28 novembre 1956 : "Et Dieu créa la Femme", premier film du quasi inconnu Roger Vadim, est sur les écrans. La jeune actrice qui tient le premier rôle est sa femme, Brigitte Bardot.
La critique n'est pas tendre, à l'image d'un certain Paul Reboux qui écrit à propos de l'actrice qu'elle a "le physique d'une bonniche et la façon de parler des illettrés". Quant au public, il passe totalement à côté du film.
Mais le scandale couve. Il va éclater quelques semaines plus tard de l'autre côté de l'Atlantique et revenir en France comme un boomerang.
Aux Etats-Unis, les défenseurs de la morale et autres ligues de vertu oeuvrent pour faire interdire le film. L’archevêque de Lake Placid tente notamment d'acheter tous les billets du cinéma exploitant et va même jusqu’à promettre d’excommunier ceux qui iraient le voir. A Dallas, le chef de la police interdit les séances dans les salles réservées aux Noirs, car cela risquerait de les exciter et de provoquer des désordres...
La polémique américaine suscite la curiosité du public français et le film, dont la carrière avait démarré plutôt timidement en France, attire finalement les foules.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Le coup de génie de Vadim
Quelques années plus tard, le réalisateur expliquait avoir voulu "à travers Brigitte, restituer le climat d'une époque. Juliette est une fille de son temps, qui s'est affranchie de tout sentiment de culpabilité, de tout tabou imposé par la société, et dont la sexualité est entièrement libre. Dans la littérature et les films d'avant-guerre, on l'aurait assimilée à une prostituée. C'est dans ce film, une très jeune femme, généreuse, parfois désaxée, et finalement insaisissable, qui n'a d'autre excuse que sa générosité."
Avec le recul, il faut bien reconnaître que le scénario est assez banal et que la fin est assez conventionnelle mais, c'est la première fois qu'une femme exprime au cinéma son désir à l'égal d'un homme, et utilise son corps pour s'affirmer et conquérir la liberté. Et surtout, Bardot ne joue pas, elle est ! et elle devient l'emblème d'une petite révolution sexuelle... A tel point qu'en 1958, à l'exposition universelle de Bruxelles, le pavillon du Vatican, décoré sur le thème des sept péchés capitaux, illustre la luxure par une photo de Brigitte Bardot.
L'actrice devient avec ce film à la fois un mythe et un sex-symbol mondial, emblème de l'émancipation des femmes, symbole de la féminité, de la liberté sexuelle, d'une révolution des mœurs latente. Elle est aussi le modèle absolu de la femme libérée, auquel Simone de Beauvoir elle-même apporte sa caution :
Brigitte Bardot ne se soucie pas le moins du monde de l'opinion des autres [...] Elle suit ses penchants. Elle mange quand elle a faim et elle est amoureuse avec la même simplicité, sans cérémonie. Le désir et le plaisir sont pour elle plus convaincants que les préceptes et les conventions. [...] Elle fait ce qui lui plaît et c'est cela qui est troublant.
►Extrait de Brigitte Bardot and the Lolita Syndrome
Des milliers de femmes imiteront alors le style Bardot, copiant au moins ses ballerines, sa robe de Vichy rose et sa coiffure, si ce n'est son attitude face à la sexualité.
Naissance d'un mythe
L'autre star du film, c'est Saint-Tropez. Bardot connaît bien le village où elle venait en vacances avec sa famille. Vadim le découvre lors d'un repérage sur la côte en 1955. L'équipe du film s'installe donc au village, du 3 mai au 7 juillet 1956 et prend ses quartiers sur la plage de Pampelonne. Au bout de la plage, Patrice de Colmont possède un bout de terrain sur lequel il a construit un cabanon. Pendant les deux mois de tournage, il va s'improviser restaurateur. Le Club 55 est né. Les déjeuners se terminent par un dessert préparé par un pâtissier polonais appelé Micka, une tarte onctueuse à base de crème baptisée : la "Tarte tropézienne".
Anecdotes
Pour pouvoir imposer Bardot, alors quasi débutante, aux producteurs du film, Vadim dû accepter d'engager une "star internationale", en l’occurrence Curd Jurgens
Vingt-et-un ans plus tard, Roger Vadim réalisa lui-même le remake américain avec Rebecca De Mornay et Frank Langella.
Références