EnquêteLa justice a-t-elle tardé à réagir à l’explosif conflit de voisinage dans l’Aisne ?

Explosion de Tergnier : La justice a-t-elle tardé à réagir à ce conflit de voisinage qui a dégénéré ?

EnquêteAprès deux ans d’un violent conflit de voisinage et de nombreuses plaintes déposées, un couple désespéré a fini par commanditer l’explosion de sa propre maison pour incriminer la femme qui lui pourrissait la vie
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Un couple de Tergnier a fait exploser sa propre maison suite à un conflit de voisinage qui durait depuis deux ans, suscitant de nombreuses réactions sur l’inaction supposée de la justice face aux multiples plaintes déposées.
  • Des dizaines de plaintes ont été déposées par les différentes parties impliquées, dont certaines ont été classées sans suite selon les plaignants. Le procureur de Laon affirme que « l’ensemble des plaintes déposées ont été traitées dans le cadre d’une même enquête pénale ».
  • Des suites judiciaires ont eu lieu, notamment l’interpellation et la condamnation d’un homme de 25 ans à 9 mois de prison sous bracelet électronique, tandis que Grégory Duchemin, l’un des propriétaires ayant fait exploser sa maison, comparaîtra en mars pour « exhibition sexuelle ».

Les événements qui ont conduit un couple d’habitants de Tergnier à faire exploser leur propre maison, fin décembre, ont fait beaucoup réagir, bien au-delà des frontières de l’Aisne. S’il convient d’attendre les résultats de l’information judiciaire pour connaître avec certitude les motivations de Betty et Grégory Duchemin, le conflit de voisinage qu’ils subissaient depuis deux ans sera forcément au cœur des investigations. Sur les réseaux sociaux, de nombreux commentaires spéculent sur une inaction de la justice face aux plaintes déposées par le couple, le poussant à ce geste désespéré. Qu’en est-il vraiment ?

Entre l’arrivée de « la voyageuse » qui a installé sa caravane sur le terrain mitoyen dont elle est propriétaire, en juillet 2023, et l’explosion de la maison de Betty et Grégory, le 29 décembre dernier, ce sont des dizaines de plaintes qui ont été déposées. Celles du début de l’affaire, avant que le conflit de voisinage ne dégénère en violences, l’ont été pour « harcèlement », « menaces » et « tapage ». Toutes « classées sans suite » déplorait Betty, en septembre dernier, au Courrier Picard.

Des dizaines de plaintes en moins de deux ans

La voisine mitoyenne des Duchemin, Anne, dont la maison, qui donne également sur le terrain de la « voyageuse », a été endommagée par l’explosion, confirme elle aussi à 20 Minutes que sa plainte pour « tapage » déposée à l’été 2023 avait été classée sans suite. Avec son mari Martial, Anne a déposé trois autres plaintes, en septembre 2024, pour « menaces de mort et vandalisme » et une dernière en décembre dernier pour « caillassage et menaces de mort ». « Nous n’avons jamais eu de nouvelle », déplore-t-elle.

De leur côté, Betty et Grégory avaient aussi déposé de nouvelles plaintes l’été dernier, notamment pour les dégradations dans leur jardin et le cambriolage de leur buanderie. « Ils en ont déposé entre 15 et 20 en tout depuis un an et demi », estime Anne.

Outre les plaintes des deux couples, la mairie de Tergnier a aussi lancé une procédure à l’encontre de l’habitante de la caravane, Angelina G. Puisqu’il est impossible d’expulser « la voyageuse », qui occupe légalement son terrain, c’est sur l’angle de l’urbanisme que la municipalité a lancé l’offensive. La ville a ainsi déposé une plainte pour le non-raccordement du terrain à l’assainissement. « Depuis un an que la plainte est chez le procureur, nous n’avons aucune nouvelle », assure à 20 Minutes une source à la mairie.

Gardes à vue et condamnation

Au parquet de Laon, toutes ces plaintes ne se sont pas envolées. A 20 Minutes, Guillaume Donnadieu, le procureur de Laon, explique que « l’ensemble des plaintes déposées ont été traitées dans le cadre d’une même enquête pénale diligentée par le commissariat de Tergnier ». Du moins les plaintes des chefs de « violences aggravées, dégradations graves du bien d’autrui, menaces de mort, atteinte à la vie privée ».

Des suites, il y en a eu, dès novembre dernier, lorsque « plusieurs individus, dont la voisine mise en cause par les époux Duchemin », ont été interpellés et placés en garde à vue. Si rien n’a pu être retenu contre Angelina G., « il a été possible d’imputer avec certitude des agissements délictueux » à deux hommes assure Guillaume Donnadieu. L’un, mineur, est en fuite. L’autre, âgé de 25 ans, a été condamné, le 6 novembre, à 9 mois de prison sous bracelet électronique.

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Le procureur de Laon note aussi que Grégory Duchemin avait lui aussi fait l’objet d’une plainte, déposée pour « exhibition sexuelle » par « un autre couple de voisins ayant quitté la rue depuis ». Celui qui a commandité l’explosion de sa maison a d’ailleurs reconnu les faits et comparaîtra, en mars prochain, lors d’une procédure de plaider coupable.