Bernard Louis Philippe �douard CUMENGE (1828-1902)

Polytechnique (promotion 1845 ; sorti class� 7�me sur 131 �l�ves). Ecole des Mines de Paris (entr� class� 4�me sur 7 �l�ves). Corps des mines.

Fils de Hugues Henri Anachardis CUMENGE, n�gociant, et de Irma CORBI�RE. Famille protestante. Mariage avec Louise GUIBAL, fille d'un industriel de La Rode (pr�s de Castres) mort en 1835, et de Marianne Teissier.

Voir aussi : la biographie de CUMENGE sur le site EUROMIN


NOTICE sur EDOUARD CUMENGE
INGENIEUR EN CHEF HONORAIRE DES MINES
Par M. L. DE LAUNAY,
Ing�nieur en Chef des Mines.

Publi� dans Annales des Mines, 10e s�rie tome 4, 1903.

Edouard Cumenge, Ing�nieur en chef des Mines, d�c�d� Paris le 20 juillet 1902, avait quitt� le Corps des Mines depuis 1852, et sa carri�re administrative a �t� courte ; mais les travaux d'une vie tr�s active et tr�s laborieuse ont �t�, pour la plupart, consacr�s � l'examen ou � la mise en valeur des gisements miniers, c'est-�-dire � des questions int�ressant directement l'art des mines ; il l'a fait sans jamais n�gliger le c�t� scientifique et th�orique des recherches, auxquelles il apportait, d'autre part, une grande comp�tence pratique, et, dans les derni�res ann�es de sa vie, il avait tenu � resserrer encore les liens, qui l'avaient toujours attach� � l'�cole des Mines, en offrant aux �l�ves les plus m�ritants des bourses de voyages, destin�es � leur permettre un voyage en Am�rique, compl�ment, selon lui, particuli�rement utile de leurs �tudes. Bien qu'il f�t � peu pr�s insaisissable � Paris, �tant, malgr� son �ge avanc�, toujours occup� de quelque exp�dition lointaine, pr�t � passer l'Atlantique ou rentrant d'une travers�e, sa physionomie originale, aux yeux vifs, � la fois pleins de finesse et r�veurs, sa grande barbe blanche en �ventail, qui lui pr�tait un air d'exotisme, �taient famili�res aux jeunes ing�nieurs, toujours accueillis par lui avec la plus aimable sympathie. Ceux, et ils sont nombreux, qui lui gardent un souvenir reconnaissant, auront plaisir � trouver ici, rapidement retrac�s, les traits principaux de sa vie.

Edouard Cumenge �tait n� � Castres (Tarn) le 16 avril 1828. Passionn� d�s son enfance pour les voyages, il songea d'abord au moyen le plus naturel de satisfaire ce go�t dominant, auquel sa carri�re d'ing�nieur explorateur devait donner plus tard des facilit�s de r�alisation si compl�tes. Il se pr�para � l'�cole Navale et y fut re�u dans un bon rang, avec une dispense d'�ge, � quatorze ans. Ses parents ayant obtenu de lui qu'il donn�t sa d�mission, il passa du lyc�e de Castres � Paris et entra � l'�cole Polytechnique, le 1er novembre 1845. Il en sortit dans les premiers et choisit le Corps des Mines, toujours particuli�rement d�sir� par ceux des polytechniciens, que s�duisent, en dehors de toute autre consid�ration, l'initiative pr�coce, les explorations de pays lointains et les libres recherches scientifiques. Le temps qu'il passa � l'�cole des Mines correspond � une �poque troubl�e de notre histoire. Il venait d'y entrer, quand �clata la R�volution de 1848. Cumenge prit part comme sergent � la d�fense de l'H�tel de Ville. Sorti de l'Ecole le premier, avant son ami Parran dont la mort devait suivre de si pr�s la sienne, il fut, comme ing�nieur ordinaire, attach� au Bureau d'Essais de l'�cole des Mines, le 28 janvier 1851. D�s l'ann�e suivante, le 11 mars 1852, il se faisait mettre en cong� illimit�, et c'est dans cette situation qu'il a continu� toute sa carri�re.

Son mariage avec la fille d'un grand industriel de Paris, M. Guibal, un des promoteurs de l'industrie du caoutchouc, avait amen� son entr�e dans l'industrie de son beau-p�re ; il y resta jusqu'en 1873, et c'est � ce moment seulement, c'est-�-dire � quarante-cinq ans, que, s'�tant trouv� libre par suite de nouveaux arrangements de famille, il reprit activement les �tudes mini�res, auxquelles il n'avait jamais cess� de s'int�resser de loin.

En qualit� d'ing�nieur-conseil, il fit alors une s�rie de voyages dans les pays les plus divers : en Espagne, en Italie, en Gr�ce, au Venezuela, en Colombie, aux �tats-Unis, au Mexique, etc. beaucoup de ces voyages furent faits avec Ed. Fuchs, en collaboration duquel il avait entrepris un grand ouvrage sur l'or.

Son activit� physique �tait rest�e telle jusque dans la vieillesse qu'on le vit encore, en 1897, aller au Transvaal avec l'intention d'y entreprendre une �tude de mines, arriver au moment o� le trop fameux raid Jameson, qui amena l'incarc�ration momentan�e des principaux directeurs de Mines, rendait tout examen s�rieux impossible, le reconna�tre aussit�t avec un sens pratique et une d�cision qu'appr�ciaient en lui les Am�ricains et revenir en Europe par le bateau suivant.

Parmi les publications scientifiques de cette p�riode de sa vie, que l'on trouvera �num�r�es plus loin, quelques-unes sont relatives � de nouvelles esp�ces min�rales qu'il avait rencontr�es dans les gisements visit�s : un sulfo-antimoniure de cuivre, la Guejarite, trouv� dans le district de Guejar de la Sierra Nevada; la Bol�ite et la Cumengite du Boleo, �tudi�es sur ses �chantillons par Mallard; un minerai d'urane, la Carnotite, venant de Montrose (Colorado), dont l'examen fut fait par Friedel.

Des m�moires plus importants furent consacr�s � trois gisements qu'il avait sp�cialement �tudi�s : l'amas cuivreux de Rio-Tinto, les bitumes de la Trinidad et les g�tes cuivreux du Boleo en Basse-Californie.

Son m�moire sur la Trinidad forme une monographie de cette �le curieuse et de son industrie ; il y d�crivait sp�cialement, en dehors du gisement classique de la Braie, le bitume assez particulier de Guaracaro qu'il assimilait au bitume de Jud�e.

L'entreprise du Boleo fut une de celles qui absorb�rent le plus longtemps son attention et auxquelles il porta le plus d'int�r�t. A la suite d'un voyage ex�cut� avec Ed. Fuchs, il avait �t� un de ses fondateurs et, apr�s quelques difficult�s au d�but, il eut la joie de voir son brillant succ�s; il y retournait souvent et, m�me dans ses derni�res ann�es, atteint de la cataracte, il fit encore la travers�e de l'Atlantique plusieurs fois pour s'y rendre.

�galement, dans la m�tallurgie du cuivre, il avait r�alis� un progr�s industriel en introduisant � l'usine de produits chimiques de l'Estaque, pr�s Marseille, dont il �tait administrateur, le traitement par lixiviation des minerais de Rio-Tinto.

Mais, parmi les questions de g�ologie th�orique, celles qui l'int�ressaient le plus �taient assur�ment celles qui concernaient l'or. Il avait con�u le plan d'un ouvrage monumental consacr� � ce m�tal : aid� par de fid�les collaborateurs, il put en faire para�tre quelques fascicules sans voir son ach�vement complet. Celui sur la min�ralogie de l'or montre le luxe de d�tails, dans lequel il d�sirait entrer.

Il avait, pour �tudier ces questions, install�, dans sa propri�t� du V�sinet, un petit laboratoire, o� il exp�rimentait souvent dans ses heures de loisir. Ses recherches sur les verres � base d'or, celles sur les aurosilicates, qu'il consid�rait comme formant le ciment des poudingues du Witwatersrand, ont fait l'objet de communications � l'Acad�mie des Sciences.

Ayant vu et suivi un grand nombre d'exploitations aurif�res, il �tait � m�me de traiter la g�og�nie de l'or avec une comp�tence sp�ciale et entassait, � ce sujet, les documents dans ses voyages. La derni�re affaire qu'il ait cr��e, celle des placera hydrauliques de Junction City, qui lui donna de grandes pr�occupations et beaucoup de d�boires, �tait une affaire de mines d'or. [Concernant Cumenge et la mine d'or de Junction City, voir aussi : Biographie de Edouard Emile SALADIN]

Ed. Cumenge n'�tait pas seulement un ing�nieur de premier ordre et un savant, et ce serait en tracer un portrait fort infid�le et bien banalis� que d'arr�ter l� cette �tude. Tous ceux qui l'ont connu se rappellent sa vivacit� m�ridionale, le langage color�, parfois touchant au lyrisme, dans lequel il aimait � conter les aventures de ses voyages lointains, � en retracer les images, la verve souriante et gauloise, qui survivait chez lui aux tristesses, aux douleurs de la vie, qui se m�lait, sans les alt�rer, avec le s�rieux des pens�es, avec la fermet� des croyances aust�res, avec l'espoir fr�quemment exprim� d'une r�union dans l'au-del� aux �tres chers qu'il avait perdus.

Il offrait l� un contraste, qui n'est pas exceptionnel dans le protestantisme du Midi et que les p�rip�ties diverses de son existence auront encore accentu�.

Le go�t des voyages lointains, celui de cette libre vie, parfois aventureuse, souvent p�nible, entra�ne l'explorateur de gisements miniers, suivant le hasard des circonstances, d'un bout du monde � l'autre, comportant assez naturellement l'amour de la nature, le sentiment du pittoresque, la tendance � l'observation des moeurs, parfois m�me quelque penchant � la r�flexion solitaire ou � la r�verie. Pendant les longues heures des travers�es, pendant les chevauch�es � travers la montagne ou le d�sert, l'esprit travaille sur lui-m�me et cherche � donner une forme plastique � ses pens�es. Comme son ami et compagnon Ed. Fuchs, avec lequel il pr�sentait tant de points communs, Cumenge se plaisait � mettre en vers les bonnes plaisanteries narquoises, les malices aimables, ou parfois les pens�es voil�es de m�lancolie, que lui sugg�rait la fortune du voyage. Il �crivait, tant�t en fran�ais, tant�t dans la langue paysanne du Tarn, qu'il parlait et s'attachait � fixer au moment o� elle va dispara�tre. Il me semble que ses po�sies patoises, les "R�papiat�s d'un Biel d'al pa�s de Lengo d'Oc ", celle sur le vieux Castres ; " lou biel Castros ", par exemple, ont une verdeur et une saveur toutes particuli�res. Ces vieilles langues locales et populaires, qui sont, en r�alit�, les anc�tres de la notre qui ont form� les transitions spontan�es entre le latin et le fran�ais, conviennent particuli�rement bien � la traduction de sentiments simples, sans appr�t, sans affectation de technique savante et de m�tier litt�raire.

J'ai fait allusion plus haut aux profondes douleurs qui afflig�rent cet homme de bien. La perte de sa femme et de ses deux enfants l'avait cruellement �prouv�. Puis la c�cit� vint paralyser son activit�, jusque-l� infatigable. Mais il n'�tait pas de ceux, dont la recherche inqui�te et douloureuse s'�puise � chercher le sens de la vie et finit par mettre en doute la vertu m�me de la conscience morale ou du travail ; il poss�dait une foi tranquille dans quelques principes simples et consacr�s par le temps, qui lui servaient de soutien. C'est ainsi qu'il a pu arriver au but sans avoir faibli, ayant essay� d'apprendre et de progresser jusqu'au dernier jour. Suivant le pr�cepte, qui, s'il ne fait pas le bonheur, assure au moins l'oubli de la souffrance, il a pass� en travaillant : pertransiit laborando