Traité de Llívia
Nous Hyacinte Serroni, évêque d’Orange, Conseillet d’Estat de sa Majesté Tres-Chrestienne, et Don Michel de Caiba et de Vailgornera, Chevalier de l’Ordre de Saint Jacques, Conseiller de sa Majesté Catholique au Conseil Souverain des Royaumes d’Aragon, Commissaires Deputez par Leurs Majestez Tres-Chrestienne et Catholique, pour l’execution du dernier Article fait et signé par Messieurs les Plenipotentiaires de France et d’Esppagne, en l’Isle dite des Faisans, le 31. May passé de l’année presente 1660.
Depuis que nous nous sommes communiquez respectivement nos pouvoirs, et que nous nous en sommes donnez des copies, il y auroit eu diverses assemblées en Cerdagne tenuës au sujet dudit dernier article du Traitté des Pyrenées ; mais aprés avoir examiné toutes les raisons de part et d’autre, veu et reconnu tous lesdits Villages et leurs limites, nous avons resolu et arresté que les trente-trois Villages de Cerdagne qui doivent demeurer à sa Majesté Tres-Chrestienne, en vertu du susdit article, sont les suivans :
Carol pour deux, en y comprenant toute sa Vallée avec tous les lieux qu’elle renferme.
Enveig encor pour deux ; en y comprenant tous ses Costeaux et toutes ses Montagnes, et toute l’étenduë de sa Jurisdiction avec tous les lieux qui en dépendent.
Ur et Flori pour un. Villeneuve et Escaldas pour un.
Dorras, Augustrina, Targasone, Palmarie, Egat, Odello, Via, Bolquras, Vilar de Ovanza, Estavar, Bajanda, Sallagosa, Ro, Vedrinians, la Perxa, Ruer, Llo, Eyna, Saint Pere del Forcats pour dix neuf.
S. Leocadia et Llus pour un. Et, Planes pour deux.
Caldegas et Onzes pour un.
Navia, Oseja, Palau, Iz pour quatre.
Tous lesquels Villages avec leurs Jurisdictions, limites et dépendances, demeureront à sa Majesté Tres-Chrestienne. Et parce que le Territoire de Iz est de l’autre costé de la Riviere qu’on appelle Regur, et qui vient de Ur, Nous Commissaires deputez avons declaré et declarons, que quoi qu’à l’égard de tous les autres Villages de France et d’Espagne, la division s’en doive faire par leurs limites et Jurisdiction, neanmoins pour ce qui regarde le Village de Iz seulement, la separation de la France d’avec l’Espagne, se fera par ladite Riviere en suivant toujours son cours naturel jusques à ce qu’on rencontre le Territoire de Aye, qui appartiendra à l’Espagne ; de sorte que la moitié de ladite Riviere et la moitié du Pont appelé vulgairement de Livia sera à l’Espagne, c’est à sçavoir la moitié qui regarde Puyserda, et l’autre moitié appartiendra à la France, sçavoir celle qui regarde Livia ou le Col de la Perxa. Sans pretendre par cette division separer ledit Territoire dudit Village de Iz, en ce qui regarde le Domaine, la proprieté, les fruits, les pasturages, ny autre chose qui lui appartienne, cette separation ne se devant entendre que de la France et de l’Espagne, et non du Domaine et de la proprieté particuliere dudit Territoire, qui demeurera toujours uni audit village de Iz.
Pour ce qui est de Livia et de son Bailliage, Nous Commissaires deputez declarons qu’il demeurera entierement à sa Majesté Catholique ; à condition qu’Elle ne pourra jamais fortifier ny Livia ny aucun autre lieu ou poste dudit Bailliage ou Territoire. Et le Commissaire d’Espagne s’oblige pour Sadite Majesté Catholique particulierement et expressement, à faire ratifier cet accord et convention ; sçavoir qu’on ne pourra fortifier Livia, ny aucun autre lieu ou poste dudit Bailliage et Territoire, et c’est seulement à cette condition que le Commissaire de France consent que Livia et son Bailliage demeurent à sa Majesté Catholique. Et parce que pour aller de Livia à Puyserda, ou de Puyserda à Livia, ou pour aller d’un des Villages qui sont à sa Majesté Tres-Chrestienne à l’un de ceux qui appartiennent à sa Majesté Catholique, il pourroit arriver qu’il faudroit passer par les limites de Livia ou de Puyserda, ou par les limites de quelques Villages de France. Nous Commissaires deputez declarons, que quelque genre de marchandises ou de denrées qui passeront par lesdites Limites allant par le chemin Royal de Livia à Puyserda ou de Puyserda à Livia, ou allant d’un Village d’Espagne, à un de ceux de France, ne payera aucun droit aux Officiers de France, ni à d’autres Doüaniers ou Fermiers, ou autres Receveurs quelconques, des droits des deux Royaumes ; Declarant en outre que lesdits chemins royaux et passages qu’on pourroit prendre pour aller de Livia à Puyserda, ou de Puyserda à Livia, ou pour aller d’un Village de France à l’un de ceux d’Espagne, seront libres aux sujets de l’un et de l’autre Royaume, sans que lesdits Sujets puissent estre respectivement inquietez dans lesdits passages par les Ministres des deux Royaumes pour quelque cause que ce puisse estre. N’entendant point que cette liberté de passage puisse servir à l’impunité des crimes qu’on pourroit commettre dans lesdits chemins et passages, d’autant que la capture et le chastiment des coupables appartiendra à ceux du Territoire desdits passages où les crimes auront esté commis.
Et afin qu’il conste de tout ce que dessus, et qu’on l’execute avec toute l’exactitude possible, Nous Commissaires deputez avons resolu qu’on fera deuc copies de cet Ecrit, l’une en François et l’autre en Espagnol ; que la copie en langue Françoise, signée de Nous Evesque d’Orange, et contresignée par nostre Secretaire, sera delivrée au Commissaire d’Espagne ; et que la copie faite en Espagnol, signée par le Commissaire d’Espagne, et contresignée par son secretaire, demeurera en nos mains.
Fait et conclu à Livia le douziéme jour du mois de Novembre de l’année 1660.
Signé : Hyacinte Serroni, Evesque d’Orange. & don Miquel de Calba et Vallgornega.