Médiateur scientifique au Museum des sciences naturelles d’Angers, Léo Tessier a transformé son jeu vidéo en ligne préféré, Animal Crossing, en musée virtuel. Pendant le premier confinement et en décembre dernier, il y a accueilli des centaines de visiteurs.
Léo Tessier n’imaginait certainement pas un jour exercer son métier via son jeu vidéo préféré. Lors du premier confinement, alors que le Museum des sciences naturelles d’Angers où il est médiateur scientifique avait fermé ses portes, il a eu l’idée de transformer son avatar d’Animal crossing en guide de musée virtuel. Phénomène mondial, ce jeu vidéo est tout simplement le bien culturel le plus vendu en France en 2020, avec plus d’un million d’exemplaires écoulés. « C’est un jeu en ligne “bac à sable” comme on les appelle. Il n’y a pas de but particulier, il s’agit de construire son univers. Le joueur est parachuté sur une île, dont il est l’unique propriétaire. À lui ensuite de la développer, de l’aménager. On peut y rajouter une plage, un camping ou un musée. Et la faire visiter à d’autres joueurs », explique Léo Tessier.
L’animateur est allé chercher ses pièces de collection directement dans la base de données d’Animal crossing. « Elle donne accès à toute la biodiversité de l’île, sa faune, sa flore et ses fossiles, de manière très réaliste. Avec la possibilité de faire le lien entre les espèces actuelles et leurs ancêtres. Toute l’histoire du vivant est brossée dans ce jeu. Mais il n’y a pas suffisamment d’informations sur les spécimens présentés. » C’est ici que Léo Tessier intervient, en guidant les visiteurs en ligne et en répondant en direct à leurs questions, via Skype.
Pendant le premier confinement et en décembre dernier, avec l’accord de la direction du Museum d’Angers et sur ses heures de travail, le médiateur scientifique a ainsi organisé une vingtaine de séances virtuelles, pour, au total plus de 200 curieux. « C’étaient des étudiants, des personnes âgées, des familles, de toutes classes sociales. Et ils ne résidaient pas uniquement en métropole. Il y en avait des quatre coins de la planète, de la Chine à l’île de la Réunion », rapporte-t-il.
Le dispositif est rendu possible par les progrès technologiques réalisés dans le secteur. « Cela n’aurait pas été imaginable il y a dix ans, Il est loin le temps des jeux de plateforme ou de tirs ! » se rappelle-t-il. Et pour que la formule musée-Animal crossing se démocratise, il faudrait encore lever plusieurs contraintes, comme la limite du nombre de visiteurs ou la nécessité de posséder la console Nintendo Switch qui permet de jouer en ligne.
S’il n’a pas encore de concurrent direct dans ce monde virtuel, Léo Tessier y voit fleurir une foule d’initiatives culturelles. « Même s’il ne remplacera jamais l’expérience sensorielle d’un véritable musée, le jeu vidéo peut être un excellent support pédagogique. Notre expérience prouve que l’on peut détourner son usage pour délivrer un discours pertinent au plus grand nombre », conclut-il.
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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