Ce Nordiste saura-t-il un jour s’il possède (ou pas) un vrai Picasso ?
fortune potentielle•Depuis plus d’une décennie, un habitant de Béthune, dans le Pas-de-Calais, tente de faire authentifier une œuvre qu’il affirme être de la main de Pablo Picasso et qui pourrait lui rapporter une petite fortuneMikaël Libert
L'essentiel
- Un habitant de Béthune possède potentiellement un dessin de Picasso représentant Igor Stravinsky, hérité de son grand-oncle il y a plus de vingt-cinq ans, d’une valeur estimée à 200.000 euros.
- Malgré dix ans de recherches et des avis d’experts favorables, le propriétaire n’a jamais réussi à faire authentifier l’œuvre par la Picasso administration, seul organisme habilité à le faire.
- Le propriétaire émet des hypothèses sur le silence de la Picasso administration, notamment que le comité d’authentification reçoit trop de demandes ou la crainte de voir baisser la cote de l’artiste.
Ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir un Picasso dans son salon. Et pourtant, un habitant de Béthune, dans le Pas-de-Calais, possède potentiellement une œuvre de l’artiste. Sauf que tout est dans le « potentiellement » justement. Malgré un travail acharné de recherche, malgré les avis d’experts en sa faveur, celui que nous appellerons Jérémy* n’est jamais parvenu à faire authentifier son trésor par la Picasso administration, seul organisme habilité à dire si oui ou non une œuvre est de la main du maître.
Jérémy préfère garder l’anonymat pour se prémunir d’éventuels voleurs. Parce que c’est peut-être bien un Picasso d’une valeur de 200.000 euros qu’il garde précieusement chez lui depuis qu’il en a hérité de son grand-oncle, il y a plus de vingt-cinq ans. Le dessin en question représente le compositeur russe Igor Stravinsky, de profil, croqué à l’encre noire et de manière caricaturale. Et s’il ne porte pas la signature de Picasso, le dessin ressemble étrangement à un autre portrait du musicien, daté de 1920 et reconnu comme étant de la main du peintre.
« J’y ai consacré dix ans de recherches »
Ça, Jérémy s’en est rendu compte dans les années 2007-2008. Depuis, son unique but est de faire authentifier son trésor. « Moi qui ne suis pas du tout un spécialiste, j’y ai consacré dix ans de recherches », explique-t-il à 20 Minutes. Etude historique, étude stylistique, consultations d’experts… « J’ai même obtenu une analyse des écritures présentes sur le dessin de la part d’une graphologue agrée auprès des tribunaux », poursuit-il. Selon Jérémy, le rapport de l’experte était formel, affirmant qu'« on ne peut guère douter que ces mots n’aient pas été écrits par Picasso ».
Même si la signature du maître est absente – victime de l’usure du support du dessin, précise Jérémy –, tout le reste semble concorder. Ecriture, style, époque, sans oublier que Stravinsky était un contemporain de Picasso et que les deux hommes se fréquentaient régulièrement. Restait donc à Jérémy à passer par la case Picasso administration, organisme aux mains des héritiers du peintre qui est le seul à pouvoir authentifier formellement une œuvre de l’artiste.
L’étrange mutisme de la Picasso administration
Sauf que la dite Picasso administration n’a jamais répondu aux multiples sollicitations de Jérémy. « J’ai envoyé mes recherches à plusieurs reprises et on ne m’a jamais contredit. On ne m’a juste jamais répondu », déplore le Nordiste. Pourtant, l’institution a mis en place sur son site Internet une page dédiée au « Comité Picasso », chargé de recueillir et d’étudier les demandes d’authentifications. En 2015, le patron de l’époque, Claude Picasso, confiait d’ailleurs au Figaro que le comité recevait « environ 800 demandes chaque année ».
Lire notre dossier sur Picasso« Le comité reçoit trop de sollicitations de personnes persuadées qu’elles possèdent un original de Picasso, alors il rejette en bloc les demandes », avance Jérémy. Son autre hypothèse est plus financière. « Il existe déjà 40.000 à 50.000 œuvres reconnues de Picasso. En authentifier davantage pourrait contribuer à faire baisser sa cote sur le marché de l’art », suppose-t-il. Pas plus que Jérémy, 20 Minutes n’obtiendra de réponse de la Picasso administration. Mais le Nordiste ne désespère pas, faute d’autre choix. « Sans validation du comité, je ne peux de toute façon rien faire de ce dessin. Un jour il sera bien obligé de le reconnaître », se persuade-t-il.
*Prénom d’emprunt
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