Jacques Delors, ancien ministre et figure de la construction européenne, est mort
L'ancien président de la Commission européenne, père de l'euro et figure de la gauche française, Jacques Delors, est mort ce mercredi 27 décembre à 98 ans, a annoncé sa fille Martine Aubry.
"Il est décédé ce matin à son domicile parisien dans son sommeil", a déclaré la maire socialiste de Lille.
Jacques Delors, né à Paris le 20 juillet 1925 dans un milieu simple et catholique, a travaillé avec le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas de 1969 à 1972 avant d'adhérer au Parti socialiste en 1974 à l'âge de 49 ans dans l'espoir "d'être utile".
À la tête des Finances publiques sous François Mitterrand (1981-1984), il fut l'un des initiateurs du tournant de la rigueur à partir de 1982, évitant à la France de plonger dans l'inflation.
Un Européen convaincu
Depuis Bruxelles où il restera à la tête de la Commission de 1985 à 1995, Jacques Delors a joué les architectes pour façonner les contours de l'Europe contemporaine: mise en place du marché unique, signature des accords de Schengen, Acte unique européen, lancement du programme Erasmus, réforme de la politique agricole commune, mise en chantier de l'Union économique et monétaire qui aboutira à la création de l'euro...
Il a activement participé à la construction de l'Europe des 12. Son grand combat? La réunification de l'Allemagne alors divisée en deux blocs. Cet Européen convaincu avait également été eurodéputé de 1979 à 1981.
Cet ancien ministre de l'Économie avait douché les espoirs de la gauche en refusant de se présenter à l'élection présidentielle de 1995 alors qu'il était le grand favori des sondages. Un renoncement spectaculaire à la télévision, lors de l'émission "7 sur 7" présentée par Anne Sinclair, devant 13 millions de téléspectateurs.
"Je vais atteindre 70 ans, je travaille sans relâche depuis 50 ans et il est plus raisonnable, dans ces conditions, d'envisager un mode de vie plus équilibré entre la réflexion et l'action", avait-il déclaré, ses yeux bleus tombants face à la caméra.
"Je suis un social-démocrate"
Il est revenu en 2021 sur cette décision dans les colonnes du Point: "Je n'ai pas de regrets", mais "je ne dis pas que j'ai eu raison", avait-il déclaré.
"J'avais un souci d'indépendance trop grand, et je me sentais différent de ceux qui m'entouraient. Ma façon de faire de la politique n'était pas la même".
Du gaullisme social avec Chaban-Delmas à l'union de la gauche, puis au social-réalisme aux côtés de François Mitterrand, Jacques Delors a tracé les contours d'une deuxième gauche française.
"Je suis un social-démocrate", résumait-il dans Le Point.
vant de faire son entrée en politique, cet admirateur de Pierre Mendès France est entré à la Banque de France, puis a adheré à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et a participé à la déconfessionnalisation du syndicat, qui donne naissance à la CFDT.
Après son renoncement à la course présidentielle en décembre 1994, sa carrière politique a marqué le pas et c'est presque en simple militant que Jacques Delors a poursuivi ses combats partir du milieu des années 90.
Avec ses centres de réflexion, "Club témoin" ou "Notre Europe" (devenu ensuite "Institut Jacques-Delors" et installé à Paris, Bruxelles et Berlin), il a plaidé jusqu'au bout pour un renforcement du fédéralisme européen, réclamant davantage "d'audace" à l'heure du Brexit et des attaques de "populistes de tout acabit".
En mars 2020, il avait appelé les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE à plus de solidarité au moment où ces derniers s'écharpaient sur la réponse commune à apporter à la pandémie de Covid-19.