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Du passé de Berthe Faquet, force est de constater que nul ne peut être péremptoire à ce sujet : née en 1885, ou peut-être en 1901, vraisemblablement à Brest ou dans ses environs (même si certains soutiennent mordicus qu’elle voit le jour dans le Tarn ou le Lot-et-Garonne), la jeunesse de la future Berthe Sylva est un mystère. Si l’hypothèse d’une genèse Bretonne est à ce jour la plus crédible, le parcours de jeunesse de la jeune fille reste globalement inconnu.
Ce n’est qu’aux alentours de 1910 que des témoins fiables attestent de sa présence à Paris. Est-elle alors l’une de ces petites bonnes bretonnes qui, à l’instar du personnage de Bécassine, quittent leur Armorique natale pour trouver un travail de domestique à la capitale ? Cette possibilité est évoquée, même si, à la fin de sa vie, la principale intéressée évoquera, dans une interview, une enfance occupée à voyager aux quatre coins du monde. Mythomanie ? Propos sciemment déformés (voire inventés de toutes pièces) par le scribouillard chargé de l’entretien ? Paroles tenues sous l’empire de l’alcool ? Aujourd’hui encore, les spéculations vont bon train.
C’est aujourd’hui dimanche...Chanteuse de cabaret, elle ne perce réellement que bien après la première guerre mondiale, en 1926, lorsqu’elle se fait l’interprète des « Roses blanches », une chanson tragique narrant les dernières heures d’une mère âgée à qui son fils apporte des fleurs dans sa chambre d’hôpital. Composée par l’accordéoniste de music-hall Léon Ratier, le titre est un succès immédiat qui fait de Berthe Sylva l’une des grandes dames de la chanson parisienne qu’on vient applaudir à La Gaieté Montparnasse ou au Bataclan. L’image de « chanteuse de la misère » traditionnellement associée à Berthe ne doit cependant pas faire oublier que son répertoire ne fut pas composé que d’histoires de dépression, d’absinthe et de pavé sordide car au milieu de ses titres noirs figurent quelques morceaux largement plus gais comme « Frou-frou », « Le tango des fauvettes » ou « Mousmé d’amour».
La môme du pavé de PanameÀ partir de 1927, elle partage l’affiche et sa vie avec Fred Gouin, un chanteur fantaisiste de cabaret avec lequel elle enregistre quelques duos amoureux comme « Ferme tes jolis yeux ». Avec les années 30, Berthe Sylva est au sommet de la gloire et ses tours de chant à travers tout le pays suscitent parfois des émeutes. Bien avant Gilbert Bécaud, Berthe Sylva électrise les foules et provoque ravages et scènes d’hystérie dans les cafés-concerts de la France des Années Folles, fort justement nommées. Mais la vie mondaine a aussi ses revers et c’est probablement à cette époque que Berthe sombre dans l’alcoolisme, d’abord de manière festive, puis, au fil du temps, de manière compulsive et sordide.
Elle n’en enregistre pas moins quelques morceaux restés célèbres comme « Les Mômes de la cloche », « Vient danser quand même », « Le Joli fusil » (une métaphore sexuelle assez osée pour l’époque) ou « On n’a pas tous les jours vingt ans ». Elle pose également sa voir sur la bande originale de L’Ange Bleu, de Josef Von Sternberg. Mais le succès s’arrête brusquement à la fin de cette décennie. Rongée par la boutanche, Berthe Sylva ne peut tenir certains engagements contractuels et, de fait, ne travaille plus de 1938 à 1940.
Son mode de vie d’oiseau de nuit ayant écorné de manière définitive ses économies, son train de vie se réduit de manière drastique. Tombe t’elle cependant dans une misère aussi sordide que certains journalistes et biographes le prétendent ? C’est discutable.
La légende tragiqueLorsque la guerre éclate, Berthe Sylva est à Marseille, seule et rongée par l’alcool. Une relation cordiale avec le chansonnier Darcelys, rencontré dans la cité phocéenne, aurait peut-être pu l’aider à remonter professionnellement la pente, mais son corps fatigué en décide autrement et Berthe Sylva décède le 26 mai 1941, laissant derrière elle la légende d’une chanteuse tragique, abîmée par la vie et dont le répertoire fut consacré à chanter la misère de son temps. Une aura certes noire, pas si justifiée que ça, mais qui colle encore à sa mémoire longtemps après sa mort.