la C.D.I. consacré à l’article 4, pour engager la responsabilité de l’Etat,
l’organe doit avoir agi en cette qualité988. Ceci permet de distinguer un cas dans lequel un
fonctionnaire agit en tant qu’organe de celui dans lequel il agit à titre privé. Dans la
première situation, son fait sera attribué à l’Etat, alors qu’il n’en est pas ainsi dans la
seconde. Toutefois, la notion d’ « organes de l’Etat » ne se limite pas à des individus.
Comme le précise le Commentaire de la C.D.I., « [l]’expression ‘‘personne ou entité’’
[…] utilisée au paragraphe 2 de l’article 4 ainsi qu’aux articles 5 et 7 […] s’entend au
sens large et vise toute personne physique ou morale, qu’il s’agisse du titulaire d’un
emploi public, d’un ministère, d’une commission ou d’un organe exerçant des
prérogatives de puissance publique, etc. »989.

L’article 6 du Projet de la C.D.I.990 attribue à un Etat, et à lui seul, le


comportement d’un organe mis à sa disposition par un autre Etat, pour autant que cet
organe agisse aux fins et au nom de cet Etat à la disposition duquel il se trouve991.

Aux termes de l’article 7 du Projet de la C.D.I.992, qui complète l’article 4


précité, est considéré comme un fait de l’Etat le comportement de son organe agissant ex

986
P.-M. DUPUY, « Le fait générateur de la responsabilité internationale des Etats», « Art.cit. », p. 23.
987
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 621.
988
Cette précision était déjà présente dans l’article 5 du Projet de 1996 : « Aux fins des présents articles, est
considéré comme un fait de l’Etat d’après le droit international le comportement de tout organe de l’Etat
ayant ce statut d’après le droit interne de cet Etat, pour autant que, en l’occurrence, il ait agi en cette
qualité ». Comme le souligne Frédéric Dopagne, « [l]a Commission a manifestement entendu ne plus
formuler cette exigence ‘‘comme une clause restrictive, de manière à éviter toute conclusion selon laquelle
le demandeur a la charge spécifique de montrer que le fait de l’organe de l’Etat n’a pas été accompli en une
qualité privée’’ » (F. DOPAGNE, « La responsabilité de l’Etat du fait des particuliers : les causes
d’imputation revisitées par les articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite »,
in R.B.D.I., 2001/2, p. 493, note 7.
989
Article 4 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 12, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 118.
990
« Article 6
Comportement d’un organe mis à la disposition de l’Etat par un autre Etat
Le comportement d’un organe mis à la disposition de l’Etat par un autre Etat, pour autant que cet organe
agisse dans l’exercice de prérogatives de puissance publique de l’Etat à la disposition duquel il se trouve,
est considéré comme un fait du premier Etat d’après le droit international ».
991
Cf. Article 6 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 1er, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 122.
992
« Article 7
Excès de pouvoir ou comportement contraire aux instructions
261

qualitate, mais ultra vires993 (i.e. par excès de pouvoir), ou contrairement à ses
instructions.

En ce qui concerne l’exploitation illicite des ressources naturelles, dans


l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du
Congo c. Ouganda), « [l]a Cour estime […] détenir des preuves abondantes et
convaincantes pour conclure que des officiers et des soldats des UPDF [forces armées
ougandaises], parmi lesquels les officiers les plus haut gradés, ont participé au pillage et à
l’exploitation des ressources naturelles de la RDC et que les autorités militaires n’ont pris
aucune mesure pour mettre un terme à ces activités »994. S’appuyant sur la notion
d’« organe de l’Etat », cette juridiction internationale n’éprouve aucune difficulté à
attribuer à l’Ouganda tant le comportement de l’armée ougandaise dans son ensemble que
le comportement individuel de ses soldats et officiers lorsqu’elle indique :

« Le comportement des UPDF est dans son ensemble clairement attribuable


à l’Ouganda, puisqu’il s’agit du comportement d’un organe de l’Etat. Conformément à
une règle de droit international bien établie, qui revêt un caractère coutumier, ‘‘le
comportement de tout organe d’un Etat doit être regardé comme un fait de cet Etat’’
(Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission
des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 87, par. 62). Le
comportement individuel des soldats et officiers des UPDF doit être considéré comme un
comportement d’un organe d’Etat. De l’avis de la Cour, en vertu du statut et de la
fonction militaire des soldats ougandais en RDC, le comportement de ces derniers est
attribuable à l’Ouganda. L’argument selon lequel les personnes concernées n’auraient
pas agi dans les circonstances de l’espèce en qualité de personnes exerçant des
prérogatives de puissance publique est par conséquent dénué de fondement. […] Est en
outre dépourvue de pertinence, pour l’attribution du comportement des UPDF à

Le comportement d’un organe de l’Etat ou d’une personne ou entité habilitée à l’exercice de prérogatives
de puissance publique est considéré comme un fait de l’Etat d’après le droit international si cet organe,
cette personne ou cette entité agit en cette qualité, même s’il outrepasse sa compétence ou contrevient à ses
instructions ».
993
Cf. L. CONDORELLI, « Art. cit. », p. 80.
994
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 251, § 242.
262

l’Ouganda, la question de savoir si les membres des UPDF ont ou non agi d’une manière
contraire aux instructions données ou ont outrepassé leur mandat. D’après une règle
bien établie, de caractère coutumier, énoncée à l’article 3 de la quatrième convention de
La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 ainsi qu’à
l’article 91 du protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949, une partie à
un conflit armé est responsable de tous les actes des personnes qui font partie de ses
forces armées »995.

Bien que la Cour ne se réfère pas explicitement aux règles des articles 4 et 7
du Projet d’articles de la C.D.I., elle en a bel et bien appliqué le contenu de ces
dispositions, au titre du droit coutumier996.

En période de conflit armé, les éléments des forces armées d’un Etat sont les
plus exposés à engager sa responsabilité internationale pour exploitation illicite des
ressources naturelles d’un autre Etat. Outre le cas des éléments des forces ougandaises,
point n’est besoin de revenir sur l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC
par les éléments des forces rwandaises, ainsi que nous l’avons illustrée à partir de
plusieurs rapports d’experts onusiens. Toutefois, ce fait illicite, loin d’être l’apanage des
militaires, peut également être commis par d’autres organes, en particulier, par le pouvoir
exécutif (administration). Les conflits armés que nous avons étudiés dans la première
partie illustrent une très forte implication du pouvoir exécutif dans l’exploitation illicite
des ressources naturelles. Nous avons ainsi noté l’appui accordé à l’UNITA, en Angola,
en contrepartie des diamants, par le Président du Zaïre, Mobutu Sese Seko, le Président
du Togo, Gnassingbé Eyadema, le Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré et le
Président du Rwanda, Paul Kagame (Voir supra, chapitre II, section I, § 2, A). Dans le
conflit armé en Sierra Leone, la mainmise du Président Charles Taylor et des hauts
fonctionnaires du gouvernement libérien ainsi que du Président Burkinabé Blaise
Compaoré sur les diamants du RUF a été suffisamment démontrée par le rapport du

995
Ibidem, p. 242, §§ 213-214. Voir également Ibidem, p. 251, § 243 et p. 252, § 245.
996
« Le projet d’articles n’est pas, comme tel, contraignant. Il ne le deviendra que lorsqu’il aura été
transformé en un traité en bonne et due forme, dûment ratifié par les Etats. Ce qui n’est pas pour
demain…Il n’empêche que nombreuses sont parmi ses dispositions celles qui, surtout dans sa 1ère partie,
peuvent être considérées comme déclaratives de droit coutumier. Il se comprend dès lors qu’il y soit fait
abondamment référence » (J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 612).
263

Groupe d’experts sur la Sierra Leone (Voir supra, chapitre II, section II, § 2, B, 1). En ce
qui concerne l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC, qu’on se rappelle
tout simplement la mise sur pied par l’armée patriotique rwandaise d’une administration
spéciale dénommée « Bureau Congo », comprenant des militaires et des civils997. On
songe également aux entreprises publiques rwandaises qui se sont lancées dans le
commerce illicite des ressources naturelles998. Dans ces cas, ces organes exécutifs
engagent la responsabilité internationale de leurs Etats.

Les données en notre possession ne font pas état d’un rôle quelconque joué
par les pouvoirs législatif et judiciaire ou par des organes d’un Etat mis à la disposition
d’un autre Etat dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger
pendant un conflit armé. En l’absence de pratique en ce sens, ces questions restent
théoriques dans le cadre de ce travail et ne feront pas l’objet de développements. Par
contre, l’on abordera des situations rencontrées dans les faits, à savoir des cas où
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat a été perpétrée par des personnes
privées, surtout par des entreprises multinationales, en examinant dans quelle mesure ce
fait illicite peut être attribuable à un Etat.

B. Exploitation illicite par des personnes privées

En règle générale, « le comportement des personnes qui ne sont pas des


organes de l’Etat agissant en cette qualité n’est pas attribuable à cet Etat »999. Comme
l’indique Rüdiger Wolfrum, ‘‘[this] general rule […] reflects that States cannot – or
should not – control the activities of their citizens’’1000. Ce principe tiré d’une lecture a
contrario de l’article 4 du Projet de la C.D.I. est assorti de cinq exceptions en vertu
desquelles des personnes privées deviennent des « organes de fait » d’un Etat, et en

997
Cf. Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres
formes de richesse de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 15, § 65.
998
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 18, § 82.
999
F. DOPAGNE, « La responsabilité de l’Etat du fait des particuliers… », « Art. cit. », p. 494. En
principe, face à des faits des particuliers, « [l]’Etat n’est responsable que s’il a manqué de diligence » (D.
RUZIE, Op. cit., p. 102).
1000
R. WOLFRUM, ‘‘State Responsibility for Private Actors: an Old Problem of Renewed Relevance’’, in
M. RAGAZZI (ed.), International Responsibility Today: Essays in Memory of Oscar Schachter, Leiden and
Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2005, p. 425.
264

conséquence, leur fait est imputable à cet Etat : le comportement d’une personne ou
d’une entité exerçant des prérogatives de puissance publique (article 5 du Projet de la
C.D.I.), le comportement sous la direction ou le contrôle de l’Etat (article 8 du Projet de
la C.D.I.), le comportement en cas d’absence ou de carence des autorités officielles
(article 9 du Projet de la C.D.I.), le comportement d’un mouvement insurrectionnel ou
autre (article 10 du Projet de la C.D.I.) et le comportement reconnu et adopté par l’Etat
comme étant sien (article 11 du Projet de la C.D.I.)1001.

Partant des éléments factuels liés aux conflits passés en revue, de ces cinq
exceptions, seul le comportement des personnes privées (individus, sociétés, groupes
armés) sous la direction ou le contrôle de l’Etat (article 8 du Projet de la C.D.I.) est
susceptible de recevoir application dans le cas de l’exploitation illicite de ressources
naturelles. Même l’exploitation illicite par les différents groupes armés (UNITA, RUF et
groupes armés en RDC) opposés aux gouvernements légitimes sera appréhendée au
regard de l’article 8 et non de l’article 10 du Projet de la C.D.I. étant donné que ces
mouvements insurrectionnels ne sont pas devenus de nouveaux gouvernements de leurs
Etats ou ne sont pas parvenus à créer de nouveaux Etats auxquels serait attribuable
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger1002.

L’article 8 du Projet de la C.D.I. dispose : « Le comportement d’une personne


ou d’un groupe de personnes est considéré comme un fait de l’Etat d’après le droit

1001
Pour l’exemple d’une possible attribution à l’Etat du comportement d’une société transnationale en
matière de droits de l’homme, voir O. DE SCHUTTER, « La responsabilité des Etats dans le contrôle des
sociétés transnationales : vers une convention internationale sur la lutte contre les atteintes aux droits de
l’homme commises par les sociétés transnationales », « Art. cit. », pp. 58-67.
1002
De même, l’article 5 du projet de la C.D.I. ne trouve pas à s’appliquer dans ce contexte car il n’est pas
concevable de considérer, par exemple, qu’une société a commis un fait d’exploitation illicite de ressources
naturelles d’un Etat étranger à l’occasion de l’exercice de prérogatives de puissance publique qui lui ont été
conférées par un Etat. Par ailleurs, une société qui exploite illicitement des ressources naturelles d’un Etat
étranger ne peut prétendre agir de la sorte pour pallier la carence ou l’absence des autorités officielles de
son Etat, ce qui exclut l’applicabilité de l’article 9 du Projet de la C.D.I. L’exclusion de l’article 10 se
justifie par le fait qu’un mouvement insurrectionnel qui se livre au pillage des ressources naturelles d’un
Etat et qui plus tard devient le nouveau gouvernement de cet Etat ne peut initier aucune réclamation relative
au pillage dont il a lui-même été l’auteur. Enfin, l’article 11 du Projet de la C.D.I. ne peut être appliqué
dans la présente recherche car aucun Etat n’a reconnu et adopté comme sienne l’exploitation illicite des
ressources naturelles de l’Etat par l’UNITA, par le RUF ou par les diverses rébellions et groupes armés
d’auto-défense en RDC.
265

international si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement,


agit en fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de cet Etat ».

Avant de nous concentrer sur l’appréciation des faits au regard de cette


disposition, il convient de rappeler tout d’abord que sa rédaction est intervenue après la
survenance d’une divergence entre l’approche développée par la Cour internationale de
Justice (C.I.J.) et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.) en ce
qui concerne l’imputation à un Etat de faits d’ « acteurs non étatiques ». A ce sujet,
l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) et l’affaire Tadic sont trop connues pour qu’on
s’attarde aux détails factuels. En substance, dans son arrêt du 27 juin 1986, en l’affaire
Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique, la C.I.J. a retenu le critère du contrôle effectif1003(en
anglais, effective control) tandis que, dans son jugement du 15 juillet 1999, en l’affaire
Tadic, la Chambre d’appel du T.P.I.Y. a appliqué le critère du contrôle global (overall
control, en anglais), pour ce qui est de l’attribution à un Etat des actes des groupes
militaires et paramilitaires (groupes organisés)1004. Le TPIY a cependant précisé que dans
le cas d’actes commis par des individus ou groupes armés non organisés en structure

1003
« La Cour a estimé […] que, même prépondérante ou décisive, la participation des Etats-Unis à
l'organisation, à la formation, à l'équipement, au financement et à l'approvisionnement des contras, à la
sélection de leurs objectifs militaires ou paramilitaires et à la planification de toutes leurs opérations
demeure insuffisante en elle-même, d'après les informations dont la Cour dispose, pour que puissent être
attribués aux Etats-Unis les actes commis par les contras au cours de leurs opérations militaires ou
paramilitaires au Nicaragua. Toutes les modalités de participation des Etats-Unis qui viennent d'être
mentionnées, et même le contrôle général exercé par eux sur une force extrêmement dépendante à leur
égard, ne signifieraient pas par eux-mêmes, sans preuve complémentaire que les Etats-Unis aient ordonné
ou imposé la perpétration des actes contraires aux droits de l'homme et au droit humanitaire allégués par
1'Etat demandeur. Ces actes auraient fort bien pu être commis par des membres de la force contra en
dehors du contrôle des Etats-Unis. Pour que la responsabilité juridique de ces derniers soit engagée, il
devrait en principe être établi qu'ils avaient le contrôle effectif des opérations militaires ou paramilitaires au
cours desquelles les violations en question se seraient produites » (.Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, pp. 64-
65, § 115).
1004
« Pour imputer la responsabilité d’actes commis par des groupes militaires ou paramilitaires à un Etat,
il faut établir que ce dernier exerce un contrôle global sur le groupe, non seulement en l’équipant et le
finançant, mais également en coordonnant ou en prêtant son concours à la planification d’ensemble de ses
activités militaires. Ce n’est qu’à cette condition que la responsabilité internationale de l’Etat pourra être
engagée à raison des agissements illégaux du groupe. Il n’est cependant pas nécessaire d’exiger de plus que
l’Etat ait donné, soit au chef du groupe soit à ses membres, des instructions ou directives pour commettre
certains actes spécifiques contraires au droit international » (Le Procureur c. Dusko Tadic, affaire n°IT-94-
1-A, § 131). Voir également Ibidem, § 137.
266

militaire, ce qui ne correspondait pourtant pas au cas d’espèce, l’imputabilité exigerait la


preuve d’instructions ou de directives spécifiques pour commettre des actes précis (ce
que la C.I.J. qualifierait de contrôle effectif)1005. Cette position de la Chambre d’appel du
T.P.I.Y., confirmée par la suite, notamment dans son jugement du 3 mars 2000 dans
l’affaire Blaskic1006 et suivie par les chambres de première instance du Tribunal1007, a été
vivement critiquée par une bonne partie de la doctrine1008.

Devant ces divergences entre deux organes judiciaires des Nations unies, la
C.D.I., sans chercher à préciser le critère de contrôle, a plutôt consacré, dans son Projet
d’articles adopté en 2001, à l’article 8 mentionné ci-avant, trois critères alternatifs pour la
détermination des actes d’un « organe de fait » de l’Etat, à savoir : les instructions, les
directives ou le contrôle de l’Etat. Il suffit que l’un de ces critères présente un lien de
causalité avec le comportement de l’acteur privé mis en cause pour que la responsabilité
de l’Etat soit engagée1009.

L’article 8 du Projet de la C.D.I., qui ne fixe pas de seuil de contrôle, a-t-il été
pris en compte par la C.I.J. et par le T.P.I.Y. ? Dans sa jurisprudence constante après le
jugement Tadic, le T.P.I.Y. a tout simplement campé sur sa position selon laquelle « le

1005
« Il convient d’ajouter que les tribunaux ont adopté des approches différentes dans les affaires
concernant des individus ou des groupes qui ne sont pas organisés en structure militaire. Pour pareils
groupes ou individus, un contrôle global ou général n’a pas été jugé suffisant et on a exigé la preuve
d’instructions ou de directives spécifiques pour commettre des actes précis ou d’une approbation publique
de ces actes après leur perpétration ». (Le Procureur c. Dusko Tadic, affaire n°IT-94-1-A, § 132). Voir
aussi Ibidem, § 137.
1006
Cf. Le Procureur c.Tihomir Blaskic, affaire n°IT-95-14-T, jugement, 3 mars 2000, §§ 100 et suivants.
1007
Cf. P.-M. DUPUY, Droit international public, Op. cit., p. 512, § 469.
1008
Sur les critiques, voir, par exemple, F. DOPAGNE, « La responsabilité de l’Etat du fait des
particuliers… », « Art. cit. », pp. 504-506. Voir également Article 8 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §
5, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 132-133. Ce revirement jurisprudentiel du T.P.I.Y. par rapport à la C.I.J.
n’a pas laissé indifférent le Président en exercice de la C.I.J., le juge Gilbert Guillaume, qui n’a pas tardé à
déclarer devant la Commission du droit international et devant l’Assemblée générale des Nations unies que
la fragmentation du droit international qui résultait de ce revirement du Tribunal apportait « anarchie et
chaos dans le droit international ». En effet, la multiplication des tribunaux internationaux pourrait mettre
en danger l’unité du droit international coutumier du fait qu’elle engendre des incohérences
jurisprudentielles, la même règle de droit pouvant, dans des procès différents, faire l’objet d’interprétations
différentes. Cette attitude pourrait même engendrer le phénomène de Forum shopping, le plaideur étant
alors amené à saisir la juridiction qui lui semble la plus favorable (Cf. D. MOMTAZ, « Art. cit. », pp. 32-
33). Sur les auteurs qui soutiennent le critère du contrôle global, voir A. CASSESE, ‘‘The Nicaragua and
Tadic Tests Revisited in Light of the ICJ Judgement on Genocide in Bosnia’’, in EJIL, Vol. 18, No. 4,
2007, pp. 649-668.
1009
Cf. Article 8 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 7, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 134.
267

contrôle exercé par un Etat sur des forces armées, des milices ou des unités
paramilitaires subordonnées peut revêtir un caractère global (mais doit aller au-delà de la
1010
simple aide financière, fourniture d’équipements militaires ou formation) » . Le
T.P.I.Y. est resté tout à fait indifférent à l’égard de l’article 8 du Projet de la C.D.I.1011
Par contre, la C.I.J., sans se prononcer explicitement, dans l’affaire Congo c. Ouganda,
sur « la désormais célèbre dichotomie ‘‘contrôle effectif - contrôle global’’ »1012, viendra
remettre les pendules à l’heure, en 2007, dans l’affaire du Génocide.

Dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République


démocratique du Congo c. Ouganda), « [l]a Cour conclut qu’il n’existe aucun élément de
preuve crédible qui donne à penser que l’Ouganda a créé le MLC [Mouvement de
Libération du Congo]. L’Ouganda a reconnu avoir dispensé un entraînement et accordé
un soutien militaire, et des éléments de preuve existent à cet égard. Aucune preuve
convaincante n’a été soumise à la Cour qui démontrerait que l’Ouganda contrôlait, ou
pouvait contrôler, la manière dont M. Bemba [Président du MLC] utilisait cette
assistance. De l’avis de la Cour, le comportement du MLC n’était ni celui d’un
‘‘organe’’ de l’Ouganda (article 4 du projet d’articles de la Commission du droit
international sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite(2001)),
ni celui d’une entité exerçant des prérogatives de puissance publique pour son compte
(art. 5) » 1013.

S. Karagiannis voit dans ce passage non seulement une indifférence de la


C.I.J. par rapport à la jurisprudence « dissidente » du T.P.I.Y., mais, de surcroît, un
renforcement du critère du contrôle effectif posé dans l’affaire Nicaragua c. Etats-
Unis1014. Pour lui, « ‘‘[e]ffectivité’’ rime pratiquement, dans son arrêt du 19 décembre

1010
Voir, par exemples, Le Procureur c. Aleksovski, affaire n° IT-95-14/1-A, Chambre d’appel, Arrêt, 24
mars 2000, §§ 131-134 ; Le Procureur c. Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-A, Chambre d’appel,
Arrêt, 20 février 2001, § 26; Le Procureur c. Kordic et Cerkez, affaire n° IT-95-14/2-A, Chambre d’appel,
Arrêt, 17 décembre 2004, §§ 306 et 307.
1011
Voir notamment les affaires Blaskic, Aleksovski, Delalic et consorts; Kordic et Cerkez, citées dans les
notes 1006 et 1010, dans lesquelles le T.P.I. Y. a appliqué le critère du contrôle global.
1012
S. KARAGIANNIS, « Art. cit. », p. 175.
1013
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 226, § 160.
1014
Cf. S. KARAGIANNIS, « Art. cit. », p. 175.
268

2005, avec création du groupe des ‘‘particuliers’’ ou octroi à celui-ci de ‘‘prérogatives


de puissance publique’’. Ce n’est qu’à peine que la Cour modère son propos en avouant
qu’elle avait ‘‘cherché à déterminer si le MLC avait agi ‘sur les instructions ou les
directives ou sous le contrôle de’ l’Ouganda et estime ne disposer d’aucun élément
probant que tel était le cas’’ »1015.

Cependant, en l’affaire relative à l’Application de la Convention pour la


prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-
Monténégro), la C.I.J., dans son arrêt du 26 février 2007, après un examen minutieux des
arguments de la Chambre d’appel du T.P.I.Y. relatifs au critère du contrôle global,
n’adhère pas aux conclusions de cette chambre. De l’avis de la Cour, « le TPIY n’était
pas appelé dans l’affaire Tadic, et […] il n’est pas appelé en règle générale, à se
prononcer sur des questions de responsabilité internationale des Etats, sa juridiction étant
de nature pénale et ne s’exerçant qu’à l’égard des individus »1016. Ce faisant, elle écarte
l’application du critère du contrôle global dans le droit de la responsabilité internationale
aux fins de déterminer dans quels cas un Etat est responsable des actes commis par des
unités paramilitaires, forces armées ne faisant pas partie de ses organes officiels1017.
Toutefois, elle reconnaît que ce critère du contrôle global est parfaitement adéquat et
pertinent pour déterminer si un conflit armé présente ou non un caractère
international1018.

Au regard de cette position de la C.I.J., Djamchid Momtaz affirme : « En


définitive, la position adoptée par la Cour ne met nullement en cause le recours au
critère du contrôle global mais le consolide au contraire pour ce qui est de la
qualification des conflits armés non internationaux internationalisés. [...] L’application
du critère global sera ainsi de nature à internationaliser un plus grand nombre de
conflits armés non internationaux, avec pour conséquence l’extension à ces luttes armées

1015
Ibidem, p. 175.
1016
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 209, § 403.
1017
Cf. Ibidem, p. 210, § 404.
1018
Cf. Ibidem, p. 210, § 404.
269

de l’application du droit international humanitaire applicable aux conflits armés


internationaux, beaucoup plus protecteur des civils s’y trouvant impliqués »1019.

Dans cette logique, c’est à bon droit que la Chambre de première instance I
de la Cour pénale internationale, dans son jugement du 14 mars 2012, rendu en l’affaire
Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, a émis ces considérations : « En ce qui concerne
le degré de contrôle que doit exercer un Etat sur un groupe armé agissant en son nom, la
Chambre de première instance a conclu que le critère du ‘‘contrôle global’’ était à
retenir. Ce critère permet de déterminer si un conflit armé ne présentant pas un
caractère international pourrait avoir été internationalisé par l’intervention de forces
armées agissant au nom d’un autre Etat. Un Etat peut exercer le degré de contrôle requis
s’il ‘‘joue un rôle dans l’organisation, la coordination ou la planification des actions
militaires du groupe militaire, en plus de le financer, l’entraîner, l’équiper ou lui
apporter son soutien opérationnel’’ »1020.

Compte tenu de ce qui précède, étant donné que nous examinons la


responsabilité des Etats dans le cadre de l’attribution à ceux-ci d’actes illicites, il nous
semble plus judicieux d’adopter la position de la C.I.J. en ce qui concerne le degré de
contrôle : l’effectivité du contrôle. Mais comment concilier cette position avec celle de
l’article 8 du Projet de la C.D.I., qui reste muet eu égard au seuil du contrôle ? Dans
l’affaire Congo c. Ouganda, la C.I.J. semble considérer que l’appréciation de la
réalisation du critère de contrôle effectif est conditionnée par l’établissement de
l’existence du contrôle requis par l’article 8 du Projet de la C.D.I., ainsi qu’il ressort
d’une lecture a contrario de ce passage : « La Cour a cherché à déterminer si le MLC
avait agi ‘‘sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de’’ l’Ouganda (art.
8) et estime ne disposer d’aucun élément probant que tel était le cas. Point n’est donc
besoin, en l’espèce, de se poser la question de savoir s’il est satisfait aux critères requis
pour considérer qu’un degré de contrôle suffisant était exercé à l’égard de paramilitaires

1019
D. MOMTAZ, « Art. cit. », pp. 33-34.
1020
ICC-01/04-01/06-2842-tFRA, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Jugement rendu en application
de l’article 74 du Statut, 14 mars 2012, pp. 270-271, § 541.
270

(voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.


Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 62-65, par. 109-115) »1021.

Mais, dans l’affaire du Génocide, la Cour précise que l’article 8 du Projet de


la C.D.I. « doit se comprendre à la lumière de [s]a jurisprudence […] sur ce point, et en
particulier de l’arrêt de 1986 en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) »1022. Ainsi l’organe
judiciaire principal des Nations unies a-t-il entendu régler la question de l’attribution à
l’Etat des actes des particuliers, en écartant la position du T.P.I.Y. dans le jugement
Tadic, qu’elle qualifie non pas de jurisprudence, mais simplement de « doctrine »1023.
L’article 8 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité de l’Etat doit donc, selon la C.I.J.,
être compris comme requérant un contrôle effectif. Bien que la C.D.I. n’ait pas précisé,
dans le prescrit de l’article 8, le degré de contrôle exigé, il nous semble qu’il y a lieu de
lire en faveur du contrôle effectif cet extrait de son commentaire sous ledit article : « Le
mandat du Tribunal [T.P.I.Y.] porte sur des questions de responsabilité pénale
individuelle, pas sur la responsabilité des Etats, et la question qui se posait dans l’affaire
considérée [affaire Tadic] avait trait non pas à la responsabilité mais aux règles
applicables du droit international humanitaire. En tout état de cause, c’est au cas par cas
qu’il faut déterminer si tel ou tel comportement était mené sous le contrôle d’un Etat et si
la mesure dans laquelle ce comportement était sous le contrôle justifie que le
comportement soit attribué audit Etat »1024.

On peut déduire de ce commentaire de la C.D.I. que le rejet par le T.P.I.Y. de


la jurisprudence de la C.I.J. en matière d’imputation à un Etat des actes des particuliers -
question en dehors de la compétence d’un T.P.I. - était injustifié et inopportun et que,
chacune de ces juridictions restant dans son domaine de compétence, appliquera à bon
droit le critère de contrôle adéquat : le contrôle effectif en matière de responsabilité

1021
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 226, § 160.
1022
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 208, § 399.
1023
Ibidem, p. 210, § 404.
1024
Article 8 du projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 133. Sur les autres
juridictions qui ont traité du degré que le contrôle de l’Etat doit atteindre pour que le comportement des
personnes privées soit attribuable à l’Etat, voir Ibidem, p. 133, note 169.
271

internationale de l’Etat devant la C.I.J. ou devant toute autre juridiction internationale


compétente à l’égard des Etats et le contrôle global pour le T.P.I.Y. (et pour toutes les
autres juridictions internationales répressives).

C’est à juste titre que Frédéric Dopagne fait remarquer que « la C.D.I., en
rédigeant de la sorte sa disposition sur l’organe de fait, remplit à maints égards sa
fonction de développement progressif du droit international davantage que sa mission de
codification »1025.

Cela dit, il est utile à présent de résumer les faits et de les examiner aux fins
de l’imputation aux Etats, à la lumière de l’article 8 du Projet de la C.D.I. et de la
jurisprudence internationale pertinente, des actes d’exploitation illicite de ressources
naturelles de l’Etat par les groupes armés (UNITA, RUF, rébellions en RDC), par les
entreprises privées et par les individus.

Durant le conflit armé en Angola, l’UNITA a, comme nous l’avons vu,


bénéficié notamment de l’appui militaire du Zaïre, du Togo, du Burkina Faso et du
Rwanda en échange des diamants. Ces Etats protecteurs de l’UNITA ont également joué
un rôle important comme pays de transactions des diamants de cette rébellion. Par
ailleurs, le Zaïre a créé, avec des investisseurs européens, le consortium Cuango Mining
Corporation aux fins d’extraction des diamants de l’UNITA (Voir supra, chapitre II,
section I, § 2, A et B). Le fait pour les Etats susvisés d’apporter leur appui militaire à
l’UNITA en contrepartie des diamants et même de lui faciliter les transactions des
diamants en vue d’en retirer le maximum de bénéfices n’implique pas que l’UNITA
exploitait illicitement ces ressources naturelles sur instructions ou directives de ces Etats
ou en agissant sous leur contrôle. Certes, ces Etats ont de ce fait violé, à l’égard de
l’Angola, le droit international, en l’occurrence, la déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations unies (résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée
générale du 24 octobre 1970)1026. Il s’agit précisément de la violation du principe de non

1025
F. DOPAGNE, « La responsabilité de l’Etat du fait des particuliers… », « Art. cit. », pp. 508-509.
1026
Voir dans ce sens, Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c.
Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, pp. 226-227, §§ 161-164.
272

intervention, de la souveraineté … Ils sont responsables de cette violation et non de


l’exploitation illicite des diamants par l’UNITA car ils n’avaient pas le contrôle effectif
de cette exploitation. Ils n’ont fait que tirer profit d’actes de l’UNITA en relation avec
l’exploitation des diamants. Il ne s’agit donc pas de la responsabilité de ces Etats du fait
d’exploitation illicite des ressources naturelles par l’UNITA, mais à l’occasion de cette
exploitation. Toutefois, les faits d’extraction illicite des diamants par le consortium
Cuango Mining Corporation sont susceptibles d’être attribués au Zaïre (aujourd’hui, la
République démocratique du Congo), qui en a été co-fondateur dans la mesure où ce
consortium a été spécialement créé pour cette mission. En effet, le commentaire de la
C.D.I. sous l’article 8 mentionne : « Le fait que l’Etat a été à l’origine d’une société […]
n’est pas une base suffisante pour lui attribuer le comportement ultérieur de cette entité
[…] En revanche, quand la preuve a pu être établie que […] l’Etat utilisait sa position de
propriétaire ou de contrôle de la société spécialement pour parvenir à un résultat tout
particulier, le comportement en question a été attribué à l’Etat »1027.

Pendant le conflit armé en Sierra Leone, un appui militaire et stratégique était


accordé au RUF principalement par le Libéria et son allié, le Burkina Faso. En retour, les
Président Charles Taylor et son allié Blaise Compaoré participaient au commerce des
diamants du RUF. Pour la sauvegarde de leurs intérêts économiques, Charles Taylor avait
directement des représentants dans les zones d’extraction des diamants avec pour mission
de surveiller les transactions. Il facilitait même le commerce des diamants du RUF à
partir du Libéria (Voir supra, chapitre II, section II, §1 et § 2, B, 1). De ces informations
tirées du rapport du Groupe d’experts onusiens sur la Sierra Leone et des rapports des
ONG, nous constatons que le Président Charles Taylor, un organe de l’Etat libérien,
exerçait, non pas un contrôle effectif, mais un contrôle général sur l’exploitation illicite
des diamants par le RUF. Ce point de vue est confirmé par le jugement rendu par la
Chambre de première instance II du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (T.S.S.L.), le
18 mai 2012, en l’affaire Le Procureur c. Charles Ghankay Taylor.

1027
Article 8 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 6, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 133-134 et note
175.
273

Dans cette affaire, la Chambre de première instance II du T.S.S.L. a eu à se


prononcer sur la question de savoir si Charles Taylor n’exerçait pas un contrôle effectif
sur le RUF et sur la coalition AFRC/RUF. Se référant à la jurisprudence du T.P.I.Y.1028,
la Chambre a retenu que ‘‘[i]n order to have ‘effective control’, the perpetrator must
have the material ability to prevent and/or punish the commission of the instigated crimes
or underlying offences’’1029. Sur le point du contrôle effectif, elle conclut qu’elle ‘‘finds
that the RUF and later the AFRC/RUF’s interests were intrinsically linked to the
interests of the Accused, and their relationship was defined by a synergy and
complementarity of these interests. The Accused provided ongoing advice and guidance
to the RUF leadership and had significant influence over the RUF and AFRC, but he did
not have effective control over them, and the relationship cannot be defined within the
framework of a superior-subordinate command structure’’1030.

Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre est partie de la démonstration


selon laquelle, malgré son influence sur les leaders du RUF et de l’AFRC, l’accusé
Charles Taylor ne faisait pas partie de la structure de commandement de ces groupes
armés1031. Ainsi, ‘‘[i]n the Trial Chamber’s view, such influence is insufficient to
establish that the Accused had effective control over the AFRC/RUF. The evidence
indicates that the relationship between the Accused and the AFRC/RUF was mainly
based on common economic, political and military interests. In drawing this conclusion,
the Trial Chamber notes that the advice and instruction of the Accused to the AFRC/RUF
mainly focused on directing their attention to the diamondiferous area of Kono in order
to ensure the continuation of trade, diamonds in exchange for arms and ammunition’’1032.

1028
Čelebići Appeal Judgement, para. 197.
1029
Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-03-01-T, 18 May 2012, available at
http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=k%2b03KREEPCQ%3d&tabid=107, p. 174, footnote 1112.
1030
Ibidem, p. 2405, § 6787.
1031
‘‘The Trial Chamber has found that the Accused may well have been consulted by Koroma, or talked
directly with Bockarie about the promotion while he was in Monrovia, but not that Bockarie was promoted
by the Accused. Like Sankoh, Koroma turned to the Accused for advice and support, and the Trial Chamber
accepts that he would have consulted the Accused. Nevertheless, the Accused was not part of the command
structure’’ (Ibidem, p. 2401, § 6777).
1032
Ibidem, p. 2401-2402, § 6778.
274

Ces éléments nous permettent de revenir à la question de la responsabilité du


Libéria. Nous avons déjà constaté dans le point précédent que la responsabilité du Libéria
est engagée du fait du commerce illicite des diamants sierra-léonais par des organes de
l’Etat libérien. En ce qui concerne particulièrement le contrôle de Charles Taylor, organe
de l’Etat libérien, sur l’exploitation illicite des diamants par le RUF ou par la coalition
AFRC/RUF, il a participé à leur organisation, à la sélection du district diamantifère de
Kono comme leur objectif militaire et à la planification de l’extraction et du commerce
des diamants. Mais, en nous appuyant sur la jurisprudence Nicaragua, du moment que cet
organe de l’Etat n’a pas ordonné ni imposé à ces groupes armés la perpétration de cette
exploitation illicite des diamants (car ne relevant pas de leur chaîne de commandement),
il n’avait pas le contrôle effectif des ces actes illicites1033. La responsabilité du Libéria ne
saurait être engagée pour ces faits d’exploitation illicite des diamants par le RUF, mais
elle pourrait l’être pour violation du droit international (notamment la résolution 2625) à
l’occasion de cette exploitation. Cependant, cette participation du Président Charles
Taylor à l’exploitation illicite des diamants par ces groupes armés entraîne la mise en
cause de sa responsabilité internationale pénale. Cette dernière relève d’un autre registre
et sera abordée dans le chapitre V de ce travail.

En République démocratique du Congo, les forces occupantes ougandaises et


rwandaises, outre le fait qu’elles exploitaient elles-mêmes des ressources naturelles de cet
Etat, ont non seulement autorisé cette exploitation à des entreprises étrangères et
congolaises ainsi qu’à des individus, moyennant le paiement des taxes et redevances,
mais également créé des entreprises à cette fin. Les forces d’occupation ougandaises et
rwandaises exerçaient en plus un contrôle sur des mouvements rebelles congolais, qui à
leur tour se livraient à l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC en vue de
s’approvisionner en matériels militaires et de continuer à s’acheter l’appui de l’Ouganda
ou du Rwanda (Voir supra, chapitre II, section III, § 1, B et § 2). Ainsi que le souligne le
commentaire de la C.D.I., « [l]’attribution à l’Etat d’un comportement qu’il a en fait

1033
Cf. Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, pp. 64-65, § 115.
275

autorisé est largement admise par la jurisprudence internationale »1034. En ce sens,


l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC par des entreprises et des
individus autorisés par les forces rwandaises ou ougandaises est imputable au Rwanda ou
à l’Ouganda, selon le cas. De surcroît, le contrôle exercé par ces forces d’occupation sur
certaines entreprises était tellement accru que celles-ci exploitaient les ressources
naturelles pratiquement sous une « totale dépendance ». Il s’ensuit que, compte tenu de
ces circonstances exceptionnelles, ces entreprises peuvent être assimilées à des « organes
de l’Etat » rwandais ou ougandais et que ces actes d’exploitation illicite sont attribuables
à ces Etats, à raison du droit international coutumier et d’une jurisprudence constante1035.
Enfin, l’exploitation des ressources naturelles de la RDC par des groupes rebelles dans
les territoires sous occupation étrangère, en l’occurrence le district de l’Ituri, alors occupé
par des forces ougandaises, ne peut pas être imputée à la puissance occupante. En fait, ces
groupes rebelles n’agissaient pas au nom et pour le compte de la puissance occupante,
quand bien même ils profitaient des ressources exploitées illicitement pour s’assurer la
continuité de l’appui étranger. Les puissances occupantes ont, à vrai dire, manqué à leur
obligation de vigilance1036. En pareille circonstance, pour reprendre l’éloquente
expression de R. Wolfrum, ‘‘[t]he private conduct only constitutes the trigger for

1034
Article 8 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 131. Voir la
jurisprudence citée par la C.D.I. dans la note 161.
1035
Nous nous référons ainsi à la C.I.J. qui, dans l’affaire du Génocide, mentionne que « selon la
jurisprudence de la Cour, une personne, un groupe de personnes ou une entité quelconque peuvent être
assimilés - aux fins de la mise en œuvre de la responsabilité internationale - à un organe de l’Etat même si
une telle qualification ne résulte pas du droit interne, lorsque cette personne, ce groupe ou cette entité agit
en fait sous la ‘‘totale dépendance’’ de l’Etat, dont il n’est, en somme, qu’un simple instrument. En pareil
cas, il convient d’aller au-delà du seul statut juridique, pour appréhender la réalité des rapports entre la
personne qui agit et l’Etat auquel elle se rattache si étroitement qu’elle en apparaît comme le simple agent:
toute autre solution permettrait aux Etats d’échapper à leur responsabilité internationale en choisissant
d’agir par le truchement de personnes ou d’entités dont l’autonomie à leur égard serait une pure fiction
[…]. Cependant, une telle assimilation aux organes de l’Etat de personnes ou d’entités auxquelles le droit
interne ne confère pas ce statut ne peut que rester exceptionnelle ; elle suppose, en effet, que soit établi un
degré particulièrement élevé de contrôle de l’Etat sur les personnes ou entités en cause, que l’arrêt précité
de la Cour a caractérisé précisément comme une ‘‘totale dépendance’’ » (Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007, p. 205, §§ 392-393). L’arrêt évoqué dans ce passage est celui rendu en l’affaire
Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, pp. 62-63, §§ 109-110).
1036
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 253, § 247.
276

international responsibility but it is the conduct of State officials or the lack of conduct
which counts’’1037.

Il est possible que les Etats qui s’adonnent à l’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger bénéficient de l’appui d’autres Etats. Il importe
de nous pencher à présent sur la responsabilité de ces derniers.

§3. Aide ou assistance d’un Etat en matière d’exploitation illicite des ressources
naturelles

Avant d’aborder les différentes modalités de la fourniture de l’aide ou


l’assistance à l’auteur d’une exploitation illicite des ressources naturelles d’un autre Etat
(B), il nous semble utile de préciser la ou les notion(s) d’aide ou d’assistance dans la
commission d’un fait internationalement illicite (A).

A. Aide ou assistance dans la commission d’un fait internationalement illicite

L’article 16 du Projet de la C.D.I. règle la question de l’aide ou l’assistance


dans la commission du fait internationalement illicite en ces termes :

« L’Etat qui aide ou assiste un autre Etat dans la commission du fait


internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable pour avoir
agi de la sorte dans le cas où :

a) Ledit Etat agit ainsi en connaissance des circonstances du fait


internationalement illicite; et

b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet Etat ».

La lecture de cet article suscite directement en nous cette interrogation : Y a-


t-il une différence entre « aider » et « assister » un Etat dans la commission d’un fait
internationalement illicite ? Le Dictionnaire de droit international public, sous la
direction de Jean Salmon, définit l’ « aide », au sens A, en ces termes : « Appui,
assistance, soutien accordé à un autre sujet de droit. Si l’aide est accordée pour accomplir

1037
R. WOLFRUM, ‘‘Art. cit.’’, p. 425.
277

un acte illicite, on se rapproche du concept de complicité »1038. L’exemple cité dans ce


sens est la disposition même de l’article 16 du Projet de la C.D.I. de 2001 sur la
responsabilité de l’Etat. Quant au sens du vocable « assistance », le même dictionnaire
mentionne : « Aide accordée par un sujet de droit à un autre »1039. Les deux termes sont
donc synonymes et se rapprochent, dans un contexte de commission d’un fait
internationalement illicite, du concept de « complicité ».

Il y a « complicité » lorsque l’aide ou l’assistance est « donnée par un Etat à


la réalisation d’un fait internationalement illicite perpétré par un autre Etat »1040.
L’intention de l’auteur de l’aide de contribuer à la commission du fait internationalement
illicite est déterminante dans la complicité. En effet, « [p]our qu’il y ait complicité, outre
l’aide ou l’assistance, il faut encore qu’il y ait, de la part de l’Etat qui assiste, une
intention de collaborer à la réalisation d’un acte illicite et donc la connaissance du but
spécifique en vue duquel l’Etat destinataire de l’assistance entend se servir de cette
dernière »1041.

La « complicité », consacrée dans le « Septième rapport sur la responsabilité


1042
des Etats » présenté par le rapporteur spécial Roberto Ago, fut considérée par la
C.D.I., en 1978, comme une notion ayant acquis un droit de cité en droit international1043.
Cependant, note Pierre d’Argent1044, à la suite des débats au sein de la C.D.I., où fut
exprimée par certains de ses membres la crainte d’une confusion conceptuelle avec le
droit interne, le mot « complicité » fut remplacé, dans le projet d’articles, par la notion
d’ « aide ou [d’] assistance d’un Etat pour la perpétration d’un fait internationalement
illicite ». L’article 16 du Projet de 2001 a finalement retenu l’expression « aide ou
assistance dans la commission du fait internationalement illicite ».

1038
J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 53.
1039
Ibidem, p. 96.
1040
Ibidem, p. 218.
1041
Ibidem, p. 218.
1042
R. AGO, « Septième rapport sur la responsabilité des Etats », in A.C.D.I., 1978, Vol. II, Première
partie, p. 57, § 77.
1043
Cf. Commission du droit international, Rapport de la Commission à l’Assemblée générale sur les
travaux de sa trentième session, in A.C.D.I., 1978, Vol. II, 2e partie, p. 115, § 15.
1044
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 549 et note
1816.
278

Dans son arrêt du 27 juin 1986, en l’affaire des Activités militaires et


paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), la
Cour internationale de Justice utilise à plusieurs reprises les mots « aide » et
« assistance », sans les définir. Même si, en l’espèce, il s’agit d’une assistance ou d’une
aide d’un Etat à des acteurs non étatiques, une lueur sur le sens de ces termes, même en
ce qui concerne les rapports interétatiques, peut résulter de leur usage. Dans cet arrêt,
nous constatons que ces vocables sont interchangeables, comme il ressort, par exemple,
de ce passage : « Tout compte fait, les éléments dont la Cour dispose donnent à penser
que les diverses formes d'assistance accordées par les Etats-Unis aux contras ont été
essentielles pour permettre à ceux-ci de poursuivre leur activité, mais ne suffisent pas à
démontrer leur totale dépendance par rapport à l'aide des Etats-Unis. En revanche, ils
indiqueraient que dans les premières années de l'assistance des Etats-Unis une telle
dépendance existait. […] Il lui est a fortiori impossible d'assimiler, juridiquement
parlant, la force contra aux forces des Etats-Unis. Cette constatation n'épuise cependant
pas la question de la responsabilité incombant aux Etats-Unis pour leur assistance aux
contras »1045.

Cela dit, de par la disposition de l’article 16 sous examen, l’Etat qui aide
intentionnellement un autre Etat à perpétrer un fait internationalement illicite commet une
violation autonome du droit international dans la mesure où il est également lié par
l’obligation violée par l’Etat bénéficiaire de son assistance. Ainsi, l’Etat qui fournit à un
autre Etat une aide ou une assistance dans l’exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat étranger « est responsable à raison de son propre fait, c’est-à-dire pour avoir
aidé délibérément un autre Etat à enfreindre [des] obligation[s] internationale[s] par
[lesquelles] ils sont tous deux liés »1046, en l’occurrence l’interdiction du pillage, le
respect de la souveraineté permanente d’un Etat sur ses ressources naturelles, etc.

Au sens de l’article 16, l’Etat qui prête aide ou assistance à un Etat qui se
livre à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un autre vise à lui faciliter ainsi la

1045
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, pp. 62-63, § 110.
1046
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 181.
279

commission de ce fait internationalement illicite1047. Il n’est pas pour autant responsable


de ce fait commis par l’Etat bénéficiaire de son assistance1048. Il a commis un fait illicite
différent, mais à l’occasion du fait illicite du bénéficiaire de son aide. L’importance de
l’aide accordée pour la commission de ce fait illicite aura une incidence sur la réparation
des dommages qui s’ensuivent, comme nous le verrons après (section II, § 3, B).

Concrètement, comment un Etat peut-il prêter à un autre Etat une aide dans
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger ?

B. Modalités de la fourniture de l’aide ou l’assistance à l’auteur d’une exploitation


illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger

L’aide d’un Etat à un autre dans l’exploitation illicite des ressources


naturelles d’un Etat étranger peut consister, dans le chef de l’auteur de cette assistance,
notamment, à offrir des moyens matériels et financiers pour l’exploitation de ces
ressources en violation du droit international, à acheter lui-même ces ressources, à
permettre leur transit par son territoire pour accéder aux marchés internationaux, etc.
L’Etat qui agit ainsi doit avoir connaissance de l’illicéité des activités dont il facilite la
réalisation pour tomber sous le coup de l’article 16.

Dans la pratique rencontrée dans les conflits armés étudiés (Angola, Sierra
Leone et RDC), les conflits armés angolais et sierra-léonais n’offrent pas d’exemples
d’aide d’un Etat à un autre Etat dans l’exploitation illicite des diamants. Ils illustrent
plutôt l’aide des Etats à des groupes armés (UNITA, en Angola et RUF, en Sierra Leone)
pour l’exploitation des « diamants de sang ». Ces cas ne rentrent pas dans le champ
d’application de l’article 16. Par contre, dans le cadre du conflit armé congolais, nous
avons relevé que certains Etats ont de facto facilité l’exploitation illicite des ressources
naturelles de la RDC par l’Ouganda et par le Rwanda et par des multinationales
autorisées par ces Etats. Il y a lieu d’examiner en l’espèce s’il y a là matière à application
de l’article 16 du Projet de la C.D.I. Comme nous l’avons souligné dans le chapitre II, le
Kenya, la Tanzanie, le Cameroun et l’Afrique du Sud ont, par leurs ports maritimes, servi

1047
Cf. Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 1, in Ibidem, p. 177.
1048
Cf. Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in Ibidem, p. 181.
280

de pays de transit des ressources naturelles illicitement exploitées en RDC. Mais, selon
les experts onusiens, « [o]n n’y constate cependant pas, en règle générale, une intention
particulière de dissimuler la situation ou de protéger certains intérêts. […] Ces pays
étaient en effet liés par des accords et conventions signés dans le cadre d’organisations
sous-régionales comme le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA)
pour les ports de Mombasa et Dar es-Salaam et l’Union douanière et économique de
l’Afrique centrale/ Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale
(UDEAC/CEMAC pour le port de Douala »1049.

On comprend que, même si des pays de transit, précisément le Kenya et la


Tanzanie, ont en réalité facilité l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC
par l’Ouganda et par le Rwanda, ils n’avaient pas l’intention de prêter assistance à ces
Etats. Les conditions de l’article 16 ne sont donc pas réunies.

Néanmoins, on retiendra que dans certains cas, il peut être établi que ces Etats
de transit ont manqué à une obligation de vigilance, en laissant passer par leurs territoires
des ressources réputées d’origine ougandaise ou rwandaise alors qu’ils n’en produisent
pas, notamment le diamant1050. Ces Etats de transit auraient dû accroître leur contrôle
surtout qu’ils savaient ou auraient dû savoir que l’Ouganda et le Rwanda étaient accusés
par le Conseil de sécurité des Nations unies de se livrer à l’exploitation illicite des
ressources naturelles de la RDC. Par ailleurs, s’agissant du Kenya, le Groupe d’experts
rapporte qu’il « a servi de base à la distribution de faux dollars américains et accueilli les
opérations financières de négociants qui exportent des ressources naturelles (bois, café,
tabac) par le port de Mombasa »1051. Dans ces circonstances, on peut estimer que ces pays
de transit ont manqué à une obligation de vigilance. De même, il n’est pas établi que des
Etats de destination des ressources naturelles illicitement exploitées par l’Ouganda et par
le Rwanda ainsi que par des multinationales coopérant avec eux avaient l’intention de
faciliter le commerce illicite des ressources naturelles. On doit leur reprocher non pas une

1049
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 41, § 191. Le port de Douala a servi à l’exportation des
ressources naturelles de la RDC par le Mouvement de Libération du Congo via la République
centrafricaine (Cf. Ibidem, p. 41, § 192).
1050
Cf. Ibidem, p. 22-23, §§ 97-100 et p. 26, § 104.
1051
Ibidem, p. 42, § 194.
281

complicité dans cette exploitation illicite, mais un manquement à une obligation de


vigilance.

La pratique démontre que l’exploitation illicite des ressources naturelles en


temps de conflit armé implique une diversité d’acteurs étatiques. L’Etat victime de cette
exploitation illicite est généralement fragilisé et ne dispose plus de moyens nécessaires à
l’établissement de la participation de chacun des acteurs. A cette fin, la contribution des
organisations internationales devient primordiale.

§4. Rôle des organisations internationales dans la constatation de l’exploitation illicite


des ressources naturelles

Le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et le Secrétaire général des


Nations unies ont joué un rôle clé dans la constatation de l’exploitation illicite des
ressources naturelles dans le cadre des conflits armés en Angola, en Sierra Leone et en
RDC. En témoignent la multitude de résolutions et déclarations et les différents rapports
des groupes d’experts onusiens sur lesquels nous nous sommes largement appuyé dans la
première partie (chapitre II).

L’exploitation illicite des ressources naturelles en temps de conflits armés a


également été dénoncée par d’autres organisations internationales (Union européenne,
Union africaine, C.E.D.E.A.O., C.I.R.G.L.,…). Il ne nous semble pas utile de nous y
attarder. Nous trouvons plus judicieux d’examiner l’attitude ambiguë des deux grandes
institutions financières mondiales, le F.M.I. et la Banque mondiale, particulièrement eu
égard à l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC par l’Ouganda et par le
Rwanda.

Pendant l’occupation militaire de l’est de la RDC par des forces armées


ougandaises et rwandaises, la contribution significative des ressources naturelles
provenant illicitement de cette partie du territoire congolais à l’épanouissement de
l’économie de ces deux Etats a été suffisamment établie par des experts des Nations unies
et par d’autres personnalités indépendantes.

Il est étonnant que, dans cette situation, des donateurs multilatéraux, en


particulier le F.M.I., qui s’intéressaient davantage à la situation du Trésor ougandais,
282

aient renforcé leur confiance en l’économie de ces pays1052. La Banque mondiale et le


F.M.I., au lieu de mener des audits dans ces deux Etats accusés d’exploitation illicite des
ressources naturelles de la RDC, ont plutôt vanté et encouragé leurs performances
économiques et maintenu l’aide internationale1053. Sur ce point, le rapport du Groupe
d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la
RDC fustige particulièrement l’attitude de la Banque mondiale en ces termes :

« La Banque mondiale a loué la performance économique de l’Ouganda, a


présenté comme un succès les réformes accomplies dans le cadre des programmes
d’ajustement structurel et a défendu la candidature de l’Ouganda au nouveau
programme d’allégement de la dette lancée sous le nom d’Initiative en faveur des pays
pauvres très endettés. […] Or, le Groupe d’experts dispose d’indications selon lesquelles
cette performance économique s’explique en partie, surtout pendant les trois dernières
années, par l’exploitation des richesses de la République démocratique du Congo. […]
Dans le cas de l’Ouganda et de l’exploitation par ce pays des ressources naturelles de la
République démocratique du Congo, la Banque mondiale ne s’est jamais interrogée sur
l’augmentation des exportations ougandaises de ressources naturelles. […] Pendant la
visite du Groupe d’experts en Ouganda, le représentant de la Banque mondiale a exclu
toute implication de l’Ouganda dans l’exploitation des richesses de la République
démocratique du Congo. Non contente d’encourager indirectement l’Ouganda et le
Rwanda en défendant leur cause, la Banque mondiale a aussi donné l’impression qu’elle
les récompensait en proposant que ces deux pays bénéficient de l’Initiative en faveur des
pays pauvres très endettés. […] L’attitude de la Banque en la matière ne semble pas être
sans précédent. Lors de la crise au Cambodge, pendant les années 80, la Banque
mondiale a fermé les yeux sur l’exploitation illicite de la forêt cambodgienne ; la
question se pose donc de savoir si la Banque mondiale a pour politique, lorsqu’elle traite

1052
Voir, par exemple, Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et
autres richesses de la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 32, § 138.
1053
Cf. HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du Congo, Op. cit., pp.
139-140.
283

avec ses clients, de faire comme si les questions (sensibles ou non) de gouvernance au
sens large du terme n’existaient pas »1054.

Comme on peut le déduire de ces observations du Groupe d’experts, la


Banque mondiale, plutôt que de contribuer à lutte contre l’exploitation illicite des
ressources naturelles, peut adopter des attitudes de nature à l’encourager indirectement. Il
nous semble que toutes les organisations ou institutions internationales dont sont
membres les Etats actifs dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’autres
Etats devraient non seulement dénoncer, mais également « sanctionner » les auteurs de
ces activités. Cette réaction institutionnelle pourrait également servir de preuve du fait
illicite qui a causé le préjudice dont l’Etat lésé réclame réparation.

Section II. Réparation du préjudice causé par l’exploitation illicite des ressources
naturelles

Le préjudice ou dommage1055 est une atteinte à un droit subjectif, autrement


dit, à un intérêt juridiquement protégé1056. Sans doute, cette protection doit être assurée
par l’ordre juridique international1057. Sans pour autant revenir à la « querelle du
dommage »1058, il importe de souligner que l’omission du dommage de la définition de la

1054
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 41, §§ 187-190.
1055
« Certains auteurs établissent une distinction entre préjudice et dommage ; les deux termes sont
considérés comme équivalents » (P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 880, § 483).
Parmi les auteurs qui différencient le préjudice du dommage, il y a lieu de mentionner Clarisse Barthe-Gay
qui écrit à ce sujet : « Le dommage est une donnée de fait qu’il est possible de constater de manière
objective ; le préjudice est la conséquence du dommage propre à la victime. Tout préjudice suppose un
dommage, mais tout dommage n’entraîne pas un préjudice : il semble nécessaire de séparer l’atteinte que
constitue le dommage des conséquences qu’il est susceptible d’emporter (le préjudice). C’est donc le
préjudice, et non le dommage, qui fait l’objet d’une réparation » (CL. BARTHE-GAY, « Art. cit., p. 107).
Pour la C.D.I., à qui nous emboîtons le pas, ces deux termes sont synonymes et donc interchangeables,
comme on peut lire dans ce commentaire sous l’article 37 : « [L]a satisfaction est destinée à réparer ces
dommages qui, n’étant pas susceptibles d’évaluation financière, constituent un affront pour l’Etat. Ces
préjudices sont souvent de nature symbolique, et découlent du simple fait de la violation, indépendamment
des conséquences matérielles de cette violation pour l’Etat concerné » (Article 37 du Projet de la C.D.I.,
Commentaire, § 3, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 278).
1056
Cf. J. COMBACAU et S. SUR, Op. cit., p. 530.
1057
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 572.
1058
En nous référant à Prosper Weil, nous pouvons résumer cette « querelle du dommage » comme suit :
Pour une partie de la doctrine « sans dommage, pas de responsabilité internationale ». Selon la C.D.I. et
bien des auteurs à sa suite, « [p]our qu’il y ait responsabilité internationale, il faut, et il suffit, que l’Etat ait
284

responsabilité internationale ne signifie nullement son abandon. Karl Zemanek souligne


bien que « c’est parmi les conséquences de la responsabilité que l’appréciation du
dommage trouve sa place appropriée »1059. En témoignent notamment les articles 31, 34,
36, 37, 39, 42 et 48 du Projet de la C.D.I.

La réparation des dommages causés par l’exploitation illicite des ressources


naturelles d’un Etat étranger soulève directement les principales questions ci-après :

- En quoi consiste la réparation en droit international ?

- Comment réparer les dommages causés par l’exploitation illicite des


ressources naturelles d’un Etat étranger ?

- Qui doit les réparer ?

- Qui peut en réclamer réparation ? Pour qui ? Sous quelles formes ?

- Comment et auprès de quelle instance réclamer réparation ?

Pour répondre à ces questions, nous aborderons progressivement le dommage


causé par l’exploitation illicite des ressources naturelles (§1), le principe fondamental et
les formes de la réparation en droit international (§2), les titulaires de l’obligation de
réparer (§3), les bénéficiaires du droit à réparation (§4) et la mise en œuvre de
l’obligation de réparer (§5).

§1. Le dommage causé par l’exploitation illicite des ressources naturelles

L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger cause


nécessairement des dommages, dont il convient de déterminer les contours (A). Une
réparation est due pour ces dommages puisqu’ils résultent directement de ce fait illicite,

violé une obligation internationale. L’existence d’un dommage, fût-il moral, n’est pas requise ». On est
donc en présence d’ « [u]ne controverse en partie sémantique […] mais aussi [d’] un débat de fond ».
Bref, « c’est la philosophie même de la responsabilité internationale qui est en cause » (Voir P. WEIL,
« Le droit international en quête de son identité. Cours général de droit international public », in R.C.A.D.I.,
Tome 327, 1992-VI, pp. 340-341). A simplement parler, cette querelle porte sur les éléments constitutifs de
la responsabilité internationale (Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international
public, Op. cit., pp. 427 et 565).
1059
K. ZEMANEK, « La responsabilité des Etats pour faits internationalement illicites, ainsi que pour faits
internationalement licites », in WEIL, P. (sous la direction de), Responsabilité internationale, Paris,
Pedone, 1987, p. 25.
285

autrement dit, parce qu’un lien de causalité existe entre les dommages et le fait illicite
(B). Cependant, la contribution de la victime à son préjudice exerce une influence sur la
réparation (C).

A. Le dommage

L’Etat victime d’une exploitation illicite de ses ressources naturelles subit un


dommage matériel (1) et un dommage moral (2).

1. Dommage matériel
Le dommage matériel est habituellement défini comme une atteinte à un
intérêt qui est normalement susceptible d’une appréciation en termes monétaires1060.
Cependant, indique Philippe Gautier, dans certains cas, notamment la destruction des
ressources naturelles communes comme l’eau ou la végétation, la distinction fondée sur
la valeur (non-) commerciale des ressources présente des limites dans la mesure où
l’évaluation (monétaire) du dommage est difficile1061. S’agissant de la destruction de
l’eau, par exemple, doit-on, pour l’évaluation du dommage, tenir compte du prix d’une
bouteille ou prendre en considération ses différents usages et la perte de leur jouissance ?
Des dommages purement écologiques ne sont-ils pas matériels ? Comment les évaluer en
vue de la réparation ? Pour ce qui est des ressources non négociables sur le marché, leur
destruction ne cause-t-elle pas à leur bénéficiaire, notamment pour ce qui est des services
écologiques, un dommage matériel, qu’il convient de réparer ? La pratique de la
Commission d’indemnisation des Nations unies apporte de la lumière sur ces
questions1062, ainsi que nous le verrons au cours de l’examen de la réparation du
dommage matériel (Voir cette section, § 2, B, 1, b).

1060
Cf. J. COMBACAU et S. SUR, Op. cit., p. 530.
1061
Cf. PH. GAUTIER, ‘‘Environmental Damage and The United Nations Claims Commission: New
Directions for Future International Environmental Cases?’’, in T. M. NDIAYE & R. WOLFRUM (Eds),
Law of the Sea, Environmental Law and Settlement of Disputes. Liber Amicorum Judge Thomas A. Mensah,
Martinus Nijhoff Publishers, Leiden/ Boston, 2007, p. 208.
1062
Cf. Ibidem, pp. 208-209.
286

De manière générale, le dommage matériel est une atteinte au patrimoine. De


ce fait, on parle parfois de dommage patrimonial1063. Il comprend le damnum emergens
(perte éprouvée) et, le cas échéant, le lucrum cessans (manque à gagner)1064.

Dans le cas de l’exploitation illicite des ressources naturelles des Etats


africains dans les contextes que nous avons décrits, il n’y a aucune difficulté à
comprendre que cet Etat subit un dommage patrimonial. Il en est de même des
particuliers exerçant un droit de propriété ou de jouissance sur les ressources affectées.

Dans la première partie de cette étude (chapitre II), nous avons, en guise
d’illustration, relevé des estimations partielles de la valeur des quantités de ressources
naturelles pillées par l’Ouganda et par le Rwanda en RDC, par l’UNITA et ses alliés
étatiques en Angola et par le RUF et ses alliés étatiques en Sierra Leone. Il a été question
de milliards de dollars américains. Nul besoin d’y revenir.

2. Dommage moral
Le dommage moral ou immatériel ou « extrapatrimonial »1065, parfois appelé
dommage psychologique, est une atteinte à un intérêt qui n’est pas immédiatement
appréciable en termes monétaires1066, « même si en définitive les mécanismes de la
responsabilité doivent aboutir, faute de mieux, à une réparation de ce type »1067. Il s’agit
notamment d’une atteinte à l’honneur, au prestige ou à la dignité de l’Etat, lesquels font
partie intégrante de sa personnalité1068.

Dans l’affaire du Rainbow Warrior, la Nouvelle-Zélande a soutenu que


l’affront essuyé, par suite du rapatriement anticipé par la France des deux agents en
violation du traité conclu par les deux parties, qui a ravivé tous les sentiments d’outrage
qui avaient suivi l’incident du Rainbow Warrior, lui a causé un préjudice moral consistant

1063
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 617.
1064
Cf. D. RUZIE, Op. cit., p. 106.
1065
G. ARANGIO-RUIZ, « Deuxième rapport sur la responsabilité des Etats », in A.C.D.I., 1989, Vol. II,
Première partie, p. 4, §§ 7 et 9.
1066
Cf. J. COMBACAU et S. SUR, Op. cit. , p. 530.
1067
Ibidem, p. 530.
1068
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 596 ; et J.
PERSONNAZ, La réparation du préjudice en droit international public, Paris, Sirey, 1939, p. 277.
287

en une violation portant profondément atteinte à son honneur, sa dignité et son


prestige1069. Le Tribunal arbitral a fait droit à cette prétention1070.

Le préjudice moral, note Jean Personnaz, « peut être causé à l’Etat, soit
directement, soit de manière plus indirecte, dans la personne de ses représentants
divers »1071. Il peut également atteindre l’Etat en la personne d’un de ses
ressortissants1072. Plus globalement, le dommage immatériel de l’Etat résulte de la
violation de l’un de ses trois droits fondamentaux, à savoir : « l’Etat a droit au respect de
sa qualité souveraine ; l’Etat a droit au respect de ses biens ; l’Etat a droit à voir le droit
international respecté en la personne de ses ressortissants »1073.

Au regard de ces droits fondamentaux de l’Etat, quelques considérations


méritent d’être dégagées en ce qui concerne le dommage que subit un Etat victime
d’exploitation illicite de ressources naturelles.

Premièrement, l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat viole


sa souveraineté. L’Etat est lésé par la privation de son consentement de principe,
nécessaire à toute action d’un Etat étranger sur son territoire. Nous avons déjà largement
traité de la violation de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles d’un Etat.

Deuxièmement, il se comprend aisément que le non-respect des biens de


l’Etat peut engendrer dans le chef de celui-ci, en plus du dommage moral, un dommage
matériel. C’est, entre autres, le cas de l’exploitation illicite de ses ressources naturelles,
qui cause également, voire de manière plus remarquable, un dommage matériel évident,
ainsi que nous l’avons souligné. Certes, le dommage moral que subit un Etat du fait de
l’exploitation illicite de ses ressources n’est pas à sous-estimer. En effet, l’Etat victime se

1069
Cf. Sentence arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle-Zélande c. France), in R.G.D.I.P., 1990, p. 868, §
108.
1070
« Le Tribunal doit constater en l’espèce que la violation du régime particulier, défini par le Secrétaire
général pour concilier les vues contradictoires des Parties, a suscité outrage et indignation publique en
Nouvelle-Zélande et donné lieu à un nouveau dommage immatériel. Il s’agit là d’un dommage de nature
morale, […] lié à l’affront fait à la dignité et au prestige non seulement de la Nouvelle-Zélande en soi mais
aussi de ses plus hautes autorités judiciaires et exécutives » (Ibidem, p. 869, § 110).
1071
J. PERSONNAZ, Op. cit., p. 278.
1072
Cf. Ibidem, p. 280.
1073
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 595. Pour des
explications et exemples relatifs à ces droits fondamentaux de l’Etat, voir pp. 595-621.
288

trouve profondément affecté dans son honneur et sa dignité du fait que son incapacité à
protéger ses ressources naturelles apparaît au grand jour, au risque de jeter sur lui un
discrédit tant au niveau national qu’international. Le dommage moral s’accroît lorsque
l’auteur de l’exploitation illicite fait des déclarations de nature à vexer la victime. Qu’on
songe, par exemple, à la déclaration du Président Kagame, déjà citée, selon laquelle la
guerre du Rwanda contre la RDC est « un conflit qui s’autofinance »1074.

Troisièmement, enfin, l’Etat a droit au respect du droit international à l’égard


de ses ressortissants. Dans le cadre de l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un
Etat étranger en période de conflit armé, ses ressortissants subissent généralement des
dommages matériels (privation des droits patrimoniaux de propriété ou de jouissance) et
des dommages moraux (souffrances dues aux dommages matériels, violations des droits
de l’homme extrapatrimoniaux). Cet Etat est en droit de réclamer réparation de ces
dommages matériels et moraux subis par ses ressortissants par le mécanisme de la
protection diplomatique en leur faveur.

Selon une position doctrinale, soutenue notamment par Pierre d’Argent, « les
dommages moraux subis par les ressortissants de l’Etat réclamant constituent dans son
chef un dommage matériel, et non moral, à l’intermédiaire du mécanisme de la protection
diplomatique »1075. Que l’Etat prenant fait et cause pour son ressortissant ayant souffert
un dommage moral subisse lui-même de cette action un dommage matériel, cela se
comprend facilement. Tel serait, par exemple, le cas de nombreuses dépenses qu’effectue
cet Etat dans le cadre de cet endossement. Est-ce à dire que cet Etat ne subit pas de
dommage moral découlant de ce dommage matériel constitué dans son chef à
l’intermédiaire de la protection diplomatique en faveur de son ressortissant qui a souffert
des dommages moraux ? On peut éprouver quelques hésitations à répondre totalement par
l’affirmative, du moins tant que l’on admet, à la lumière des enseignements de Jean
Combacau, qu’il n’existe pratiquement pas de « dommage purement matériel » : « [S]’il
existe des dommages exclusivement moraux, comme l’offense au drapeau […] on aurait

1074
Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République démocratique du Congo, Op. cit., p. 28, § 114.
1075
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 596 et 716-717
(notre emphase).
289

du mal à en trouver de purement matériels; l’Etat qui subit un tort matériel peut toujours
invoquer en même temps un tort moral : quand le premier est étayé par l’allégation
d’une violation du droit international à son égard […] le second en est l’inévitable
corollaire ; en effet, l’Etat a un intérêt légal à voir le droit international respecté à son
égard »1076.

Cependant, contrairement à Jean Combacau, Gaetano Arangio-Ruiz, alors


rapporteur spécial de la C.D.I., avait déjà, dans son « Deuxième rapport sur la
responsabilité des Etats », évoqué (par une formulation négative que nous mettons en
évidence) la possibilité d’un dommage « exclusivement matériel » : « [L]e dommage
[subi par des ressortissants ou des agents d’un Etat], qui atteint internationalement l'Etat
de manière directe même si le préjudice est subi par ses ressortissants ou ses agents
agissant à titre privé, n'est pas toujours exclusivement matériel. Au contraire, il arrive
souvent qu'il soit aussi, voire exclusivement, moral - et c'est un dommage moral dont
l'indemnisation peut être légitimement demandée, au même titre que celle du dommage
matériel »1077. On peut toutefois regretter que le rapporteur spécial n’ait pas indiqué
d’exemple de dommage exclusivement matériel. Peut-on considérer comme exemple de
dommage exclusivement matériel celui que subit l’Etat du fait de l’exercice de sa
protection diplomatique en faveur de ses ressortissants ayant souffert des dommages
moraux ? Sans nul doute, on admet comme droit fondamental de l’Etat le respect du droit
international en la personne de ses ressortissants. Dès que le droit des gens est violé en la
personne de ces derniers, l’Etat subit immanquablement un préjudice extrapatrimonial.
Celui-ci cesse-t-il d’être moral pour devenir purement matériel lors de la protection
diplomatique ? Il nous semblerait que par ce mécanisme le dommage subi par l’Etat
conserve ses aspects moraux auxquels s’ajoutent des aspects matériels. Ce faisant, il nous
semblerait que dans le cadre de la protection diplomatique, les dommages moraux
soufferts par le ressortissant de l’Etat réclamant constituent à la fois des dommages
matériels et moraux de cet Etat. La même solution devrait être retenue pour ce qui est des
dommages matériels causés à son ressortissant.

1076
J. COMBACAU et S. SUR, Op. cit., p. 531.
1077
G. ARANGIO-RUIZ, « Deuxième rapport sur la responsabilité des Etats », « Art. cit. », p. 4, § 9 (notre
emphase).
290

Qu’il soit matériel ou moral, le dommage doit être consécutif à un


manquement au droit international pour être réparable.

B. Le lien de causalité entre la violation du droit international et le dommage

L’existence d’un lien de causalité entre le fait internationalement illicite et le


dommage, comme condition de la réparation de ce dernier, fait l’unanimité de la doctrine.
A titre illustratif, nous lisons sous la plume de Brigitte Bollecker-Stern: « On considère
généralement que n’est susceptible de réparation que le dommage lié à l’acte illicite par
un lien de causalité »1078. De surcroît, écrit-elle, « il ne suffit pas qu’existe un dommage
susceptible d’indemnisation pour que naisse un droit à réparation, il faut encore que l’acte
qui est à l’origine de l’obligation de réparer et le préjudice soient réunis par un lien
suffisamment étroit pour justifier cette réparation »1079.

La condition du lien de causalité, pourtant bien connue du droit de la


responsabilité internationale, n’a pas fait l’objet d’une codification détaillée par la C.D.I.
L’article 31, § 1er du Projet d’articles de la C.D.I. de 2001 se contente d’énoncer que le
préjudice à réparer doit avoir été causé par le fait internationalement illicite. De même, en
vertu du §2 dudit article, le dommage réparable doit résulter du fait internationalement
illicite. La réglementation des détails relatifs au lien causal aurait été aventureuse.
Comme l’observe Pierre d’Argent, la « diversité ‘‘infinie’’ dans laquelle se présentent les
faits et les rapports possibles entre eux conduit à se méfier de toute définition d’un cadre
de règles rigides pour apprécier la ‘‘causalité’’ en droit, et laisser le soin aux parties, au
juge ou à tout tiers extérieur devant en décider, toute liberté à cet égard. Dès lors que la
causalité est incontestablement une question d’espèce […], il n’y aurait pas lieu d’établir
quelque norme que ce soit à son propos »1080.

L’étude de ce rapport de cause à effet entre le fait illicite et le dommage est


essentiellement doctrinale et jurisprudentielle1081. Elle cherche à répondre à la question de

1078
B. BOLLECKER-STERN, Le préjudice dans la théorie de la responsabilité internationale, Paris,
Pedone, 1973, p. 18.
1079
Ibidem, p. 180. Voir également B. STERN, « Art. cit. », p. 4 ; P. D’ARGENT, Les réparations de
guerre en droit international public, Op. cit., p. 564 ; J. VERHOEVEN, Op. cit, p. 616 ; etc.
1080
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 625.
1081
Cf. B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., pp. 180-184.
291

« savoir dans quels cas le lien de causalité entre [le fait] illicite et le dommage est
considéré comme suffisant pour ouvrir un droit à réparation »1082. Vu que la doctrine et la
jurisprudence s’influencent mutuellement, nous n’en ferons pas d’analyses séparées.
Nous évoquerons l’une ou l’autre chaque fois que de besoin.

Selon la doctrine, il existe deux types de lien de causalité : le lien de causalité


simple et le lien de causalité complexe1083. L’étude du lien de causalité simple consiste en
la détermination de l’ensemble des faits qui peuvent être considérés comme des
conséquences d’un seul fait illicite1084. Il s’agit, pour reprendre les termes de Pierre
d’Argent, de l’étude de la « chaîne de causalité »1085. En revanche, l’étude de la causalité
complexe concerne les difficultés posées par le concours, l’articulation de plusieurs
causes, dont au moins une est un fait illicite, dans la production du dommage1086.

Pour la clarté de notre exposé, il convient de présenter brièvement quelques


considérations théoriques sur le lien de causalité simple (1), puis sur le lien de causalité
complexe (2), en les illustrant, tant que faire se peut, par l’exploitation illicite des
ressources naturelles et les dommages qui en résultent.

1. Lien de causalité simple


Le lien de causalité simple existant entre un préjudice et un fait illicite peut
être pur ou transitif1087. Il est pur lorsque le dommage résulte clairement et sans étape
intermédiaire d’un seul fait illicite1088. Lorsque, par exemple, des forces d’occupation
pillent des stocks de minerais de la puissance occupée, ce fait illicite (pillage) provoque
directement un dommage matériel (privation des minerais ou de leur équivalent
monétaire) et moral (violation de la souveraineté sur les ressources naturelles) dans le
chef de l’Etat lésé. Ou encore, l’extraction des ressources naturelles d’un Etat sans son
consentement et en violation des droits des mineurs (travaux forcés, conditions
inhumaines, perception obligatoire d’une quote-part,…) cause des dommages matériels

1082
Ibidem, p. 184.
1083
Cf. Ibidem, p. 184.
1084
Cf. Ibidem, p. 184.
1085
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 627.
1086
Cf. Ibidem, p. 627 et B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 184.
1087
Cf. B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 186.
1088
Cf. Ibidem, p. 186.
292

(pertes de rémunérations, privation de minerais) et moraux (souffrances psychologiques)


à ces mineurs, mais aussi à l’Etat (privation de ressources ou de leur équivalent, violation
de sa souveraineté, violation du droit international en la personne de ses ressortissants).
Dans chacun de ces deux exemples, il existe un lien de causalité pur entre les dommages
et le fait illicite qui en est l’origine.

Par contre, le lien de causalité est transitif lorsqu’il « se présente comme


‘‘l’accumulation d’une succession de liens de causalité purs’’ […] où, en quelque sorte,
le premier effet du fait illicite identifié comme cause du dommage est la cause d’un autre
effet, qui lui-même est la cause d’un autre effet, et ainsi de suite jusqu’au dommage »1089.
Nous pouvons citer, par exemple, la prospection illicite des ressources naturelles d’un
Etat qui entraîne leur extraction illicite, celle-ci entraînant à son tour leur
commercialisation illicite, qui aboutit à la perte économique subie par l’Etat propriétaire.
Cette perte est un dommage attaché à la prospection illicite par un lien de causalité
transitif.

Concernant les qualifications du dommage, la distinction entre « préjudice


direct » et « préjudice indirect », souvent faite en droit interne, a été reconnue en droit
international par une certaine jurisprudence1090 et par certains auteurs1091 : seul le
dommage direct est réparable. A en croire Joe Verhoeven, cette distinction a été écartée
par la C.D.I. suite aux ambiguïtés qu’elle présente1092. Comme le souligne cet auteur,
« les mêmes précédents sont parfois évoqués pour justifier des solutions
1093
contradictoires » . Cependant, cette distinction n’est pas à confondre avec celle établie
entre le préjudice immédiat et le préjudice médiat. Le préjudice est immédiat si c’est un

1089
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 627-628.
1090
Voir sentence arbitrale en l’affaire de l’Alabama ; sentence du 30 juin 1930 entre l’Allemagne et le
Portugal (R.S.A., Vol. II, p. 1035 et s.) ; CPJI, Affaire du Wimbledon (n°1, Série A, p. 32) citées par D.
CARREAU, Op. cit., p. 422, § 1148.
1091
En ce sens, Dominique Carreau écrit : « En droit international comme en droit interne, le seul type de
préjudice qui soit pris en considération est le préjudice direct. Autrement dit, il doit exister un lien de
causalité étroit entre la violation du droit international et le préjudice qui en résulte » (D. CARREAU, Op.
cit., p. 422, § 1147. Dans le même sens, voir P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p.
883, § 486. Pour une position contraire, du moins en ce qui concerne le droit international, voir,
notamment, P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 629-630.
1092
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 630.
1093
Cf. Ibidem, p. 630. L’auteur évoque l’affaire de l’Alabama.
293

Etat qui le subit (directement). Il est médiat lorsque, subi par son ressortissant, l’Etat
l’endosse dans le cadre de la protection diplomatique. Pour tout dire, la distinction entre
préjudices direct et indirect portait sur l’origine du dommage alors que celle entre
préjudices immédiat et médiat porte sur la personne lésée1094. Nous reviendrons à cette
dernière classification en examinant particulièrement la question de la réparation.

Quant aux qualifications du lien de causalité lui-même, il doit être clair et


continu, autrement dit, il doit répondre à une exigence de normalité et (donc) de
prévisibilité1095. Lorsqu’un damnum emergens résulte d’un fait illicite, ces critères de
normalité et de prévisibilité conduisent à une « présomption d’existence » du lien de
causalité entre ce fait illicite et le lucrum cessans1096. Dans ce cas, ce lien causal est
réputé transitif1097.

Certes, la preuve du lien de causalité n’est pas toujours facile à administrer.


Néanmoins, dans certains cas, l’ « intime conviction » du juge ou de l’arbitre est fort
déterminante1098. Dans l’affaire Congo c. Ouganda, la Cour internationale de Justice
prend bien en compte la reconnaissance par la RDC de la nécessité d’établir un lien de
causalité entre le fait illicite initial et le préjudice dont elle réclame la réparation1099.
Mais, compte tenu de la nature des faits internationalement illicites dont l’Ouganda a été
reconnu responsable, notamment le pillage et d’autres faits d’exploitation illicite des
ressources naturelles de la RDC1100, « la Cour considère que ces faits ont entraîné un
préjudice pour la RDC, ainsi que pour des personnes présentes sur son territoire »1101.

Si, dans l’affaire Congo c. Ouganda, la Cour se montre aussi pragmatique en


ce qui concerne le lien de causalité, il n’en est pas de même dans l’affaire relative à
l’Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro). En effet, dans son arrêt du 26 février

1094
Cf. P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 885, § 487.
1095
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 630-635.
1096
Cf. Ibidem, p. 634 et B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 200.
1097
Cf. B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 199.
1098
Cf. Ibidem, pp. 189-191.
1099
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 256, § 258.
1100
Cf. Ibidem, p. 253, § 250 et p. 257, § 259.
1101
Ibidem, p. 257, § 259.
294

2007, la Cour considère qu’il doit exister « un lien de causalité suffisamment direct et
certain entre le fait illicite, à savoir la violation par le défendeur de l’obligation de
prévenir le génocide, et le préjudice subi par le demandeur, consistant en dommages de
tous ordres, matériels et moraux, provoqués par les actes de génocide. Un tel lien de
causalité ne pourrait être regardé comme établi que si la Cour était en mesure de
déduire de l’ensemble de l’affaire, avec un degré suffisant de certitude, que le génocide
de Srebrenica aurait été effectivement empêché si le défendeur avait adopté un
comportement conforme à ses obligations juridiques. Force est toutefois de constater que
tel n’est pas le cas »1102.

Partant des éléments factuels1103, la Cour relève que « le défendeur [Serbie-


et-Monténégro] disposait indubitablement de moyens d’influence non négligeables à
l’égard des autorités politiques et militaires des Serbes de Bosnie [la Republika Srpska,
gouvernement pro-serbe sécessionniste en Bosnie-Herzégovine], qu’il aurait pu, et par
conséquent dû, mettre en œuvre en vue d’essayer d’empêcher les atrocités ; il n’a
cependant pas été démontré que, dans le contexte particulier de ces événements, ces
moyens eussent été suffisants pour atteindre le résultat que le défendeur aurait dû
rechercher. La Cour ne [peut] donc regarder comme établie l’existence d’un lien de
causalité entre la violation par le défendeur de son obligation de prévention et les
dommages entraînés par le génocide de Srebrenica »1104.

Ces deux cas d’application prétorienne confirment que l’appréciation du lien


de causalité est fondamentalement une « question d’espèce ». De par la nature même de
certaines obligations, leur violation cause nécessairement des dommages. Il en va ainsi,
par exemple, de la violation de l’interdiction du pillage des ressources naturelles d’un

1102
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 234, § 462.
1103
« A la suite de la désagrégation de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, quatre
républiques fédérées déclarèrent leur indépendance : Croatie, Slovénie, Macédoine et Bosnie-Herzégovine.
Dans cette dernière république, une guerre civile éclata, fomentée par la population d’origine serbe, qui fut
soutenue par la nouvelle République fédérative de Yougoslavie, limitée aux deux dernières républiques de
Serbie et du Monténégro. Des exactions (assassinats, tortures, viols, etc.) furent imputées aux miliciens
serbes, accusés, notamment, de poursuivre une politique de ‘‘purification ethnique’’ à l’encontre des
musulmans bosniaques » (D. RUZIE, Op. cit., p. 229).
1104
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 234, § 462.
295

Etat. Le lien de causalité est présumé du moment que le fait illicite est commis par l’Etat
sur lequel pèsent les obligations dont la violation entraîne des dommages. Il en va
autrement lorsque l’Etat mis en cause, sans pour autant avoir participé à la commission
du fait illicite dommageable, n’a pas tout fait pour (essayer de) l’empêcher. Dans ce cas,
il faudrait établir que la passivité (partielle ou totale) de l’Etat mis en cause a joué un rôle
déterminant dans la commission du fait illicite, autrement dit, que ce fait n’aurait pas été
commis si cet Etat n’avait pas manqué à une obligation de diligence. On se rend bien
compte que l’établissement du lien de causalité se fait en fonction du comportement
prohibé. Dans le premier cas (affaire Congo c. Ouganda), la violation de l’obligation
internationale consiste en la commission du fait internationalement visé par l’interdiction.
En l’espèce, l’Etat mis en cause a lui-même violé l’interdiction du pillage des ressources
naturelles d’un autre Etat. Dans le second cas (affaire du Génocide), il est question de la
violation par un Etat d’une « obligation périphérique », qui facilite la commission par un
autre Etat ou par un acteur non étatique d’un fait principalement prohibé par le droit
international. En l’espèce, ce n’est pas l’Etat mis en cause qui a commis directement le
génocide.

Partant des enseignements tirés de ces deux arrêts, il y a également lieu de


considérer que l’existence du lien de causalité dépend de la nature du fait illicite, selon
qu’il s’agit de la violation d’une obligation de résultat ou d’une obligation de moyen.

En cas de manquement à une obligation de résultat (par exemple, l’obligation


de respecter les biens d’un Etat étranger, notamment ses ressources naturelles), le
dommage que subit l’Etat dans un domaine protégé par cette obligation sera réputé une
conséquence du fait illicite. Dans cette logique, tous les Etats qui attaquent illicitement un
Etat étranger et exploitent ses ressources naturelles dans ce contexte de conflit armé lui
causent nécessairement des dommages matériels et moraux.

Par contre, en cas de manquement à une obligation de moyen (obligation de


diligence), l’on devra tout d’abord démontrer que le dommage résulte de ce manquement,
ensuite que l’Etat mis en cause disposait de moyens efficaces et suffisants pour empêcher
le fait illicite dommageable et, enfin, qu’il ne les a pas (suffisamment) utilisés. C’est à la
lumière de ces trois critères que l’on devra envisager la responsabilité d’un Etat tiers au
296

conflit armé mais qui, au moment des faits, exerce sur une entreprise multinationale
impliquée dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un autre Etat un contrôle,
du fait de la nationalité de cette entreprise ou de l’établissement de celle-ci sur son
territoire. Les mêmes critères seront appliqués à d’autres Etats tiers au conflit armé, qui
ont joué un rôle dans l’exploitation illicite des ressources naturelles, à savoir : les Etats de
transit et les Etats de destination des ressources naturelles illicitement exploitées par des
Etats et/ou par des multinationales. Des détails relatifs à la responsabilité de ces Etats
tiers au conflit armé seront abordés à propos des titulaires de l’obligation de réparer
(section II, §3).

Il est impérieux que la relation de cause à effet entre le fait illicite et le


dommage ne soit pas interrompue1105. Selon Patrick Daillier et ses collègues, « [l]a
rupture du lien de causalité peut être due à des aléas de fait mais aussi à des facteurs
juridiques tels que la conclusion d’un contrat d’assurance ou l’existence d’une créance
sur la victime directe »1106. Ainsi, par exemple, l’assureur qui a indemnisé la victime d’un
fait illicite ne peut obtenir réparation comme l’aurait pu la victime directe car le lien de
causalité est interrompu par la relation contractuelle1107. De même, ainsi que l’a souligné
la Cour internationale de Justice, « [u]n créancier n'a aucunement le droit de demander
réparation à une personne qui, en portant préjudice à son débiteur, lui cause une
perte »1108. On peut se résumer, avec Bollecker-Stern, que le « lien de causalité [est]
interrompu par répercussion sur un tiers »1109. En conséquence, un tiers qui, par
répercussion, a subi un préjudice par suite d’un dommage initial causé à un individu
auprès duquel il a des intérêts, ne peut réclamer réparation de son préjudice à l’auteur du
fait illicite initial1110. Comme le précise B. Bollecker-Stern, ce principe de l’interruption
du lien causal par répercussion sur un tiers, c’est-à-dire de la non réparation du dommage
subi par ce tiers, admet trois exceptions : les dérogations conventionnelles ; le dommage

1105
Cf. P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 884, § 486.
1106
Ibidem, p. 884, § 486.
1107
Cf. Ibidem, p. 884, § 486.
1108
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 35, § 44.
1109
B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 227.
1110
Cf. Ibidem, p. 228.
297

intentionnel au tiers ; et la disparition (ou la mort) de la victime initiale1111. Dans cette


dernière hypothèse, le préjudice du tiers ayant, par exemple, un lien de parenté avec la
victime initiale morte est à vrai dire constitué par le dommage moral et/ou matériel qui
est le sien1112.

2. Lien de causalité complexe


B. Bollecker-Stern explique le lien de causalité complexe, qui se tisse par une
multiplicité de causes dont une au moins est un fait illicite, en quatre cas de figures1113,
que nous résumons comme suit:

« L’intervention cumulative » : le préjudice ne peut résulter que de la


convergence ou du cumul de deux causes, autrement dit, les deux causes sont nécessaires
pour la production du dommage1114. Ainsi, « [e]n cas d’intervention cumulative d’un acte
illicite et d’une autre cause qui n’a pu avoir d’effets dommageables qu’en raison
précisément de l’existence de l’acte illicite, la totalité de la réparation est exigible de la
part de l’Etat à qui l’acte illicite est imputable »1115. Loin de rechercher la cause
« adéquate » du dommage, on applique la théorie de l’équivalence des causes1116.

« L’intervention parallèle » : « un acte illicite produit un dommage - ou du


moins est de nature à produire normalement un certain dommage- mais où ce dommage
se serait produit de toute façon en raison d’une autre cause - force majeure, circonstances,
fait d’un tiers »1117. C’est l’hypothèse dite de la « coïncidence des causes »1118. En
pareille situation, la solution est qu’ « aucune réparation ne peut être exigée de la part
de l’Etat à qui l’acte [illicite] est imputable »1119.

1111
Cf. Ibidem, p. 255. Pour des explications détaillées sur ces exceptions, voir pp. 255-264.
1112
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 635-636.
1113
Cf. B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., pp. 267-297. Pour ces quatre cas de figure, les italiques sont
dans le texte original. Voir également P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international
public, Op. cit., pp. 636-641.
1114
Cf. B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 270.
1115
Ibidem, p. 274.
1116
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 639-640.
1117
Cf. B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 275.
1118
J. PERSONNAZ, Op. cit., p. 142.
1119
B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 280.
298

« L’intervention complémentaire » (du fait illicite et d’autres causes1120) :


« plusieurs causes interviennent concurremment dans la création d’un ‘‘même
dommage’’ : en fait il s’agit de plusieurs dommages de même nature, qui s’additionnent
et créent une impression de dommage unique »1121. En conséquence, « une ventilation
doit être opérée et réparation ne peut être exigée de la part de l’Etat à qui est imputable
l’acte illicite qu’à concurrence de la quote-part du préjudice afférente audit acte
illicite »1122. Cette solution semble ne pas faire l’unanimité de la doctrine1123, mais les
contrariétés ne sont qu’apparentes1124.

« L’intervention exclusive » : « sous l’apparence d’une intervention de


plusieurs causes, parmi lesquelles serait compris un acte illicite, un seul événement
intervient en fait et peut être considéré comme la cause exclusive du dommage »1125. La
solution retenue est qu’ « [e]n cas d’intervention exclusive d’une cause extérieure,
aucune réparation n’est due par l’auteur d’un acte illicite qui n’a joué aucun rôle - s’il a
pu parfois jouer un rôle apparent - dans la production du dommage »1126.

Quoiqu’intéressants d’un point de vue didactique, ces principes afférents à la


causalité complexe ne nous semblent pas particulièrement utiles pour la présente
recherche. Par hypothèse, les dommages dont nous envisageons la réparation sont ceux
résultant d’un seul ou de plusieurs faits illicites d’exploitation de ressources naturelles.
On est ainsi en présence d’un lien de causalité simple, pur ou transitif, selon le cas,
comme nous l’avons relevé ci haut dans des exemples. D’ailleurs, dans le cadre de ce
chapitre, le lien causal entre l’exploitation des ressources naturelles et les dommages
matériels et moraux soufferts par l’Etat victime et par ses ressortissants est en quelque
sorte présumé. Nous traitons du dommage causé par l’exploitation illicite des ressources
naturelles. La description des faits présentée dans la première partie en rend
suffisamment compte.

1120
Précision ajoutée par Pierre d’Argent au regard des cas étudiés par Bollecker-Stern (pp. 281-285) (Cf.
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 637).
1121
B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 281.
1122
Ibidem, p. 285.
1123
Cf. Ibidem, pp. 285-292.
1124
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 638-639.
1125
B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., p. 293.
1126
Ibidem, p. 296.
299

Dans certains cas, une conduite de l’Etat non conforme au droit international
peut être la cause de (ou aggraver) l’exploitation illicite des ressources naturelles de cet
Etat. Il s’agit d’une situation de contribution de la victime au préjudice subi par elle,
communément dénommée, en droit interne, « négligence contributive », « faute
concurrente », « faute de la victime », etc.1127.

C. La contribution de l’Etat à son préjudice

L’article 39 du Projet de la C.D.I. dispose : « Pour déterminer la réparation, il


est tenu compte de la contribution au préjudice due à l’action ou à l’omission,
intentionnelle ou par négligence, de l’Etat lésé ou de toute personne ou entité au titre de
laquelle réparation est demandée ».

En vertu de cette disposition, précise le Commentaire de la C.D.I., la


contribution de la victime au dommage « doit être pris[e] en compte pour déterminer la
forme et l’étendue de la réparation »1128. Ainsi, par exemple, en cas de paiement d’une
indemnité, celle-ci sera diminuée proportionnellement à l’impact de la « faute de la
victime » sur la production du dommage1129. Pour la C.D.I., « [c]ette disposition est
conforme au principe selon lequel tout préjudice découlant d’un fait internationalement
illicite doit être réparé intégralement, mais rien de plus. Elle va aussi dans le sens du
principe de l’égalité entre l’Etat responsable et la victime de la violation »1130.

1127
Cf. Article 39 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 288. Certains
auteurs abordent la question de la « faute de la victime » dans le cadre du lien de causalité (Voir, par
exemple, B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., pp. 301 et suivantes ; P. D’ARGENT, Les réparations de
guerre en droit international public, Op. cit., pp. 626-627 et 641-644). Cette approche se justifie du
moment que l’on sait très bien que l’intervention de la victime peut avoir une incidence sur le lien de
causalité entre le fait illicite et le dommage. En effet, il est des cas dans lesquels le dommage ne se serait
pas produit sans l’intervention cumulative de la « faute de la victime » et d’un fait illicite extérieur (Cf. P.
D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 642). On s’attèlera à la
solution y apportée dans le point ci-après. Néanmoins, la « faute de la victime » n’est pas toujours
indissociable de ce lien causal vu que dans d’autres situations, elle intervient quand le dommage est déjà
produit, même si elle viendrait l’aggraver (Cf. Ibidem, p. 642). Et dans la plupart des cas, un fait illicite
provoque un dommage en dehors de toute « faute de la victime ». Ceci nous amène à examiner cette
dernière dans un point séparé de celui consacré au lien de causalité qui unit le dommage au fait illicite.
1128
Cf. Article 39 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 288.
1129
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 641.
1130
Article 39 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 288.
300

Le principe de l’article 39 du Projet de la C.D.I. ne se limite pas à


l’indemnisation, même s’il s’applique le plus souvent dans ce contexte1131. Il est
également applicable à d’autres formes de réparation1132. Par exemple, « si un navire
appartenant à un Etat est illégalement saisi par un autre Etat et que, pendant la durée de la
saisie, il subit des avaries imputables à la négligence du capitaine, il pourra être
simplement requis de l’Etat auteur qu’il rende le navire dans l’état endommagé dans
lequel il se trouve »1133.

Comme le souligne Pierre d’Argent1134, cette prise en considération de la


« faute de la victime » dans la réparation confirme la non-existence en droit des gens de
la théorie « [d]es ‘‘mains propres’’ comme condition de recevabilité des réclamations
internationales », communément appelée théorie des clean hands, non-existence déjà
démontrée par Jean J. A. Salmon1135. Le rapporteur spécial de la C.D.I. sur la protection
diplomatique, John Dugard abonde dans le même sens1136.

En appréciant la réparation à raison de la « conduite blâmable » de la victime,


on devra faire un distinguo selon que cette conduite a contribué à la réalisation du
dommage en tant que « cause cumulative » de celui-ci, à côté du fait illicite de l’Etat, ou

1131
Cf. Article 39 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 4, in Ibidem, p. 289.
1132
Cf. Article 39 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 4, in Ibidem, p. 289.
1133
Article 39 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 4, in Ibidem, p. 289.
1134
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 641.
1135
Cf. J. J. A. SALMON, « Des ‘‘mains propres’’ comme conditions de recevabilité des réclamations
internationales », in A.F.D.I., Vol. 10, 1964, pp. 225-266. Au terme d’une longue et rigoureuse
démonstration, Salmon conclut : « Dans la mesure […] où cette théorie a pour but de conclure à
l'irrecevabilité des demandes émanant de requérants dont la conduite a été blâmable, elle repose sur de
fausses prémisses. En effet, la pratique arbitrale que l'on invoque à l'appui de cette conclusion est
inexistante s'agissant de violations du droit interne, ancienne et très limitée s'agissant de violations du droit
international. […] Elle est, enfin, dangereuse dans son principe car elle est contraire à une bonne
administration de la justice si le requérant a un accès direct à la juridiction pour y faire valoir un droit
propre qu'il tient du droit international et elle serait inadmissible si elle faisait obstacle au droit d'un
Gouvernement de prendre fait et cause pour ses ressortissants sur [la] base d'une violation du droit
international » (Ibidem, pp. 265-266). Sur cette question, voir également B. BOLLECKER-STERN, Op.
cit., pp. 302-315.
1136
« Il est arrivé qu’un argument fondé sur la théorie des mains propres ait été présenté à titre de question
préjudicielle dans des affaires soumises à la Cour internationale de Justice mettant en jeu des relations
d’Etat à Etat directes. On ne sait cependant pas si l’intention était de soulever une exception
d’irrecevabilité. Si la doctrine est applicable à des demandes de protection diplomatique, mieux vaudrait,
semble-t-il, l’évoquer au stade de l’examen au fond, car elle a un rapport avec l’atténuation ou
l’exonération de la responsabilité plutôt qu’avec la recevabilité » (J. DUGARD, « Sixième rapport sur la
protection diplomatique », A/CN.4/546, 16 août 2004, p. 9, § 16.
301

selon qu’elle a simplement aggravé un dommage déjà produit par le fait illicite de l’Etat
(parfois en concours avec d’autres causes licites ou illicites extérieures à la victime),
notamment en n’usant pas raisonnablement de moyens en sa possession pour
l’atténuer1137. S’agissant de la première situation, la doctrine dominante, représentée par
Bollecker-Stern, retient que « la victime… sera considérée comme responsable et
insusceptible par conséquent de réclamer une réparation à l’Etat »1138. Il s’agit, observe
Pierre d’Argent, de l’application de la théorie de l’équivalence des causes à la défaveur
de la victime du dommage1139. S’agissant, par contre, de la seconde situation, vu que la
victime d’un fait internationalement illicite a l’obligation d’atténuer les dommages subis,
- assurément dans la mesure du possible -, le manquement à cette obligation aura pour
conséquence de le priver du droit de réclamer réparation de ceux qui auraient pu être
évités ; et, logique oblige, les frais engagés à cette fin seront pris en compte dans le calcul
des dommages et intérêts1140. Néanmoins, le manquement par la victime à l’obligation
d’atténuer le dommage subi ne peut engager sa responsabilité internationale1141.

Le Commentaire de l’article 39 du Projet de la C.D.I. se réfère à l’arrêt de la


Cour internationale de Justice du 27 juin 2001 dans l’affaire LaGrand1142 en ces termes :
« Dans cette affaire, l’Allemagne avait tardé à dénoncer la violation et à entamer une
procédure. La Cour a noté ‘‘que l’Allemagne peut être critiquée pour la manière dont
l’instance a été introduite et pour le moment choisi pour l’introduire’’, et dit qu’elle
aurait pris ce facteur en considération, parmi d’autres, si ‘‘ la conclusion de l’Allemagne
avait comporté une demande à fin d’indemnités’’ »1143. S’agissant d’un Etat victime

1137
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 642.
1138
B. BOLLECKER-STERN, Op. cit., 341.
1139
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 642.
1140
Cf. Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C. I. J. Recueil 1997, p. 55, § 80.
1141
Le § 11 du Commentaire de l’article 31 du Projet de la C.D.I., qui se réfère au § 80 de l’arrêt de la
C.I.J. en l’affaire du Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), mentionne : « L’atténuation du
dommage est un autre élément affectant l’étendue de la réparation. Même la victime totalement innocente
d’un comportement illicite est censée agir raisonnablement face au préjudice. Bien que cette règle soit
souvent appelée ‘‘obligation d’atténuer le dommage’’, il ne s’agit pas d’une obligation d’ordre juridique
dont la non-exécution engage la responsabilité. C’est plutôt que la partie lésée peut perdre son droit à
indemnisation dans la mesure où elle n’a pas atténué le dommage » (Article 31 du Projet de la C.D.I.,
Commentaire, § 11, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 246).
1142
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 487, § 57 et p. 508, §
116.
1143
Article 39 du Projet C.D.I., Commentaire, § 3, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 288.
302

d’exploitation illicite des ressources naturelles, la logique de l’affaire LaGrand peut être
appliquée au cas où l’Etat victime a tardé à dénoncer le fait illicite devant le Conseil de
sécurité pour qu’il prenne des mesures appropriées pour le faire cesser - dans la mesure
où il apparaît que le Conseil de Sécurité était en mesure de le faire - ou il a tardé à saisir
une juridiction internationale compétente en vue de la prescription des mesures
conservatoires. En cas d’indemnisation, il doit être tenu compte de cette « faute de la
victime », en l’occurrence le retard dans la saisine de l’organe compétent, qui a aggravé
les dommages. Ce retard doit, selon l’article 39, avoir été intentionnel ou résulter de la
négligence. S’il est dû à un cas de force majeure, par exemple la destruction du réseau de
(télé)communication, il ne sera pas pris en considération.

Il peut arriver que l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
constitue une riposte à un fait internationalement illicite de ce dernier. Considérons qu’un
Etat emploie la force contre un autre Etat en violation du jus contra bellum. L’Etat
agressé repousse l’attaque jusqu’à occuper une partie du territoire de l’agresseur et à se
livrer au pillage des ressources naturelles de ce dernier pour faire face aux dépenses de la
guerre causée par lui, violant de ce fait le jus in bello. Ce belligérant illicite au regard du
jus contra bellum, dont la responsabilité est de ce fait engagée, peut-il à bon droit
réclamer réparation des préjudices subis du fait du pillage de ses ressources naturelles ?

La pratique relevée dans la première partie de cette étude ne fait pas état de
pareille situation. Mais la Cour internationale de Justice a eu à connaître du cas dans
lequel l’Etat victime de pillage et d’autres formes d’exploitation illicite de ses ressources
naturelles a fait recours à des représailles armées à l’encontre de l’Etat qui lui a causé
préjudice. En l’espèce, en réaction à de diverses violations du droit international à son
encontre par l’Ouganda, notamment l’exploitation illicite de ses ressources naturelles, la
RDC a mené des attaques contre l’ambassade de l’Ouganda à Kinshasa et infligé de
mauvais traitements à des diplomates ougandais à l’aéroport international de Ndjili1144.
Après avoir décidé que « la République de l’Ouganda a l’obligation, envers la

1144
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 277, § 334.
303

République démocratique du Congo, de réparer le préjudice causé »1145, la Cour a


également décidé que « la République démocratique du Congo a l’obligation, envers la
République de l’Ouganda, de réparer le préjudice causé »1146.

Cette position de la Cour nous inspire une réponse à la question posée ci-
haut en passant par le raisonnement suivant: La victime d’une violation du principe de
l’interdiction du recours à la force (jus contra bellum) qui outrepasse le cadre de son droit
(exceptionnel) de recours à la force (jus ad bellum) au titre de la légitime défense en
violant les règles relatives à la conduite des hostilités ( jus in bello), notamment par le
pillage des ressources naturelles de l’Etat dont il repousse l’agression, est tenu de réparer
le dommage causé à cet Etat, lequel est également obligé de réparer, à l’égard de cette
victime, le dommage causé par cette violation de l’interdiction du recours à la force.
Chacun des deux Etats en cause a commis un fait illicite. L’Etat qui exerce son droit de
légitime défense ne peut justifier le pillage des ressources naturelles de l’Etat agresseur
au titre des contre-mesures. En effet, les contre-mesures ne peuvent porter aucune atteinte
.aux obligations découlant de normes impératives du droit international général1147, en
l’occurrence, avons-nous déjà souligné, de l’interdiction du pillage.

Au bout du compte, dans le cas sous examen, la responsabilité de chacun des


deux Etats est engagée. Pour déterminer la réparation à accorder à l’Etat victime du
pillage de ses ressources naturelles, il sera tenu compte de son fait illicite d’agression.
L’articulation entre ces deux responsabilités devra se faire au moment de la détermination
de la forme et de l’étendue de la réparation.

§2. Principe fondamental et formes de la réparation en droit international

La définition de la réparation découle du principe fondamental de cette


institution juridique (A), qui revêt plusieurs formes (B). Deux notions très voisines des
formes de réparation, parfois apparentées à celles-ci, méritent d’en être soigneusement

1145
Ibidem, p. 281, § 345, point 5 (dispositif).
1146
Ibidem, p. 282, § 345, point 13 (dispositif).
1147
Cf. Article 50 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité de l’Etat.
304

distinguées : la cessation du fait illicite et l’offre des assurances et des garanties de non-
répétition de ce fait illicite (C).

A. Principe fondamental de la réparation

Le « caractère d’automaticité »1148 de l’obligation de réparer en cas de fait


internationalement illicite dommageable relève du droit international coutumier. Ainsi
que l’a rappelé le Tribunal international du droit de la mer, dans l’affaire du Navire
« SAIGA » (No.2), « [s]elon une règle bien établie du droit international, un Etat qui a
subi un préjudice à la suite d’un acte illicite d’un autre Etat est en droit d’obtenir
réparation du préjudice qu’il a subi du fait de l’Etat qui a commis l’acte illicite »1149. La
C.D.I. explique ce caractère automatique en ces termes : « [L]’obligation générale de
réparer naît automatiquement dès la commission d’un fait internationalement illicite et
ne dépend pas, en elle-même, de la formulation d’une exigence ou d’une protestation par
un Etat, même si la forme que devrait prendre la réparation étant donné les
circonstances peut dépendre de la réaction de l’Etat ou des droits des Etats lésés »1150.

Le principe de la réparation en droit international, a été consolidé par la Cour


permanente de Justice internationale, dans l’affaire de l’Usine de Chorzów : « Le principe
essentiel, qui découle de la notion même d'acte illicite et qui semble se dégager de la
pratique internationale, notamment de la jurisprudence des tribunaux arbitraux, est que
la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et
rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été
commis »1151.

Dans ce passage, la Cour définit la réparation par sa (double) finalité :

- « effacer toutes les conséquences de l'acte illicite » ; et

- « rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas
été commis ».

1148
P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 889, § 489.
1149
Navire « SAIGA » (No. 2) (Saint-Vincent-et-les-Grenadines c. Guinée), arrêt, TIDM Recueil 1999, §
170.
1150
Article 31 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 4, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 242-243.
1151
Usine de Chorzów (Demande en indemnité) (Fond), arrêt n°13, 1928, C.P.J.I. série A n°17, p. 47.
305

De l’avis de Pierre d’Argent, « [o]n peut assurément considérer que ces deux
objectifs sont identiques, c’est-à-dire qu’‘‘effacer toutes les conséquences de l’acte
illicite’’ consiste à ‘‘rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait
pas été commis’’ »1152. L’auteur précise cependant que « [l]e caractère cumulatif des
objectifs de la réparation énoncés dans l’arrêt de l’usine de Chorzów interdit d’assimiler
la réparation au simple rétablissement du statu quo ante car celui-ci ne constitue une
réparation suffisante qu’à la condition qu’en toute probabilité l’état antérieur n’aurait
pas évolué, en l’absence même du fait illicite »1153. C’est effectivement parce que la
réparation ne se limite pas à la remise dans le pristin état qu’il est tenu compte du lucrum
cessans dans l’évaluation du montant de l’indemnité1154.

En matière de réparation, il s’agit d’effacer, autant que possible, tous les


dommages matériels et/ou moraux. Le principe retenu par la C.P.J.I. est celui de la
réparation intégrale du préjudice, communément appelé restitutio in integrum1155. Ce
principe, qui « fait actuellement partie du droit international coutumier »1156, a été adopté
par l’article 31 du Projet de la C.D.I.1157 Dans certains cas, notamment celui de

1152
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 662.
1153
Ibidem, p. 663.
1154
Cf. Ibidem, p. 664.
1155
Pierre-Marie Dupuy utilise le terme « restauration » : « Il s’agira, en effet, de restaurer la situation
matérielle de la victime mais aussi de rétablir la situation juridique existant avant la violation du droit »
(P.-M. DUPUY, « Le fait générateur de la responsabilité internationale des Etats », « Art. cit. », p. 94).
1156
Responsabilités et obligations des Etats dans le cadre d'activités menées dans la Zone, avis consultatif,
1er février 2011, TIDM Recueil 2011, § 194.
1157
« Article 31
Réparation
1. L’Etat responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait internationalement
illicite.
2. Le préjudice comprend tout dommage, tant matériel que moral, résultant du fait internationalement
illicite de l’Etat ».
Selon le commentaire de la C.D.I., « [l]’obligation générale de réparer est énoncée à l’article 31 en tant que
corollaire immédiat de la responsabilité de l’Etat, c’est-à-dire en tant qu’obligation de l’Etat responsable
résultant du fait illicite, et non en tant que droit de l’Etat ou des Etats lésés. On évite ainsi les difficultés qui
pourraient se poser lorsque la même obligation est due simultanément à plusieurs Etats, à de nombreux
Etats ou à tous les Etats dont seulement quelques-uns sont particulièrement affectés par la violation »
(Article 31 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 4, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 242). Comme
l’explique Pierre d’Argent, « [l]orsqu’il existe une pluralité d’Etats lésés, leur accorder à tous le même
droit à la réparation, c’est sans doute – dans un système où la ‘‘réparation’’ est largement entendue et
recouvre de multiples facettes […] – taire à bon compte des nuances importantes, dans la mesure où ils
peuvent être fort différemment atteints par le fait illicite » (P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en
droit international public, Op. cit., p. 672).
306

l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé, les
dommages sont d’une ampleur considérable et, partant, difficiles à évaluer avec
exactitude. On peut légitimement s’interroger sur la possibilité de les réparer entièrement.
Pour des raisons de réalisme, la C.P.J.I. précise que la réparation doit, autant que
possible, « effacer... » et « rétablir… ». Cette nuance ne remet aucunement en cause le
principe de la réparation intégrale. L’Etat responsable doit s’efforcer d’y parvenir au
moyen d’une ou de plusieurs, voire de toutes les formes de réparation1158.

B. Formes de réparation

L’article 34 du Projet de la C.D.I., consacré aux formes de la réparation,


énonce : « La réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite
prend la forme de restitution, d’indemnisation et de satisfaction, séparément ou
conjointement […] ». A la lumière de cette disposition, la réparation intégrale du
préjudice peut, selon la nature et l’ampleur de celui-ci, résulter de l’une de ces trois
formes de réparation. Dans certaines circonstances, elle peut requérir la combinaison de
deux d’entre elles ou carrément le recours à toutes les trois formes de réparation. Comme
l’a si bien exprimé la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins
du Tribunal international du droit de la mer, dans son avis consultatif du 1er février 2011,
« la forme de la réparation sera fonction du dommage effectif et de la faisabilité
technique d’un retour au statu quo ante »1159.

On ne le dira jamais assez, l’Etat responsable doit réparer tout le dommage,


mais rien de plus. Le manquement à l’obligation de réparer constitue également une
violation du droit international, ce que Pierre d’Argent qualifie de « ‘‘deuxième niveau’’
d’illicéité »1160.

1158
Cf. Article 31 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 3, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 242.
1159
Responsabilités et obligations des Etats dans le cadre d'activités menées dans la Zone, avis consultatif,
1er février 2011, TIDM Recueil 2011, § 197. Voir également Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004, p. 59, § 119 ; Usines de pâte à papier sur
le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 104, § 274.
1160
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 671.
307

Les formes de réparation des dommages causés par l’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger méritent d’être successivement étudiées, selon
qu’il s’agit d’un dommage matériel (1) ou d’un dommage moral (2).

1. Réparation du dommage matériel


L’arrêt Chorzów, qui concerne la réparation d’un préjudice matériel1161,
établit une certaine priorité entre ses formes de réparation : « Restitution en nature, ou, si
elle n'est pas possible, paiement d'une somme correspondant à la valeur qu'aurait la
restitution en nature ; allocation, s'il y a lieu, de dommages-intérêts pour les pertes subies
et qui ne seraient pas couvertes par la restitution en nature ou le paiement qui en prend la
place »1162. Les deux formes de réparation du dommage matériel sont donc la restitution
(a) et l’indemnisation (b).

a. Restitution

La restitution est consacrée par l’article 35 du Projet de la C.D.I.1163. Elle


consiste « dans le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit
commis ». Il s’agit du rétablissement du statu quo ante1164. Ainsi, par exemple, la Cour
internationale de Justice a, dans l’affaire Yerodia, décidé que « le Royaume de Belgique
doit, par les moyens de son choix, mettre à néant le mandat d'arrêt du 11 avril 2000 et en
informer les autorités auprès desquelles ce mandat a été diffusé »1165. Et dans son avis sur
le Mur, la Cour a déclaré qu’« Israël est en conséquence tenu de restituer les terres, les

1161
Cf. Usine de Chorzów (Demande en indemnité) (Fond), arrêt n°13, 1928, C.P.J.I. série A n°17, p. 47.
1162
Ibidem, p. 47.
1163
« Article 35
Restitution
L’Etat responsable du fait internationalement illicite a l’obligation de procéder à la restitution consistant
dans le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis, dès lors et pour
autant qu’une telle restitution:
a) N’est pas matériellement impossible;
b) N’impose pas une charge hors de toute proportion avec l’avantage qui dériverait de la restitution plutôt
que de l’indemnisation ».
1164
Cf. Article 35 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 255. La
restitution peut être matérielle ou juridique (Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit
international public, Op. cit., p. 663).
1165
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C. I. J.
Recueil 2002, p. 33, § 78, point 3 du dispositif.
308

vergers, les oliveraies et les autres biens immobiliers saisis à toute personne physique ou
morale en vue de l'édification du mur dans le territoire palestinien occupé »1166.

Le Principe 19 de la résolution 60/147 adoptée par l’Assemblée générale des


Nations unies le 16 décembre 2005 sur les Principes fondamentaux et directives
concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du
droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international
humanitaire définit expressément la restitution comme le rétablissement de la victime
dans la situation originale1167.

Partant, la restitution, qui est une des formes de réparation, ne doit pas être
confondue avec la restitutio in integrum, c’est-à-dire la réparation intégrale (ou
l’obligation de réparer intégralement le dommage), qui est le principe même de la
réparation1168. La restitutio in integrum peut être obtenue par la restitution (en nature),
accompagnée si nécessaire des autres formes de réparation.

L’article 35 du Projet de la C.D.I. fixe cependant deux conditions cumulatives


du recours à la restitution : d’une part, elle ne doit pas être matériellement impossible et,
d’autre part, elle ne doit pas être disproportionnée, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas, par
exemple, exiger des moyens financiers excessivement supérieurs à l’indemnité
correspondant à sa valeur normale dans le cas d’espèce. Ainsi, dans l’affaire relative à
l’Usine de Chorzów, la C.P.J.I. a considéré que « [l]'impossibilité, constatée par un
accord des Parties, de restituer l'usine de Chorzów ne saurait donc avoir d'autre effet que
celui de remplacer la restitution par le paiement de la valeur de l'entreprise »1169.

1166
Conséquences juridiques de 1'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif; C. I. J. Recueil 2004, p. 198, § 153.
1167
« La restitution devrait, dans la mesure du possible, rétablir la victime dans la situation originale qui
existait avant que les violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou les violations
graves du droit international humanitaire ne se soient produites. La restitution comprend, selon qu’il
convient, la restauration de la liberté, la jouissance des droits de l’homme, de l’identité, de la vie de famille
et de la citoyenneté, le retour sur le lieu de résidence et la restitution de l’emploi et des biens »
(A/RES/60/147) (Nous soulignons).
1168
Cf. Article 35 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 255. Voir
également P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 666- 667.
1169
Usine de Chorzów (Demande en indemnité) (Fond), arrêt n°13, 1928, C.P.J.I. série A n°17, p. 48.
309

Cela étant, il semble évident que la réparation des dommages matériels causés
par l’exploitation illicite des ressources naturelles pendant les conflits armés en Angola,
en Sierra Leone et en RDC ne peut être opérée par la restitution. Celle-ci est devenue
pratiquement impossible parce que, dans la quasi-totalité des cas, ces ressources étaient
directement vendues, soit pour financer la poursuite des conflits armés, soit dans l’intérêt
privé des belligérants. Un fait particulier mérite d’être souligné concernant des espèces de
la faune sauvage congolaise qui se sont réfugiées au Rwanda, fuyant les conflits armés
dans lesquels la responsabilité de cet Etat a été reconnue. En principe, celles-ci doivent
être restituées à la RDC avec leurs fruits. Sur ce point, la RDC ne devrait normalement
pas accepter que le Rwanda se limite, par exemple, à lui « [r]étrocéder […] la moitié des
recettes générées par les gorilles de montagne congolais qui se sont réfugiés de l’autre
côté de la frontière depuis 2005 »1170. La RDC devrait au contraire réclamer, par
exemple, que le Rwanda finance l’entretien d’un parc congolais, en guise de réparation
en nature.

La primauté de la restitution comme forme de réparation du dommage


matériel ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais lorsque les circonstances ne permettent pas
d’y procéder (totalement), la voie (r)est(e) ouverte à l’indemnisation.

b. Indemnisation

L’indemnisation est un mode de réparation par équivalent1171. C’est le sens


même de ces expressions utilisées par la C.P.J.I. : « paiement d'une somme correspondant
à la valeur qu'aurait la restitution en nature » et « restitution en nature ou le paiement qui
en prend la place »1172.

1170
RADIO OKAPI, « Tourisme : le Rwanda rétrocède à la RDC la moitié des recettes générées par les
gorilles congolais », disponible sur http://radiookapi.net/environnement/2012/06/18/tourisme-le-rwanda-
retrocede-la-rdc-la-moitie-des-recettes-generees-par-les-gorilles-congolais/ consulté le 6 novembre 2012.
1171
Cf. J. COMBACAU et S. SUR, Op. cit., p. 528.
1172
Usine de Chorzów (Demande en indemnité) (Fond), arrêt n°13, 1928, C.P.J.I. série A n°17, p. 47.
310

Selon le prescrit de l’article 36 du Projet de la C.D.I.1173, l’indemnisation d’un


dommage intervient dans la mesure où celui-ci n’est pas réparé par la restitution.
L’indemnisation demeure ainsi une forme subsidiaire de réparation du dommage
matériel. Cet article ajoute que l’indemnité sert à réparer « tout dommage susceptible
d’évaluation financière », autrement dit, tout dommage matériel, y compris le manque à
gagner dûment établi. L’indemnité couvre ainsi le damnum emergens et le lucrum
cessans.

En principe, l’indemnisation est destinée à la réparation du dommage


matériel, pour suppléer à la restitution. D’après le commentaire de la C.D.I.,
« [l]’expression ‘‘susceptible d’évaluation financière’’ a pour objet d’exclure ce que l’on
nomme parfois ‘‘préjudice moral’’ causé à un Etat, c’est-à-dire l’affront ou le préjudice
causé par une violation de droits non accompagnée d’un dommage réel aux biens ou aux
personnes : c’est là l’objet de la satisfaction » 1174. Comme on le verra dans la suite de
cette étude, l’indemnisation intervient dans la réparation du dommage médiat de l’Etat
(qui est constitué des préjudices matériels et moraux subis par ses ressortissants), dans le
cadre de la protection diplomatique, ce qui est une exception à la règle générale.

En droit international, il n’existe pas de règle précise en matière d’évaluation


des dommages. Celle-ci est laissée à l’appréciation de la juridiction saisie1175. Pour fixer
le montant des indemnités, celle-ci doit néanmoins tenir compte de la capacité de
paiement de l’Etat débiteur1176 pour éviter d’affecter gravement les moyens de
subsistance de sa population, qui risque d’être obligée de contribuer au paiement1177. La

1173
« Article 36
Indemnisation
1. L’Etat responsable du fait internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage causé par ce fait
dans la mesure où ce dommage n’est pas réparé par la restitution.
2. L’indemnité couvre tout dommage susceptible d’évaluation financière, y compris le manque à gagner
dans la mesure où celui-ci est établi ».
1174
Article 36 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 1er, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 260.
1175
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 643. Sur quelques méthodes d’évaluation utilisées par des tribunaux,
voir Article 36 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §§ 23 et suivants, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 271
et suivantes.
1176
Sur ce point, voir P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp.
723-744.
1177
Cf. Ibidem, pp. 532-537 ; Idem, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : Suite et fin »,
in A.F.D.I., Vol. 55, 2009, pp. 291-295.
311

Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie1178 a bien pris en compte cette


« interaction entre le droit secondaire de la responsabilité internationale et le droit
primaire relatif aux droits de l’homme »1179, en s’appuyant sur l’article 1, § 2, commun
aux pactes de 1966, qui énonce qu’ « [e]n aucun cas, un peuple ne pourra être privé de
ses propres moyens de subsistance ». Toutefois, précise Pierre d’Argent, « [l]’interaction
entre le droit primaire des droits de l’homme et le droit secondaire de la responsabilité
internationale n’a donc pas pour effet d’éroder, dans ce dernier corpus juridique,
l’obligation de réparer intégralement les dommages. C’est la raison pour laquelle la CDI
a finalement décidé de ne pas introduire dans le droit secondaire de la responsabilité une
forme de limite déduite de l’obligation de ne pas priver le peuple de ses moyens de
subsistance. Cette interaction se manifeste plutôt dans le chef de l’autorité habilitée à
évaluer les dommages et à fixer le montant des réparations. Elle revient à lui imposer de
tenir compte de la capacité du débiteur »1180.

Evidemment, la capacité de paiement est appréciée en fonction d’une période


déterminée et rien n’empêche une juridiction d’étaler le paiement sur une période
raisonnable1181.

Dans l’Affaire du Détroit de Corfou, compte tenu de la nature technique des


questions soulevées par la fixation du montant des réparations, la Cour internationale de
Justice a ordonné l’expertise et n’a fait qu’adjuger l’évaluation des indemnités faite par
les experts1182. Dans son arrêt du 19 juillet 2012, rendu dans l’affaire Ahmadou Sadio
Diallo, la Cour a, pour la première fois, procédé elle-même à l’évaluation du montant des
indemnités, « [en tenant] compte de la pratique d’autres juridictions et commissions

1178
Cf. Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009,
pp. 6-7, §§ 19-22; Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Eritrea’s Damages Claims, 17
August 2009, pp. 6-7, §§ 19-22. Pour accéder aux informations relatives à la Commission des réclamations
entre l’Erythrée et l’Ethiopie et aux décisions rendues par elle, consulter le lien http://www.pca-
cpa.org/showpage.asp?pag_id=1215 (site Internet de la Cour permanente d’arbitrage). Les pages renvoient
aux documents tirés de ce site.
1179
P. D’ARGENT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : Suite et fin », « Art. cit. », p.
291.
1180
Ibidem, p. 292.
1181
Cf. Ibidem, pp. 292-293.
1182
Cf. Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 15 décembre 1949 : C.I.J. Recueil 1949, pp. 248 et
suivantes.
312

internationales (telles que le Tribunal international du droit de la mer, la Cour


européenne des droits de l’homme (CEDH), la Cour interaméricaine des droits de
l’homme (CIADH), le Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran, la Commission des
réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie et la Commission d’indemnisation des Nations
Unies), qui ont appliqué les principes généraux régissant l’indemnisation lorsqu’elles
étaient appelées à fixer le montant d’une indemnité »1183.

Pour la réparation du préjudice matériel subi par Diallo en ce qui concerne la


perte de ses biens personnels, la Cour a fixé à 10 000 dollars américains le montant de
l’indemnité due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée1184.
La valeur de ces biens n’ayant pas pu être déterminée avec exactitude, la Cour a calculé
cette indemnité « sur la base de considérations d’équité », estimant qu’il ne serait pas
raisonnable de retenir le montant très important de 550 000 dollars américains réclamé
par la Guinée pour ce chef de préjudice1185.

Dans l’affaire du Navire « SAIGA », le Tribunal international du droit de la


mer a minutieusement examiné les factures et autres documents soumis par Saint-
Vincent-et-les Grenadines pour évaluer le montant des indemnités. Il lui a alloué des
indemnités pour un montant total de 2 123 357 $ US majoré d’intérêts, aux fins de la
réparation des préjudices subis par le navire (préjudices matériels) et par son équipage
(préjudices matériels et immatériels)1186. Le Tribunal n’a pu lui octroyer d’indemnités
pour le préjudice moral causé par la violation de ses droits, au sujet des navires battant
son pavillon, estimant que les constatations des comportements illicites de la Guinée
constituent une réparation adéquate1187.

Le Conseil d’administration de la Commission d’indemnisation des Nations


unies a constitué dix-neuf panels de commissaires chargés de vérifier et d’évaluer les

1183
Cf. Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)
(Indemnisation due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt du 19 juin
2012, p. 8, § 13, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre
2012.
1184
Cf. Ibidem, p. 21, point 1 du dispositif.
1185
Cf. Ibidem, p. 14, § 33.
1186
Cf. Navire « SAIGA » (No. 2) (Saint-Vincent-et-les-Grenadines c. Guinée), arrêt, TIDM Recueil 1999,
§ 175.
1187
Cf. Ibidem, § 176.
313

réclamations, puis de lui recommander une indemnité en faveur des « réclamants » pour
les dommages résultant de l’invasion et de l’occupation du Koweït par l’Irak1188. Dans le
cadre de cette recherche, il convient de noter que le Panel « F4 » (ci-après le Panel),
constitué en 1998 pour l’examen des réclamations relatives aux dommages
environnementaux et à la destruction des ressources naturelles, a achevé son travail le 30
juin 2005 par la soumission au Conseil d’administration de son cinquième et dernier
rapport1189. Au regard de divers rapports du Panel, une large majorité de réclamations ont
été rejetées non pas pour inadmissibilité des dommages allégués, mais pour défaut de
preuve1190. Et en ce qui concerne les réclamations acceptées totalement ou partiellement,
les montants des indemnités ont été substantiellement réduits1191. A titre illustratif, dans
son rapport sur le cinquième versement des indemnités, le Panel a recommandé un
montant de 252 028 468 USD alors que les 19 réclamations soumises par l’Iran, la
Jordanie, le Koweït, l’Arabie saoudite, la Syrie et la Turquie pour dommages causés aux
ressources naturelles étaient d’un total de 49 936 562 997 USD. Le montant recommandé
par le Panel équivaut à environ 0,5% seulement du montant réclamé1192. Dans son
évaluation des dommages résultant de la perte des services écologiques qui devraient être
rendus par les ressources naturelles détruites (ou perdues), le Panel a tenu compte du prix
sur le marché des ressources concernées (eau, fourrage, plantes)1193. Bien que notre

1188
Cf. http://www.uncc.ch/commiss.htm consulté le 15 octobre 2013.
1189
Cf. PH. GAUTIER, ‘‘Environmental Damage and The United Nations Claims Commission: New
Directions for Future International Environmental Cases?’’, ‘‘Art. cit.’’, pp. 177 et 187. Le Panel «F4 »
était composé de Thomas A. Mensah (Président), José R. Allen et Peter H. Sand (Cf. Ibidem, p. 177, note
1). Voici les coordonnées des cinq rapports dudit Panel : Report and Recommendations Made by the Panel
of Commissioners Concerning the First Instalment of ‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2001/16, 22 June 2001;
Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners Concerning the Second Instalment of
‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2002/26, 3 October 2002; Report and Recommendations Made by the Panel of
Commissioners Concerning the Third Instalment of ‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2003/31, 18 December 2003;
Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners Concerning the Fourth Instalment of
‘‘F4’’ Claims, part one, S/AC.26/2004/16, 9 December 2004; Report and Recommendations Made by the
Panel of Commissioners Concerning the Fourth Instalment of ‘‘F4’’Claims, part two, S/AC.26/2004/17, 9
December 2004; and Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners Concerning the
Fifth Instalment of ‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2005/10, 30 June 2005. Ces rapports sont disponibles sur
http://www.uncc.ch/reports.htm consulté le 15 octobre 2013.
1190
Cf. PH. GAUTIER, ‘‘Environmental Damage and The United Nations Claims Commission: New
Directions for Future International Environmental Cases?’’, ‘‘Art. cit.’’, pp. 187-190.
1191
Cf. Ibidem, pp. 187-190 et 209.
1192
Cf. Ibidem, p. 189.
1193
Cf. Ibidem, p. 208.
314

recherche concerne des ressources naturelles appréciables en termes monétaires, il est


intéressant d’un point de vue théorique de mentionner en passant que, contrairement à la
pratique des Fonds internationaux d’indemnisation pour dommages dus à la pollution par
les hydrocarbures (FIPOL), le Panel a considéré que le droit international n’exclut pas
l’indemnisation des dommages purement écologiques ou dommages aux ressources
naturelles qui sont hors du commerce1194. Mais comme l’observe Philippe Gautier, ‘‘the
actual amount of reparation granted in the Fifth Instalment seems to fall short of the
expectations raised by the general view taken by the Panel in favour of compensation for
pure environmental damage. Most of the claims were indeed rejected. Certainly, they
were not dismissed for inadmissibility but for lack of evidence. But the question could be
asked as to whether the level of evidence required by the Panel does not make it illusory
for pure environmental claims to succeed’’1195.

La pratique internationale fait état de bien d’autres affaires dans lesquelles la


réparation des dommages matériels a été effectuée par un paiement indemnitaire1196.
Point n’est besoin de multiplier les exemples. Trois questions méritent encore une
attention particulière : celle de la compensation, celle de la monnaie de paiement et celle
des intérêts qui peuvent être payés à titre supplémentaire.

La question de la compensation peut se poser lorsque la responsabilité


réciproque des Etats en litige est établie et que la réparation doit intervenir sous la forme
d’une indemnisation. Nous avons déjà relevé qu’en l’affaire Congo c. Ouganda, la Cour a
reconnu la responsabilité des deux Etats1197. Il ressort tout de même des faits de l’espèce
que le préjudice subi par la RDC pourra être plus grand que celui qu’il a causé à

1194
Cf. Ibidem, pp. 208-209. ‘‘In the view of the Panel, there is no justification for the contention that
general international law precludes compensation for pure environmental damage. In particular, the Panel
does not consider that the exclusion of compensation for pure environmental damage in some international
conventions on civil liability and compensation is a valid basis for asserting that international law, in
general, prohibits compensation for such damage in all cases, even where the damage results from an
internationally wrongful act’’ (Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners
Concerning the Fifth Instalment of ‘‘F4’’ Claims, Op. cit., § 58).
1195
PH. GAUTIER, ‘‘Environmental Damage and The United Nations Claims Commission: New
Directions for Future International Environmental Cases?’’, ‘‘Art. cit.’’, p. 209.
1196
Voir Article 36 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §§ 11-32, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 265-
277.
1197
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, pp. 281-282, § 345, points 5 et 13 (dispositif).
315

l’Ouganda. Après évaluation des préjudices de part et d’autre, est-il possible de procéder
à une compensation des montants des indemnités y relatives pour allouer le reliquat à la
RDC ?

Dans l’affaire de l’Usine de Chorzów (fond), la C.P.J.I. s’est déclarée


incompétente en ce qui concerne la question de compensation soulevée par l’Allemagne,
partie demanderesse, en estimant que « [sa] compétence […] ne pourrait en tout cas être
invoquée qu'à l'égard d'une exception soulevée par la Partie défenderesse »1198. Toutefois,
elle a implicitement posé le principe que la compensation est possible « si à la créance de
réparation [est] opposée une créance liquide et non contestée »1199. En ce qui concerne la
compétence d’une juridiction à connaître d’une exception de compensation, le Professeur
Joe Verhoeven, tenant compte de la position de la C.P.J.I. ci-dessus, observe qu’
« [a]ucun problème de compétence n’est posé lorsque l’existence d’une créance est
invoquée reconventionnellement par le défendeur pour faire échec à la dette dont le
demandeur réclame paiement, ce qui suppose toutefois que celle-ci repose sur la même
transaction que celle sur laquelle la demande principale est fondée »1200.

Compte tenu de ces éléments, pour ce qui est des réclamations simultanées de
l’Erythrée et de l’Ethiopie devant la Commission créée pour connaître des demandes de
réparation des dommages subis par ces deux Etats et leurs ressortissants du fait du conflit
armé qui les a opposés entre 1998 et 2000, on aurait pu s’attendre, comme l’ont préconisé
Pierre d’Argent et Jean d’Aspremont, à ce que cet organe de règlement du litige procède
d’autorité à une compensation de sommes entre les condamnations qu’elle a

1198
Usine de Chorzów (Demande en indemnité) (Fond), arrêt n°13, 1928, C.P.J.I. série A n°17, p. 62.
1199
« Le point de vue du Gouvernement allemand est cependant que le pouvoir pour la Cour de statuer sur
l'exclusion de la compensation découlerait du pouvoir qu'elle a d'assurer l'efficacité de la réparation. Or, il
semble clair que cette thèse ne peut se référer qu'à une exception de compensation opposée au bénéficiaire
par le débiteur, et qui serait de nature à dénuer la réparation de son efficacité. Tel serait notamment le cas si
la créance opposée à la créance de réparation était contestée et devait donner lieu à un procès qui aurait en
tout cas pour effet de retarder l'entrée en possession par l'intéressé de l'indemnité qui lui a été reconnue. Au
contraire, si à la créance de réparation était opposée une créance liquide et non contestée, on ne voit pas
pourquoi une exception de compensation fondée sur cette demande affecterait nécessairement l'efficacité de
la réparation » (Ibidem, p. 62).
1200
J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 645.
316

prononcées1201. Il n’en a pas été ainsi. En effet, « [a]u total, et mis à part des prononcés
de satisfaction au sujet de réclamations relatives aux biens et personnels diplomatiques
des deux parties et à la privation de la nationalité éthiopienne de certains binationaux,
l’Erythrée est condamnée à payer à l’Ethiopie 174. 036. 520 USD, tandis que l’Ethiopie
doit verser à l’Erythrée 161.455.000 USD au titre des réclamations étatiques, et
2.065.865 USD au titre des réclamations présentées au nom d’individus »1202.

Dans tous les cas, de manière concrète, on voit mal comment les Etats
concernés pourront ne pas procéder à la compensation. Pratiquement, l’Erythrée devra
payer à l’Ethiopie le solde restant dû après compensation1203.

S’agissant de la monnaie de paiement, le Projet de la C.D.I. ne dit rien. Joe


Verhoeven estime que « [s]auf disposition contraire convenue entre les Etats intéressés,
l’effectivité de la réparation commande sans doute que le paiement soit effectué dans une
devise librement convertible. A supposer qu’elle ne le soit pas, on voit mal toutefois sur
quelle base contester celui qui interviendrait dans la monnaie nationale du créancier de
la réparation… pour autant que le débiteur de celle-ci ait pu légalement en détenir les
quantités indispensables à cette fin »1204.

Dans l’affaire du Vapeur « Wimbledon », la C.P.J.I. avait ordonné le


paiement dans la monnaie du demandeur : « Le paiement doit être effectué en francs
français. C'est la monnaie du demandeur, dans laquelle il fait toutes ses opérations et

1201
« On ne peut s’empêcher de penser que la commission donne préférence – voire exclusivité – à
l’indemnisation afin de procéder à une compensation générale des comptes entre parties une fois toutes les
réclamations liquidées » (P. D’ARGENT et J. D’ASPREMONT, « La Commission des réclamations
Erythrée-Ethiopie : un premier bilan », in A.F.D.I., Vol. 53, 2007, p. 388). Voir également Ibidem, p. 396.
1202
P. D’ARGENT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : Suite et fin », « Art. cit. », pp.
279-280. Voir Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Ethiopia’s Damages Claims, 17 August
2009, p. 106, XII, E. (“In addition to the award of satisfaction to Ethiopia for all of the Commission’s
liability findings, the total monetary compensation awarded to Ethiopia in respect of its claims is
US$174,036,520”) et Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Eritrea’s Damages Claims, 17
August 2009, p. 96, IX, 21 (“In addition to the award of satisfaction to Eritrea for all of the Commission’s
liability findings, the total monetary compensation awarded to Eritrea in respect of its own claims is
US$161,455,000. The amount awarded in respect of claims presented on behalf of individual claimants is
US$2,065,865”).
1203
Cf. P. D’ARGENT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : Suite et fin », « Art. cit », p.
293.
1204
J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 644. Sur la question de la monnaie de paiement, voir également P.
D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 714-716.
317

toute sa comptabilité, et l'on peut dire, en conséquence, que cette monnaie donne la
mesure exacte du dommage qui doit être réparé »1205. De même, dans l’affaire du Détroit
de Corfou, la C.I.J. a alloué les réparations en livre sterling, qui est la monnaie du
demandeur1206. Le Tribunal des différends irano-américains a, pour sa part, choisi de
libeller en dollars américains les indemnisations qu’il octroyait dans la quasi-unanimité
des affaires qu’il a réglées1207. Dans un tout autre contexte, en l’affaire Diallo, la C.I.J.,
qui a alloué des indemnités en dollars des Etats-Unis, a justifié le choix de cette devise en
ces termes : « Cette somme est libellée dans la devise que les deux Parties ont utilisée
dans leurs écritures relatives à la question de l’indemnisation »1208.

Enfin, abordons brièvement la question des intérêts dont le montant des


indemnités peut, le cas échéant, être majoré. Ces intérêts, consacrés par l’article 38 du
Projet de la C.D.I.1209, « ne sont pas une forme autonome de réparation »1210. Selon cet
article, les intérêts portent sur « toute somme principale due » aux fins de la réparation.
Ils ne sont payables que « dans la mesure nécessaire pour assurer la réparation
intégrale ». Le commentaire de la C.D.I. souligne que « les intérêts, s’ils constituent une
forme d’indemnisation, sont néanmoins considérés comme un élément secondaire,
subordonné au montant principal de la réclamation ». Et au niveau procédural, comme
l’avait si bien relevé le Tribunal des différends irano-américains, dans l’affaire Islamic
Republic of Iran v. United States of America (Case No. A 19), « [l]es demandes d’intérêts
font partie de l’indemnisation qui est recherchée et ne constituent pas une action distincte

1205
Vapeur « Wimbledon », arrêt du 17 août 1923, C.P.J.I. série A n°01, p. 32.
1206
Cf. Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 15 décembre 1949 : C.I.J. Recueil 1949, p. 250.
1207
Cf. O. CORTEN, A. DAEMS et E. ROBERT, « Les questions monétaires devant le Tribunal des
différends irano-américains », p. 164, disponible sur
https://dipot.ulb.ac.be/dspace/bitstream/2013/140556/1/1.pdf consulté le 17 octobre 2013.
1208
Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) (Indemnisation
due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt du 19 juin 2012, p. 12, §
25, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre 2012.
1209
« Article 38
Intérêts
1. Des intérêts sur toute somme principale due en vertu du présent chapitre sont payables dans la mesure
nécessaire pour assurer la réparation intégrale. Le taux d’intérêt et le mode de calcul sont fixés de façon à
atteindre ce résultat.
2. Les intérêts courent à compter de la date à laquelle la somme principale aurait dû être versée jusqu’au
jour où l’obligation de payer est exécutée ».
1210
Article 38 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 1er, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 282.
318

qui exigerait une conclusion juridictionnelle indépendante »1211. En d’autres termes, une
demande ayant pour objet les intérêts fait partie intégrante du différend relatif à
l’indemnisation du dommage subi que le Tribunal a le devoir de trancher1212.

Les intérêts dont il est question à l’article 38, § 1er du Projet de la C.D.I. sont
un moyen supplémentaire de réparation lorsque la somme principale (objet de
l’obligation ou payable à titre d’indemnité) ne peut, compte tenu des circonstances,
assurer la réparation intégrale. Il s’agit à n’en pas douter d’intérêts compensatoires et non
d’intérêts moratoires, ces derniers étant dus en cas de retard de paiement. Le
commentaire de la C.D.I. sous cet article est clair à ce sujet1213.

Certes, les intérêts moratoires sont dépourvus de finalité réparatrice. Le juge


ou l’arbitre international y fait souvent recours pour « garantir l’autorité des décisions de
justice plutôt [que de] protéger le créancier de la réparation »1214. Contrairement à ce que
semble insinuer la Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie1215, la fixation
d’intérêts moratoires ne met nullement en cause la bonne foi de l’Etat débiteur. Dans
l’affaire Diallo, la C.I.J., avant de fixer les intérêts moratoires, dont elle souligne, avec
des exemples à l’appui, que l’octroi est conforme à la pratique des autres juridictions
internationales1216, mentionne qu’elle « s’attend à ce que le paiement [de l’indemnité à la
Guinée] soit effectué en temps voulu par la RDC et [qu’elle] n’a aucune raison de
supposer que celle-ci n’agira pas en conséquence »1217.

1211
Iran-US Claims Tribunal, A-19, Iran-U.S.C.T.R. 285, Vol. 16, 1987, p. 289, § 12.
1212
Cf. Ibidem, pp. 289-290, § 12.
1213
« L’article 38 n’aborde pas la question des intérêts moratoires. Il ne porte que sur les intérêts qui
constituent la somme allouée par la cour ou le tribunal, à savoir les intérêts compensatoires. Le pouvoir
d’une cour ou d’un tribunal d’allouer des intérêts moratoires est une question de procédure » (Article 38,
Commentaire, § 12, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 287).
1214
J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 649.
1215
“Both Parties have been diligent, and the period required does not reflect a lack of cooperation on the
part of either. Accordingly, there is no need for pre-award interest to protect either Party from prejudice
resulting from dilatory conduct by the other” (Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award,
Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, p. 13, § 44; Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final
Award, Eritrea’s Damages Claims, 17 August 2009, p. 13, § 44).
1216
Cf. Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)
(Indemnisation due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt du 19 juin
2012, p. 19, § 56, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre
2012.
1217
Ibidem, p. 19, § 56.
319

Qu’il s’agisse d’intérêts compensatoires ou moratoires, le taux et le mode de


calcul sont fixés par le juge ou l’arbitre, en tenant compte des circonstances de chaque
espèce et du comportement des parties1218. Il est également tenu compte « des taux en
vigueur sur les marchés internationaux »1219.

Pour clore ces considérations sur les intérêts, il nous semble utile d’indiquer
qu’actuellement le droit international n’admet pas l’allocation d’intérêts composés
(« intérêts calculés sur un capital accru de ses intérêts échus accumulés »1220), sauf si des
circonstances spéciales les requièrent à des fins de la réparation intégrale1221. De même,
dans la logique d’éviter un double recouvrement (intérêts et profits), il est admis que
lorsque l’indemnité comprend le manque à gagner, l’Etat lésé n’a plus droit aux intérêts
compensatoires, à moins que ces intérêts ne soient dus sur des profits qui auraient été
gagnés, mais dont le bénéficiaire initial aurait été privé1222. Par ailleurs, le droit
international ne reconnaît pas, comme certains droits internes, notamment le droit
américain, de punitive or exemplary damages, dont l’objectif serait « tout à la fois [de]
prévenir de nouvelles violations du droit, particulièrement lorsqu’elles ont de fortes
chances de demeurer sans sanction, et [de] punir la conduite hautement répréhensible des
agents de certaines entreprises »1223. Se référant à l’affaire de l’Usine de Chorzów, la
Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie a tenu à rappeler le rôle de la
compensation, lequel est correctif plutôt que punitif: “Its role is to restore an injured
party, in so far as possible, to the position it would have occupied but for the injury. This
function is remedial, not punitive”1224.

1218
Cf. Article 38 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 287.
1219
Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) (Indemnisation
due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt du 19 juin 2012, p. 19, §
56, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre 2012. Voir
également Navire « SAIGA » (No. 2) (Saint-Vincent-et-les-Grenadines c. Guinée), arrêt, TIDM Recueil
1999, § 173 ; Vapeur « Wimbledon », arrêt du 17 août 1923, C.P.J.I. série A n°01, p. 32.
1220
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., 708.
1221
Cf. Article 38 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §§ 8-9, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 285-286.
Voir également J. PERSONNAZ, Op. cit. , pp. 247-248.
1222
Cf. Article 38 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 11, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 287.
1223
J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 648. Voir J. PERSONNAZ, Op. cit., p. 301.
1224
Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, p. 8,
§ 26; Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Eritrea’s Damages Claims, 17 August 2009, p. 8,
§ 26.
320

L’indemnisation des dommages matériels causés par l’exploitation illicite des


ressources naturelles d’un Etat en période de conflit armé ne nous semble en principe
présenter aucune particularité, même si leur évaluation demeure délicate compte tenu de
la complexité du phénomène. La pratique sur les réparations de guerre, présentée
systématiquement par Pierre d’Argent1225, est trop globale pour refléter les aspects
spécifiques de l’exploitation illicite des ressources naturelles. En particulier, la pratique
des Commissions des réclamations est peu éclairante à ce sujet. Par exemple, dans le
cadre de la Commission d’indemnisation des Nations unies, le Panel « F4 », dans son
Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners Concerning the Fifth
Instalment of ‘‘F4’’ Claims, déjà cité dans ce paragraphe, a pu évaluer le dommage causé
aux ressources naturelles (damage to or depletion of natural resources). Cependant, le
Panel n’a pas énuméré une quelconque exploitation illicite de ces ressources parmi les
causes (non exhaustives) des dommages appréciés1226. Ne pouvant pas assimiler
purement et simplement la destruction/perte partielle ou totale (épuisement) des
ressources naturelles à une exploitation illicite1227, nous ne saurons rien conclure de
l’œuvre du Panel pour ce qui est de l’évaluation du dommage dû à l’exploitation illicite
des ressources naturelles d’un Etat étranger dans le cadre d’un conflit armé. Par contre, la
Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie, qui a été saisie notamment
des demandes de l’Ethiopie relatives à la réparation des dommages causés par le pillage

1225
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 7-418.
1226
‘‘The claims in the fifth “F4” instalment are for compensation for damage to or depletion of natural
resources, including cultural heritage resources; measures to clean and restore damaged environment; and
damage to public health. The claims relate to damage resulting from, inter alia:
(a) Pollutants from the oil well fires and damaged oil wells in Kuwait;
(b) Oil spills into the Persian Gulf from pipelines, offshore terminals and tankers;
(c) Influx of refugees into the territories of some of the Claimants;
(d) Operations of military personnel and equipment;
(e) Mines and other remnants of war; and
(f) Exposure of the populations of the Claimants to pollutants from the oil well fires and oil spills in Kuwait
and to hostilities and various acts of violence’’(Report and Recommendations Made by the Panel of
Commissioners Concerning the Fifth Instalment of ‘‘F4’’ Claims, Op. cit., § 4).
1227
Certes, la destruction partielle ou l’épuisement des ressources naturelles peuvent être des conséquences
de leur exploitation illicite, mais elles ne lui sont pas assimilables. L’idée d’exploitation (illicite) des
ressources naturelles sous-entend généralement la volonté d’en retirer un intérêt économique dans le chef
de l’auteur de cette activité, ce qui n’est pas le cas de l’auteur de leur destruction.
321

des ressources naturelles, à savoir du marbre dans les carrières de Saba1228, a condamné
l’Erythrée au paiement de “US$ 3,216,000 for seizure and looting of the Saba
Dimensional Stones Share Company”1229. Dans ce chef de condamnation, la Commission
parle de la saisie et du pillage de la société Saba.... On ne voit pas clairement la part de
réparation qui est allouée à l’Ethiopie du fait du pillage des pierres de marbre, séparément
de l’attaque même de la société. En plus, les dossiers des parties n’étant pas accessibles
au public1230, on ne voit pas exactement si ce montant comprend également la réparation
accordée à l’Ethiopie pour pillage d’autres biens (par exemples, machines d’extraction du
marbre, matériels roulants, meubles meublants, …) de cette société. Sur ce, il serait
présomptueux de trop rapidement nous réjouir d’avoir trouvé un précédent relatif à
l’indemnisation d’un Etat du fait de pillage de ses ressources naturelles en cas de conflit
armé.

Cela dit, dans l’affaire Congo c. Ouganda, « [l]a Cour juge par ailleurs
appropriée la demande de la RDC tendant à ce que la nature, les formes et le montant de
la réparation qui lui est due soient, à défaut d’accord entre les Parties, déterminés par la
Cour dans une phase ultérieure de la procédure. La RDC aurait ainsi l’occasion de
démontrer, en en apportant la preuve, le préjudice exact qu’elle a subi du fait des actions
spécifiques de l’Ouganda constituant des faits internationalement illicites dont il est
responsable. Il va sans dire cependant, ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de
l’indiquer, ‘‘que, dans la phase de la procédure consacrée à la réparation, ni l’une ni
l’autre des Parties ne pourra remettre en cause les conclusions du présent arrêt qui
seront passées en force de chose jugée’’ […]. La Cour note également que la RDC a fait
état de son intention de chercher d’abord à régler la question de la réparation au moyen

1228
Cf. P. D’ARGENT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : Suite et fin », « Art. cit », p.
282.
1229
Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Ethiopia’s Damages Claims, 17 August 2009, p.
105, XII, A., 8.
1230
Cf. P. D’ARGENT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : Suite et fin », « Art. cit », p.
284.
322

de négociations directes avec l’Ouganda et de ne soumettre cette question à la Cour que


dans le cas ‘‘où les Parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet’’ »1231.

En mai 2010, la RDC a présenté à l’Ouganda une réclamation de la somme de


USD 23.514.943.928 à titre d’indemnisation1232. Les négociations entre les Parties sont
en cours. Nous attendons conséquemment la convention des Parties ou, en cas d’échec
des négociations, l’arrêt de la C.I.J., tout en espérant que dans l’un ou l’autre cas, des
précisions seront données en ce qui concerne les réparations des dommages causés par
l’exploitation illicite des ressources naturelles en temps de conflit armé.

Ce fait illicite, avons-nous déjà indiqué, a causé des dommages matériels et


des dommages moraux. Après cet examen des formes de réparation des dommages
matériels, examinons celles relatives aux dommages moraux.

2. Réparation du dommage moral


Les formes de réparation d’un dommage moral souffert par un Etat en cas
d’exploitation illicite de ses ressources naturelles doivent être examinées selon que ce
dommage est immédiat (a) ou médiat (b).

a. Réparation du dommage moral immédiat

En cas de dommage purement moral qui atteint immédiatement un Etat,


notamment par une atteinte à sa souveraineté, la satisfaction est considérée comme « [l]e
mode de réparation adéquat »1233. La satisfaction est « un avantage d’ordre moral destiné
à compenser un préjudice, en général moral, causé par un fait internationalement

1231
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 257, §§ 260-261. Voir également Ibidem, p. 281, § 345, point 6 du dispositif.
1232
Cf. S. KAPINGA KAPINGA NKASHAMA, « L’affaire des activités armées sur le territoire du Congo
(RDC c. Ouganda) : quid de la réparation due à l’Etat congolais et aux victimes collatérales des actes de
guerre », in Librairie d’Etudes juridiques africaines, Vol. 11, 2012, p. 11.
1233
J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 362. Voir P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en
droit international public, Op. cit., p. 717.
323

illicite »1234. Au fait, il s’agit d’une logique très simple : la réparation d’un dommage
purement moral doit être aussi purement morale1235.

La satisfaction est consacrée par l’article 37 du Projet de la C.D.I.1236. Le


paragraphe premier de cet article indique la nature du préjudice susceptible d’être réparé
par la satisfaction : le préjudice qui « ne peut pas être réparé par la restitution ou
l’indemnisation ». Ainsi, dans l’affaire du Génocide, la Cour internationale de Justice a
considéré que le demandeur est en droit de recevoir une réparation sous forme de
satisfaction, après avoir constaté qu’en l’espèce l’indemnisation n’est pas la forme
appropriée de réparation des dommages entraînés par le génocide à Srebrenica1237.

La satisfaction peut revêtir plusieurs formes. Le paragraphe 2 de l’article 37


en donne une énumération non exhaustive : reconnaissance de la violation, expression de
regrets, excuses formelles. Cet ordre dans lequel les formes de satisfaction sont
énumérées ne préjuge d’aucune hiérarchie ni préférence ; la forme utilisée est fonction
des circonstances de l’espèce et ne peut être prévue à l’avance1238. Le commentaire de la
C.D.I. indique d’autres exemples de formes de satisfaction : « une enquête sur les causes
de l’accident qui est à l’origine du dommage ou du préjudice, la création d’un fonds
fiduciaire pour gérer l’indemnisation dans l’intérêt des bénéficiaires, une action

1234
J. SALMON (sous la direction de), Op. cit., p. 1019. Pour des détails sur la satisfaction, voir J.
PERSONNAZ, Op. cit., pp. 285-299.
1235
Cf. P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 894, § 490; CL. BARTHE-GAY, « Art.
cit. », p. 113.
1236
« Article 37
Satisfaction
1. L’Etat responsable d’un fait internationalement illicite est tenu de donner satisfaction pour le préjudice
causé par ce fait dans la mesure où il ne peut pas être réparé par la restitution ou l’indemnisation.
2. La satisfaction peut consister en une reconnaissance de la violation, une expression de regrets, des
excuses formelles ou toute autre modalité appropriée.
3. La satisfaction ne doit pas être hors de proportion avec le préjudice et ne peut pas prendre une forme
humiliante pour l’Etat responsable ».
1237
« La Cour ne pouvant donc regarder comme établie l’existence d’un lien de causalité entre la violation
par le défendeur de son obligation de prévention et les dommages entraînés par le génocide de Srebrenica,
l’indemnisation n’apparaît pas comme la forme appropriée de réparation qu’appelle la violation de
l’obligation de prévenir le génocide. […] Il est néanmoins clair que le demandeur est en droit de recevoir
une réparation sous forme de satisfaction, qui pourrait on ne peut plus opportunément, ainsi que l’a suggéré
le demandeur lui-même, revêtir la forme d’une déclaration dans le présent arrêt indiquant que le défendeur
a manqué de se conformer à l’obligation que lui impose la Convention de prévenir le crime de génocide »
(Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 234, §§ 462-463).
1238
Article 37 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 280.
324

disciplinaire ou pénale contre les personnes dont le comportement est à l’origine du fait
internationalement illicite ou l’octroi des dommages-intérêts symboliques pour le
préjudice non pécuniaire. Les assurances ou garanties de non répétition […] peuvent
aussi être considérées comme une forme de satisfaction »1239.

Dans la pratique des juridictions internationales, la constatation de l’illicéité


est devenue une des formes de satisfaction les plus fréquentes1240. A titre indicatif, nous
pouvons citer l’affaire du Détroit de Corfou1241, l’affaire du Rainbow Warrior1242,
l’affaire du Navire « SAIGA »1243 et l’affaire du Génocide1244. S’agissant de cette dernière
affaire, Christian Tomuschat a cependant estimé que, compte tenu des circonstances de
l’espèce, la déclaration de l’illicéité a été ‘‘An Unsatisfactory Form of satisfaction’’1245.

1239
Ibidem, p. 280. Pour chaque forme de satisfaction, voir les références jurisprudentielles citées à cette
page.
1240
Cf. Article 37 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 6, in Ibidem, p. 280.
1241
« La Cour reconnaît que la carence complète du Gouvernement albanais dans l'exercice de ses fonctions
au lendemain des explosions, ainsi que le caractère dilatoire de ses notes diplomatiques constituent pour le
Gouvernement du Royaume-Uni des circonstances atténuantes. Elle doit, néanmoins, pour assurer
l'intégrité du droit international dont elle est l'organe, constater la violation par l'action de la marine de
guerre britannique de la souveraineté de l'Albanie. Cette constatation correspond à la demande faite au nom
de l'Albanie par son conseil et constitue en elle-même une satisfaction appropriée » (Affaire du Détroit de
Corfou, Arrêt du 9 avril 1949 : C.I.J. Recueil 1949, p. 35). Voir aussi Ibidem, p. 36 (dispositif).
1242
« [L]a condamnation de la République française à raison des violations de ses obligations envers la
Nouvelle-Zélande, rendue publique par la décision du Tribunal, constitue, dans les circonstances, une
satisfaction appropriée pour les dommages légaux et moraux causés à la Nouvelle-Zélande » (Sentence
arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle-Zélande c. France), point 8 du dispositif, in R.G.D.I.P., 1990, p. 878).
1243
« Une réparation sous la forme d’une satisfaction peut également être accordée par une déclaration
judiciaire indiquant qu’il y a eu violation d’un droit. […] Pour ce qui concerne les demandes en réparation
de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatives à la violation de ses droits, au sujet des navires battant son
pavillon, le Tribunal a déclaré aux paragraphes 136 et 159 que la Guinée a agi de manière illicite et a violé
les droits de Saint-Vincent-et-les-Grenadines en procédant à l’arraisonnement du Saiga dans les
circonstances de l’espèce et en faisant usage d’une force excessive. Le Tribunal estime que ces
constatations constituent une réparation adéquate » (Navire « SAIGA » (No. 2) (Saint-Vincent-et-les-
Grenadines c. Guinée), arrêt, TIDM Recueil 1999, §§ 171 et 176).
1244
« Il est néanmoins clair que le demandeur est en droit de recevoir une réparation sous forme de
satisfaction, qui pourrait on ne peut plus opportunément, ainsi que l’a suggéré le demandeur lui-même,
revêtir la forme d’une déclaration dans le présent arrêt indiquant que le défendeur a manqué de se
conformer à l’obligation que lui impose la Convention de prévenir le crime de génocide » (Application de
la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-
Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 234, § 463).
1245
CH. TOMUSCHAT, ‘‘Reparation in Case of Genocide’’, in Journal of International Criminal Justice,
5 (2007), p. 908.
325

Pour lui, ‘‘the ICJ could have ordered symbolic monetary damages, by taking into
account international practice and the request by the Applicant’’1246.

Dans l’affaire Congo c. Ouganda, dont un des griefs de la RDC porte sur le
pillage et les autres formes d’exploitation illicite de ses ressources naturelles, la Cour a
constaté la responsabilité de l’Ouganda1247. Peut-on automatiquement voir en cette
constatation une forme de satisfaction ? Avant de répondre à cette question, il importe de
mentionner ce commentaire de la C.D.I.: « [B]ien que les déclarations faites par une
cour ou un tribunal compétent puissent être considérées comme une forme de satisfaction
dans certaines affaires, de telles déclarations ne sont pas intrinsèquement associées à la
satisfaction. Tout tribunal ou cour compétent est habilité à déterminer la licéité d’un
comportement et à rendre ses conclusions publiques, en [tant] qu’étape normale du
procès. Une telle déclaration peut être le prélude à une décision portant sur une forme
quelconque de réparation ou peut constituer en soi la satisfaction »1248.

Il est donc utile d’apprécier au cas par cas les constatations d’illicéité faites
par les juridictions internationales. Dans le cas de l’affaire Congo c. Ouganda, la
constatation faite par la Cour, notamment de l’illicéité de l’exploitation des ressources
naturelles de la RDC, ne remplit pas une fonction réparatrice. En effet, après cette
constatation d’illicéité dans le chef de l’Ouganda, qui a causé un préjudice à la RDC ainsi
qu’aux personnes se trouvant sur son territoire, la Cour considère que l’Ouganda est tenu
de réparer ledit préjudice en conséquence , puis elle fait droit à la requête de la RDC de
négocier d’abord avec l’Ouganda en ce qui concerne la réparation et de revenir vers elle
en cas d’échec desdites négociations1249. Si la Cour estimait que cette constatation
d’illicéité constituait une forme de réparation, elle l’aurait déclaré de manière expresse et
non équivoque, ainsi qu’il ressort de sa pratique et de celle des autres juridictions
internationales. Rien n’exclut que la Cour fasse pareille déclaration si elle vient à rendre
une décision relative à la réparation dans cette affaire.

1246
Ibidem, p. 905. Pour les arguments relatifs à cette affirmation, voir Ibidem, pp. 908-911.
1247
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 257, § 259 et pp. 280-281, § 345, point 4 du dispositif.
1248
Article 37 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 6, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 281.
1249
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, pp. 257, §§ 259-261 et p. 281, § 345, point 6 du dispositif.
326

Enfin, le paragraphe 3 de l’article 37 du Projet de la C.D.I. « renvoie à


l’obligation de proportionnalité, qui vaut pour tout mode de réparation »1250. A ce sujet,
Clarisse Barthe-Gay estime que « [s]i cette disposition semble vouloir faire obstacle à
une satisfaction excessive, on peut remarquer que l’obligation de proportionnalité joue
également en sens inverse ; la satisfaction ne doit pas non plus être insuffisante, ce qui
peut conduire à une réparation associant plusieurs formes de satisfaction »1251. Par
exemple, dans l’affaire du Rainbow Warrior, il a été fait recours à plusieurs formes
satisfaction1252. Par ailleurs, la satisfaction « ne peut pas prendre une forme humiliante
pour l’Etat responsable ». Tout en relevant l’imprécision du terme « humiliant », le
commentaire de la C.D.I. indique que l’histoire a déjà connu des exemples d’exigences à
caractère humiliant1253.

On sait qu’en cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger, des personnes privées sont également atteintes dans leurs droits (droit de
propriété ou de jouissance sur les ressources naturelles, violations des droits de l’homme,
souffrances physiques et psychologiques,…). Ces atteintes subies par des particuliers
constituent pour l’Etat un dommage médiat, qui mérite également une réparation
adéquate, par le mécanisme de la protection diplomatique.

b. Réparation du dommage médiat

La réparation des dommages médiats de l’Etat est intimement liée à la


question de la protection diplomatique de cet Etat en faveur de son ressortissant. La
protection diplomatique est simplement définie comme « l’ ‘‘endossement’’ par un Etat

1250
CL. BARTHE-GAY, « Art. cit. », p. 117.
1251
Ibidem, p. 117.
1252
« [L]a décision du Secrétaire général des Nations Unies […] a prévu une triple satisfaction, consistant
en des excuses ‘‘formelles et sans réserve’’, une réparation pécuniaire et la punition des deux agents
français responsables de l’attentat contre le Rainbow Warrior. Dans la phase arbitrale de l’affaire, le
Tribunal a déclaré ‘‘que la condamnation de la République française à raison des violations de ses
obligations envers la Nouvelle-Zélande, rendue publique par la décision du Tribunal, [constituait], dans les
circonstances, une satisfaction appropriée pour les dommages légaux et moraux causés à la Nouvelle-
Zélande’’. Cette constatation juridictionnelle d’illicéité a été complétée par une recommandation (suivie
d’effet) portant d’une part sur la constitution d’un fonds destiné à promouvoir d’étroites et amicales
relations entre les citoyens des deux pays et d’autre part sur l’apport par la France à ce fonds d’une
contribution de deux millions de dollars américains » (Ibidem, pp. 117-118). Voir Sentence arbitrale du 30
avril 1990 (Nouvelle-Zélande c. France), point 9 du dispositif, in R.G.D.I.P., 1990, p. 878.
1253
Cf. Article 37 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 8, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 282.
327

de la réclamation d’un particulier lésé par un fait internationalement illicite d’un autre
Etat ou d’une organisation internationale »1254. Elle procède du principe classique selon
lequel les personnes privées n’ont pas de personnalité juridique internationale. Toute
atteinte à leur endroit est une atteinte à l’Etat de leur nationalité. C’est l’idée même de
préjudice médiat de l’Etat : il est un préjudice de l’Etat, bien que par l’intermédiaire des
personnes privées.

L’article 1er du Projet d’articles de la C.D.I. sur la protection diplomatique,


adopté en 2006, dispose que « la protection diplomatique consiste en l’invocation par un
Etat, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement pacifique, de la
responsabilité d’un autre Etat pour un préjudice causé par un fait internationalement
illicite dudit Etat à une personne physique ou morale ayant la nationalité du premier Etat
en vue de la mise en œuvre de cette responsabilité »1255. Le commentaire de cet article
mentionne que la conception selon laquelle « [l]a protection diplomatique a de longue
date été perçue comme un droit exclusif de l’Etat au sens où celui-ci exerce pour son
propre compte parce qu’un préjudice causé à un de ses nationaux est considéré comme
un préjudice de l’Etat lui-même [constitue] une fiction [et] une exagération […] Nombre
de règles de la protection diplomatique contredisent cette affirmation, en particulier la
règle de la continuité de la nationalité qui exige que le national lésé est demeuré son
national entre le moment où le préjudice a été causé et la date de la présentation de la
réclamation. ‘‘A vrai dire’’ – pour citer l’arrêt Mavrommatis -, l’Etat ne fait pas
seulement valoir son propre droit. ‘‘ A vrai dire’’, il fait aussi valoir le droit de son
national lésé » 1256.

Ainsi que l’observent Patrick Daillier, Mathias Forteau et Alain Pellet à


propos de l’article 1er de ce Projet de la C.D.I. de 2006, « [e]n omettant de préciser que,
dans une telle hypothèse, l’Etat agit ‘‘en son nom propre’’ (comme l’indiquait encore son
projet de première lecture [A/59/10, 2004, p. 17]), la Commission ouvre la voie à

1254
P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 903, § 495.
1255
Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de
sa cinquante-huitième session, 1er mai-9 juin et 3 juillet-11 août 2006, A/61/10, p. 17.
1256
Ibidem, pp. 25-26, § 3.
328

l’abandon de l’inutile fiction traditionnelle »1257. C’est dans cette logique que l’article 19
du Projet d’articles de 2006 sur la protection diplomatique recommande à l’Etat en droit
de l’exercer de « [t]enir compte, autant que possible, des vues des personnes lésées quant
au recours à la protection diplomatique et à la réparation à réclamer ; et [de t]ransférer à
la personne lésée toute indemnisation pour le préjudice obtenue de l’Etat responsable,
sous réserve de déductions raisonnables »1258.

La C.D.I. a ainsi abandonné la conception classique de la protection


diplomatique véhiculée par l’arrêt Mavrommatis, selon laquelle l’Etat fait valoir son
propre droit et non celui de son ressortissant1259. Selon la conception moderne de la
protection diplomatique « l’Etat agit pour le compte d’une personne privée, il représente
effectivement ses intérêts devant la justice internationale lorsque celle-ci ne reconnaît
pas à la personne privée de jus standi. Mais cette action est en même temps justifiée et
fondée par un droit de l’Etat qui lui appartient en propre. La violation de ce droit en la
personne de son ressortissant entraîne d’ailleurs elle-même un préjudice, mais qui est
essentiellement un préjudice moral […] pouvant et devant être réparé séparément du
préjudice causé à l’individu » 1260.

La Cour internationale de Justice s’est ralliée à cette conception moderne de


la protection diplomatique, ainsi qu’on peut le lire à travers l’affaire Diallo. Dans son
arrêt du 24 mai 2007, la Cour indique que l’article 1er du Projet de la C.D.I. de 2006 sur
la protection diplomatique reflète le droit international coutumier1261. Elle confirme

1257
P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 886, § 487.
1258
Article 19, b) et c).
1259
« C'est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l'Etat à protéger ses
nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n'ont pu
obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en
mouvement, en sa faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire,
valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit
international » (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 30 août 1924, C.P.J.I. Série A, n°2, p. 12.
Voir également Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, arrêt du 28 février 1939, C.P.J.I. Série A/B, n° 76, p.
16).
1260
O. DE FROUVILLE, « Affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République
démocratique du Congo). Exceptions préliminaires : Le roman inachevé de la protection diplomatique », in
A.F.D.I., Vol. 53, 2007, p. 301.
1261
Cf. Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)
(Indemnisation due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), exceptions
préliminaires, Arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 599, § 39.
329

l’élargissement du champ d’application de la protection diplomatique en ces termes :


« En raison de l’évolution matérielle du droit international, au cours de ces dernières
décennies, dans le domaine des droits reconnus aux personnes, le champ d’application
ratione materiae de la protection diplomatique, à l’origine limité aux violations alléguées
du standard minimum de traitement des étrangers, s’est étendu par la suite pour inclure
notamment les droits de l’homme internationalement garantis »1262

Pour consolider sa position et écarter ainsi les effets fictifs de la protection


diplomatique, la Cour, dans son arrêt du 19 juin 2012 relatif à l’indemnisation due par la
République démocratique du Congo à la République de Guinée, « [a tenu] à rappeler que
l’indemnité accordée à la Guinée dans l’exercice par celle-ci de sa protection
diplomatique à l’égard de M. Diallo, est destinée à réparer le préjudice subi par celui-
ci »1263. C’est à cette fin que la Cour « [a fixé] à 85 000 dollars des Etats-Unis le montant
de l’indemnité due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée
pour le préjudice immatériel subi par M. Diallo »1264 et « [a fixé] à 10 000 dollars des
Etats-Unis le montant de l’indemnité due par la République démocratique du Congo à la
République de Guinée pour le préjudice matériel subi par M. Diallo en ce qui concerne
ses biens personnels »1265.

Dans cette nouvelle conception de la protection diplomatique, les formes de


réparation du préjudice médiat de l’Etat seront envisagées selon qu’il s’agit de réparer le
préjudice de l’Etat, qui dans ce cas demeure un préjudice moral, ou de réparer les
préjudices « concrets » subis par le national, lesquels sont matériels et moraux dans le cas
de l’exploitation illicite des ressources naturelles.

En ce qui concerne la réparation du dommage médiat de l’Etat, résultant des


dommages matériels et moraux soufferts du fait de l’exploitation illicite des ressources
naturelles en temps de conflit armé, elle est, pour nous approprier les termes de l’arrêt

1262
Ibidem, p. 599, § 39.
1263
Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) (Indemnisation
due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt du 19 juin 2012, p. 20, §
57, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre 2012.
1264
Ibidem, p. 21, § 61, point 1 du dispositif.
1265
Ibidem, p. 21, § 61, point 2 du dispositif.
330

Diallo du 19 juin 2012, destinée à réparer les préjudices « concrets » subis par les
ressortissants de l’Etat qui exerce sa protection diplomatique à leur égard. Pour rappel,
les préjudices subis par les personnes privées du fait de l’exploitation illicite des
ressources naturelles en temps de conflit armé constituent des violations graves du droit
international humanitaire. Ainsi, quant aux formes que peut prendre cette réparation
destinée aux personnes privées, il y a lieu de nous référer au principe 18 des Principes
fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes
de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations
graves du droit international humanitaire : « restitution, indemnisation, réadaptation,
satisfaction et garanties de non-répétition »1266. La portée de ces différentes formes de
réparation est présentée par les principes 19 à 231267, bien que certaines modalités,

1266
Principe 18, A/RES/60/147.
1267
« 19. La restitution devrait, dans la mesure du possible, rétablir la victime dans la situation originale qui
existait avant que les violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou les violations
graves du droit international humanitaire ne se soient produites. La restitution comprend, selon qu’il
convient, la restauration de la liberté, la jouissance des droits de l’homme, de l’identité, de la vie de famille
et de la citoyenneté, le retour sur le lieu de résidence et la restitution de l’emploi et des biens.
20. Une indemnisation devrait être accordée pour tout dommage résultant de violations flagrantes du droit
international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, qui se prête à
une évaluation économique, selon qu’il convient et de manière proportionnée à la gravité de la violation et
aux circonstances de chaque cas, tel que :
a) Le préjudice physique ou psychologique ;
b) Les occasions perdues, y compris en ce qui concerne l’emploi, l’éducation et les prestations sociales ;
c) Les dommages matériels et la perte de revenus, y compris la perte du potentiel de gains ;
d) Le dommage moral ;
e) Les frais encourus pour l’assistance en justice ou les expertises, pour les médicaments et les services
médicaux et pour les services psychologiques et sociaux.
21. La réadaptation devrait comporter une prise en charge médicale et psychologique ainsi que l’accès à
des services juridiques et sociaux.
22. La satisfaction devrait comporter, le cas échéant, tout ou partie des mesures suivantes :
a) Mesures efficaces visant à faire cesser des violations persistantes ;
b) Vérification des faits et divulgation complète et publique de la vérité, dans la mesure où cette
divulgation n’a pas pour conséquence un nouveau préjudice ou ne menace pas la sécurité et les intérêts de
la victime, des proches de la victime, des témoins ou de personnes qui sont intervenues pour aider la
victime ou empêcher que d’autres violations ne se produisent ;
c) Recherche des personnes disparues, de l’identité des enfants qui ont été enlevés et des corps des
personnes tuées, et assistance pour la récupération, l’identification et la réinhumation des corps
conformément aux vœux exprimés ou présumés de la victime ou aux pratiques culturelles des familles et
des communautés ;
d) Déclaration officielle ou décision de justice rétablissant la victime et les personnes qui ont un lien étroit
avec elle dans leur dignité, leur réputation et leurs droits ;
e) Excuses publiques, notamment reconnaissance des faits et acceptation de responsabilité ;
f) Sanctions judiciaires et administratives à l’encontre des personnes responsables des violations ;
g) Commémorations et hommages aux victimes ;
331

comme la cessation du fait illicite et les assurances et garanties de non-répétition,


considérées comme des mesures de satisfaction, voire comme des formes de réparation,
soient contestables, ainsi que nous le verrons sous peu. Aux fins d’une « réparation pleine
et effective », le choix d’une ou de plusieurs formes appropriées (en ce compris le choix
d’une ou de plusieurs modalités des formes choisies) dépendra des circonstances de
chaque espèce. Il en sera ainsi notamment selon que le dommage à réparer est matériel ou
moral, sans exclure que les deux types de dommage soient réparés par une même forme,
notamment l’indemnisation, comme on l’a mentionné ci-avant concernant le préjudice
matériel et le préjudice moral subis par M. Diallo.

Ce point de notre travail étant consacré aux formes de réparation, nous


réservons pour un examen ultérieur la détermination des particuliers devant bénéficier de
la réparation, (§4, C). De même, les questions procédurales pertinentes ainsi que la
répartition du montant de la réparation, lorsqu’il s’agit d’une indemnité, seront
postérieurement abordées (§ 5, B et C). Pour l’instant, il convient de clarifier les rapports
entre la réparation, la cessation du fait illicite et les assurances et garanties de non-
répétition, qui sont parfois erronément assimilées aux formes de réparation.

h) Inclusion, dans la formation au droit international des droits de l’homme et au droit international
humanitaire et dans le matériel d’enseignement à tous les niveaux, d’informations précises sur les
violations qui se sont produites.
23. Les garanties de non-répétition devraient inclure, le cas échéant, tout ou partie des mesures suivantes
qui contribueront aussi à la prévention et qui consistent à :
a) Veiller au contrôle efficace des forces armées et des forces de sécurité par l’autorité civile ;
b) Veiller à ce que toutes les procédures civiles et militaires soient conformes aux normes internationales
en matière de régularité de la procédure, d’équité et d’impartialité ;
c) Renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire ;
d) Protéger les membres des professions juridiques, médicales et sanitaires et le personnel des médias et
d’autres professions analogues, ainsi que les défenseurs des droits de l’homme ;
e) Dispenser, à titre prioritaire et de façon suivie, un enseignement sur les droits de l’homme et le droit
international humanitaire dans tous les secteurs de la société, et une formation en la matière aux
responsables de l’application des lois et au personnel des forces armées et de sécurité ;
f) Encourager l’observation de codes de conduite et de normes déontologiques, en particulier de normes
internationales, par les fonctionnaires, y compris les responsables de l’application des lois, les personnels
de l’administration pénitentiaire, des médias, des services médicaux, psychologiques et sociaux et le
personnel militaire, ainsi que par les entreprises ;
g) Promouvoir des mécanismes pour prévenir, surveiller et résoudre les conflits sociaux ;
h) Réexaminer et réformer les lois favorisant ou permettant des violations flagrantes du droit international
des droits de l’homme et des violations graves du droit international humanitaire » (A/RES/60/147).
332

C. Réparation, cessation et assurances et garanties de non répétition du fait illicite

Pour l’Etat responsable d’un fait internationalement illicite dommageable, la


conséquence principale de sa violation du droit des gens est la réparation du préjudice qui
en découle. Deux autres conséquences non négligeables, qui naissent indépendamment de
l’obligation de réparer tout en présentant des rapports certains avec celle-ci sont :
l’obligation de cessation du fait illicite (1) et l’obligation d’offrir des assurances et des
garanties de non-répétition du fait illicite (2), énoncées par l’article 30 du Projet de la
C.D.I.1268.

1. Réparation et cessation du fait illicite


La violation par un Etat de ses obligations internationales ne met pas fin à
l’obligation de respecter celles-ci. C’est à ce titre que l’article 29 du Projet de la C.D.I. de
2001 consacre le maintien du devoir d’exécuter l’obligation violée1269. Une conséquence
logique de ce prescrit de l’article 29 est, dans le cas où le fait illicite est continu, comme
il peut en être de l’exploitation illicite des ressources naturelles, l’obligation d’y mettre
fin, ainsi qu’il ressort de l’alinéa a) de l’article 30 du Projet de la C.D.I. Néanmoins, il est
étonnant de lire sous le commentaire de la C.D.I. que l’obligation de cessation s’applique
également à un fait non continu susceptible d’être répété: « L’obligation de mettre fin à
un comportement illicite naît le plus couramment dans le cas d’un fait illicite continu,
mais l’article 30 englobe également les situations dans lesquelles un Etat a violé une
obligation à plusieurs occasions, ce qui implique un risque de répétition. La formule ‘‘si
ce fait continue’’ qui figure à la fin de l’alinéa a de l’article vise à couvrir les deux
situations »1270.

1268
« Article 30
Cessation et non-répétition
L’Etat responsable du fait internationalement illicite a l’obligation:
a) D’y mettre fin si ce fait continue;
b) D’offrir des assurances et des garanties de non-répétition appropriées si les circonstances l’exigent ».
1269
« Article 29
Maintien du devoir d’exécuter l’obligation
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite prévues dans la présente partie n’affectent
pas le maintien du devoir de l’Etat responsable d’exécuter l’obligation violée ».
1270
Article 30 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 3, in J. CRAWFORD, Op. cit., pp. 235-236.
333

Ce commentaire nous semble malvenu ; il peut créer une confusion en ce qui


concerne le rôle de la cessation du fait illicite et celui des assurances et garanties de non-
répétition. Dans son sens technique, la cessation n’est exigée qu’en cas de fait continu. Si
un Etat a violé une obligation à différentes occasions, avec risque de répétition de la
violation, il est plutôt commode d’exiger de lui des assurances et garanties de non-
répétition. Et comme le souligne Mathias Forteau, cette explication de la C.D.I. présente
une incohérence au niveau purement grammatical et au niveau juridique : « Sur le plan
purement grammatical, il est tout d’abord curieux de considérer que l’obligation de
cesser un fait qui continue couvre la répétition de ce fait. Sur le plan juridique ensuite,
cette affirmation est en contradiction avec la logique du projet d’articles qui fait de la
cessation la conséquence de l’engagement de la responsabilité. Par définition,
l’obligation de cesser le fait illicite trouve sa source dans ce même fait illicite. Exiger la
cessation d’un fait à venir au titre du droit de la responsabilité suppose, ce qui est
impossible, de fonder cette obligation sur un fait qui n’existe pas encore (celui qui
engagera la responsabilité et obligera sa cessation) ; ou bien de la fonder sur un fait qui
en est distinct (le fait qu’il s’agit de ne pas reproduire), ce qui est tout aussi impossible.
‘‘Répéter’’ un fait illicite n’est pas répéter un même fait »1271.

A la lumière de cette observation, il va de soi que dans des cas d’exploitation


illicite instantanée des ressources naturelles, la question de la cessation du fait illicite ne
se pose plus. Il faut carrément envisager la réparation (et éventuellement les assurances et
garanties de non-répétition, que nous aborderons incessamment).

Peut-on voir en la cessation de l’exploitation illicite des ressources naturelles


d’un Etat étranger une forme de réparation des dommages causés par ce fait illicite, en
l’occurrence la restitution et la satisfaction ?

Dans certains cas, on peut facilement confondre la cessation du fait illicite


avec la restitution. C’est, par exemple, la remise à l’Etat propriétaire de ses matières
précieuses pillées puis stockées à la banque centrale de l’Etat auteur du pillage comme
instrument de réserve (or monétaire). Cette utilisation d’or monétaire constitue une

1271
M. FORTEAU, Droit de la sécurité collective et droit de la responsabilité internationale de l’Etat,
Paris, Pedone, 2006, p. 187.
334

exploitation illicite. La cessation de ce fait illicite qui se traduit par la remise des lingots
d’or à leur propriétaire (Etat lésé) ne peut en aucun cas être considérée comme une
réparation sous forme de restitution. D’une part, « [à] la différence de la restitution, la
cessation n’est pas soumise aux limitations imposées par le critère de la proportionnalité.
Elle peut donner lieu à une obligation continue alors même que le retour au statu quo
ante est exclu ou n’est réalisable que de manière approximative »1272. D’autre part, la
cessation produit des effets pour l’avenir tandis que la réparation doit produire des effets
rétroactifs en « [effaçant] toutes les conséquences de l’acte illicite »1273.

Par ailleurs, le principe 22, a) des Principes fondamentaux et directives


concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du
droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international
humanitaire considère la cessation du fait illicite comme une mesure de satisfaction.
Comme le fait remarquer Pierre d’Argent, en se référant au Projet d’articles de la C.D.I.
sur la responsabilité des Etats qui « en font une conséquence juridique propre de l’illicéité
et non une manière de donner satisfaction [, cet] étrange déplacement n’est pas expliqué.
[…] A cet égard, il est symptomatique que la cessation soit considérée comme une
mesure ‘‘visant à faire cesser des violations persistantes’’, et non comme un moyen de
redresser un fait illicite particulier »1274.

A tout prendre, « la cessation ne constitue pas une forme de réparation, mais


une obligation découlant de la conjonction et d’un comportement illicite en cours et de
l’action normative de la règle primaire à laquelle le comportement illicite

1272
Article 30 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 7, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 237.
1273
« Si la cessation peut donc participer, par son effet, à la réparation et s’apparenter à l’une des formes
que celle-ci peut emprunter – c’est en ce sens sans doute que P. Weil la qualifie de ‘‘para-réparation’’ […]
-, elle n’en devient pas pour autant ‘‘un élément de la réparation’’ à proprement parler , étant ‘‘axé sur
l’avenir’’ et non , comme cette dernière, sur le ‘‘passé’’ » (P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en
droit international public, Op. cit., p. 676).
1274
Idem, « Le droit de la responsabilité internationale complété ?... », « Art. cit. », p. 50.
335

contrevient »1275. Même si « quantitativement, la cessation peut avoir un impact sur


l’importance des réparations à fournir » 1276, elle en demeure qualitativement différente.

L’importance du respect de l’obligation de mettre fin au fait illicite continu ne


peut être contestée. Mais pour rassurer l’Etat lésé, certaines circonstances exigent que
l’Etat responsable lui offre par ailleurs des assurances et des garanties de non-répétition
du fait internationalement illicite.

2. Réparation et assurances et garanties de non-répétition du fait illicite


La C.D.I. établit une différence entre des assurances de non-répétition et des
garanties de non-répétition en ces termes : « Les assurances sont normalement données
oralement alors que les garanties de non-répétition impliquent davantage – par exemple
l’adoption par l’Etat responsable de mesures préventives pour éviter que la violation ne
se reproduise »1277.

Dans le commentaire sous l’article 37 (satisfaction), que nous avons déjà


mentionné, la C.D.I. indique que « [les assurances ou garanties de non-répétition […]
peuvent aussi être considérées comme une forme de satisfaction »1278. Cette idée figure
déjà dans le commentaire relatif à l’article 30, b) (assurances et garanties de non-
répétition)1279. Elle est soutenue par une partie de la doctrine, notamment Patrick Daillier,
Mathias Forteau et Alain Pellet, qui estiment qu’ « il est douteux que l’obligation
(éventuelle) d’offrir des garanties de non-répétition ait un caractère autonome : elle relève
bien plutôt d’un mode particulier de réparation, la satisfaction »1280. De surcroît, les
Principes fondamentaux et directives adoptés en 2005 par l’Assemblée générale
considèrent à leur tour, ainsi qu’on peut le revoir ci-avant (chapitre V, section II, §2, B, 2,

1275
Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international à l’Assemblée
générale sur les travaux de sa quarante-cinquième session (3mai-23 juillet 1993), in A.C.D.I., 1993,
Volume II, Deuxième partie, p. 60, § 15.
1276
Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 676.
1277
Article 30 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 12, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 239.
1278
Article 37 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in Ibidem, p. 280.
1279
Article 30 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 11, in Ibidem, p. 239.
1280
P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Op. cit., p. 889, § 488.
336

b), les garanties de non-répétition comme une forme de réparation (principes 18 et 23),
quoique distincte de la satisfaction (principes 18 et 22)1281.

Certes, ces considérations peuvent engendrer des confusions. Cependant, la


C.D.I. est parfaitement claire sur la nature juridique des assurances et garanties de non-
répétition lorsqu’elle mentionne dans son commentaire relatif à l’article 30, b) : « [L]es
assurances et garanties de non-répétition ont l’avantage d’être tournées vers l’avenir et
visent à empêcher d’autres violations potentielles. Elles sont axées sur la prévention
plutôt que sur la réparation »1282. En outre, poursuit le commentaire de la C.D.I., « [i]l
vaut mieux considérer que […] [l]orsqu’un Etat lésé cherche à obtenir des assurances et
garanties de non-répétition, c’est essentiellement pour renforcer une relation juridique
continue et l’accent est mis sur le respect futur d’une obligation et non pas sur sa
violation passée »1283.

De même, la doctrine dominante distingue nettement les assurances et


garanties de non-répétition de la réparation. Sur ce point, Clarisse Barthe-Gay est d’abord
un peu nuancée lorsqu’elle écrit que « seules les formes moins contraignantes
d’assurances et garanties de non-répétition, telles les simples assurances verbales ou les
promesses solennelles mais vagues, semblent pouvoir être rattachées à la satisfaction,
car on peut y voir ‘‘une déclaration de bonne volonté tout à fait complémentaire et
assimilable aux excuses et [aux regrets] que l’Etat lésé demande à l’Etat responsable à
titre de satisfaction’’ »1284. Puis, elle conclut de manière pertinemment tranchée : « Les
assurances et garanties de non-répétition semblent donc, en règle générale, ne pas relever
de la satisfaction, ce qui ne les empêche pas de rejoindre celle-ci au niveau de certaines
fonctions qu’elle remplit »1285. S’agissant de ces fonctions, elle souligne la sanction de
l’Etat responsable et la garantie de la légalité internationale1286. Pour Joe Verhoeven, les
assurances et garanties de non-répétition, s’inscrivant dans une perspective de sanctions,

1281
Sur les critiques de cette conception, voir P. D’ARGENT, « Le droit de la responsabilité internationale
complété ?... », « Art. cit. », pp. 50-53.
1282
Article 30 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in J. CRAWFORD, Op. cit. , p. 238.
1283
Article 30 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 11, in Ibidem, p. 239.
1284
CL. BARTHE-GAY, « Art. cit. », p. 122.
1285
Ibidem, p. 122.
1286
Cf. Ibidem, p. 122.
337

paraissent étrangères à la réparation proprement dite1287. Pierre d’Argent confirme cette


position en faisant remarquer que « [l]’extinction de la dette de réparation de l’Etat
délinquant ne saurait […] dépendre de la bonne exécution [des] mesures de
garanties »1288.

Après l’étude du principe et des formes de la réparation, force est de nous


pencher sur les titulaires de l’obligation de réparer les dommages causés par
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger.

§3. Titulaires de l’obligation de réparer

Dans les conflits armés examinés dans la première partie, l’exploitation


illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé fait intervenir
plusieurs Etats. Chaque Etat qui contribue d’une manière ou d’une autre aux dommages
qui résultent de ce fait illicite est tenu d’intervenir également dans la réparation.
L’étendue et les formes de la réparation varient selon que le titulaire de l’obligation de
réparer est un Etat auteur de l’exploitation illicite des ressources naturelles (A), un Etat
ayant accordé une aide ou une assistance à l’auteur de ce fait illicite (B), un Etat ayant
manqué à une obligation de vigilance (C) ou un Etat ayant manqué à une obligation de
faire respecter le droit international humanitaire (D).

A. Etat auteur de l’exploitation illicite des ressources naturelles

L’Etat qui se livre à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un autre
Etat doit supporter toutes les conséquences de son fait internationalement illicite,
notamment la réparation intégrale des dommages qui en proviennent (article 31 du Projet
de la C.D.I.). Ainsi qu’on l’a déjà mentionné, la forme de réparation dépendra du
dommage spécifique à réparer. Mais la réparation intégrale de tous les dommages
(réparation entière de tout dommage) exigera pratiquement le recours à toutes les formes
de réparation (restitution des biens encore détenus, par exemple, les espèces de la faune
sauvage de la RDC retenues au Rwanda ; indemnisation et satisfaction).

1287
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 647.
1288
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 680.
338

Dans la plupart des situations que nous avons décrites dans le chapitre II,
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger par plusieurs Etats est le
plus souvent faite séparément, c’est-à-dire sans concertation entre eux, sans coordination
de leurs opérations. Il y a lieu de rappeler l’exploitation illicite des ressources naturelles
de la RDC par le Rwanda et par l’Ouganda. Nous ne sommes donc pas dans l’hypothèse
de l’article 47 du Projet de la C.D.I. de 2001 sur la responsabilité de l’Etat, consacré à la
pluralité d’Etats responsables du même fait internationalement illicite1289. Cet article vise
la responsabilité de plusieurs Etats pour un même fait internationalement illicite. Selon le
commentaire de la C.D.I., pareille responsabilité intervient par exemple lorsque deux ou
plusieurs Etats accomplissent conjointement l’opération tout entière réalisant la
commission d’un fait internationalement illicite ; ou bien ils agissent par l’intermédiaire
d’un organe commun ou encore un Etat commet le fait internationalement illicite en
agissant sous les directives et sous le contrôle d’un autre Etat1290.

Par contre, certains cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un
Etat étranger, que nous avons mentionnés dans le chapitre II, révèlent une pluralité
d’Etats responsables au sens de l’article 47 du Projet de la C.D.I. Sur ce point, on peut
rappeler la coopération entre le Libéria et le Burkina Faso dans le cadre de l’exploitation
des diamants du RUF lorsque le Libéria et le RUF faisaient l’objet d’un embargo sur les
armes et sur les diamants. C’est le Burkina Faso qui s’occupait des transactions des
diamants (pillés en Sierra Leone) et pour son compte et pour celui du Libéria et du RUF.
Les éléments factuels démontrent que le président burkinabé Blaise Compaoré agissait
sous les directives et sous le contrôle du président libérien Charles Taylor. Dès lors, le

1289
« Article 47
Pluralité d’Etats responsables
1. Lorsque plusieurs Etats sont responsables du même fait internationalement illicite, la responsabilité de
chaque Etat peut être invoquée par rapport à ce fait.
2. Le paragraphe 1 :
a) Ne permet à aucun Etat lésé de recevoir une indemnisation supérieure au dommage qu’il a subi;
b) Est sans préjudice de tout droit de recours à l’égard des autres Etats responsables ». Pour un
commentaire sur l’article 47 du Projet de la C.D.I., voir P. D’ARGENT, ‘‘Reparation, cessation, assurances
and guarantees of non-repetition in situations of shared responsibility’’, in A. NOLLKAEMPER (ed.),
Shared Responsibility, Cambridge, CUP, 2014 (à paraître).
1290
Cf. Article 47 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit. , p. 325.
339

Burkina Faso et le Libéria sont responsables du même fait internationalement illicite


d’exploitation illicite des ressources naturelles de la Sierra Leone.

Contrairement à plusieurs droits internes, il n’existe pas, en droit international


général, de régime de responsabilité conjointe ou solidaire1291. La Cour internationale de
Justice, qui a été saisie expressément de cette question au titre d’exceptions préliminaires
dans l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru, l’a réservée pour le fond de
l’affaire1292. Elle n’a toutefois pas eu l’occasion de la trancher, un accord d’indemnisation
étant intervenu entre les parties1293. Cependant, un apport important de cet arrêt réside au
niveau de la recevabilité : en cas de pluralité d’Etats responsables, une demande formulée
contre l’un d’eux ne doit pas être déclarée irrecevable in limine litis au seul motif que les
autres Etats co-responsables ne sont pas parties à l’instance1294.

L’article 47 du Projet de la C.D.I., concernant la pluralité d’Etats


responsables du même fait internationalement illicite, ne consacre pas la solidarité quant
à l’obligation de réparer les dommages qui en résultent. Le paragraphe premier de cet
article dispose que « [l]orsque plusieurs Etats sont responsables du même fait
internationalement illicite, la responsabilité de chaque Etat peut être invoquée par rapport

1291
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 633; P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international
public, Op. cit., pp. 746-752.
1292
« L'Australie soutient tout d'abord que, dans la mesure où les réclamations de Nauru se fondent sur le
comportement de l'Australie agissant en tant que l'un des trois Etats constituant l'autorité administrante en
vertu de l'accord de tutelle, la responsabilité de ce chef est de nature telle qu'une réclamation ne saurait être
présentée que contre les trois Etats pris conjointement et non contre l'un d'entre eux à titre individuel. A ce
propos, l'Australie a soulevé la question de savoir si la responsabilité des trois Etats serait ‘‘solidaire’’
(‘‘joint and several’’), en ce sens que l'un quelconque des trois serait tenu de réparer en totalité le préjudice
résultant de toute méconnaissance des obligations de l'autorité administrante et non pas seulement d'assurer
cette réparation pour un tiers ou dans toute autre proportion. Il s'agit là d'une question que la Cour doit
réserver pour le fond de l'affaire » (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 258, § 48). La Cour a en outre précisé que son « arrêt ne
tranch[ait] pas la question de savoir si l'Australie, dans le cas où elle serait déclarée responsable, devrait
réparer, en totalité ou seulement pour partie, les dommages que Nauru prétend[ait] avoir subis » (Ibidem, p.
262, § 56).
1293
Cf. J. VERHOEVEN, Op. cit., p. 633.
1294
« La Cour n'estime pas qu'il ait été démontré qu'une demande formée contre l'un des trois Etats
seulement doive être déclarée irrecevable in limine litis au seul motif qu'elle soulève des questions relatives
à l'administration du Territoire à laquelle participaient deux autres Etats. En effet, il est indéniable que
l'Australie était tenue d'obligations en vertu de l'accord de tutelle, dans la mesure où elle était l'un des trois
Etats qui constituaient l'autorité administrante, et rien dans la nature de cet accord n'interdit à la Cour de
connaître d'une demande relative à la méconnaissance desdites obligations par l'Australie » (Certaines
terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p.
259, § 48).
340

à ce fait ». Et selon le paragraphe 2, a) du même article, aucun Etat lésé ne peut recevoir
une indemnisation supérieure au dommage qu’il a subi. Comme le souligne Samantha
Besson, « [l]a pluralité d’Etats responsables n’affecte donc pas en principe les modalités
de la réparation dans ce cas, puisque chaque Etat répare individuellement ce qu’il a
contribué à causer »1295. Ceci est facilement compréhensible s’agissant de la restitution et
de la satisfaction. Au fait, note Samantha Besson, « [d]ans le cas de la restitution, par
exemple, chaque Etat est appelé à restituer ce qu’il peut restituer et ceci indépendamment
de la co-responsabilité de l’autre Etat. La même chose vaut en termes de
satisfaction »1296. Pour Mme Besson, l’indemnisation soulève encore quelques difficultés
du moment qu’elle « est censée réparer l’entier du dommage encouru par l’Etat lésé et
ceci éventuellement indépendamment de la proportion dans laquelle chaque Etat a
contribué à le causer »1297. Elle estime que c’est dans le cas de l’indemnisation que « la
responsabilité plurale joue véritablement un rôle ; c’est lorsque la dette est financière que
la solidarité prend toute son importance »1298. Tout en reconnaissant l’inexistence du
principe d’une responsabilité internationale solidaire, cet auteur s’efforce de prouver qu’il
est possible d’établir, de lege ferenda, un régime général de responsabilité solidaire des
Etats en matière d’indemnisation1299. Cette piste peut légitimement être explorée. Mais
elle ne paraît pas utile dans le cadre de cette étude. Sur ce point, nous nous limiterons à la
solution du droit positif.

Aux termes de l’article 36 du Projet de la C.D.I., « l’indemnité couvre tout


dommage susceptible d’évaluation financière ». En cas de co-responsabilité à raison d’un
même fait internationalement illicite (article 47), chaque Etat peut être condamné au
versement de toute l’indemnité. Mais, d’après le commentaire de la C.D.I. sous l’article
47, « [l]e principe [de l’alinéa a) du paragraphe 2] répond seulement au souci de faire
en sorte que le montant de l’indemnisation effective ne soit pas supérieur à celui du
dommage. Il n’exclurait pas une décision condamnant simultanément plusieurs Etats

1295
S. BESSON, « La pluralité d’Etats responsables. Vers une solidarité internationale ? », in R.S.D.I.E.,
1/2007, p. 23.
1296
Ibidem, p. 23.
1297
Ibidem, p. 23.
1298
Ibidem, p. 23.
1299
Cf. Ibidem, pp. 34-38.
341

responsables à indemniser l’Etat lésé, mais la décision serait considérée comme ayant
été exécutée de façon satisfaisante, à l’égard de ce dernier, dès lors que l’un quelconque
des Etats ainsi condamnés aurait versé l’intégralité de l’indemnisation accordée »1300.

Sans pour autant régler la question de la répartition de la contribution à la


charge de l’indemnisation en cas de pluralité d’Etats responsables du même fait
internationalement illicite, l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 47 n’exclut pas « tout
droit de recours que pourrait avoir un Etat responsable contre un autre Etat responsable »,
en vertu notamment d’une convention internationale consacrant la responsabilité solidaire
des Etats parties, qui demeure une lex specialis par rapport au Projet d’articles1301.

L’on ne doit pas perdre de vue que l’article 47 du Projet de la C.D.I. ne vise
pas la pluralité d’Etats responsables du même dommage, par exemple, la pollution d’un
cours d’eau par plusieurs Etats en y déversant séparément des produits polluants1302. La
C.D.I. illustre également cette situation par l’affaire du Détroit de Corfou, dans laquelle
la Cour internationale de Justice a établi l’entière responsabilité de l’Albanie pour
manquement à l’obligation de diligence, faute d’avertir les navires britanniques de la
présence des mines dans les eaux albanaises, alors même qu’il apparaît que la pose de ces
mines a été le fait de la Yougoslavie1303. En pareils cas, « la responsabilité de chaque Etat
participant est établie séparément, sur la base de son propre comportement et au regard de
ses propres obligations internationales »1304. Dans l’exemple de l’exploitation illicite des
ressources naturelles de la RDC réalisée séparément par l’Ouganda et par le Rwanda, la
responsabilité de chacun de ces deux Etats est pleinement engagée et chacun d’eux est

1300
Article 47 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 9, in J. CRAWFORD, Op. cit. , p. 328.
1301
Cf. Article 47 du Projet de la C.D.I., Commentaire, §§ 5 et 10, in Ibidem, pp. 326-327 et 328-329.
1302
Cf. Article 47 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 8, in J. CRAWFORD, Op. cit. , pp. 327-328.
1303
« Dans l’incident du Détroit de Corfou, il apparaît que la pose proprement dite des mines a été le fait
de la Yougoslavie, qui aurait été responsable du dommage qu’elles ont causé. La Cour internationale de
Justice a jugé que l’Albanie était responsable du même dommage envers le Royaume-Uni au motif qu’elle
avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la présence des mines et de la tentative que faisaient
les navires britanniques d’exercer leur droit de passage, et qu’elle n’a pas averti ces derniers. Cependant, la
Cour n’a pas donné à entendre que la responsabilité de l’Albanie à raison de ce défaut d’avertissement se
trouvait réduite encore moins exclue par l’effet de la responsabilité concurrente d’un Etat tiers » (Article 47
du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 8, in J. CRAWFORD, Op. cit. , p. 328).
1304
Article 47 du Projet de la C.D.I., Commentaire § 8, in Ibidem, p. 328.
342

obligé séparément de réparer intégralement les dommages subis par la RDC à raison de
son comportement illicite.

Sans être auteur ou co-auteur de l’exploitation illicite des ressources


naturelles, un Etat peut voir sa responsabilité internationale engagée pour avoir prêté aide
ou assistance à l’auteur de ce fait illicite.

B. Etat ayant accordé une aide ou une assistance à l’auteur de l’exploitation illicite
des ressources naturelles

Contrairement aux cas de responsabilité des Etats du fait d’exploitation


illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger et de l’aide accordée par des Etats à
des groupes armés se livrant à cette activité illicite, l’hypothèse de l’aide ou assistance
(complicité) d’un Etat à un autre Etat pour la commission de ce fait illicite n’est pas
illustrée par notre échantillon d’étude. Toutefois, rien n’exclut cette possibilité. Mais, ne
disposant pas de données concrètes dans le cadre de cette recherche, nous serons sur ce
point très bref.

Selon le Commentaire de la C.D.I. relatif à l’article 16 du Projet sur la


responsabilité de l’Etat, il peut arriver que « l’assistance n’a été qu’un facteur incident
dans la commission de l’acte primaire et n’a contribué qu’à un degré mineur au préjudice
subi, voire n’y a pas contribué du tout »1305. En pareille situation, « [l]’Etat qui en aide un
autre à commettre un fait internationalement illicite ne devrait pas nécessairement être
tenu d’indemniser la victime de toutes les conséquences du fait, mais seulement de celles
qui […] découlent de sa propre conduite »1306.

Par contre, poursuit la C.D.I., « lorsque l’assistance est un élément nécessaire


du fait illicite, sans lequel le fait en question ne se serait pas produit, le préjudice subi
peut être attribué concurremment à l’Etat qui assiste et à celui qui agit »1307. Il s’agit
d’une exception au principe de l’article 16 : la distinction entre l’Etat qui assiste et l’Etat
qui agit devient inopérante1308. On se retrouve dans l’hypothèse de « la responsabilité

1305
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in Ibidem, p. 181.
1306
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in Ibidem, p. 181.
1307
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in Ibidem, p. 181.
1308
Cf. Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in Ibidem, p. 181.
343

concurrente de plusieurs Etats pour le même préjudice »1309, que nous venons d’examiner
ci-avant à la lumière de l’affaire du Détroit de Corfou. Dans ce cas, par exemple, l’Etat
ayant apporté à un autre une aide nécessaire à l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat étranger par ce dernier peut également être obligé de réparer
intégralement le préjudice résultant de ce fait d’exploitation illicite.

Pour tout dire de l’articulation entre la responsabilité internationale de l’Etat


auteur d’un fait internationalement illicite et celle de l’Etat « complice » de ce fait,
« l’Etat principalement responsable est l’Etat auteur, l’autre Etat ayant simplement un
rôle d’appui. […] Au regard de l’article 16, il faut distinguer l’aide ou l’assistance
prêtée par un Etat de la responsabilité de l’Etat qui agit. Le premier ne sera responsable
que dans la mesure où son propre comportement a provoqué le fait internationalement
illicite ou y a contribué. C’est ainsi que dans les cas où le fait en question se serait de
toute manière produit, sa responsabilité ne s’étendra pas à la réparation du préjudice
causé par le fait lui-même »1310.

Généralement, l’aide ou l’assistance d’un Etat à commettre un fait illicite fait


l’objet des protestations diplomatiques1311. Mais rien n’exclut la possibilité des poursuites
judiciaires contre l’Etat qui offre l’assistance, malgré le silence de l’article 16 quant aux
questions de procédure, notamment de recevabilité. Cependant, les poursuites judiciaires
de l’Etat « complice » sont subordonnées à celles de l’auteur du fait illicite. En effet,
« [l]’illicéité de l’aide ou de l’assistance prêtée par un Etat est fonction de l’illicéité du
comportement [de son bénéficiaire] »1312. En conséquence, pour qu’une juridiction
internationale puisse établir l’illicéité de l’aide, elle doit au préalable établir l’illicéité du
fait pour la commission duquel son auteur a reçu cette assistance, ce qui sous-entend que
cet Etat auteur du fait illicite a accepté sa compétence et qu’il est partie à l’instance.
L’action contre l’Etat qui a offert l’aide est irrecevable à défaut de son consentement. Ce

1309
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, note 301, in Ibidem, p. 181.
1310
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 1er, in Ibidem, pp. 177-178.
1311
Cf. Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 11, in Ibidem, pp. 181-182.
1312
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 11, in Ibidem, p. 181.
344

raisonnement s’inspire du principe qui a été posé par la Cour internationale de Justice
dans l’affaire de l’Or monétaire1313.

L’Etat ayant accordé une aide à l’Etat auteur d’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger ne pourra être obligé de réparer sous la forme de
restitution dans le cas où il n’a lui-même posé aucun acte d’exploitation illicite de
ressources naturelles. Cependant, il pourra être obligé de payer des indemnités ou
d’accorder à l’Etat lésé une satisfaction, notamment sous la forme d’excuses ou
d’expression des regrets.

C. Etat ayant manqué à une obligation de vigilance

Comme on l’a relevé précédemment, certains Etats, par exemple l’Ouganda,


ont manqué à une obligation de vigilance en ne prenant pas les mesures appropriées pour
que leurs forces armées ne se livrent pas à l’exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat étranger. Du moment que ce fait illicite est commis par des organes de l’Etat, il
est attribuable à cet Etat. Dans ce cas, sa responsabilité internationale est engagée du fait

1313
Dans cette affaire, la première demande de l’Italie consistait en une réclamation contre l’Albanie d’une
indemnité en vue de la réparation d’un dommage qu’elle aurait subi d’un fait internationalement illicite de
cette dernière. Cette indemnité devrait être constituée d’or monétaire de la Banque nationale d’Albanie pris
à Rome par l’Allemagne en 1943, or monétaire réclamé par l’Italie et l’Albanie, mais qu’une sentence
arbitrale sollicité par les trois alliés occidentaux (la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni) a accordé à
l’Albanie. Mais dans leur compromis d’arbitrage, il était indiqué que si l’or monétaire revenait à l’Albanie,
il servirait à une indemnisation partielle des dommages subis par le Royaume-Uni dans le Détroit de
Corfou. C’est ainsi que l’Italie saisit la CIJ contre les trois alliés pour contester la sentence arbitrale en vue
d’obtenir cet or monétaire au titre d’indemnisation d’un prétendu dommage subi d’un fait
internationalement illicite de l’Albanie. Cette action n’aboutit pas, faute de compétence de la Cour à l’égard
de l’Albanie (Cf. D. RUZIE, Op. cit., p. 261). En l’absence de l’Albanie et sans son consentement à la
compétence de la Cour, celle-ci prit cette position de principe : « [P]our déterminer si l'Italie a titre à
recevoir l'or, il est nécessaire de déterminer si l'Albanie a commis un délit international contre l'Italie et si
elle est tenue à réparation envers elle ; puis, dans ce cas, de déterminer aussi le montant de l'indemnité. […]
Examiner au fond de telles questions serait trancher un différend entre l'Italie et l'Albanie […] sans le
consentement de l'Albanie. […] Statuer sur la responsabilité internationale de l'Albanie sans son
consentement serait agir à l'encontre d'un principe de droit international bien établi et incorporé dans le
Statut, à savoir que la Cour ne peut exercer sa juridiction à l'égard d'un Etat si ce n'est avec le consentement
de ce dernier » (Affaire de l’or monétaire pris à Rome en 1943 (question préliminaire), Arrêt du 15 juin
1954 : C.I.J. Recueil 1954, p. 32 ; Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 261, § 55). Ce principe a été repris dans l’arrêt rendu en
l’affaire du Timor oriental, dans lequel la Cour internationale de Justice a estimé qu’elle « ne saurait statuer
sur la licéité du comportement d'un Etat lorsque la décision à prendre implique une appréciation de la
licéité du comportement d'un autre Etat qui n'est pas partie à l'instance » (Timor oriental (Portugal c.
Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, § 29).
345

de l’exploitation illicite des ressources naturelles. Nous sommes ainsi dans l’hypothèse
déjà examinée de l’Etat auteur de l’acte illicite.

La situation sur laquelle nous voudrions nous pencher à présent est celle des
Etats ayant manqué à une obligation de vigilance, manquement qui a de facto facilité
l’exploitation illicite des ressources naturelles, sans que celle-ci leur soit attribuable. Leur
responsabilité est engagée non pas du fait de (ou pour) cette exploitation illicite, mais à
l’occasion de cette exploitation. Ont-ils l’obligation de réparer des dommages causés par
cette exploitation illicite des ressources naturelles ? Si oui, sous quelle forme ?

Les juridictions internationales ont déjà eu à se prononcer à plusieurs reprises


sur la responsabilité d’un Etat ayant manqué à une obligation de diligence. Deux affaires
tranchées par la Cour internationale de Justice pourront nous permettre d’envisager une
réponse à la question : l’affaire du Détroit de Corfou et l’affaire du Génocide.

Dans l’affaire du Détroit de Corfou, l’Albanie a été reconnue responsable des


dommages subis par le Royaume-Uni au motif que les autorités albanaises, qui avaient
connaissance ou auraient dû avoir connaissance de la pose des mines dans leurs eaux
territoriales par un Etat tiers, la Yougoslavie, n’avaient pas averti les navires britanniques
des dangers qu’ils couraient. Elles ont manqué à la prévention des dommages causés par
les explosions. D’après les circonstances de l’espèce, les autorités albanaises avaient les
moyens d’avertir les navires britanniques du danger qu’ils courent. Il paraît évident que
les dommages n’auraient pas été causés si cet avertissement avait été réalisé. Autrement
dit, le manquement à l’obligation de diligence a été une des causes déterminantes des
dommages. La Cour a reconnu l’obligation dans le chef de l’Albanie de donner réparation
au Royaume-Uni1314. Dans son arrêt sur les réparations, la Cour a fixé à £ 843. 947 le
montant de l’indemnité1315.

Dans l’affaire du Génocide, la C.I.J., après avoir constaté que la partie


défenderesse (la Serbie-et-Monténégro) a manqué à une obligation de prévenir le
génocide, et constaté cependant le manque de preuve que les moyens dont disposait cet

1314
Cf. Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949 : C.I.J. Recueil 1949, pp. 22-23.
1315
Cf. Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 15 décembre 1949 : C.I.J. Recueil 1949, p. 250.
346

Etat étaient suffisants pour empêcher ce crime1316, a émis la considération suivante au


sujet de la réparation : « La Cour ne pouvant donc regarder comme établie l’existence
d’un lien de causalité [‘‘suffisamment direct et certain’’] 1317 entre la violation par le
défendeur de son obligation de prévention et les dommages entraînés par le génocide de
Srebrenica, l’indemnisation n’apparaît pas comme la forme appropriée de réparation
qu’appelle la violation de l’obligation de prévenir le génocide. […] Il est néanmoins
clair que le demandeur est en droit de recevoir une réparation sous forme de satisfaction,
qui pourrait on ne peut plus opportunément, ainsi que l’a suggéré le demandeur lui-
même, revêtir la forme d’une déclaration dans le présent arrêt indiquant que le
défendeur a manqué de se conformer à l’obligation que lui impose la Convention de
prévenir le crime de génocide »1318.

Nous sommes en présence de deux situations dans lesquelles l’obligation de


diligence a été violée. L’Albanie, qui disposait de tous les moyens efficaces et suffisants
pour avertir les navires britanniques et prévenir ainsi les dommages, mais ne l’a pas fait,
a été obligée de les réparer sous forme d’indemnisation. Par contre, la Serbie-et-
Monténégro, qui n’a pas usé des moyens en sa disposition, moyens dont on n’a pas de
preuve quant à leur efficacité et à leur suffisance pour empêcher les dommages, a été
obligée de les réparer sous forme de satisfaction.

Ces deux affaires nous donnent des précisions non seulement sur les
conditions dans lesquelles un Etat qui a violé une obligation de diligence est obligé
d’accorder une réparation à l’Etat qui subit des dommages dans ces circonstances, mais
également sur la forme que peut prendre la réparation selon chaque situation. Tenant
compte des enseignements tirés de ces deux cas, que dire alors de l’obligation de
réparation dans le chef des Etats ayant manqué à une obligation de diligence au regard de
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat par des Etats tiers ?

1316
Cf. Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, pp. 233-234, §§ 461-462.
1317
Ibidem, p. 234, § 462.
1318
Ibidem, p. 234, §§ 462 -463.
347

Comme nous l’avons déjà indiqué, les Etats visés à présent sont ceux non
(directement) impliqués dans les conflits armés et l’exploitation illicite des ressources
naturelles. Il est question, notamment, des Etats de transit et des Etats de destination des
ressources naturelles illicitement exploitées par des Etats et/ou par des multinationales et
des Etats qui, au moment des faits, exerçaient sur des entreprises multinationales
impliquées dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un autre Etat un
contrôle, du fait de l’origine (id est le domicile1319) de cette entreprise ou de
l’établissement de celle-ci sur leurs territoires. Ces Etats, avons-nous déjà souligné, ont,
par leur passivité, contribué à l’exploitation illicite des ressources naturelles, partant, aux
dommages consécutifs à ce fait illicite, en n’usant pas suffisamment de moyens à leur
disposition pour l’empêcher totalement ou partiellement. Ils ont l’obligation d’accorder
réparation aux Etats lésés. Mais, sous quelle(s) forme(s) ?

Pour l’heure, force est de répondre à la question suivante : Les Etats ayant
manqué à l’obligation de diligence disposaient-ils de moyens efficaces et suffisants pour
empêcher l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger par d’autres
Etats et/ou par des multinationales ? Il convient de répondre au cas par cas. Nous
aborderons d’abord la question des Etats de transit, ensuite celle des Etats de destination
et, enfin, celle des Etats de contrôle des entreprises multinationales, en prenant un
exemple tiré du conflit armé en RDC, mais dont l’hypothèse est également vérifiable
dans les conflits armés en Angola et en Sierra Leone.

S’agissant des Etats de transit, le Kenya et la Tanzanie, par exemple, dont les
ports ont servi au transit des ressources naturelles de la RDC exploitées illicitement par
l’Ouganda et par le Rwanda, étaient liés envers ces derniers par un Protocole consacrant
la liberté de transit de tout moyen de transport, conclu dans le cadre du Marché commun
de l’Afrique orientale et australe (COMESA)1320. De par cet accord, ils ne pouvaient en

1319
O. DE SCHUTTER, « La responsabilité des Etats dans le contrôle des sociétés transnationales : vers
une convention internationale sur la lutte contre les atteintes aux droits de l’homme commises par les
sociétés transnationales », « Art. cit. », p. 44.
1320
L’article 2, § 1er, a) et c) du Protocole sur le commerce de transit et les facilités de transit , qui
constitue l’annexe I au Traité du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, dispose :
« Les Etats membres s’engagent à accorder la liberté de transit à travers leurs territoires respectifs pour tout
moyen de transport indiqué à cet effet à tous transitaires et trafic en transit :
348

principe effectuer aucun contrôle sur des cargaisons de ressources naturelles de la RDC
en transit sur leurs territoires en provenance de l’Ouganda ou du Rwanda. Cependant,
pour des raisons de moralité publique et d’ordre public ou pour respecter leurs
obligations internationales, ils avaient le droit, voire l’obligation d’interdire le transit de
ces ressources de conflit1321. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont manqué à une
obligation de vigilance en ne prenant pas de mesures pour empêcher ce transit.
Néanmoins, on doit très rapidement observer qu’ils ne disposaient pas de moyens
efficaces et suffisants pour empêcher l’exploitation illicite des ressources naturelles de la
RDC par l’Ouganda et par le Rwanda. Même si le Kenya et la Tanzanie interdisaient le
transit des ressources d’origine congolaise par leurs territoires, celles-ci étaient déjà
illicitement exploitées par l’Ouganda et par le Rwanda ou pouvaient toujours continuer
de l’être. Elles pouvaient être exportées par d’autres voies, plus onéreuses soient-elles.
Ceci ne revient pas à dire que ces Etats n’ont pas commis d’acte illicite. Bien au
contraire, on sait que ces Etats ont été alertés par des rapports des experts onusiens et des
ONG, mais n’ont pris aucune mesure. Ce qui est déjà une violation du droit international.

Le même raisonnement s’applique mutatis mutandis aux pays de destination


des ressources naturelles et aux pays d’origine ou d’établissement des multinationales.
Même si les pays de destination avaient interdit l’accès des ressources en provenance des
zones de conflits sur leurs territoires, les Etats auteurs d’exploitation illicite de ces

a) en provenance et à destination d’autres Etats membres ;


b) […]
c) en provenance d’autres Etats membres et à destination de pays tiers » (R.T.N.U., Volume
2314, 1-41341, p. 481).
1321
Cf. Article 2, § 2 du Protocole sur le commerce de transit et les facilités de transit : « Nonobstant les
dispositions du paragraphe 1 du présent article, tout Etat membre peut, s’il le juge nécessaire, interdire,
limiter ou réglementer l’entrée sur son territoire de personnes, de biens ou de moyens de transport
déterminés en provenance de tout pays en se fondant sur des considérations de moralité, de sécurité,
d’hygiène et de santé publiques ou sur des considérations d’ordre vétérinaire ou phytopathologique ou
encore sur l’intérêt public » (R.T.N.U., Volume 2314, 1-41341, p. 482). Nous considérons que
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger porte atteinte à la moralité publique en
nous référant à ces considérations de Joost Pauwelyn à propos de la justification du Processus de
Kimberley au regard de l’article XX a) du GATT 1994 : ‘’Although it may be more difficult to justify the
Kimberley restrictions under Art. XX […], the argument could be made that since conflict diamonds
sponsor violent wars and systematic and gross human rights violations, a WTO member should be
permitted to keep those diamonds out of its market, be it to protect the health and life of people in Africa or
to protect "public morals" in the importing country itself, that is, by means of a trade restriction targeted at
a practice that is shocking to, for example, US (as well as, arguably, global) public morality’’(J.
PAUWELYN, ‘‘ Art. cit.’’, p. 1187.
349

ressources pouvaient les exporter dans d’autres pays ou carrément les utiliser sur leurs
propres territoires. Certes, l’interdiction aux entreprises par leurs Etats d’origine ou
d’établissement de se livrer à l’exploitation illicite des ressources naturelles de conflits
pouvait contribuer à combattre ce fléau du moment que certaines entreprises qui ne
pourraient pas obtempérer aux ordres pourraient être dissoutes. Cependant, comme on l’a
relevé, certaines entreprises ont été créées par des Etats auteurs de cette exploitation
illicite, précisément à cette fin et ne pouvaient donc se voir interdire cette activité par ces
mêmes Etats.

On se retrouve ainsi dans l’hypothèse de l’affaire du Génocide, où le


manquement à l’obligation de diligence n’est pas une cause déterminante des dommages
subis. En nous référant à cette affaire, on pourrait, dans une logique « puriste »,
« juridiste », estimer que les Etats de transit et les Etats de destination des ressources
naturelles ainsi que les Etats d’origine ou d’établissement des multinationales, qui ont
manqué à l’obligation de vigilance, sans pour autant être directement intervenus dans
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger, sont tenus de lui
accorder une réparation sous forme de satisfaction. Il y a toutefois lieu de croire qu’une
telle logique constituerait une sorte de « prime à l’inaction ». Il nous semblerait qu’au
regard de la notoriété de l’exploitation illicite des ressources naturelles, les Etats de
transit et les Etats de destination des ressources et les Etats d’origine des multinationales,
dans la mesure où ils ont été alertés et n’ont pas pris de mesures efficaces pour contrer ce
fléau devraient être condamnés à indemniser les victimes (fonds pour aider les victimes,
programme de reboisement ou d’entretien des parcs). Certes, dans la rigueur juridique, on
peut considérer que cela n’appartient pas à la mission judiciaire. Toutefois, le droit
international doit répondre aux besoins de la communauté internationale, parfois au-delà
de tout rigorisme.

D. Etat ayant manqué à l’obligation de faire respecter le droit international


humanitaire

La violation de l’obligation de faire respecter le droit international


humanitaire a été établie dans le chef des Etats d’origine ou d’établissement des
350

multinationales impliquées dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger subissant un conflit armé. Ce manquement, suite auquel ces multinationales ont
poursuivi cette exploitation illicite de ressources naturelles, a causé un préjudice
considérable à l’Etat victime.

Ainsi que nous l’avons déjà expliqué (Voir supra, chapitre III, section II, § 1,
B, 2), l’obligation de faire respecter le droit international humanitaire est une obligation
de vigilance, qui est une obligation de moyen, lorsque les faits mis en cause ont été
commis par des particuliers, notamment les entreprises multinationales. Dans ce cas, on
doit appliquer le test auquel nous avons soumis les Etats ayant manqué à une obligation
de vigilance (voir point précédent).

Cependant, l’obligation de faire respecter le droit international humanitaire


est une obligation de résultat lorsque les faits mis en cause ont été commis par les organes
de l’Etat (y compris les membres des forces armées). Dans cette situation, on se retrouve
dans l’hypothèse de l’Etat auteur vu que les faits des organes d’un Etat sont des faits de
cet Etat. Dès lors, l’Etat victime a le droit d’exiger séparément ou conjointement toutes
les trois formes de réparation, à savoir la restitution, l’indemnisation et la satisfaction, en
tenant compte des circonstances de l’espèce. Dans le cas sous examen, il est vrai qu’il
sera pratiquement impossible de rétablir le statu quo ante, c’est-à-dire remettre l’Etat lésé
dans une situation antérieure à la violation de l’obligation de faire respecter le droit
international humanitaire. Reste donc la possibilité de recours à l’indemnisation et/ou à la
satisfaction.

Les titulaires de la réparation et les formes de réparation appropriées pour


chaque titulaire étant bien identifiés, l’heure est à la détermination des bénéficiaires du
droit à réparation.

§4. Bénéficiaires du droit à réparation

L’Etat exerçant la souveraineté sur les ressources illicitement exploitées en


temps de conflit armé est atteint dans ses droits. Il mérite réparation en tant qu’Etat lésé
(A). En outre, le caractère erga omnes (partes) des obligations violées par l’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé ouvre aux Etats
351

autres qu’un Etat lésé un droit d’invocation de la responsabilité de l’auteur de ce fait


illicite. Ces Etats ont-ils droit à la réparation ?(B). Enfin, il est aujourd’hui incontestable
que les particuliers qui exerçaient un droit de propriété ou de jouissance sur ces
ressources ou ayant souffert des violations des droits de l’homme pendant cette
exploitation illicite ont également droit à réparation (C).

A. Etat lésé

En vertu de l’article 42 du Projet de la C.D.I.1322, l’Etat lésé est défini suivant


diverses situations : « En cas de violation d’une obligation qui crée des relations à
caractère bilatéral, l’Etat lésé est celui auquel l’obligation est due individuellement. S’il
y a violation d’une obligation qui fait naître des rapports multilatéraux, l’Etat
directement lésé est celui qui est spécialement affecté par la violation ou bien tout Etat
auquel est due une obligation à caractère ‘‘intégral’’. Enfin, dans l’hypothèse de
violation d’une obligation erga omnes, l’Etat directement lésé est celui qui est
spécialement atteint par la violation »1323.

Concernant l’hypothèse prévue par l’alinéa b), sous-alinéa ii) de l’article 42,
dans laquelle l’exécution de l’obligation par l’Etat responsable est une condition
nécessaire de son exécution par tous les autres Etats1324, le commentaire de la C.D.I.
mentionne que « c’est ce qu’on appelle l’obligation ‘‘intégrale’’ ou
‘‘interdépendante’’ »1325. Cependant, dans une note de bas de page, il précise que dans ce
contexte, « [l]’expression ‘‘obligations interdépendantes’’ peut paraître plus

1322
« Article 42
Invocation de la responsabilité par l’Etat lésé
Un Etat est en droit en tant qu’Etat lésé d’invoquer la responsabilité d’un autre Etat si l’obligation violée
est due :
a) A cet Etat individuellement; ou
b) A un groupe d’Etats dont il fait partie ou à la communauté internationale dans son ensemble, et si la
violation de l’obligation :
i) Atteint spécialement cet Etat; ou
ii) Est de nature à modifier radicalement la situation de tous les autres Etats auxquels l’obligation est due
quant à l’exécution ultérieure de cette obligation ».
1323
L.-A. SICILIANOS, « Classification des obligations et dimension multilatérale de la responsabilité
internationale », « Art. cit. », pp. 70-71.
1324
Cf. Article 42 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 308.
1325
Cf. Article 42 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, in Ibidem, p. 308.
352

appropriée »1326. Il nous semble utile de préciser, avec Pierre-Marie Dupuy, la distinction
entre une « obligation interdépendante » et une « obligation intégrale ». Se référant au
rapporteur spécial de la C.D.I. Sir Gerald Fitzmaurice, cet auteur écrit: « A l’inverse
[d’une obligation interdépendante], [une obligation intégrale] est ‘‘ autonome, absolue et
intrinsèque pour chaque partie et ne dépend pas d’une exécution correspondante par les
autres parties’’. […] [I]l s’agit ‘‘pour ainsi dire, [d’] une obligation à l’égard du monde
entier plutôt que d’une obligation à l’égard des parties au traité’’»1327. La mise en œuvre
d’une obligation interdépendante par chaque partie est conditionnée par l’exécution
correspondante par toutes les parties, de telle sorte que sa violation fondamentale par
l’une d’entre elles justifie une non-exécution générale correspondante par les autres
parties et pas seulement une non-exécution dans les relations de ces parties avec la partie
défaillante1328.

Parmi les obligations interdépendantes, on peut citer celles consacrées par les
conventions en matière de désarmement, par celles prohibant certaines armes ou
méthodes de guerre, par les conventions démilitarisant certaines régions ou bien encore
celles interdisant la pêche dans certaines zones maritimes1329. En revanche, au titre des
conventions consacrant des obligations intégrales (« traités intégraux »), il y a lieu de
mentionner celles relatives à la protection des droits de l’homme1330 ou de
l’environnement1331.

1326
« La notion d’obligations «intégrales» a été développée par Fitzmaurice en sa qualité de Rapporteur
spécial sur le droit des traités: Voir Annuaire…1957, vol. II, p. 61. Le terme a parfois donné lieu à des
confusions, car il était utilisé pour faire référence à des obligations relatives aux droits de l’homme ou au
droit de l’environnement, lesquelles ne sont pas dues sur la base du ‘‘tout ou rien’’. L’expression
‘‘obligations interdépendantes’’ peut paraître plus appropriée » (Article 42 du Projet de la C.D.I.,
Commentaire, § 5, note 706, in Ibidem, p. 308.
1327
P.-M. DUPUY, « Bilan général. Des rencontres de la dimension multilatérale des obligations avec la
codification du droit de la responsabilité », in P.-M. DUPUY (sous la direction de), Obligations
multilatérales, droit impératif et responsabilité internationale des Etats, Op. cit. , p. 229 ; Cf. Idem,
« L’unité de l’ordre juridique international. Cours général de droit international public (2000) », in
R.C.A.D.I., tome 297, 2002, pp. 380-384.
1328
Cf. Idem, « Bilan général. Des rencontres de la dimension multilatérale des obligations avec la
codification du droit de la responsabilité », « Art. cit. », p. 228.
1329
Cf. Ibidem, p. 228.
1330
Cf. Ibidem, p. 229 ; Article 42 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, note 706, in Ibidem, p. 308.
1331
Cf. Article 42 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 5, note 706, in Ibidem, p. 308.
353

L’Etat victime d’exploitation illicite de ses ressources naturelles par un autre


Etat est, en sa qualité d’Etat lésé, en droit d’ « invoquer la responsabilité »1332 de l’auteur
de ce fait illicite. Vu qu’il a subi des dommages matériels et moraux, son droit le plus
élémentaire est d’en réclamer réparation. En effet, le droit pour un Etat qui a subi un
préjudice à la suite d’un fait internationalement illicite d’un autre Etat d’obtenir
réparation de la part de ce dernier procède du droit international coutumier1333.

La pluralité d’Etats lésés ne pose aucun problème particulier. En effet, selon


le prescrit de l’article 46 du Projet de la C.D.I., « [l]orsque plusieurs Etats sont lésés par
le même fait internationalement illicite, chaque Etat lésé peut invoquer séparément la
responsabilité de l’Etat qui a commis le fait internationalement illicite ».

Le principe et les formes de réparation ayant été examinés, cette conséquence


fondamentale de la responsabilité internationale n’appelle plus de commentaire
particulier. Il ne nous reste qu’à envisager la mise en œuvre de l’obligation de réparer
dont l’Etat est bénéficiaire, que nous réservons au paragraphe suivant. Cela dit, il importe
de répondre à la question de savoir si les Etats autres que l’Etat lésé peuvent également
bénéficier de la réparation en cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un
Etat.

B. Etats autres que l’Etat lésé ?

En période de conflit armé, l’illicéité de l’exploitation des ressources


naturelles d’un Etat étranger par d’autres Etats résulte de la violation de plusieurs normes
dont découlent des obligations erga omnes (partes), à savoir : le principe de l’interdiction
du recours à la force, les règles fondamentales du jus in bello, en particulier l’interdiction
du pillage, les règles fondamentales relatives à la protection de la personne humaine, les
décisions du Conseil de sécurité ordonnant la cessation de l’exploitation illicite des
ressources naturelles de l’Etat victime du conflit armé et les règles fondamentales des

1332
D’après le commentaire de la C.D.I. sous l’article 42, « il faut entendre par invocation le fait de prendre
des mesures d’un caractère relativement formel, par exemple le fait de déposer ou de présenter une
réclamation contre un Etat, ou d’engager une procédure devant une cour ou un tribunal international »
(Article 42 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit. , pp. 306-307).
1333
Cf. Navire « SAIGA » (No. 2) (Saint-Vincent-et-les-Grenadines c. Guinée), arrêt, TIDM Recueil 1999,
§ 170.
354

accords environnementaux multilatéraux relatives à la protection des ressources


naturelles.

Ces normes consacrent des droits du groupe d’Etats dont fait partie l’Etat lésé
ou des droits de la communauté internationale dans son ensemble. Les premiers droits
correspondent aux obligations erga omnes partes, les seconds aux obligations erga
omnes. Comme l’a déclaré la Cour internationale de Justice dans sa remarque incidente
de l’arrêt Barcelona Traction, à propos des obligations erga omnes, « [v]u l’importance
des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt
juridique à ce que ces droits soient protégés »1334. Par cette déclaration, la Cour a
abandonné délibérément la position qu’elle a prise en 1966 dans l’affaire du Sud-Ouest
africain, dans laquelle elle a affirmé que le droit international tel qu’il existait à l’époque
ne reconnaissait pas une sorte d’actio popularis, ou un droit pour chaque membre d’une
collectivité d’intenter une action pour la défense d’un intérêt public1335. Au regard de ce
passage de l’arrêt Barcelona Traction, « [l]e concept d’obligations erga omnes ouvre
grande la voie à l’actio popularis. En ce sens, le germe est dans l’œuf »1336.

L’article 48 du Projet de la C.D.I. prend en compte cet acquis prétorien1337.


Le paragraphe 1er de cette disposition consacre le droit d’invocation de la responsabilité
par un Etat autre qu’un Etat lésé, d’une part, lorsque l’obligation violée, due à un groupe
d’Etats dont il fait partie, est établie aux fins de la protection d’un intérêt collectif du

1334
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, § 33.
1335
Cf. Sud-Ouest africain, deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1966, p. 47, § 88.
1336
F. VOEFFRAY, Op. cit., p. 261.
1337
« Article 48
Invocation de la responsabilité par un Etat autre qu’un Etat lésé
1. Conformément au paragraphe 2, tout Etat autre qu’un Etat lésé est en droit d’invoquer la responsabilité
d’un autre Etat, si :
a) L’obligation violée est due à un groupe d’Etats dont il fait partie, et si l’obligation est établie aux fins de
la protection d’un intérêt collectif du groupe; ou
b) L’obligation violée est due à la communauté internationale dans son ensemble.
2. Tout Etat en droit d’invoquer la responsabilité en vertu du paragraphe 1 peut exiger de l’Etat
responsable:
a) La cessation du fait internationalement illicite et des assurances et garanties de non-répétition,
conformément à l’article 30; et
b) L’exécution de l’obligation de réparation conformément aux articles précédents, dans l’intérêt de l’Etat
lésé ou des bénéficiaires de l’obligation violée.
3. Les conditions posées par les articles 43, 44 et 45 à l’invocation de la responsabilité par un Etat lésé
s’appliquent à l’invocation de la responsabilité par un Etat en droit de le faire en vertu du paragraphe 1 ».
355

groupe ; d’autre part, lorsque l’obligation violée est due à la communauté internationale
dans son ensemble. La première hypothèse concerne les obligations erga omnes partes, la
seconde les obligations erga omnes « tout court »1338.

Alors que l’arrêt Barcelona Traction limite l’actio popularis au cas de


violation d’obligations erga omnes, l’article 48, § 1er du Projet de la C.D.I. étend cette
action en défense de l’intérêt public à la violation d’obligations erga omnes partes.
L’Institut de droit international (I.D.I.), dans sa résolution intitulée « Les obligations erga
omnes en droit international », adoptée le 27 août 2005, a purement et simplement
qualifié d’erga omnes toutes ces deux catégories d’obligations, avec pour conséquence la
possibilité d’une actio popularis1339. Cette démarche de l’I.D.I. nous semble tout à fait
pragmatique. En effet, « la distinction entre les obligations erga omnes partes et les
obligations erga omnes, tout en étant claire in abstracto, peut se brouiller in concreto en
ce sens que des obligations ayant le même contenu peuvent relever de ces deux catégories
à la fois »1340. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’un instrument régional reprend une
obligation du droit international général due à la communauté internationale dans son
ensemble, ce qui est fréquent dans le domaine des droits de l’homme1341. L’arrêt rendu
par la Cour internationale de Justice le 20 juillet 2012, en l’affaire relative aux Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), a clarifié
davantage la situation en étendant l’actio popularis à la transgression des obligations
erga omnes partes, comme nous l’avons déjà antérieurement mentionné. C’est l’éclosion
de l’œuf, pour nous inspirer de l’expression de François Voeffray citée ci-vant. On doit

1338
Cf. A. PELLET, « Les articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite. Suite – et fin ? », in A.F.D.I., Vol. 48, 2002, p. 10.
1339
« Article 1
Aux fins des présents articles, une obligation erga omnes est :
a) une obligation relevant du droit international général à laquelle un Etat est tenu en toutes circonstances
envers la communauté internationale, en raison des valeurs communes et de son intérêt à ce que cette
obligation soit respectée, de telle sorte que sa violation autorise tous les Etats à réagir ; ou
b) une obligation relevant d’un traité multilatéral à laquelle un Etat partie à ce traité est tenu en toutes
circonstances envers tous les autres Etats parties au traité, à raison des valeurs qui leur sont communes et
de leur intérêt à ce que cette obligation soit respectée, de telle sorte que sa violation autorise tous ces Etats à
réagir » (I.D.I., « Les obligations erga omnes en droit international », Résolution de la session de Cracovie,
27 août 2005, , in Annuaire de l’I.D.I., Vol. 71-II, 2006, p. 286).
1340
L.-A. SICILIANOS, « Classification des obligations et dimension multilatérale de la responsabilité
internationale », « Art. cit. », p. 67.
1341
Cf. Ibidem, p. 67.
356

désormais dépasser le pragmatisme de l’Institut de droit international qui consistait à


mettre sur le même plan les obligations erga omnes et les obligations erga omnes partes.
Il faut désormais distinguer soigneusement les deux, quoique dans les deux hypothèses
on aboutisse à l’actio popularis.

L’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 48 du Projet de la C.D.I. accorde aux


Etats autres que l’Etat lésé le droit d’exiger la cessation du fait internationalement illicite
et, si besoin en est, des assurances et garanties de non-répétition. L’alinéa b) du même
paragraphe, qui concerne particulièrement ce point de notre étude, leur reconnaît en outre
le droit d’exiger l’exécution de l’obligation de réparation, mais uniquement dans l’intérêt
de l’Etat lésé, s’il y en existe un, ou des bénéficiaires de l’obligation violée (personnes
privées ou entités non-étatiques)1342. Cette demande d’exécution de l’obligation de
réparation doit se faire, selon les termes du même alinéa, conformément aux articles
précédents. Cette précision signifie que les Etats autres que l’Etat lésé « ne peuvent
demander réparation dans des situations où un Etat lésé ne pourrait pas le faire. Par
exemple, une demande de cessation présuppose la continuation du fait illicite ; et une
demande de restitution est exclue si la restitution elle-même est devenue impossible »1343.

En outre, conformément au paragraphe 3 de l’article 48 du Projet de la C.D.I.,


ces Etats autres que l’Etat lésé doivent répondre, mutatis mutandis, aux conditions posées
à l’invocation de la responsabilité par un Etat lésé par les articles 43 (notification par
l’Etat lésé de sa demande à l’Etat responsable)1344, 44 (recevabilité de la demande)1345 et

1342
Cf. Ibidem, p. 72.
1343
Article 48 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 13, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 334.
1344
« Article 43
Notification par l’Etat lésé
1. L’Etat lésé qui invoque la responsabilité d’un autre Etat notifie sa demande à cet Etat.
2. L’Etat lésé peut préciser notamment :
a) Le comportement que devrait adopter l’Etat responsable pour mettre fin au fait illicite si ce fait continue;
b) La forme que devrait prendre la réparation, conformément aux dispositions de la deuxième partie ».
1345
« Article 44
Recevabilité de la demande
La responsabilité de l’Etat ne peut pas être invoquée si :
a) La demande n’est pas présentée conformément aux règles applicables en matière de nationalité des
réclamations;
b) Toutes les voies de recours internes disponibles et efficaces n’ont pas été épuisées au cas où la demande
est soumise à la règle de l’épuisement des voies de recours internes ».
357

45 (renonciation de l’Etat lésé au droit d’invoquer la responsabilité)1346. L’article 44


semble en contradiction avec l’esprit même de l’article 48, qui vise l’action des Etats
autres que l’Etat lésé et non une action en protection diplomatique par l’Etat lésé. Au sens
de l’article 48, les Etats concernés sont ceux dont les ressortissants n’ont pas subis de
dommages, sinon ils seraient lésés. Pourquoi poser les conditions de nationalité et
d’épuisement de voies de recours internes, qui sont celles d’une action en protection
diplomatique, alors qu’on n’est pas en présence d’une telle action ? La C.D.I. semble
s’être plus tard rendu compte de cette lacune. C’est pourquoi dans son Projet de 2006 sur
la protection diplomatique, que nous aborderons après, la CDI a pris le soin d’indiquer à
propos de l’article 48, § 1er, alinéa b), qui vise les obligations erga omnes : « L’article 48
1) b) n’est pas subordonné à l’article 44 des articles sur la responsabilité de l’Etat pour
fait internationalement illicite qui exige de l’Etat qui invoque la responsabilité d’un autre
Etat qu’il se conforme aux règles relatives à la nationalité des réclamations et à
l’épuisement des recours internes. Il n’est pas non plus subordonné [au Projet d’articles
sur la protection diplomatique] »1347. A notre avis, cette remarque doit également
s’appliquer à l’alinéa a) de l’article 48, § 1er, relatif aux obligations erga omnes partes.

Pour tout dire, de lege lata, les Etats autres que l’Etat lésé par la violation
d’une obligation erga omnes (partes) ne sont pas créanciers de la réparation.

De lege ferenda, on peut néanmoins se poser la question de la possibilité et de


l’opportunité d’envisager un éventuel droit à réparation dans l’intérêt de la communauté
internationale dans son ensemble ou du groupe d’Etats dont fait partie l’Etat lésé, lors de
violations d’une obligation erga omnes ou d’une obligation erga omnes partes. En cas de
pareilles violations, la communauté internationale dans son ensemble ou le groupe
d’Etats concerné subissent en principe un préjudice, ne fût-ce que moral, du fait des

1346
« Article 45
Renonciation au droit d’invoquer la responsabilité
La responsabilité de l’Etat ne peut pas être invoquée si :
a) L’Etat lésé a valablement renoncé à la demande; ou
b) L’Etat lésé doit, en raison de son comportement, être considéré comme ayant valablement acquiescé à
l’abandon de la demande ».
1347
Article 16 du Projet de la C.D.I. de 2006 sur la protection diplomatique, Commentaire, § 2, note 245, in
Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa
cinquante-huitième session, Op. cit, p. 90.
358

atteintes portées à leurs droits subjectifs au respect des obligations et au maintien des
conditions qui permettent à la collectivité de tirer avantage de l’existence et de l’usage
des biens ou valeurs collectifs1348. Ce point de vue est défendu par Pierre-Marie Dupuy
en ces termes : « D’un point de vue terminologique sinon conceptuel, il est bien peu
convain[cant] de prétendre, ou, du moins, de risquer de faire croire qu’un Etat puisse
agir en responsabilité alors qu’il n’est pas lésé. Tous le sont. Les premiers parce qu’ils
ont subi un dommage affectant leurs droits subjectifs […] ; les seconds parce qu’ils ont
ressenti un préjudice qui, le plus souvent, sera exclusivement juridique, relevant du fait
que, en tant que membres, soit d’une communauté contractuelle restreinte (pour la
violation des obligations erga omnes partes), soit de la communauté internationale
générale (pour la violation des obligations erga omnes sans restriction) elles ont d’abord
un intérêt juridique au respect d’un droit dont elles sont elles-mêmes titulaires »1349.

C’est dans cette logique que cet auteur avait proposé une distinction entre des
Etats lésés dans leurs droits subjectifs et des Etats lésés dans leurs intérêts objectifs1350.
Dans le même angle, Alexandre Sicilianos a proposé une classification mettant d’un côté
des Etats « individuellement » lésés et de l’autre côté des Etats « non individuellement
lésés »1351. Et comme l’a si bien exprimé Brigitte Stern, « en réalité les Etats autres que
l'Etat lésé ne sont en fait que des Etats lésés autrement, car s'ils n'étaient pas lésés dans
leurs intérêts juridiques, ils n'auraient aucun titre à invoquer la responsabilité de l'Etat
auteur de l'acte illicite »1352.

Cela dit, on ne voit pas exactement pour quelle raison juridique la C.D.I. a
limité la demande de réparation par les « Etats autres que l’Etat lésé » au seul intérêt de
l’Etat lésé ou des bénéficiaires de l’obligation violée. A notre sens, en cas de violation
d’obligations erga omnes (partes), le groupe d’Etats dont l’intérêt collectif a été atteint
ou, le cas échéant, la communauté internationale dans son ensemble, devrait bénéficier de

1348
Cf. S. VILLALPANDO, Op. cit., pp. 356-357.
1349
P.-M. DUPUY, « Bilan général. Des rencontres de la dimension multilatérale des obligations avec la
codification du droit de la responsabilité », « Art. cit. », p. 230.
1350
Cf. Ibidem, p. 231 ; Idem, « Le fait générateur de la responsabilité internationale des Etats », « Art.
cit. », p. 10.
1351
Cf. L.-A. SICILIANOS, « Classification des obligations et dimension multilatérale de la responsabilité
internationale », « Art. cit. », p. 69.
1352
B. STERN, « Art. cit. », p. 24 (notre emphase).
359

la réparation, sans préjudice de celle destinée à l’Etat lésé. Cela donnerait un sens plénier
à ces catégories d’obligations. De surcroît, ainsi que le souligne Santiago Villalpando, il
peut arriver que la violation d’une obligation erga omnes cause un préjudice au-delà de la
juridiction d’Etats déterminés1353. C’est le cas d’ « une pollution massive qui pourrait
porter atteinte aux seules ressources naturelles communes omnium, comme celles de la
haute mer ou de la Zone, sans affecter des Etats (ou d’autres bénéficiaires)
particuliers »1354. Pour cet auteur, en pareille hypothèse, « [l]a solution suggérée par la
CDI impliquerait que le droit international ne reconnaît aucune prérogative relative à la
réparation […] et paraît dès lors insatisfaisante »1355.

Dans cette étude sur l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat,
nous nous retrouvons dans l’hypothèse de la violation d’une obligation erga omnes
(partes) qui porte atteinte à des Etats, à des particuliers et à un groupe d’Etats ou à la
communauté internationale dans son ensemble. La situation est donc suffisamment
différente de celle présentée par Santiago Villalpando, que nous venons d’illustrer ci-
dessus (violation d’obligations erga omnes causant un préjudice en dehors de la sphère
étatique). N’empêche que nous puissions nous en inspirer largement pour proposer des
pistes de solutions aux problèmes qui se posent dans notre hypothèse.

La réparation dans l’intérêt de la communauté internationale dans son


ensemble ou du groupe d’Etats concerné serait-elle en tout état de cause incompatible
avec la réparation qui pourrait être demandée par l’Etat lésé ou par d’autres Etats dans
l’intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires de l’obligation violée ?

Pour répondre à cette question, il convient d’examiner les formes de


réparation que, de lege ferenda, pourraient solliciter les Etats autres que l’Etat lésé dans
l’intérêt d’un groupe d’Etats ou de la communauté internationale dans son ensemble.

Tout d’abord, la demande de restitution (en nature), qui consiste au


rétablissement de la situation qui existait avant la violation de l’obligation erga omnes
(partes), peut sembler créer de conflits d’intérêts entre l’Etat lésé ou les bénéficiaires de

1353
Cf. S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 355.
1354
Ibidem, p. 358.
1355
Cf. Ibidem, p. 358.
360

l’obligation violée et les autres Etats, dans le cas où ceux-là (Etat lésé ou bénéficiaires…)
pourraient réclamer l’indemnisation, alors que ces derniers demandent la restitution. En
réalité, le conflit d’intérêts n’est qu’apparent. Il y a à vrai dire deux demandes de
réparation séparées : la première concerne la réparation des préjudices subis par l’Etat
lésé ou par les bénéficiaires de l’obligation violée dans leur sphère personnelle, la
seconde se rapporte aux intérêts du groupe ou de la communauté internationale dans son
ensemble1356. En ce moment précis, nous nous occupons de la seconde demande, tout en
faisant parfois allusion à la première.

Il nous semble qu’il n’y a pas de raison valable de limiter la sollicitation de la


restitution par les autres Etats à l’unique intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires de
l’obligation violée. Ils pourraient logiquement le faire également dans un intérêt collectif
« partiel » (sous-régional, régional,…) ou « général » (universel). Que la restitution soit
sollicitée seulement dans l’intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires de l’obligation
violée, ou qu’elle soit demandée dans l’intérêt collectif d’un groupe d’Etats ou de la
communauté internationale dans son ensemble, le résultat sera le même : tous les Etats
affectés par la violation vont automatiquement bénéficier de la réparation. Dans ce cas,
l’Etat lésé ou les bénéficiaires de l’obligation violée ne subiraient aucun préjudice du fait
que les autres Etats bénéficient de la réparation, dès lors que l’intérêt protégé par
l’obligation est communautaire et que la forme de réparation adoptée accorde à tous les
Etats, y compris l’Etat lésé, les mêmes avantages. La demande faite au bénéfice du
groupe d’Etats ou de la communauté internationale dans son ensemble aura encore, selon
nous, plus de valeur symbolique en rapport avec la nature même de l’obligation violée.
Une partie de la doctrine reconnaît à tous les Etats le droit d’exiger la restitution dans
l’intérêt de la communauté internationale dans son ensemble1357. En principe, il n’y a
aucun risque de contradiction entre plusieurs demandes de restitution émanant de divers
Etats1358.

1356
Il y aurait conflit d’intérêts si la demande de restitution était faite par d’autres Etats dans l’intérêt de
l’Etat lésé alors que ce dernier solliciterait l’indemnisation. Ce qui n’est pas le cas dans notre hypothèse.
1357
Voir inter alia : Flavia Lattanzi, Bernhard Graefrath, Gabriella Carella, Briand D. Smith, Marina
Spinedi, Luigi Condorelli, Claudia Annacker cités par S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 358, note 1237.
1358
Cf. Ibidem, p. 359.
361

L’hypothèse d’une demande d’indemnisation par tout Etat dans l’intérêt


collectif d’un groupe d’Etats dont il fait partie ou dans l’intérêt de la communauté
internationale dans son ensemble est en principe exclue du cadre de cette recherche. En
cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en période de conflit armé,
seul l’Etat exerçant sa souveraineté sur ces ressources et/ou celui dont des particuliers
sont lésés dans leurs droits à cette occasion subissent des préjudices susceptibles
d’évaluation financière et de ce fait indemnisables, selon l’article 35 du Projet de la
C.D.I.

Il importe de mentionner que la doctrine dominante rejette souvent le droit


pour tout Etat d’exiger l’indemnisation même en cas de violations d’obligations erga
omnes qui causeraient des dommages susceptibles d’évaluation financière à la
communauté internationale dans son ensemble, sans victimes étatiques ou sans
bénéficiaires de l’obligation violée, par exemple une atteinte aux ressources naturelles de
la haute mer1359. Pour cette partie majoritaire de la doctrine1360, on ne saurait indemniser
la communauté internationale dans son ensemble car « la réparation par équivalent
donnée à des Etats particuliers n’est pas adaptée à la réintégration d’un préjudice qui est
par définition de nature collective »1361. D’après les résultats de l’étude menée par
Santiago Villalpando, « au stade actuel du droit international, l’indemnisation fournie aux
Etats agissant dans l’intérêt de la communauté internationale dans son ensemble pour la

1359
Cf. Ibidem, p. 360.
1360
Voir, inter alia, B. GRAEFRATH, « Responsibility and damage caused : relations between
responsibility and damages », in R.C.A.D.I., tome 185, 1984-II, p. 47 ; Commission du droit international,
Rapport de la Commission du droit international, Cinquante-deuxième session, 1er mai-9 juin et 10 juillet-
18 août 2000, A/55/10, pp. 38-39, § 128 (A propos de la violation du projet d’article 19 qui consacrait le
crime international de l’Etat, supprimé du Projet de 2001, certains membres de la C.D.I. avaient estimé que
« tous les Etats devraient être en droit d’invoquer la responsabilité en ce qui concerne toutes ses
conséquences, à l’exception peut-être de l’indemnisation, en cas de violation grave »).
1361
S. VILLALPANDO, Op. cit., p. 360. En réponse à l’autre partie de la doctrine, qui préconise la
reconnaissance d’un droit de tous les autres Etats à l’indemnisation en cas de dommage causé aux intérêts
de la communauté internationale dans son ensemble, la doctrine dominante soulève deux difficultés : « a) le
problème de l’évaluation économique du dommage causé ; et b) les problèmes liés au grand nombre d’Etats
qui pourraient demander une telle indemnisation, au risque de réclamations cumulées ou contradictoires, et
à la destination de la somme payée » (Ibidem, p. 360). Parmi ces auteurs préconisant un droit de tous les
Etats à l’indemnisation en cas de violation d’une obligation erga omnes, on peut citer Marina Spinedi et
Claudia Annacker (Cf. Ibidem, p. 360 et note 1243).
362

réparation d’un dommage matériel causé à des biens collectifs semble exclue »1362. Si,
même en cas de dommage matériel causés aux biens communs, l’indemnisation paraît
inappropriée, cette forme de réparation doit être exclue a fortiori lorsqu’un groupe
d’Etats ou la communauté internationale dans son ensemble n’a subi aucun dommage
matériel, tel qu’il en est en cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger.

Par contre, la réparation sous forme de satisfaction par les autres Etats dans
l’intérêt du groupe ou de la communauté internationale dans son ensemble est en principe
concevable et on ne voit pas en quoi elle porterait préjudice à l’intérêt de l’Etat lésé ou
des bénéficiaires de l’obligation violée. Selon le rapporteur spécial de la C.D.I. James
Crawford, ce droit pourrait même être reconnu à chaque Etat. D’après lui, le droit pour
chaque Etat d’exiger la cessation d’une violation envers la communauté internationale
dans son ensemble a pour corollaire celui de « tous les Etats [de] prétendre à l’élément de
satisfaction consistant en une déclaration réparatoire, même s’ils n’avaient pas droit
individuellement à d’autres formes de satisfaction »1363. Il nous semble également que les
autres formes de satisfaction énumérées à l’article 37 du Projet de la C.D.I. et dans le
commentaire sous cet article ne porteraient nullement atteinte aux droits de l’Etat lésé si
elles venaient à être accordées aux autres Etats. Que l’Etat responsable présente par
exemple des excuses formelles et à l’Etat lésé et à la communauté internationale dans son
ensemble, il n’y aurait a priori aucune incompatibilité. En nous replaçant dans notre
hypothèse (atteinte simultanée aux intérêts « individuels » d’un Etat et des particuliers
ainsi qu’aux intérêts communautaires des Etats), la satisfaction « communautaire » ne
laisse pas de côté l’Etat lésé par l’exploitation illicite de ses ressources naturelles (et, par
ricochet, les particuliers). Cet Etat est certes moralement affecté à un double titre : d’une
part, il subit un préjudice moral dans sa sphère individuelle, d’autre part, il est affecté
moralement comme d’autres Etats par la violation d’une obligation erga omnes (partes)
au respect de laquelle il a un intérêt subjectif. Si pour la réparation du préjudice moral

1362
Ibidem, p. 362.
1363
J. CRAWFORD cité par la Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit
international, Cinquante-deuxième session…, Op. cit., p. 94, § 351. Ce droit de tous les Etats à la réparation
n’a pas été retenu par le Projet d’articles de 2001.
363

individuel il lui faudrait une satisfaction « individuelle », pour la réparation du préjudice


moral collectif, la satisfaction adressée au groupe d’Etats ou à la communauté
internationale dans son ensemble lui est adéquate en tant que membre de ce groupe ou de
cette communauté. Ainsi, les deux cas de satisfaction ne présentent aucun conflit
d’intérêt.

A tout prendre, nous estimons, de lege ferenda, qu’en cas de transgression


d’une obligation erga omnes (partes) tout Etat peut demander la restitution et la
satisfaction, non seulement dans l’intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires de
l’obligation violée, mais également dans l’intérêt du groupe d’Etats dont lui et l’Etat lésé
font partie ou de la communauté internationale dans son ensemble.

Cette demande en réparation par tout Etat autre que l’Etat lésé, mais
seulement, de lege lata, dans l’intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires de l’obligation
violée et, de lege ferenda, également dans l’intérêt collectif d’un groupe d’Etats ou de la
communauté internationale dans son ensemble, soulève nécessairement une question de
compétence de la juridiction à saisir, que nous examinerons lors de l’étude de la mise en
œuvre juridictionnelle de l’obligation de réparer. En ce moment, il importe tout d’abord
de nous pencher sur la dernière catégorie de créanciers de la réparation : les particuliers.

C. Particuliers

Nous avons déjà largement expliqué qu’il résulte de l’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat en temps de conflit armé des dommages matériels et
moraux dans le chef des particuliers. Ces dommages proviennent des violations (graves)
du droit international humanitaire et emportent ainsi droit à réparation pour les victimes.

Le droit à réparation des victimes du droit international humanitaire (par un


Etat) est reconnu tant en droit interne qu’en droit international. S’agissant de la
consécration de ce droit dans l’ordre juridique interne (en l’occurrence le droit interne de
l’Etat auteur de la violation), Pierre d’Argent note qu’« un droit de la victime de
violations du droit international humanitaire à obtenir réparation de ses préjudices peut
être déduit des règles habituelles de la responsabilité de la puissance publique. Il peut
364

aussi être la conséquence de la mise en œuvre interne d’une obligation


internationale »1364.

En droit international, le droit à réparation au bénéfice des victimes de


violations commises par un Etat a tout d’abord été reconnu dans le cadre de la protection
internationale des droits de l’homme. A titre exemplatif, ce droit individuel à obtenir
réparation est consacré explicitement par l’article 5, § 5 de la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales1365 et implicitement dans l’article 13
de la même Convention1366. Ce droit est également consacré, entre autres, par l’article 9,
§ 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques1367, par l’article 63, § 1er de
la Convention américaine relative aux droits de l’homme1368. Par ailleurs, il y a lieu de
rappeler que les Principes 15 à 23 des Principes fondamentaux et directives adoptés par
l’Assemblée générale en 2005 sont consacrés à la réparation du préjudice subi par des
victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et des
violations graves du droit international humanitaire. Enfin, selon la nouvelle conception
de la protection diplomatique, qui, avons-nous noté, est actuellement bien établie en droit
des gens, le particulier lésé est « le titulaire réel »1369 de la réparation.

1364
P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., p. 779. Pour les
détails sur les deux hypothèses, voir Ibidem, pp. 779-781.
1365
« Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux
dispositions de cet article a droit à réparation ».
1366
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit
à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été
commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ». Sur cette consécration
implicite du droit à réparation à travers le droit à un recours effectif, voir P. D’ARGENT, Les réparations
de guerre en droit international public, Op. cit., p. 782. La même interprétation peut être faite de l’article 2,
§ 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l’article 25 de la Convention américaine
relative aux droits de l’homme et de l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples,
qui consacrent le droit à un recours utile ou recours effectif.
1367
« Tout individu victime d'arrestation ou de détention illégale a droit à réparation ».
1368
« Lorsqu'elle reconnaît qu'un droit ou une liberté protégés par la présente Convention ont été violés, la
Cour ordonnera que soit garantie à la partie lésée la jouissance du droit ou de la liberté enfreints. Elle
ordonnera également, le cas échéant, la réparation des conséquences de la mesure ou de la situation à
laquelle a donné lieu la violation de ces droits et le paiement d'une juste indemnité à la partie lésée ».
1369
M. UBEDA-SAILLARD, « La diversité dans l’unité : l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice
le 30 novembre 2010 dans l’affaire Ahmadou Sadio Diallo », in R.G.D.I.P., 2011-4, p. 920.
365

Les débiteurs et les créanciers de l’obligation de réparation en cas


d’exploitation illicite des ressources naturelles sont à présent bien connus. Comment
rendre effectif le droit à réparation ?

§5. Mise en œuvre de l’obligation de réparer

La réparation des dommages consécutifs à l’exploitation illicite des


ressources naturelles d’un Etat par d’autres Etats fait naître un différend qu’il convient de
régler pacifiquement. A cette fin, les Etats parties au litige sont habilités à faire recours à
un ou plusieurs modes de règlement pacifique des litiges internationaux consacrés par
l’article 33 de la Charte des Nations unies : la négociation, l’enquête, la médiation, la
conciliation, l'arbitrage, le règlement judiciaire, le recours aux organismes ou accords
régionaux, ou d’autres moyens pacifiques choisis par les parties. Dans le cadre de ces
mécanismes interétatiques, les Etats prennent également en compte la réparation des
dommages subis par des particuliers. Sur ce point, on peut mentionner les remarquables
apports des Commissions d’indemnisation ou de réclamations (de réparations), en ce qui
concerne le rétablissement dans leurs droits des victimes des conflits armés, à savoir des
Etats et des particuliers, personnes physiques et morales1370. S’agissant du règlement des

1370
A titre illustratif, on peut citer, s’agissant des réparations des dommages causés par la première et la
deuxième guerres mondiales, la Commission des réparations instituée par l’article 233 du Traité de
Versailles (du 28 juin 1919, entré en vigueur le 10 janvier 1920), relative aux réparations allemandes à la
suite de la première guerre mondiale (Cf. P. D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international
public, Op. cit., pp. 46, 50 et suivantes), la Commission des réparations de Moscou, créée par les accords
de Yalta, rendus publics le 11 février 1945, relative aux réparations allemandes à la suite de la deuxième
guerre mondiale (Cf. Ibidem, pp. 132-133 et 144), la Commission du contentieux siamo-britannique, créée
en 1946 par l’article II de l’accord entre le Siam et le Royaume-Uni pour la réparation des dommages subis
par les ressortissants britanniques suite aux « acquisitions » par le Siam des territoires britanniques à dater
du 15 janvier 1942 (Cf. Ibidem, pp. 294-295), les Commissions de conciliation instituées par le traité de
paix conclu le 10 février 1947 par les alliés de la deuxième guerre mondiale avec l’Italie concernant
l’indemnisation des dommages causés « du fait de la guerre » aux biens et intérêts alliés situés en Italie (Cf.
Ibidem, pp. 244 (note 819) et 259-263), des Commissions mixtes instituées par l’Accord pour le règlement
des différends résultant des dispositions de l’article 15 (a) du Traité de paix avec le Japon, conclu à
Washington, le 12 juin 1952, pour régler les différends pouvant surgir à propos des « réparations de
guerre » entre les puissances alliées et le Japon (Cf. Ibidem, p. 281 et note 934). A la suite des conflits
armés internationaux intervenus après la deuxième guerre mondiale, d’autres Commissions de réparations
ont été créées. Il y a lieu de mentionner tout d’abord la Commission d’indemnisation des Nations-Unies,
instituée par les résolutions 687 et 692 (1991) du Conseil de sécurité, chargée de traiter les réclamations
relatives à toute perte, tout dommage y compris l’environnement et la destruction des ressources naturelles
et de tous autres préjudices directs subis par des Etats étrangers et des personnes physiques et sociétés
étrangères du fait de l’invasion et de l’occupation du Koweït par l’Irak (Cf. A. KOLLIOPOULOS, La
366

différends internationaux en Afrique, y compris des réclamations portant sur la


destruction ou le pillage des ressources naturelles en cas de conflit armé, il y a lieu de
souligner particulièrement la contribution de la Commission des réclamations Erythrée-
Ethiopie1371.

En plus, avec l’affirmation bien établie des droits de l’individu sur le plan
international, certaines institutions lui reconnaissent le pouvoir de les faire valoir
directement contre l’Etat qui l’a préjudicié. Il en est de même de la personne morale
privée, bien qu’à un niveau plus réduit par rapport à celui de la personne physique. Bien
plus, les exigences de l’Etat de droit obligent chaque Etat à être justiciable devant ses
propres juridictions saisies par des particuliers.

Tous ces mécanismes peuvent intervenir conjointement ou séparément dans


la mise en œuvre de l’obligation de réparation des dommages subis par l’Etat et par des
particuliers, personnes physiques et morales, en cas d’exploitation illicite des ressources
naturelles de cet Etat par d’autres Etats. Nous voudrions particulièrement nous atteler à la
mise en œuvre de cette obligation par le biais des organes juridictionnels (A) ou par le
recours à des contre-mesures (B).

A. Mise en œuvre juridictionnelle

L’obligation de réparer les dommages consécutifs à l’exploitation illicite des


ressources naturelles d’un Etat étranger peut être mise en œuvre par des juridictions

Commission d’indemnisation des Nations-Unies et le droit de la responsabilité internationale, Paris,


L.G.D.J., 2001, p. 2). Cette Commission était chargée de régler ces réclamations par l’intermédiaire du
Fonds d’indemnisation alimenté par les recettes d’exportation du pétrole irakien (Cf. Ibidem, p. 2. Sur le
Fonds et la Commission d’indemnisation des Nations unies, voir également P. d’ARGENT, « Le fonds et la
Commission de compensation des Nations Unies », « Art. cit. », pp. 485-518 ; Idem, Les réparations de
guerre en droit international public, Op. cit., pp. 349-418). Selon les informations reçues inter alia de
David Ruzié, d’autres Commissions de réclamations ont vu le jour, notamment: la Commission pour les
réclamations relatives aux biens immobiliers en Bosnie (accord de Dayton, 1995), la Commission
d’indemnisation au Kosovo, sous les auspices de l’Autorité administrative intérimaire des Nations unies
(1999), la Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Ethiopie (Accord d’Alger du 12 décembre
2000), la Commission pour les réclamations relatives aux biens en Irak (2004). La création d’une
Commission identique a été proposée en 2005 concernant les crimes internationaux commis au Darfour
(Cf. D. RUZIE, Op. cit., p. 107).
1371
Pour une étude systématique relative à cette Commission, voir P. D’ARGENT et J. D’ASPREMONT,
« La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : un premier bilan », « Art. cit. », pp. 347-396 ; P.
D’ARGENT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : Suite et fin », « Art. cit. », pp. 279-
297.
367

internationales (1) ou par des juridictions internes de l’Etat auteur de ce fait illicite saisies
par des personnes privées (2).

1. Juridictions internationales
Pour la mise en œuvre de l’obligation de réparer par le biais des juridictions
internationales, l’on doit distinguer soigneusement les recours interétatiques (a) des
recours directs des particuliers contre un Etat (b).

a. Recours interétatiques (recours directs)

En vertu du principe du consensualisme, un Etat ne peut être traîné devant


une juridiction internationale (judiciaire ou arbitrale) sans son consentement. Les
modalités d’expression du consentement d’un Etat à la compétence contentieuse d’une
juridiction internationale sont fixées par son statut ou par un autre accord1372. Il s’agit
généralement du compromis conclu par les Etats en litige (déjà né), d’une clause
compromissoire (introduite dans un accord aux fins de règlement d’un litige à naître au
sujet de l’application ou de l’interprétation dudit accord), de la déclaration facultative de
juridiction obligatoire et parfois de l’acceptation non formaliste de la juridiction ou
comparution volontaire (forum prorogatum)1373. Tous ces mécanismes sont hyper connus
et n’appellent point de commentaire particulier.

Nous avons déjà montré que l’exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat en cas de conflit armé constitue une violation d’obligations erga omnes (partes)
et parfois même une violation du jus cogens. L’importance des intérêts en cause donnent
ainsi droit à une actio popularis à chaque Etat membre de la communauté internationale
ou membre d’un groupe d’Etats dont l’intérêt collectif a été violé. Cependant, ce droit à
une actio popularis ne dispense pas son titulaire de répondre aux conditions de la
compétence de la juridiction saisie. C’est dans ce sens que la Cour internationale de
Justice, après avoir souligné que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit

1372
Voir par exemple l’article 36 du statut de la Cour internationale de Justice ; sur la compétence
contentieuse du Tribunal international du droit de la mer, voir l’article 21 de son statut et les articles 297,
298 et 299 de la Convention des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer.
1373
Cf. D. RUZIE, Op. cit., p. 196. Pour quelques exemples d’acceptation non formaliste de la compétence
de la C.I.J., voir « affaires du détroit de Corfou (1948), Congo/France (2003) et Djibouti/France (2006).
Mais rejet dans l’affaire Rép. démo. Congo/Rwanda (2006) » (Ibidem, p. 196).
368

opposable erga omnes, - pour ne pas dire mieux un droit omnium, ainsi que nous l’avons
déjà indiqué -, a tenu à apporter cette précision de taille : « [L]'opposabilité erga omnes
d'une norme et la règle du consentement à la juridiction sont deux choses différentes.
Quelle que soit la nature des obligations invoquées, la Cour ne saurait statuer sur la
licéité du comportement d'un Etat lorsque la décision à prendre implique une
appréciation de la licéité du comportement d'un autre Etat qui n'est pas partie à
l'instance. En pareil cas, la Cour ne saurait se prononcer, même si le droit en cause est
opposable erga omnes »1374.

De même, dans l’affaire Congo c. Rwanda, la Cour internationale de Justice


s’est déclarée incompétente pour connaître de la requête de la RDC au motif que « le fait
qu’un différend porte sur le respect d’une norme [impérative du droit international
général (jus cogens)] […] ne saurait en lui-même fonder [sa compétence] pour en
connaître »1375.

Lorsqu’un recours est introduit par l’Etat lésé, les conditions exigées par le
Projet de la C.D.I. de 2001 aux articles 43 (notification par l’Etat lésé de sa demande à
l’Etat responsable), 44 (recevabilité de la demande) et 45 (renonciation de l’Etat lésé au
droit d’invoquer la responsabilité), dont nous avons déjà reproduit le contenu1376, doivent
être respectées. En revanche, en cas de recours par un Etat autre que l’Etat lésé, seul le
respect des conditions posées par les articles 43 et 45 est exigé, étant donné que l’article
44, qui pose les conditions de la protection diplomatique, n’est pas à vrai dire applicable
à cette situation, tel que nous l’avons déjà expliqué.

En cas de recours interétatique, l’Etat lésé réclame réparation non seulement


des dommages immédiats, mais également des dommages médiats. Dans ce dernier cas, il

1374
Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, § 29.
1375
Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 32, § 64. Pour un commentaire
sur cette décision, voir F. DOPAGNE, « Les exceptions préliminaires dans l’affaire des Activités armées
sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda) », in
A.F.D.I., Vol. 53, 2007, pp. 328-346.
1376
Voir note 1347.
369

doit respecter les deux conditions de base relatives à la protection diplomatique : la


nationalité de la réclamation et l’épuisement des recours internes1377.

Au lieu de nous plonger dans le développement des conditions de l’exercice


de l’action en protection diplomatique, qui ne présentent pas d’intérêt particulier au
regard de notre étude, deux questions doivent plutôt retenir notre attention : celle de
l’articulation entre l’actio popularis et l’action en protection diplomatique et celle de la
répartition de l’indemnité.

Les développements qui suivent ne doivent pas nous faire oublier qu’il
appartient prioritairement à l’Etat lésé de réclamer réparation. L’actio popularis ne peut
intervenir qu’à titre exceptionnel, lorsque l’Etat lésé n’est pas lui-même en mesure de

1377
Sur la protection diplomatique, nous invitons le lecteur à se référer principalement au Projet de la
Commission du droit international de 2006 sur la protection diplomatique, qui intègre les acquis prétoriens,
en ménageant les divergences jurisprudentielles (Voir Commission du droit international, Rapport de la
Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-huitième session, Op. cit, pp. 13-103).
Pour la jurisprudence, voir principalement : Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 30 août 1924,
C.P.J.I. Série A, n°2, p. 1 ; Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, arrêt du 28 février 1939, C.P.J.I. Série
A/B, n° 76, p. 1 ; Affaire Nottebohm (deuxième phase), Arrêt du 6 avril 1955 : C. I. J. Recueil 1955, p. 4 ;
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 6 ; Elettronica
Sicula S.P.A. (ELSI), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, p. 15 ; LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 466 ; Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004, p. 12 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 168 ; Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo), exceptions préliminaires, Arrêt, C.I.J.
Recueil 2007, p. 582 ; Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Ethiopia’s Damages Claims, 17
August 2009; Eritrea Ethiopia Claims Commission, Final Award, Eritrea’s Damages Claims, 17 August
2009 ; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2010, p. 639 ; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo) (Indemnisation due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt
du 19 juin 2012 ; etc. En doctrine, voir inter alia : J.-F. FLAUSS, La protection diplomatique. Mutations
contemporaines et pratiques nationales, Bruxelles, Bruylant, 2003 ; S. TOUZE, La protection des droits
des nationaux à l’étranger, Paris, Pedone, 2007 ; J. CHARPENTIER, « L’affaire de la Barcelona Traction
devant la Cour internationale de Justice (arrêt du 5 février 1970) », in A.F.D.I., Vol. 16, 1970, pp. 307-328 ;
J.-F. FLAUSS, « Protection diplomatique et protection internationale des droits de l’homme », in
R.S.D.I.E., 2003, pp. 1-36 ; S. FORLATI, « Protection diplomatique, droits de l’homme et réclamations
‘‘directes’’ devant la Cour internationale de Justice. Quelques réflexions en marge de l’arrêt
Congo/Ouganda », in R.G.D.I.P., tome 111, 2007, pp. 89-115 ; O. DE FROUVILLE, « Affaire Ahmadou
Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo). Exceptions préliminaires : Le
roman inachevé de la protection diplomatique », « Art. cit. », pp. 291-327 ; S. GARIBIAN, « Vers
l’émergence d’un droit individuel à la protection diplomatique ? », in A.F.D.I., Vol. 54, 2008, p. 119-141;
M. UBEDA-SAILLARD, « La diversité dans l’unité : l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice le
30 novembre 2010 dans l’affaire Ahmadou Sadio Diallo », « Art. cit. », pp. 897-923 ; S. EL BOUDOUHI,
« Affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), Fond : La
CIJ est-elle devenue une juridiction de protection des droits de l’homme ? », in A.F.D.I., Vol. 56, 2010, pp.
277-299 ; C. LE BRIS, « Vers la ‘‘protection diplomatique’’ des non-nationaux victimes de violation des
droits de l’homme ? », in R.T.D.H., Vol. 90, 2012, pp. 329-345; etc.
370

réclamer réparation, notamment parce que les voies judiciaires semblent fermées (non
acceptation de la compétence de la Cour par le défendeur par exemple).

Cela dit, au sujet de l’articulation entre l’actio popularis et l’action en


protection diplomatique, la question qui se pose d’emblée est la suivante : la violation
d’une obligation erga omnes (partes), - ce qui arrive souvent en cas d’exploitation illicite
des ressources naturelles d’un Etat étranger pendant un conflit armé, - violation qui ouvre
un droit à l’actio popularis, permet-elle aux Etats de déroger à la condition de la
nationalité de la réclamation exigée par l’action en protection diplomatique, étant donné
que tout Etat a intérêt à ce que les droits en cause soient respectés ? En d’autres termes,
en cas de violation d’une obligation erga omnes qui porte atteinte aux droits des
particuliers, un Etat autre que l’Etat lésé peut-il, au nom de son droit à la défense de
l’intérêt public, prétendre défendre des non-nationaux pour tirer profit des avantages liés
à l’action en protection diplomatique, notamment la réclamation en son nom propre de la
satisfaction et de l’indemnité due pour la réparation d’un préjudice médiat ?

Avec Catherine Le Bris, nous pouvons ainsi résumer la différence entre


l’action en protection diplomatique (d’une victime d’une violation de droits de l’homme)
et l’actio popularis : « Par l’action en protection diplomatique, l’Etat fait valoir son droit
au respect du droit international dans la personne de son national […]. Sur ce
fondement, l’Etat fait valoir un ‘‘droit subjectif’’ […] à l’action : il demande la
réparation du préjudice qu’il a subi (de façon médiate) par l’atteinte portée à son
ressortissant […]. Ce type d’action implique l’existence d’un lien de nationalité entre
l’auteur de l’action et la victime individuelle. En revanche, dans le cadre d’une action
visant à protéger un non-national victime d’une violation d’un droit humain, l’Etat fait
valoir un ‘‘droit objectif’’ […] à l’action. Les droits invoqués appartiennent à la
communauté internationale dans son ensemble, y compris à l’Etat auteur de l’action
[…]. Ces actions, en effet, ont pour fin la protection d’un droit erga omnes. Ce sont des
actiones populares »1378.

1378
C. LE BRIS, « Art. cit », p. 344. Plutôt que de parler d’une actio popularis visant la protection d’un
droit erga omnes, il aurait été plus précis de parler de droit omnium. Comme on l’a mentionné plus haut,
tous les droits erga omnes, c’est-à-dire opposables à tous, ne protègent pas d’intérêts collectifs d’un groupe
371

Même en cas de violation d’obligations erga omnes, la pratique de la Cour


internationale de Justice subordonne l’exercice de la protection diplomatique à la
condition de nationalité. Ainsi, pour nous référer à quelques exemples cités par Catherine
Le Bris1379, dans l’affaire de la Barcelona Traction, la Cour a remarqué que « sur le plan
universel, les instruments qui consacrent les droits de l'homme ne reconnaissent pas
qualité aux Etats pour protéger les victimes de violations de ces droits indépendamment
de leur nationalité »1380. Il nous semble clair que le fait pour la Cour de ne pas distinguer
entre droits fondamentaux et droits non-fondamentaux signifie que ce principe s’applique
à toute violation des droits de l’homme, y compris le cas de violation d’obligations erga
omnes. En outre, la Cour a vérifié la même condition dans les affaires LaGrand1381,
Avena1382, Congo c. Ouganda1383, Diallo1384, etc.

A tout prendre, l’action en protection diplomatique et l’actio popularis se


distinguent l’une de l’autre par l’exigence de la condition de la nationalité par celle-là
contrairement à celle-ci. S’il faut comprendre les deux actions au regard de l’article 48 du
Projet de la C.D.I. de 2001 sur la responsabilité de l’Etat, en paraphrasant Catherine Le
Bris, on dira que dans la protection diplomatique, l’Etat de nationalité agit car il est
spécialement affecté par le dommage causé à un individu. Contrairement à l’actio
popularis, la protection diplomatique n’est pas conçue pour permettre à des Etats de
présenter des réclamations au nom d’individus bénéficiaires de l’obligation erga omnes
(partes) violée en général, mais au nom de leurs propres nationaux1385. On peut juste
rappeler qu’en principe, il n’y a pas de protection diplomatique au bénéfice de non-
nationaux, exception faite des apatrides et des réfugiés, comme prévu à l’article 8 du

d’Etats ou de la Communauté internationale dans son ensemble. Par contre, un droit omnium protège
nécessairement une valeur collective (voir supra, chapitre IV, section I, §1, A, 1).
1379
Cf. Ibidem, pp. 342-343.
1380
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 47, § 91.
1381
Cf. LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 494, § 77.
1382
Cf. Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil
2004, p. 35, 40.
1383
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 276, § 333.
1384
Cf. Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), exceptions
préliminaires, Arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 599, § 40.
1385
Cf. C. LE BRIS, « Art. cit. », pp. 343-344.
372

Projet de la C.D.I. de 20061386. Cet article, « qui relève du développement progressif du


droit, s’écarte de la règle traditionnelle, laquelle réserve aux seuls nationaux le bénéfice
de la protection diplomatique »1387. Il s’agit d’une prise en compte de la nécessité de
protection des droits des apatrides et des réfugiés.

Cela dit, il convient de tourner le regard vers la répartition de l’indemnité en


cas de protection diplomatique. Nous avons déjà noté que cette indemnité est destinée
aux victimes de la violation, sous réserve des déductions raisonnables faites par l’Etat qui
a pris fait et cause pour elles. Cette solution est le résultat d’une évolution notable opérée
par le Projet de la C.D.I. de 2006 sur la protection diplomatique1388.

Au sujet des déductions faites par l’Etat avant de confier aux victimes le
montant « net » des indemnités, « là où la Commission d’indemnisation des Nations
Unies avait admis que les Etats pouvaient retenir à leur profit un petit pourcentage des
indemnités allouées à titre de ‘‘processing costs’’, [la Commission des réclamations
Erythrée-Ethiopie] a par contre exclu l’indemnisation des ‘‘preparation costs’’, lesquels
couvrent les frais des conseils juridiques »1389. Dans l’arrêt Diallo du 19 juin 2012 sur les
réparations, la Cour internationale de Justice n’envisage nullement de possibles
déductions de frais de procédure par l’Etat guinéen. Elle « tient à rappeler que
l’indemnité accordée à la Guinée dans l’exercice par celle-ci de sa protection

1386 « Article 8
Apatrides et réfugiés
1. Un Etat peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne apatride si celle-ci, à la date du
préjudice et à la date de la présentation officielle de la réclamation, a sa résidence légale et habituelle sur
son territoire.
2. Un Etat peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne à laquelle il reconnaît la qualité
de réfugié, conformément aux critères internationalement acceptés, si cette personne, à la date du préjudice
et à la date de la présentation officielle de la réclamation, a sa résidence légale et habituelle sur son
territoire.
3. Le paragraphe 2 ne s’applique pas dans le cas d’un préjudice dû à un fait internationalement illicite
commis par l’Etat de nationalité du réfugié ».
1387
Article 8 du Projet de la C.D.I. de 2006, Commentaire, § 2, in Commission du droit international,
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-huitième session, Op. cit.,
p. 49.
1388
Voir l’alinéa c) de l’article 19 antérieurement invoqué (note 1260).
1389
P. D’ARGENT et J. D’ASPREMONT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : un
premier bilan », « Art. cit. », p. 385. Ces auteurs se réfèrent à la décision S/AC.26/Dec. 250 (2005) sur
l’exclusion des ‘‘preparation costs’’ et à la décision S/AC.26/Dec. 18 (1994) sur les ‘‘processing costs’’,
qui permet à l’Etat de retenir 1,5 à 3% des sommes allouées selon les catégories de réclamations (Cf.
Ibidem, p. 385, note 235).
373

diplomatique à l’égard de M. Diallo, est destinée à réparer le préjudice subi par celui-
ci »1390. C’est assurément pour empêcher la Guinée d’affecter ce montant à d’autres fins,
notamment le paiement des frais et honoraires de ses conseils, avocats, etc. A ce niveau,
cet arrêt Diallo contient un aspect novateur concernant l’indemnité liée aux dommages
médiats de l’Etat. Il n’est pas question de la répartir entre l’Etat et les victimes
bénéficiaires de l’obligation violée. Par contre l’arrêt Diallo n’offre pas d’indication pour
ce qui est de la répartition de l’indemnité entre différentes victimes. Evidemment, en
l’espèce, il n’y avait qu’une seule victime et cette question n’avait pas de place.

La répartition de l’indemnité entre différentes victimes doit dépendre des


circonstances de fait. Dans sa décision n°8 (‘‘Relief to War Victims’’), la Commission des
réclamations Erythrée-Ethiopie a estimé que « les parties ont toute discrétion pour
utiliser les indemnités qui leur seraient allouées dans le cadre des réclamations
interétatiques, et constatant qu’il sera très difficile, voire impossible, d’identifier
individuellement chaque victime du conflit, la commission ‘‘invite’’ les parties à réfléchir
aux moyens qu’elles pourraient mettre en œuvre afin d’éventuellement utiliser les fonds
qu’elle leur allouerait à la création de programmes d’assistance destinés aux différentes
catégories de victimes, en pourvoyant par exemple à certains services de santé ou de
développement agricole »1391.

Prenant en compte les acquis de l’arrêt Diallo de 2012, nous estimons que
cette discrétion des Etats « pour utiliser les indemnités qui leur seraient allouées dans le
cadre des réclamations interétatiques » doit désormais être écartée en cas de protection
diplomatique. Il revient à la juridiction saisie d’apprécier la consistance des dommages
subis par chacune des victimes et de lui allouer des montants proportionnels, bien sûr par
l’intermédiaire de l’Etat réclamant. Evidemment, en cas de difficultés, voire
d’impossibilité d’identifier individuellement les victimes, on pourrait faire recours aux

1390
Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) (Indemnisation
due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt du 19 juin 2012, p. 20, §
57, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre 2012.
1391
P. D’ARGENT et J. D’ASPREMONT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : un
premier bilan », « Art. cit. », p. 389. Ce passage constitue pratiquement une lecture combinée de : Eritrea-
Ethiopia Claims Commission, Decision number 8 : Relief to War Victims, §§ 3 et 6, disponible sur
http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1215 consulté le 10 février 2013.
374

mécanismes de réparation collectifs, comme c’est devenu la tendance contemporaine1392,


sans perdre de vue que « [m]ême si cette démarche peut avoir du sens, elle s’éloigne fort
[…] d’une logique de pure responsabilité internationale »1393.

La non-discrétion de l’utilisation par l’Etat de l’indemnité accordée dans le


cadre de la protection diplomatique ne signifie pas la fin du caractère discrétionnaire de
l’endossement par l’Etat des dommages subis par ses ressortissants. En l’état actuel du
droit international, il n’existe pas de droit individuel à la protection diplomatique. Selon
l’élégante affirmation de Sévane Garibian, « [l]’individu reste tributaire de la
discrétionnarité du droit étatique d’agir : il ne saurait faire valoir un droit à l’action à
proprement parler, même si le pouvoir d’appréciation de l’Etat de nationalité relativement
à l’opportunité de l’action en protection diplomatique est plus cadré »1394. En effet,
d’après l’arrêt Barcelona Traction, « [l]'Etat doit être considéré comme seul maître de
décider s'il accordera sa protection, dans quelle mesure il le fera et quand il y mettra fin.
Il possède à cet égard un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice peut dépendre de
considérations, d'ordre politique notamment, étrangères au cas d'espèce »1395. C’est dans
ce sens que l’article 2 du Projet de la C.D.I. de 2006 dispose que « l’Etat a le droit
d’exercer la protection diplomatique », sans en faire une obligation. La proposition du
rapporteur spécial John Dugard de consacrer une obligation d’exercice de la protection
diplomatique par l’Etat dont un national est victime d’une violation grave d’une norme de
jus cogens imputable à un autre Etat a été abandonnée1396. La protection diplomatique
étant une action de l’Etat et non de l’individu, c’est à l’Etat qu’est due l’indemnisation
destinée aux victimes, comme on l’a déjà vu dans l’arrêt Diallo 2012. Pour garantir le
droit à réparation de Diallo, comme le ferait une juridiction de protection des droits de

1392
Voir notamment le cas de la Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie souligné dans le texte
correspondant à la note précédente. Voir également l’affaire du Rainbow Warrior, dans laquelle le Tribunal
arbitral a recommandé la constitution d’un fonds fiduciaire pour la promotion des relations des citoyens de
la Nouvelle-Zélande et de la France (Sentence arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle-Zélande c. France),
point 9 du dispositif, in R.G.D.I.P., 1990, p. 878).
1393
P. D’ARGENT et J. D’ASPREMONT, « La Commission des réclamations Erythrée-Ethiopie : un
premier bilan », « Art. cit. », p. 389.
1394
S. GARIBIAN, « Vers l’émergence d’un droit individuel à la protection diplomatique ? », in A.F.D.I.,
Vol. 54, 2008, p. 119.
1395
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 44, § 79.
1396
J. DUGARD, « Premier rapport sur la protection diplomatique », A/CN. 4/506, 7 mars 2000, p. 22, §
74, Article 4, § 1 (abandonné).
375

l’homme, la Cour aurait pu dire que la réparation est due à Diallo (et non seulement
destinée à lui). Ce qui ne pouvait être le cas dans le cadre d’une protection diplomatique
au regard du droit international positif. Comme l’écrit Muriel Ubéda-Saillard, « le droit
positif ne permet pas de conclure à l’existence d’une obligation internationale, qui
incomberait à l’Etat, de verser à son ressortissant les indemnités reçues au titre de
l’exercice de sa protection diplomatique »1397. Il n’est pas sûr que la Cour soit suivie par
la Guinée pour accorder l’indemnité à Diallo. Dans tous les cas, on peut être tranquille
que la Cour, compte tenu de sa mission, ne se préoccupera pas de vérifier si la Guinée a
transmis l’indemnité à Diallo. En rappelant que l’indemnité est destinée à Diallo, elle
s’est acquittée d’un « devoir de conscience ». Cela dit, Saïda El Boudouhi répond par la
négative à la question de savoir si la Cour internationale de Justice est devenue une
juridiction de protection des droits de l’homme. En effet, lisons-nous sous sa plume, « la
Cour n’a fait […] qu’être cohérente dans sa démarche qui n’a jamais eu pour objectif de
protéger effectivement les droits de M. Diallo à la manière de certaines juridictions
régionales de protection des droits de l’homme. Son choix dans le domaine du mode de
réparation est significatif. Il s’inscrit dans la continuité davantage qu’il ne relève d’un
quelconque changement dans la conception que se fait la Cour de sa propre fonction ou
de celle de la protection diplomatique »1398.

Au bout de ces considérations sur les recours interétatiques aux fins de la


mise en œuvre juridictionnelle de l’obligation de réparer, disons que les prononcés sur la
réparation demeurent rares. A titre illustratif, depuis son existence, la Cour internationale
n’a rendu que deux arrêts sur la réparation : dans les affaires du Détroit de Corfou (15
décembre 1949) et Diallo (19 juin 2012). Dans la pratique, lorsque la Cour a établi les
responsabilités dans un arrêt sur le fond, elle laisse aux parties le soin de s’entendre sur

1397
M. UBEDA-SAILLARD, « Art. cit. », p. 920. Selon cette auteure, le commentaire de la C.D.I. sur
l’article 19, c) de son Projet sur la protection diplomatique, selon lequel l’Etat devrait « [t]ransférer à la
personne lésée toute indemnisation pour le préjudice obtenue de l’Etat responsable, sous réserve des
déductions raisonnables » confirme cette idée en disant que « [b]ien que les législations nationales, la
jurisprudence et la doctrine révèlent une tendance à limiter le droit absolu de l’Etat de ne pas reverser aux
personnes lésées les sommes perçues à titre d’indemnités, ceci ne constitue probablement pas une pratique
établie » (Article 19 du Projet de la C.D.I. de 2006, Commentaire § 8, in Commission du droit
international, Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-huitième
session, Op. cit, p. 103) (Cf. M. UBEDA-SAILLARD, « Art. cit. », pp. 920-921).
1398
S. EL BOUDOUHI, « Art. cit. », pp. 290-291.
376

les montants et les modalités de la réparation et de revenir vers elle seulement faute de
parvenir à un accord, dans un délai qu’elle peut fixer elle-même ou laisser à la diligence
des parties. En témoignent par exemple les affaires Nicaragua c. Etats-Unis1399, Congo c.
Ouganda1400 (dont un des chefs de demande de la RDC porte sur l’exploitation illicite des
ressources naturelles), pour la première hypothèse et Diallo1401, pour la seconde. Dans
certains cas, les arrangements des parties sont intervenus en cours d’instance et ont vidé
le litige de son objet1402. Pour parvenir à ces accords, les parties litigantes passent par des
négociations, lesquelles font parfois intervenir les bons offices, voire la médiation
d’autres Etats ou des Organisations internationales ou encore des personnalités
indépendantes, ce qui confirme l’idée selon laquelle la réparation peut faire intervenir
plusieurs modes de règlement pacifiques. C’est à ce titre que la Cour internationale de
Justice, dans l’affaire Nicaragua c. Etats-Unis, après avoir décidé que les formes et le
montant de cette réparation seront réglés par la Cour, au cas où les Parties ne pourraient
se mettre d'accord à ce sujet, a directement rappelé aux deux Parties l'obligation qui leur
incombe de rechercher une solution de leurs différends par des moyens pacifiques
conformément au droit international1403.

Cela dit, nous ne pouvons manquer de rappeler qu’à notre connaissance,


aucune réparation spécifiquement due à la suite des dommages découlant de
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé n’a
jusqu’à ce jour été obtenue dans un cadre d’un recours interétatique. Qu’en est-il du cas
des recours directs des particuliers devant une juridiction internationale contre un Etat
pour exploitation illicite des ressources naturelles en cas de conflit armé ?

1399
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 149, § 292, point 15 du dispositif.
1400
Cf. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 257, §§ 260-261 et pp. 281 et 282, § 345, points 6 et 14 du dispositif.
1401
Cf. Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2010, p. 692, § 164 ; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République
démocratique du Congo) (Indemnisation due par la République démocratique du Congo à la République de
Guinée), arrêt du 19 juin 2012, p. 6, §§ 7-8, disponible sur http://www.icj-
cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre 2012.
1402
Voir notamment l’affaire relative à Certaines terres à phosphates à Nauru (Cf. Cf. J. VERHOEVEN,
Op. cit., p. 633).
1403
Cf. Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 149, § 292, points 15 et 16 du dispositif.
377

b. Recours directs des particuliers contre un Etat

Le recours direct des particuliers (surtout les personnes physiques) devant des
juridictions internationales de protection des droits de l’homme ne fait plus aujourd’hui
l’objet d’une quelconque polémique. La pratique de la Cour européenne des droits de
l’homme et celle de la Cour interaméricaine des droits de l’homme en sont des exemples
patents. La présentation de ces deux juridictions a été suffisamment élaborée, le plus
souvent par de grands experts, pour requérir quelque supplément de notre part. En outre,
nous limitant à l’exploitation illicite des ressources naturelles dans un contexte de conflits
armés en Afrique, les hypothèses dans lesquelles les litiges y relatifs pourraient être
réglés par l’une ou l’autre de ces juridictions sont difficilement concevables. Il ne nous
paraît pas utile de faire des développements à ce sujet.

En Afrique, il y a lieu de mentionner notamment le cas de la Commission


africaine des droits de l’homme et des peuples, puis de la Cour africaine des droits de
l’homme et des peuples (Cour A.D.H.P.). En 2008, la Conférence de l’Union a adopté un
Protocole consacrant la fusion de la Cour A. D.H.P. et de la Cour de justice de l’Union
africaine pour donner naissance à la Cour africaine de justice et des droits de l’homme1404
(ci-après la C.A.J.D.H.). En vertu de l’article 30 (disposition « chapeau et littera f) du
Statut de la C.A.J.D.H., « […] ont également qualité pour saisir la Cour de toute
violation d'un droit garanti par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,
par la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, le Protocole à la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique
ou par tout autre instrument juridique pertinent relatif aux droits de l'homme, auxquels
sont parties les Etats concernés […] les personnes physiques et les organisations non-
gouvernementales accréditées auprès de l’Union ou de ses organes ou institutions, sous
réserve des dispositions de l’article 8 du protocole [portant Statut de la C.A.J.D.H.] ».
L’article 8, § 3 prévoit la possibilité pour un Etat de faire une déclaration d’acceptation

1404
Cf. Article 2 du Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, adopté
par la onzième session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine tenue le 1er juillet 2008 à Sharm El-
Sheikh (Egypte), disponible sur www.africa-union.org consulté le 11 février 2013.
378

de recours des personnes physiques ou des ONG contre lui1405. Cette admission des ONG
à ester devant la Cour ouvre la voie à une sorte d’actio popularis au profit de ces ONG,
quoique limitée par la condition de leur accréditation auprès de l’Union ou de ses organes
ou institutions.

Le Protocole de 2008 instituant la C.A.J.D.H. n’étant pas encore entré en


vigueur1406, la Cour A.D.H.P. demeure opérationnelle. Aux termes de l’article 5, § 3 du
Protocole portant création de la Cour A.D.H.P., « [l]a Cour peut permettre aux individus
ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur
auprès de la Commission [africaine des droits de l’homme et des peuples] d’introduire
des requêtes directement devant elle conformément à l’article 34 (6) de ce
Protocole »1407. La plupart des recours individuels introduits auprès de cette Cour se sont
jusqu’à présent soldés par un déclinatoire de compétence de la Cour1408. Ce ton a été
lancé par le tout premier arrêt de la Cour rendu le 15 décembre 2009, en l’affaire
Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal, cet Etat n’ayant pas fait de déclaration
acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes des individus ou des ONG,
prévue à l’article 34, § 6 du Protocole portant création de la Cour1409. Le Protocole sur la
Cour A.D.H.P. limite la possibilité d’introduction des recours directs par des personnes
morales aux seules ONG dotées du statut d’observateur auprès de la Commission
africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après la Commission)1410, dans le cas
où l’Etat contre lequel le recours est dirigé a fait une déclaration d’acceptation de la

1405
« Tout Etat partie, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification ou
d’adhésion, ou à toute autre période après l’entrée en vigueur du Protocole peut faire une déclaration
acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 30 (f) et concernant un
Etat partie qui n’a pas fait cette déclaration ».
1406
Voir http://www.africancourtcoalition.org consulté le 19 novembre 2013.
1407
Article 34, § 6 : « A tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’Etat doit faire une
déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5 (3) du
présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article 5 (3) intéressant un Etat
partie qui n’a pas fait une telle déclaration ». Voir ce protocole sur
http://www.afrimap.org/english/images/treaty/Protocole_CourAfrDHP.pdf consulté le 11 février 2013.
1408
Voir à ce sujet les affaires finalisées, sur http://www.african-court.org/fr/index.php/2012-03-04-06-06-
00/finalised-cases-closed consulté le 11 février 2013.
1409
Cf. Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal, Requête n°001/2008, arrêt du 15 décembre 2009,
p. 12, § 46, point 1 du dispositif, disponible sur http://www.african-court.org/fr/index.php/2012-03-04-06-
06-00/finalised-cases-closed consulté le 11 février 2013.
1410
Cf. Articles 5, §3 et 34, § 6 du Protocole sur la Cour A.D.H.P.
379

compétence de la Cour pour connaître de tels recours . Ainsi, dans sa décision du 16 juin
2011, rendu en l’affaire Association Juristes d’Afrique pour la Bonne Gouvernance c.
République de Côte d’ivoire, la Cour A.D.H.P. a déclaré qu’en vertu de l’article 5, § 3 du
Protocole, elle n’a pas compétence pour connaître de la requête introduite par
l’Association Juristes d’Afrique pour la Bonne Gouvernance, faute de statut
d’observateur auprès de la Commission1411. Il en a été de même de la décision du 15
décembre 2011, dans l’affaire Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education
(CONASYSED) c. République du Gabon1412. On peut toutefois s’étonner de constater que,
en l’affaire Delta International Investment SA, Mr. AGL de Lange and Mrs. M. de Lange
vs. The Republic of South Africa, la Cour a appliqué à une société d’investissements, la
Delta International Investment SA, les conditions prévues par les articles 5, § 3 et 34, § 6
du Protocole, alors qu’il ne s’agit ni d’un individu ni d’une ONG pouvant avoir statut
d’observateur auprès de la Commission1413. Dans son opinion individuelle, le juge Fatsah
Ouguergouz, tout en reconnaissant que la Cour devait se déclarer incompétente parce que
la République Sud-africaine n’a pas fait la déclaration d’acceptation de la compétence de
la Cour conformément à l’article 34, § 6, indique, en se référant à l’interprétation que
cette Cour a faite des mêmes articles dans l’affaire Michelot Yogogombaye c. République
du Sénégal, que la Cour a commis une erreur d’interprétation des articles 5, § 3 et 34, §
6 en ne prenant pas en compte la lettre et l’esprit de ces articles, qui font référence à un
recours émanant d’individus ou d’ONG dotées d’un statut d’observateur auprès de la
Commission1414.

1411
Cf. Association Juristes d’Afrique pour la Bonne Gouvernance c. République de Côte d’Ivoire, Requête
n°006/2011, décision du 15 décembre 2011, p. 3, §§7-9 et p. 4, § 11, point 1 du dispositif, disponible sur
http://www.african-court.org/fr/images/documents/orders/DECISION%20-%20APPLICATION%20006-
2011.pdf consulté le 11 février 2013.
1412
Cf. Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. République du Gabon,
Requête n° 12/2011, décision du 15 décembre 2011, p. 4, §§ 7-12, disponible sur http://www.african-
court.org/fr/images/documents/orders/DECISION%20APPLICATION%20Requete%20No%20012-
2012CONASYSED%20VS%20GABON-French-Copy.pdf consulté le 11 février 2013.
1413
Cf. Delta International Investment SA, Mr. Agl de Lange and Mrs. M. de Lange vs. The Republic of
South Africa, Application 002/2012, Decision of 13 March 2012, pp. 3-4, §§ 4, 5, 8, 9 and 10, available at
http://www.africancourt.org/en/images/documents/case/Decision%20Application%20%20%20No%20002-
2012%20English.pdf consulted on 11.02.2013.
1414
Cf. Separate opinion of Judge Fatsah Ouguergouz, in Ibidem, §§ 1-3.
380

Il nous semble que la lacune relative aux recours pouvant être introduits
devant la Cour A.D.H.P. par des personnes morales privées autres que des ONG dotées
du statut d’observateur auprès de la Commission, inter alia les sociétés commerciales, est
due à une erreur inhérente au Protocole, laquelle a faussé l’interprétation de la Cour dans
l’affaire de la Delta International Investment SA. Il est vrai que la République sud-
africaine n’a pas fait de déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour au titre de
l’article 34, § 6 du Protocole1415. Cela explique l’incompétence de la Cour1416. Le
problème se poserait plus clairement dans le cas où la République sud-africaine aurait fait
cette déclaration. Une société d’investissements, en l’occurrence la Delta International
Investment SA, pouvait-elle répondre à la condition d’être une ONG dotée du statut
d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ?
La possibilité de demander le statut d’observateur auprès de la Commission africaine des
droits de l’homme est réservée à une organisation non gouvernementale ayant des
objectifs et des activités conformes aux principes fondamentaux et aux objectifs énoncés
dans la Charte de l'UA et dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et
qui œuvre effectivement dans le domaine des droits humains1417. On ne voit pas comment
et pourquoi la Commission peut octroyer ce statut d’observateur à une société
commerciale et on ne sait pas pour quel motif légitime lié à son intérêt économique, qui
est le but principal d’une société commerciale, celle-ci solliciterait ou accepterait un tel
statut si par impossible il lui était offert. Il nous semble que dans des cas mettant en jeu
un recours initié par une société commerciale, cette condition fera toujours défaut. Ceci
signifie que la Cour A.D.H.P. n’est pas apte à apporter des solutions aux prétentions des
sociétés commerciales, lesquelles, pour ce qui est de notre étude, ont pourtant été
sérieusement préjudiciées par l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en
cas de conflit armé.

1415
Cf. Ibidem, p. 3, § 8.
1416
Cf. Ibidem, pp. 3-4, §§ 9-10.
1417
Cf. Résolution sur les conditions d’octroi et de jouissance du statut d’observateur aux organisations
non-gouvernementales s’occupant des droits de l’homme auprès de la Commission africaine des droits de
l’homme et des peuples, adoptée à Bujumbura, le 5 mai 1999, disponible sur
http://old.achpr.org/francais/_info/observer_fr.html consulté le 11 février 2013.
381

Ces sociétés commerciales et de nombreuses personnes morales privées sont-


elles ainsi dépourvues de recours directs contre un Etat devant une juridiction
internationale ? Bien qu’au niveau régional ou sous-régional africain les juridictions
internationales se heurtent à des problèmes de compétence à l’égard des sociétés et autres
personnes morales de droit privé contre un Etat en matière de responsabilité
internationale - (hormis les questions liées au droit des affaires qui peuvent être réglées
par des juridictions à compétence de caractère économique, entre autres la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique
du Droit des Affaires (OHADA)-, le recours à l’arbitrage demeure une opportunité pour
le règlement des litiges opposant une société à un Etat. Il n’y a aucune raison de s’en
inquiéter. Au fait, comme l’explique si bien le Professeur Philippe Gautier, « [l]'arbitrage
est en droit international le mode originel de règlement des différends et il faut
reconnaître qu'il conserve encore aujourd'hui toute sa vigueur »1418. En ce qui concerne le
règlement arbitral des litiges entre une société (commerciale) et un Etat, c’est le moment
d’invoquer les affaires Texaco-Calasiatic c. Gouvernement libyen et Aminoil c. Koweït,
dont nous avons déjà largement parlé.

En cas de recours directs contre un Etat par plusieurs particuliers (personnes


physiques ou morales) ayant subis des dommages dans les mêmes circonstances,
l’évaluation du montant de l’indemnisation et sa répartition se feront en fonction des
dommages subis par chacun, sans exclure pour autant la possibilité des réparations
collectives, comme déjà indiqué ci-avant1419.

A part les Commissions des réclamations (Tribunal des différends irano-


américains, UNCC, …), il n’y a pas de cas où des recours directs ont été prévus devant

1418
PH. GAUTIER, « La sentence rendue le 14 janvier 2003 par le tribunal arbitral constitué par le
Gouvernement de la République française et l'UNESCO sur la question du régime fiscal des pensions
versées aux fonctionnaires retraités de l'UNESCO résidant en France », in A.F.D.I., Vol. 49, 2003. p. 290.
1419
Voir par exemple au sujet de la répartition de l’indemnité par la Cour interaméricaine des droits de
l’homme et du versement de cette somme, K. BONNEAU, « La jurisprudence innovante de la Cour
interaméricaine des droits de l’homme en matière de droit à réparation des victimes de violations des droits
de l’homme », in L. HENNEBEL et H. TIGROUDJA (sous la direction de), Le particularisme
interaméricain des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2009, pp. 367-368. Voir également K. BONNEAU,
« Le droit à réparation des victimes des violations des droits de l’homme : le rôle pionnier de la Cour
interaméricaine des droits de l’homme », in Droits fondamentaux, 2007, disponible sur http://www.droits-
fondamentaux.org/IMG/pdf/df6kbciadh.pdf consulté le 12 février 2013.
382

des juridictions internationales. Alors que la justification d’une éventuelle action en


réparation des particuliers contre l’Etat auteur de l’exploitation illicite des ressources
naturelles qui leur a causé préjudice ne pose en principe aucun problème, nous nous
interrogeons sur la pertinence d’une action des particuliers contre un Etat ayant fourni de
l’aide à l’auteur de l’exploitation illicite ou contre un Etat ayant manqué à l’obligation de
vigilance ou à l’obligation de faire respecter le droit international humanitaire. Partant de
l’hypothèse que les requérants ont subi des dommages du fait de l’exploitation illicite des
ressources naturelles de l’Etat parce qu’ils exerçaient des droits patrimoniaux sur ces
ressources ou parce que cette exploitation a été faite en violation de leurs droits
extrapatrimoniaux, il nous semble que le « lien de causalité suffisamment direct et
certain »1420 entre la violation du droit international et leurs préjudices fait défaut si leur
action en réparation est intentée contre un Etat ayant manqué à l’obligation de vigilance
ou à l’obligation de faire respecter le droit international humanitaire à l’occasion de
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé. Certes ces
manquements constituent dans le chef de leurs auteurs une violation du droit international
au préjudice de l’Etat exerçant la souveraineté sur les ressources affectées. Comme l’a
rappelé la Cour internationale de Justice dans son avis Bernadotte, « seule la partie
envers laquelle une obligation internationale existe peut présenter une réclamation à
raison de la violation de celle-ci »1421. Qui plus est, il ne revient pas aux particuliers de
« prendre fait et cause » pour un Etat.

En revanche, à l’égard d’un Etat ayant apporté une assistance à l’Etat auteur
de l’exploitation illicite des ressources naturelles, l’appréciation de la pertinence de
l’action en réparation des individus doit être nuancée. Il convient de rappeler le
commentaire de la C.D.I., que nous avons mentionné antérieurement quasiment dans les
mêmes termes à propos de l’Etat qui prête aide ou assistance à l’Etat auteur de

1420
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 234, § 462 ; Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo) (Indemnisation due par la République
démocratique du Congo à la République de Guinée), arrêt du 19 juin 2012, p. 9, § 14, disponible sur
http://www.icj-cij.org/docket/files/103/17045.pdf consulté le 8 novembre 2012.
1421
Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1949, pp.
181-182.
383

l’exploitation illicite, selon lequel si « l’assistance n’a été qu’un facteur incident dans la
commission de l’acte primaire et n’a contribué qu’à un degré mineur au préjudice subi,
voire n’y a pas contribué du tout [,] [l]’Etat qui en aide un autre à commettre un fait
internationalement illicite ne devrait pas nécessairement être tenu d’indemniser la victime
de toutes les conséquences du fait, mais seulement de celles qui […] découlent de sa
propre conduite »1422 et si « l’assistance est un élément nécessaire du fait illicite, sans
lequel le fait en question ne se serait pas produit, le préjudice subi peut être attribué
concurremment à l’Etat qui assiste et à celui qui agit »1423. Ce faisant, en estant en justice
contre l’Etat ayant accordé l’aide à l’Etat auteur de l’exploitation illicite dont résultent
leurs préjudices, les particuliers doivent bien préciser le rôle effectivement joué par cette
aide dans la commission du fait dommageable à eux.

A défaut d’exercer un recours international, les particuliers ont la possibilité


de saisir des juridictions internes de l’Etat auteur du fait illicite d’exploitation des
ressources naturelles ou du fait illicite commis à l’occasion de cette exploitation.

2. Juridictions internes de l’Etat auteur de l’acte illicite saisies par des personnes
privées

La règle de l’immunité de l’Etat devant des juridictions d’un autre Etat (Par
in parem non habet imperium) est bien établie en droit des gens, ainsi qu’il ressort de
l’arrêt Al-Adsani c. Royaume –Uni rendu par la Cour de Strasbourg1424. La Cour
internationale de Justice a eu l’occasion d’y consacrer récemment son arrêt du 3 février
2012, rendu en l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat1425, qui a
opposé l’Allemagne à l’Italie. La littérature sur ce thème est abondante1426. Dans le

1422
Article 16 du Projet de la C.D.I. de 2001 sur la responsabilité de l’Etat, Commentaire, § 10, in J.
CRAWFORD, Op. cit., p. 181.
1423
Article 16 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 10, in Ibidem, p. 181.
1424
Cf. Al-Adsani c. Royaume –Uni (Requête n°35763/97), Arrêt, 21 novembre 2001, § 54.
1425
Cf. Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie), Grèce (Intervenant)), arrêt du 3 février
2012, disponible sur http://www.icj-cij.org/docket/files/143/16884.pdf consulté le 19 novembre 2013.
1426
Voir notamment : S. EL SAWAH, Les immunités des Etats et des Organisations internationales :
immunités et procès équitable, Bruxelles, Larcier, 2012 ; I. PINGEL-LENUZZA, Les immunités des Etats
en droit international, Bruxelles, Bruylant, 1998 ; CONSEIL DE L’EUROPE et G. HAFNER (sous la
direction de), La pratique des Etats concernant les immunités des Etats, Leiden, Brill, 2006 ; J.
VERHOEVEN (sous la direction de), Le droit international des immunités : contestation ou
consolidation ?, Paris/ Bruxelles, L.G.D.J./Larcier, 2004 ; etc.
384

rapport de sa session de 2012, la Commission du droit international a conclu que « l’idée


selon laquelle il existait une limitation à l’immunité de l’Etat fondée sur la gravité de la
violation n’était pas suffisamment fondée, et qu’il fallait donc présumer l’existence de
l’immunité ratione materiae, à moins qu’une pratique étatique généralisée ne mette en
évidence une limitation fondée uniquement sur la gravité de la violation alléguée »1427.
L’immunité juridictionnelle de l’Etat constitue un obstacle au recours contre un Etat
devant les juridictions internes étrangères. Aborder cette problématique très complexe et
qui demeure d’une actualité brûlante, surtout pour ce qui est des violations graves du
droit international humanitaire ou du droit international des droits de l’homme1428, nous
écarterait trop de notre étude.

En revanche, le droit d’accès au juge contre l’Etat devant ses propres


juridictions est « un droit fondamental […], une conséquence du caractère fondamental
de l’Etat de droit »1429. Les législations des Etats démocratiques (ou de ceux qui
prétendent l’être) consacrent cette possibilité.

Pour prendre l’exemple du Rwanda, un Etat auteur d’exploitation illicite des


ressources naturelles de la RDC en cas de conflit armé, contre lequel cette hypothèse de
recours des particuliers est envisageable, l’article 26, 1° de la loi n° 18/2004 du 20 juin
2004, portant Code de procédure civile, commerciale, sociale et administrative (devant
les juridictions rwandaises)1430 (ci-après : CPCCSA) énonce que l’Etat rwandais est
assigné en la personne du Mandataire Général de l’Etat. Le premier alinéa de l’article 81
CPCCSA consacre la possibilité pour les étrangers d’intenter une action devant les
juridictions rwandaises, le cas échéant, moyennant paiement d’une caution judicatum
solvi1431. En outre, l’article 350 CPCCSA fixe le délai et les modalités de paiement

1427
Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international. Soixante-
quatrième session (7 mai-1er juin et 2 juillet- 3 août 2012), A/67/10, p. 105, § 130.
1428
Voir notamment A. BELLAL, Immunités et violations graves des droits humains. Vers une évolution
structurelle de l’ordre juridique international ?, Bruxelles, Bruylant, 2011 ; Immunités juridictionnelles de
l’Etat (Allemagne c. Italie), Grèce (Intervenant)), arrêt du 3 février 2012, disponible sur http://www.icj-
cij.org/docket/files/143/16884.pdf consulté le 19 novembre 2013.
1429
S. EL SAWAH, Op. cit., pp. 37 et 39.
1430
Voir J.O. spécial bis du 30/07/2004, disponible sur
http://www.lexadin.nl/wlg/legis/nofr/oeur/lxwerwa.htm (voir Civil Law) consulté le 14 février 2013.
1431
« Sauf lorsqu’ils sont demandeurs en restitution de leur dû, tous les étrangers, demandeurs principaux
ou intervenants, sont tenus, si le défendeur le requiert, de fournir au préalable une certaine caution devant
385

lorsque l’Etat y est condamné par une décision juridictionnelle coulée en force de chose
jugée1432.

Ces quelques dispositions confirment le droit d’accès au juge rwandais contre


l’Etat rwandais par des étrangers, ce qui pourra être, en ce qui concerne cette étude, le cas
des victimes de l’exploitation illicite des ressources naturelles en RDC. La juridiction à
saisir sera fonction de chaque cas d’espèce, conformément au Code rwandais
d’organisation, fonctionnement et compétence judiciaire et dans le respect des procédures
prévues par le CPCCSA, dans les méandres duquel nous pourrons nous engager en cas de
besoin.

Une action devant une juridiction de l’Etat auquel est imputable le fait illicite
constituerait un test de crédibilité pour l’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du
pouvoir exécutif. Elle servirait également de test de l’existence d’un Etat de droit. Les
chances d’une telle action seraient absolument subordonnées à la normalisation des
relations entre l’Etat de la nationalité des requérants et l’Etat du for. La sécurité des
demandeurs contre l’Etat du for en dépend pour beaucoup.

Pour intenter leurs actions devant les juridictions internes, les particuliers
lésés par l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat par un autre Etat
devront rester particulièrement attentifs au délai de prescription, qui est généralement de
trente ans pour de nombreuses législations de tradition civiliste. Nous saisissons cette
occasion pour souligner que, contrairement au droit interne, le droit international public
ne semble pas admettre la prescription extinctive ou libératoire1433.

servir de payement des frais et dommages-intérêts résultant du procès, auxquels ils peuvent être condamnés
sous réserve des conventions par lesquelles des Etats auraient stipulées pour leurs ressortissants la dispense
de la caution judicatum solvi ».
1432
« Lorsqu’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l’Etat […] au
paiement d’une somme d’argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être
payée dans les six (6) mois à compter de la signification du jugement. Si les fonds disponibles sont
insuffisants, le paiement est fait dans la limite des fonds disponibles. Les ressources nécessaires pour le
compléter doivent être prévues pour l’exercice budgétaire suivant et le paiement effectué dans les premiers
six (6) mois de l’exercice ».
1433
Sur la problématique de la prescription extinctive en droit international public, voir, inter alia, P.
D’ARGENT, Les réparations de guerre en droit international public, Op. cit., pp. 813-822 ; J. SALMON
(sous la direction de), Op. cit., pp. 870-871.
386

La seconde voie de mise en œuvre de l’obligation de réparer que nous nous


sommes proposé d’examiner en détails est le recours aux contre-mesures.

B. Contre-mesures réparatoires

En vertu de l’article 22 du Projet de la C.D.I. de 2001 sur la responsabilité de


l’Etat1434, les contre-mesures constituent une circonstance excluant l’illicéité. Elles
consistent en « des réactions à un fait internationalement illicite ayant pour
caractéristique d’être intrinsèquement illicites mais justifiées par le manquement initial
allégué auquel elles entendent répondre »1435. A ce titre, les contre-mesures traduisent une
persistance d’une « justice privée » en droit des gens, caractéristique d’une société
internationale décentralisée1436. Comme l’a relevé le Tribunal arbitral dans la sentence du
9 décembre 1978, rendue en l’affaire de l’Accord relatif aux services aériens, « [d]ans
l'état actuel du droit international général, abstraction faite des engagements spécifiques
découlant de traités particuliers et notamment des mécanismes institués dans le cadre des
organisations internationales, chaque Etat apprécie pour lui-même sa situation juridique
au regard des autres Etats »1437. En contrepartie de ce pouvoir discrétionnaire
d’appréciation reconnu à l’Etat qui prend des contre-mesures, celui-ci « le fait à ses

1434
« Article 22
Contre-mesures à raison d’un fait internationalement illicite
L’illicéité du fait d’un Etat non conforme à l’une de ses obligations internationales à l’égard d’un autre Etat
est exclue si, et dans la mesure où, ce fait constitue une contre-mesure prise à l’encontre de cet autre Etat
conformément au chapitre II de la troisième partie ».
1435
D. ALLAND, « Les contre-mesures d’intérêt général », in P.-M. DUPUY (sous la direction de),
Obligations multilatérales, droit impératif et responsabilité internationale des Etats, Op. cit., p. 167. Les
mesures des Organisations internationales et les mesures de rétorsion sont écartées du cadre conceptuel de
la C.D.I. sur les contre-mesures car elles ne posent aucun problème de responsabilité pour fait illicite
puisqu’elles supposent le respect par l’Etat qui les adopte de ses engagements internationaux (Cf. Ibidem,
p. 167, note 2).
1436
Cf. F. DOPAGNE, Les contre-mesures des organisations internationales, Louvain-la-Neuve, Anthemis
S.A., 2010, p. 13. Pour une étude approfondie des contre-mesures en droit international public, voir
notamment CH. LEBEN, « Les contre-mesures inter-étatiques et les réactions à l’illicite dans la société
internationale », in A.F.D.I., Vol. 28, 1982, pp. 9-77 ; A.-L. SICILIANOS, Les réactions décentralisées à
l’illicite : des contre-mesures à la légitime défense, Paris, L. G.D.J., 1990 ; L. BOISSON DE
CHAZOURNES, Les contre-mesures dans les relations internationales économiques, Paris, Pedone,
1992 ; ALLAND, Justice privée et ordre juridique international. Etude théorique des contre-mesures en
droit international public, Paris, Pedone, 1994 ; L.-A. SICILIANOS, « La codification des contre-mesures
par la Commission du droit international », in R.B.D.I., 2005/1-2, pp. 447-500 ; etc.
1437
Sentence arbitrale du 9 décembre 1978 en l’affaire concernant l’accord relatif aux services aériens du
27 mars 1946 entre les Etats-Unis d’Amérique et la France, in Nations Unies, Recueil des sentences
arbitrales (R.S.A.), Vol. XVIII, p. 483, § 81.
387

propres risques, si sa perception de l’illicéité se révèle mal fondée […] et peut encourir
une responsabilité à raison de son propre comportement illicite dans l’hypothèse d’une
appréciation inexacte »1438.

Selon l’arrêt de la Cour internationale de Justice rendu en l’affaire du Projet


Gabcikovo-Nagymaros, une contre-mesure « doit avoir pour but d’inciter l’Etat auteur du
fait illicite à exécuter les obligations qui lui incombent en droit international »1439. Ce but
des contre-mesures est consacré par l’article 49, § 1er du Projet de la C.D.I. de 20011440.
Frédéric Dopagne est plus catégorique lorsqu’il présente la finalité d’une contre-mesure
comme « l’exécution forcée des obligations ‘‘secondaires’’ découlant de la responsabilité
internationale, à savoir la cessation du fait (jugé) internationalement illicite d’un autre
sujet et (ou) la réparation du dommage causé par ce même fait »1441.

Pour l’instant, nous nous intéressons particulièrement aux contre-mesures


réparatoires, lesquelles doivent répondre aux conditions générales du recours aux contre-
mesures. Ces contre-mesures doivent être dirigées contre l’Etat à qui incombe
l’obligation de réparer, dans la mesure où il refuse de s’en acquitter, ce qui constitue un
fait internationalement illicite dans son chef (« deuxième degré d’illicéité »), condition
préalable fondamentale de la licéité d’une contre-mesure1442. Elles doivent être
temporaires et ne se justifient plus lorsque l’Etat débiteur a payé1443.

1438
Cf. Article 49 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 3, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 339-340.
1439
Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C. I. J. Recueil 1997, pp. 56-57, § 87.
1440
« Article 49
Objet et limites des contre-mesures
1. L’Etat lésé ne peut prendre de contre-mesures à l’encontre de l’Etat responsable du fait
internationalement illicite que pour amener cet Etat à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu
de la deuxième partie.
2. Les contre-mesures sont limitées à l’inexécution temporaire d’obligations internationales de l’Etat
prenant les mesures envers l’Etat responsable.
3. Les contre-mesures doivent, autant que possible, être prises d’une manière qui permette la reprise de
l’exécution des obligations en question ».
1441
F. DOPAGNE, Les contre-mesures des organisations internationales, Op. cit., p. 13. Voir également,
D. ALLAND, Justice privée et ordre juridique international. Etude théorique des contre-mesures en droit
international public, Op. cit., pp. 187-190, qui distingue l’exécution forcée de l’obligation de réparer de son
exécution d’office.
1442
Cf. Article 49 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 2, in J. CRAWFORD, Op. cit., p. 339 ; Projet
Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C. I. J. Recueil 1997, p. 55, § 83 ; Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1986, p. 127, § 249 ; Sentence arbitrale du 9 décembre 1978 en l’affaire concernant l’accord
388

L’Etat qui adopte des contre-mesures réparatoires doit strictement s’empêcher


de porter atteinte aux « obligations ne pouvant être affectées par des contre-mesures »,
conformément au prescrit de l’article 50 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité de
l’Etat1444. Il doit par ailleurs respecter le principe de proportionnalité consacré par
l’article 51 du Projet de la C.D.I. de 20011445. D’après cet article, les critères à prendre en
considération pour apprécier la proportionnalité sont l’étendue du dommage subi par
l’Etat lésé, la gravité du fait illicite et les droits en cause1446. Outre ces conditions de
fond, l’adoption des contre-mesures par l’Etat lésé doit répondre aux conditions
procédurales consacrées par l’article 52 du Projet de la C.D.I. de 20011447.

relatif aux services aériens du 27 mars 1946 entre les Etats-Unis d’Amérique et la France, in Op. cit., p.
483, § 81 ; « Naulilaa » (Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies
portugaises du Sud de l’Afrique), Nations Unies, R.S.A., Vol. II, 1928, pp. 1011-1033.
1443
Cf. Article 49 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 4, in Ibidem, p. 341. Le caractère temporaire des
contre-mesures est confirmé par l’article 53 du Projet de la C.D.I. de 2001, aux termes duquel « [i]l doit
être mis fin aux contre-mesures dès que l’Etat responsable s’est acquitté des obligations qui lui incombent à
raison du fait internationalement illicite […] ».
1444
« Article 50
Obligations ne pouvant être affectées par des contre-mesures
1. Les contre-mesures ne peuvent porter aucune atteinte :
a) A l’obligation de ne pas recourir à la menace ou à l’emploi de la force telle qu’elle est énoncée dans la
Charte des Nations Unies;
b) Aux obligations concernant la protection des droits fondamentaux de l’homme;
c) Aux obligations de caractère humanitaire excluant les représailles;
d) Aux autres obligations découlant de normes impératives du droit international général.
2. L’Etat qui prend des contre-mesures n’est pas dégagé des obligations qui lui incombent :
a) En vertu de toute procédure de règlement des différends applicable entre lui et l’Etat responsable;
b) De respecter l’inviolabilité des agents, locaux, archives et documents diplomatiques ou consulaires ».
1445
« Article 51
Proportionnalité
Les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi, compte tenu de la gravité du fait
internationalement illicite et des droits en cause ».
1446
Pour une appréciation de ces critères, voir Ibidem, pp. 482-483. Sur la proportionnalité des contre-
mesures, voir également F. DOPAGNE, Les contre-mesures des organisations internationales, Op. cit., pp.
402-426.
1447
Les conditions procédurales de l’adoption des contre-mesures peuvent se résumer comme suit :
demander d’abord à l’Etat responsable de s’acquitter des obligations qui lui incombent (ici l’obligation de
réparer), notifier à l’Etat responsable toute décision de prendre des contre-mesures et offrir de négocier
avec cet Etat. Mais ces conditions n’empêchent pas l’Etat lésé de prendre des contre-mesures urgentes à
titre conservatoire, en cas de nécessité. Enfin, les contre-mesures ne peuvent être prises et, si elles le sont
déjà, doivent être suspendues sans retard indu, en cas de cessation du fait internationalement illicite ou
lorsque le différend est en cours de règlement par une juridiction habilitée à rendre une décision obligatoire
pour les parties, à moins que l’Etat responsable ne manifeste une mauvaise foi quant à l’exécution des
décisions de ladite juridiction.
389

Parmi les exemples de contre-mesures réparatoires adoptées par un Etat lésé,


Denis Alland fait référence à l’exécution d’office par le Royaume –Uni de l’obligation de
réparer qui incombait à l’Albanie à la suite de l’arrêt rendu dans l’affaire du détroit de
Corfou, en saisissant l’or monétaire albanais pris à Rome en 1943 et au gel des avoirs
iraniens aux Etats-Unis à la suite de l’affaire des otages américains à Téhéran, dont les
finalités réparatoires ont été nettement exposées1448.

Le principe de l’effet relatif des contre-mesures exclut leur adoption par des
Etats autres que l’Etat lésé1449. En vertu de l’article 54 du Projet de la C.D.I. de 20011450,
les Etats autres que l’Etat lésé, peuvent en cas de violation d’obligations erga omnes
(partes), prendre des « mesures licites » à l’encontre de l’Etat responsable « afin
d’obtenir la cessation de la violation ainsi que la réparation dans l’intérêt de l’Etat lésé ou
des bénéficiaires de l’obligation violée ».

En définitive, l’Etat lésé par l’exploitation illicite de ses ressources naturelles,


qui est habilité par le droit international positif à adopter des contre-mesures réparatoires
à l’égard de l’auteur de ce fait illicite, peut se référer aux exemples de contre-mesures
mentionnés ci-haut. En cas d’impossibilité de prendre des contre-mesures (inexistence de
fonds à geler, par exemple) ou en cas d’inefficacité de celles-ci, il peut solliciter l’appui
des autres Etats, lesquels peuvent faire pression sur l’Etat responsable par des mesures
licites. Il lui faut évidemment une diplomatie dynamique à cette fin.

Ainsi que nous l’avons annoncé dans l’introduction de la deuxième partie, le


chapitre sur la responsabilité internationale des Etats doit être couronné par un examen de
la responsabilité internationale pénale des dirigeants de ces Etats, lesquels jouent un rôle

1448
Cf. D. ALLAND, Justice privée et ordre juridique international. Etude théorique des contre-mesures
en droit international public, Op. cit., pp. 189-190.
1449
Les contre-mesures ont un effet relatif en ce qu’elles s’appliquent uniquement aux relations juridiques
entre l’Etat responsable et l’Etat lésé, sans directement affecter, en principe, les relations de l’un ou l’autre
de ces deux Etats en litige avec les Etats tiers (Cf. Article 49 du Projet de la C.D.I., Commentaire, § 4, in J.
CRAWFORD, Op. cit., p. 340).
1450
« Article 54
Mesures prises par des Etats autres qu’un Etat lésé
Le présent chapitre est sans préjudice du droit de tout Etat, habilité en vertu du paragraphe 1 de l’article 48
à invoquer la responsabilité d’un autre Etat, de prendre des mesures licites à l’encontre de ce dernier afin
d’assurer la cessation de la violation ainsi que la réparation dans l’intérêt de l’Etat lésé ou des bénéficiaires
de l’obligation violée ».
390

primordial dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en
période de conflit armé (chapitre V).
391

CHAPITRE V. RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DES


DIRIGEANTS DES ETATS

Par « dirigeants des Etats », nous entendons, pour utiliser la définition que
donne à cette expression Alvaro Borghi, non seulement les chefs d’Etats, les chefs de
gouvernements et les ministres des affaires étrangères, qui jouissent d’un statut particulier
en droit international, mais également les autres dirigeants politiques, notamment les
autres ministres et autres officiels de rang élevé1451. Cette définition peut paraître
restrictive, voire floue, mais elle nous semble suffisante aux fins de notre recherche,
comme on le verra incessamment. Certes, d’aucuns pourraient s’attendre légitimement à
une définition plus large des dirigeants des Etats, englobant les « agents de l’Etat », c’est-
à-dire les personnes exerçant des fonctions politiques, gouvernementales ou électives, ou
celles exerçant des fonctions administratives, bref, toutes personnes agissant à titre
officiel et pouvant de ce fait engager la responsabilité internationale de l’Etat1452. Nous
envisageons la responsabilité des dirigeants politiques d’un Etat qui a « participé » à
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en période de conflit
armé. La décision visant à déclencher un conflit armé contre un Etat étranger et/ou à
exploiter de manière illicite (systématique) ses ressources naturelles est généralement,
sinon toujours, prise par les plus hautes autorités de l’Etat auteur, comme en témoignent
les conflits armés examinés dans cette étude. Et quand bien même cette exploitation
illicite des ressources naturelles pourrait être décidée et/ou opérée par des autorités
décentralisées, le pouvoir central en demeurerait responsable au regard du droit
international. Dès lors, nous avons, aux fins de notre recherche, préféré la définition
restrictive des dirigeants de l’Etat, mentionnée ci-avant. Le pillage des ressources
naturelles d’un Etat constitue un crime de guerre1453. On définit généralement les crimes

1451
Cf. A. BORGHI, L’immunité des dirigeants politiques en droit international, Bâle, Helbing
&Lichtenhahn, 2003, pp. 13-18 et 39-40.
1452
Cf. E. DECAUX et L. TRIGEAUD, « Les immunités pénales des agents de l’Etat et des organisations
internationales », in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET (sous la direction de), Droit international
pénal (deuxième édition révisée), Paris, Pedone, 2012, p. 545, § 1.
1453
Voir notamment: Article 3, § 1er, e) du Statut du TPIY; article 4, § 1er, f) du Statut du TPIR ; article 3
du Statut du TSSL et article 8, b), xvi) du Statut de la CPI. Sur cette question voir, notamment: J. G.
STEWART, Corporate War Crimes. Prosecuting the Pillage of Natural Resources, New York, Open
392

de guerre comme « des violations graves des règles coutumières ou conventionnelles du


droit international humanitaire »1454. Dans l’arrêt Tadic, la Chambre d’appel du TPIY
mentionne qu’une violation grave est celle qui constitue une infraction aux règles
protégeant des valeurs importantes et qui entraîne de graves conséquences pour la
victime1455. Il nous semble que dans ce sens, l’exploitation illicite systématique des
ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé constitue une infraction
grave aux Conventions de Genève en tant qu’une « appropriation des biens non [justifiée]
par des nécessités militaires et [exécutée] sur une grande échelle de façon illicite et
arbitraire »1456. De même les violations graves des droits de l’homme dans le cadre de
l’exploitation (illicite) des ressources naturelles d’un Etat en période de conflit armé
constituent des infractions graves aux Conventions de Genève, qui sont des crimes de
guerre1457. Il en est ainsi par exemple des travaux forcés d’extraction des ressources
naturelles, qui peuvent être considérés comme des traitements inhumains.

Dans le cadre de cette étude, nous rappellerons tout d’abord dans quelle
mesure les immunités dont jouissent les dirigeants d’Etats étrangers constituent un
obstacle à une action contre eux devant une juridiction nationale de l’Etat victime de

Society Foundations, 2010; M. A. LUNDBERG, ‘‘The Plunder of Natural Resources during War: A War
Crime (?)’’, in Georgetown Journal of International Law, Vol. 39, 2007-2008, p. 525: ‘‘An explicit war
crime statute referencing only the plunder of natural resources does not yet exist, but the current ICC
statutes outlawing pillage of public and private property include resource plunder in their scope. From the
earliest codifications of international laws of war, the international community has sought to protect public
and private property from unjustified appropriation and abuse. Under the language of various
international treaties and both civil and criminal prosecutions, such property includes natural resources.
Moreover, the power of an occupying force to exploit areas under its control has always been limited.
Occupying a territory brings with it a host of responsibilities, including the duty to uphold local laws on
resource exploitation and to protect private property rights in order to ensure that unjustified plunder of
natural resources does not occur’’.
1454
A. CASSESE, D. SCALIA et V. THALMANN, Les grands arrêts de droit international pénal, Paris,
Dalloz, 2010, p. 131.
1455
Cf. TPIY, Tadic, Chambre d’appel, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception
préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, § 94. A titre d’exemple, la Chambre d’appel note que « le
fait qu'un combattant s'approprie simplement un pain dans un village occupé ne constituerait pas une
‘‘violation grave du droit international humanitaire’’ bien que cet acte puisse relever du principe
fondamental énoncé à l'article 46 par. 1 des Règles de La Haye (et de la règle correspondante du droit
coutumier) selon laquelle ‘‘les biens privés doivent être respectés’’ par toute armée occupant un territoire
ennemi » (Ibidem, § 94).
1456
Voir article 50 CG I, article 51 CG II, et article 147 CG IV. Voir également l’article 8, § 2, a), iv) du
Statut de la C.P.I.
1457
Voir article 50 CG I, article 51 CG II, et article 147 CG IV. Voir également l’article 8, § 2, a), iv) du
Statut de la C.P.I.
393

l’exploitation illicite de ses ressources naturelles ou devant une autre juridiction étrangère
(section I). Nous n’aborderons pas les questions relatives aux poursuites contre des
dirigeants politiques impliqués dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un
Etat étranger devant des juridictions de leurs Etats. Ces dirigeants jouissent d’immunités
pénales et il nous paraît pratiquement utopique de préconiser la levée de ces immunités
par ces Etats au profit d’un Etat étranger. Par contre, nous traiterons brièvement de leur
responsabilité devant des juridictions internationales pénales compétentes pour ce qui est
de l’exploitation illicite des ressources naturelles durant le conflit armé dans cet Etat
(section II).

Section I. Immunités pénales des dirigeants politiques, un obstacle à l’action devant


une juridiction étrangère

Après avoir déterminé les bénéficiaires, la source et la portée des immunités


de juridiction pénale des dirigeants politiques (§1), nous aborderons la question de savoir
si la commission des crimes internationaux constitue une exception à l’immunité de
juridiction pénale (§2).

§1. Bénéficiaires, source et portée des immunités de juridiction pénale des dirigeants
politiques

Le droit international public accorde une place particulière à trois dirigeants


politiques d’un Etat : le chef d’Etat, qui occupe la place la plus importante, le chef de
gouvernement et le ministre des affaires étrangères1458. Ainsi, par exemple, selon l’article
7, § 2, alinéa a) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, ces organes
de l’Etat sont, en vertu de leurs fonctions et sans avoir à produire de pleins pouvoirs,
considérés comme représentant leur Etat pour « tous les actes relatifs à la conclusion d’un
traité ».

Ces personnes exerçant des fonctions officielles jouissent des immunités


reconnues par le droit international, qui sont intimement liées à la souveraineté

1458
Cf. A. BORGHI, Op. cit., pp. 15-17.
394

étatique1459. Il s’agit des immunités ratione personae, attachées à un statut1460. Celles-ci


sont liées à la personne concernée et expirent à la fin de son mandat ; elles sont limitées
ratione temporis1461. Par contre, les immunités ratione materiae, qui sont fondées sur le
comportement, à savoir un acte officiel d’un haut représentant de l’Etat, subsistent et
peuvent être invoquées même après l’expiration du mandat d’un représentant de l’Etat
pour des actes commis durant ses fonctions1462.

Comme l’a déclaré la Cour internationale de Justice dans l’affaire Yerodia,


les immunités trouvent leur source dans le droit international coutumier : « il est
clairement établi en droit international que, de même que les agents diplomatiques et
consulaires, certaines personnes occupant un rang élevé dans l'Etat, telles que le chef
d'Etat, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères, jouissent dans les
autres Etats d'immunités de juridiction, tant civiles que pénales »1463. Si l’unanimité est
pratiquement acquise sur la position de la Cour selon laquelle les immunités du ministre
des affaires étrangères en exercice ne lui sont pas accordées pour son avantage personnel,
mais à des fins de protection de ses fonctions1464, l’on enregistre une controverse quant à
l’origine coutumière de ces immunités1465. Cependant, on note une évolution au sein de la

1459
Cf. PH. GAUTIER, « Le législateur belge et la compétence universelle », in Annales de Droit de
Louvain, Vol. 64, 2004, n° 1-2, p. 152.
1460
Cf. Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international. Soixante-
quatrième session (7 mai-1er juin et 2 juillet- 3 août 2012), A/67/10, p. 102, § 114.
1461
Cf. Ibidem, pp. 102-103, § 114.
1462
Cf. Ibidem, pp. 103-104, §§ 119-120.
1463
Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, pp. 20-21, § 51.
1464
Cf. Ibidem, p. 21, § 53: « En droit international coutumier, les immunités reconnues au ministre des
affaires étrangères ne lui sont pas accordées pour son avantage personnel, mais pour lui permettre de
s'acquitter librement de ses fonctions pour le compte de 1'Etat qu'il représente ».
1465
Dans son opinion dissidente, la juge ad hoc Christine Van den Wyngaert conclut que « si le ministre
des affaires étrangères en exercice bénéficie bien d’immunités, celles-ci ne trouvent pas leur origine dans le
droit international coutumier mais relèvent de la courtoisie internationale » (Mandat d’arrêt du 11 avril
2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, Opinion dissidente de la
juge ad hoc Christine Van den Wyngaert, p. 163, § 39). La juge ad hoc s’appuie notamment sur le rapport
spécial de la C.D.I. sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens (Cf. Ibidem, p. 147, § 17).
Voir Commission du droit international, Annuaire de la Commission du droit international, 1989, Vol. II
(2), Deuxième partie, p. 146, § 446. Cette position est également partagée par le juge Awn Al-Khasawneh
(Cf. Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, Opinion dissidente du juge Al-Khasawneh, p. 95, § 1) ainsi que par les juges Rosalyn
Higgins, Pieter Kooijmans et Thomas Buergenthal (Cf. Ibidem, Opinion individuelle commune de Mme
Higgins, M. Kooijmans et M. Buergenthal, p. 87, § 81). Dans la doctrine, on peut mentionner que Maurice
Kamto souligne que la Cour « a bâti son arrêt sur un argument axiomatique reposant sur un raisonnement
395

Commission du droit international. Alors qu’en 1989, la C.D.I. avait considéré que les
immunités reconnues au ministre des affaires étrangères relevaient de la courtoisie
internationale plutôt que de la coutume internationale1466, elle les a expressément
consacrées, en 2013, à titre de développement progressif du droit international1467. Le
projet d’article 3 sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de
l’Etat adopté le 7 juillet 2013 à titre provisoire dispose : « Les chefs d’Etat, les chefs de

par analogie qui conduit à la transposition ou la translation de l’immunité du chef de l’Etat au ministre des
Affaires étrangères. […] L’analogie entre les deux hauts responsables de l’Etat ne vaut pas constatation
d’une règle coutumière. La Cour aurait donc dû exposer et discuter de manière approfondie la pratique
qu’elle dit avoir examiné afin de laisser émerger la règle de l’immunité des ministres des Affaires
étrangères ; soit comme une norme coutumière, soit à tout le moins comme un principe général de droit, au
lieu de la traiter par prétérition » (M. KAMTO, « Une troublante ‘‘immunité totale’’ du ministre des
Affaires étrangères (Sur un aspect de l’arrêt du 14 février 2002 dans l’affaire relative au Mandat d’arrêt du
11 avril 2000) », in R.B.D.I., 2002/1-2, pp. 519 et 521. Dans le même ordre d’idées, Philippe Sands
conclut : ‘‘Irrespective of one’s view on the merits of the Court’s approach to the substantive immunity
issues in the Arrest Warrant case, its reasoning is unsatisfactory. As the principal judicial organ of the
United Nations the Court has a particular responsibility to provide clear and detailed reasons for its
conclusions, and to make clear the extent to which its approach turns on the particular facts before it. […]
The absence of reasoning can only undermine the Court’s authority and effectiveness” (PH. SANDS,
‘‘What is the ICJ for?’’, in R.B.D.I., 2002/1-2, pp. 544-545). Par contre, Jean Salmon écrit : « Il faut bien
dire que tant la pratique que la doctrine sont particulièrement lacunaires sur le statut du ministre des
Affaires étrangères. La Cour n’a pas pris beaucoup de peine […] pour justifier le statut qu’elle décrit
comme étant le droit. Pas le moindre exemple de pratique étatique ou jurisprudentielle. Ceci confirme – si
besoin en était – le rôle créateur de la Cour dès qu’elle s’instaure en porte-voix du droit coutumier […] » (J.
SALMON, « Libres propos sur l’arrêt de la C.I.J. du 14 février 2002 dans l’affaire relative au Mandat
d’arrêt du 11 avril 2000 (R.D.C. c. Belgique) », in R.B.D.I., 2002/1-2, p. 513). Dans le même sens, Joe
Verhoeven opine sur la question de l’origine coutumière des immunités du ministre des affaires étrangères :
« D’aucuns estimeront peut-être que la Cour aurait pu fournir plus de ‘‘justifications’’. Peut-être. Il ne faut
cependant pas se tromper. La Cour ‘‘sait le droit’’, à tout le moins général ; elle n’a pas à le ‘‘prouver’’. Il
lui est loisible d’en offrir les illustrations ou les applications qu’elle juge opportunes, dans un souci
‘‘pédagogique’’ ; il ne lui incombe pas d’en fournir la ‘‘preuve’’ à qui que ce soit. Il n’y aurait dès lors pas
de sens pour elle à rejeter une demande au seul motif que la règle – générale – sur laquelle elle s’appuie n’a
pas été établie à suffisance de droit » (J. VERHOEVEN, « Quelques réflexions sur l’affaire relative au
Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 », in R.B.D.I., 2002/1-2, p. 532).
1466
Cf. Commission du droit international, Annuaire de la Commission du droit international, 1989, Vol. II
(2), Deuxième partie, p. 146, § 446.
1467
« Néanmoins, selon un membre de la Commission qui estimait que l’arrêt de la Cour [ en l’affaire du
Mandat d’arrêt] ne démontrait pas l’existence d’une règle coutumière, vu que cet arrêt n’avait pas suscité
d’opposition parmi les Etats, l’absence d’une telle règle n’empêchait pas la Commission d’inclure le
ministre des affaires étrangères parmi les personnes jouissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère
ratione personae, à titre de développement progressif du droit international, compte tenu des fonctions que
ce ministre exerçait dans les relations internationales » (Commission du droit international, Rapport de la
Commission du droit international, soixante-cinquième session (6 mai-7 juin et 8 juillet-9 août 2013),
A/68/10, pp. 63-64, § 5).
396

gouvernement et les ministres des affaires étrangères bénéficient de l’immunité ratione


personae à l’égard de l’exercice de la juridiction pénale étrangère »1468.

A en croire Marc Henzelin, les immunités ont pour base les principes
fondamentaux qui permettent d’assurer la cohabitation harmonieuse entre les Etats, à
savoir l’égalité souveraine des Etats, le respect mutuel et la non-ingérence1469. Il en
résulte que, de l’avis de Pierre d’Argent, « [l]’immunité est d’ailleurs plus une obligation
que les juridictions du for doivent respecter qu’un droit du représentant étranger mis en
cause devant elles »1470. Ainsi, par exemple, dans l’affaire Kadhafi, la Cour de cassation
française a jugé que « la coutume internationale s’oppose à ce que les chefs d’Etats en
exercice puissent, en l’absence de dispositions internationales contraires s’imposant aux
parties concernées, faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales d’un Etat
étranger »1471. Dans l’arrêt Yerodia, la Cour internationale de Justice a jugé que
« l'émission, à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi, du mandat d'arrêt du 11
avril 2000, et sa diffusion sur le plan international ont constitué des violations d'une
obligation juridique du Royaume de Belgique à l'égard de la République démocratique
du Congo, en ce qu'elles ont méconnu l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité
dont le ministre des affaires étrangères en exercice de la République démocratique du
Congo jouissait en vertu du droit international »1472. Concernant les immunités pénales

1468
Ibidem, p. 53.
1469
Cf. M. HENZELIN, « L’immunité pénale des chefs d’Etat en matière financière. Vers une exception
pour les actes de pillage de ressources et de corruption ? », in R.S.D.I.E., 2/2002, p. 211.
1470
P. D’ARGENT, « Les nouvelles règles en matière d’immunités selon la loi du 5 août 2003 », in
Annales de Droit de Louvain, Vol. 64, 2004, n° 1-2, p. 194. Voir J. D’ASPREMONT et F. DOPAGNE,
« La loi ‘‘de compétence universelle’’ devant la Cour internationale de Justice », Observations sous l’arrêt
de la Cour internationale de Justice du 14 février 2002, in Journal des tribunaux, 2002, p. 288.
1471
Cass. crim., 13 mars 2001, n° 00-87215, in R.G.D.I.P., 2001, p. 474 et note FL. POIRAT.
1472
Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 33, § 78, point 2 du dispositif. Il convient de noter que dans l’affaire relative à Certaines
questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), la CIJ a considéré que
l’invitation adressée au Président de Djibouti à déposer devant une juridiction française était dépourvue de
caractère coercitif et n’a donc pas porté atteinte aux immunités du chef de l’Etat de Djibouti parce que
l’agrément de ce dernier a été sollicité pour cette demande de témoignage (Cf. Certaines questions
concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt, C.I.J. Recueil, 2008, p. 240,
§ 179). Dans la même affaire, la Cour n’a pas reconnu l’immunité du Procureur de la République et celle
du chef de la Sécurité nationale (Cf. Ibidem, pp. 240-244, §§ 181-197). Voir spécialement ce passage : « La
Cour constate tout d’abord qu’il n’existe en droit international aucune base permettant d’affirmer que les
fonctionnaires concernés étaient admis à bénéficier d’immunités personnelles, étant donné qu’il ne
s’agissait pas de diplomates au sens de la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et
397

d’un chef de gouvernement, la Cour de cassation belge, dans son arrêt rendu le 12 février
2003 dans l’affaire Sharon, après avoir constaté que Monsieur Sharon « avait la qualité
de premier ministre d’un Etat étranger », a déclaré que « la coutume internationale
s’oppose à ce que les chefs d’Etats et de gouvernement en exercice puissent, en l’absence
de dispositions internationales contraires s’imposant aux Etats concernés, faire l’objet de
poursuites devant les juridictions pénales d’un Etat étranger »1473.

Si, selon l’esprit de l’arrêt Yerodia, les chefs d’Etats ou de gouvernements


ainsi que les ministres des affaires étrangères en exercice jouissent d’une immunité
« totale », qui joue devant une juridiction étrangère pour les actes tant officiels que
privés, même lorsque ces dirigeants ne sont pas présents sur le territoire de l’Etat
étranger1474, Alvaro Borghi précise que « les autres dirigeants politiques […] ne
bénéficient d’un traitement privilégié que lorsqu’ils se rendent à l’étranger dans
l’exercice de leurs fonctions officielles. En particulier, ils ne jouissent pas d’une
immunité pénale devant être respectée par les tribunaux d’un Etat étranger même
lorsqu’ils ne se trouvent pas sur le territoire de celui-ci »1475.

L’une des questions les plus épineuses est de savoir si les immunités devant
les juridictions internes demeurent opérantes en cas de (suspicion de) commission par
leurs bénéficiaires des crimes internationaux.

§2. Commission des crimes internationaux : une exception à l’immunité de juridiction


pénale ?

Au sujet de la commission des crimes internationaux comme une (éventuelle)


exception à l’immunité de juridiction pénale, de fortes divergences apparaissent tant dans
la jurisprudence que dans la doctrine.

que la convention de 1969 sur les missions spéciales n’est pas applicable en l’espèce » (Ibidem, pp. 243-
244, § 194).
1473
Cass., 12 février 2003, Journal des tribunaux, 2003, p. 247 et note P. D’ARGENT, « Monsieur Sharon
et ses juges belges », pp. 247-252. Voir également P. D’ARGENT, « Les nouvelles règles en matière
d’immunités selon la loi du 5 août 2003 », « Art. cit. », p. 193.
1474
Cf. Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 22, §§ 54-55.
1475
A. BORGHI, Op. cit., p. 208.
398

La Chambre d’appel du TPIY a, dans l’affaire Blaskic, considéré la


commission des crimes internationaux comme une exception aux immunités, évocable
aussi bien devant les juridictions internationales que devant les juridictions nationales :
« La règle générale en cause est bien établie en droit international et repose sur l’égalité
souveraine des Etats (par in parem non habet imperium). Les rares exceptions concernent
une conséquence particulière de cette règle. Ces exceptions naissent des normes du droit
international pénal prohibant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le
génocide. D’après ces normes, les responsables de ces crimes ne peuvent invoquer
l’immunité à l’égard des juridictions nationales ou internationales, même s’ils ont
commis ces crimes dans le cadre de leurs fonctions officielles »1476.

Il importe de mentionner également l’affaire Pinochet1477, dans laquelle


l’exception d’immunité de juridiction pénale de cet ancien chef d’Etat chilien fut rejetée
en appel par la House of Lords, au motif que « [d]ès lors qu’un acte de fonction revêt le
caractère d’un crime de droit international, son auteur, Chef d’Etat lorsqu’il s’en est
rendu coupable, n’est plus protégé par l’immunité de juridiction dès le moment où il a
quitté son poste »1478. Ainsi, pour la House of Lords, « l’ancien chef d’Etat ne bénéficiait

1476
Le Procureur c. Tihomir Blaskic, affaire n°IT-95-14-AR108bis, 29 octobre 1997, § 41.
1477
Sur le fond de cette affaire, consulter : United Kingdom House of Lords : Regina v. Bartle and the
Commissioner of Police for the Metropolis and others (Appellants), Ex Parte Pinochet (Respondent) (On
Appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench Division) ; Regina v. Evans and another and the
Commissioner of Police for the Metropolis and others (Appellants), Ex Parte Pinochet (Respondent) (On
Appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench Division), 25 November 1998, 37 I.L.M. 1302
(1998) ; Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and another (Appellants), Ex
Parte Pinochet (Respondent) (On Appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench Division) ; Regina
v. Evans and another and the Commissioner of Police for the Metropolis and others (Appellants), Ex Parte
Pinochet (Respondent) (On Appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench Division), 24 March
1999, 38 I.L.M. 581 (1999) (Dans la suite du texte, ces décisions seront respectivement citées, le cas
échéant, sous les fomes abrégées de Pinochet, 25 November 1998 et Pinochet, 24 March, 1999, suivies de
la ou des page(s) d’I.L.M.). Dans la doctrine, voir inter alia : A. BIANCHI, “Immunity versus Human
Rights: The Pinochet Case”, in EJIL, Vol. 10, n°2, 1999, pp. 237-277 ; P.-M. DUPUY, « Crimes et
immunités, ou dans quelle mesure la nature des premiers empêche l’exercice des seconds », in R.G.D.I.P.,
n°2, 1999, pp. 289-296 ; CH. DOMINICE, « Quelques observations sur l’immunité de juridiction pénale de
l’ancien chef d’Etat », in R.G.D.I.P., n°2, 1999, pp. 297-308 ; M. COSNARD, « Quelques observations sur
les décisions de la Chambre des Lords du 25 novembre 1998 et du 24 mars 1999 dans l’affaire Pinochet »,
in R.G.D.I.P., n°2, 1999, pp. 309-328 ; J.-Y. DE CARA, « L’affaire Pinochet devant la Chambre des
Lords », in A.F.D.I., Vol. 45, 1999, pp. 72-100 ; E. ROUCOUNAS, « Facteurs privés et droit international
public », « Art. cit. », pp. 380-381 ; A. BELLAL, Immunités et violations graves des droits humains, Op.
cit., pp. 191-199.
1478
CH. DOMINICE, « Art. cit. », p. 306.
399

plus de l’immunité pour le crime de torture à partir du 8 décembre 1988, date à laquelle le
Chili, le Royaume-Uni et l’Espagne se trouvaient être parties à la Convention des Nations
Unies de 1984 sur la torture »1479.

Les opinions des Lords majoritaires peuvent se résumer en l’incompatibilité


de la Convention des Nations unies de 1984 contre la torture avec l’immunité ratione
materiae dont bénéficie un ancien chef d’Etat car cette convention définit la torture
comme un fait d’un agent de la fonction publique ou d’une personne agissant à titre
officiel et exige des Etats l’exercice d’une compétence universelle1480. Reconnaître
l’immunité ratione materiae en cas d’actes de torture, que tous les Lords qualifient
d’ailleurs de violation d’une règle de jus cogens, serait contraire au principe de non-
contradiction et au principe de l’effet utile dans le cadre l’interprétation de la Convention
de 19841481. Et en usant d’un raisonnement par l’absurde, la Chambre des Lords a abouti
à un résultat « bizarre » selon lequel reconnaître l’immunité de juridiction pour des actes
de la fonction aurait pour conséquence que tous les actes de tourture ne pourraient, en
l’espèce, être jugés que devant des juridictions du Chili (Etat qui n’a pas l’intention de
lever l’immunité de Pinochet !)1482.

Par contre, dans le camp des Lords minoritaires, il n’est pas inutile de noter
que, pour Lord Goff of Chieveley, si les Etats entendaient écarter du champ d’application

1479
E. ROUCOUNAS, « Facteurs privés et droit international public », « Art. cit. », p. 381.
1480
Cf. A. BELLAL, Immunités et violations graves des droits humains, Op. cit., p. 192. A titre
exemplatif, nous lisons dans l’opinion de Lord Brown-Wilkinson: ‘‘Under the Convention the international
crime of torture can only be committed by an official or someone in an official capacity. They would all be
entitled to immunity. It would follow that there can be no case outside Chile in which a successful
prosecution for torture can be brought unless the State of Chile is prepared to waive its right to its officials
immunity. Therefore the whole elaborate structure of universal jurisdiction over torture committed by
officials is rendered abortive and one of the main objectives of the Torture Convention - to provide a
system under which there is no safe haven for torturers - will have been frustrated. In my judgment all
these factors together demonstrate that the notion of continued immunity for ex-heads of state is
inconsistent with the provisions of the Torture Convention” (Pinochet, 24 March, 1999, pp. 594-595). Voir
également l’opinion de Lord Hutton (Pinochet, 24 March, 1999, pp. 638-639), l’opinion de Lord Saville of
Newdigate (Pinochet, 24 March, 1999, p. 643), etc.
1481
Cf. M. COSNARD, « Quelques observations sur les décisions de la Chambre des Lords du 25
novembre 1998 et du 24 mars 1999 dans l’affaire Pinochet », « Art. cit. », p. 319. Ainsi, par exemple, pour
Lord Millet, ‘‘[i]nternational law cannot be supposed to have established a crime having the character of a
jus cogens norm and at the same time to have provided an immunity which is co-extensive with the
obligation it seeks to impose’’ (Pinochet, 24 March, 1999, p. 651).
1482
Cf. M. COSNARD, « Quelques observations sur les décisions de la Chambre des Lords du 25
novembre 1998 et du 24 mars 1999 dans l’affaire Pinochet », « Art. cit. », p. 320.
400

de la Convention de 1984 toute exception d’immunité de juridiction pénale, ils devraient


le faire de manière expresse1483.

De l’avis de Pierre-Marie Dupuy, « il convient d’être prudent dans


l’affirmation d’une nouvelle coutume, dont la décision des Lords, au demeurant fondée
sur des considérations souvent hétérogènes, ne saurait à elle seule entraîner la
consolidation. La coutume procède de l’opinion juridique des Etats telle qu’elle ressort
de la pratique. Or, celle-ci est encore loin d’être unifiée, et manifeste en tout cas la
persistance des réticences étatiques à la réduction des immunités des agents supérieurs
de l’Etat »1484.

Comme nous l’avons dit ci-haut, selon la Cour de cassation française, en


l’affaire Kadhafi et la Cour de cassation belge, en l’affaire Sharon, le droit international
coutumier ne consacre pas d’exception aux immunités d’un chef d’Etat ou de
gouvernement en exercice en cas de crimes de droit international. Nul besoin de
multiplier les exemples au niveau des juridictions nationales. Il convient de focaliser
notre attention sur l’affaire Yerodia, dans laquelle la Cour internationale de Justice a
considéré qu’ « en droit international coutumier [il n’existe pas d’] exception quelconque
à la règle consacrant l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité des ministres des
affaires étrangères en exercice, lorsqu'ils sont soupçonnés d'avoir commis des crimes de
guerre ou des crimes contre l'humanité »1485. Comme le souligne Emmanuel Roucounas,
« la Cour n’a pas fait sienne la thèse que la compétence universelle des tribunaux internes
à l’égard de certains crimes internationaux opère indépendamment de la qualité actuelle
de l’auteur »1486. La question des immunités face aux crimes internationaux a été
systématiquement traitée dans les opinions jointes à l’arrêt Yerodia. A titre exemplatif,
dans son opinion dissidente, Mme Van den Wingaert estime que les immunités dont jouit
le ministre des affaires étrangères « ne sont certainement pas ‘‘totales’’ ou absolues et ne

1483
Cf. Pinochet, 24 March, 1999, pp. 605-606.
1484
P.-M. DUPUY, « Crimes et immunités, ou dans quelle mesure la nature des premiers empêche
l’exercice des seconds », « Art. cit. », p. 293.
1485
Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 24, § 58.
1486
E. ROUCOUNAS, « Art. cit. », p. 383.
401

sauraient s’appliquer en cas de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité »1487.


Pour elle, la Cour aurait dû tenir compte de « toute l’évolution récente du droit
international pénal moderne qui tend à instituer une obligation individuelle de rendre
compte des crimes internationaux les plus graves »1488. L’opinion dissidente du juge Awn
Al-Khasawneh s’inscrit également en faux contre toute idée d’immunité « totale » : « [I]l
ne faut pas oublier que l’immunité est par définition une exception à la règle générale qui
veut qu’un être humain soit juridiquement et moralement responsable de ses actes. En
tant qu’exception, elle doit être étroitement définie »1489. Sous le même angle, les juges
Higgins, Kooijmans et Buergenthal estiment qu’« [é]tant donné l’aversion universelle
que suscitent ces crimes, ces immunités doivent être reconnues avec une certaine retenue,
en particulier lorsqu’il y a des raisons de penser que des crimes ont été commis qui ont
été universellement condamnés dans des conventions internationales »1490. On peut
également relever cette opinion du juge Francisco Rezek : « Aucune immunité n’est
absolue, dans aucun ordre juridique. Toute immunité s’inscrit forcément dans un cadre
donné, et aucun sujet de droit ne saurait bénéficier d’une immunité dans l’abtsrait »1491.

La Cour semble s’attendre à un certain rétentissement négatif de l’arrêt


Yerodia dans le camp des adversaires des immunités des personnes accusées de crimes
particulièrement graves1492. Dès lors, elle souligne que l’immunité ne signifie pas
l’impunité1493. Elle illustre cette déclaration par quatre circonstances dans lesquelles la
responsabilité pénale d’un ministre des affaires étrangères peut être recherchée : les

1487
Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, Opinion dissidente de la juge ad hoc Christine Van den Wyngaert, p. 163, § 39.
1488
Ibidem, p. 153, § 27.
1489
Ibidem, Opinion dissidente du juge Al-Khasawneh, p. 96, § 3.
1490
Ibidem, Opinion individuelle commune de Mme Higgins, M. Kooijmans et M. Buergenthal, p. 87, § 79.
1491
Ibidem, Opinion individuelle de M. Rezek, p. 91, § 2.
1492
Cf. J. VERHOEVEN, « Quelques réflexions sur l’affaire relative au Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 »,
« Art. cit. », p. 533.
1493
« La Cour souligne toutefois que l'immunité de juridiction dont bénéficie un ministre des affaires
étrangères en exercice ne signifie pas qu'il bénéficie d'une impunité au titre de crimes qu'il aurait pu
commettre, quelle que soit leur gravité. Immunité de juridiction pénale et responsabilité pénale individuelle
sont des concepts nettement distincts. Alors que l'immunité de juridiction revêt un caractère procédural, la
responsabilité pénale touche au fond du droit. L'immunité de juridiction peut certes faire obstacle aux
poursuites pendant un certain temps ou à l'égard de certaines infractions; elle ne saurait exonérer la
personne qui en bénéficie de toute responsabilité pénale » (Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République
démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 25, § 60).
402

poursuites dans son propre pays, les poursuites par un Etat étranger en cas de levée de
l’immunité, la cessation des fonctions couvertes par l’immunité et les poursuites par une
juridiction internationale compétente1494. Certes, cette position de la Cour n’est pas
exempte de critiques. Ainsi, par exemple, dans son opinion dissidente, la juge ad hoc Van
den Wyngaert démontre qu’ « [e]n pratique […], l’immunité conduit à une impunité de
fait. Les quatre cas relevés par la Cour revêtent tous un caractère hypothétique »1495.

Il nous semble particulièrement intéressant de nous arrêter sur la troisième


circonstance dans laquelle, de l’avis de la Cour, l’immunité est inopérante : un ancien
ministre des affaires étrangères peut être jugé par un tribunal étranger compétent pour des
actes commis « à titre privé » durant son mandat1496. Pour la juge ad hoc Van den
Wyngaert, « [l]a Cour ne se prononce pas sur la question de savoir si les crimes de
guerre et les crimes contre l’humanité relèvent de cette catégorie. Il est extrêmement

1494
« Les immunités dont bénéficie en droit international un ministre ou un ancien ministre des affaires
étrangères ne font en effet pas obstacle à ce que leur responsabilité pénale soit recherchée dans certaines
circonstances. Ils ne bénéficient, en premier lieu, en vertu du droit international d'aucune immunité de
juridiction pénale dans leur propre pays et peuvent par suite être traduits devant les juridictions de ce pays
conformément aux règles fixées en droit interne. En deuxième lieu, ils ne bénéficient plus de l'immunité de
juridiction a l'étranger si 1'Etat qu'ils représentent ou ont représenté décide de lever cette immunité. En
troisième lieu, dès lors qu'une personne a cessé d'occuper la fonction de ministre des affaires étrangères,
elle ne bénéficie plus de la totalité des immunités de juridiction que lui accordait le droit international dans
les autres Etats. A condition d'être compétent selon le droit international, un tribunal d'un Etat peut juger un
ancien ministre des affaires étrangères d'un autre Etat au titre d'actes accomplis avant ou après la période
pendant laquelle il a occupé ces fonctions, ainsi qu'au titre d'actes qui, bien qu'accomplis durant cette
période, l'ont été à titre privé. En quatrième lieu, un ministre des affaires étrangères ou un ancien ministre
des affaires étrangères peut faire l'objet de poursuites pénales devant certaines juridictions pénales
internationales dès lors que celles-ci sont compétentes » (Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République
démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 25, § 61).
1495
Ibidem, Opinion dissidente de la juge ad hoc Christine Van den Wyngaert, p. 159, § 34. Pour sa
démonstration, voir pp. 159-163, §§ 35-38.
1496
Cf. Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 25, § 61. Voir le texte de la Cour au sujet de cette circonstance dans la note 1496 (« En
troisième lieu »). Cette formulation se rapproche de l’article 39, § 2 de la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques du 18 avril 1961 : « Lorsque les fonctions d'une personne bénéficiant des privilèges
et immunités prennent fin, ces privilèges et immunités cessent normalement au moment où cette personne
quitte le pays, ou à l'expiration d'un délai raisonnable qui lui aura été accordé à cette fin, mais ils subsistent
jusqu'à ce moment, même en cas de conflit armé. Toutefois, l'immunité subsiste en ce qui concerne les
actes accomplis par cette personne dans l'exercice de ses fonctions comme membre de la mission ». Cette
disposition, tout comme la formulation de la Cour, soulève la question classique de savoir si un crime de
droit international peut être considéré comme un acte accompli dans le cadre des fonctions couvertes par
l’immunité (Cf. J. SALMON, « Libres propos sur l’arrêt de la C.I.J. du 14 février 2002 dans l’affaire
relative au Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (R.D.C. c. Belgique) », « Art.cit. », p. 516). Sur la notion d’acte
de la fonction, voir J. SALMON, « Immunités et actes de la fonction », in A.F.D.I., Vol. 38, 1992, pp. 314-
357.
403

regrettable [qu’elle] n’ait pas nuancé cette déclaration, comme la Chambre des lords
l’avait fait en l’affaire Pinochet. Elle aurait pu – et aurait même dû – ajouter que les
crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne tombent jamais dans cette
catégorie »1497. D’après Annyssa Bellal, la question de savoir si les crimes de droit
international sont des actes de fonction ou des actes privés1498 implique que « [s]oit on
considère que la commission de crimes de droit international relève d’une activité
‘‘officielle’’ – auquel cas un ancien agent de l’Etat continuerait à bénéficier de
l’immunité, soit l’on accepte que ces actes peuvent être commis ‘‘ à titre privé’’ et
l’ancien dirigeant ne bénéficierait plus d’aucune protection »1499. Cette auteure réalise
qu’à propos des crimes de droit international, il n’est pas aisé d’opérer une distinction
entre une conduite officielle et une conduite privée car leur commission à titre privé, sans
l’appui d’une certaine structure étatique, est difficilement concevable1500. A ce sujet, Jean
Salmon est plus explicite : « [S]’il est encore possible de soutenir qu’une politique de
génocide, de disparition forcée ou de nettoyage ethnique n’est pas un acte (sous-entendu
normal) de la fonction étatique, il ne pourra certainement pas être soutenu qu’il s’agit
d’un acte accompli à titre privé, sauf à prouver que l’on se trouve devant un dangereux
psychopathe »1501. Ainsi, « la distinction entre actes de fonction et actes accomplis à titre
privé, dans le contexte des immunités accordées aux agents de l’Etat, ne semble pas
pertinente »1502. Dès lors, estime Maurice Kamto, « [l]a nature de ces crimes
[internationaux les plus graves] commande qu’ils soient détachés de la fonction et donc
des ‘‘actes officiels’’ du ministre des Affaires étrangères. Après tout, un ministre des
Affaires étrangères – et à vrai dire un ministre quel qu’il soit – n’est pas nommé pour
commettre le génocide ou les crimes contre l’humanité, ou les crimes de guerre »1503. Ce

1497
Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, Opinion dissidente de la juge ad hoc Christine Van den Wyngaert, p. 161, § 36.
1498
Cf. A. BELLAL, Immunités et violations graves des droits humains, Op. cit., p. 212.
1499
Ibidem, p. 212.
1500
Cf. Ibidem, pp. 212-213. Voir également S. WIRTH, ‘‘Immunity for Core Crimes? The ICJ’s
Judgement in the Congo v. Belgium Case’’, in EJIL, Vol. 13, n°4, 2002, pp. 877 et ss.
1501
J. SALMON, « Libres propos sur l’arrêt de la C.I.J. du 14 février 2002 dans l’affaire relative au Mandat
d’arrêt du 11 avril 2000 (R.D.C. c. Belgique) », « Art. cit. », pp. 516-517.
1502
A. BELLAL, Immunités et violations graves des droits humains, Op. cit., p. 214.
1503
M. KAMTO, « Art. cit. », p. 527.
404

raisonnement est applicable a fortiori aux chefs d’Etat ou de gouvernement1504. Dans sa


résolution du 26 août 2001, adoptée à la session de Vancouver, sur « Les immunités de
juridiction et d’exécution du chef d’Etat et de gouvernement en droit international »1505,
l’Institut de droit international a écarté expressis verbis les anciens chefs d’Etat et de
gouvernement du bénéfice des immunités en cas de commission d’actes constitutifs
notamment de crimes de droit international, ainsi qu’il ressort des prescrits des articles
131506 et 151507.

Pour certains auteurs, la Cour aurait dû opérer une distinction entre


l’immunité ratione materiae et l’immunité ratione personae. Aussi aurait-elle dû
considérer que la commission des crimes internationaux les plus graves constitue une
exception à l’immunité ratione materiae, mais certains dirigeants politiques, en raison de
l’immunité ratione personae, liée à l’exercice de la fonction, peuvent être poursuivis à
l’expiration de leur mandat pour les crimes commis avant ou pendant l’exercice de leurs
fonctions1508.

1504
Voir notamment A. WATTS, ‘‘ The legal position in international law of Heads of States, Heads of
Governments and Foreign Ministers’’, in R.C.A.D.I., Tome 247, 1994-III, pp. 9-130; M. GALLIE et H.
DUMONT, « La poursuite de dirigeants en exercice devant une juridiction nationale pour des crimes
internationaux : le cas de la France », in R.Q.D.I., Vol. 18.2, 2005, p. 63 ; Commission du droit
international, Rapport de la Commission du droit international, soixante-cinquième session (6 mai-7 juin et
8 juillet-9 août 2013), Op. cit., p. 70, § 3.
1505
IDI, « Les immunités de juridiction et d’exécution du chef d’Etat et de gouvernement en droit
international », Résolution de la session de Vancouver, 26 août 2001, disponible http://www.idi-
iil.org/idiF/resolutionsF/2001_van_02_fr.PDF consulté le 22 octobre 2013.
1506
« 1. Le chef d’Etat qui n’est plus en fonction ne bénéficie d’aucune inviolabilité sur le territoire d’un
Etat étranger.
2. Il n’y bénéficie d’aucune immunité de juridiction tant en matière pénale qu’en matière civile ou
administrative, sauf lorsqu’il y est assigné ou poursuivi en raison d’actes qu’il a accomplis durant ses
fonctions et qui participaient de leur exercice. Il peut toutefois y être poursuivi et jugé lorsque les actes qui
lui sont personnellement reprochés sont constitutifs d’un crime de droit international, lorsqu’ils ont été
accomplis principalement pour satisfaire un intérêt personnel ou lorsqu’ils sont constitutifs de
l’appropriation frauduleuse des avoirs ou des ressources de l’Etat.
3. Il n’y bénéficie d’aucune immunité d’exécution ».
1507
« 1. Le chef de gouvernement d’un Etat étranger bénéficie de l’inviolabilité et de l’immunité de
juridiction qui sont reconnues, dans la présente Résolution, au chef d’Etat. Cette disposition ne préjuge pas
de l’immunité d’exécution qui pourrait lui être reconnue.
2. Le paragraphe premier ne préjuge pas des immunités qui peuvent être reconnues aux autres membres du
gouvernement en raison de leurs fonctions officielles ».
1508
Cf. A. BELLAL, Immunités et violations graves des droits humains, Op. cit., pp. 214-215. Voir
également A. CASSESE, ‘‘When May Senior State Officials Be Tried for International Crimes? Some
Comments on the Congo v. Belgium Case”, in EJIL, Vol. 13, n°4, 2002, pp. 862-866; M. SASSOLI, «
405

Une autre partie de la doctrine, sur la base du droit international coutumier,


conteste avec la plus grande énergie la possibilité d’une exception à l’immunité en cas de
commission de crimes internationaux graves. Point n’est besoin de s’attarder par exemple
à la polémique qu’a suscitée la législation belge sur la compétence universelle, en
particulier la loi du 5 juin 1993, dont l’article 5, § 3 excluait l’immunité attachée à la
qualité officielle en cas de violations graves du droit international humanitaire1509. On
peut juste noter à titre indicatif cette position partagée par Pierre d’Argent : « [L]es
inspirateurs de la loi se sont trompés quant à l’état du droit international en matière
d’immunités, et […] ils ont aussi trompé le législateur en lui faisant admettre à
l’unanimité ce qu’ils pensaient, sans examen contradictoire et à l’aide de slogans
simplificateurs »1510. C’est à la suite de l’arrêt rendu le 14 février 2002 dans l’affaire
Yerodia et des pressions diplomatiques exercées par les autorités américaines que la
Belgique a dû modifier, par la loi du 5 août 2003, sa législation consacrant une
conception extensive de la compétence universelle1511.

Comme le remarque Joe Verhoeven, « le droit, notamment international,


devrait, si tout va bien, connaître de sérieuses retouches dans un avenir que l’on espère

L’arrêt Yerodia: quelques remarques sur une affaire au point de collision entre les deux couches du droit
international », in R.G.D.I.P., Vol. 106, 2002, p. 800; A. BIANCHI, “Denying State Immunity to violators
of Human Rights”, in Austrian Journal of Public and International Law, Vol. 46, 1994, pp. 227-228; Idem,
“Immunity versus Human Rights: The Pinochet Case”, ‘‘Art. cit.’’, p. 259.
1509
Cf. P. D’ARGENT, « Les nouvelles règles en matière d’immunités selon la loi du 5 août 2003 », « Art.
cit. », pp. 191-192. Sur la compétence universelle des juridictions répressives belges, voir également PH.
GAUTIER, « Le législateur belge et la compétence universelle », « Art. cit. », pp. 151-153 ; PH.
COPPENS, « Compétence universelle et justice globale », in Annales de Droit de Louvain, Vol. 64, 2004,
n° 1-2, pp. 15-49 ; J. D’ASPREMONT et F. DOPAGNE, « La loi ‘‘de compétence universelle’’ devant la
Cour internationale de Justice », « Art. cit. », pp. 284-288 ; H.-D. BOSLY, « La compétence universelle : la
perspective du droit de la procédure pénale », in Annales de Droit de Louvain, Vol. 64, 2004, n° 1-2, pp.
247-280 ; O. CORTEN, « De quel droit ? Place et fonction du droit comme registre de légitimité dans le
discours sur la compétence universelle », in Annales de Droit de Louvain, Vol. 64, 2004, n° 1-2, pp. 51-82 ;
E. DAVID, « La compétence universelle en droit belge », in Annales de Droit de Louvain, Vol. 64, 2004,
n° 1-2, pp. 83-150 ; O. DE SCHUTTER, « L’incrimination universelle de la violation des droits sociaux
fondamentaux », in Annales de Droit de Louvain, Vol. 64, 2004, n° 1-2, pp. 209-245 ; M. SINGLETON,
« De l’atopie de l’incompétence universelle à l’utopie de la compétence universalisable », in Annales de
Droit de Louvain, Vol. 64, 2004, n° 1-2, pp. 281-304 ; A. LAGERWALL, « Que reste-t-il de la compétence
universelle au regard de certaines évolutions législatives récentes ? », in A.F.D.I., Vol. 55, 2009, pp. 743-
763.
1510
P. D’ARGENT, « Les nouvelles règles en matière d’immunités selon la loi du 5 août 2003 », « Art.
cit. », p. 192.
1511
Cf. PH. GAUTIER, « Le législateur belge et la compétence universelle », « Art. cit. », p. 151.
406

pas trop lointain. Dans l’immédiat, il demeure que ce n’est pas à un juge qu’il appartient
d’y procéder, tout créatif qu’il puisse – ou doive – être dans l’interprétation et
l’application du droit. […] Il est heureux partant que le principe d’immunité ait été
fermement rappelé par la Cour dans son arrêt du 14 février 2002. Et il faut espérer qu’il
lui appartienne de préciser demain les conditions acceptables d’une universalisation du
pouvoir de punir, si les Etats s’avèrent impuissants à les définir »1512.

Au cours de la session de la Commission du droit international de 2012,


certains de ses membres ont suggéré, à titre de développement progressif du droit
international, la consécration d’une exception à l’immunité des représentants de l’Etat en
cas de crimes odieux. Seront, de lege ferenda, fondés à écarter cette immunité : l’Etat où
les crimes ont été commis, l’Etat dont les ressortissants ont été victimes, l’Etat sur le
territoire duquel l’auteur du crime se trouve physiquement et l’Etat pour lequel les
poursuites contre l’auteur (présumé) du crime ont été autorisées par le ministère de la
justice ou un représentant de même niveau de cet Etat1513. Sur la question de l’immunité
de juridiction pénale étrangère des représentants de l’Etat, la session de la Commission de
2013 a été consacrée à l’immunité ratione personae. Dans ce contexte, « la Commission
n’a pas jugé nécessaire de se prononcer pour le moment sur les types d’actes qui doivent
être considérés comme des ‘‘actes accomplis à titre officiel’’, car cette catégorie sera
examinée à un stade ultérieur, dans le cadre de l’analyse de l’immunité ratione materiae,
et il ne convient pas d’en préjuger »1514.

Compte tenu de ce qui précède, en l’état actuel du droit international, les


immunités dont jouissent, conformément au droit international, les (anciens) dirigeants
politiques d’un Etat constituent un obstacle procédural aux poursuites qui pourraient être
intentées contre eux devant des juridictions internes, en l’espèce, pour crimes de guerre
constitués par le pillage ou toute autre forme d’appropriation ou d’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé.

1512
J. VERHOEVEN, « Quelques réflexions sur l’affaire relative au Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 »,
« Art. cit. », p. 536.
1513
Cf. Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit international, soixante-
quatrième session (7 mai-1er juin et 2 juillet- 3 août 2012), Op. cit., p. 106, § 132.
1514
Idem, Rapport de la Commission du droit international, soixante-cinquième session (6 mai-7 juin et 8
juillet-9 août 2013), Op. cit., p. 70, § 4.
407

Au regard des enseignements de l’arrêt Yerodia et du droit international


pénal, il est possible d’engager contre des bénéficiaires de l’immunité des poursuites
devant des juridictions pénales internationales compétentes. C’est dans ce sens qu’il nous
faut à présent examiner l’hypothèse des actions devant des juridictions internationales
pénales compétentes contre des dirigeants des Etats auteurs ou complices d’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en temps de conflit armé.

Section II. Poursuites par des juridictions pénales internationales des dirigeants
politiques impliqués dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger en cas de conflit armé

Dans le cadre de notre étude, la Cour pénale internationale (§1) reste


actuellement l’unique juridiction pénale internationale pouvant être compétente à l’égard
des dirigeants des Etats auteurs ou complices d’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat étranger en temps de conflit armé, étant donné que le Tribunal
spécial pour la Sierra Leone a accompli son mandat1515. Il convient néanmoins d’évaluer
la pratique de ce Tribunal concernant la responsabilité internationale pénale d’un chef
d’Etat pour complicité d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger
(§2).

§1. Devant la Cour pénale internationale

Contrairement aux juridictions pénales internationales ad hoc et aux


juridictions pénales internationalisées, dont la compétence territoriale est limitée à un
espace géographique très restreint, parfois à un Etat, la Cour pénale internationale (C.P.I.)
a le pouvoir d’engager des poursuites contre des ressortissants d’un grand nombre
d’Etats1516.

1515
Cf. ‘‘Special Court Hands Over Courthouse and Complex to the Government of Sierra Leone’’, Press
Release, Freetown, Sierra Leone, 2 December 2013, available at http://www.sc-
sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=rqll%2fdmdcjY%3d&tabid=235 consulted on 13 December 2013.
1516
Cf. J. G. STEWART, Crimes de guerre des sociétés. Condamner le pillage des ressources naturelles,
New York, Open Society Foundations, 2011, p. 99, § 147.
408

De prime abord, il convient de noter que les crimes commis dans le cadre des
conflits armés en Angola (11 novembre1975 - 4 avril 2002) et en Sierra Leone (23 mars
1991-18 janvier 2002) échappent à la compétence ratione temporis de la Cour pénale
internationale (C.P.I.), dont le Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002. Dans notre
échantillon, seulement une partie des crimes commis dans le cadre des conflits armés en
République démocratique du Congo relève de la compétence de la C.P.I. La République
démocratique du Congo est un Etat Partie au Statut de Rome et elle a déféré sa situation
devant la Cour pénale internationale. En vertu de l’article 12, § 2, a) et de l’article 13 du
Statut de Rome1517, la C.P.I. peut poursuivre d’une part, des ressortissants d’Etats parties
à son Statut ou des ressortissants d’Etats non parties qui ont accepté la compétence de la
Cour, que le crime soit commis sur le territoire d’un Etat partie ou d’un Etat non partie au
Statut de Rome, et d’autre part, des ressortissants d’Etats non parties qui n’ont pas
accepté la compétence de la Cour, accusés des crimes relevant de la compétence de la
Cour commis sur le territoire d’un Etat partie au Statut de Rome. Ainsi, à titre illustratif,
sur cette base, bien que les Etats-Unis et la Chine ne soient pas des Etats parties au Statut
de Rome, la C.P.I. a compétence à l’égard des dirigeants de ces Etats et des représentants
de sociétés américaines et chinoises pour des crimes commis sur le territoire d’un Etat

1517
« Article 12
Conditions préalables à l’exercice de la compétence
1. Un Etat qui devient Partie au Statut accepte par là même la compétence de la Cour à l’égard des crimes
visés à l’article 5.
2. Dans les cas visés à l’article 13, paragraphes a) ou c), la Cour peut exercer sa compétence si l’un des
Etats suivants ou les deux sont Parties au présent Statut ou ont accepté la compétence de la Cour
conformément au paragraphe 3 :
a) L’Etat sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord
d’un navire ou d’un aéronef, l’Etat du pavillon ou l’Etat d’immatriculation ;
b) L’Etat dont la personne accusée du crime est un ressortissant.
3. Si l’acceptation de la compétence de la Cour par un Etat qui n’est pas Partie au présent Statut est
nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet Etat peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à
ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. L’Etat ayant accepté la compétence
de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX.
Article 13
Exercice de la compétence
La Cour peut exercer sa compétence à l’égard d’un crime visé à l’article 5, conformément aux dispositions
du présent Statut:
a) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au
Procureur par un Etat Partie, comme prévu à l’article 14 ;
b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au
Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ; ou
c) Si le Procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l’article 15. »
409

partie, notamment le pillage des ressources naturelles de la République démocratique du


Congo1518. Au regard de ces diverses hypothèses dans lesquelles la C.P.I. peut exercer sa
compétence et compte tenu des déclarations du Bureau du Procureur de cette Cour
mettant en garde contre des poursuites des responsables d’entreprises participant au
pillage des ressources naturelles, notamment en RDC1519, James G. Stewart estime que
« [l]a Cour pénale internationale […] est la juridiction la plus probable pour des
poursuites contre des représentants de sociétés dans le pillage des ressources
naturelles »1520.

Au regard de notre recherche, dans ce paragraphe, nous nous intéresserons


uniquement aux dirigeants (politiques) étrangers. Nous aborderons respectivement les
questions relatives au défaut de pertinence de la qualité officielle (A), aux bases
« légales » de leur responsabilité pénale (B) et à la participation des victimes (C).

A. Non pertinence de la qualité officielle devant la Cour pénale internationale

Contrairement au principe du droit interne, la justice internationale pour les


dirigeants politiques n’est pas en marge de la justice pour d’autres individus1521. Alors
que la justice pénale nationale est généralement à deux vitesses, reconnaissant notamment
les immunités à certains dirigeants politiques nationaux et étrangers contrairement au
reste de la population, la justice pénale internationale érige en principe l’égalité des

1518
Cf. J. G. STEWART, Crimes de guerre des sociétés. Condamner le pillage des ressources
naturelles,Op. cit., p. 99, § 147. Sur la compétence de la C.P.I. à l’égard des ressortissants d’Etats non
parties au Statut de Rome, voir notamment D. AKANDE, ‘‘The Jurisdiction of the International Criminal
Court over Nationals of Non-Parties : Legal Basis and Limits’’, in Journal of International Criminal Justice,
1(2003), pp. 618-650. Cet auteur justifie cette compétence de la C.P.I. comme suit : ‘‘Once the decision
was taken to establish an international tribunal, it would have been intolerable for that tribunal to possess
jurisdiction in relation to crimes committed on the territory of a State Party by nationals of parties but to
exclude crimes committed in the same territory by non-party nationals. Not only would this have created a
case of inequality as regards persons similarly positioned, it would have constituted a limitation on the
right of the state of territoriality to deal with crimes committed on its territory as it sees fit. As has been
seen, international law has long recognized the rights of states to delegate their criminal jurisdiction to
other states, or to international courts, even in cases concerning nationals of other states. The exemption of
non-party nationals from the jurisdiction of the ICC would have constituted a retrograde step’’ (Ibidem, p.
649-650).
1519
Sur les déclarations du Procureur de la C.P.I., voir J. G. STEWART, Crimes de guerre des sociétés.
Condamner le pillage des ressources naturelles, Op. cit., pp. 99-100, § 148 et p. 102, § 152.
1520
Cf. Ibidem, p. 99, § 147.
1521
B. S. BABAN, La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef d’Etat, Bruxelles, Larcier, 2012,
p. 296.
410

accusés. Ainsi, l’article 27 du Statut de Rome de la C.P.I. consacre le défaut de


pertinence de la qualité officielle1522. Les immunités dont jouissent les dirigeants
politiques étrangers ne peuvent faire obstacle aux poursuites contre eux devant la C.P.I.
pour crimes de guerre consistant au pillage ou autres formes d’exploitation ou
d’appropriation illicite des ressources naturelles d’un autre Etat en cas de conflit armé.
Cette juridiction internationale est devenue « un rempart contre les immunités »1523.

Bien qu’elles ne concernent pas directement le pillage ou d’autres formes


d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger, les affaires Jean-Pierre
Bemba1524 (sénateur au moment de sa remise à la C.P.I.), Al Bashir1525 (Chef d’Etat
soudanais en exercice), Laurent Gbagbo1526 (ancien chef d’Etat ivoirien), … sont des
exemples qui confirment le défaut de pertinence de la qualité officielle devant la C.P.I.
Toutefois, l’expérience de l’affaire Al Bashir rend suffisamment compte des difficultés et
des controverses liées à la coopération des Etats avec la Cour pénale internationale pour

1522
« Article 27
Défaut de pertinence de la qualité officielle
1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité
officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’Etat ou de gouvernement, de membre d’un
gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la
responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de
réduction de la peine.
2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une
personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa
compétence à l’égard de cette personne ». Pour un commentaire sur l’article 27, voir notamment X.
AUREY, « Article 27. Défaut de pertinence de la qualité officielle », in J. FERNANDEZ et X. PACREAU
(sous la direction de), Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Commentaire article par article,
Tome I, Op. cit., pp. 843-861; O. TRIFFTERER, ‘‘Article 27. Irrelevance of official capacity’’, in O.
TRIFFTERER (Editor), Commentary on the Rome Statute of the International Criminal Court – Observers’
Notes Articles by Article- (Second Edition), München, Beck, 2008, pp. 779-793; W. A. SCHABAS, The
International Criminal Court. A commentary on the Rome Statute, Oxford, Oxford University Press, 2010,
pp. 446-453; D. AKANDE, ‘‘International Law Immunities and the International Criminal Court’’, in AJIL,
Vol. 98, No. 3, 2004, pp. 407-433 ; D. AKANDE and S. SHAH, ‘‘Immunities of State Officials,
International Crimes and Foreign Domestic Courts’’, in EJIL, Vol. 21, No. 4, 2011, pp. 815-852; P.
GAETA, ‘‘Official Capacity and Immunities’’, in A. CASSESE, P. GAETA and J. R. W. D. JONES
(Editors), The Rome Statute of the International Criminal Court: A commentary, Volume I, Oxford, Oxford
University Press, 2002, pp. 975-1002.
1523
B. S. BABAN, Op. cit., p. 331.
1524
Voir par exemple, ICC-01/05-01/08-424, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo. Décision rendue
en application des alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées
par le procureur à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009.
1525
Voir par exemple, ICC-02/05-01/09, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmed Al Bashir (« Omar Al
Bashir »), Deuxième Mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan Ahmed Al Bashir, 12 juillet 2010.
1526
Voir ICC-02/11-01/11, Le Procureur c. Laurent Gbagbo.
411

l’exécution d’un mandat d’arrêt de la C.P.I. contre une personne jouissant des immunités,
particulièrement un chef d’Etat en exercice d’un Etat non partie au Statut de Rome1527.
En principe, cette question est réglée par l’article 98 du Statut de Rome1528 : les Etats
parties au Statut de Rome doivent respecter les immunités des Etats non parties et de
leurs dirigeants, à moins que ces Etats non parties ne lèvent les immunités de ces
derniers. Cependant, on doit nuancer cette interprétation en disant que le comportement
contraire au respect des immunités doit être exceptionnel, justifié notamment par une
décision du Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII. A ce sujet, Jason Ralph
mentionne dans son commentaire de l’article 98 du Statut de Rome : « L’article 27 ne
serait opposable qu’aux Etats parties au Statut de Rome, dans la mesure où il n’est pas
déclaratif du droit international coutumier. Celui-ci […] semble continuer de prohiber
toute poursuite de dirigeants et responsables bénéficiant d’une immunité diplomatique,
quelle que soit la nature du crime suspecté, devant une juridiction autre que celle de
l’Etat dont ils sont ressortissants. […] Pour autant, en consentant au Statut de la
première juridiction pénale internationale permanente, les Etats renoncent à l’immunité
de leurs dirigeants. […] L’article 98-1 du Statut de Rome semble ainsi empêcher
justement la Cour de présenter une demande conduisant les Etats à manquer au droit
international des immunités parce qu’elle vise l’atteinte à une personne protégée
ressortissante d’un Etat non partie au Statut. Le champ d’application de cette restriction
pourrait toutefois être privé d’effets conformément à la volonté du Conseil de sécurité.
Celui-ci pourrait décider d’écarter les éventuelles immunités empêchant la Cour de

1527
Sur cette problématique, voir notamment B. S. BABAN, Op. cit., pp. 352-361.
1528
« Article 98
Coopération en relation avec la renonciation à l'immunité et le consentement à la remise
1. La Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise ou d'assistance qui contraindrait l'Etat
requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière
d'immunité des Etats ou d'immunité diplomatique d'une personne ou de biens d'un Etat tiers, à moins
d'obtenir au préalable la coopération de cet Etat tiers en vue de la levée de l'immunité.
2. La Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise qui contraindrait l'Etat requis à agir de
façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu d'accords internationaux selon lesquels
le consentement de l'Etat d'envoi est nécessaire pour que soit remise à la Cour une personne relevant de cet
Etat, à moins que la Cour ne puisse au préalable obtenir la coopération de l'Etat d'envoi pour qu'il consente
à la remise ». Pour un commentaire sur cette disposition, voir notamment J. RALPH, « Article 98.
Coopération en relation avec la renonciation à l’immunité et le consentement à la remise », in J.
FERNANDEZ et X. PACREAU (sous la direction de), Op. cit., Tome II, pp. 1913-1927.
412

demander la remise d’une personne intéressant une situation soumise à la Cour par le
Conseil »1529.

Au sujet de l’articulation entre les articles 27, § 2 et 98, §1er du Statut de


Rome, la Chambre préliminaire I de la C.P.I. a noté dans l’affaire Al Bashir, à propos des
Etats qui ont refusé de procéder à l’arrestation du Président soudanais à l’occasion de son
séjour sur leurs territoires, en l’espèce, le Tchad : « [E]n droit international l'immunité
des chefs d'Etat, qu'ils soient ou non en exercice, ne peut être invoquée pour s'opposer à
des poursuites menées par une juridiction internationale. Ce principe s'applique de la
même manière aux chefs d'Etat non parties au Statut, qu'ils soient ou non en exercice,
dès lors que la Cour peut exercer sa compétence [...] La Chambre considère que
l'engagement pris par la communauté internationale de ne pas appliquer les immunités
lorsque des juridictions internationales demandent l'arrestation de quiconque pour des
crimes internationaux a atteint un point critique. Si tant est qu'il n’ait jamais été
approprié de le dire, il n'est certainement plus possible d'affirmer que l'immunité prévue
en droit international coutumier s'applique dans le présent contexte. […] La Chambre
constate que le droit international coutumier crée une exception à l'immunité des chefs
d'Etat lorsque des juridictions internationales demandent l'arrestation d'un chef d'Etat
pour la commission de crimes internationaux »1530.

Comme le notent Henri-Denis Bosly et Damien Vandermeersch, « lorsque les


poursuites nationales se heurtent à l’obstacle de l’immunité, la compétence de la Cour
pénale internationale n’est plus complémentaire mais devient exclusive à l’égard des
personnes pouvant opposer une immunité vis-à-vis des juridictions nationales ayant

1529
J. RALPH, « Art. cit. », p. 1915.
1530
ICC-02/05-01/09, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, Décision rendue en application de
l’article 87-7 du Statut de Rome concernant le refus de la République du Tchad d’accéder aux demandes
de coopération délivrées par la Cour concernant l’arrestation et la remise d’Omar Hassan Ahmad Al
Bashir, 13 décembre 2011, § 13. Voir également ICC-02/05-01/09, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad
Al Bashir, Décision rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome relativement au manquement
par la République du Malawi à l’obligation d’accéder aux demandes de coopération que lui a adressées la
Cour aux fins de l’arrestation et de la remise d’Omar Hassan Ahmad Al Bashir, 13 décembre 2011, §§ 36,
42 et 43.
413

décidé d’intenter des poursuites à leur encontre »1531. En pareille situation, poursuivent
ces auteurs, « les juridictions nationales devraient être considérées comme étant dans
l’incapacité juridique de mener à bien les poursuites au sens de l’article 17, 1, (a) du
Statut de Rome et par conséquent, seule la juridiction internationale serait en mesure de
juger les personnes jouissant d’une qualité officielle les mettant à l’abri des poursuites
nationales »1532.

B. Bases « légales » de la responsabilité pénale des dirigeants des Etats devant la


Cour pénale internationale

La responsabilité des dirigeants des Etats auteurs ou complices de


l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger dans le cadre d’un
conflit armé peut être établie, selon les circonstances de l’espèce, soit sur la base de
l’article 25 du Statut de Rome (responsabilité pénale individuelle), soit sur celle de
l’article 28 du même Statut (responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs
hiérarchiques), précisément l’alinéa a), qui vise les supérieurs hiérarchiques militaires,
s’agissant en particulier du chef de l’Etat, et en général, pour les autres dirigeants
politiques, l’alinéa b), qui vise les supérieurs hiérarchiques non militaires.

L’article 25 du Statut de Rome concerne la responsabilité pénale


individuelle1533. Le paragraphe 1 consacre la compétence de la Cour à l’égard des
personnes physiques, excluant ainsi la responsabilité des personnes morales, notamment
les multinationales, en cas de leur implication dans un crime relevant de la compétence
de la Cour. Le paragraphe 2 réaffirme le principe classique de la responsabilité pénale
individuelle et confirme les principes de la légalité des crimes et des peines, consacrés
par les articles 22 et 23 du Statut. Comme l’observent Fatoumata D. Diarra et Pierre
d’Huart, « [l]e cœur de l’article réside dans les alinéas a à d du troisième paragraphe qui

1531
H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre
face à la justice. Les juridictions internationales et les tribunaux nationaux (2e édition), Bruxelles,
Bruylant, 2012, p. 242.
1532
Ibidem, p. 242.
1533
Le Statut de Rome est accessible sur le site de la CPI (www.icc-cpi.int ). Nous n’allons pas reproduire
intégralement l’article 25 à cause de sa longueur et surtout que certaines de ses dispositions ne concernent
pas (directement) notre étude.
414

énumèrent les modes de responsabilité envisageables en cas de commission d’un crime


relevant de la compétence de la cour »1534. Ce paragraphe est libellé comme suit :

« Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et


peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si :

a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec


une autre personne ou par l'intermédiaire d'une autre personne, que cette autre personne
soit ou non pénalement responsable ;

b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d'un tel crime, dès lors
qu'il y a commission ou tentative de commission de ce crime ;

c) En vue de faciliter la commission d'un tel crime, elle apporte son aide, son
concours ou toute autre forme d'assistance à la commission ou à la tentative de
commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ;

d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de


commission d'un tel crime par un groupe de personnes agissant de concert.

Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le cas :

i) Viser à faciliter l'activité criminelle ou le dessein criminel du groupe, si


cette activité ou ce dessein comporte l'exécution d'un crime relevant de la compétence de
la Cour ; ou

ii) Etre faite en pleine connaissance de l'intention du groupe de commettre ce


crime […] ».

A la lumière de la « jurisprudence naissante de la Cour » et de la doctrine,


Fatoumata D. Diarra et Pierre d’Huart distinguent à partir de ce texte du paragraphe 3
« d’une part, les auteurs principaux du crime (25-3-a), c’est-à-dire ceux qui commettent

1534
F. D. DIARRA et P. D’HUART, « Article 25. Responsabilité pénale individuelle », in J. FERNANDEZ
et X. PACREAU (sous la direction de), Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Commentaire
article par article, Op. cit., Tome I, p. 810.
415

le crime, et d’autre part, les complices (25-3-b à d), c’est-à-dire ceux qui participent à la
commission du crime »1535.

La description présentée dans le chapitre II ne fait pas état d’actes


d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger commis
personnellement par les plus hauts responsables des Etats auteurs de ce fait
internationalement illicite. Cela est tout à fait normal parce qu’en général, ces dirigeants
politiques n’interviennent pas sur le terrain des opérations militaires dans le cadre
desquelles s’effectue cette exploitation illicite des ressources naturelles. Nous n’allons
donc pas nous attarder à l’hypothèse de l’article 25-3-a. En revanche, la complicité des
dirigeants des Etats peut être établie au-delà de tout doute raisonnable s’agissant de ces
faits d’exploitation illicite des ressources naturelles. Dans certains cas, ces faits illicites
ont été commis par des organes des Etats, qui ont parfois reçu des ordres ou des
encouragements des plus hauts dirigeants politiques. Dans d’autres cas, ces faits illicites
ont été perpétrés par des organes d’autres Etats ou par des groupes armés auxquels ces
dirigeants ont accordé leur assistance. La responsabilité internationale pénale de ces hauts
dirigeants politiques relève dans la première hypothèse du champ d’application de
l’article 25-3-b, dans la seconde hypothèse, elle relève de l’article 25-3-c. En outre, la
responsabilité pénale internationale des dirigeants des Etats ayant accordé l’aide ou
l’assistance à d’autres Etats ou à des groupes armés dans l’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger en temps de conflit armé peut également être
établie sur la base de l’article 25-3-c.

1535
Ibidem, p. 810. Dans la jurisprudence, voir notamment : ICC-01/04-01/06-803, Le Procureur c.
Thomas Lubanga Dyilo, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, § 320 ; ICC-01/04-
01/07-717-tFRA, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Décision relative à la
confirmation des charges, 30 septembre 2008, §§ 486 et 488 ; ICC-01/05-01/08-424, Le Procureur c. Jean-
Pierre Bemba Gombo, Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61‐7 du Statut de
Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean‐Pierre Bemba Gombo, 15
juin 2009, § 479 ; ICC-02/05-01/09, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmed Al Bashir, Décision relative à la
requête de l’Accusation aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan Ahmed Al
Bashir, 4 mars 2009. Dans la doctrine, voir inter alia : W. A. SCHABAS, The International Criminal
Court. A commentary on the Rome Statute, Op. cit., pp. 427 et 430; A. ESER, ‘‘Individual Criminal
Responsibility’’, in A. CASSESE, P. GAETA and J. R. W. D. JONES (Editors), Op. cit., p. 787 ; K.
AMBOS, ‘‘Article 25. Individual Criminal Responsibility’’, in O. TRIFFTERER (Editor), Op. cit., p. 765.
416

La responsabilité pénale étant individuelle (article 25, § 2 du Statut de Rome),


il doit être établi que le dirigeant politique poursuivi a personnellement donné l’ordre
pour ou encouragé l’exploitation illicite des ressources naturelles ; ou qu’il a apporté son
aide, concours ou assistance aux actes d’exploitation illicite des ressources naturelles
commis par des Etats ou par des groupes armés, notamment en leur accordant des
moyens matériels, financiers ou humains à cette fin. En ce qui concerne les moyens
humains, il doit être établi par exemple que le dirigeant poursuivi a affecté ses agents au
service de tel Etat ou de tel groupe armé en vue de lui faciliter l’exploitation illicite des
ressources naturelles.

La Cour pénale internationale n’a pas encore eu l’occasion de préciser les


conditions que doivent remplir l’aide, l’assistance ou le concours pour que la complicité
soit établie1536. Mais, à la lumière du Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité et de la jurisprudence des tribunaux ad hoc, de nombreux auteurs
semblent approuver l’adoption du critère de la « participation substantielle » pour ce qui
concerne l’article 25, § 3, c) du Statut de Rome de la C.P.I.1537. Selon le TPIY, « la
condition de participation substantielle demande une participation qui exerce, en fait, un
effet sur la perpétration du crime »1538.

Pour ce qui est de la mens rea, le dirigeant politique doit avoir eu l’intention
de « faciliter la commission » de l’exploitation illicite des ressources naturelles par cet
Etat ou ce groupe armé auquel il a fourni son assistance, notamment dans le but d’en tirer
profit pour son Etat et, éventuellement, pour lui-même.

Il importe de souligner qu’« [u]ne personne ne saurait être considérée à la fois


comme auteur principal et comme complice d’un même crime »1539. La complicité étant

1536
Cf. F. D. DIARRA et P. D’HUART, « Art. cit. », p. 825.
1537
Cf. Ibidem, p. 825. Voir à ce sujet, inter alia, G. WERLE, ‘‘Individual Criminal Responsibility in
Article 25 ICC Statute », in Journal of International Criminal Justice, 5 (2007), p. 969 ; A. ESER,
‘‘Individual Criminal Responsibility’’, in A. CASSESE, P. GAETA and J. R. W. D. JONES (Editors), Op.
cit., p. 800 ; K. AMBOS, ‘‘Article 25. Individual Criminal Responsibility’’, in O. TRIFFTERER (Editor),
Op. cit., p. 756, § 21.
1538
Le Procureur c. Dusko Tadic alias « Dule », Jugement, IT-94-1-T, 7 mai 1997, § 691.
1539
ICC-01/09-01/11, Le Procureur c. William Samoei Ruto et autres, Chambre préliminaire II, Décision
relative à la requête du Procureur aux fins de délivrance de citation à comparaître à William Samoei Ruto,
Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, 8 mars 2011, p. 16, § 36.
417

une forme accessoire de responsabilité, un tiers doit nécessairement avoir commis un


crime à titre principal.1540 Néanmoins, les poursuites contre l’auteur principal et sa
condamnation ne sont pas une condition de l’engagement de la responsabilité du
complice1541.

Il peut arriver que la responsabilité individuelle d’un dirigeant de l’Etat ne


soit pas établie sur la base de l’article 25-3-b ou 25-3-c, c’est-à-dire, en l’espèce, en tant
que complice de crime de guerre constitué par le pillage des ressources naturelles d’un
Etat ou par des violations graves des droits de l’homme commises dans le cadre de
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat en cas de conflit armé. S’il est
établi que le crime a été commis par son subordonné « [placé] sous son autorité et son
contrôle effectifs », ou que son subordonné a participé à la commission du crime, la
responsabilité des dirigeants de l’Etat peut être engagée sur la base de l’article 28 du
Statut de Rome, qui consacre la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs
hiérarchiques. L’alinéa a concerne la responsabilité du supérieur hiérarchique militaire,
tandis que l’alinéa b vise la responsabilité du supérieur hiérarchique non militaire (civil).
Il convient de préciser immédiatement que le « chapeau » de l’article 28 (« Outre les
autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut pour crimes relevant de
la Compétence de la Cour ») « identifie clairement la responsabilité des chefs militaires
et autres supérieurs hiérarchiques comme un motif additionnel de responsabilité pénale,
par rapport à ceux énumérés à l’article 25. […] [L]e fait que la responsabilité de
l’article 28 soit distincte de celle de la ‘‘Responsabilité pénale individuelle’’ définie à
l’article 25 ne doit pas laisser croire qu’il s’agit d’un mode de responsabilité pénale non
individuelle ou collective. […] La jurisprudence des juridictions pénales internationales
se réfère d’ailleurs parfois à la ‘‘responsabilité pénale individuelle des supérieurs’’. […]

1540
Cf. F. D. DIARRA et P. D’HUART, « Art. cit. », p. 825.
1541
Cf. Ibidem, p. 822; W. A. SCHABAS, Op. cit., pp. 431-432; Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu,
Chambre I, Jugement, ICTR-96-4-T, 2 septembre 1998, § 531.
418

C’est donc bien d’un mode additionnel de la responsabilité pénale individuelle réservé
aux chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques qu’il s’agit ici »1542.

En principe, dans un Etat démocratique, les dirigeants politiques sont des


autorités civiles. Cependant, la pratique consacre une exception au sujet du Chef de
l’Etat, qui, dans bien des Etats est reconnu comme le commandant suprême des forces
armées1543. Il est à ce titre considéré comme un chef militaire et sa responsabilité
internationale pénale relève donc de l’article 28-a du Statut de Rome. En effet, dans
l’affaire Bemba, la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale est d’avis
que « [l]a notion de chef militaire couvre également les cas de figure où le supérieur
n’exerce pas exclusivement des fonctions militaires »1544. Et dans une note de bas de
page, la Chambre précise : « C’est le cas dans certains pays où le chef de l’Etat est le
commandant en chef des forces armées (chef de jure), et bien que la personne n’exerce
pas exclusivement des fonctions militaires (également une sorte de quasi chef de facto),
elle peut être responsable de crimes commis par ses forces (c’est-à-dire des membres des
forces armées) »1545. Cette responsabilité internationale pénale du chef de l’Etat sur la
base de l’article 28-a n’exclut pas celle des autres supérieurs hiérarchiques militaires.
Mais celle-ci ne sera pas abordée dans ce chapitre qui concerne les dirigeants de l’Etat.
L’armée étant en principe « apolitique », comme nous l’avons déjà relevé, les dirigeants
de l’Etat sont des civils.

Cela dit, l’article 28-a dispose :

« a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef


militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour
commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous

1542
C. LAUCCI, « Article 28. Responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques », in J.
FERNANDEZ et X. PACREAU (sous la direction de), Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Commentaire article par article, Op. cit., Tome I, pp. 865-866.
1543
Cf. P. D’ARGENT, « Le roi commande les forces armées », in R.B.D.I., 1994/1, pp. 210-232 ; C.
LAUCCI, « Art. cit. », p. 874.
1544
ICC-01/05-01/08-424, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Décision rendue en application des
alinéas a) et b) de l’article 61‐7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à
l’encontre de Jean‐Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009, § 408.
1545
Ibidem, § 408, note 522.
419

son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu'il ou elle n'a pas exercé le
contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :

i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances,


aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ; et

ii) Ce chef militaire ou cette personne n'a pas pris toutes les mesures
nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer
l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de
poursuites […] ».

Les éléments constitutifs de la responsabilité pénale du chef militaire (article


28-a) sont pratiquement les mêmes que ceux de celle des autres supérieurs hiérarchiques
(article 28-b). Nous ferons donc un commentaire englobant les deux types de
responsabilité, en épinglant, le cas échéant, certaines spécificités relatives à la
responsabilité pénale sur la base de l’article 28-a.

A part le cas spécifique du chef de l’Etat, qui est le « commandant en chef


des forces armées », la responsabilité des autres dirigeants politiques relève de l’article
28-b, relatif aux supérieurs hiérarchiques non militaires1546, qui dispose :

« b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et


subordonnés non décrites au paragraphe a)[qui vise la responsabilité des chefs
militaires], le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de
la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son
contrôle effectifs, lorsqu'il ou elle n'a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces
subordonnés dans les cas où :

i) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou


allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d'informations
qui l'indiquaient clairement ;

1546
Voir notamment G. R. VETTER, ‘‘Command Responsibility of Non-Military Superiors in the
International Criminal Court (ICC)’’, in Yale Journal of International Law, Vol. 25, 2000, pp. 89-143.
420

ii) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de


son contrôle effectifs ; et

iii) Le supérieur hiérarchique n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et
raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou
pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites ».

Selon le commentaire de Cyril Laucci, cinq éléments constitutifs de la


responsabilité pénale du supérieur hiérarchique militaire ou civil peuvent être dégagés de
cette disposition. Quatre éléments matériels (actus reus) doivent être réunis, à savoir : la
commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour, imputable aux
subordonnés ; l’autorité et le contrôle effectifs du supérieur sur les subordonnés ; le
manquement à l’obligation d’empêcher, de réprimer ou d’en référer aux autorités
compétentes et l’existence d’un lien de causalité entre le manquement à l’obligation du
supérieur et la commission du crime. Le cinquième élément est l’élément moral (mens
rea), consistant en la connaissance ou en la négligence délibérée de se renseigner 1547.

Il convient d’émettre de brefs commentaires sur ces éléments constitutifs de


la responsabilité du supérieur hiérarchique non militaire, en les illustrant, autant que
possible, par des exemples relatifs à notre étude.

Primo, concernant la commission du crime relevant de la compétence de la


C.P.I., nous avons déjà montré que l’exploitation illicite des ressources naturelles est
constitutive des crimes de guerre de pillage et autres violations graves des droits de
l’homme. Ces crimes relèvent de la compétence ratione materiae de la C.P.I.
Evidemment, il faudrait encore que la Cour soit compétente ratione temporis, ratione loci
et ratione personae pour engager des poursuites contre le dirigeant politique visé. Il est
important de souligner que « [s]i la commission d’un crime de la compétence de la Cour
est requise, elle ne doit pas nécessairement être le fait direct des subordonnés. Il suffit
que la responsabilité pénale individuelle d’un subordonné soit engagée en vertu de

1547
Cf. C. LAUCCI, « Art. cit. », p. 872. Pour le commentaire de l’article 28 du Statut de Rome, voir
également, R. ARNOLD et O. TRIFFTERER, ‘‘Article 28. Responsibility of commanders and others
superiors’’, in O. TRIFFTERER (Editor), Op. cit., pp. 795-843; W. A. SCHABAS, Op. cit., pp. 454-465;
K. AMBOS, ‘‘Superior Responsibility’’, in A. CASSESE, P. GAETA and J. R. W. D. JONES (Editors),
Op. cit., pp. 823-872.
421

l’article 25 du Statut […] »1548, c’est-à-dire en tant qu’auteur ou complice. Au regard de


notre étude, dans laquelle nous avons établi l’intervention des Etats dans l’exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger pendant un conflit armé, le fait
d’exploitation illicite commis par un subordonné ou commis avec sa complicité est déjà
un élément de la responsabilité de son supérieur hiérarchique sur la base de l’article 28,
b). On doit par ailleurs souligner que « les poursuites pénales à l’encontre du ou des
subordonné(s) directement responsables à raison de la commission ne constituent pas une
condition préalable à l’engagement de la responsabilité des supérieurs »1549.

Secundo, les crimes pour lesquels le supérieur hiérarchique civil, notamment


le dirigeant politique, peut être poursuivi doivent être liés à des activités relevant de son
autorité et de son contrôle effectifs sur les subordonnés auxquels ils sont imputables. La
C.P.I. n’a pas encore précisé les contours des termes « autorité et contrôle effectifs ». A
ce sujet, on peut se référer aux tribunaux pénaux ad hoc. Il convient d’indiquer, par
exemple, que le TPIR dans l’affaire Musema, a noté que « la responsabilité du supérieur
civil ne pourra être engagée que si ce dernier exerçait un contrôle effectif sur les auteurs
de violations du droit international humanitaire, que ce soit un contrôle juridique ou
simplement de fait »1550. Après avoir établi que parmi les auteurs des meurtres des
membres du groupe tutsi et des atteintes graves à leur intégrité physique et mentale se
trouvaient des employés de l’usine à thé de Gisovu1551, la Chambre d’instance du TPIR a,
sur la base des conclusions factuelles, considéré comme établi que Musema, qui était lui-
même sur le lieu de l’attaque1552, « était le supérieur hiérarchique des employés de l’usine
à thé de Gisovu et qu’il exerçait sur eux non seulement un pouvoir de jure mais
également un contrôle de facto »1553. Il y a lieu de signaler également que dans l’affaire
des « médias de la haine », devant le TPIR, les responsables « des médias de la haine »
ont été reconnus coupables en tant que supérieurs hiérarchiques pour la participation au

1548
C. LAUCCI, « Art. cit. », p. 873.
1549
Ibidem, p. 873.
1550
Le Procureur c. Alfred Musema, Jugement et sentence, ICTR-96-13-T, 27 janvier 2000, § 141.
1551
Cf. Ibidem, § 904.
1552
Cf. Ibidem, § 905.
1553
Cf. Ibidem, § 905.
422

génocide par leurs employés1554. On doit cependant souligner que la condition du lien
entre le crime et les activités sous la responsabilité et le contrôle effectifs du supérieur
hiérarchique n’est pas posée par l’article 6 du Statut du TPIR. Même si ces exemples tirés
de la jurisprudence du TPIR nous donnent une idée sur l’autorité et le contrôle effectifs,
ils ne sont pas suffisamment pertinents quant au lien entre le crime et les activités
relevant de l’autorité et du contrôle effectifs du supérieur hiérarchique. Au fait, comme le
relève William A. Schabas, ‘‘the superior will contend that genocide, crimes against
humanity, and war crimes do not fall within their ‘effective responsibility or control’.
Perhaps the interpretative difficulty merely highlights some of the conceptual problems
involved in applying similar norms to civilian and military superiors, given the different
levels of discipline, obedience, loyalty, and responsibility within the two contexts’’1555.

Cela dit, en précisant que les crimes imputables aux subordonnés doivent être
liés à des activités relevant de l’autorité et du contrôle effectifs du supérieur hiérarchique
pour engager la responsabilité de ce dernier sur la base de l’article 28, b), « [l]’article 28-
b-ii prévoit donc logiquement que les activités du subordonné qui sont extérieures à sa
relation avec l’organisation hiérarchique non militaire échappent de fait à l’autorité et au
contrôle effectifs de son supérieur, dont la responsabilité pénale ne peut être
engagée »1556. En effet, contrairement à la discipline militaire, qui « implique que le
soldat est considéré comme en service et doit répondre envers son chef vingt-quatre
heures sur vingt-quatre et dans tous les aspects de ses activités, […] dans une
organisation non militaire, le subordonné cesse d’être placé sous le contrôle effectif de
son supérieur dès lors qu’il sort de l’activité qui le lie à l’organisation »1557. Ainsi, un
agent subalterne qui, de sa propre initiative, à des fins personnelles et en dehors du cadre
de ses fonctions, a participé à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat par
des Etats ou des groupes armés, ne saurait engager la responsabilité de son supérieur
hiérarchique. Il pourra être poursuivi seul sur la base de l’article 25 du Statut de Rome.

1554
Cf. Le Procureur c. Ferdinand Nahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze, affaire n° ICTR-
99-52-T, 3 décembre 2003, §§ 976-977 A.
1555
W. A. SCHABAS, Op. cit., p. 460.
1556
C. LAUCCI, « Art. cit. », p. 876.
1557
Ibidem, p. 876.
423

Tertio, il doit être établi dans le chef du supérieur hiérarchique civil un


manquement à son obligation de prendre les mesures nécessaires et raisonnables en son
pouvoir pour empêcher, réprimer ou en référer aux autorités compétentes aux fins
d’enquêtes et de poursuites. Selon le commentaire de Cyril Laucci, ce troisième élément
constitutif de la responsabilité du supérieur hiérarchique doit être appréhendé à deux
niveaux : tout d’abord, expliquer l’alternative empêcher, réprimer ou en référer aux
autorités compétentes, puis, expliquer l’obligation de prendre des mesures nécessaires et
raisonnables1558.

S’agissant de l’alternative consistant à empêcher, réprimer ou en référer aux


autorités compétentes, il convient de noter que « [l]’obligation d’empêcher, tout d’abord,
doit être comprise dans le sens plus large d’obligation de prévenir […]. En tant que telle,
l’obligation ne se limite pas au fait d’empêcher la commission d’un crime précis sur le
point d’être commis, mais s’étend à une obligation générale de prévention du
comportement criminel des subordonnés »1559. Dans le cas des dirigeants politiques, cette
prévention pourrait consister en la sensibilisation de leurs subordonnés à ne pas
collaborer avec les Etats ou les groupes armés qui exploitent illicitement les ressources
naturelles d’un Etat étranger. Elle pourrait consister également en des mesures de
suspension de leur coopération avec les Etats impliqués dans ce fait illicite. L’obligation
d’empêcher se comprend également dans le sens de faire obstacle à la commission
imminente d’un crime. C’est dans ce second sens qu’il faut comprendre qu’ « un
supérieur qui satisfait à son obligation générale de prévention n’est pas dispensé
d’empêcher la commission immédiate d’un crime par l’un de ses subordonnés ;
inversement, un supérieur qui manque à son obligation générale de prévention dispose
d’une ‘‘seconde chance’’ d’échapper à sa responsabilité pénale s’il empêche avec succès
la commission immédiate du crime »1560. Enfin, lorsque le crime est en train d’être
commis, l’obligation d’empêcher consiste à le faire cesser, en d’autres termes, à en
prévenir la continuation1561. Par contre, l’obligation de réprimer intervient quand le crime

1558
Cf. Ibidem, p. 876.
1559
Ibidem, p. 877.
1560
Ibidem, p. 877.
1561
Cf. K. AMBOS, ‘‘Superior Responsibility’’, ‘‘Art. cit.’’, p. 863.
424

est déjà commis1562. On sait que la répression des crimes est de la compétence des
autorités judiciaires. Le dirigeant politique peut juste infliger à son subordonné qui a
participé à l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat par d’autres Etats ou
par des groupes armés en lui infligeant des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à
sa révocation. Il devra par ailleurs en référer aux autorités compétentes pour des sanctions
pénales. En résumé, Kai Ambos présente l’alternative ‘prevent’, ‘repress’ or ‘submit to
the competent authorities’ en ces termes : ‘‘[I]f a crime has not yet been committed (is
‘about’ to be committed), the superior is obliged to intervene, e.g. by issuing the
appropriate orders; if the crime has already been committed, the superior can only react
with repressive measures, i.e. order an investigation and punish the perpetrators or
submit the matter to the competent authorities’’1563.

Pour s’acquitter de l’une ou l’autre de ces trois obligations, selon le cas, le


supérieur hiérarchique doit prendre des mesures nécessaires et raisonnables en son
pouvoir. Par mesures nécessaires, il faut entendre des mesures utiles et efficaces1564. Le
caractère raisonnable des mesures sera apprécié selon les circonstances de l’espèce. Force
est d’observer que l’obligation de prendre les mesures nécessaires et raisonnables est une
obligation de moyen : « On ne saurait parler d’obligation de résultat pesant sur le
supérieur : la double limite ‘‘raisonnable[s]’’ et ‘‘qui étaient en son pouvoir’’ en atteste.
Mais le supérieur doit avoir mis en œuvre toutes les mesures à sa portée pour aboutir au
résultat d’empêcher ou de réprimer le crime »1565.

Quarto, il faut un lien de causalité entre le manquement par le supérieur


hiérarchique à ses obligations et la commission des crimes par ses subordonnés.
Contrairement à la version française du « chapeau » de l’article 28-b, qui se contente de
mentionner « lorsqu'il ou elle n'a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces
subordonnés », la version anglaise précise clairement ce lien de causalité en ce sens que
les crimes commis par les subordonnés doivent être considérés ‘‘as a result of [the

1562
Cf. Ibidem, p. 863.
1563
Ibidem, p. 862.
1564
Cf. C. LAUCCI, « Art. cit. », p. 879.
1565
Ibidem, p. 879.
425

superior’s] failure to exercise control properly over such subordinates’’1566. Dans


l’affaire Bemba, la chambre préliminaire II a conclu qu’ « [i]l n’est pas nécessaire
d’établir un lien de causalité direct entre l’inaction du supérieur et le crime commis par
ses subordonnés. Partant, la Chambre considère que pour qu’un chef soit jugé pénalement
responsable au sens de l’article 28-a du Statut, il suffit de prouver que son inaction a
augmenté le risque de commission des crimes à l’origine des charges »1567. Bien que cette
position de la Cour concerne l’article 28-a, nous sommes d’avis avec Cyril Laucci
qu’ « [i]l n’y a a priori pas de raison pour que le même raisonnement ne s’applique pas
au lien de causalité de l’article 28-b »1568.

Quinto, enfin, la responsabilité du supérieur hiérarchique non militaire


requiert la réalisation d’un « élément moral alternatif »1569 selon lequel « le supérieur
hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes
ou a délibérément négligé de tenir compte d'informations qui l'indiquaient clairement ». Il
doit être établi soit que le supérieur hiérarchique civil avait la connaissance effective des
crimes déjà commis ou qui allaient être commis par ses subordonnés ou soit qu’il a
délibérément négligé de tenir compte des informations qui en faisaient état. De par les
éléments factuels que nous avons présentés, il y a lieu de croire que les dirigeants
politiques qui n’ont pas eux-mêmes participé à l’exploitation illicite des ressources
naturelles par des Etats et des groupes armés ne pouvaient pas longtemps ignorer que
leurs subordonnés coopéraient avec les auteurs de ce fait illicite. En effet, l’exploitation
illicite des ressources naturelles en temps de conflit armé a été très souvent médiatisée,
des rapports d’ONG, de gouvernements et d’Organisations internationales, notamment
des Nations unies, ont été portés à la connaissance des Etats, en leur accordant
l’opportunité de réagir, ainsi que nous l’avons mentionné ci-avant.

1566
‘‘(b) With respect to superior and subordinate relationships not described in paragraph (a), a superior
shall be criminally responsible for crimes within the jurisdiction of the Court committed by subordinates
under his or her effective authority and control, as a result of his or her failure to exercise control properly
over such subordinates, where:[…]’’.
1567
ICC-01/05-01/08-424, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Décision rendue en application des
alinéas a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à
l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009, § 425.
1568
C. LAUCCI, « Art. cit. », p. 881.
1569
Ibidem, p. 882.
426

Il importe de signaler que l’« élément moral alternatif » exigé par l’article 28-
b-i (ou même celui exigé par l’article 28-a-i, qui concerne le supérieur hiérarchique
militaire) constitue un assouplissement par rapport à l’élément psychologique requis par
l’article 30 du Statut de Rome1570, qui exige cumulativement l’intention et la
connaissance. Dans le cas de l’article 28, même une négligence de connaître constitue
déjà un des éléments alternatifs de l’élément moral (connaissance et négligence
délibérée). Il nous semble qu’il n’y a aucune contradiction entre les deux dispositions,
étant donné que l’article 30-1 prévoit la possibilité d’une disposition contraire. Nous
considérons ainsi l’article 28 comme une disposition contraire visée à l’article 30-1. Cette
position, soutenue notamment par William A. Schabas1571, par Donald K. Piragoff et
Darryl Robinson1572 et par Kai Ambos1573, est confortée par la décision sur la
confirmation des charges dans l’affaire Bemba1574. De son côté, Cyril Laucci estime,
d’une part, que « [c]e point de vue [de la Chambre préliminaire II] se justifie dans la
mesure où l’article 30-1 précise que l’article [30] s’applique ‘‘[s]auf disposition
contraire’’ »1575. D’autre part, cet auteur considère que ce point de vue « ne s’impose pas

1570
« Article 30
Élément psychologique
1. Sauf disposition contraire, nul n'est pénalement responsable et ne peut être puni à raison d'un crime
relevant de la compétence de la Cour que si l'élément matériel du crime est commis avec intention et
connaissance.
2. Il y a intention au sens du présent article lorsque :
a) Relativement à un comportement, une personne entend adopter ce comportement ;
b) Relativement à une conséquence, une personne entend causer cette conséquence ou est consciente que
celle-ci adviendra dans le cours normal des événements.
3. Il y a connaissance, au sens du présent article, lorsqu'une personne est consciente qu'une circonstance
existe ou qu'une conséquence adviendra dans le cours normal des événements. ‘‘Connaître’’ et ‘‘en
connaissance de cause’’ s'interprètent en conséquence ».
1571
W. A. SCHABAS, Op. cit., pp. 463-464.
1572
D. K. PIRAGOFF and D. ROBINSON, ‘‘Article 30. Mental element’’, in O. TRIFFTERER (Editor),
Op. cit., p. 856, § 14.
1573
Cf. K. AMBOS, ‘‘Superior Responsibility’’, ‘‘Art. cit.’’, p. 863.
1574
« La Chambre estime qu’il existe une distinction entre la connaissance requise par l’article 30‐3 et
celle prévue par l’article 28‐a du Statut. En effet, l’élément de connaissance requis par l’article 30 du
Statut est uniquement applicable aux formes de participation prévues par l’article 25 du Statut. L’article 30
du Statut exige que la personne ait conscience des conséquences de ses actes, qu’elle soit l’auteur principal
ou le complice, ce qui ne saurait être le cas dans le cadre de l’article 28, où la personne ne participe pas à la
commission du crime (c’est-à-dire que le crime ne résulte pas directement de ses propres actes) » (ICC-
01/05-01/08-424, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Décision rendue en application des alinéas
a) et b) de l’article 61-7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre
de Jean-Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009, § 479).
1575
C. LAUCCI, « Art. cit. », p. 884.
427

non plus dans la mesure où l’article 28 n’indique nulle part expressément qu’il fait
exception à l’article 30 »1576. Cette seconde séquence de son raisonnement nous laisse sur
notre faim. A notre avis, une disposition du Statut ne doit pas expressément indiquer
qu’elle est contraire à l’article 30. Ce sont ceux qui sont appelés à interpréter et appliquer
le Statut qui doivent constater qu’une disposition est contraire à l’article 30, dans la
mesure où l’article sous leur examen ne le dit pas expressis verbis.

C. Participation des victimes à la procédure devant la CPI

Les personnes privées victimes de l’exploitation illicite des ressources


naturelles d’un Etat étranger en cas de conflit armé, notamment parce qu’elles exerçaient
un droit de jouissance sur ces ressources ou qu’elles ont subi des violations graves au
cours de cette exploitation, peuvent participer au procès devant la C.P.I. et obtenir
réparation des préjudices subis1577. Cette possibilité est surtout offerte aux personnes
physiques, la définition de la victime personne morale par la règle 85 du Règlement de
procédure et de preuve (R.P.P.) devant la C.P.I. étant trop restrictive1578. Comme
l’observe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer au sujet de la règle 85 du R.P.P. /C.P.I., « les
personnes morales viennent en seconde position, dans un alinéa qui les présente comme
une possibilité exceptionnelle (‘‘ peut aussi s’entendre’’), tandis que les personnes
physiques désignent la signification première et normale (‘‘s’entend’’) du terme

1576
Ibidem, p. 884.
1577
Voir notamment les articles 68, 75 et 79 du Statut de Rome, ainsi que les règles 85 à 99 du Règlement
de procédure et de preuve. Pour une vue d’ensemble sur la participation des victimes aux procédures devant
la CPI, voir notamment E. DAVID, « La Cour pénale internationale », in R.C.A.D.I., Tome 313, 2005, pp.
408-418. Sur les principes et procédures applicables en matière de réparations, voir ICC-01/04-01/06, Le
Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision fixant les principes et procédures applicables en matière de
réparations, 7 août 2012.
1578
« Règle 85. Définition des victimes
Aux fins du Statut et du Règlement :
a) Le terme ‘‘victime’’ s’entend de toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la
commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour ;
b) Le terme ‘‘victime’’ peut aussi s’entendre de toute organisation ou institution dont un bien consacré à la
religion, à l’enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou
quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct ».
428

‘‘victime’’. On doit donc s’attendre à ce que les personnes morales soient


minoritaires »1579.

La Cour a implicitement adopté la notion de victime indirecte, comme nous


pouvons le lire dans ce passage : « ATTENDU que la Chambre considère que le lien de
causalité exigé par la règle 85 du Règlement au stade de l’affaire est démontré dès lors
que la victime, ainsi que, le cas échéant, la famille proche ou les personnes à charge de
cette victime directe, apportent suffisamment d’éléments permettant d’établir qu’elle a
subi un préjudice directement lié aux crimes contenus dans le mandat d’arrêt ou qu’elle
a subi un préjudice en intervenant pour venir en aide aux victimes directes de l’affaire ou
pour empêcher que ces dernières ne deviennent victimes à raison de la commission de
ces crimes »1580. La victime directe ou primaire est la personne qui subit le dommage
résultant immédiatement du crime. A titre illustratif, dans l’affaire Le Procureur c.
Thomas Lubanga Dyilo, la victime directe, c’est l’enfant de moins de quinze ans qui a été
enrôlé… Une victime indirecte ou secondaire ou « victime par ricochet » est un membre
de la famille proche ou une personne à charge de la victime directe, qui subit un préjudice
en voulant porter assistance à cette victime directe. Ainsi, par exemple, la mère de
l’enfant qui est torturée en voulant empêcher l’enrôlement ou la conscription de son fils
est victime indirecte du crime d’enrôlement et de conscription d’enfant de moins de
quinze ans. Dans cette logique, un particulier qui exerçait par exemple un droit de
jouissance sur des ressources naturelles d’un Etat qui ont fait l’objet de pillage est une
victime directe de ce crime de guerre. Par contre, une personne qui subit un dommage en
voulant empêcher le pillage des ressources naturelles d’un Etat est une victime indirecte
du pillage de ces ressources naturelles.

La participation des victimes devant la C.P.I. soulève une multitude de


questions, notamment celles relatives à la nature et à la portée de la participation, au
moment de la participation (stade de l’enquête, situation ou affaire spécifique,

1579
J.-B. JEANGENE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour
Pénale Internationale, Paris, P.U.F., 2009, pp. 27-28.
1580
ICC-01/04-01/06, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision sur les demandes de participation
à la procédure présentées par les Demandeurs VPRS 1 à VPRS 6 dans l’affaire Le Procureur c. Thomas
Lubanga Dyilo, 29 juin 2006, pp.7-8.
429

audience(s) de confirmation des charges, procès,…), aux modalités de la participation


(droits et obligations de la victime participante), à l’articulation des droits des victimes
avec ceux des accusés, aux obstacles à surmonter pour rendre effective la participation
des victimes et au rapport entre le droit de participation et le droit à la réparation. Ne
pouvant pas examiner exhaustivement toutes ces questions dans le cadre restreint de la
présente étude, nous voudrions tout de même dire un mot sur la place particulière
réservée aux victimes (civiles) et sur l’utilité de leur participation au procès ainsi que sur
le rapport entre le droit de participation et le droit à la réparation.

Concernant la place particulière de la victime dans le système du Statut de


Rome de la Cour pénale internationale, la doctrine est pratiquement unanime que « les
victimes sont au cœur même de la justice pénale internationale »1581, pour reprendre les
mots de Sarah Pellet. En effet, écrit-elle, « [d]ésormais, une place prépondérante est
accordée aux droits et aux intérêts des victimes dans le cadre de cette juridiction »1582.
Cette « centralité » de la position de la victime au regard des procédures devant la C.P.I.
est présentée de manière plus détaillée par Paolina Massidda et Caroline Walter en ces
termes : « [L]es victimes sont, de fait, au cœur des procédures qui se déroulent devant la
Cour pénale internationale. En effet, elles ont été les premières et principales touchées
par les crimes qui relèvent de la compétence de la Cour et disposent ainsi d’une bonne
connaissance des faits et de la compréhension la plus complète du contexte dans lequel
les événements concernés se sont déroulés. C’est également cette position qui les rend
particulièrement vulnérables et qui dicte la prise en compte de nombreux impératifs
reliés à leur sécurité. Les attributs reconnus à la participation des victimes coïncident
ainsi avec le mandat fondamental de la CPI : lutte contre l’impunité, établissement de la
vérité, droit à la justice, réparations des préjudices […] subis par les victimes »1583.

L’originalité de la C.P.I. par rapport aux juridictions pénales qui l’ont


précédée (Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, T.P.I.Y. et

1581
S. PELLET, « Chapitre 71. La place de la victime », in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET
(sous la direction de), Op. cit., p. 933, § 4.
1582
Ibidem, p. 933, § 4.
1583
P. MASSIDDA et C. WALTER, « Article 68. Protection et participation au procès des victimes et des
témoins », in J. FERNANDEZ et X. PACREAU (sous la direction de), Op. cit., Tome II, p. 1547.
430

T.P.I.R.) réside dans la reconnaissance des droits des victimes en tant que participants
autonomes par rapport au Procureur et à la Défense. La plus grande innovation de la
C.P.I. s’agissant des droits des victimes est le droit à la réparation1584. Aux yeux de Sarah
Pellet, cette possibilité pour la C.P.I. d’octroyer réparation aux victimes constitue « une
véritable innovation puisque les Tribunaux internationaux ad hoc n’avaient qu’un mandat
extrêmement limité en matière d’octroi de réparations : en vertu des articles 24 § 3 du
Statut du TPIY et 23 § 3 du Statut du TPIR, ces tribunaux peuvent ‘‘[o]utre
l’emprisonnement du condamné, […] ordonner la restitution à leurs propriétaires
légitimes de tous les biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la
contrainte’’ »1585.

L’évolution du statut de la victime en matière de justice pénale internationale


peut se résumer en l’absence des victimes devant les tribunaux militaires internationaux
de Nuremberg et de Tokyo, en l’apparition de la « victime-témoin »1586 devant les
tribunaux pénaux internationaux ad hoc (T.P.I.Y. et T.P.I.R.) et enfin dans le
renforcement ou l’avancée spectaculaire des droits des victimes devant la C.P.I.1587. A ce
titre, soutient Mariana Pena, « [l]e statut de la Cour [pénale internationale] propose ainsi
un modèle de juridiction plus ‘‘complète’’, qui cherche non seulement à juger et

1584
Selon l’article 75, § 2 du Statut de Rome, « [l]a Cour peut rendre contre une personne condamnée une
ordonnance indiquant la réparation qu’il convient d’accorder aux victimes ou à leurs ayants droit. Cette
réparation peut prendre notamment la forme de la restitution, de l’indemnisation ou de la réhabilitation. Le
cas échéant, la Cour peut décider que l’indemnité accordée à titre de réparation est versée par
l’intermédiaire du Fonds [au profit des victimes] ».
1585
S. PELLET, « Art. cit. », p. 943, § 46.
1586
Devant le T.P.I.Y. et le T.P.I.R., « la place des victimes était celle du témoin : elles étaient sollicitées si
et quand les parties (notamment le procureur) souhaitaient obtenir un témoignage en faveur de leurs
positions » (M. PENA, « Un accès effectif à la justice ? La mise en œuvre des droits des victimes devant la
Cour pénale internationale », in AJ Pénal Dalloz, n°5, mai 2013, p. 251). En cette qualité de témoins, « les
victimes ont été quelque peu oubliées. Elles ne pouvaient ni participer aux débats répressifs, ni obtenir
réparation des préjudices subis (cette possibilité ne leur était offerte que dans la sphère nationale), seules
étaient prévues des mesures de protection » (S. PELLET, « Art. cit. », p. 933, § 3).
1587
Cf. A.-TH. LEMASSON, La victime devant la justice pénale internationale. Pour une action civile
internationale, Limoges, Pulim, 2012, pp. 28, 37 et 55. Voir également H. ASCENSIO, « Les droits des
victimes devant les juridictions pénales internationales », in J.-F. FLAUSS (sous la direction de), La
protection internationale des droits de l’homme et les droits des victimes, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp.
77-109.
431

sanctionner les responsables des crimes mais également à intégrer et rendre justice aux
victimes »1588.

L’utilité de la participation des victimes au procès devant la C.P.I. tient aux


divers rôles qu’elles peuvent jouer pour sauvegarder leurs intérêts. Aux termes de
l’article 68, § 3 du Statut de Rome, « [l]orsque les intérêts personnels des victimes sont
concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées,
à des stades de la procédure qu’elle estime appropriés et d’une manière qui n’est ni
préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable
et impartial ». Dans l’affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, la Chambre de
première instance I a indiqué que « les intérêts généraux des victimes sont très variés :
obtenir réparation, être autorisées à présenter leurs vues et préoccupations, participer à la
vérification des faits et établir la vérité, veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à leur
dignité au cours du procès et à ce que leur sécurité ne soit pas mise en danger, ou se voir
reconnaître la qualité de victime dans le contexte de l’affaire, etc. »1589. Cette Chambre a
tenu à souligner que seules seront admises à participer au procès les victimes ayant des
intérêts qui ont un rapport avec les preuves et les questions relatives aux charges portées
contre l’accusé1590. Elle a insisté sur le fait que les intérêts des victimes visés par l’article
68, § 3 du Statut ne se limitent pas à des considérations de réparation1591. De l’avis de la
Chambre de première instance I, les victimes participant au procès sont appelées à être
actives pour contribuer à la manifestation de la vérité et peuvent être autorisées par la
Chambre de première instance notamment à présenter des éléments de preuve de la
culpabilité de l’accusé, à citer et à interroger des témoins, à contester l’admissibilité ou la
pertinence de preuves, à présenter des conclusions sur les questions relatives à la
preuve1592. La Chambre de première instance I rejoint ainsi la position de la Chambre

1588
M. PENA, « Art. cit. », p. 251.
1589
ICC-01/04-01/06, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision relative à la participation des
victimes, 18 janvier 2008, § 97.
1590
Cf. Ibidem, § 97.
1591
Cf. Ibidem, § 98.
1592
Cf. Ibidem, §§ 98 et 108-109. Le Procureur et la Défense ont interjeté appel contre cette décision de la
Chambre de première instance I, notamment contre la possibilité pour les victimes de produire des éléments
de preuve relatifs à la culpabilité ou à l’innocence de l’accusé et de contester l’admissibilité ou la
pertinence des preuves. La Chambre d’appel a tranché en ces termes : « Le droit de produire des éléments
432

préliminaire I selon laquelle « la participation des victimes […] permet de clarifier les
faits, de sanctionner les responsables des crimes commis et de solliciter la réparation des
préjudices subis »1593.

Ces divers pouvoirs de la victime participante nous amènent à relever la


nuance entre la participation des victimes devant la C.P.I. et la constitution de partie
civile, reconnue à la victime par les droits internes de la tradition romano-germanique (ou
continentale), qui désigne l’action en réparation du préjudice causé par une
infraction, intentée devant une juridiction répressive1594. Par la constitution de partie
civile, la victime devient une « partie » à la procédure. Elle peut déclencher l’action
publique par voie de citation directe (devant la juridiction de jugement), sans attendre les
enquêtes du Ministère public ou du juge d’instruction. En revanche, « [d]ans l’ordre
juridique international, les victimes ne peuvent jamais mettre en mouvement l’action
publique, ni même s’y joindre […] Il s’agit toujours d’un pouvoir exclusif du procureur
international »1595. Dès lors, devant la C.P.I., « les victimes sont autorisées à intervenir
dans les limites de l’affaire telles qu’établies par le procureur »1596. C’est à ce titre qu’il
leur est reconnu le statut de « participant », plutôt que celui de « partie », ce dernier statut
étant réservé à l’accusation et à la défense, dont les droits procéduraux sont plus
étendus1597.

Il importe enfin de clarifier le rapport entre le droit de participation et le droit


à la réparation. Rappelons tout d’abord avec la Chambre de première instance I que « la

de preuve touchant à la culpabilité ou à l’innocence de l’accusé et de contester l’admissibilité ou la


pertinence des preuves est avant tout reconnu aux parties, à savoir le Procureur et la Défense. Cependant, la
Chambre d’appel ne considère pas que ces dispositions excluent la possibilité pour les victimes de produire
des éléments de preuve touchant à la culpabilité ou à l’innocence de l’accusé et de contester l’admissibilité
ou la pertinence des preuves au cours du procès » (ICC-01/04-01/06 OA 9 OA 10, Le Procureur c. Thomas
Lubanga Dyilo, Arrêt relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la Décision
relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008 par la Chambre de première instance I,
11 juillet 2008, § 3).
1593
ICC-01/04, Situation en République démocratique du Congo, Décision sur les demandes de
participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, 17 janvier 2006, §
63.
1594
Cf. A.-TH. LEMASSON, Op. cit., p. 18.
1595
H. ASCENSIO, « Art. cit. », p. 82.
1596
M. PENA, « Art. cit. », p. 254.
1597
Cf. Ibidem, p. 252 ; ICC-01/04-01/06 OA 9 OA 10, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Arrêt
relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la Décision relative à la participation
des victimes rendue le 18 janvier 2008 par la Chambre de première instance I, 11 juillet 2008, § 3.
433

participation des victimes à la procédure n’est pas motivée par le seul intérêt d’obtenir
réparation »1598. Par sa participation au procès, la victime s’efforce de contribuer à la
découverte de la vérité en vue de « dûment accéder à la justice dans le cadre de l’objet
même du procès »1599. Cette participation n’est cependant pas une condition d’accès aux
réparations1600. Certes, les victimes qui demandent de participer au procès demandent
également d’obtenir réparation devant la Cour. Celle-ci devra en principe la leur allouer
si les conditions (notamment le lien de causalité entre le dommage subi et le crime
relevant de la compétence de la Cour, la condamnation de l’accusé du chef de ce crime)
sont réunies. Cependant, des victimes n’ayant pas participé au procès peuvent bénéficier
de la réparation, par exemple, lorsque celle-ci leur est accordée à titre collectif par
l’intermédiaire du Fonds au profit des victimes, conformément à la règle 98, § 3 du
R.P.P. / C.P.I.1601.

§2. Devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone

Le conflit armé en Sierra Leone s’est caractérisé par des atrocités inouïes
liées à l’exploitation illicite des diamants. Le souci des Nations unies et du
Gouvernement sierra-léonais d’engager des poursuites contre « les personnes qui portent
la responsabilité la plus lourde »1602 de ces crimes a été à la base de la création du
Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Nous n’aborderons pas ici les questions
concernant la création, la composition et le fonctionnement du TSSL1603.

1598
ICC-01/04-01/06, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision relative à la participation des
victimes, 18 janvier 2008, § 98.
1599
Ibidem, § 97.
1600
Cf. M. PENA, « Art. cit. », p. 252.
1601
Règle 98, § 3 du R.P.P. / C.P.I. : « La Cour peut ordonner que le montant de la réparation mise à la
charge de la personne reconnue coupable soit versé par l’intermédiaire du Fonds au profit des victimes
lorsqu’en raison du nombre des victimes et de l’ampleur, des formes et des modalités de la réparation, une
réparation à titre collectif est plus appropriée ».
1602
Article 1er de l’Accord pour et Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), Freetown,16
janvier 2002, in E. DAVID, F. TULKENS et D. VANDERMEERSCH, Code de droit international
humanitaire (5e édition à jour au 1er janvier 2012), Bruxelles, Bruylant, 2012, p.728. Voir également
l’article 1er du Statut du TSSL, in Ibidem, p. 733.
1603
En plus de l’Accord pour et Statut du Tribunal, voir notamment M. MAYSTRE et A. WERNER, « Un
modèle de tribunal ‘‘internationalisé’’ : analyse du et perspectives sur le Tribunal spécial pour la Sierra
Leone », in R. KOLB, Droit international pénal, Bâle, Helbing Lichtenhahn, 2008, pp. 377-440 ; H.-D.
BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Op. cit., pp. 148-155 ; C. DENIS, « Le Tribunal spécial pour la Sierra
Leone. Quelques observations », in R.B.D.I., 2001/1, pp. 236-287.
434

Il est important d’avoir en l’esprit le fait que le TSSL a accompli son mandat
et a officiellement transmis son siège au gouvernement de la Sierra Leone, le 2 décembre
20131604. Les développements qui suivent visent essentiellement à présenter la pratique
de cette juridiction pénale internationalisée en ce qui concerne la poursuite d’un dirigeant
d’Etat pour complicité d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger
(la Sierra Leone) en cas de conflit armé.

Selon l’article 1er, §1 de son Statut, « [l]e Tribunal spécial […] est habilité à
juger les personnes qui portent la plus lourde responsabilité des violations graves du
droit international humanitaire et du droit sierra-léonais commises sur le territoire de la
Sierra Leone depuis le 30 novembre 1996, y compris les dirigeants qui, en commettant ce
type de crimes, ont menacé l’instauration et la mise en œuvre du processus de paix en
Sierra Leone ». On voit bien que cet article définit les compétences ratione personae1605,
ratione loci et ratione temporis du TSSL. Sa compétence matérielle est déterminée par
les articles 3 à 5 du Statut. Elles portent sur des crimes internationaux (crimes de guerre
et crimes contre l’humanité) ainsi que sur des crimes de droit sierra-léonais1606.

L’article 6 du Statut du TSSL consacre le principe de la responsabilité pénale


individuelle1607.

1604
Cf. ‘‘Special Court Hands Over Courthouse and Complex to the Government of Sierra Leone’’, Press
Release, Freetown, Sierra Leone, 2 December 2013, available at http://www.sc-
sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=rqll%2fdmdcjY%3d&tabid=235 consulted on 13 December 2013.
1605
Les §§ 2 et 3 de l’article 1er du Statut du Tribunal ajoutent une compétence personnelle du Tribunal à
l’égard des infractions commises par le personnel des Nations unies chargé du maintien de la paix en Sierra
Leone et en déterminent les conditions.
1606
Cf. H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Op. cit., p. 158.
1607
« Article 6
Responsabilité pénale individuelle
1. Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à
planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 4 du présent Statut est individuellement
responsable dudit crime.
2. La qualité officielle d’un accusé, soit comme chef d’Etat ou de gouvernement, soit comme haut
fonctionnaire, ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale et n’est pas un motif de diminution de la peine.
3. Le fait que l’un quelconque des actes visés aux articles 2 à 4 du présent Statut a été commis par un
subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s’il savait ou avait des raisons de savoir
que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que le supérieur n’a pas pris les
mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.
4. Le fait qu’un accusé a agi en exécution d’un ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur ne l’exonère
pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le
Tribunal spécial l’estime conforme à la justice.
435

En vertu de l’article 6, § 2 du Statut du TSSL, « [l]a qualité officielle d’un


accusé, soit comme chef d’Etat ou de Gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne
l’exonère pas de sa responsabilité pénale et n’est pas un motif de diminution de la
peine ».

Conformément à l’article 6 du Statut du TSSL, qui consacre le principe de la


responsabilité pénale individuelle, la responsabilité pénale d’un dirigeant politique peut
être engagée sur deux bases différentes.

D’un côté, cette responsabilité pénale peut être engagée sur la base de
l’article 6, § 1er du Statut, qui dispose : « Quiconque a planifié, incité à commettre,
ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou
exécuter un crime visé aux articles 2 à 4 du présent Statut est individuellement
responsable dudit crime »1608.

De l’autre côté, le dirigeant politique peut être poursuivi sur la base de


l’article 6, § 3 du Statut du TSSL en tant que supérieur hiérarchique, lorsque
l’exploitation illicite des ressources naturelles a été commise par son subordonné, « s’il
savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte
ou l’avait fait et que le supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour
empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs ».

La première hypothèse (article 6, § 1er du Statut) sous-entend que le dirigeant


de l’Etat est intervenu lui-même dans la commission du crime en tant qu’auteur ou
complice. Dans la seconde situation (article 6, § 3 du Statut), ce dirigeant n’a pas
participé à la commission du crime mais a manqué à une obligation de prévention du
crime ou de punition de l’auteur du crime, qui est son subordonné. Tout dépendra donc
du cas particulier du dirigeant mis en cause.

5. La responsabilité pénale individuelle des crimes visés à l’article 5 est établie conformément à la
législation pertinente de la Sierra Leone ».
1608
Les articles 2, 3 et 4 du Statut du TSSL pour la Sierra Leone visent respectivement les crimes contre
l’humanité, les violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II ;
et les autres violations graves du droit international humanitaire.
436

Cela dit, « [t]out comme pour les tribunaux pénaux internationaux, la


compétence matérielle, personnelle et temporelle du Tribunal [spécial] sont liées au
conflit propre à la Sierra Leone »1609. Toutefois, ce Tribunal spécial peut servir de modèle
pour la création d’autres tribunaux ad hoc pour engager des poursuites contre des
dirigeants des Etats qui participent à l’exploitation illicite des ressources naturelles des
Etats en temps de conflit armé1610. De tels tribunaux permettraient de compléter l’action
des juridictions nationales dans la répression des crimes de guerre qui pourraient
échapper notamment à la compétence de la Cour pénale internationale.

Dans le cadre de cette étude, nous focaliserons notre attention sur les crimes
de guerre commis par des dirigeants politiques, précisément le pillage des diamants et les
violations des droits de l’homme à l’occasion de l’extraction illicite des diamants.
L’affaire Charles Taylor illustre cette situation1611. Ancien chef de guerre et ancien
président du Libéria, Charles Taylor a été le premier ancien chef d’Etat à être traduit
devant un tribunal internationalisé : le Tribunal spécial pour la Sierra Leone1612. Il a
invoqué son immunité en tant qu’ancien chef d’Etat, mais cette exception a été rejetée car
non pertinente devant ce Tribunal1613.

Dans son jugement du 18 mai 2012, la Chambre d’instance II du TSSL a,


conformément à l’article 6 du Statut du Tribunal spécial, reconnu Charles Taylor
coupable notamment de complicité de pillage et autres crimes (de guerre) consistant en
des violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole
additionnel II, conformément à l’article 3 du Statut du Tribunal spécial. Elle l’a par

1609
C. DENIS, « Art. cit », p. 249, § 27.
1610
Cf. J. G. STEWART, Crimes de guerre des sociétés. Condamner le pillage des ressources naturelles,
Op. cit., p. 99, § 146.
1611
Cf. Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-03-01-T, 18 May 2012, available at
http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=k%2b03KREEPCQ%3d&tabid=107.
1612
Cf. H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Op. cit., p. 154 et note 143.
1613
Cf. Article 6, § 2 du Statut du TSSL. Voir également Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.:
SCSL-2003-01-I, 31 May 2004, pp. 21-26, §§ 43-59, available at http://www.sc-
sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=7OeBn4RulEg=&tabid=191 consulted on 8 May 2013. Pour un
commentaire sur cette procédure, voir M. MAYSTRE et A. WERNER, « Art. cit. », pp. 421-426.
437

ailleurs reconnu coupable de planification de la commission de tels crimes1614. En


conséquence, dans son jugement du 30 mai 2012, la Chambre d’instance II l’a condamné
à 50 ans de prison pour tous les chefs d’accusation dont il a été reconnu coupable1615.

L’accusé et le Procureur ont interjeté appel au sujet de la peine1616. La


défense sollicitait la diminution de cette peine, arguant que, conformément à la pratique
du Tribunal en matière de complicité, la peine est généralement moindre que dans les
autres formes de participation criminelle1617. En revanche, le Procureur réclamait
l’aggravation de ladite peine pour refléter adéquatement la gravité de la totalité de la
conduite criminelle de Taylor et de sa culpabilité globale1618. Dans son jugement du 26
septembre 2013, la Chambre d’appel a considéré que, dans sa sentence, la Chambre de
première instance a tout à fait tenu compte de la gravité des crimes dont Charles Taylor a
été reconnu coupable : sa qualité de Chef d’Etat au moment de la commission de ces
crimes a permis à la Chambre de première instance de le placer dans une catégorie
différente de celle des autres criminels, conformément au « principe de la totalité »
(‘‘totality principle’’), selon lequel une Chambre de première instance est tenue de
prononcer une peine qui reflète la gravité inhérente à l'ensemble du comportement
criminel de l'accusé1619. La Chambre d’appel a dès lors confirmé la condamnation de

1614
Cf. Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-03-01-T, 18 May 2012, pp. 2475-2476, §
6994, a), counts 3, 6, 7, 11; b) counts 3, 6, 7, 11, available at http://www.sc-
sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=k%2b03KREEPCQ%3d&tabid=107 .
1615
Cf. Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-03-01-T, 30 May 2012, p. 40, Disposition,
available at http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=U6xCITNg4tY%3d&tabid=107 consulted on 8
May 2013.
1616
Cf. Special Court for Sierra Leone, Press Release, The Hague, 23 January 2013, available at
http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=pTTabQ5Bm2U%3d&tabid=53 consulted on 8 May 2013.
1617
Cf. Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-03-01-A, 26 September 2013, p. 11067, §
701, available at http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=t14fjFP4jJ8%3d&tabid=53 consulted on
30 September 2013.
1618
Cf. Ibidem, pp. 11067-11068, § 703.
1619
Cf. Ibidem, pp. 11068-11069, §§ 705-706: “In accordance with the totality principle, a Trial Chamber
is required to impose a sentence reflecting the inherent gravity of the totality of the criminal conduct of the
accused. The totality principle requires an individualised assessement of the particular circumstances of
the case. […] In the instant case, the Trial Chamber properly referred to the gravity of the crimes for which
Taylor was convicted and considered his role in their commission. Further, the Trial Chamber compared
the circumstances of Taylor’s case to other cases that have been determined by this Court. It noted that
Taylor’s status as a Head of State puts him in a different category of offenders, stating that ‘there are no
true comparators to which [it] can look for precedent in determining an appropriate sentence in this
case’”.
438

Charles Taylor à 50 ans de prison, telle que prononcée par la Chambre de première
instance1620.

Au terme de ce paragraphe, il sied de mentionner l’absence d’un véritable


droit de participation des victimes devant le TSSL1621. En effet, les victimes peuvent
participer aux procédures devant cette juridiction uniquement comme « témoins ». A ce
titre, elles peuvent bénéficier de l’assistance, de l’aide et de la protection nécessaires à
leur intervention, mais ne peuvent prétendre à des réparations devant le TSSL1622. Tout
au plus pourraient-elles saisir une juridiction nationale ou une autre instance compétente
aux fins des réparations par une personne reconnue coupable par le Tribunal, ainsi qu’il
ressort du prescrit de la règle 105 du RPP/TSSL1623.

1620
Cf. Ibidem, p.
1621
Cf. S. PELLET, « Art. cit. », p. 933, § 4.
1622
Cf. Articles 15, 16 et 17 du Statut du TSSL.
1623
‘‘Rule 105 : Compensation to Victims
(A) The Registrar shall transmit to the competent authorities of the State concerned the judgement
finding the accused guilty of a crime which has caused injury to a victim.
(B) Pursuant to the relevant national legislation, a victim or persons claiming through him may bring
an action in a national court or other competent body to obtain compensation.
(C) For the purposes of a claim made under Sub-Rule (B) the judgement of the Special Court shall be
final and binding as the criminal responsibility of the convicted person for such injury’’
(http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=yNjqn5TIYKs%3d&tabid=176 consulted on 23
September 2013).
439

CONCLUSION GENERALE

L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger par d’autres
Etats consiste, selon le cas, en l’exploration, l’extraction, la production ou la
commercialisation de ces ressources en violation du droit international. La violation du
droit international peut prendre différentes formes : absence du consentement de l’Etat
souverain, violation des droits de l’homme, violation du jus in bello, etc. A titre
exemplatif, le pillage des ressources naturelles d’un Etat, consistant en leur appropriation
par la force en cas de conflit armé ou de trouble intérieur, qu’elles soient de nature
mobilière ou immobilière, est une exploitation illicite de ces ressources. De même,
l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat avec son consentement devient illicite
lorsqu’elle est faite en violation des droits de l’homme. L’illicéité de l’exploitation des
ressources naturelles d’un Etat peut résulter à la fois de l’absence de consentement de cet
Etat souverain et de la violation des droits de l’homme. C’est la situation la plus
fréquente en cas de conflit armé.

Toutefois, dans notre étude, nous nous sommes limité aux « ressources de
conflits », c’est-à-dire celles qui provenaient des secteurs contrôlés par des forces
étrangères non invitées (par le gouvernement) ou par des factions ou groupes armés
opposés au gouvernement légitime au regard de la communauté internationale et qui
étaient utilisées pour financer des opérations militaires contre ce gouvernement ou en
contravention des décisions du Conseil de sécurité. Dès lors, nous n’avons pas cherché à
tirer de conséquences juridiques de la question de l’illicéité de l’exploitation des
ressources naturelles effectuée par les Etats invités par des gouvernements légitimes, bien
que cette exploitation se déroule parfois de manière léonine ou au mépris des droits de
l’homme.

L’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger peut être la
cause d’un conflit armé ou un moyen de sa poursuite. Ces liens existant entre conflit armé
et exploitation illicite des ressources naturelles constituent l’hypothèse de notre étude.
Cette hypothèse a été confirmée dans le cadre de plusieurs conflits armés,
440

particulièrement en Afrique. En témoignent notamment les conflits armés que le


phénomène d’exploitation illicite des ressources naturelles par des Etats, des groupes
armés et des multinationales a rendus les plus longs et les plus sanglants sur le continent
africain, à savoir : le conflit armé en Angola (1975-2002), le conflit armé en Sierra Leone
(1991-2002) et les conflits armés en République démocratique du Congo (1996 à ces
jours).

Notre étude a porté principalement sur la responsabilité des Etats et de leurs


dirigeants dans le cadre de l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger en cas de conflit armé. L’objectif a été de rendre compte des mécanismes par
lesquels les victimes, à savoir, d’une part, l’Etat lésé et, d’autre part, les personnes
privées physiques ou morales, peuvent obtenir réparation des préjudices résultant de cette
exploitation illicite des ressources naturelles et de déterminer les acteurs qui ont
l’obligation de réparer.

L’illicéité de l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas


de conflit armé consiste en la violation des règles primaires applicables aux Etats, en
particulier les règles assurant la protection internationale des ressources naturelles.

Partant de l’hypothèse que le conflit armé a été déclenché en vue de


l’exploitation des ressources naturelles, en violation donc du jus contra bellum, ou que
des Etats sont intervenus dans ce conflit à cette fin, il s’est révélé en définitive que
l’illicéité de l’exploitation des ressources naturelles consiste essentiellement en la
violation des règles applicables en tout temps et des règles applicables seulement en
temps de conflit armé.

Les règles protectrices des ressources naturelles d’un Etat étranger


applicables en tout temps sont les suivantes : le principe de l’interdiction du recours à la
force, le principe de la souveraineté permanente d’un Etat sur les ressources naturelles et
l’obligation de vigilance ou de diligence. Dans ce cas, comme on le comprend à partir du
contexte de la violation des obligations, l’illicéité de l’exploitation des ressources
naturelles consiste seulement en la violation du principe de l’interdiction du recours à la
force et du principe de la souveraineté permanente d’un Etat sur les ressources naturelles.
Il s’agit d’une violation qui découle du fait de l’exploitation des ressources naturelles.
441

Cependant, le manquement par un Etat à une obligation de vigilance ne découle pas du


fait de l’exploitation illicite par cet Etat des ressources naturelles d’un Etat étranger. Cette
violation de l’obligation de diligence intervient à l’occasion de l’exploitation illicite des
ressources naturelles par d’autres Etats. Ainsi, par exemple, des Etats auxquels le fait de
l’exploitation illicite des ressources naturelles n’est pas imputable, mais qui n’ont pas
suffisamment usé de moyens en leurs pouvoirs pour l’empêcher, se retrouvent par
conséquent en violation de l’obligation de diligence, manquement qui engage leur
responsabilité internationale.

S’agissant de la protection des ressources naturelles d’un Etat étranger


pendant un conflit armé, deux règles spécifiques du jus in bello, dont la violation entraîne
l’illicéité de l’exploitation des ressources naturelles, sont applicables aux puissances
occupantes : l’interdiction du pillage et l’obligation de prendre des mesures pour rétablir
et assurer l’ordre et la vie publics. Dans le cadre de notre étude, postuler l’applicabilité de
l’article 55 du Règlement de La Haye sur les lois et coutumes de la guerre (usufruit au
profit de la puissance occupante) serait reconnaître des droits d’usufruit à l’occupant
illégal, en violation du principe général de droit « Ex injuria jus non oritur ».
L’application de cet article serait à la défaveur de l’Etat victime d’exploitation illicite de
ses ressources naturelles, dont on entend pourtant assurer la protection.

Par ailleurs, les Etats belligérants sont tenus de respecter les décisions du
Conseil de sécurité relatives à la cessation du conflit armé et de l’exploitation illicite des
ressources naturelles de l’Etat victime du conflit armé. Ils doivent en outre respecter les
règles fondamentales des accords environnementaux multilatéraux protecteurs des
ressources naturelles affectées par le conflit armé. En effet, le jus in bello, lex specialis
protectrice des ressources naturelles par les belligérants, coexiste avec les autres
instruments juridiques internationaux pertinents. Si la loi spéciale déroge à la loi
générale, elle ne l’abroge pas pour autant.

Par contre, les Etats tiers au conflit armé sont assujettis aux obligations de
respecter et de faire respecter le droit international humanitaire. Il en est ainsi des Etats
d’origine des multinationales, c’est-à-dire les Etats dans lesquels ces entreprises sont
domiciliées. Ils doivent veiller à ce que ces sociétés ne participent pas aux violations du
442

droit international humanitaire, en l’occurrence, le pillage des ressources naturelles d’un


Etat étranger en proie à un conflit armé et les violations des règles fondamentales
relatives à la protection des droits (fondamentaux) de la personne humaine en temps de
conflit armé. Il s’agit à vrai dire d’une obligation de vigilance ou obligation de diligence.

Au sujet de la nature des obligations violées, parmi les règles protectrices des
ressources naturelles d’un Etat étranger dans le cadre d’un conflit armé figurent celles
dont découlent des obligations erga omnes (partes) et relèvent en même temps du jus
cogens : le principe de l’interdiction du recours à la force (agression), les normes
relatives à la protection des droits fondamentaux de la personne humaine et les règles
fondamentales du jus in bello. D’autres règles consacrent des obligations erga omnes
(partes), mais ne sont pas hissées au rang de normes du jus cogens : les règles
fondamentales contenues dans les accords environnementaux multilatéraux relatifs à la
protection des ressources naturelles et les décisions du Conseil de sécurité interdisant la
poursuite de l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’Etat victime d’un conflit
armé. Enfin, certaines règles ne consacrent pas d’obligations erga omnes (partes) et sont
ipso facto exclues du cercle des normes du jus cogens : le principe de souveraineté
permanente sur les ressources naturelles et l’obligation de vigilance ou de diligence.

En examinant le contexte de leur violation, il y a lieu de constater que


certaines règles sont violées du fait de l’exploitation illicite des ressources naturelles,
autrement dit, leur violation résulte du caractère illicite de l’exploitation des ressources
naturelles. Rentrent dans ce cadre : le principe de l’interdiction du recours à la force
(agression), le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles, les
normes relatives à la protection des droits fondamentaux de la personne humaine, les
règles fondamentales du jus in bello édictant des obligations de la puissance occupante
(notamment l’interdiction du pillage), les règles fondamentales contenues dans les
accords environnementaux multilatéraux relatifs à la protection des ressources naturelles
et les décisions du Conseil de sécurité interdisant la poursuite de l’exploitation illicite des
ressources naturelles de l’Etat victime d’un conflit armé.

En revanche, l’obligation de vigilance est violée à l’occasion de


l’exploitation illicite des ressources naturelles. Il en est de même de l’obligation de
443

respecter et de faire respecter le droit international humanitaire incombant à un Etat tiers


au conflit armé et non impliqué dans l’exploitation illicite des ressources naturelles, qui
est à vrai dire une obligation de vigilance. L’auteur du manquement à cette obligation de
vigilance n’est pas responsable du fait de l’exploitation illicite des ressources naturelles,
mais il est responsable (d’une autre violation commise) à l’occasion de cette exploitation
illicite. La première responsabilité est « centrale », la seconde « périphérique ». La
« responsabilité centrale » pèse sur l’Etat auquel le fait d’exploitation illicite est
imputable ; la « responsabilité périphérique » incombe à l’Etat auteur d’un manquement à
une obligation de vigilance, notamment un Etat de transit ou de destination des ressources
naturelles ou un Etat d’origine des entreprises qui participent à ce fait illicite. De même,
il en est ainsi, en principe, soit dit en passant, du manquement dans le chef d’un Etat
ayant accordé une aide ou assistance à un Etat auteur de l’exploitation illicite des
ressources naturelles.

Quant aux caractères du fait illicite consistant à exploiter de manière illicite


les ressources naturelles d’un Etat étranger et à l’extension de ce fait illicite dans le
temps, force est de constater que, selon le modus operandi des auteurs de l’exploitation
illicite des ressources naturelles, ce fait illicite se révèle un phénomène très complexe : ce
fait illicite peut être soit non continu, soit continu, mais il n’a pas de caractère composite.

Il importe de noter que la responsabilité internationale des Etats en cas


d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger dans le cadre d’un
conflit armé est régie par les principes consacrés par le Projet d’articles de la Commission
du droit international de 2001 sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite en ce qui concerne le fait illicite et ses conséquences, notamment la réparation des
préjudices matériels et moraux subis de ce fait par l’Etat étranger et par les particuliers
qui exercent des droits sur les ressources naturelles ou qui ont subi des violations graves
des droits de l’homme. Ainsi, par exemple, l’attribution à l’Etat des faits d’une
multinationale se fait conformément aux règles d’attribution des faits d’un particulier à
l’Etat. La réparation d’un dommage subi de l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat exige un lien de causalité entre lui et le fait illicite. Il est tenu compte
de la contribution de la victime à son préjudice pour fixer le montant de la réparation.
Pour la mise en œuvre de l’obligation de réparer, l’Etat est en droit d’invoquer la
444

responsabilité de l’auteur du fait dommage et il peut faire recours à des contre-mesures


réparatoires. Les Etats autres que l’Etat lésé peuvent invoquer la responsabilité de l’Etat
auteur ou complice du fait d’exploitation illicite des ressources naturelles dans l’intérêt de
l’Etat lésé ou des bénéficiaires des obligations violées.

Ceci ne signifie nullement que notre recherche est une reproduction servile
des articles de la C.D.I. de 2001 et n’apporte aucune contribution à l’étude de la
responsabilité des Etats. Nous avons examiné systématiquement les règles primaires
violées en cas d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger pendant
un conflit armé. Nous avons ainsi contribué à l’étude de l’ « élément objectif » du « fait
générateur » de la responsabilité de l’Etat pour exploitation illicite des ressources
naturelles.

S’agissant des règles secondaires de la responsabilité des Etats, certains


résultats semblent intéressants. A titre exemplatif, nous sommes parvenu à l’application
concrète des principes de la C.D.I. sur la responsabilité des Etats au cas particulier de
l’exploitation illicite des ressources naturelles, en spécifiant notamment les titulaires et
les bénéficiaires de l’obligation de réparer ainsi que les formes de réparation adéquate
dans chaque cas d’espèce, compte tenu du contenu de l’obligation violée (obligation de
résultat, obligation de moyen) ou de la position de cette obligation (« obligation
centrale », « obligation périphérique »).

Le contenu ou la position de l’obligation violée a une incidence sur la preuve


du lien de causalité entre le fait illicite et le dommage, condition de la réparation de ce
dernier. De par la nature même de certaines obligations, leur violation cause
nécessairement des dommages. C’est notamment le cas de la violation de l’interdiction
du pillage des ressources naturelles d’un Etat. Le lien de causalité est présumé du
moment que le fait illicite est commis par l’Etat sur lequel pèsent les obligations dont la
violation entraîne des dommages. Telle est la logique de l’affaire Congo c. Ouganda. La
solution est tout autre lorsque l’Etat mis en cause, sans pour autant avoir participé à la
commission du fait illicite dommageable, n’a pas tout fait pour (essayer de) l’empêcher
(manquement à l’obligation de vigilance). Dans cette situation, il est impératif d’établir
que la passivité (partielle ou totale) de l’Etat mis en cause a joué un rôle déterminant dans
445

la commission du fait illicite, autrement dit, que ce fait n’aurait pas été commis si cet Etat
n’avait pas manqué à une obligation de diligence. L’on se retrouve ainsi dans la logique
de l’affaire du Génocide, qui exige un lien de causalité « suffisamment direct et certain ».

En cas de violation d’une obligation de résultat (par exemple, l’obligation de


respecter les biens d’un Etat étranger, en l’espèce ses ressources naturelles), le dommage
que subit cet Etat dans un domaine protégé par cette obligation sera réputé une
conséquence du fait illicite. Il s’ensuit que tous les Etats qui attaquent illicitement un Etat
étranger et exploitent ses ressources naturelles dans un contexte de conflit armé lui
causent nécessairement des dommages matériels et moraux. Par contre, en cas de
violation d’une obligation de moyen (obligation de diligence), l’on devra par exemple
tout d’abord démontrer que le dommage résulte de ce manquement, ensuite que l’Etat mis
en cause disposait de moyens efficaces et suffisants pour empêcher le fait illicite
dommageable et, enfin, qu’il ne les a pas (suffisamment) utilisés. C’est à la lumière de
ces trois critères que l’on devra envisager la responsabilité d’un Etat tiers au conflit armé
mais qui, au moment des faits, exerce sur une entreprise multinationale impliquée dans
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un autre Etat un contrôle, du fait de la
nationalité (domicile) de cette entreprise ou de l’établissement de celle-ci sur son
territoire. Les mêmes critères sont applicables à d’autres Etats tiers au conflit armé, qui
ont de facto facilité l’exploitation illicite des ressources naturelles, à savoir : les Etats de
transit et les Etats de destination des ressources naturelles illicitement exploitées par
d’autres Etats et/ou par des multinationales.

Par ailleurs, alors que l’Etat victime de l’exploitation illicite de ses ressources
naturelles peut réclamer réparation à un Etat ayant manqué à l’obligation de faire
respecter le droit international humanitaire à l’occasion de cette exploitation illicite
(obligation de vigilance), pareille action initiée par des particuliers se heurterait à un
défaut de lien de causalité « suffisamment direct et certain ». Les dommages subis par les
particuliers résultent du fait de l’exploitation illicite des ressources naturelles, qui n’est
pas attribuable à un Etat ayant manqué à une obligation de diligence. Dans le cas
d’espèce, ce sont les droits de l’Etat qui ont été violés par ces Etats mis en cause pour
violation de cette obligation de vigilance. Il n’y a aucune violation par ces Etats des droits
des particuliers. Il y a plutôt violation des droits de leur Etat. L’action des particuliers
446

contre ces Etats ayant manqué à une obligation de vigilance envers leur Etat est
irrecevable étant donné qu’il n’appartient pas aux nationaux de « prendre fait et cause »
pour leur Etat.

Outre ces quelques résultats relatifs au lien de causalité, pour rendre compte
de l’importance qu’occupent les règles protectrices des ressources naturelles en temps de
conflit armé, on a dû démontrer le caractère de normes de jus cogens que revêtent
certaines d’entre elles. En outre, en vue de la mise en œuvre de l’obligation de réparer, il
nous a fallu démontrer que l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger en cas de conflit armé consiste principalement en la violation d’obligations erga
omnes (partes), pour envisager l’actio popularis en cas d’échec de l’action de l’Etat lésé.

De même, aux fins de la réparation des dommages subis par des particuliers,
nous avons dû rendre compte de l’évolution des principes relatifs à la protection
diplomatique, notamment en ce qui concerne le « destinataire réel » de l’indemnité :
l’indemnité accordée à l’Etat dans l’exercice de sa protection diplomatique à l’égard de
son national est destinée à réparer le préjudice subi par celui-ci. Cette solution marque
une rupture de la conception de la C.D.I, confirmée par l’arrêt Diallo (2012), avec la
position classique consacrée par le célèbre arrêt Mavrommatis. Nous avons également
abordé des questions relatives aux recours directs des particuliers contre un Etat devant
des juridictions internationales ou des juridictions nationales de l’Etat mis en cause.

Afin de répondre à certaines difficultés auxquelles se heurte la mise en œuvre


de la responsabilité internationale, nous avons proposé des pistes de solution à partir du
droit positif, en nous appuyant sur la jurisprudence et la doctrine internationales, et des
pistes de solution de lege ferenda. A titre illustratif, on peut mentionner la question de la
possibilité de la réparation en faveur des Etats autres que l’Etat lésé en cas de violation
d’obligations erga omnes (partes). A ce niveau, nous avons appuyé, de lege ferenda,
l’idée que ces Etats peuvent bénéficier de la réparation sous la forme de restitution ou de
satisfaction, sans pour autant porter préjudice aux intérêts de l’Etat lésé ou des
bénéficiaires de l’obligation violée. Un autre exemple concerne les controverses
doctrinales autour du principe du recours à la force comme norme énonçant des
obligations erga omnes. En vue de contourner cette polémique, nous avons expliqué que,
447

lorsqu’il est établi que l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger
est la finalité d’un emploi de la force suffisamment grave, ce fait constitue une preuve de
l’illicéité de ce recours à la force et révèle son caractère d’acte d’agression. L’auteur de
l’acte ne peut plus arguer avec succès de la légitime défense.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est affirmé par une partie de la doctrine et
certaines décisions jurisprudentielles, notre recherche a démontré que le principe de
souveraineté permanente sur les ressources naturelles ne constitue pas une obligation
erga omnes (partes), et ne relève donc pas du jus cogens.

Enfin, nous pouvons citer à titre exemplatif la question de l’effectivité des


actions des particuliers étrangers devant des juridictions de l’Etat mis en cause pour
exploitation illicite des ressources naturelles. Une action devant une juridiction de l’Etat
auquel est imputable le fait illicite constitue un test de crédibilité pour l’indépendance du
pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif. Elle constitue également un test de
l’existence d’un Etat de droit. Les chances d’une telle action sont cependant
subordonnées à la normalisation des relations entre l’Etat de la nationalité des requérants
et l’Etat du for. Pour intenter leurs actions devant les juridictions étrangères, les
particuliers lésés par l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat par un autre
Etat devront rester particulièrement attentifs au délai de prescription. Contrairement au
droit international public qui ne semble pas admettre la prescription extinctive ou
libératoire, le droit interne pose le principe de la prescription des actions en réparation
des dommages, qui est généralement de trente ans pour de nombreuses législations de
tradition civiliste.

Pratiquement, pour nous limiter au droit positif, les bénéficiaires de la


réparation des dommages subis du fait de l’exploitation illicite des ressources naturelles
d’un Etat étranger pendant un conflit armé sont l’Etat souverain sur les ressources
naturelles et les particuliers qui exercent des droits de jouissance sur ces ressources de
l’Etat ou ceux qui subissent des violations des droits de l’homme au cours de cette
exploitation illicite. Les titulaires de l’obligation de réparer sont : l’Etat auteur de
l’exploitation illicite des ressources naturelles, l’Etat ayant accordé une aide ou une
assistance à l’auteur de l’exploitation illicite des ressources naturelles et l’Etat ayant
448

manqué à une obligation de vigilance (y compris l’obligation de respecter et de faire


respecter le droit international humanitaire incombant aux Etats tiers au conflit armé) à
l’occasion de cette exploitation.

Pour ce qui est des formes de réparation applicables, l’Etat auteur de


l’exploitation illicite des ressources naturelles et l’Etat ayant accordé une aide ou une
assistance à l’auteur de l’exploitation illicite des ressources naturelles peuvent se voir
exiger les trois formes de réparation (restitution, indemnisation, satisfaction), appliquées
séparément ou conjointement aux fins de la réparation intégrale des dommages causés par
leurs comportements respectifs. L’exploitation illicite des ressources naturelles a révélé
des cas de pluralité d’Etats responsables du même fait illicite. En droit international
public, il n’existe cependant pas de responsabilité solidaire ou conjointe.

Par contre, en cas de violation de l’obligation de vigilance, la restitution ne


peut être réclamée à l’auteur de cette violation car les dommages qu’il doit réparer ne
sont pas ceux qui sont subis du fait de l’exploitation illicite des ressources naturelles car
sa responsabilité est « périphérique ». Néanmoins, l’indemnisation ou la satisfaction
peuvent être exigées à raison des circonstances de l’espèce. Si le manquement à
l’obligation de vigilance a été une des causes déterminantes des dommages subis par
l’Etat et les particuliers du fait de l’exploitation illicite, la réparation des dommages
matériels et moraux peut prendre la forme d’indemnisation (enseignement de l’affaire du
Détroit de Corfou et de l’affaire Diallo), sans nécessairement exclure par ailleurs la
satisfaction pour la réparation des dommages moraux. En revanche, Si le manquement à
l’obligation de vigilance n’a pas été une des causes déterminantes de l’exploitation illicite
des ressources naturelles, il n’existe pas de « lien de causalité suffisamment direct et
certain ». La réparation ne peut prendre que la forme de satisfaction (philosophie de
l’affaire du Génocide). Il en résulte que seuls les dommages moraux seront réparés par
l’auteur du manquement à l’obligation de vigilance dans cette seconde hypothèse.

La thèse qui se dégage de notre étude peut se résumer comme suit : Lorsque
l’exploitation des ressources naturelles d’un Etat étranger est une cause ou un moyen de
poursuite d’un conflit armé international ou interne internationalisé, son illicéité consiste
essentiellement en la violation par des Etats d’obligations erga omnes (partes). La
449

responsabilité des Etats auteurs de ces violations est dès lors engagée du fait de
l’exploitation illicite des ressources naturelles. La responsabilité des Etats autres que les
Etats auteurs de ces violations est néanmoins engagée à l’occasion de cette exploitation
illicite si leur comportement actif ou passif l’a de fait facilitée. En cas de responsabilité
du fait de l’exploitation illicite des ressources naturelles, la responsabilité est « centrale »
parce que l’illicéité résulte directement de l’exploitation. Par contre, en cas de
responsabilité à l’occasion de l’exploitation illicite des ressources naturelles, la
responsabilité est « périphérique » parce que l’exploitation illicite ne résulte pas
directement du comportement illicite de l’Etat qui l’a de facto facilitée.

En conséquence, dans les deux situations, l’Etat lésé est en droit d’invoquer la
responsabilité internationale des Etats concernés en vue d’obtenir la réparation des
préjudices subis du fait de l’exploitation illicite de ses ressources naturelles.

Dans le cas où l’Etat victime de la violation d’obligations erga omnes


(partes) ne saurait faire valoir ses droits contre l’Etat auteur de l’acte illicite, la voie est
ouverte à l’actio popularis par des Etats autres que l’Etat lésé dans l’intérêt de ce dernier
ou des bénéficiaires des obligations violées. Les particuliers victimes de cette exploitation
illicite des ressources naturelles de l’Etat, parce qu’ils exercent ou exerçaient sur elles un
droit de jouissance ou parce qu’ils ont subi des violations graves à l’occasion de cette
exploitation, peuvent de la part des Etats responsables obtenir réparation à travers les
mécanismes de la protection diplomatique de leur Etat national ou par les mécanismes de
l’actio popularis ou encore en agissant directement devant des juridictions internationales
compétentes ou, le cas échéant, devant des juridictions compétentes de l’Etat responsable.
Vu l’exigence du « lien de causalité suffisamment direct et certain », les réparations au
bénéfice des particuliers pour dommages consécutifs à l’exploitation illicite des
ressources naturelles d’un Etat étranger ne peuvent en priorité être réclamées que contre
les Etats dont la responsabilité est engagée du fait de l’exploitation illicite des ressources
naturelles et non contre ceux dont la responsabilité est engagée à l’occasion de ce fait
illicite.

Par ailleurs, le pillage des ressources naturelles d’un Etat étranger et les
(autres) violations graves des droits de l’homme commises dans le cadre de l’exploitation
450

(illicite) des ressources naturelles d’un Etat étranger par des Etats en temps de conflit
armé constituent des crimes de guerre dans le chef des personnes physiques qui agissent
en tant qu’organes de ces Etats. Dès lors, la responsabilité internationale pénale de ces
dirigeants, lesquels jouent un rôle primordial dans l’exploitation illicite des ressources
naturelles d’un Etat étranger en période de conflit armé, nous semble « le corollaire
nécessaire » de la responsabilité internationale des Etats. Ce sont ces dirigeants politiques
qui prennent sinon toujours, du moins le plus souvent la décision du déclenchement d’un
conflit armé contre un Etat étranger et/ou de l’exploitation illicite (systématique) de ses
ressources naturelles au cours d’un conflit armé. Et même si cette exploitation illicite des
ressources naturelles a été décidée et/ou opérée par des autorités décentralisées, le
pouvoir central en demeurera responsable au regard du droit international. Les autorités
centrales pourront dès lors être poursuivies sur la base de la responsabilité pénale du
supérieur hiérarchique. Les dirigeants politiques de rang élevé (chef d’Etat, chef de
gouvernement, Ministre des affaires étrangères) jouissent de l’immunité de juridiction
pénale étrangère. En l’état actuel du droit international coutumier, la commission des
crimes internationaux ne constitue pas une exception à l’immunité de juridiction pénale
des représentants de l’Etat. Celle-ci constitue un « obstacle procédural » aux poursuites
pénales pouvant être engagées contre eux devant une juridiction nationale de l’Etat
victime d’exploitation illicite de ses ressources naturelles ou devant une autre juridiction
étrangère. Les dirigeants politiques de haut rang jouissent également de l’immunité
pénale devant les juridictions de leurs Etats. Compte tenu de la forte implication des plus
hautes autorités des Etats dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat
étranger en cas de conflit armé, il serait pratiquement illusoire d’espérer des Etats
responsables du fait illicite la levée de l’immunité pénale de leurs dirigeants au profit
d’un Etat étranger. La pratique internationale a montré que les Etats sont très réticents à
lever l’immunité de juridiction pénale étrangère de leurs (anciens) dirigeants. L’affaire
Pinochet est à cet égard emblématique.

En revanche, la responsabilité internationale pénale des dirigeants des Etats


pour exploitation illicite des ressources naturelles en temps de conflit armé peut être
retenue, sous réserve des conditions de compétences, devant des juridictions pénales
internationales. Dans le cas particulier du conflit armé en Sierra Leone, l’ancien dirigeant
451

de l’Etat libérien, Charles Taylor, a été condamné par le Tribunal spécial pour la Sierra
Leone, notamment pour complicité de pillage des ressources naturelles. Depuis
l’achèvement du mandat de ce Tribunal spécial, matérialisé symboliquement par la
transmission de son siège au Gouvernement de la Sierra Leone, le 2 décembre 2013, la
Cour pénale internationale est actuellement l’unique juridiction pénale internationale
pouvant être compétente à l’égard des dirigeants des Etats auteurs ou complices
d’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en temps de conflit
armé.

Louvain-la-Neuve, 20 décembre 2013.


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- Vapeur « Wimbledon », arrêt du 17 août 1923, C.P.J.I. série A n°1, p. 1.


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n° 76, p. 1.

• Cour internationale de Justice (voir Site Internet de la CIJ: http://www.icj-


cij.org)

- Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949 : C.I.J. Recueil 1949, p. 4.


- Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis consultatif: C.
I. J. Recueil 1949, p. 174.
- Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 15 décembre 1949 : C.I.J. Recueil 1949, p.
244.
- Statut international du Sud-Ouest africain, Avis consultatif : C.I.J.Recueil 1950,
p. 128.
- Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
- Affaire de l’or monétaire pris à Rome en 1943 (question préliminaire), Arrêt du
15 juin 1954 : C.I.J. Recueil 1954, p. 19.
- Affaire Nottebohm (deuxième phase), Arrêt du 6 avril 1955 : C. I. J. Recueil 1955,
p. 4.
- Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, exceptions
preliminaries, arrêt, C.I.J. Recueil 1964, p. 6.
- Sud-Ouest africain, deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1966, p. 6.
- Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil
1970, p.3.
- Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970)
du Conseil de Sécurité, Avis consultatif, C.I.J.Recueil 1971, p. 16.
- Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt, C.I.J.
Recueil 1980, p. 3.
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- Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua


c. Etats-Unis d'Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C. I.J.
Recueil 1984, p. 392.
- Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14.
- Elettronica Sicula S.P.A. (ELSI), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, p. 15.
- Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 240.
- Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90.
- Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J.
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- Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999,
p. 62.
- Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C. I. J. Recueil 1997, p.
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- Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c.
Belgique), arrêt, C. I. J. Recueil 2002, p. 3.
- Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p.161.
- Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2004, p. 12.
- Conséquences juridiques de 1’édification d'un mur dans le territoire palestinien
occupé, avis consultatif; C. I. J. Recueil 2004, p. 136.
- Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo
c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 168.
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- Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République


démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 2006, p. 6.
- Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J.
Recueil 2007, p. 43.
- Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil, 2008, p. 177.
- Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt,
C.I.J. Recueil 2010, p. 14.
- Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance
relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010, p. 403.
- Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo), exceptions préliminaires, Arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 582.
- Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 639.
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Congo) (Indemnisation due par la République démocratique du Congo à
la République de Guinée), arrêt du 19 juin 2012, disponible sur
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- Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c.
Sénégal), arrêt du 20 juillet 2012, disponible sur http://www.icj-
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• Tribunal international du droit de la mer

- Navire « SAIGA » (No. 2) (Saint-Vincent-et-les-Grenadines c. Guinée), arrêt,


TIDM Recueil 1999, p. 10.
- Responsabilités et obligations des Etats dans le cadre d'activités menées dans la
Zone, avis consultatif, 1er février 2011, TIDM Recueil 2011, p. 10.
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• Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

- Le Procureur c. Dusko Tadic, Appel, affaire n°IT-94-1-AR 72, 2 octobre 1995.


- Le Procureur c. Dusko Tadic, affaire n°IT-94-I-T, 7 mai 1997.
- Le Procureur c. Tihomir Blaskic, affaire n°IT-95-14-AR108bis, 29 octobre 1997.
- Le Procureur c. Anto Furundzija, affaire n° IT-95-17/1-T, 10 décembre 1998.
- Le Procureur c. Dusko Tadic, Appel, affaire n°IT-94-1-A, 15 juillet 1999.
- Le Procureur c. Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-T, 14 janvier 2000.
- Le Procureur c.Tihomir Blaskic, affaire n°IT-95-14-T, jugement, 3 mars 2000.
- Le Procureur c. Aleksovski, affaire n° IT-95-14/1-A, 24 mars 2000.
- Le Procureur c. Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-A, 20 février 2001.
- Le Procureur c. Kordic et Cerkez, affaire n° IT-95-14/2-A, 17 décembre 2004.

• Tribunal pénal international pour le Rwanda

- Le Procureur c. Jean-Paul Akayesu, chambre I, Jugement, ICTR-96-4-T, 2


septembre 1998.
- Le Procureur c. Alfred Musema, Jugement et sentence, ICTR-96-13-T, 27 janvier
2000.
- Alfred Musema (Appelant) c. Le Procureur (Intimé), affaire n° ICTR-96-13-A,
arrêt, 16 novembre 2001.
- Le Procureur c. Ferdinand Nahimana, Jean-Bosco Barayagwiza et Hassan
Ngeze, affaire n° ICTR-99-52-T, 3 décembre 2003.

• Cour pénale internationale

- ICC-01/04, Situation en République démocratique du Congo, Décision sur les


demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3,
VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, 17 janvier 2006.
- ICC-01/04-01/06, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision sur les
demandes de participation à la procédure présentées par les Demandeurs
VPRS 1 à VPRS 6 dans l’affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo,
29 juin 2006.
- ICC-01/04-01/06-803, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision sur la
confirmation des charges, 29 janvier 2007.
496

- ICC-01/04-01/06, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision relative à la


participation des victimes, 18 janvier 2008.
- ICC-01/04-01/06 OA 9 OA 10, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Arrêt
relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la
Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008
par la Chambre de première instance I, 11 juillet 2008.
- ICC-01/04-01/07-717-tFRA, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu
Ngudjolo Chui, Décision relative à la confirmation des charges, 30
septembre 2008.
- ICC-02/05-01, In the Case of the Prosecutor v. Omar Hassan Ahmad Al Bashir,
Decision on the Prosecution's Application for a Warrant of Arrest against
Omar Hassan Ahmad Al Bashir, 4 March 2009.
- ICC-01/05-01/08, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Décision rendue
en application des alinéas a) et b) de l’article 61‐7 du Statut de Rome,
relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean-
Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009.
- ICC-02/05-01/09, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmed Al Bashir (« Omar Al
Bashir »), Deuxième Mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan Ahmed
Al Bashir, 12 juillet 2010.
- ICC-01/09-01/11, Le Procureur c. William Samoei Ruto et autres, Décision
relative à la requête du Procureur aux fins de délivrance de citation à
comparaître à William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua
Arap sang, 8 mars 2011.
- ICC-02/05-01/09, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, Décision
rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome relativement au
manquement par la République du Malawi à l’obligation d’accéder aux
demandes de coopération que lui a adressées la Cour aux fins de
l’arrestation et de la remise d’Omar Hassan Ahmad Al Bashir, 13
décembre 2011.
- ICC-02/05-01/09, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, Décision
rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome concernant le
497

refus de la République du Tchad d’accéder aux demandes de coopération


délivrées par la Cour concernant l’arrestation et la remise d’Omar
Hassan Ahmad Al Bashir, 13 décembre 2011.
- ICC-01/04-01/06, Affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Jugement
rendu en application de l’article 74 du Statut, 14 mars 2012.
- ICC-01/04-01/06, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision fixant les
principes et procédures applicables en matière de réparations, 7 août
2012.

• Tribunal spécial pour la Sierra Leone

- Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-2003-01-I, 31 May 2004.

- Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-03-01-T, 18 May 2012.


- Prosecutor v. Charles Ghankay Taylor, Case No.: SCSL-03-01-A, 26 September
2013.

• Sentences arbitrales

- Affaire de l’Alabama (Grande-Bretagne/Etats-Unis), sentence arbitrale du 14


septembre 1872, in A. DE LA PRADELLE et N. POLITIS, Recueil des
arbitrages internationaux, Vol. II, Paris, Pedone, 1905-1954, p. 715.
- Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies
portugaises du Sud de l’Afrique, Nations Unies, R.S.A., Vol. II, 1928, pp.
1011-1033.
- Texaco-Calasiatic c. Gouvernement libyen, sentence arbitrale au fond du 19
janvier 1977, in Journal du droit international, Vol. 104, 1977, pp. 350-
389.
- Sentence arbitrale du 9 décembre 1978 en l’affaire concernant l’accord relatif
aux services aériens du 27 mars 1946 entre les Etats-Unis d’Amérique et
la France, in Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (R.S.A.),
Vol. XVIII, p. 417-493.
- Sentence arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle-Zélande c. France), in R.G.D.I.P.,
1990, p. 838-878.
498

- Aminoil c. Koweit, sentence arbitrale du 24 mars 1982, in Journal du droit


international, Vol. 109,1982, p. 869-909.
- Détermination de la frontière maritime Guinée-Bissau/Sénégal, sentence arbitrale
du 31 juillet 1989, in R.G.D.I.P., tome 94, 1990, pp. 204-277.
- Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (« Ijzeren Rijn ») entre le Royaume de
Belgique et le Royaume des Pays-Bas, sentence du Tribunal arbitral, 24
mai 2005, disponible sur http://www.pca-
cpa.org/upload/files/Iron_Rhine_French_award.pdf consulté le 25 août
2010.
- Gabon v. Société Serete S.A. (ICSID Case No. ARB/76/1).
- Government of the Province of East Kalimantan v. PT Kaltim Prima Coal and
Others (ICSID Case No. ARB/07/03).
- Republic of Equatorial Guinea v. CMS Energy Corporation and others (ICSID
Case No. CONC (AF)/ 12/2).

• Organe de Règlement des Différends de l’Organisation mondiale du Commerce

- Etats-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules, WT/


DS2/AB/R, 29 avril 1996.
- Etats-Unis- Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains
produits à base de crevettes, WT/DS 58/ AB/ R du 12 octobre 1998.

• Tribunal des différends irano-américains

- Iran-US Claims Tribunal, A-19, Iran-U.S.C.T.R. 285, Vol. 16, 1987.

• Cour européenne des droits de l’homme

- Al-Adsani c. Royaume –Uni (Requête n°35763/97), Arrêt, 21 novembre 2001.


- Al-Jedda c. Royaume-Uni (Requête n°27021/08), Arrêt, 7 juillet 2011.

• Tribunal de première instance et Cour de Justice des Communautés


européennes

- Sté Bier et Fond. Rheinwater c. Mines de Potasse d’Alsace, arrêt du 30 novembre


1976.
499

- Dumez France et Tracoba c. Hessische Landesbank (Helaba), C-220/88,11


janvier 1990.
- Réunion européenne SA e.a. c. Spliethoff’s Bevrachtingskantoor BV et Capitaine
commandant le navire « Alblasgracht V002 », C-51/97, 27 octobre 1998.
- Andrew Owusu c. N.B. Jackson, agissant sous le nom commercial « Villa
Holidays Bal-Inn Villas », C-281/02, 1er mars 2005,
- Ahmed Ali Yusuf et Al Barakaat International Foundation contre Conseil de
l'Union européenne et Commission des Communautés européennes, Arrêt
du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie), Affaire T-
306/01, 21 septembre 2005.
- Affaire Yassin Abdullah Kadi c. Conseil de l’Union européenne et Commission
des Communautés européennes, arrêt du Tribunal de première instance
(deuxième chambre élargie), affaire T-315/01, 21 septembre 2005.
- Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation contre Conseil de
l’Union européenne et Commission des Communautés européennes, Arrêt
de la Cour (grande chambre), Affaires jointes C-402/05 P et C-415/05 P, 3
septembre 2008.

• Cour africaine des droits de l’homme et des peuples


(http://www.africancourt.org )

- Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal, Requête n°001/2008, arrêt du


15 décembre 2009.
- Association Juristes d’Afrique pour la Bonne Gouvernance c. République de Côte
d’Ivoire, Requête n°006/2011, décision du 15 décembre 2011.
- Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c.
République du Gabon, Requête n° 12/2011, décision du 15 décembre
2011.
- Delta International Investment SA, Mr. Agl de Lange and Mrs. M. de Lange vs.
The Republic of South Africa, Application 002/2012, Decision of 13
March 2012.

 D. Documents des organes des Nations unies


500

- Assemblée générale, Protection des enfants touchés par les conflits armés, Note
du Secrétaire général, A/ 58/328, 29 août 2003.
- Commission des droits de l’homme, Promotion et protection des droits de
l’homme, Rapport intérimaire du Représentant Spécial du Secrétaire
général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés
transnationales et autres entreprises, E/CN.4/2006/97, 22 février 2006.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission à l’Assemblée
générale sur les travaux de sa trentième session, in A.C.D.I., 1978, Vol. II,
Deuxième partie, pp. 1-220.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission à l’Assemblée
générale sur les travaux de sa quarante-troisième session, 29 avril-19
juillet 1991, A/46/10, in A.C.D.I., 1991, Volume II, Deuxième partie, pp.
12-64.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit
international à l’Assemblée générale sur les travaux de sa quarante-
cinquième session, 3mai-23 juillet 1993, in A.C.D.I., 1993, Volume II,
Deuxième partie, pp. 1-140.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit
international, Cinquante-deuxième session, 1er mai-9 juin et 10 juillet-18
août 2000, A/55/10.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit
international, cinquante-troisième session, 23 avril-1er juin et 2 juillet-10
août 2001, A/56/10.
- Commission du droit international, Fragmentation du droit international :
Difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit
international, Rapport du groupe d’étude de la Commission du droit
international établi sous sa forme définitive par Martti Koskenniemi, A/
CN. 4/L. 682, 13 avril 2006.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit
international, Cinquante-huitième session, 1er mai-9 juin et 3 juillet-11
août 2006, A/61/10.
501

- Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit


international, soixantième session, 5 mai-6juin et 7 juillet-8 août 2008,
Doc. A/63/10.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit
international, soixante-quatrième session, 7 mai-1er juin et 2 juillet- 3
août 2012, A/67/10.
- Commission du droit international, Rapport de la Commission du droit
international, soixante-cinquième session, 6 mai-7 juin et 8 juillet-9 août
2013, A/68/10.
- Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d’experts chargé d’étudier les violations
des sanctions imposées par le Conseil de sécurité à l’Uniâo nacional para
a independência total de Angola (UNITA), S/2000/203, 10 mars 2000.
- Conseil de sécurité, Rapport final de l’Instance de surveillance concernant les
sanctions contre l’Angola, S/2000/1225, 21 décembre 2000.
- Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d’experts constitué en application du
paragraphe 19 de la résolution 1306(2000) du Conseil de sécurité
concernant la Sierra Leone, S/2000/1195, 20 décembre 2000.
- Conseil de sécurité, Déclaration du Président du Conseil de sécurité,
S/PRST/2000/20, 2 juin 2000.
- Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des
ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique
du Congo, S/2001/357, 12 avril 2001.
- Conseil de sécurité, Rapport complémentaire de l’Instance de surveillance
concernant les sanctions contre l’UNITA, S/2001/966, 12 octobre 2001.
- Conseil de sécurité, Additif au rapport du Groupe d’experts sur l’exploitation
illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République
démocratique du Congo, S/2001/1072, 13 novembre 2001.
- Conseil de sécurité, Rapport complémentaire de l’Instance de surveillance
concernant les sanctions contre l’UNITA, S/2002/486, 26 avril 2002.
502

- Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale


des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République
démocratique du Congo, S/2002/01146, 16 octobre 2002.
- Conseil de sécurité, Lettre datée du 17 juin 2003, adressée au Secrétaire général
par le Président du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des
ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique
du Congo, S/2002/1146/Add. 1, 20 juin 2003.
- Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale
des ressources naturelles et autres richesses de la République
démocratique du Congo, S/2003/ 1027, 23 octobre 2003.
- Conseil de sécurité, Déclaration du Président du Conseil de sécurité,
S/PRST/2003/21, 19 novembre 2003.
- Conseil de sécurité, Rapport spécial sur les événements d’Ituri (Janvier 2002-
décembre 2003), S/ 2004/573, 16 juillet 2004.
- Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d’experts sur l’embargo des Nations
unies sur les armes, S/2005/30, 25 janvier 2005.
- Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts sur la République
démocratique du Congo, S/2008/773, 12 décembre 2008.
- Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts sur la République
démocratique du Congo, S/2009/603, du 23 novembre 2009.
- Conseil de sécurité, Rapport final du Groupe d’experts sur la République
démocratique du Congo, S/2010/596, 29 novembre 2010.
- Conseil de sécurité, Lettre datée du 12 octobre 2012 adressée au Président du
Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533(2004) par le
Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2012/843,
15 novembre 2012.
- Conseil des droits de l’homme, Question de la violation des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, où qu’elle se produise dans le monde, E/
CN.4/ 2002/ L.25, 12 avril 2002.
- Conseil des droits de l’homme, Promotion et protection de tous les droits de
l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le
503

droit au développement. Protéger, respecter et réparer : un cadre pour les


entreprises et les droits de l’homme, Rapport du Représentant spécial du
Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des
sociétés transnationales et autres entreprises, M. John Ruggie, A/
HRC/8/5, 7 avril 2008.
- Conseil des droits de l’homme, Promotion et protection de tous les droits de
l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le
droit au développement, Rapport du Représentant spécial du Secrétaire
général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés
transnationales et autres entreprises, Additif, résumé de cinq consultations
multipartites, A/ HRC/8/5/ Add.1, 23 avril 2008.
- Conseil des droits de l’homme, Promotion et protection de tous les droits de
l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le
droit au développement. Les notions de « sphère d’influence » et de «
complicité », Rapport du Représentant spécial du Secrétaire général chargé
de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et
autres entreprises, M. John Ruggie, A/ HRC/8/16, 15mai 2008.
- Conseil des droits de l’homme, Promotion et protection de tous les droits de
l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le
droit au développement, Rapport du Représentant spécial du Secrétaire
général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés
transnationales et autres entreprises, Additif. Entreprises et droits de
l’homme : étude relative à l’étendue et aux types de violations présumées
des droits de l’homme mettant en cause des entreprises, A/ HRC/8/5/
Add.2, 23 mai 2008.
- Secrétaire général, Rapport complémentaire du Secrétaire général sur
l’application de la résolution 598 (1987) du Conseil de sécurité, S/23273,
9 décembre 1991.
- UNCC, Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners
Concerning the First Instalment of ‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2001/16, 22
June 2001.
504

- UNCC, Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners


Concerning the Second Instalment of ‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2002/26, 3
October 2002.
- UNCC, Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners
Concerning the Third Instalment of ‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2003/31, 18
December 2003.
- UNCC, Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners
Concerning the Fourth Instalment of ‘‘F4’’ Claims, part one,
S/AC.26/2004/16, 9 December 2004.
- UNCC, Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners
Concerning the Fourth Instalment of ‘‘F4’’Claims, part two,
S/AC.26/2004/17, 9 December 2004.
- UNCC, Report and Recommendations Made by the Panel of Commissioners
Concerning the Fifth Instalment of ‘‘F4’’ Claims, S/AC.26/2005/10, 30
June 2005.

 E. Rapports d’enquête de gouvernements ou autres organes


institutionnels nationaux

- REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, Assemblée nationale,


Commission spéciale chargée de l’examen de la validité des conventions à
caractère économique et financier conclues pendant les guerres de 1996-
1997 et de 1998, Rapports des travaux sous la Président de Christophe
Lutundula, Kinshasa, 2006.
- THE REPUBLIC OF UGANGA, Judicial Commission of Inquiry into allegations
into illegal exploitation of natural resources and other forms of wealth in
the Democratic Republic of Congo 2001(May-October 2001), Legal
Notice No. 5/2001, Interim Report, October, 2001, S/2001/1080, 15
November 2001.
- THE REPUBLIC OF UGANGA, Judicial Commission of Inquiry into allegations
into illegal exploitation of natural resources and other forms of wealth in
the Democratic Republic of Congo 2001(May 2001- November, 2002),
505

Legal Notice No. 5/2001, as amended, Final Report, November, 2002,


available at http://archive.niza.nl/docs/200305271650358053.pdf
consulted on 16 November 2013.
- SENAT DE BELGIQUE, Rapport de la Commission d’enquête parlementaire
chargée d’enquêter sur l’exploitation et le commerce légaux et illégaux de
richesses naturelles dans la région des Grands Lacs au vu de la situation
conflictuelle actuelle et de l’implication de la Belgique, Rapport fait au
nom de la Commission d’enquête « Grands Lacs » par MM. Colla et
Dallemagne, Session de 2002-2003, Doc. 2-942/1, 20 février 2003.

 F. Résolutions de l’Institut de droit international

- I.D.I., « Les entreprises multinationales », Résolution de la session d’Oslo, 7


septembre 1977, in Annuaire de l’I.D.I., 1992, pp. 324-329.
- I.D.I., « Les immunités de juridiction et d’exécution du chef d’Etat et de
gouvernement en droit international », Résolution de la session de
Vancouver, 26 août 2001, disponible sur http://www.idi-
iil.org/idiF/resolutionsF/2001_van_02_fr.PDF consulté le 22 octobre
2013.
- I.D.I., « Les obligations erga omnes en droit international », Résolution de la
session de Cracovie, 27 août 2005, in Annuaire de l’I.D.I., Vol. 71-II,
2006, pp. 286-289.

 G. Rapports et communiqués de presse des Organisations non


gouvernementales

- AVOCATS SANS FRONTIERES, Etude de jurisprudence. L’application du


Statut de Rome de la Cour pénale internationale par les juridictions de la
République démocratique du Congo, Rapport, mars 2009.
- COMMISSION INTERNATIONALE DE JURISTES, Complicité des entreprises
et responsabilité des entreprises, Volume 1. Affronter les faits et établir
une voie juridique, Genève, Commission internationale de Juristes, 2010.
506

- COMMISSION INTERNATIONALE DE JURISTES, Complicité des entreprises


et responsabilité des entreprises, Volume 2. Droit pénal et crimes
internationaux, Genève, Commission internationale de Juristes, 2010 ;
- COMMISSION INTERNATIONALE DE JURISTES, Complicité des entreprises
et responsabilité des entreprises, Volume 3. Recours civils, Genève,
Commission internationale de Juristes, 2010.
- FIDH and REDRESS, Fostering a European Approach to Accountability for
Genocide, Crimes against Humanity, War Crimes and Torture.
Extraterritorial Jurisdiction and the European Union, Final Report, April
2007.
- FIDH, Une approche par étapes de l’exercice de la compétence universelle
(pénale) dans les pays de l’Europe de l’Ouest, Paris, FIDH, 2009.
- FIDH, « Déclaration sur le pillage des ressources naturelles à travers
l’exploitation minière », disponible sur http://www.fidh.org/declaration-
sur-le-pillage-des-ressources-naturelles-a-travers-l-13172 consulté le 23
avril 2013.
- GLOBAL WITNESS, A Rough Trade. The Role of Companies and Governments
in the Angolan Conflict, London, Global Witness Ltd, 1998.
- GLOBAL WITNESS, S.O.S. Toujours la même histoire. Une étude contextuelle
sur les ressources naturelles de la République démocratique du
Congo, Washington, Global Witness Publishing Inc., 2004.
- GLOBAL WITNESS, La paix sous tension : Dangereux et illicite commerce de la
cassitérite dans l’est de la RDC, Washington, Global Witness
Publishing Inc., 2005.
- GLOBAL WITNESS et al., Le procès de Kilwa : un déni de justice. Chronologie
octobre 2004-juillet 2007, disponible sur
http://www.globalwitness.org/sites/default/files/pdfs/kilwa_chron_fr_1
70707.pdf consulté le 27 mars 2013.
- GLOBAL WITNESS, Le contrôle des mines exercé par les parties belligérantes
menace les efforts de paix dans l’est du Congo, Press Release –
10/09/2008.
507

- GLOBAL WITNESS, Les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU relatives


au commerce des ressources naturelles dans l’est du Congo
constituent un pas en avant majeur, 7 janvier 2009.
- GLOBAL WITNESS, « Face à un fusil, que peut-on faire ? ». La guerre et la
militarisation du secteur minier dans l’est du Congo, Londres, Global
Witness Ltd, 2009.
- GLOBAL WITNESS, « Global Witness intente une action contre le
gouvernement britannique pour non-inclusion des entreprises
britanniques faisant le commerce de minerais du conflit congolais sur
la liste des entités visées par les sanctions de l’ONU », communiqué
de presse du 26 juillet 2010, disponible sur
http://www.globalwitness.org/media_library_detail.php/1032/fr/global
_witness_intente_une_action_contre_le_gouver consulté le 26 juillet
2010.
- GLOBAL WITNESS, L’avenir du commerce de minerais congolais dans la
balance. Opportunités et obstacles associés à la démilitarisation,
Londres, Global Witness Limited, 2011.
- GREENPEACE, « L’Afrique de l’Ouest : Victime du pillage des pêcheries
pirates », Rapport, septembre 2001, disponible sur
http://www.seaaroundus.org/Dakar/scienceDocs/Doc_NGO_04-
FR.pdf consulté le 9 juin 2009.
- HUMAN RIGHTS WATCH, Le fléau de l’or. République démocratique du
Congo, New York, Human Rights Watch, 2005.
- HUMAN RIGHTS WATCH, « Vous serez punis ». Attaques contre les civils dans
l’est du Congo, New York, Human Rights Watch, 2009.

 G. Autres documents tirés de l’Internet

- RFI, « Le Congo : un ‘‘scandale géologique’’ », disponible sur


http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44994.asp consulté le 8 août 2011.
- http://congovox.blogspot.com/2010/10/liste-des-partis-politiques-en-rdc.html
consulté le 18 août 2011.
508

- « Sud-Kivu : les FDLR attaquent une carrière près de Kamituga, 2 morts et


plusieurs disparus », disponible sur http://radiookapi.net/actualite/2011/08/12/sud-
kivu-les-fdlr-attaquent-une-carriere-pres-de-kamituga-2-morts-et-plusieurs-
disparus/ consulté le 12 août 2011.
- http://whc.unesco.org/fr/list/ consulté le 17 septembre 2011.
- http://www.historykb.com/Uwe/Forum.aspx/what-if/7427/A-Missile-For-
Mobutu-24-Triple-Cross consulté le 29 novembre 2011.
- Communiqué du Point de Contact national belge chargé du suivi des Principes
directeurs de l’OCDE à l’intention des Entreprises multinationales, disponible sur
http://economie.fgov.be/fr/binaries/SMC_fr_tcm326-58236.pdf consulté le 10 mai
2012.
- RADIO OKAPI, « Tourisme : le Rwanda rétrocède à la RDC la moitié des
recettes générées par les gorilles congolais », disponible sur
http://radiookapi.net/environnement/2012/06/18/tourisme-le-rwanda-retrocede-la-
rdc-la-moitie-des-recettes-generees-par-les-gorilles-congolais/ consulté le 6
novembre 2012.
509

TABLE DES MATIÈRES

PREMIERE PARTIE : CONFLIT ARME ET EXPLOITATION ILLICITE


DES RESSOURCES NATURELLES D’UN ETAT ETRANGER : DEFINITIONS,
DESCRIPTION DU SUJET D’ETUDE ET REGLES PRIMAIRES APPLICABLES
AUX ETATS .........................................................................................................8

CHAPITRE I. DEFINITION DES CONCEPTS DE BASE ....................8

Section I. Conflit armé........................................................................................................... 8


§1. Préférence du terme « conflit armé » au vocable « guerre » ......................................... 9
§2. Conflit armé international ........................................................................................... 14
A. Un conflit armé interétatique ................................................................................... 14
B. Une guerre de libération nationale ........................................................................... 17
§3. Conflit armé non international .................................................................................... 19
A. Notion et éléments constitutifs ................................................................................ 19
B. Situations exclues .................................................................................................... 22
§4. Conflit armé interne internationalisé ........................................................................... 24
A. Conflit armé interne avec reconnaissance de belligérance ...................................... 26
B. Conflit armé interne avec sécession réussie............................................................. 26
C. Conflit armé interne avec intervention d’un ou plusieurs Etats ............................... 27
D. Conflit armé interne avec intervention d’une Organisation internationale .............. 29

Section II. Exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger ................. 32
§1. Notion de ressources naturelles ................................................................................... 32
§2. Exploitation des ressources naturelles d’un Etat ......................................................... 35
A. Notion d’exploitation des ressources naturelles ...................................................... 35
B. Illicéité de l’exploitation des ressources naturelles.................................................. 36
§3. Pillage des ressources naturelles d’un Etat.................................................................. 41

CHAPITRE II. L’EXPLOITATION ILLICITE DES RESSOURCES


NATURELLES D’ETATS AFRICAINS EN TEMPS DE CONFLIT ARME..........52

Section I. Conflit armé en Angola et exploitation illicite des ressources naturelles ....... 53
§1. Contexte et acteurs de la guerre civile en Angola ....................................................... 53
§2. Exploitation illicite des diamants par l’UNITA .......................................................... 57
A.Participation des Etats au commerce des diamants de l’UNITA .............................. 59
510

B.Participation des multinationales à l’extraction et au commerce des diamants de


l’UNITA.............................................................................................................................................. 60

Section II. Conflit armé en Sierra Leone et exploitation illicite des ressources naturelles
...................................................................................................................................................................... 63
§1. Contexte et acteurs du conflit armé en Sierra Leone................................................... 63
§2. Rôle des diamants dans le conflit armé en Sierra Leone ............................................. 67
A. « Diamants de la guerre » et diamants « illicites » .................................................. 69
B. Etats et entreprises impliqués dans le commerce des diamants du RUF.................. 73
1. Etats qui ont directement coopéré au commerce des diamants du RUF .............. 73
2.Participation des entreprises multinationales au commerce des diamants du RUF :
pays de transit et pays de destination des diamants sales ............................................................... 76

Section III. Conflits armés en République démocratique du Congo et exploitation illicite


des ressources naturelles ............................................................................................................................ 81
§1. Contexte des conflits armés et acteurs de l’exploitation illicite des ressources
naturelles.................................................................................................................................................. 81
A .Première période (août 1996- mai 1997) : un conflit armé internationalisé ............ 81
B. Deuxième période (2 août 1998- 2 juin 2003) : un conflit armé international, des
conflits armés internationalisés et des conflits armés internes............................................................ 82
C. Troisième période (3 juin 2003 -…) : Conflits armés internationalisés et conflits
armés internes ..................................................................................................................................... 89
§2. Conflits armés et modalités d’exploitation illicite des ressources naturelles .............. 94
§3. Ressources naturelles les plus touchées par l’exploitation illicite pendant les conflits
armés........................................................................................................................................................ 97
A. Ressources minérales............................................................................................... 99
1.Diamants............................................................................................................... 99
2.Or........................................................................................................................ 101
3.Colombotantalite (coltan) ................................................................................... 106
4.Cassitérite (minerai d’étain)................................................................................ 109
5. Wolframite......................................................................................................... 113
B.Ressources végétales : cas spécifique du bois......................................................... 113
C.Espèces de faune sauvages menacées d’extinction ................................................. 115

Section IV. Liens entre conflit armé et exploitation illicite des ressources naturelles d’un
Etat étranger ............................................................................................................................................. 117
§1. Exploitation des ressources naturelles, cause d’un conflit armé ............................... 117
§2. Exploitation des ressources naturelles, moyen de poursuite d’un conflit armé ......... 120
511

CHAPITRE III. REGLES PRIMAIRES APPLICABLES AUX ETATS


..........................................................................................................................128

Section I. Règles applicables en tout temps...................................................................... 128


§1. Règles générales conventionnelles ou coutumières protectrices des ressources
naturelles................................................................................................................................................ 129
A. Principe de l’interdiction du recours à la force...................................................... 129
B.Principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles ........................ 131
C. Obligation de vigilance ou obligation de diligence................................................ 148
§2. Règles particulières établissant un cadre normatif pour lutter contre l’exploitation
illicite des ressources naturelles : le Protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources
naturelles du 30 novembre 2006............................................................................................................ 158

Section II. Règles applicables en temps de conflit armé ................................................. 161


§1. Règles spécifiques de jus in bello.............................................................................. 162
A.Obligations de la puissance occupante ................................................................... 162
1.Interdiction du pillage......................................................................................... 163
2. Obligation de prendre des mesures pour rétablir et assurer l’ordre et la vie publics
...................................................................................................................................................... 164
3. Obligation d’administrer les biens de l’Etat ennemi conformément aux règles de
l’usufruit ? .................................................................................................................................... 165
B.Obligations des Etats tiers à un conflit armé........................................................... 171
1. Exposé du problème .......................................................................................... 171
2.Obligations de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire 173
3. Portée des obligations de respecter et de faire respecter le droit international
humanitaire par les Etats d’origine ou d’établissement des multinationales impliquées dans
l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger subissant un conflit armé ...... 178
§2. Décisions des Nations unies relatives à la cessation du conflit armé et de l’exploitation
illicite des ressources naturelles de l’Etat subissant le conflit armé ...................................................... 179
A.Résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ............................................ 179
B.Résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies ........................................ 187
§3. Conflit armé et sort des accords environnementaux multilatéraux relatifs à la
protection des ressources naturelles....................................................................................................... 199

DEUXIEME PARTIE : RESPONSABILITE EN CAS


D’EXPLOITATION ILLICITE DES RESSOURCES NATURELLES D’UN ETAT
ETRANGER PENDANT UN CONFLIT ARME .................................................210
512

CHAPITRE IV. RESPONSABILITE DES ETATS ............................218

Section I. Le fait illicite : l’exploitation illicite des ressources naturelles ...................... 222
§1. Règles primaires violées............................................................................................ 223
A. Nature des obligations violées ............................................................................... 224
1. Obligations erga omnes (partes)........................................................................ 226
2. Normes impératives du droit international général (« jus cogens »).................. 241
B. Caractère(s) du fait illicite consistant à exploiter de manière illicite les ressources
naturelles d’un Etat étranger et extension dans le temps................................................................... 256
§2. Attribution de l’exploitation illicite des ressources naturelles à un Etat ................... 258
A. Exploitation illicite par des « organes » de l’Etat .................................................. 259
B. Exploitation illicite par des personnes privées....................................................... 263
§3. Aide ou assistance d’un Etat en matière d’exploitation illicite des ressources naturelles
............................................................................................................................................................... 276
A. Aide ou assistance dans la commission d’un fait internationalement illicite......... 276
B. Modalités de la fourniture de l’aide ou l’assistance à l’auteur d’une exploitation
illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger .......................................................................... 279
§4. Rôle des organisations internationales dans la constatation de l’exploitation illicite des
ressources naturelles .............................................................................................................................. 281

Section II. Réparation du préjudice causé par l’exploitation illicite des ressources
naturelles ................................................................................................................................................... 283
§1. Le dommage causé par l’exploitation illicite des ressources naturelles .................... 284
A. Le dommage .......................................................................................................... 285
1. Dommage matériel............................................................................................. 285
2. Dommage moral ................................................................................................ 286
B. Le lien de causalité entre la violation du droit international et le dommage.......... 290
1. Lien de causalité simple..................................................................................... 291
2. Lien de causalité complexe................................................................................ 297
C. La contribution de l’Etat à son préjudice ............................................................... 299
§2. Principe fondamental et formes de la réparation en droit international..................... 303
A. Principe fondamental de la réparation ................................................................... 304
B. Formes de réparation ............................................................................................. 306
1. Réparation du dommage matériel ...................................................................... 307
a. Restitution ..................................................................................................... 307
b. Indemnisation................................................................................................ 309
2. Réparation du dommage moral.......................................................................... 322
a. Réparation du dommage moral immédiat ..................................................... 322
513

b. Réparation du dommage médiat.................................................................... 326


C. Réparation, cessation et assurances et garanties de non répétition du fait illicite .. 332
1. Réparation et cessation du fait illicite ................................................................ 332
2. Réparation et assurances et garanties de non-répétition du fait illicite .............. 335
§3. Titulaires de l’obligation de réparer .......................................................................... 337
A. Etat auteur de l’exploitation illicite des ressources naturelles ............................... 337
B. Etat ayant accordé une aide ou une assistance à l’auteur de l’exploitation illicite des
ressources naturelles ......................................................................................................................... 342
C. Etat ayant manqué à une obligation de vigilance................................................... 344
D. Etat ayant manqué à l’obligation de faire respecter le droit international humanitaire
.......................................................................................................................................................... 349
§4. Bénéficiaires du droit à réparation ............................................................................ 350
A. Etat lésé ................................................................................................................. 351
B. Etats autres que l’Etat lésé ? .................................................................................. 353
C. Particuliers ............................................................................................................. 363
§5. Mise en œuvre de l’obligation de réparer.................................................................. 365
A. Mise en œuvre juridictionnelle .............................................................................. 366
1. Juridictions internationales ................................................................................ 367
a. Recours interétatiques (recours directs) ........................................................ 367
b. Recours directs des particuliers contre un Etat ............................................. 377
2. Juridictions internes de l’Etat auteur de l’acte illicite saisies par des personnes
privées .......................................................................................................................................... 383
B. Contre-mesures réparatoires .................................................................................. 386

CHAPITRE V. RESPONSABILITE INTERNATIONALE PENALE DES


DIRIGEANTS DES ETATS...............................................................................391

Section I. Immunités pénales des dirigeants politiques, un obstacle à l’action devant une
juridiction étrangère ................................................................................................................................ 393
§1. Bénéficiaires, source et portée des immunités de juridiction pénale des dirigeants
politiques ............................................................................................................................................... 393
§2. Commission des crimes internationaux : une exception à l’immunité de juridiction
pénale ? .................................................................................................................................................. 397

Section II. Poursuites par des juridictions pénales internationales des dirigeants
politiques impliqués dans l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un Etat étranger en cas de
conflit armé ............................................................................................................................................... 407
§1. Devant la Cour pénale internationale ........................................................................ 407
514

A. Non pertinence de la qualité officielle devant la Cour pénale internationale ........ 409
B. Bases « légales » de la responsabilité pénale des dirigeants des Etats devant la Cour
pénale internationale ......................................................................................................................... 413
C. Participation des victimes à la procédure devant la CPI ........................................ 427
§2. Devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone ....................................................... 433

CONCLUSION GENERALE ............................................................439

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................452

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