Législatives : découvrez le débat entre deux candidats que tout oppose, Florence Loury (NFP) et Daniel Grenon (RN)

Comme en 2022, le duel de la première circonscription opposera Florence Loury (Nouveau Front populaire) à Daniel Grenon (RN) au second tour des législatives anticipées. Les candidats ont débattu de leur programme, lundi 1er juillet 2024, à la rédaction.

Quel regard portez-vous sur les résultats du 1er tour ?

Florence Loury : "Je suis immensément triste. C’est une très mauvaise perspective pour notre pays et l’avenir de nos enfants."

Daniel Grenon : "Par rapport à il y a deux ans, c’est une progression très forte pour moi et le RN. Ça m’apporte une grande confiance et un élan d’enthousiasme pour notre pays."

Comprenez-vous que le RN fasse peur ?

Daniel Grenon : "Pourquoi avoir peur du RN aujourd’hui ? Depuis Napoléon, on a beaucoup progressé. Quand j’étais jeune, il n’y avait pas de téléphone, aujourd’hui on est arrivé à une autre époque. Ce qui s’est passé autrefois avec le RN, c’est oublié."

Il y a toujours des dérapages…

Daniel Grenon : "Des dérapages, il y en a partout. Si on veut revenir sur les binationaux, toutes ces choses-là sont discutables. Mon grand-père était Arménien, il n’a jamais embêté qui que ce soit. Sur 30 ou 40 postes, on ne peut pas se permettre d’avoir des binationaux. Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux."

Florence Loury : "Quand j’entends M. Grenon, j’entends qu’il est raciste. L’arrivée du RN au pouvoir, c’est la discrimination de milliers de Français en raison de leur origine ou de leur religion. C’est faux de dire que nous sommes envahis par une vague migratoire. Sans l’immigration, notre société ne tient pas. Si on ne permet plus aux personnes étrangères de travailler en France, notre économie s’écroule."

Comment convaincre les électeurs de la droite et du centre ?

Florence Loury : "J’appelle les habitants à faire un front républicain. On peut réussir à faire barrage.

Daniel Grenon : "Je vais rester dans ma simplicité. Continuer mon petit parcours, que ce soit dans le rural et surtout à Auxerre. Durant deux ans, je n’ai pas été beaucoup à Auxerre. J’y suis allé récemment, je me suis vite aperçu qu’il y avait quelque chose à faire. Je vais me diriger du côté des LR, je fais confiance à la droite."

Céline Bähr, candidate LR, et le maire d’Auxerre Crescent Marault (DVD), refusent de choisir entre vous. Le déplorez-vous ?

Florence Loury : "Devant l’enjeu, je pense que c’est irresponsable. Je suis dans l’opposition municipale et je défends des idées. C’est ce qu’on attend de moi. Je suis extrêmement choquée. Ils savent très bien que je ne suis pas d’extrême gauche. Je suis quelqu’un de modérée. J’espère que les électeurs ne suivront pas ces personnages publics."

Daniel Grenon : "Crescent Marault, comme beaucoup de maires, a appelé à ne pas voter pour nous. Ma sensibilité politique a beaucoup dérangé durant deux ans. Mais les électeurs ne pensent pas la même chose."

Comment envisagez-vous la campagne ?

Florence Loury : "Je compte sur la base militante. On attend maintenant une mobilisation citoyenne."

Florence Loury : "Les citoyens doivent prendre conscience qu’ils sont tous menacés. M. Grenon s’est abstenu sur le vote pour reconnaître le droit à l’IVG dans la constitution."

Daniel Grenon : "L’IVG, je la respecte beaucoup mais ça n’a rien à foutre dans les droits constitutionnels."

Comment lutter contre le sentiment d’abandon dans les campagnes ?

Daniel Grenon : "Les ruraux sont méprisés depuis des années, surtout depuis l’arrivée du Macronisme. Contrairement à vous madame Loury, écolo, bobo et urbaine…"

Florence Loury : "Vous avez bien appris votre leçon !"

Daniel Grenon : "… Je défendrai le bien vivre, la tradition, et j’apporterai les projets qui permettront à notre circo d’émerger."

Florence Loury : "Vous avez déjà été élu pendant deux ans, qu’est-ce que vous avez fait ?"

Daniel Grenon : "Dans l’Yonne, il manquait 27/28 pylônes téléphoniques et cela faisait trois ans que plus personne n’en parlait. Deux ont déjà été implantés. Autour d’Auxerre, l’industrie c’est du béton et de l’herbe qui pousse au milieu. On en fait quoi ? Rien pour l’instant. Moi, je travaille là-dessus. Il faut ramener de l’économie à Auxerre."

Florence Loury : "Il y a un abandon des classes populaires et moyennes. Aussi bien à la campagne qu’à la ville. Nos priorités, c’est d’augmenter le pouvoir d’achat, avec deux axes : l’augmentation des revenus et un Smic à 1.600 €, l’augmentation des APL de 10 %, la gratuité de l’école, des transports, et le blocage des prix sur les produits de première nécessité. Et remettre en place des services publics accessibles et de qualité."

Daniel Grenon : "Le pouvoir d’achat, ça commence par les salaires. Si on diminue les charges, on redonne du salaire. Le pouvoir d’achat, on l’a évoqué sur l’électricité, sur les premières nécessités. On va baisser l’électricité, ce sera un point très fort."

Faut-il revenir sur la réforme des retraites ?

Florence Loury : "Dans les quinze premiers jours, on propose d’abroger la réforme Macron. On veut revenir à 62 ans comme âge de départ. Puis dialoguer avec les syndicats pour tendre vers la retraite à 60 ans."

Daniel Grenon : "Il faut y revenir, il y a des choses à revoir. Nous, on a parlé de 62 ans sauf carrière longue. Eux pourront partir avec 42 annuités, mais il y aura une décote."

L’immigration est-elle un problème pour la France ?

Daniel Grenon : "Il faut parler des gens qui sont en situation illégale. Ils fuient parce que la France c’est l’Eldorado. Si on reçoit prochainement dix millions d’immigrés, on en fait quoi ?"

D’où sort ce chiffre ?

Daniel Grenon : "Je le sors comme ça me passe par l’esprit. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, mais ce sera l’avenir si on n’arrête pas."

Florence Loury : "Vous dites n’importe quoi pour faire peur aux gens."

Daniel Grenon : "Je ne fais pas peur aux gens, il faut être conscient de ce qu’il se passe. S’ils sont en situation légale, on les accepte. Mais combien de gens ne travaillent pas dans les grandes villes. Ces gens-là n’ont rien à faire en France. Qu’ils retournent chez eux, avec la fin du droit du sol."

Pourquoi la question environnementale a été occultée pendant la campagne ?

Florence Loury : "Parce que le RN est dans le déni du réchauffement climatique, eux ne s’y intéressent pas. Notre démarche, c’est déjà de répondre à l’urgence sociale. Quand les personnes ne peuvent pas payer leur loyer, se chauffer ou manger, c’est difficile de les engager dans une transformation de nos modes de vie. Et après on lancera la lutte contre le réchauffement climatique."

Daniel Grenon : "La nécessité c’est de revenir dans de la construction raisonnable. On a bousillé la nature, on se retrouve avec des inondations, des réchauffements à droite à gauche. L’humain a besoin de se reprendre en main pour corriger les bêtises qu’il a faites."

Comment lutte-t-on contre les déserts médicaux ?

Florence Loury : "On régule l’installation des médecins, on leur demande de s’installer là où il n’y en a pas."

Daniel Grenon : "Nous sommes favorables au salariat des médecins. Et ils doivent s’installer 2-3 ans en zone tendue, dans les endroits où on a besoin d’eux."

Florence Loury s’oppose à la vente du camping d’Auxerre à l’AJ Auxerre. Le député doit-il soutenir le club à tout prix ?

Florence Loury : "Mes adversaires me font du chantage avec ça, c’est pas normal. Je défends le camping municipal et les Auxerrois. L’AJA peut se développer avec d’autres alternatives. Je ne reviendrai pas sur ma position, c’est irresponsable de me demander ça. Ils n’ont pas compris le danger du RN ?"

Daniel Grenon : "Le camping, je le connais pas, je ne sais même pas où c’est. Un camping ça se déplace. J’ai un camping-car, donc le camping ça me connait. L’AJA a toujours été quelque chose d’important. Faire ce projet permettra de développer de l’économie. L’AJA est l’ADN des Auxerrois et des Icaunais. Ça peut être l’occasion de refaire un camping plus moderne."

Soutenez-vous le contournement sud d’Auxerre ? Le NFP propose un moratoire sur les grands chantiers routiers.

Florence Loury : "Autoroutiers. J’ai toujours été favorable au contournement. En 2020, on l’avait mis dans notre programme aux municipales. Les Auxerrois l’attendent depuis très longtemps. J’habite dans le triangle infernal, donc j’ai bien conscience du sujet."

Daniel Grenon : "J’y suis très favorable. Durant les deux ans j’ai un peu ennuyé le préfet pour en terminer avec ça. Je serai même favorable au contournement total d’Auxerre. J’ai demandé qu’on se mette au boulot pour le contournement de Toucy."

Sophie Bardin, Antoine Compigne et Franck Morales
Photos Céline Niel