Francis Cabrel, escapade musicale à New York
De passage à New York dans le cadre de sa tournée nord-américaine (États-Unis et Canada) jusqu’au 16 juin, Francis Cabrel a régalé plus d’un millier de fans venus voir l’une des idoles françaises de la chanson au Town Hall, l’une des salles mythiques de la ville. Pendant plus d’une heure cinquante, l’Agenais a ravivé les souvenirs des amoureux de ses titres, et donné le sourire à plusieurs centaines de curieux, venus découvrir pour la première fois les classiques et titres plus récents de l’artiste à la guitare. Reportage.
L’atmosphère est lourde à quelques jours du début de l’été, dans un New York connu pour sa forte humidité et une chaleur moite à cette période de l’année. Les pancartes des spectacles de Broadway, Le Roi Lion, Chicago, mais aussi The book of Mormons, sont immanquables en plein Times Square. Est aussi immanquable une belle file de personnes, souriantes, de tous âges, venus assister à l’un des rares concerts de Francis Cabrel à New York.
Avec une seule date dans la Grosse Pomme, dans la mythique salle du Town Hall, construite dans les années 1920 et qui a vu les légendes Sergueï Rachmaninov, Béla Bartók, mais aussi Dizzy Gillespie, Duke Ellington et Nina Simone s’y produire, l’artiste originaire d’Astaffort a attiré une belle foule, venue en grand nombre pour voir le chanteur de 70 ans qui se fait rare de ce côté de l’Atlantique.
Pour Lucie et Albert, installés à New York depuis plus de trente ans et fans de la première heure, il était hors de question de manquer ce rendez-vous. « Dès que l’on a su qu’il venait en concert aux États-Unis, j’ai ressenti une petite émotion, car ses chansons me rappellent ma jeunesse et mes parents qui étaient de grands amoureux de ses titres » s’émeut-elle, « j’ai donc exigé de mon mari de prendre des places, et on était hyper enthousiastes dès l’annonce, car on ne voit que trop rarement de chanteurs ou chanteuses français de cette génération venir aux États-Unis. Quel bonheur d’être là, on est comblés ! ».
Le nouveau directeur de la Villa Albertine et conseiller culturel de la France aux États-Unis, Mohamed Bouabdalah est également présent, et les files de cette salle classée monument historique sont très longues. « On a vendu toutes les places dans les deux jours suivant l’annonce du concert. C’était la folie, c’est parti en deux temps trois mouvements ! » explique Cynthia Jones qui travaille à la billetterie.
La foule a le sourire, et avec seulement une petite dizaine de minutes de retard, Francis Cabrel arrive sur scène, en lançant un « bonsoir à tous et à toutes, et enchanté de faire votre connaissance » qui séduit d’emblée le public qui l’accueille sous un tonnerre d’applaudissements. Guitare en main, il entame son concert sur un petit solo, pour mettre tout le monde dans une ambiance cosy, posée.
Pour les fans de la première heure, mais aussi pour les néo-francophiles
Durant deux heures, Cabrel enchaine les grands succès de son immense carrière, comme Je l’aime à mourir, L’encre de tes yeux, mais aussi La corrida et Petite Marie. Il prend quelques instants pour parler de son Lot-et-Garonne qui lui est si cher, parlant de souvenirs du monde rural, et expliquant l’origine du mot « troubadour », dont la tournée nord-américaine porte le nom, « une sorte d’humble hommage à ma manière, de l’autre côté de l’océan pour aussi remercier mes fans qui vivent loin de France et qui me suivent depuis longtemps », précise-t-il. Les 1500 personnes présentes apprécient cette escapade musicale de plusieurs classiques de la chanson française dans un Times Square symbole de la ville qui grouille en permanence, qui ne dort jamais.
Une standing ovation de plusieurs minutes conclut l’étape new-yorkaise de la tournée, et Cabrel affiche un large sourire avant de quitter la scène, en remerciant les spectateurs. Alors que la salle se vide, plusieurs personnes continuent d’entonner les chants de l’artiste. L’ambiance est très bon enfant, très décontractée. Une grosse centaine de fans restent durant une bonne demi-heure devant le Town Hall, et parlent de leur moment préféré du spectacle, et de leurs meilleurs souvenirs de l’artiste, qui marque l’esprit des jeunes, et des moins jeunes.
« Je me suis régalée, et j’ai passé un moment un peu hors du temps, où mon esprit était en France, à la campagne, dans mon Lot-et-Garonne natal, comme Francis ! » souligne Sylvie Minvielle, professeur de français à Long Island University, « je mets du Cabrel dans mes programmes depuis plus de vingt ans, et je remarque qu’un grand nombre de mes collègues à travers le pays font de même, ce qui est génial à mon avis, car les paroles et les titres de Francis Cabrel sont très beaux, et sont aussi rapidement compréhensibles pour les néo-francophones également ».
La quinquagénaire en a profité pour amener avec elle une trentaine de ses étudiants qui, eux aussi, ont passé un superbe moment. « Je connais Francis Cabrel depuis que j’ai commencé les cours avec Madame Minvielle, car on apprend et analyse certaines de ses chansons lors de nos cours à l’université, et la mélodie et le côté poétique des paroles m’ont vraiment beaucoup plu », sourit Cassandra Jones, native de Brooklyn et tombée amoureuse de la langue française durant la pandémie.
Cheveux longs et accent du Sud-Ouest très prononcé, un autre Francis, installé à Montréal depuis les années 80, a fait le déplacement depuis le Québec pour voir son idole de jeunesse. « Je l’avais vu en concert en 1989, à Bordeaux, et je voulais le voir à nouveau, car c’est un artiste que j’admire beaucoup, de par la beauté de ses chansons et par sa simplicité », précise cet ancien charpentier aujourd’hui retraité, « il a changé, il a rasé sa moustache légendaire, mais c’est devenu aujourd’hui un monstre sacré de la musique. J’ai passé deux heures hors du temps, comme transporté par une expérience musicale d’une grande tendresse, d’une grande douceur. Je n’aime pas New York, car pour moi, c’est un capharnaüm infernal, mais cette parenthèse Cabrel a valu le coup que je vienne ici pour son concert ».
Il est 22 H 45, et la foule se disperse en ce mercredi soir sur la terre. Sourire aux lèvres, chacun repart vers les nombreuses bouches de métro de la zone pour regagner son domicile, du Cabrel plein la tête, heureux d’avoir pu passer quasiment deux heures avec l’une des plumes les plus appréciées de la chanson française.