Née à Moscou le 18 février 1980, Regina Spektor suit des cours de piano très jeune, incitée par un père violoniste et une mère professeur de musique. À neuf ans, La jolie poupée russe est transportée dans le quartier new-yorkais du Bronx, pour cause d'émigration familiale à l'Ouest. Cette double culture deviendra l'essence même de sa musique : « La culture russe est en moi, au même titre que l'est la culture américaine (plus particulièrement la diversité du Bronx). Si je vivais à Moscou aujourd'hui, je ferais certainement quelque chose d'artistique, mais je suis incapable de m'imaginer en train de chanter en russe. Ma musique est très liée à la langue anglaise et à la part américaine en moi ». En effet, Regina Spektor a eu le temps de se familiariser avec les oeuvres des Beatles et des Moody Blues, alors qu'elle vivait encore en Union soviétique, grâce aux cassettes achetées par son père au marché noir.
De Moscou à New York
Malgré les difficultés matérielles, Regina Spektor continue l'étude du piano et de la musique classique (Bach et Mozart) grâce à l'aide d'un professeur qui accepte de l'accompagner bénévolement. Un apprentissage qui se retrouve aujourd'hui dans ses compositions. Armée de son diplôme du troisième cycle du Conservatoire Purchase à New York (acquis en 2001), elle commence à composer et prend d'assaut les bars de la « Grosse Pomme ».
Après plusieurs concerts au Sidewalk Café dans Greenwich Village, repaire des artistes de la génération « anti-folk », elle est adoptée par les tenants de cette scène qui prend racine dans le folk des années 1960 et le combine à un son brut ou des expériences sonores, dont les Beck, Ani DiFranco ou Jeffrey Lewis sont les grands exemples. D'autres lieux comme le Living Room, la Knitting Factory et la CB's Gallery l'accueillent favorablement. Mais les temps sont difficiles, et les petits boulots s'enchaînent les uns après les autres, notamment le job de « chasseur de papillons ».
À vingt et un ans, Regina Spektor finit par auto-produire un premier disque : 11:11 (2001), un album centré autour de sa voix cristalline. Car c'est cette voix qui fait sa force et sa différence, une voix qu'elle utilise comme un véritable instrument de musique tant la maîtrise de ses cordes vocales est parfaite. Parolière remarquable, ses textes transcendent le quotidien où le tragique le dispute à l'humour.
Classique instantané
En 2002, l'album Songs, toujours avec la formule piano-voix, envoûte un public connaisseur et conquiert un réseau de fans plus large. Le charme agit notamment sur Julian Casablancas (le leader des Strokes), qui lui offre les premières parties de ses concerts américains. Regina Spektor enregistre également un duo avec le groupe, « Modern Girls and Old Fashioned Men », sur leur EP Reptilia. Continuant la saga des premières parties, c'est celle des Kings Of Leon qu'elle assure en 2003, sur leur tournée européenne. Cette rencontre décisive va lui permettre de sortir son troisième album sur un grand label (Sire Records, affilié à Warner). Beaucoup moins jazzy et plus sombre que les disques précédents, Soviet Kitsch paraît en 2004, co-produit par Gordon Raphael (The Strokes) et Alan Bezozi. Soviet Kitsch (intitulé ainsi d'après une expression de Milan Kundera), énorme succès outre-Atlantique, la fait jouer à guichetss fermé plusieurs fois de suite au Town Hall de New York. Il est de ces albums qui deviennent des classiques instantanés, à la manière du Grace de Jeff Buckley.
Le quatrième album Begin To Hope (paru en 2006 en Europe), quoique différent du précèdent (jugé « trop commercial ») est un énorme succès grâce à des chansons comme « Fidelity » ou « Better ». La musique de Regina Spektor se retrouve désormais même en génériques de séries TV américaines telles que WEED ou Grey's Anatomy. Observer la société, ses travers et faux-semblants et nous les chanter : voilà le rôle que cette pianiste et chanteuse confirmée s'est attribué. Son style si épuré, aux origines diverses, possède cette étrange chimie de musique classique et moderne, ce côté « méli-mélo » tellement efficace. Sans trop changer de registre, Regina Spektor séduit toujours sur les albums studio suivants Far en 2009 et le nostalgique What We Saw From The Cheap Seats en 2012. Quatre ans plus tard, la chanteuse livre son septième album, Remember Us to Life, introduit par deux singles, « Blinding Heart » et « Small Bill$ ».