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Natif du Nord de la France, c’est bien loin de l’Andalousie qu’Eric Antoine Hubert Morena voit le jour en 1951 en dépit d’une authentique ascendance espagnole. Originaire d’une famille de musiciens marqués par une profonde catholicité, le jeune homme est très vite envoyé au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, dans le but d’exercer par la suite un sacerdoce de prêtre.
En dépit de ses études théologiques poussées au sein d’une congrégation, Eric Morena n’en continue pas moins de pousser la chansonnette, notamment en imitant ses idoles que sont Dario Moreno et Luis Mariano entre deux Pater noster et trois Ave Maria. Une première expérience de missionnaire, en Afrique, le fait douter de sa vocation ecclésiastique, d’autant qu’à la même époque, le jeune homme sent que la chair le tente « à l’envers de la Nature » comme le disait l’un des moines du Nom de la Rose. Revenu en France, il choisit de quitter le séminaire et de tenter sa chance à Paris en 1981.
Oh ! Mon bateau !Passionné d’opéra, d’opérette, de théâtre et de mise en scène, Eric Morena s’inscrit au Conservatoire d’Art lyrique de Paris où il reçoit l’enseignement d’Henry Legay et de Lucien Lupi, ancien partenaire de Luis Mariano à la scène. Apprenant le travail de la voix et du jeu de scène, ses capacités vocales le poussent à entamer une carrière de ténor et de contre-alto dans plusieurs opérettes jouées à l’Opéra de Paris ou au Théâtre du Châtelet.
Cependant, il songe à une carrière plus ambitieuse et, s’il reste une valeur sûre de l’opérette parisienne, interprétant Bizet ou Offenbach, il n’en estime pas moins que le monde du show-business est prêt à accueillir un nouveau chanteur d’opérette populaire. Presque par jeu, il enregistre une cassette de démo et entame la tournée des maisons de disques. L’un des titres retient particulièrement l’attention de l’éditeur Wagram qui propose un contrat au chanteur. « Oh ! mon bateau ! », sorti en 1987 emporte l’adhésion d’un large public, d’autant que le morceau est servi par un clip promotionnel assez novateur pour l’époque.
Flanqué d’une bonne dose d’humour parodique et de second degré, le chanteur se hisse bientôt en tête du Top 50 et commence une large tournée à travers toute la France, imposant son personnage de hidalgo rigolard à la manière d’un Luis Mariano jovial se prenant peu au sérieux.
Consacré par une Victoire de la musique, Morena est sacré « Artiste de l’année 1987 » pour son million de disques vendus et le clip humoristique de « Oh ! Mon bateau ! » est récompensé par un Lion d’Argent à Cannes.
Le torero de l’amourSur la lancée de « Oh ! Mon bateau », Eric Morena sort quelques 45-tours qui se classent très honorablement sans les charts sans cependant parvenir à concurrencer le succès de son premier tube. « Je suis le torero de l’amour », « Porto Rico », « Ramon et Pedro », « Fiesta Morena » ou « Si tu vas à Dario » (en hommage à son presque homonyme Dario Moreno) jouent à fond sur les clichés de l’exotisme hispanisant et sud-américain mais restent des hits de fêtes populaires.
Ce n’est qu’en 1989 que le chanteur sort enfin son premier album, Oh ! Mon Album qui, s’il s’écoule correctement, ne remporte pas forcément le succès escompté. Deux ans se sont écoulés depuis la sortie de son tube et l’intérêt du public pour l’Andalou de Saint-Omer s’est largement émoussé, malgré un ambitieux spectacle créé spécialement pour lui par Francis Lopez où, entouré de cinquante musiciens, Eric Morena reprend les plus grands airs de l’opérette classique, de Carmen au Chanteur de Mexico.
Années de plomb pour une voix d’orDès lors commence sinon la descente aux enfers, du moins la traversée du désert pour le chanteur qui n’intéresse plus les maisons de disques. Revenant à ses premières amours, Eric Morena retourne sur les planches, mais ce sont surtout les galas en province et les animations de boîtes de nuit qui constituent alors l’essentiel de ses prestations publiques.
Il n’est guère le premier chanteur des années 1980 à n’avoir qu’un petit tour de scène avant de retomber dans l’oubli, d’autant que le décès de son compagnon, en 1992, le fait entrer dans une longue période de dépression dont seul le sort occasionnellement le fantaisiste Patrick Sébastien qui lui offre la possibilité de participer à ses célèbres tournées d’été pour ne pas complètement perdre pied avec la scène.
Si tu reviens à Rio...Eric Morena ne rentre à nouveau en studio que pour l’enregistrement d’une compilation des plus grands airs d’opérette, Si Tu Vas à Rio, en 1996, la même année où sort une première compilation de ses plus grands succès. Si le public revient applaudir le ténor, ce retour en grâce ne permet cependant pas à Eric Morena de relancer une carrière d'envergure nationale, quoi que cette nouvelle rencontre avec le public le remet en forme pour entamer de nouveaux projets artistiques.
Choisissant de jouer la carte de l’humour référentiel et de la parodie, Eric Morena participe à de nombreux spectacles et passe près d’une décennie de gala en gala avant d’entamer à nouveau, en 2005, l’enregistrement d’un nouvel album de reprises : Eric Morena l'Enchanteur, sur lequel il reprend tous les tubes des mariages et des fêtes populaires, de « Brigitte Bardot », à « Si tu vas à Rio », en passant par « Couroucoucou Paloma » et « Tout l’amour que j’ai pour toi », autrefois chanté par Dario Moreno.
Tournant avec plusieurs formations classiques ou flamenco (la compagnie Magenta, le Grand Orchestre de René Coll...), Eric Morena enregistre en 2006 un nouvel album, en hommage, cette fois, à son maître, Francis Lopez, décédé onze ans plus tôt. Hommage à Francis Lopez reprend donc quelques-uns des plus grands airs du compositeur dont bien entendu « La Belle de Cadix », « Méditerranée », « Le Chanteur de Mexico » ou « Le Prince de Madrid ». Classé Disque d’or, cet hommage à un disparu signe ironiquement la résurrection d’un artiste qui reste l’une des dernières « voix d’or » de l’opérette traditionnelle.