Manu Chao
Globe-trotter et artiste, Manu Chao conjugue depuis longtemps la musique et les voyages. Embarqué comme leader dans l'aventure de la Mano Negra, il a par la suite, suivi un chemin beaucoup plus personnel qui l'a ramené instinctivement vers ses racines latines.
Manu Chao est né le 21 juin 1961 à Paris, de parents espagnols. Son père Ramon est journaliste. Le jeune Manu passe son enfance à Boulogne-Billancourt, puis à Sèvres en région parisienne. Ses heures de liberté sont occupées par des parties de foot avec ses copains, fils d'ouvrier de l'usine Renault proche de là. Il passe aussi beaucoup de temps à écouter de la musique, Chuck Berry ou des chants révolutionnaires espagnols, ses goûts étant tout à fait éclectiques.
Marqué par les concerts du groupe anglais Clash, Manu se lance dans la musique en montant un groupe de rockabilly teinté de rhythm'n'blues, les Hot Pants en 1985. La scène rock alternative hexagonale est alors en pleine expansion et voit émerger des groupes comme Bérurier Noir ou les Garçons Bouchers. De nombreuses salles (peu conventionnelles) sont ouvertes : bars, squats ou usines désaffectées sont autant de lieux qui permettent au public en mal de nouvelles sonorités de s'éclater. Manu appartient aussi à Los Carayos, autre groupe rock qui se fait une petite réputation dans le milieu.
1988 : 1er album de la Mano Negra
En 1987, les choses s'accélèrent avec la formation autour de Manu Chao, de la Mano Negra. En juin 1988, c'est la sortie du premier album du groupe intitulé "Patchanka". L'aventure dure quatre ans. Des disques et de nombreux concerts en France et à travers le monde constituent le quotidien du groupe jusqu'en 1994, date de la séparation.
Après le split, Manu Chao va s'installer pendant deux ans à Madrid en Espagne. Il rassemble autour de lui plusieurs musiciens et forme Radio Bemba, groupe avec lequel il tourne beaucoup. Il se balade aussi en Amérique du Sud, où la Mano avait déjà fait de nombreux séjours. L'expérience collective passée, Manu Chao envisage dorénavant les projets sous un nouvel angle : jouer solo en sollicitant la participation d'autres artistes issus de milieux, de pays et d'horizons différents. Il collabore avec des groupes comme Tijuanano au Mexique, Skank au Brésil ou Todos Tus Muertos en Argentine.
1998 : "Clandestino"
C'est la culture de la rue et des bars qui motive la nouvelle production discographique de Manu Chao. En effet, il sort en avril 1998 "Clandestino", album de "bidouillages" sonores et musicaux qu'il a réalisé grâce à l'usage d'un petit studio d'enregistrement portatif, trimbalé avec lui et sa seule guitare. Cela donne un album très "roots" aux rythmes latino, loin du rock de la Mano Negra. Ce retour aux racines s'effectue aussi par le biais de textes écrits en espagnol. On découvre un auteur assez désabusé : "Solo, voy con mi pena" (seul, je pars avec ma peine) comme dans le titre "Clandestino", "Je ne t'aime plus" (un des deux titres en français) ou "Malegria" (qu'on pourrait traduire par mal joie).
Véritable carnet de voyage, "Clandestino" est une œuvre vraiment personnelle, presque intime. Le disque suit son chemin tranquillement et apparaît à la fin de l'année 1998, comme une des meilleures ventes d'albums en France ainsi que comme une des productions françaises les plus vendues à l'étranger. En février 1999, il reçoit la Victoire de la Musique pour le meilleur album de musique du monde et de musique traditionnelle de l'année.
L'homme de nulle part
Riche de toutes ses expériences, Manu Chao participe aussi à plusieurs projets associatifs d'envergure : le premier, la Caravane des Quartiers fut créée en 1989. Déjà impliqué avec la Mano Negra depuis le départ dans ce festival itinérant qui organise des fêtes dans les cités, Manu travaille régulièrement avec l'organisation de cette association, emmenant même la Caravane jusque dans son pays d'origine, l'Espagne. Le second projet n'est autre que la préparation de la fête du passage de 1999 à l'an 2000. "La feria de las mentiras" ("la foire aux mensonges") est le titre donné à ce spectacle qui devait avoir lieu à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Au printemps 2000, Manu Chao repart en tournée à travers l'Amérique du Sud. Toujours absent des scènes françaises où le réclament pourtant de nombreux aficionados, il retrouve une nouvelle fois les pays latinos qu'il affectionne particulièrement. Mexique, Équateur, Bolivie, Chili et Argentine sont les points clés de cette tournée. En outre, Manu fait un passage triomphal à Lima au Pérou où il n'était pas venu depuis 1989.
2001 : "Esperanza : proxima estacion"
Après d'innombrables annonces tout au long de l'année 2000, sort le 5 juin 2001 le second album de Manu Chao, "Esperanza : proxima estacion". Et contrairement à la première fois, le chanteur vient en Europe faire sa promo et surtout donner une série de concerts tant attendus.
Célébré à grand renfort d'articles de presse, cet album ressemble fort au précédent. Même ton, même sonorité, même voyage polyglotte dans un univers à dominante hispanophone. On y trouve même une reprise de "King of Bongo" tirée du disque homonyme de la Mano Negra (91).
Cette gémellité ne l'empêche pas d'établir les mêmes records de vente que le premier qui s'était écoulé à 2,5 millions d'exemplaires dans le monde dont 1 million en France. Dès sa sortie, "Esperanza" se classe directement en tête des ventes en France et y stagne de nombreuses semaines. Idem au niveau européen où le disque se classe en tête du Top 100 des meilleures ventes européennes (selon l'hebdo Music & Media). En moins d'un mois, il se vend à plus de 300.000 exemplaires. Autant dire qu'en matière commerciale, Manu Chao, grand militant anti-mondialisation, joue dans la cour des grands… Mais toujours favorable à mêler musique et politique, comme au temps de la Mano Negra, Manu Chao n'hésite pas à faire monter sur scène des membres de l'extrême gauche italienne le 21 juin à Milan pour faire part de son militantisme contre le sommet du G8, le sommet des pays les plus riches du monde qui doit avoir lieu en Italie quelque temps plus tard.
D'ailleurs, c'est sur scène que l'on constate aussi la popularité de l'artiste qui n'a guère joué hors du monde hispanophone ces dernières années, et en tout cas pas en France. Avec deux premières dates à guichets fermés les 7 et 8 juin à Paris (la Cigale), Manu Chao est attendu dans tous les pays d'Europe (Italie, Allemagne, Belgique, Espagne, Pays-Bas…) et sur de nombreux festivals (les Vieilles Charrues en Bretagne, Roskilde au Danemark, Wiesen en Autriche, Nyon en Suisse…). Il traverse même l'Atlantique pour deux dates au Québec (Festival de jazz de Montréal les 3 et 4 juillet et Festival d'été de Québec le 5) et Summerstage à New York le 7 juillet.
En septembre, Manu fait la Une du Wall Street Journal et en décembre, le célèbre magazine Rolling Stone retient parmi les dix albums de l'année "Proxima estacion esperanza" entre ceux de Bob Dylan et de Björk. Sept mois après sa sortie, l'album s'est vendu à plus de deux millions d'exemplaires. À 40 ans, l'ancien leader de la Mano Negra, se trouve ainsi propulsé au rang des grands artistes internationaux.
Sur scène toujours
Alors qu'il continue en 2002 son périple scénique (Macédoine, Japon, Galice entre autres), Manu sort en septembre un live intitulé "Radio Bemba Sound System" enregistré l'année précédente à la Villette à Paris. Ce disque rend compte de l'ambiance des concerts du musicien avec son groupe éphémère, Radio Bemba, ambiance moins proche de celle des deux disques studio que de celle des concerts de La Mano. Manu Chao a d'ailleurs largement puisé dans le répertoire de son ancien groupe pour cette tournée. De retour à Barcelone, la ville où il habite, Manu Chao s'offre une pause pour réfléchir à de nouveaux projets.
En février 2003, Manu donne une série de concerts dans des clubs espagnols en compagnie du chanteur basque Firmin Muguruza. Pendant l'été, il reprend la route avec son groupe habituel. Il se produit notamment le 7 août devant les détenus de la prison de Volterra en Toscane, le 10 à Larzac 2003, le rassemblement alter-mondialiste, le 22 aux Nuits du Mondial en banlieue parisienne, concert militant donné à l'occasion des Mondiaux d'athlétisme.
2004 : "Sibérie m'était contéee"
Après la fin de la tournée avec Radio Bemba Sound System et quelques concerts qui l'amène à se produire au Brésil en juin 2004 (Forum culturel de Sao Paulo), Manu s'investit dans la production avec notamment le disque des Maliens Amadou & Mariam. Parallèlement, il prépare un disque avec le dessinateur Wozniak.
Il sort donc en septembre 2004, un album accompagné d'un livre intitulé "Sibérie m'était contée". Libre de tout contrat avec une maison de disques, c'est à Corida, son agent et tourneur que l'artiste confie la sortie de cet opus. Ambiance acoustique pour ces titres où l'on retrouve des instruments comme l'accordéon et la guitare, sur des textes en français. Cela donne ainsi une couleur très "titi" parisien à l'œuvre d'un homme parti depuis longtemps sur les chemins de l'Amérique latine. Le livre qui l'accompagne est composé des dessins de Wozniak.
Invité pour un duo sur l'album "Rendez-vous" de Jane Birkin, il partage aussi le micro avec Toots sur l'album "True Love" que sort le Jamaïcain en 2004.
Le début de l'année 2005 est marqué par un voyage au Brésil. En effet, Manu se produit sur scène lors du Forum social mondial qui se tient à Porto Alegre. Après cette étape, il accompagne le groupe français La Phaze sur plusieurs concerts de Sao Paulo à Recife.
Manu Chao revient en Amérique latine à la fin de l'année avec son groupe Radio Bemba. Il se produit dans plusieurs villes d'Argentine, du Brésil, d'Uruguay au mois de novembre. Quelques mois plus tard, début 2006, c'est au tour de la Bolivie, du Venezuela, du Chili et de Cuba d'accueillir le chanteur. Au Mexique, le 26 mars, il donne un concert gratuit devant une foule de plus de 100 000 personnes sur la place de Zocalo, dans le centre de Mexico City. Une occasion pour lui de rappeler son soutien au sous-commandant Marcos, chef de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).
Au total, la tournée aura drainé plus de 700 000 personnes.
On le retrouve sur les routes pendant l'été. Il donne une série de treize concerts en Europe (Allemagne, Irlande, Suisse, Autriche, Belgique…) avant de traverser l'Atlantique pour six dates aux États-Unis, et de se rendre en octobre, en Colombie et au Venezuela. Cette année-là, il signe aussi la bande originale du film espagnol "Princesas" de Fernando Leon de Aranoa. Une des chansons "Me llaman calle" est récompensée par le Goya (le César espagnol) de la meilleure chanson. Son aura internationale est telle que le chanteur anglais Robbie Williams reprend en 2006, sur son album "Rudebox", la chanson "Je ne t'aime plus".
En 2007, Manu Chao repart sur les routes américaines. Il démarre une tournée à Tijuana au Mexique le 5 juin et la termine à Ottawa le 7 juillet. Entre temps, il s'est produit à Dallas, La Nouvelle-Orléans, Chicago, New York, etc. On le retrouve sur quelques festivals européens juste après.
2007 : "La Radiolina"
Avant l'été, le simple "Rainin in Paradize" est en écoute sur le net. Un album intitulé "La Radiolina" ("la petite radio" en italien) sort en septembre, un disque en plusieurs langues (anglais, espagnol, italien et français), plus électrique que les précédents, retrouvant ainsi l'énergie de la scène. Le son rappelle celui de la Mano Negra, comme un retour aux sources. Le mixage final a été confié à Mario Caldato (Beastie Boys). "Me llaman calle" figure sur ce disque ainsi que la chanson destinée à la BO du film de Emir Kusturika, consacré à Maradona, "La vida tombola".
En octobre, il débute à Londres une tournée européenne de seize dates qui le conduit à Stockholm, Hambourg, Berlin, Vienne, etc.
Il se produit dans de très nombreux pays à travers la planète dont l'Argentine, le Mexique ou les États-Unis. Mais l’année 2008 marque le retour de Manu Chao sur les scènes françaises. Cela fait sept ans que l’artiste n’y a pas tourné ! Le coup d’envoi de cette série de concerts à prix unique (29 €, "pour rester populaire" et lutter contre "les prix exorbitants") est donné à Toulouse le 30 mai. Avec son groupe Radio Bemba Sound System, le chanteur alterne punk-rock en espagnol et chansons intimistes et acoustiques en français, ce qui n’est pas dans ses habitudes. Après la France, et deux dates au Palais Omnisports de Paris-Bercy à Paris les 11 et 12 juin 2008, Manu et ses acolytes enchaînent les bus et les avions et quadrillent l’Europe : Croatie, Serbie, Roumanie, Angleterre…
En juillet 2009, Manu Chao présente au grand public un projet dont il est très fier : "La Colifata", trois heures de musique enregistrées avec les pensionnaires d’un hôpital psychiatrique de Buenos Aires qui animent une radio. Mixant extraits d’émission, paroles de malades et thèmes musicaux de "La Radiolina", l’album est téléchargeable gratuitement via un site Internet créé pour l’occasion au nom de l’association La Colifata.
Une autre réalisation de l’altermondialiste Chao voit le jour en 2010 : l’album de SMOD, un trio de folk-rappeurs emmené par Sam, le fils d’Amadou et Mariam. Manu Chao a découvert les jeunes pousses en 2008 alors qu’il enregistrait avec le célèbre duo malien. En bon mécène, il réussit à les faire signer sur son label, Because.
Manu Chao poursuit pendant l'année 2010 son tour du monde des scènes : on le retrouve entre autres, au Brésil en mai, aux États-Unis et au Japon en octobre.
C’est une vie faite de rencontres, de concerts, d’apparitions surprise loin du show-business que mène Manu Chao au début de la décennie 2010. L’industrie du disque, Manu Chao ne connaît plus. Il égrène ses nouveaux titres sur son site internet, sans promo, ni sortie officielle.
En 2012, il assure une tournée européenne avec un trio de musiciens, ne se produisant dans les festivals qu'à la condition que le prix d'un concert n'excède pas 30 euros.
Pas de sortie d’albums donc mais des étapes fidèles où la musique et la fête font la loi, comme la Fête de l’Huma en 2015 à La Courneuve, les Vieilles Charrues en 2017. Il s’offre même le culot d’apparaître dans un café associatif d’une commune de 300 habitants, le Café de l'Espace, dans la Creuse, juste pour faire plaisir et échanger, après une quinzaine de chansons.
En 2016, Manu Chao produit l'album "Far from Home" (2016) de la diva trinidadienne, Calypso Rose qui remporte en 2018 le grand prix Sacem, dans la catégorie Musiques du monde. Le 20 mai 2018, Manu Chao perd son père, Ramon Chao. Rédacteur en chef pour l’Amérique latine à Radio France internationale (RFI), il meurt à Barcelone à l’âge de 82 ans. Une page se tourne.
2019 : "Clandestino", 20 ans déjà
L’album culte de Manu Chao "Clandestino" enrichi de trois inédits est réédité en 2019. Il chante en duo avec la Trinidadienne Calypso Rose le titre qui donne son nom à l'album, et offre deux titres en anglais, dont "Bloody Bloody Border" (qui évoque les conditions de vie dans les camps de migrants aux États-Unis). Vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde, ce premier album solo a plus de 20 ans.
À cette occasion, l’artiste se produit en Bosnie au mois d’octobre, puis en Serbie, en Bulgarie et en Macédoine du Nord. Très célèbre dans les Balkans, Manu Chao retrouve un public conquis et collabore même avec le groupe bosnien Dubioza Kolektiv sur un titre qui évoque le courage des migrants bloqués, aux portes de l'Union européenne.
Et c’est au printemps 2020, en plein confinement que Manu Chao réapparaît. Il se saisit des réseaux sociaux pour des "Coronarictus Smily Killer Sessions", une autre manière de faire le show et de maintenir le lien avec son public, via Facebook et Instagram.
Juin 2020