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Test du dessin du bonhomme

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Personne qui sourit (tête et corps ensemble) dessinée par un enfant de 4 ans et demi.
Dessin d'un bonhomme par un enfant âgé de 2 ans et demi.
Dessin d'un bonhomme par un enfant âgé de 2 ans et demi.

Le test du dessin du bonhomme (en anglais : draw-a-Person test) ou test du bonhomme de Goodenough est un test projectif de personnalité et un test cognitif portant de maturité perceptivocognitive et l’expression émotionnelle (et parfois esthétique). Il est principalement utilisé pour évaluer l'image du corps chez l'enfant, et trois aspects du développement (étroitement liés) : la motricité corporelle, le processus de développement physique et cognigif, la maturité et l’interaction sociale et émotionnelle de l'enfant (ou de la personne plus âgée) qui fait le dessin.

Il consiste à demander à une personne (enfant le plus souvent) de dessiner une personne (un bonhomme). Il permet aux psychologues d'analyser les aspects cognitifs et émotionnels du développement de l'enfant. Le psychomotricien en retire des indices sur la manière dont l'enfant appréhende son schéma corporel. Son analyse interprétative permet une double approche :

  • approche normative (centrée sur les éléments du dessin : type de trait, taille, placement et détails, qui peuvent révéler des informations sur la perception de soi par l'enfant, et sur ses relations avec autrui et son environnement)
  • approche qualitative (centrée sur le symbolisme des représentations graphiques).

Le dessin du bonhomme est un outil (parmi d'autres tests basés sur le dessin)[1],[2] dans l'évaluation psychologique, plutôt utilisé chez les enfants de 6 à 10 ans ; il ne permet pas à lui seul de tirer des conclusions définitives sur l'état psychologique d'un enfant ou d'une personne, et il peut être inadéquat chez les enfants porteurs de troubles perceptivo-moteurs, de certains troubles psychologiques ou de handicap [moteur, physique, mental, sensoriel (surdité par exemple)[3] ]modifiant leur aptitude à dessiner. Mais, de manière générale, effectué par un professionnel (formé à la psychologie du développement et à l'interprétation du symbolisme) et combiné à d'autres tests, il peut aider à évaluer la maturité psychologique de l'enfant, son équilibre relationnel et social ; et sa maturité motrice, développementale et perceptive d’autre part, en permettant d'identifier chez l'enfant ou l'adolescent certaines difficultés, certains troubles émotionnels (éventuellement passagers et liés à un contexte particulier).

Ce test a aussi été utilisé chez la personne âgée.

Le principe sous-jacent au test est que l’enfant

« L'enfant porteur d’un handicap est susceptible d’avoir une représentation déficiente de son propre corps (schéma corporel disproportionné ou déformé) et une image du corps altérée, s’il baigne dans un milieu non accueillant, voire rejetant »[4].

La première version du test est mise au point par Florence Goodenough (en) en 1926. Appelé le Goodenough Draw-a-Man test, il est décrit dans son livre Measurement of Intelligence by Drawings[5]. Plus tard, le docteur Dale B. Harris revoit et augmente la portée du test dans son ouvrage Children's Drawings as Measures of Intellectual Maturity (1963)[6]. Il est maintenant connu sous le nom de Goodenough–Harris Drawing Test. Des chercheurs travaillent sur la mise à jour ou l'affinement des échelles standardisées permettant l'analyse de ces dessins[7].

Le test du dessin du bonhomme a (rarement) été utilisé chez des personnes âgées, dans une approche psychométrique, pour le diagnostic de la démence ou de la dépression, ou encore dans le cadre de l’art-thérapie avec des seniors, chez qui il semble pouvoir améliorer la mémoire et la capacité de concentration (en présence d'une maladie d’Alzheimer notamment). Selon le psychologue clinicien et psychanalyste Frédéric Brossard (2021), il peut être utile pour améliorer l’accompagnement psychothérapique, et pour les approches clinique, en exprimant par exemple une angoisse de mort ou de persécution, des assises identitaires, l'estime de soi, des phénomènes de morcellement de l'identité, de l'identification sexuée, un état dépressif, notamment[8].

Une feuille de papier A4 et un crayon à papier sont donnés à l'enfant qui est installé dans une position confortable pour dessiner, avec une consigne claire et simple telle que « Tu vas dessiner un joli bonhomme, le plus joli que tu peux »[9].

Ce que révèle le test

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Il « est utilisé dans l’examen psychologique. Il représente le Soi de l’enfant — son image corporelle, son identité, sa sensibilité. ».

Schéma corporel

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Le « test du dessin du bonhomme » « permet aux psychomotriciens d’évaluer l’idée que l’enfant possède de son schéma corporel [...] ainsi que de donner des informations sur l’image du corps de l’enfant ». Le dessin présente l'image plus ou moins fidèle selon l'âge et la personne, d'un corps (parfois l'enfant précise s'il s'agit du sien ou celui d'une personne qu'il connait).

Cette image se développe et se construit avec l'âge en comme le rappelle Françoise Dolto en fonction des expériences vécues, de l’apprentissage et des attitudes émotionnelles : « le schéma corporel spécifie l’individu en tant que représentant de l’espèce, quels que soient le lieu, l’époque où les conditions dans lesquels il vit (……) l’image du corps est la synthèse de nos expériences émotionnelles : interhumaines, répétitivement vécues à travers les sensations érogènes, électives, archaïques ou actuelles » ; l'image du corps est une « mémoire inconsciente de tout le vécu relationnel »[10]

L'analyse s’appuie sur des « étalonnages » du test, basés sur le type de dessin généralement associé à tel ou tel âge de l'enfant : L'image du corps compris comme unité corporelle naîtrait du stade du miroir.

  1. Le “Bonhomme Têtard”, globalement caractérisé par une tête avec des jambes attachées, sans corps distinct correspond à une étape normale du développement de la représentation humaine chez l'enfant. Il est attendu d'un enfant de 3 ans
  2. Le “Bonhomme Conventionnel”, qui comprend généralement une tête, un corps et des membres, ainsi que des détails tels que les yeux, le nez et la bouche, puis les oreilles, les cheveux est attendu vers l’âge de 4 - 5 ans. L'enfant appréhende encore mal les proportions, mais fait preuve d'une compréhension croissante de la structure corporelle humaine, et le dessin peut être scénarisé (il raconte explicitement quelque choses ;
  3. un “Bonhomme Réaliste” est dessiné par l'enfant âgé de 9 à 12 ans. Il est plus détaillé. Ses proportions sont généralement plus proche de la réalité. Des détails tels que les vêtements et chaussures, des cheveux/coiffures et des expressions faciales de plus en plus complexes apparaissent. Le personnage est parfois accompagné d'un décor, d'un texte, éventuellement sous forme de bulle, etc.

Les variations individuelles sont importantes, parfois dues au contexte familial, ethnique et socioculturel, à un handicap ou à une instabilité psychomotrice[11] ; et chaque enfant se développe à son rythme mais certains jalons développementaux sont attendus à des âges spécifiques. Ce sont eux, qui avec d'autres indices, guident les professionnels pour distinguer les dessins correspondant à un développement typique de ceux qui pourraient indiquer un retard ou une difficulté particulière.

Psychologie du dessin

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La psychologue Julian Jaynes, dans son livre de 1976 The Origin of Consciousness in the Breakdown of the Bicameral Mind, écrit qu'il « est administré de façon routinière pour mettre au jour la schizophrénie »[trad 1]. Même si la plupart des personnes atteintes de cette maladie peuvent dessiner un bonhomme, leurs dessins montrent régulièrement un ou plusieurs graves défauts, symptômes de désordre intérieur. Parmi les défauts les plus évidents, on note l'absence de « parties anatomiques évidentes, tels les mains ou les yeux »[trad 2], des « traits embrouillés ou non connectés »[trad 3], sexe ambigu ou encore une distorsion généralisée[12].

Toutefois, ce test n'a pas fait l'objet de validation en ce qui concerne la détection de la schizophrénie. Par ailleurs, les psychologues L. J. Chapman et J. P. Chapman, dans leur étude de la corrélation illusoire publiée en 1967[13], ont démontré que des étudiants en psychologie et des psychologues cliniciens surestiment les indices annonciateurs d'un trouble de santé mentale.

Mesure de l'intelligence

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Le test du dessin du bonhomme est couramment utilisé comme source d'indications sur l'intelligence chez l'enfant, mais cela est l'objet de critiques. Harlene Hayne et son équipe ont comparé les résultats du test du dessin du bonhomme aux résultats du Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence chez 100 enfants et ont trouvé une corrélation très faible (r=0,27)[14]. De même, les résultats obtenus chez des enfants et des jeunes hospitalisés en psychiatrie n'ont pas réussi à appuyer la relation hypothétique entre les dessins de figures humaines et le QI[15], ce qui suggère que le test du dessin du bonhomme ne devrait pas être utilisé comme substitut à d'autres tests d'intelligence bien établis.

Notes et références

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Citations originales

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  1. (en) « routinely administered as an indicator of schizophrenia »
  2. (en) « obvious anatomical parts like hands and eyes »
  3. (en) « blurred and unconnected lines »

Références

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  1. Aubeline Vinay, Le dessin dans l'examen psychologique de l'enfant et de l'adolescent, Dunod, (ISBN 978-2-10-080125-1, lire en ligne)
  2. Vinay, A. (2020). Le dessin dans l'examen psychologique de l'enfant et de l'adolescent-3e éd. Dunod.
  3. V. Matar Touma, « Image du corps chez l’enfant sourd. Perception et vécu à travers le dessin et le TSEA », Pratiques Psychologiques, vol. 24, no 2,‎ , p. 213–225 (ISSN 1269-1763, DOI 10.1016/j.prps.2017.05.003, lire en ligne, consulté le )
  4. V. Matar Touma, « Image du corps chez l’enfant sourd. Perception et vécu à travers le dessin et le TSEA », Pratiques Psychologiques, vol. 24, no 2,‎ , p. 213–225 (ISSN 1269-1763, DOI 10.1016/j.prps.2017.05.003, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Jennifer L. Jolly, « Florence L. Goodenough: Portrait of a Psychologist », Roeper Review, vol. 32, no 2,‎ , p. 98–105 (DOI 10.1080/02783191003587884).
  6. (en) Mary J. Rouse et D. B. Harris, « Children's Drawings as Measures of Intellectual Maturity », Studies in Art Education, vol. 6, no 1,‎ , p. 49 (DOI 10.2307/1319660).
  7. Viviane Matar Touma, « La maturité de la perception et les facteurs en jeu à travers le dessin de la personne: », Bulletin de psychologie, vol. Numéro 572, no 2,‎ , p. 137–153 (ISSN 0007-4403, DOI 10.3917/bupsy.572.0137, lire en ligne, consulté le )
  8. Frédéric Brossard, « Intérêts psychothérapiques du dessin du bonhomme dans le champ de la vieillesse », L'Évolution Psychiatrique, vol. 86, no 4,‎ , p. 767–782 (DOI 10.1016/j.evopsy.2021.05.003, lire en ligne, consulté le )
  9. Philippe Scialom - Psychologue Le dessin du bonhomme Textes adaptés du cours de Marie-Alix de Dieuleveult (Psychomotricienne)
  10. Élise Feral, « Approche théorico-clinique du concept d’image du corps: », Le Journal des psychologues, vol. n° 329, no 6,‎ , p. 48–52 (ISSN 0752-501X, DOI 10.3917/jdp.329.0048, lire en ligne, consulté le )
  11. Claudon Philippe (2016) Instabilité psychomotrice et image du corps chez l’enfant in image du corps – figures psychopathologiques et ouvertures cliniques
  12. (en) J. Julian Jaynes, The Origin of Consciousness in the Breakdown of the Bicameral Mind, Mariner Books, , 491 p. (ISBN 978-0-618-05707-8)
  13. L. J. Chapman et J. P. Chapman, « Genesis of popular but erroneous psychodiagnostic observations », Journal of Abnormal Psychology, vol. 72, no 3,‎ , p. 193–204 (PMID 4859731, DOI 10.1037/h0024670)
  14. (en) Kana Imuta, Damian Scarf, Henry Pharo et Harlene Hayne, « Drawing a Close to the Use of Human Figure Drawings as a Projective Measure of Intelligence », PLOS ONE, vol. 8, no 3,‎ , e58991 (ISSN 1932-6203, DOI 10.1371/journal.pone.0058991, lire en ligne, consulté le )
  15. K. G. Aikman, R. W. Belter et A. J. Finch, « Human figure drawings: validity in assessing intellectual level and academic achievement », Journal of Clinical Psychology, vol. 48, no 1,‎ , p. 114–120 (ISSN 0021-9762, PMID 1556206, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

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Bibliographie

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  • Cognet, G. (2011). Comprendre et interpréter les dessins d'enfants. Dunod
  • Pascale Ezan, Mathilde Gollety et Valérie Hemar-Nicolas, « Le dessin comme langage de l’enfant : Contributions de la psychologie à l’enrichissement des méthodologies de recherche appliquées aux enfants consommateurs », Recherche et Applications en Marketing (French Edition), vol. 30, no 2,‎ , p. 82–103 (ISSN 0767-3701 et 2051-2821, DOI 10.1177/0767370114565766, lire en ligne, consulté le )