Robert Sylvester Kelly est né à Chicago le 8 janvier 1967, au sein d'une famille pauvre, sa mère élevant seule ses quatre enfants dans une HLM du South Side. Encore enfant, R. Kelly est violenté et peut-être abusé sexuellement et songe même au suicide. Il est « sauvé » par sa professeure de musique, à l'école, qui décèle en lui un talent précoce et lui prédit qu'il travaillera un jour avec Stevie Wonder et Michael Jackson, ce qui s'est révélé exact.
En attendant, il quitte l'école pour aller faire la manche aux arrêts de bus et ne tarde pas à fonder le groupe MGM avec un ami. Après un single obscur, le groupe devient Public Announcement et se fait repérer par le label Jive qui leur permet d'enregistrer un album. Born Into the 90's sort début 1992 et contient quelques hits qui font remarquer le groupe, et surtout son leader de fait. La tournée qui suit est d'ailleurs estampillée R. Kelly And Public Announcement.
La suite était prévisible, R. Kelly, dont les ambitions dépassent le cadre étroit du New Jack Swing que pratique Public Announcement, signe en tant qu'artiste solo et démarre une carrière qui va se révéler juteuse. Dès 1993, il sort 12 Play (jeu de mot sur foreplay, « préliminaires » en anglais), un album bourré de tubes explicitement sexy comme « Bump & Grind », son premier n° 1, mais aussi « Sex Me » ou « Your Body's Callin' ».
L'évidence de son style lui fait vite endosser la casquette de producteur, en parallèle à ses propres disques. Il signe l'album d'Aaliyah (qui lui apporte son premier scandale, quand on apprend qu'il aurait épousé sa jeune protégée, de 15 ans à peine), le duo Changing Faces, mais aussi des remixes pour Janet Jackson et travaille avec son frère Michael Jackson sur « You Are Not Alone », tube de son album HIStory, en 1995.
À l'instar de Prince, R. Kelly est un homme-orchestre : sur son deuxième album (R. Kelly, 1995), il joue de tous les instruments, écrit, compose et produit tous les titres. L'album brille par son tube majeur, « You Remind Me of Something », mais aussi par ses duos avec Notorious B.I.G. et avec The Isley Brothers. Le disque est n° 1 au classement et contribue à forger la légende de cet homme qui passe sa vie enfermé dans son studio, ne s'en échappant que quelques heures, au coeur de la nuit, pour aller jouer seul au basket-ball, son autre passion, dans un gymnase voisin.
« I Believe I Can Fly » arrive peu après, en 1996. C'est Michael Jordan lui-même, l'autre star de Chicago, qui demande à R. Kelly de lui composer un morceau pour son film Space Jam, dans lequel le basketteur mythique des Chicago Bulls joue avec des personnages de dessin animés. La chanson est n° 1 dans de nombreux pays et devient l'emblème de R. Kelly, qui a un peu laissé de côté ses préoccupations sexuelles pour des textes plus introspectifs. On la retrouve sur le double album R., qui sort en 1998 et devient le plus gros succès de R. Kelly avec plus de huit millions de doubles albums écoulés aux États-Unis.
Sur cette somme, le solitaire chicagoan signe une fois encore les trente chansons tout seul et joue de tous les instruments, mais il s'autorise quelques collaborations juteuses pour la production de quelques titres, avec P. Diddy, ses Hitmen ou encore Trackmasters. Il invite aussi quelques rappeurs (Nas, Foxy Brown, Jay-Z...) mais aussi Céline Dion, avec qui il interprète en duo le tube « I'm Your Angel ». Toujours sur la brèche, il écrit les chansons des films Batman & Robin, Shaft (le remake) et Ali, qui lui permettent d'aligner de nouveaux tubes.
Dès 2000, il propose un nouvel album, TP-2.com, dix-neuf nouvelles chansons parmi lesquelles « I Wish » et surtout « Fiesta », dont le remix, avec Jay-Z, est un tube énorme. La proximité avec Jay-Z, devenu le rappeur le plus populaire aux États-Unis, leur suggère de réaliser un album entier de duos. Ce sera Best of Both Worlds, un album choral entre le « king » du R&B et celui du rap, dont le succès annoncé et la tournée qui suit sont brutalement coupés dans leur élan quand surviennent les premiers ennuis juridiques de l'artiste.
On l'a vu avec son vrai-faux mariage avec l'adolescente Aaliyah, l'homme affiche un goût prononcé pour les ébats sexuels avec des filles très jeunes, qu'il a en outre coutume de filmer, prenant le risque de voir circuler des vidéos un peu trop explicites pour la morale commune. Ainsi il commence à être cité à comparaître par quelques conquêtes d'un soir qui, le lendemain, devaient se lever pour aller à l'école. Ainsi aucun clip n'est réalisé pour Best of Both Worlds, qui démarrait pourtant à la deuxième place des charts lors de sa sortie, Jay-Z préférant se « désolidariser » un moment de cette proximité trop tapageuse.
De retour dans son studio, R. Kelly enregistre un nouvel album, Loveland, dont l'essentiel des chansons se retrouve sur internet avant même sa sortie. Il décide donc d'en annuler la mise sur le marché et de retravailler sa matière pour sortir en 2003 Chocolate Factory, un nouvel album de 17 titres, dont une édition comporte un deuxième CD avec sept chansons « sauvées » de Loveland. Il en profite pour glisser un petit mot d'excuses pas franchement claires pour ses fans.
Chocolate Factory est un nouveau succès, huit singles en sont tirés, dont « Ignition », « Step in the Name of Love », « Who's That » avec Fat Joe ou « Snake », qui permettent à l'album de franchir la barre des trois millions d'albums vendus aux États-Unis. Décidément intarissable, il met sur le marché un nouveau double album en 2004, Happy People / U Saved Me, un disque nettement inspiré par la soul (pour le premier disque) et le gospel (pour le second), comme l'était son hit « Step in the Name of Love », dont il perpétue ici l'esprit. Il en écoule encore trois millions avant de clore l'aventure avec Jay-Z, par un nouvel album à deux têtes, Unfinished Business, qui sort aussi en 2004 et se classe encore n° 1 des ventes. Mais la tournée censée le promouvoir tourne court, encore une fois, en raison d'embrouilles et de voies de fait entre les entourages de deux mega stars de la musique afro-américaine des années 2000.
En 2005, l'homme qui ne dort jamais sort un nouvel album, TP-3 Reloaded, un disque partagé en deux parties. D'abord une série de chansons avec cette fois de nombreux invités (Snoop Dogg, The Game, le Jamaïcain Elephant Man, Baby, Twista). Beaucoup de rap, donc ; mais ensuite, R. Kelly livre une sorte de saga en cinq chapitres,« Trapped in the Closet », qui lui aurait été inspirée par la série Desperate Housewives. C'est le seul vrai tube de cet album, que l'artiste décline aussitôt en un DVD filmé comme une comédie musicale ou un opéra auquel il ajoute de nouveaux chapitres. Ce monument de kitsch sera très populaire, mais également deviendra un sujet de parodies sans fin, dans les shows télévisés ou dans le dessin animé South Park, qui en donnent des versions « déviantes ».
En 2007, l'album Double Up vient relever les compteurs, avec le hit « I'm a Flirt » avec T.I. et T-Pain, deux rappeurs à succès du Sud, mais aussi « Same Girl » avec Usher, « Double Up » avec Snoop Dogg, « Rock Star » avec Ludacris et Kid Rock, et « Tryin' to Get a Number » avec Nelly. C'est encore un album n° 1, qui dépasse le million d'exemplaires, alors que le marché s'écroule.
Il semble que l'artiste, avare en interviewes, ne puisse s'exprimer qu'à travers son travail, comme un exutoire à ses problèmes. Car une nouvelle affaire, plus grave que les « habituelles » tentatives d'extorsions de fonds, a éclaté en 2002. C'est encore une cassette vidéo, mais que cette fois on va trouver sous le manteau à tous les coins de rue et bien sûr sur le web. On y voit un homme qui ressemble trait pour trait à R. Kelly, en pleins ébats érotiques variés, incluant des pratiques exotiques à base d'urine, avec une fille de 14 ans. Au bout de six ans d'instruction, R. Kelly sort blanchi en juin 2008 ; d'autres charges, à propos d'autres images de pornographie infantile trouvées dans un appareil photo en Floride, finiront également par n'aboutir à aucune poursuite légale. Mais de l'accumulation, on peut déduire que R Kelly joue avec le feu. Il est d'ailleurs étonnant de constater que la plus grosse star de la musique noire des années 1990/2000 partage avec celle des années 1970/1980 ce type de fantaisie coupable.
L'année 2009 voit R. Kelly revenir avec Untitled. Si l'album conserve des bonnes ventes aux États-Unis, l'aura de R.Kelly semble pâlir dans le reste du monde. L'abscence d'un tube vraiment universel y est certainement pour quelque chose. Avec Love Letter, paru en 2010, et encore plus Write Me Back en 2012, R. Kelly abandonne le R&B actuel pour revenir à la soul et au disco des années 1970. Cette métamorphose réussie fait définitivement de R. Kelly le successeur idéal de Barry White. Ces deux albums confirment cependant la baisse continue de ses ventes, Write Me Back ne trouvant que deux-cent-cinquante mille acheteurs américains à sa sortie.
En 2013, R. Kelly cherche à redorer son blason en participant au succès des singles « Do What You Want » de Lady Gaga (sur l'album ARTPOP) et « PYD » avec Justin Bieber, qui lui permettent de revoir le haut des charts. Il réalise la même année l'album Black Panties, qui accueille les collaborations de Kelly Rowland, 2 Chainz, Ludacris et Young Jeezy. Deux ans plus tard paraît son treizième album The Buffet, incluant le trio « Switch up » avec Lil Wayne et Jeremih.