Histoire de Sienne
L'histoire de Sienne peut commencer par une légende si on se limite aux origines de son emblème, une louve culturellement issue de la louve romaine qui a nourri Romulus et Rémus.
Mythologie
[modifier | modifier le code]Selon la légende, Sienne fut fondée par Senius et Aschius, fils de Rémus, lui-même frère de Romulus (fondateur de Rome). Ils fuirent la ville pour échapper à la fureur de leur oncle Romulus, sur deux chevaux donnés par Apollon et Diane, l'un blanc et l'autre noir. Ils s'arrêtèrent dans la vallée du Tressa et fondèrent une ville qu'ils baptisèrent du nom de l'aîné, Sienne (en latin Sena Julia). Le blanc et le noir devinrent alors les couleurs de la ville qu'on retrouve dans la balzana.
Histoire
[modifier | modifier le code]Fondée par les Etrusque entre le IIIe et le IVe siècle av. J.-C.[2], Sienne est historiquement une ancienne colonie romaine fondée par Auguste et nommée Colonia Julia Sanea. Au Ve siècle, elle devint siège épiscopal. La ville se développe dès le VIIe siècle à l'époque des rois lombards. Devenue cité libre et indépendante au XIIe siècle, elle fut la rivale de Florence, d'autant plus que gibeline, c'est-à-dire partisane de l'empereur, elle s'opposait à la politique guelfe – favorable au pape – de sa voisine qu'elle tint longtemps en respect avant de lui infliger une cinglante défaite en 1260, à la bataille de Montaperti. Elle est battue néanmoins en 1269 à la bataille de Colle (à Colle di Val d'Elsa) et, en 1270, Charles d'Anjou, allié de Florence, la contraint d'entrer dans la ligue guelfe[2],[3]. La décadence après la banqueroute des Buonsignori et la peste de 1348 marquèrent la fin de la grandeur siennoise et Jean Galéas Visconti domina la ville et ses factions à la fin du Trecento[2],[3].
En 1487 Pandolfo Petrucci, dont la figure politique fut controversée[4], en dirigeant la ville pragmatiquement, lui fit vivre des moments historiques en rivalisant difficilement avec des voisins aussi puissants sur le plan militaire qu'économique[2].
Elle passa sous le contrôle des Français par Charles VIII en 1493 et leur resta fidèle[3].
La ville résista ensuite, défendue par Blaise de Montluc, aux troupes impériales de Charles Quint, mais elle dut néanmoins se rendre en 1555[2].
Elle fut intégrée au grand-duché de Toscane, offerte par Philippe II d'Espagne à Cosme Ier de Médicis. Elle sera dès lors reléguée au rang d'une simple ville, Florence étant la capitale de la région[2],[3].
Urbanisme du Moyen Âge
[modifier | modifier le code]L'enceinte de la ville du douzième siècle pouvait abriter jusqu'à 25 000 personnes[5]. Dès le XIIe siècle, les nobles propriétaires de castellari, palais urbains munis d'une tour carrée, contrôlaient un réseau de rues privées qui les reliaient à leurs alliés mais aussi aux marchés et à des portes de sortie sur la campagne qui leur permettaient de fuir vers leurs fiefs. Au lendemain des batailles du XIIIe siècle, les factions victorieuses s'appliquaient à piller les vaincus et à incendier leurs palais. Ces lieux, tel Carthage dans l'Antiquité, étaient réputés maudits et on interdisait, en guise de punition, de reconstruire par-dessus. Ces lieux laissés à l'abandon devenaient ainsi des cloaques alors que la municipalité développait de grands soins à décorer et embellir la ville. Dans certains cas, les maisons n'étaient pas détruites mais confisquées par la municipalité, qui les rasait pour élargir les rues ou les places ; c'est ainsi que fut construite la Via Supra Posteria, aujourd'hui la Costa larga : tracée dès 1290, la municipalité attendit que Gabrielle Speranza, dont le palais se trouvait malencontreusement sur le chemin, soit déclarée traître et qu'un autre patricien meure, mais il a fallu attendre 1360 pour que cette voie soit ouverte[3].
Passage de la ville médiévale à la commune
[modifier | modifier le code]L'édification de la Piazza del Campo (avec son Palazzo Pubblico et sa tour érigée en 1350) où se déroula ensuite le Palio de la ville marqua le passage de la propriété privée, qui organisait la ville, à une gestion républicaine (la gestion communale - de la ville - s'accompagna de celle de la région environnante). Le Gouvernement des neuf (autoproclamés puis cooptés) gèra l'Office des finances de la Commune, la Biccherna, édictant tous les décrets : ainsi une réglementation exigeante fut décidée pour l'édification des palais privés et des maisons bordant la place du Campo : limitation des balcons et des portiques, interdiction (décrets de 1297) de terrasses fermées par des balustrades donnant sur la place pour n'avoir que des fenêtres bifores, à doubles arcades, visibles de la place par unification architecturale. La place fut pavée (statuts de 1346 concernant les matériaux et le motif) et reste une des premières dans l'histoire de l'Italie pour sa constance[2],[3].
La gestion des fontaines passa également du privé au communal et des fontaines publiques gratuites furent installées dans la ville dont la fameuse vasque du Campo en 1357, remodelée en Fonte Gaia vers 1410 par Jacopo della Quercia[2],[3].
Fin de la souveraineté
[modifier | modifier le code]En 1555, après la chute de Sienne, un groupe d'exilés sous protection française se réfugie dans la forteresse de Montalcino, tandis que le reste du territoire siennois est progressivement conquis par les Médicis et les troupes espagnoles. À Montalcino, les exilés organisent un gouvernement dont l'organe principal est le concistoro présidé par le capitano del popolo]. Après la paix du Cateau-Cambrésis, le soutien Français ayant cessé, les exilés siennois doivent se rendre et confier la forteresse à l'émissaire du roi d'Espagne[6].
Chronologie
[modifier | modifier le code]Government. | Years Active'. | Description'. |
Consulaire | 1125-1199 | Lorsqu'ils étaient dirigés par un évêque, les consuls élus représentaient les nobles, ainsi que le peuple. Avec le déclin du pouvoir épiscopal, le leur s'est accru jusqu'en 1167, date à laquelle le pouvoir épiscopal a été expulsé. Les consuls ont continué à gouverner jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit jugé nécessaire. |
Podestà | 1199-1234 | Le Podestà était un exécutif élu par le peuple comme un souverain absolu. |
Ventiquattro (24) | 1234-1270 | Sienne a remplacé son gouvernement du Podestà par celui d'un conseil d'élus. Le nombre de fonctionnaires a fluctué au fil des ans, comme le montre le tableau . |
Trentasei (36) | 1270-1280 | |
Quindici (15) | 1280-1286 | |
Nove (9) | 1286-1355 | |
Dodici (12) | 1355-1385 | |
Quindici (15) | 1385 | |
Priori | 1385-1399 | Le conseil des Priori a été créé dans le but de stabiliser le gouvernement et de concurrencer Florence. Il échoua cependant, le nombre de Prieurs fluctuant constamment et Florence poursuivant son agression. |
Visconti seigneurie | 1399-1404 | Les Prieurs de Sienne ont donné le commandement de la ville à la Maison des Visconti pour la protéger de Florence. |
Priori | 1404-1487 | Après l'expulsion de la Chambre des Visconti, le peuple a mis en place un autre gouvernement Priori, cette fois avec 10 Prieurs. Contrairement à l'ancien gouvernement Priori, celui-ci était stable. |
Petrucci seigneurie | 1487-1525 | La Maison de Petrucci a acquis une grande influence et est devenue un quasi-gouverneur de la ville-État jusqu'en 1500, date à laquelle Pandolfo Petrucci a pris complètement le contrôle de la ville. La domination de Petrucci fut une période stable et prospère pour Sienne. |
Priori | 1525-1548 | Un gouvernement Priori a été installé pour tenter de ramener la stabilité à Sienne, ce qu'il n'a pas abouti. |
Seigneurie espagnole | 1548-1552 | Profitant de la situation politique chaotique, l'Espagne a envoyé une garnison pour prendre le contrôle de la ville |
Capitano del popolo | 1552-1555 | Pour protéger la ville, le peuple a donné le pouvoir à un seul dirigeant, le Capitano del Popolo, (Capitaine du peuple). |
République de Sienne à Montalcino | 1555-1559 | Après la conquête de Sienne, les familles nobles se sont installées à Montalcino[7],[3]. |
Essors culturel, religieux et économique
[modifier | modifier le code]- Peinture
L'école siennoise, si elle entérina les acquis de la peinture byzantine, renouvela néanmoins la peinture du XIVe au XVIe siècle et participa en agissant parallèlement à l'école florentine à l'essor de la peinture italienne de la Renaissance. Parmi les peintres notoires de cette école, on peut noter les primitifs italiens, Guido da Siena et Duccio di Buoninsegna, Simone Martini, Pietro et Ambrogio Lorenzetti, Domenico, Taddeo di Bartolo, Il Sassetta et Matteo di Giovanni[3].
Domenico Beccafumi (vers 1486-1551) domina l'école siennoise du cinquecento en abordant le maniérisme prudemment.
Elle perdit son essor dès l'éclosion du maniérisme malgré les talents isolés de Ventura Salimbeni (1567-1613) et de Francesco Vanni (1563 ou 1565-1610) puis au baroque avec Rutilio Manetti (1571-1639).
- Architecture
L'architecture, en mêlant apports étrangers (gothique français) et goût siennois, lui donna un caractère propre aux XIIIe et XIVe siècles avec les Pisano, Nicola puis son fils Giovanni, Arnolfo di Cambio. La Renaissance vit naître des architectes locaux qui remplacèrent ceux venus de Florence comme Francesco di Giorgio Martini, Baldassarre Peruzzi, Guidoccio Cozzarelli, Antonio Federighi. En ce qui concerne la sculpture, ce furent Tino di Camaino, et Jacopo della Quercia[3].
- Religion
En ce qui concerne son impact religieux, Sienne s'est illustrée par la mystique sainte Catherine de Sienne (1347 - 1380), par le prêcheur saint Bernardin de Sienne (1380-1444), puis par l'humanisme d'Enea Silvio Piccolomini, devenu pape sous le nom de Pie II (1458-1464), et qui érigea son évêché en archevêché[3].
- Financier
La Monte dei Paschi di Siena, fondée en 1472, initialement mont de piété, est restée, jusqu'à aujourd'hui, la banque la plus ancienne en activité.
Agostino Chigi (1465-1520), s'illustra à Sienne comme banquier et un des plus grands mécènes de la Renaissance et ses descendants iront exercer leurs activités bancaires jusqu'à Rome[3].
- Sciences
Dans le domaine des sciences, la ville vit naître au XVIIe siècle l'Accademia dei Fisiocritici qui est l'Accademia delle Scienze di Siena[3].
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Patrick Boucheron : Conjurer la peur - Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images, Seuil, 2013, 285 p.
- Anne-Marie Brenot, Sienne au XIVe siècle dans les fresques de Lorenzetti : la cité parfaite, L'Harmattan, Paris, 1999, 85 p. (ISBN 2738476279)
- Robert Langton Douglas, Histoire de Sienne (trad. Georges Feuilloy), Librairie Renouard, H. Laurens, Paris, 1914, 2 vol. (1. Histoire politique et sociale de la république de Sienne ; 2. L'art siennois), 496 p.
- Anna Little, « Changing places » : peinture, politique et espace à Sienne (fin XIIIe - début XIVe siècle), thèse soutenue le mardi [1]
- Odile Redon, L'espace d'une cité : Sienne et le pays siennois (XIIIe – XIVe siècles), École française de Rome, 1994, 324 p. (ISBN 9782728303144)
- Julien Théry, « Faide nobiliaire et justice inquisitoire de la papauté à Sienne au temps des Neuf : les recollectiones d’une enquête de Benoît XII contre l'évêque Donosdeo de’ Malavolti (ASV, Collectoriae 61A et 404A) », in Als die Welt in die Akten kam. Prozeßschriftgut im europäischen Mittelalter, éd. Susanne Lepsius, Thomas Wetzstein, Francfort : V. Klostermann (Rechtsprechung, 27), 2008, p. 275-345, disponible en ligne.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- La louve siennoise se distingue de la louve romaine par l'orientation de sa tête.
- (it) « Cronologia storico-politica della Repubblica di Siena », sur ilpalio.siena.it (consulté le ).
- (it) Divers auteurs, « Siena in "Enciclopedia Italiana" », sur treccani.it, (consulté le ).
- Machiavel, dans Le Prince, le considère comme un tyran.
- Redon Odile. L'espace d'une cité. Sienne et le pays siennois (XIIIe – XIVe siècles) Rome : École Française de Rome, 1996, 324 p. (Publications de l'École française de Rome, 208).
- (it) « Repubblica di Siena ritirata in Montalcino », sur dati.san.beniculturali.it, (consulté le ).
- (it) 14-11-2015, « Aprile 1555: guerra e conquista di Siena (lo Stato di Siena «è mio et a me s’appartiene in tutto…») « Storia di Firenze », sur storiadifirenze.org (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Jacques Heers, Sienne la silencieuse