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Né le 18 mars 1941 à Prattville (Alabama, Etats-Unis), cadet d’une famille de onze enfants, attrape tôt le virus de la musique, en chantant dans les chœurs d’une église baptiste. Mais sa jeunesse n’a rien d’idyllique, et c’est en enfant régulièrement battu par une mère abusive que Wilson Pickett grandit : à l’âge de quatorze ans, il quitte le foyer maternel pour aller vivre avec son père, à Detroit. Toujours passionné par le chant, il se produit dans la rue avec de petits groupes de jeunes de son âge, ainsi que dans les églises, où il interprète du gospel.
Les débuts de Mr. PickettC’est précisément dans un ensemble de gospel, The Violinaires, qu’il connaît sa première expérience musicale à peu près professionnelle : durant quatre ans, les jeunes chanteurs en herbe suivent en tournée à travers les Etats-Unis différents groupes de musique religieuse. Mais le gospel, s’il est très populaire auprès de la communauté noire américaine, demeure limité aux pratiques cultuelles et ne nourrit pas toujours forcément son homme : le jeune Wilson Pickett commence à avoir des fourmis dans les jambes et, constatant que plusieurs chanteurs de gospel ont trouvé gloire et fortune en passant à la musique laïque, envisage de quitter lui-même le cadre religieux. Il en a bientôt l’occasion quand Willie Scofield, l’un des chanteurs du groupe The Falcons, dont la renommée va grandissant à Detroit, l’invite à les rejoindre.
Agé de dix-huit ans, Wilson Pickett obtient son premier ticket pour la gloire en rejoignant l’un des groupes pionniers de la soul music, cette version laïcisée du gospel, alors en pleine gestation. Le jeune homme se fait vite une place au sein des Falcons, et s’affirme comme l’un des éléments moteurs du groupe, écrivant certaines chansons et y apparaissant comme chanteur principal : en 1962, il co-écrit et interprète en vedette le tube « I Found a Love ». La rencontre avec l’auteur-chanteur Don Covay inspire néanmoins Wilson Pickett, qui envisage de plus en plus une carrière solo : enregistrant de nouvelles chansons, il se lance dans la réalisation d’une maquette de démonstration avec le titre « If You Need Me ». Pickett envoie la chanson au label Atlantic Records… qui s’empresse de la faire enregistrer par l’un de ses artistes maison, Solomon Burke. Abasourdi de se voir souffler sous le nez la chanson qui aurait pu le lancer – et qui, comble de l’injure devient un tube, mais sans son interprète original –, Wilson Pickett ne se décourage pas, et entre chez le label Double L Records.
Il obtient son premier vrai succès en 1963 avec le titre « It’s Too Late ». Remis en selle, le chanteur a la suprême satisfaction de voir Atlantic Records, les «voleurs de chanson », venir le chercher et ouvrir leur portefeuille pour racheter son contrat à Double L pour l’inclure à leur catalogue. Désormais porté par un solide label, Wilson Pickett commence à sortir des disques, parmi lesquels des enregistrements datant de ses années de vaches maigres, mais peine tout d’abord à s’imposer. Il doit attendre 1965 pour triompher avec « In the Midnight Hour », chanson mise sur pied avec l’équipe d’Atlantic : le morceau est numéro un des ventes de disques de rhythm 'n' blues, et remporte également un énorme succès en Europe. Personnage explosif dans sa vie privée (assez caractériel, il aime un peu trop jouer des flingues dont il fait collection), Wilson Pickett impose son style de chant énergique, aidé d’un timbre particulièrement puissant, qui fait de lui l’une des voix soul les plus viriles et sexy.
Groove dans l’entrepôtDans la seconde moitié des années 1960, Wilson Pickett enchaîne les hits, grâce notamment à ses collaborations avec les compositeurs Eddie Floyd et Steve Cropper, ainsi qu'avec Isaac Hayes aux claviers : pour la seule année 1965, après le carton plein de « In the Midnight Hour », il enchaîne avec « 634-5789 (Soulsville, U.S.A,) », « Don’t Fight It » et « Ninety-Nine and a Half », autant de titres qui prouvent l’étendue du registre vocal du chanteur, tout en renforçant son succès commercial.
Cornaqué par le producteur Jerry Wexler, il enregistre plusieurs sessions aux Fame Studios, véritable pépinière de musique soul créée par Jim Hall, logés dans un ancien entrepôt de tabac à Muscle Shoals, en Alabama : les versions par Wilson Pickett des chansons « Funky Broadway » et « Mustang Sally » sont des hits qui renforcent son statut de star. « Land of 1000 Dances » lui permet de s’imposer sur le marché de la pop et devient l’une de ses chansons les plus populaires en concert : il en arrive à l’interpréter presque aussi souvent que son standard n°1 « In the Midnight Hour ». A moins de trente ans, Wilson Pickett, qui écrit ou co-écrit souvent ses propres titres, est désormais l’une des principales vedettes de la musique noire américaine.
Dans les locaux de Fame Studios et dans ceux de la maison-mère Atlantic, l'artiste multiplie les séances avec des musiciens comme Bobby Womack (avec qui il conçoit plusieurs hits, dont « I’ve Come a Long Way ») ou le guitariste de rock sudiste Duane Allman (The Allman Brothers). En 1968, l’album The Midnight Mover porte particulièrement la marque de la contribution de Womack. Avec les auteurs-producteurs Kenneth Gamble et Leon Huff, Pickett conçoit, au tournant des années 1970, les tubes « Get Me Back On Time, Engine Number 9 » et « Don’t Let the Green Grass Fool You ». Titre quelque peu prophétique car Wilson Pickett va bientôt découvrir, dans les années suivantes, que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.
Sortie de routeEn 1972, au faîte de son succès, Wilson Pickett quitte Atlantic Records pour aller travailler chez un label concurrent, RCA Records. S’il continue de signer de beaux succès, avec des titres comme « Mr. Magic Man » et « Soft Soul Boogie Woogie », ses ventes commencent un peu à décliner, les modes musicales des années 1970 évoluant de plus en plus vite. Une superstition, parmi les musiciens des années 1960, voulait qu’une sorte de malédiction pesât sur les artistes quittant des labels comme Motown ou Atlantic, qui n’arrivaient plus à rien faire de bon ensuite.
Quel que soit le crédit pouvant être accordé à ce genre de « légende urbaine », il faut hélas observer que Wilson Pickett est rapidement la victime d’une certaine scoumoune. Avec l’évolution du rhyhtm 'n' blues, la soul a moins la cote et l’ex-prodige rejoint le cortège des victimes de la mode. En 1975, RCA met sans autre forme de procès un terme à son contrat avec Wilson Pickett : dix ans à peine après son accession à la gloire avec « In the Midnight Hour », le chanteur se retrouve quasiment au point de départ. Il gère son propre label, Wicked (vicieux, comme son surnom), et revient enregistrer au mythique entrepôt.
A la fin des années 1970, il travaille pour le label EMI et signe l’album I Want You. Mais, s’il continue de tourner et de se produire, accompagné de son groupe The Midnight Movers, la discographie de Wilson Pickett s’espace de plus en plus avec les années 1980. Sept ans s’écoulent ainsi entre les albums Right Track (1980) et American Soul Man (1987). N’étant plus sur le devant de la scène, le chanteur n’en est pas mois actif comme auteur et continue d’écrire des chansons régulièrement reprise par des collègues, parmi lesquels Bruce Springsteen, Aerosmith, les Rolling Stones ou même Genesis.
Respecté comme pionnier et parrain de la soul (un hommage appuyé lui est rendu en 1991 dans le film The Commitments, réalisé par Alan Parker), Wilson Pickett a cessé d’être une force motrice de la musique américaine. Si l’artiste s’est effacé, une des raisons en est sans doute l’homme lui-même, dont le caractère difficile et les excès de boisson rendent la vie assez chaotique. Il multiplie ainsi les inculpations et/ou les condamnations, d’abord pour port d’armes, puis pour consommation de drogues, puis pour avoir, apparemment sous l’emprise d’une substance, menacé de mort le maire d’une commune du New Jersey, enfin pour avoir frappé sa compagne. Bien que chargé d’honneurs pour l’ensemble de sa carrière et redécouvert par de nouvelles générations, le soul man semble appartenir au passé.
En 1993, ivre au volant, Wilson Pickett renverse un octogénaire, qui meurt quelques temps plus tard : pas fier, le chanteur plaide coupable et écope d’un an de prison ferme, suivi de cinq ans de liberté conditionnelle. Ce n’est qu’en 1999 que l’interprète de « In the Midnight Hour » réalise son vrai come back, avec l’album It’s Harder Now, qui lui vaut une nomination aux Grammy Awards et réveille l’intérêt du public et des professionnels pour sa carrière. Remis d’aplomb, Wilson Pickett est aussi relancé sur les routes : les années suivantes se passent pour lui essentiellement sur les planches, au rythme des dizaines de concerts que donne chaque année ce vétéran ressuscité.
Mais, en 2004, la santé du chanteur commence à le rattraper et il doit s’arrêter de tourner pour se soigner. Il envisage de racheter son âme en revenant au gospel le temps d’un nouvel album, mais n’en aura malheureusement pas le temps. Le 19 janvier 2006, il meurt d’une crise cardiaque à Ashburn (Virginie), laissant le souvenir d’un vétéran dont la contribution essentielle à la musique américaine ne peut que faire regretter une carrière tragiquement en dents de scie.