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Alan Stivell

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Description de cette image, également commentée ci-après
Alan Stivell en concert au festival interceltique de Lorient en 1998.
Informations générales
Surnom Alan Stivell
Nom de naissance Alan Cochevelou
Naissance (80 ans)
Riom Drapeau de la France France
Activité principale Parolier - compositeur
Musicien - chanteur
Genre musical Musique celtique, rock celtique
musique bretonne, musiques actuelles, folk, World Music, New Age, musiques électroniques, musique symphonique, fusion, cross-over
Instruments Harpe celtique, cornemuses, bombarde, flûte irlandaise, claviers
Années actives Depuis 1953
Labels Keltia III, Universal Music, Disques Dreyfus
Site officiel www.alan-stivell.com

Alan Stivell (né le à Riom en Auvergne) est un auteur-compositeur-interprète et musicien français qui lutte pour la reconnaissance culturelle et politique de la Bretagne. Chanteur, il est aussi multi-instrumentiste : bombarde, biniou kozh, cornemuse écossaise, tin whistle et surtout harpe celtique.

Avec la première harpe néo-celtique construite par son père, il est à la base de la renaissance de cet instrument et de la musique bretonne moderne. Il fait partie du mouvement folk des années 1960 en France, qui nourrit l'envol de la musique celtique, inspirée par le folk-song et le rock anglo-saxons. Sa personnalité et son travail ont joué un rôle majeur dans la popularisation de la musique celtique en Bretagne et dans le monde : il est à l'origine de ce mouvement revivaliste des années 1970, grâce notamment à l'électrification de cette musique, et du concept même. Alan Stivell se rend d'abord célèbre pour ses arrangements sur le répertoire traditionnel, même si l'autre partie de son œuvre est la création de nouveaux morceaux.

Reconnu aux États-Unis et au Canada en tant qu'« harper New Age », il réalise plusieurs tournées internationales. Il influence le sursaut que connaît la langue bretonne et la fierté du peuple breton. Il ouvre la voie aux autres groupes ou artistes, suscite des vocations chez les jeunes, les luthiers, les enseignants et devient un modèle pour les autres cultures. Il interprète des paroles majoritairement en langue bretonne, mais aussi dans d'autres langues celtiques, en français et en anglais. Après le travail de son père, il élabore des prototypes de harpes expérimentales.

Sa musique, ouverte sur le monde et sur la Celtie par le panceltisme, s'appuie sur des formes musicales qui allient des combinaisons parfois peu explorées, avec un goût pour les nouvelles technologies. Son œuvre musicale se double d’un combat pour la reconnaissance de la culture bretonne et celtique, avec des messages humanistes pour l'ouverture aux autres et une plus grande fraternité entre les humains. Cet esprit d'ouverture se traduit par des métissages culturels et des fusions musicales dès ses débuts, ce qui en fait l'un des précurseurs de la world music, qu'il définit clairement sur son premier album Reflets.

Origines, formation et débuts

De son vrai nom Alan Cochevelou[n 1], il est originaire d'une famille bretonne qui a quitté sa région natale suite aux Guerres mondiales : sa famille, du côté de son père, est originaire de Gourin et Pontivy dans le Morbihan[g 1], en région Bretagne, mais il est né à Riom (département du Puy-de-Dôme) dans la région Auvergne, où il vécut quelques mois avant de passer sa jeunesse à Paris (20e arrondissement puis Vincennes[g 2]), hormis ses fréquents séjours en Bretagne.

Enfant, il se passionne pour la science-fiction, le modernisme et le futurisme ; il lit des bandes dessinées d'anticipation[1]. Au lycée, il affirme son identité et sa passion pour la culture, l'histoire et la mythologie celtique, malgré un sentiment de solitude et d'humiliation[a 1]. Il est élève au lycée Voltaire (Paris)[2], étudiant en licence d'anglais à la faculté des lettres de Censier (Paris 3)[3], en linguistique à la Sorbonne et à l'université de Rennes où il passe un certificat de celtique[a 2]. Il étudie à l'École pratique des hautes études la littérature médiévale galloise et gaélique[a 2].

Les Cochevelou et la renaissance de la harpe celtique

Harpe celtique. Musée de l'Écosse - Édimbourg.

Benjamin d'une famille de trois enfants, avec deux frères aînés, Jean (1935) et Yves (1940), Alan n'a pas connu ses grands-parents de Gourin. Son père, Georges Cochevelou (Jord ou Jorj en breton), est né à Paris le 18 mai 1889 mais a vécu en pays vannetais, pendant son enfance et jusqu'à la trentaine, quittant la Bretagne pour être militaire[a 3]. Travaillant ensuite dans une banque et un laboratoire pharmaceutique à Paris, il rencontre Fanny, la mère d'Alan, originaire des pays baltes (28 mars 1903, Paris - 26 septembre 2005, Limeil-Brévannes)[g 2]. En 1939, affecté dans l'Est pendant la guerre, sa famille le suit jusqu'en 1945 avant de retourner à Paris. Traducteur d'anglais au ministère des Finances, Jord est également artiste : il se passionne pour la peinture, l'ébénisterie, la poésie et la musique. Par amour pour la Bretagne, il cherche à reconstruire l'ancienne harpe bretonne, arrivée aux Ve – VIe siècle par les moines évangélisateurs partis d'Irlande, oubliée depuis le déclin de l'aristocratie bretonne à la fin du Moyen Âge et la période baroque, symbole mythique et mystique du romantisme poétique breton à la fin du XIXe siècle. Il fait un essai préliminaire en 1942 avec des plans personnels. Après des recherches documentaires dès 1946, il se lance dans la construction du prototype, de 1952 à 1953, tous les soirs et les week-ends pendant un an[4]. Alan Stivell tombe amoureux de cette harpe celtique, la « Telenn Gentañ » (« la première harpe » en breton) : « C'était d'emblée un Stradivarius[5]. » ; « Pour ce qui est des instruments acoustiques, j'ai rarement trouvé une harpe qui puisse, au niveau sonorité, être comparée à la première de mon père[4] ». Avec la réalisation du rêve de son père, sa vocation naît.

Formation musicale et culturelle

L'univers celtique de la harpe

La première partie de sa vie se déroule à Paris. À l'âge de cinq ans, il commence l’apprentissage du piano classique – dont jouait sa mère – mais sans enthousiasme[n 2]. C'est le prototype de harpe recréé par son père, au départ destiné à sa mère Fanny, qui l’incite à prendre des cours ; il bénéficie de l’enseignement de la célèbre concertiste Denise Mégevand (1917-2004). Les adaptations de classiques comme Naderman ou Telemann et surtout les arrangements de thèmes traditionnels celtiques et bretons, écrits par son professeur ou son père[b 1], déterminent chez lui une passion pour les pays celtiques et la Bretagne, passion qui ne s’est jamais démentie[6]. Il est ainsi le premier, depuis quatre siècles, à faire résonner de nouveau la harpe bretonne. Il joue notamment des cantiques comme Lavaromp ar chapeled, Ar baradoz ou Pe trouz zo 'ar an douar, des thèmes profanes, des airs des autres pays celtes, comme ceux du répertoire de Mary O'Hara, et des thèmes s'inscrivant dans la mouvance romantique irlandaise[7]. Cet instrument fait naître, chez lui, le sentiment d'appartenance aux peuples et à la culture celtique ; il s’intéresse à la langue galloise, au gaélique et à la mythologie celtique. Héritier du mouvement artistique des Seiz Breur et de sa formation en musique classique, il projette d'écrire des symphonies, des cantates, après une visite chez le militant breton Goulven Mazéas, dont la fille Claudine collecte des chants et lui fait découvrir la Kantadenn Penn ar Bed de Jef Le Penven, en 1958. Il a le même enthousiasme pour la démarche parallèle de l'Irlandais Seán Ó Riada[b 2].

Le , alors âgé de neuf ans, il se produit avec sa harpe à la « Maison de la Bretagne », à Paris, où l'association Ar Pilhaouer avait demandé, à son père et à son professeur, une conférence sur la harpe celtique. Cette soirée provoque l'enthousiasme des Bretons de Paris et sonne le réveil de la Telenn Arvor, avec des commandes pour son père et la création d'un groupe de harpistes au sein des scouts Bleimor[b 3]. Il se produit également, en janvier 1954, à l’Unesco, pour une exposition bretonne, au « Noël des petits Bretons de Paris ». Pendant l'été, il accompagne deux jeunes chanteurs de Sainte-Anne-d'Auray en la cathédrale de Vannes, pour l'association Bleun-Brug, ou encore au meeting de l'Union féminine civique et sociale, au grand amphithéâtre de la Sorbonne. En 1955, il se produit pour des associations bretonnes comme Kendalc'h, Kêrvreizh ou la Mission bretonne, pour la fête de la Saint-Yves aux arènes de Lutèce, la fête des œillets à Paramé, la fête du Léon-Trégor à Morlaix[b 4], etc.

Immersion dans la culture bretonne

Dès 1953, il commence son apprentissage de la langue bretonne. Dans le bus 96 qui mène du 20e arrondissement au quartier breton de Montparnasse ou dans le métro, il se perfectionne avec un petit lexique qu'il crée, mettant en parallèle le gallois et le gaélique[8]. Vivant à Paris, il considère avoir ressenti l'originalité de l'identité bretonne de façon plus forte qu'un Breton qui habitait en Bretagne, passioné par les paysages, les matières et les habitats typiques[9]. Mais au niveau communautaire, il observe des points communs avec l'Écosse et l'Irlande.

En janvier 1954, il adhère à l'association de scouts de Paris Bleimor, d'abord en tant que louveteau, puis en octobre en tant que scout[b 5], pour intégrer ensuite, adolescent, le bagad Bleimor, à la suite de ses deux frères. Il commence l'étude de la bombarde, puis vers 1960, celle de la cornemuse (binioù bras en breton, ou encore pib-veur). Il se produit une seconde fois au « Noël des petits Bretons de Paris » organisé par Bleimor en janvier 1955[b 5]. Sa Telenn Arvor fait des émules au sein des scouts : cinq filles achètent des harpes irlandaises et forment la Telenn Bleimor. Avec le scoutisme et les camps, il apprend à parler breton[10] et à surmonter sa timidité[c 1]. Il apprend également à danser, lors de stages, et découvre de nouveaux airs en fest-noz, avec les frères Morvan notamment[a 4]. Le bagad lui apporte une exigence de rigueur technique et de travail acharné, qu'il poursuivra dans sa musique, avec le souci de la perfection[c 2]. En 1956, il se produit à l'académie de musique Raymond Duncan, au cabaret Le Pichet, au Festival des cornemuses à Brest et, à l'automne, il réalise son premier passage à la télévision nationale, avec Sylvie Raynaud-Zurfluh, se qualifiant pour le grand concours national du « Royaume de la musique »[f 1].

En 1957, à treize ans, il interprète trois morceaux solos, en première partie de Line Renaud à l’Olympia, lors d'une des premières émissions Musicorama d'Europe 1[11] et à l'émission pour enfants de Jean Nohain et Gabrielle Sainderichin. À quatorze ans, il suit les cours de breton de Skol ober, de 1958 à 1960, par correspondance[d 1], et effectue des stages auprès de bretonnants[c 3]. Il se produit en 1958 pour Kendalc'h et propose des initiations de harpe. À Gourin, il participe à un stage d'Ar Falz. Trop âgé pour faire partie des scouts, il participe activement à la vie du bagad, qui gravit les échelons en remportant les concours, dirigé par l'ethno-musicologue Donatien Laurent.

Musique bretonne et premiers enregistrements

Photographie d'Alan Stivell de dos devant le public du concours des sonneurs à Gourin
Alan Stivell au championnat des sonneurs de Gourin en 2010.

Il devient penn-soner (« sonneur en chef ») du bagad en 1961, succédant à Donatien Laurent[12]. Avec une démarche d'authenticité dans le répertoire et l'utilisation des bombardes – sans pour autant délaisser les compositions – Alan s'illustre dans les arrangements. En tant que directeur musical, il permet au bagad d'être champion de Bretagne des bagadoù en 1966, et il y reste jusqu'en mai 1970, à Châteaudun[13]. Parallèlement, il sonne en couple avec Youenn Sicard, pour animer fêtes et festoù-noz[14]. Ils remportent des concours à Gourin (triple champion de Bretagne, en duo cornemuse-bombarde, en 1966, 1968 et 1969)[15], et la plume de paon des fêtes de Cornouaille, à deux reprises[g 2]. Lors des festoù-noz – ces « fêtes de nuit » – il rencontre les chanteurs de kan ha diskan, les groupes traditionnels et les sœurs Goadec, avec qui il apprend des chansons traditionnelles et une façon de chanter[e 1]. Il se perfectionne aussi à la cornemuse et au whistle. L'été 1964, il est diplômé en cornemuse lors d'un stage au College of Piping à Dunvegan (île de Skye)[e 2],[16]. Il continue de mettre en valeur la harpe celtique dans les milieux bretons, parisiens, irlandais et écossais, par d'assez nombreux récitals, bien que ses études secondaires ne lui permettent pas un statut professionnel. Pour autant, même s'il sonne des danses de montagne avec des airs comme Metig qui rappellent certains rocks, il éprouve la déception que la musique, les danses et les chants bretons soient tournés en dérision – comme lors de bals à Paris – et que la Bretagne soit réduite à un folklore de façade, victime d'incompréhensions[c 4]. La découverte du rock 'n' roll en 1958 est pour lui un électrochoc, qui lui fait faire le parallèle entre le cousinage irlandais et son envie de modernisation pour la Bretagne et son riche patrimoine musical[7]. N'ayant pas l'âme d'un rocker, il rêve d'artistes ou de groupes faisant la jonction entre la Bretagne et la musique populaire moderne et urbaine, qui utiliseraient principalement des instruments du rock 'n' roll[b 2] et qui profiteraient de cette audience pour défendre la cause bretonne[c 5].

En 1959, il enregistre, sur l'album Évocation de la Bretagne - Breiz ma bro, le cantique Ar Baradoz (Le Paradis), avec Armand Haas, et Ho mamm avec Yvette Nicol. De novembre 1959 à août 1961, après que son père eut pris contact avec le label Mouez Breiz, quatre 45 tours de 4 titres sont réalisés avec la chanteuse Andréa Ar Gouil, intitulés Chansons et mélodies de Bretagne. Son père souhaite ainsi montrer les qualités d'accompagnement de la harpe[b 5]. En 1961, il enregistre son premier 45 tours de harpe solo, intitulé Musique gaélique. Les thèmes abordés, d'influences irlandaises et écossaises, sont harmonisés et arrangés par Georges Cochevelou, qui accompagne également son fils. Il participe avec Andréa à une soirée à Gatz en Autriche, en 1961[b 5] et au congrès celtique international de Tréguier, en 1962, où il croise Paddy Moloney et Jef Le Penven[f 1].

Parcours

Années 1960 : vers un « folk-song breton »

Entrée historique de l'American Center (avant sa reconstruction)
L'American Center, où Alan Stivell se produit pour la première fois devant le public parisien, en janvier 1966.

En 1964, il enregistre un premier 33 tours instrumental solo, Harpe celtique, composé de morceaux empruntés à tous les pays celtes, et arrangés par son père et son professeur de harpe[17]. L'album est réédité en 1966, sous le nom Telenn geltiek - Harpe celtique, dans une nouvelle pochette dessinée par Alan. En 1965, avec des amis du bagad Bleimor, il fonde le groupe éphémère Ar Bleizi Mor (« Les loups de mer »), point de départ de son folk-song breton, et il modernise sa harpe, toujours dans l'optique d'une musique renouvelée. Pour se rapprocher du folk, il utilise une harpe bardique amplifiée, équipée de cordes métalliques, fabriquée par son père, avec des pédales pour modifier le son[18]. Il accompagne à la harpe le chanteur breton Glenmor, sur scène à la Mutualité en 1965 et sur disques – en 1967 et 1969 – sous les pseudonymes Artus Avalon ou José Marion, car il est sous contrat avec Philips[a 5]. Il accompagne également la chanteuse Andréa Ar Gouilh. Espérant qu'un jeune chanteur ou chanteuse saute le pas pour défendre la musique et la cause bretonnes, il ne se voit pas affronter lui-même le show-biz parisien pour obtenir une large diffusion[a 5].

Bien que de nature timide, il commence pourtant à se produire au chant en solo, sur les scènes ouvertes des Hootenannies de Lionel Rocheman, en janvier 1966[19], organisées au Centre culturel américain du boulevard Raspail, devant des jeunes, français comme américains[3]. À sa grande surprise, il séduit un public non préparé à sa musique et gagne en confiance. Les Hootenannies lui permettent de faire des rencontres[n 3] et de se frotter au rock, en s'inspirant du picking à la guitare de Don Burke puis de Marcel Dadi. Dès 1967, Lionel Rocheman met en place une troupe avec des membres fondateurs du Bourdon (une autre petite salle parisienne), dont Alan, sous le nom Hoot-Club, qui tourne notamment dans les maisons de jeunes et de la culture, puis pour une tournée en 1969, avec le spectacle folk Chansons pour Châteaubriand[20].

Pendant l'été 1966, il choisit son pseudonyme Stivell qui signifie en breton « source jaillissante »[n 4], rapprochement d'une des étymologies de son nom de famille (kozh stivelloù, « les vieilles sources »)[b 6], tout en le simplifiant pour marquer une rupture[21]). L'inspiration est aussi puisée dans son entourage, car il habite, cet été-là, rue du Stivel à Quimper, hébergé chez le couturier Marc Le Berre, près de la source du Styvel[22]. Il se souvient aussi de ce nom rencontré « dans une association d'handicapés de Bleimor », qui lui évoque une symbolique entre sa nouvelle harpe et la jeune musique celtique qui va jaillir[b 6]. La même année, il enregistre la partie harpe sur la chanson La Mer est immense interprétée par Graeme Allwright. En 1967, il signe chez Philips-Phonogram (futur Universal) un contrat d'exclusivité internationale[n 5]. En devenant professionnel, il est le deuxième chanteur breton à franchir le pas après Glenmor[23]. Il tourne déjà beaucoup, surtout en solo, mais aussi en compagnie d’autres habitués de l'American Center de Paris (Steve Waring l'accompagne quelquefois). Il invite également le guitariste Daniel Le Bras (Dan Ar Braz), rencontré en jouant dans un restaurant à Bénodet, à l'accompagner de temps en temps. En juillet 1967, après un concert au Ti-Jos à Montparnasse, Bretagne Magazine titre dans son no 20 : « Alan Stivell, une forme de génie »[24].

À l'occasion d'une séquence live à l'émission « Pop Club » de José Artur, il sympathise avec les Moody Blues, qui l'invitent à faire leur première partie, au Queen Elizabeth Hall de Londres, en juin 1968. Il joue aussi en solo au Arts Lab (théâtre de Drury Lane) de Londres et dans la Sorbonne en grève. Auparavant, il s'était produit au Centre Élysée-Bretagne, dans le cadre des soirées de folk song celtique retransmises à la télévision, où il y rencontre Marie-José, sa future épouse, à l'aéroport d'Orly en grève et au cinéma Omnia de Brest avec Dan Ar Braz[25]. Son premier 45 tours sous le label Fontana est Flower Power, avec quatre chansons en français parlant de la société (la peine de mort), la nature, la « colonisation » de la Bretagne (l'injustice subie du fait des puissants) et de liberté à travers les hippies, sur une musique empruntée à l'époque[26]. Un an après, en 1969, Crépuscule sur la rade est le second 45 tours arrangé par Hervé Roy[n 6]. Cherchant à changer de maison de disques, il est contraint de rester chez Philips par son contrat, mais réussit à développer son projet d'enregistrer ses chansons en breton sur ses arrangements. En cas de succès d'un single personnel, il avait pour objectif de produire son album et peut-être d'autres[27]. En 1969, il joue aussi quelques titres en première partie de Sylvie Vartan à Rennes[28] et, sélectionné au festival international des variétés de Rennes, il manque de peu l'Hermine d'or[29].

Années 1970 : le « revival breton »

Photographie noir et blanc d'Alan Stivell à la flûte en Italie en 1991
Alan Stivell au festival de Dolceacqua (Italie) en 1991.

Début 1970, il réalise son 45 tours Brocéliande qui connaît un succès honorable[n 7], avec cette chanson qui puise sa source dans des légendes celtes et la célèbre chanson à boire Son ar Chistr (en breton, La chanson du cidre), qui évoque par son style et son rythme le folk américain. Sa maison de disques lui donne alors carte blanche pour enregistrer les dix chansons (dont quatre en breton) de l'album Reflets sorti en décembre 1970. Dix mille exemplaires se vendent en deux mois[c 6]. Avec sa musique « ethno-moderne »[30], il marque le coup d’envoi d’un phénomène qui va révolutionner la Bretagne et drainer les foules aux six coins de l'Hexagone, avant celles de l'étranger[31].

Dès 1971, il enregistre deux titres sur un 45 tours qui sort à nouveau chez Fontana : The Wind of Keltia, écrit avec le folk-singer Steve Waring, et Pop-Plinn, très rock avec les parties de guitare électrique de Dan Ar Braz. Sa démarche est soutenue et il obtient un début de reconnaissance. Pop Plinn est une surprise radiophonique : c'est la première fois que l'on peut entendre de la guitare électrique dans la musique bretonne. Il est lauréat du concours de chant Celtavision à Killarney (Irlande) en mai[32] et reçoit le prix Morvan Lebesque attribué par le Congrès mondial des Bretons dispersés, des mains de Marie Laforêt[33]. Il édite, fin 1971, son deuxième 33 tours au titre éloquent, Renaissance de la harpe celtique, qui est salué par la presse française et anglaise et par le prix de l’académie Charles-Cros[34]. L'album est présenté le 6 janvier 1972, pour l'ouverture de la librairie Coop Breizh à Paris[35], et est suivi d'une tournée internationale. Cet album instrumental devient une référence pour la musique celtique à travers le monde, notamment aux États-Unis[36] et il suscite la vocation de nombreux harpistes mondiaux, selon plusieurs harpistes renommés[n 8]. Alan Stivell cherche à déboucher sur « l'équivalent du folksong américain » : il forme une structure de type groupe de rock (guitare, basse, batterie), composée entre-autres de Dan Ar Braz, René Werneer, Michel Santangeli et rejoint par Gabriel Yacoub, pour donner de l'ampleur à sa musique progressive, synthèse du folk celtique et de la pop[37].

Le , il donne un concert événement à l’Olympia accompagné de nombreux musiciens, notamment du guitariste électrique Dan Ar Braz, du guitariste acoustique multi-instrumentiste Gabriel Yacoub (futur fondateur du groupe Malicorne), de René Werneer et de Michel Santangeli, qui constituent ainsi sa formation mythique. Le succès de ce concert est amplifié par sa retransmission radiophonique en direct par Europe 1, une des trois radios françaises de l'époque qui le diffuse, dans son émission « Musicorama » suivie pour l'occasion par sept millions d'auditeurs[38]. Dès lors, une prise de conscience s'opère chez les Bretons et les Français, et la musique bretonne devient alors en vogue[39]. Tri martolod devient un hymne fédérateur, la Suite Sudarmoricaine occupe la 3e place du hit-parade d’Europe 1 durant des semaines[40] et la première de RTL[7]. À l'automne, son nom est connu du grand public. Il se vend 1 500 000 disques de l'album À l'Olympia, qui atteint ensuite plus de deux millions d'exemplaires[a 6],[41]. Stivell fait la « une » des magazines, sa musique bretonne électrique (la « pop celtique » ou rock celtique) devient à la mode. Dès lors, la musique celtique prend son envol et suscite un engouement planétaire[42].

En quelques semaines, la culture bretonne acquiert une image très positive aux yeux des Bretons, mais aussi dans tout l'hexagone et même en Europe. Beaucoup de jeunes gens découvrent les fest-noz, suivent sa tournée en Bretagne et cherchent à jouer d'un instrument traditionnel[n 9],[43], ce qui conduit à l'augmentation du nombre d'enseignants, de luthiers, de bagadoù. De l’estime de ses compatriotes, il accède à la reconnaissance internationale et montre l'exemple aux cultures dites « minoritaires »[Cit. 1]. Son succès suscite des émules, non seulement en redynamisant la musique traditionnelle mais encore en favorisant l'émergence de nouveaux musiciens et auteurs-compositeurs-interprètes[n 10] : une nouvelle renaissance. Mais ce statut de « vedette internationale » est accompagné de critiques de la part de traditionalistes qui, contrairement aux progressistes, refusent l’électrification et le relais médiatique[44]. Ces personnes, aussi appelées « puristes », critiquent une « récupération par le show-biz », alors qu'il s'en est lui-même servi pour une mise en avant de sa musique et un changement d'image de sa culture minoritaire[45],[44]. Alan Stivell tourne en France, mais aussi à l'étranger : en août, au festival Line-up de Reading en Angleterre, qui accueil 300 000 festivaliers, il partage l'affiche avec Rod Stewart, Genesis ou encore Status Quo, au Canada, en octobre, il est à Sherbrooke, Montréal et Québec[a 7].

1973 confirme l’année précédente : après un passage de trois semaines à Bobino[46] suivi d'une tournée au Canada, il sort un nouvel album, Chemins de Terre, salué par la critique (le magazine britannique Melody Maker le désigne « disque de l’année » et titre « the conquerer cometh ») dont le succès commercial en fait très vite un disque d'or[47]. L'activité scénique se poursuit, tant en France qu'à l’international : en Bretagne et dans l'Hexagone, les chapiteaux de 3 000 places ne peuvent contenir les spectateurs et, Outre-Atlantique, il s'exporte aux États-Unis et au Canada, de septembre à novembre[e 3]. Le , Alan Stivell et ses musiciens sont au festival de Kertalg (Moëlan-sur-Mer) parmi 200 musiciens bretons dont Glenmor et les sœurs Goadec[48],[49]. Une étape à la croisée des chemins de terre « avant d'embarquer pour les îles »[n 11]. En décembre, il effectue une tournée au Royaume Uni en première partie du groupe Steeleye Span[50]. Le mensuel Rock & Folk le classe 7e des musiciens de l'année[51].

Photographie, panorama depuis le sommet de la calotte Saint Joseph à Langonnet
Alan s'installe en 1974 à Langonnet, près de ses racines, pour se ressourcer.

L'année suivante, pour se ressourcer, il s'installe dans une ferme à Langonnet (Morbihan), terres de ses ancêtres paternels[g 1], et y produit E Langonned (À Langonnet)[Cit. 2]. Le disque rappelle des formes acoustiques proches du traditionnel et s'inscrit dans une évolution en spirale avec un côté binaire : l'aspect des racines intériorisées et l'extériorisation par l'électrification. Pour mieux contrôler sa production discographique, il fonde son propre label Keltia III[52]. Alan effectue une nouvelle tournée nord-américaine qui l'amène notamment à New York, suivie d'une tournée bretonne puis française. À la fin de l'année, il se produit les 26 et dans un National Stadium de Dublin rempli. L'enregistrement de ces deux concerts est publié au printemps 1975 sous la forme de l'album live E Dulenn. Le morceau Délivrance est ouvertement militant ; c’est la revendication des cultures celtiques et l’affirmation de la « Celtie » comme terre de croisement. Le magazine anglais NME lui consacre un article et le magazine Best le classe en quatrième position, dans la catégorie « Groupes-chanteurs-musiciens français ».

Pendant les mois qui suivent, Alan et ses musiciens font une série de concerts en Europe : le Palais des sports de Paris, à guichet fermé[n 12], l’accueille du 16 au 26 janvier 1975 avec le même succès public[53]. Un mois avant, le à Saint-Mandé, Alan Stivell avait rendu un dernier hommage à son père Georges Cochevelou, inhumé à Gourin. En septembre 1975, il joue pour la Fête de l'Humanité et réussit à faire se lever et danser les 80 000 spectateurs sur la gavotte Metig. En décembre 1975, il se sépare de ses musiciens - à l'exception de Dan Ar Braz - qui partent former le groupe YS. Alan Stivell se produit une semaine au Royaume-Uni, dont le 26 janvier au Royal Albert Hall de Londres. En 1976, il enregistre Trema'n Inis (Vers l’île), un hommage à son père récemment décédé (il y joue deux des compositions de son père sur la première harpe qu'il a construit). Cet album intimiste, dédié aux poètes bretons, paraît fin 1976, en période de grève des médias (il s'en vend tout de même 30 000 exemplaires en un an).

Son huitième disque, Before landing - Raok Dilestra (Avant d'accoster), sort en 1977, très « militant » et rythmé sur du rock progressif. Il lui permet d'aborder l'histoire de la Bretagne en dix chansons, pour une « libération nationale » d'une histoire « falsifiée par la bourgeoisie » selon ce qu'il écrit sur la pochette. En 1977, Alan effectue une tournée d'une quinzaine de dates en Australie dans des salles combles ; une partie de la jeunesse, principalement étudiante, le plébiscite[a 8]. C’est après cette tournée que Dan Ar Braz, qui jouait avec Fairport Convention, souhaite réaliser ses propres albums, qui le mèneront à l'aventure de l’Héritage des Celtes dans les années 1990[n 13]. Alan joue ensuite aux Halles de la Villette (le dernier concert avec Dan), à Dublin avec les Chieftains, au Canada, à la Fête de l'Humanité où sont présents entre-autres Deep Purple, Peter Gabriel, Joan Pau Verdier. En 1978, le 33 tours Un dewezh 'barzh 'gêr (Une journée à la maison), sorte d'écho au disque E Langonned, marque sa séparation définitive d'avec Dan Ar Braz et avec sa maison de disques Philips, pour être distribué par CBS Records (Sony Music). Il effectue une tournée en Bretagne avec l'Union démocratique bretonne, puis en France (Printemps de Bourges), avec un passage par l'Irlande le temps d'un concert filmé donné au festival Siamsa Cois Laoi de Cork, et enfin à l'étranger (Amérique du Nord, Scandinavie). À l'issue de son concert au festival interceltique de Lorient, la chanteuse folk américaine Joan Baez danse pied-nus, avec Alan, la gavotte et l'an-dro, dans le stade du Moustoir[54].

Photographie d'Alan Stivell à la harpe
Alan Stivell en concert à Nuremberg (Allemagne).

En 1979, il publie l'album live International Tour - Tro Ar Bed[Cit. 3]. La même année, il enregistre et publie sa Symphonie celtique - Tír Na N-Óg (« Pays de l’éternelle jeunesse » en gaélique), œuvre concept qu'il rêve de composer depuis la révélation qu'il eut en entendant la Kantadenn Pen ar Bed, « Cantate du Bout du Monde » de Jef Le Penven en 1959 à l'âge de quinze ans[55]. Il y exprime trois tensions (ou « cercles de vie ») : une première individuelle qui conduit au dépassement de soi, une autre communautaire vers la société idéale vivant en harmonie, et une tension universelle vers l'absolu, le paradis, l'infini[56]. Cette œuvre marque le début d’un courant bien implanté aujourd’hui, le cross-over, qui mêle la musique celte à la musique symphonique classique, au rock, au pop, au jazz-rock et aux influences ethniques les plus diverses : quena des Andes, sitar indien. Il fait traduire ses textes en tibétain, algonquin, sanskrit, berbère, quechua, irlandais et les chante dans ces langues, lui-même ou d'autres chanteurs, car pour lui cette symphonie celtique est une symphonie universelle. Stivell se déclare « citoyen du monde de nationalité bretonne ».

Années 1980 : une renommée internationale

Photographie d'Alan Stivell en concert à Nuremberg
Stivell en concert à Nuremberg, .

Le , la Symphonie celtique est exécutée par 300 musiciens au festival interceltique de Lorient devant 10 000 spectateurs réunis au stade du Moustoir[n 14].

Durant les années 1980, la carrière de Stivell est un peu en retrait de la scène française. Mais, contrairement à d’autres artistes bretons, il continue à tourner régulièrement, notamment en Allemagne, aux États-Unis où il effectue plusieurs tournées, connu en tant que harpiste new age et en Italie. Dans ce pays comme en Australie, ses concerts attirant un public de plus en plus important : 12 000 à Rome, 14 000 spectateurs à Milan (tournée des stades et des parcs en 1980)[a 9]. Gérant jusque-là lui-même sa promotion[Cit. 4], il se fait aider à partir de 1981 par une attachée de presse, Béatrice Soulé. Trois disques seulement vont être enregistrés pendant cette période. En 1981, Terre des vivants (Bed an dud), contrepoint du paradis Tir Na Nog de sa Symphonie, est un album aux sonorités plus rock, alors que Légende, sorti deux ans plus tard, marque une évolution vers l’électronique et le New Age. Fin 1981, il rencontre une nouvelle fois le succès en Amérique du Nord, comme au Beverly Theater à Los Angeles, au Town Hall au cœur de Broadway à New York ou à Ottawa, et il se rend jusqu'en Australie ainsi qu'en Nouvelle-Zélande[a 10]. Il chante en duo avec Angelo Branduardi à l'émission « Le Grand Échiquier » de Jacques Chancel le 31 mars 1982, mêlant guitare, violon et harpe sur The Trees they grow Hight et la Suite des Montagnes. Il participe à la première Fête de la musique en juin 1982 et se produit à Bobino[a 10].

L'univers métaphysique celtique de l'album Légende (Legend en anglais et Mojenn en breton) apparaît en 1983. Les six premiers titres sont composés pour le film Si j'avais mille ans, une légende bretonne éternelle, de Monique Enckell. Alan s'implique dans le tournage du film aux côtés de la réalisatrice, inspiré de la légende léonarde d'Azenor et tourné en Bretagne. En 1983, le magazine Rolling Stone classe le Live At The Olympia, sorti en 1972, parmi les trente meilleurs albums mondiaux de l'année 1972 (« five-star rated albums »)[57]. L'album Renaissance de la harpe celtique, qui date lui-aussi de 1972, est nommé aux Grammy Awards en 1984[58]. En 1985, sortie de l’album Harpes du Nouvel Âge, disque instrumental où il utilise uniquement ses harpes, dont ses nouveaux prototypes électro-acoustiques et électrique. L'album lui vaut ainsi un Indie Award en 1986, une récompense attribuée par l'association des producteurs et distributeurs de musique indépendants aux États-Unis. Il signe en 1987 un contrat de distribution chez Dreyfus Music qui réédite par la suite la plupart de ses disques. Même s'il ne sort pas d'album pendant six ans, il tourne énormément et s'initie à la musique assistée par ordinateur. Si on entend moins parler d’Alan Stivell, le monde le découvre : le Kurde Tara Jaff[Cit. 5], l'Australienne Louisa John-Krol[Cit. 6], Maartin Allcock de Fairport Convention[Cit. 7] et les Britanniques Tony Dixon[59], Van Morrison[60], et Kate Bush avouent être devenus fans du harpiste breton et s'inspirer de sa musique[g 3].

Photographie de Kate Bush
Kate Bush l'invite en 1989 sur son album The Sensual World et elle interprète Kimiad dans l'album Again.

En février 1986, il entreprend une tournée nord-américaine sur la côte Ouest et il effectue en juillet sur la côté Est sa huitième tournée [61]. Courant 1986, il joue en Bretagne dans les églises de Quimper, Landerneau et Plabennec entre-autres et se produit dans plusieurs festivals français (Printemps de Bourges, Lorient, foire aux vins d'Alsace) ainsi que dans le Sud de l'Europe (Galice, Porto).

En 1987, il réalise la tournée Delirium en France principalement. La face A du 45 tours Delirium évoque ses démêlés avec le clergé quimpérois voulant l'interdire de cathédrale pour paganisme[62] tandis que la face B, Waraok Brest-Armorique, rend compte du succès rencontré par le Brest Armorique FC dans l'élite du football français[n 15]. En 1989, Kate Bush l'invite sur son album The Sensual World[n 16], auquel participent aussi Nigel Kennedy, David Gilmour (de Pink Floyd), Davy Spillane, John Sheahan (The Dubliners) et le trio Bulgarka[63].

L'année 1989 annonce le retour d'Alan Stivell sur le devant de la scène. Participant cette année-là à l'album de Kate Bush[n 17], il rencontre, durant l'enregistrement, Davy Spillane et Charlie Morgan, par ailleurs batteur d'Elton John. Il recrute ensuite Patrice Tison, guitariste de Magma. Certains de ces musiciens et Kate participent à son album 16 titres inspiré de la légende arthurienne, The Mist of Avalon, une évocation des personnages principaux de la légende du roi Arthur. Ce travail, assisté par ordinateur, commencé en 1985 et finalisé en 1991, fait entendre pour la première fois de nettes influences electro (electro beats celtic) et techno dans Gaelic Tribes Gathering. C’est à ce moment que le public commence à s'intéresser de nouveau à la musique celtique. L'aspect New Age de sa musique qualifie bien cette période, d'un monde apaisé et rêveur, où certains espoirs allaient se réaliser comme la naissance de projets fédérateurs autour de la musique celtique[64].

Années 1990 : la deuxième vague celtique

Photographie de Dan Ar Braz à la guitare accompagné du bagad Kemper en 2012
Avec son Héritage des Celtes, Dan Ar Braz a également relancé l'engouement celtique (ici en 2012 avec Celebration).

En 1993, pour son dix-septième album Again, plutôt que d’éditer une compilation, il invite ses amis artistes à réenregistrer dix-sept de ses titres qui ont touché les gens dans les années 1970[n 18]. Plus rock et binaire, cette « revisite » est un grand succès[65] : l'album se vend à 100 000 exemplaires en France en quelques semaines, avec jusqu'à 1 000 albums vendus par jour à l'hiver 1993-94, pour atteindre plus de 300 000 exemplaires au total[b 7]. Alan[66], sa maison d'édition Keltia III et la distribution Dreyfus-Sony font de gros efforts promotionnels, notamment pour la campagne publicitaire sur la chaîne de télévision TF1[67]. Ce qui permet une relance de la musique celtique auprès du grand public breton et hexagonal. La même année, Dan Ar Braz et Jakez Bernard fédèrent de nombreux artistes autour du projet de l’« Héritage des Celtes », qui a pour ambition de présenter la richesse de la musique celtique dans toute sa diversité. À l'occasion du Festival de Cornouaille, Alan Stivell participe au baptême de cette aventure qui confirme la deuxième vague de popularité de la musique celtique. L'album Again est nominé aux Victoires de la musique dans la catégorie « Album de musiques traditionnelles de l'année ».

En décembre 1993, Stivell reçoit le titre de « Breton de l'année » décerné par le mensuel Armor Magazine et, en 1994, le collier de l'ordre de l'Hermine à Vannes, récompensant les personnalités qui œuvrent pour le rayonnement de la Bretagne. Il participe au concert de solidarité, au palais omnisports de Rennes, pour la reconstruction du parlement de Bretagne, incendié par une fusée de détresse le lors d’affrontements entre pêcheurs et forces de l’ordre[68]. Sa reconstruction symbolise celle d'une identité bretonne.

Un an plus tard, c'est la sortie de Brian Boru, du nom du roi d'Irlande Brian Boru qui régna au XIe siècle, dans lequel il reprend et arrange des thèmes musicaux traditionnels, aidé par le producteur Martin Meissonnier, avec un ton résolument moderne. Pour la première fois, un titre s'inspire du hip hop et du rap, sur la base d'une danse bretonne, nommé Let the Plinn. Sont inclus également des compositions et textes personnels, dont Parlament Lament, dédié au parlement de Bretagne. Le , il est invité au concert en faveur de l'Algérie au Zénith de Paris, organisé par le chanteur berbère Idir et oranais Khaled. En 1993, Idir l'avait invité sur son album Les Chasseurs de lumière pour chanter en duo Isaltiyen, mélangeant breton et kabyle, et pour jouer de la harpe et de la cornemuse. Il effectue une grande tournée organisée par Diogène Productions – notamment un concert à Brest-Penfeld avec la Kevrenn Brest Sant Mark devant 5 000 personnes dont beaucoup de jeunes, à Paris (Bataclan, Casino de Paris) et une prestation au festival rock des Trans Musicales de Rennes avec les Tambours du Bronx[69] (qui l'accompagnent également lors d'une Rave noz en 1997 à Rennes) –, conclue en 1996 devant 60 000 personnes pour la Fête de l'Humanité à Paris. Il réalise une nouvelle tournée en Amérique du Nord en 1997 (Atlanta, Washington, New York, Boston, Québec, Montréal)[a 11].

En 1998, toujours soucieux de placer des passerelles entre les cultures et les musiques, il sort 1 Douar (« Une Terre », un village ou la planète), sur lequel il invite Youssou N'Dour (langue wolof), Khaled (langue arabe), Jim Kerr (du groupe Simple Minds), John Cale, Paddy Moloney (des Chieftains), et d’autres artistes. Résolument celte mais aussi métisse et futuriste (sample des sœurs Goadec), il est un aboutissement dans ses recherches sur le métissage musical. À la fin de l'année, il retrouve l'Olympia, où il invite Youssou N'Dour pour un duo, et reçoit le « grand prix de la musique traditionnelle » décerné par la SACEM[n 19]. Yann Lukas, journaliste à Ouest-France, pose la question de l'éloignement des registres breton et celtique par les métissages ou expérimentations[70]. Dans le même quotidien, Jean Romer note, à l'occasion du festival de Cornouaille : « Mais Stivell n'est pas qu'un mythe. Il est le futur en marche d'une musique bretonne qui rassemble toutes les influences celtes ». Ces contradictions révèlent la nécessité d'un temps d'adaptation pour le public confronté à l'évolution d'une musique, et en particulier de celle d'un artiste[a 12]. 1 Douar est unanimement salué à l'étranger, comme au Lincoln Center de New York devant 4 000 personnes, en outre-mer comme sur l'île de La Réunion[e 4]. Il est également nominé aux Victoires de la musique 1999. Le , il est une des têtes d’affiche d’un grand spectacle au palais omnisports de Paris-Bercy à l'occasion de la fête de la Saint-Patrick où prend part également l’Héritage des Celtes[71]. Devant 17 000 personnes, le concert est marqué par les retrouvailles avec Dan Ar Braz, l'hommage aux sœurs Goadec, An Alarc'h et le Tri martolod final. Bretagnes à Bercy, le double-album de l'évènement, réunit les plus grands musiciens bretons qui interprètent, entre autres, sept titres avec Alan Stivell.

Années 2000 : l'avènement de la world-music et les explorations électroniques

Photographie d'Alan Stivell sur la grande scène du festival de Bobital accompagnant le guitariste Pat O'May
Collaborations avec le guitariste Pat O'May, ici au festival des Terre-Neuvas en 2007 devant 45 000 personnes.

Avec Back to Breizh, sorti en 2000, au travers des compositions personnelles, Alan Stivell s'attache à rappeler ce que la Bretagne doit apporter avant tout au nouveau siècle, son identité et un retour à une Bretagne plus concrète (comme dans Ceux qui sèment la mort). Alan effectue une tournée à succès avec plus de 80 dates dans 10 pays, dont un passage en Bretagne sur la scène Glenmor du festival des Vieilles Charrues[72].

En 2002, Au-delà des mots est une œuvre instrumentale où les harpes sont au premier plan : il joue de six harpes différentes. C’est le Stivell harpeur[n 20] qui montre encore une nouvelle approche, où se marient des sonorités acoustiques très pures avec la création électronique assistée par ordinateur. C'est aussi, en quelque sorte, un retour aux sources, car cet album instrumental est centré sur la harpe comme son Renaissance de la harpe celtique. Le , Alan Stivell clôture la seconde Nuit Celtique devant les 68 000 spectateurs réunis au Stade de France, avec un Tri martolod et le final de la Symphonie celtique[73]. Il démarre en juin sa tournée internationale du 50e anniversaire de la harpe celtique, qui passe par les pays frontaliers de la France, les pays celtiques, la République tchèque, la Tunisie et se termine en 2005[74].

En 2004, pour fêter le cinquantenaire du renouveau de la harpe celtique en Bretagne, en collaboration avec Jean-Noël Verdier, Alan Stivell publie Telenn, la harpe bretonne, un livre relatant l’histoire de l’instrument. En 2004 également, sort un coffret CD-DVD intitulé Parcours, recueil de rééditions et de nouveautés (quatre titres issus de la tournée précédente et des images inédites), qui est certifié DVD d'or[75]. En mars 2006 sort son 22e album intitulé Explore, où s'affirme une orientation plus « électro » et sur lequel il assure lui-même une part importante des programmations, mélangeant notamment la cornemuse électronique et son tout nouveau prototype de harpe électrique. Ce disque est accueilli avec enthousiasme par la presse hexagonale – notamment les « quatre clefs Télérama »[76], « disques de l'année » 2006 par Libération[77] – et étrangère.

Explore est suivi de trois années de tournée[78]. En septembre 2007, parrain de la Breizh Touch à Paris, Alan Stivell reçoit, le jour précédent, des mains de Michel Drucker, le neuvième disque d'or de sa carrière[79]. À l’occasion des rencontres poétiques internationales de Bretagne du 7 octobre 2006, il reçoit le prix d'honneur Imram pour l'ensemble de ses textes. Pour la Saint-Patrick, en mars 2008, il joue au Zénith de Caen et au palais omnisports de Paris-Bercy[80]. En juillet, il ouvre les festivités du départ du Tour de France, à Brest[81], et termine sa tournée au festival de Cornouaille à Quimper[82].

Photographie d'Alan Stivell accompagné du chanteur Dom DufF au festival Yaouank
En 2009, il anime le grand fest-noz de 7 000 personnes du festival Yaouank, dont cinq titres sont « diskanés » par Dom DufF.

Au Stade de France, le , lors de la finale de la coupe de France de football qui oppose les deux équipes bretonnes Rennes et Guingamp, Alan rejoint sur la pelouse le bagad Gwengamp pour Tri martolod[83] et réussit à chanter a cappella l'hymne breton Bro gozh ma zadoù à la fin de la rencontre[84]. Le 4 juillet, il est élu président d'honneur du Conseil culturel de Bretagne, créé à l'instigation du conseil général et de son président Jean-Yves Le Drian. Siégeant pour trois ans, son rôle est la communication autour de la culture bretonne[85].

Le , Alan publie Emerald, un album qui rappelle les noces d'émeraude (40 ans depuis son premier album Reflets) et la couleur Glaz (bleu-vert) mais également, de part les sonorités rock & folk, ses albums précédents (Back to Breizh sorti dix ans plus tôt, Chemins de Terre paru en 1973 ou même Reflets)[86]. La tournée Emerald dure trois ans, avec la présence, sur des dates en Bretagne, de l'Ensemble choral du Bout du Monde qui interprète Mac Crimon[86].

Années 2010 : vers une troisième vague celtique ?

Accolade d'Alan Stivell et Dan Ar Braz sur scène en 2012
Retrouvailles avec Dan Ar Braz au festival interceltique de Lorient en 2012.

Le , il reçoit le premier prix « Bro Gozh », pour sa contribution à la promotion du Bro gozh ma zadoù et interprète l'hymne avec un chœur, ainsi que le poème Buhez ar Voraerion de Yann-Ber Kalloc'h[87]. Sa prémonition de 2009 selon laquelle une troisième vague celtique arrive, incarnée par une nouvelle génération d'artistes[88], démarre selon lui avec le succès de Nolwenn Leroy[89] qui souhaite réinterpréter, sur son album Bretonne, les chansons qui l'ont influencée en une sorte d'hommage et les faire découvrir à sa génération[90]. Il se passe un échange réciproque entre générations, elle qui a 28 ans en 2011, le même âge qu'Alan Stivell en 1972. Il participe en « guest » en duo avec elle à plusieurs de ses concerts : à La Carène (Brest), aux Francofolies[91], au Zénith de Paris, la Foire de Colmar 2012[92], au festival Muzik'Elles.

Photographie de Nolwenn Leroy et Alan Stivell chantant en duo
Partage de moments musicaux avec Nolwenn Leroy, comme le 16 février 2012 pour son concert anniversaire à l'Olympia.

En février 2012, deux évènements marquent le 40e anniversaire du concert historique d’Alan Stivell le dans la salle mythique de l'Olympia. Le 13 février, Mercury (Universal) publie un best-of intitulé Ar Pep Gwellañ, comprenant un CD bonus proposant l’enregistrement remastérisé du concert de 1972. Le 16 février, Alan Stivell donne un concert exceptionnel à l'Olympia avec ses musiciens habituels auxquels s'ajoutent, en invités « spéciaux », Dan Ar Braz et René Werneer, tous deux déjà présents à ses côtés en 1972 (cela fait alors trente-cinq ans qu'Alan n'a pas rejoué avec René), Nolwenn Leroy et le bagad Quic-en-Groigne de Saint-Malo[93] mais aussi, en invités surprise, l'Écossaise Joanne McIver, Pat O'May, Robert Le Gall (ancien membre du groupe Gwendal et directeur musical d'Alan dans les années 1990) et Kévin Camus[94]. Curieusement, Gabriel Yacoub ne participe à ce concert mais il avait participé en 2002 au concert de célébration du 30e anniversaire[95]. En mai 2012 paraît aussi sa biographie, intitulée Alan Stivell, aux Editions Le Télégramme, écrite par l'écrivain et historien Laurent Bourdelas.

Son 24e album devrait voir le jour à l'automne 2013[96]. Sur son site, il annonce également co-écrire un livre sur la mythologie celtique et ses légendes.

Tournées

Analyse de l'œuvre

Une cohérence musicale pour une musique universelle

Un nouveau mouvement musical

Alan Stivell est, dès le départ, influencé par son environnement musical : les compositeurs classiques, le jazz, le folk, le rock américain et la musique de sa génération (la pop des Beatles, la variété de Polnareff, les chansons engagées, etc.). La presse de l'époque (La Croix, L'Humanité, Rock & Folk, etc.) a parlé d’Alan Stivell comme d'un nouveau barde ayant lancé une musique bretonne et celtique moderne en France. Pour lui, le contact des cultures est un enrichissement réciproque, chacune conservant néanmoins ses différences propres qui lui sont essentielles[97]. Dans la musique, il cherche à cerner ce qui fait vraiment la particularité de l'expression musicale d'un peuple. Même si des éléments proviennent parfois de l'extérieur, il regarde les similitudes et voit comment une culture se différencie d'une autre[98]. « Depuis quarante ans je répète que ce qui est breton, c'est la manière dont les gens interprètent la musique, comment ils transforment les choses »[98]. Car il précise, dans son livre Racines interdites, que l'« on retrouve des rythmes, comme celui de l'An-dro, en Écosse, en Bretagne et à l'autre bout des mers, en Afrique ou en Chine ».

Alan Stivell est à la recherche d'une musique universelle, sans frontières : sociales (musique populaire/musique savante), temporelles (musiques antiques, ethniques, traditionnelles/musiques actuelles, contemporaines), sociologiques (campagnes/villes), culturelles et techniques (oralité/compositions/improvisations), géographiques (terroirs/continents, Bretagne/Monde, Orient/Occident)[99]. C'est ainsi qu'il a cherché à populariser sur tous les continents une musique chantée principalement dans une langue « minoritaire », mettant en valeur les richesses particulières de son pays et de ses cousins celtes, en osant les imprégner des saveurs du monde entier[100]. Il réunit des dualismes comme les musiques d’héritage et improvisées, les courants folk acoustique et pop électrique, la musique classique et le rock, les musiques traditionnelles orales et les musiques contemporaines, du chant a cappella ou électronique : chercheur et inventeur, il réalise des fusions (Rock'n World, ethno, Cross-over)[101]. Sa musique évolue ainsi, à chaque album et tournée[97]. Au final, il a facilité l'émergence des autres cultures dites régionales et participé à l'ouverture vers les musiques du monde[Cit. 1].

Celtique

Dès le début, il se spécialise dans la culture celtique : il interprète des morceaux gallois, irlandais, écossais et s'intéresse à la musique médiévale. Il fait redécouvrir la harpe celtique, développe son jeu (picking d'influence folk, bends et bottleneck d'influences blues) et son répertoire. Il cherche aussi à comprendre et étudier de façon rationnelle les celtophones et leur musique[f 2]. Au sens ethnomusicologique, il découvre les caractéristiques communes et les critères propres à cette musique, malgré l'aspect minoritaire parmi les différences présentes à l'intérieur de ces pays celtes[a 13]. On peut ainsi conserver ce qui est fort et commun dans la Celtie et avoir des échanges mutuels avec des relations interceltiques[97]. L'apparition en Europe du sitar indien dans les années 1960 rend concevable la production sur scène de la harpe celtique.

Bretonne

Photographie d'Alan à la harpe, entouré de son pianiste, son violoniste et du bagad de Saint-Malo
Alan Stivell à l'Olympia, accompagné de ses musiciens et du bagad Quic-en-Groigne.

Durant son adolescence, il apprend la langue bretonne, ses instruments et ses danses. Il joue dans le bagad Bleimor et le dirige : choix du répertoire, des arrangements, des compositions. Il sème l'idée de métissage musical et culturel dans les bagadoù, au départ fermés pour le maintien de la « tradition ». Depuis la Première Guerre mondiale, la musique était devenue folklorique, touristique[102] et les Bretons avaient, en fait, une méconnaissance de leur musique. Selon Alan Stivell, pour retrouver une dignité et une identité, le retour aux sources d'une musique populaire était nécessaire, avec plus d'authenticité tout en étant vivante[103]. Sur le mode anglo-saxon, il intègre le chant à la musique, même si la langue bretonne a ses propres sonorités, accents toniques, rythmiques[104]. Un nouveau mouvement musical est né, à la fois par de nouveaux mélanges instrumentaux et par un travail de communication professionnel. Une partie de son travail a été de revisiter et d'adapter des airs, des chants, des traditionnels, comme l’arrangement du fameux Tri martolod : « En danse comme en musique, l'évolution devrait passer par un ressenti et une analyse de ce qu'est vraiment la pulsation et le swing propre, par opposition aux schémas, figures, structures, par lesquelles il faut bien passer, mais qui font oublier à tous ou presque l'essentiel. »[105] C'est-à-dire que les morceaux qui possèdent un poids ethnique, quelles que soient l'interprétation et l'instrumentation, possèdent une originalité identifiable[104]. Même si la musique instrumentale permet de se libérer et s'exprimer personnellement, les chansons lui permettent d'évoquer le contexte social, politique et culturel de la Bretagne[106]. En inscrivant les grandes lignes de la musique traditionnelle dans le sillage de la contemporanéité anglo-saxonne, il a fait de sa différence un atout pour permettre de penser un futur musical (et politique) réapproprié[Cit. 8].

Classique

Dès son enfance, sa formation classique (piano et harpe) le dirige vers les compositeurs classiques, dont leur musique comportait des thèmes populaires traditionnels, comme Paul Le Flem, Guy Ropartz, Jef Le Penven, Pierre-Yves Moign, Alexandre Borodine et Béla Bartók. Les morceaux que lui ont écrit son père et Denise Mégevand allaient dans cette démarche celto-classique (de même que Seán Ó Riada ou The Chieftains). Alan avait l'idée de créer une « grande musique bretonne », fusionnant la musique traditionnelle à la musique classique et abaissant ainsi les frontières sociales. Cela montre que la culture rurale et orale peut également être plus « intellectuelle ». Dès l'âge de 14 ans, il commence à réfléchir aux bases de sa Symphonie celtique - Tír Na N-Óg et d'autres œuvres dans cette mouvance (Ys…).

Rock

Photographie du concert d'Alan au festival de Concarneau accompagné de Pat O'May
Participation de Pat O'May sur quelques concerts de la tournée Ar Pep Gwellañ comme ici au festival des Filets bleus.

À la fin des années 1950, Alan entend pour la première fois des guitares électriques, avec un mode pentatonique qui lui rappelle la musique celtique, et il décèle dans la musique de western une forte influence celtique[c 5]. D'une musique de variétés latine fabriquée pour le peuple, il découvre aux États-Unis un phénomène urbain qui est une évolution normale et naturelle de la musique traditionnelle rurale populaire (blues, country, etc.)[d 2]. Il projette alors de faire du rock breton, une musique populaire vraiment moderne. Avec la découverte du groupe The Shadows, son projet se précise et la période Beatles renforce son idée d’un groupe de musique Pop bretonne. En 1964, la construction d’une harpe bardique à cordes métalliques lui permet de mettre son idée en marche, électrifiant comme il peut l’instrument et utilisant quelques pédales d'effets sonores, jusqu'à l'utilisation d'une vraie harpe électrique « solid-body ». Mais il a quasiment toujours joué en électro-acoustique[107]. La tâche s'annonçait rude tant la Bretagne était aux antipodes de la musique bretonne et du mouvement folk à la mode à Paris, baignant dans le « cha-cha-cha »[d 2]. Dès la fin des années 1960, il est reconnu par les artistes de la scène rock hexagonale et anglo-saxonne (Magma, Moody Blues, etc.) et joue sur les scènes et dans les festivals rock. Selon lui, le contexte du rock laisse plus de liberté d’interprétation[108]. Il est un des premiers à réaliser cette fusion rock celtique, avec des musiciens qui n'avaient pas la même culture musicale[108]. Tout en continuant d'aimer les musiques plus calmes et les arrangements de thèmes traditionnels, il a ouvert la voie sans brûler les étapes[109]. L'instrumental Rock Harp sur l'album Back to Breizh joue sur la confusion de la guitare et de la harpe qui alterne avec un son folk acoustique ou de distorsion propre à la guitare électrique.

World

Enfant, Alan découvre les musiques du monde lors de colonies de vacances (musique sud-américaine) et les musiques maghrébines ou du Proche-Orient dans le 20e arrondissement[b 2]. Il est tout de suite intrigué par des ressemblances entre la musique celtique et les différentes musiques extra-européennes. Il est un des premiers à aller vers une Celtie sans frontières[f 2]. Dès ses premiers albums, il introduit des instruments et influences d’autres cultures : tablas dans Renaissance de la harpe celtique, kena dans À l’Olympia, sitar et djembé dans Journée à la maison, des influences de toute la planète dans sa Symphonie Celtique ou 1 Douar (rencontre avec de nombreux artistes : Khaled, Youssou N'Dour, Jim Kerr, Kate Bush, sans pour autant oublier les sœurs Goadec). Dans sa démarche musicale sans frontières, il réalise un mélange où chaque musique ethnique garde ses spécificités [110]. Il est l'un des précurseurs de la World Music, qu'il a conceptualisé avant que le terme existe (il décrit cette musique dans la présentation de Reflets, en employant le terme « musique ethno-moderne », précisant qu'elle serait faite d'inter-influences)[111].

New Age, Lounge, Ambient

Dès l'utilisation de sa harpe à cordes métalliques, les résonances très longues, « envoûtantes » par leur phasing naturel, la couleur des harmoniques et la profondeur des graves, ont amené Alan à des improvisations rappelant le style New Age mais qui n'existait pas à l'époque. Des morceaux comme Ys, Inisi Hanternoz, une bonne partie de la Symphonie Celtique, de Légende, de Harpes du Nouvel Âge, de The Mist of Avalon, peuvent rappeler la musique ambient ou lounge. L'album Au-delà des mots a également un esprit un peu zen, calme.

Autres musiques actuelles

Depuis l'enfance, Alan a une attirance pour les innovations techniques : harpe et cornemuse électriques, utilisation des premiers claviers électroniques, programmations électroniques, boîtes à rythmes, samplers (l'« autosampling », c'est-à-dire l'enregistrement par soi-même par couches successives), recherches de système MIDI pour harpe, créations assistées par ordinateur. Il innove ainsi en musique bretonne et celtique ; dès 1980, il introduit des influences « technoïdes » et le sample[112]. Il prend goût au hip-hop dès l'album Again et surtout dans Brian Boru puis dans 1 Douar. Sans faire des collages ni rester dans du hip-hop, du rap ou de la Jungle, il préfère continuer d'inventer avec d'autres influences. Ses expériences, comme le scratch dans Back to Breizh, sont des interprétations personnelles sans être démonstratives. Cette évolution contemporaine vers la « musique actuelle » peut paraître déstabilisante pour certains anciens fans ou sembler aller vers un éloignement de la musique traditionnelle[113].

Des outils d'expression

Langues et textes

Alan Stivell chante dans de nombreuses langues celtiques (breton, irlandais, gaélique écossais, gallois), auxquelles s'ajoutent le français et l'anglais. Le cousinage est fort entre les syncopes écossaises et galloises, celles-ci directement liées aux accents toniques, comme bien d'autres inter-influences entre langue et musique. Les accents toniques du breton sont également très importants. « Je chante surtout en breton. La langue bretonne s'harmonise mieux que n'importe quelle autre avec ma musique. Elle fait partie de mon combat. [...] Par le texte, on peut, à la communication sensible, ajouter une communication cérébrale. [...] Les mots (relatifs) constituent souvent une illusion de communication (absolue) »[d 3]. Au plan littéraire, Alan procède par juxtaposition de touches colorées telle que la peinture non figurative, car il affectionne le choc des mots, favorisé par la suppression de l'article, qui « impressionne » l'oreille : le sens est subordonné à l'effet, sans qu'il y ait pour autant incompréhension puisque l'idée générale subsiste. Robert Marot fait le lien avec la poésie irlandaise primitive qui converge vers la commotion poétique[114].

Plusieurs textes sont liés à sa famille. La chanson M.J. (Terre des vivants) est dédiée à sa femme Marie-Jo (ils se sont mariés en 1973), Da Ewan (Raok dilestra) est dédiée à son premier fils Ewan (né en 1976), Raok mont d'ar skol (Terre des vivants) à son deuxième fils Gwenvael (né en 1979)[a 14], Là-bas, là-bas (Reflets) à sa mère Fanny. L'album Treman'n Inis est un hommage à son père : Alan y interprète deux poèmes écrits par son père, en s'accompagnant de la harpe prototype qu'il lui avait construite.

Aspects musicaux communs et spécifiques

« La musique est pour moi le meilleur moyen d'échange »[d 3]. Sa quête est inspirée par la mémoire des mondes dont la musique a gardé une gamme pentatonique universelle, un langage commun. Le mode pentatonique, en musique bretonne comme irlandaise, est présent dans d'autres cultures, qui partagent en commun une même culture du rythme et de la transe par la danse, notamment en Chine, en Afrique et en Europe de l'Est. La musique celtique se rapproche des échelles défectives (moins de sept notes dans l'écart gammique), naviguant entre le pentatonique (cinq degrés) et le diatonique (sept degrés). La musique celtique a des caractéristiques propres, qu'il tente de définir dans son livre Telenn, la harpe bretonne : intervalles non-tempérés, rubato (accélérés, décélérés) qui donne l'impression de se jouer du tempo (présent dans les mélodies ou marches traditionnelles bretonnes avec des bagadoù par exemple, dans le chant irlandais sean-nós ou gaélique), importance du « tuilage » dans le chant (kan ha diskan notamment), structures de bases simples mais cycles rythmiques complexes et superposés[a 13]. Certains modes sont privilégiés, comme celui de sol qui est la base de la cornemuse écossaise. La musique bretonne tire ses caractéristiques de sa tradition orale populaire, et les répertoires de ses instruments sont issus du chant collectif (marches, danses)[115].

Instruments traditionnels et technologie

L'origine des instruments qu'il utilise est très ancienne et de diverses régions du monde ; la bombarde des pays musulmans, la cornemuse des pays asiatiques et d'Afrique du Nord, la harpe de MésopotamieBiniou, cornemuse écossaise, bombarde, harpe bardique, etc., ils ont tous subis diverses transformations et présentent des variantes selon les pays. Des instruments irlandais ont ainsi fait une entrée massive dans la musique bretonne, de même que des airs bretons ont pénétré le répertoire de groupes d’outre-océan. Le principe du bourdon (son continu) influence fortement les mélodies celtiques. Les instruments à bourdon sont non tempérés (gamme diatonique). L'esthétique des timbres permet une plus grande mise en valeur des harmoniques et des aigus. Les instruments harmoniques à cordes comme la harpe ont disparu de la musique bretonne avec le déclin de l'aristocratie, au profit d'une musique populaire rurale. Son retour est arrivé dans une Bretagne en plein essor et marque une unité retrouvée avec les pays celtiques[115]. Les intervalles non classiques, comme l'accordage DADGAD de la guitare celtique, orientent de façon particulière l'harmonisation moderne.

En phase avec l'avancée des nouvelles technologies, Alan Stivell a mis au point des cornemuses électroniques (MIDI). Il commence à travailler sur ordinateur dès les années 1980, ce qui lui permet d'explorer en autonomie ses enregistrements, avec Cubase notamment. La technologie numérique lui offre plus de spontanéité ; en branchant directement sa harpe et son synthé, il peut improviser des futures compositions, comme sur les bandes qu'il avait créées pour le film d'Arte où il a l'idée de la chanson Una's Love avec Breda Mayok et celle avec les sœurs Goadec[98]. Mais il souhaite que la musique traditionnelle perdure, dans les festoù-noz notamment et qu'elle soit mise en valeur pour s'enraciner : « Ce n'est pas parce que l'on fait de la musique d'avant-garde qu'on n'a pas besoin de la musique vraiment traditionnelle, le chant a cappella, la gwerz, le kan ha diskan et le biniou/bombarde... »[98].

Harpes celtiques

Photographie de sa harpe Telenn Nevez
Sa harpe Telenn Nevez au festival Cantabria Infinita en Espagne en 2011.

En avril 1953, la « Telenn Gentañ », harpe néo-bretonne conçue par Jord Cochevelou, et ses 33 cordes font vibrer la corde sensible chez l'artiste et bouleversent sa vie ainsi que la musique en Bretagne[116]. Il raconte cette renaissance dans le livre Telenn, la Harpe Bretonne. Son père lui conçoit une harpe blanche « Telenn gwenn » en 1954, puis en 1964 une harpe bardique qui marque le retour des cordes métalliques[Cit. 9]. Sur le deuxième modèle Barzhek, il réalise les premiers essais d'amplification avec la pose de micros-contact piézos[117] et tente l'ajout des pédales d'effets électroniques pour guitare (chorus, flanger, delay)[b 1]. En 1971, Claude Besson construit la « Barzhek 4 » sur les plans fournis par le père d'Alan. Par la suite, Alan dessine lui-même les plans et élabore les cahiers des charges. L'époque Stivell-Youenn Le Fur, en 1974 et 1975, est marquée par les recherches sur l'électrification des harpes. Il utilise à Bobino en 1981 un modèle intermédiaire entre harpe et cithare[118]. Le premier modèle entièrement électrique est créé en 1982, dessiné par Alan et fabriqué par Michel Caderon et Claude Lemercier (cordes, mécaniques). L'instrument en multi-plis (contreplaqué) de chêne ne possède plus de caisse de résonance et est équipé de micros électromagnétiques. En 1983, Tantra lui fabrique une semi-harpe électrique avec des micros piezos cachés.

En 1984, il réalise avec Michele Sangineto plusieurs modèles de harpes électriques. En novembre 1984, le luthier lui fabrique une quatrième harpe près de Milan[a 15]. Léo Goas fabrique une première harpe avec Alan en 1985 avant de faire en 1986-87 la « harpe de cristal » en plexiglas transparent. Cette solid-body comprend, en plus de ses matériaux spécifiques, de nombreuses innovations (étouffoir avec pédale, cordes centrales et clés de guitare) et marque la première collaboration avec Camac pour les micros (piezos, deux octaves MIDI pilotant des synthés)[119]. Deux nouvelles versions suivent en 1990, dont la Goas-4 à cordes croisées, qui possède une octave aiguë en cordes nylon et une grave en métal[b 1]. Cherchant un gain de poids, il fait appel au luthier rennais Fred Pons pour mettre au point un prototype en carbone. En 1997-1998, dans son atelier Kopo, il construit la « harpe bleue-verte », au départ une électro-acoustique à cordes nylon qui devient par la suite électrique[120].

La Camac 1, harpe du « 3e millénaire » (2003-2004), est construite en collaboration avec l'unique facteur de harpes en France, Jakez François, patron de Camac. Sa 16e harpe est ainsi entièrement électrique (« midi » avec cinq circuits imprimés), avec une structure en aluminium, des cordes métal très tendues, un système demi-tons plus achevé, quelques éléments décoratifs en loupe d'orme et un éclairage intégré[121]. Une version acoustique est fabriquée en 2005, en érable et épicéa. De 2007 à 2011, il conçoit la Telenn Nevez construite par Denis Brevet pour la lutherie, l'électronique installée par Fred Pons de Kopo (piezzos midi) et les demi-tons offerts par Jakez François (Camac). Jusqu'en 2012, il finalise avec Tom Marceau le prototype, plus léger et facile à transporter, mais aussi plus complexe avec les pédaliers[122]. Une de ses cordes, « les plus tendues du monde »[a 16], casse lors du concert anniversaire à l'Olympia.

Discographie

Albums solo originaux

Logo de sa société de production Keltia III
Keltia III, label discographique fondé en 1974 par Alan Stivell.

20 albums studio (dont 4 instrumentaux) et 3 enregistrés en public :

Principales compilations

  • 1997 : 70/95 Zoom (double CD, 35 titres)
  • 1997 : Routes (coffret 4 CD + livret de 32 p., 73 titres 1970-95, remasterisés)
  • 1999 : Vers l'île (coffret Long Box 3 CD + livret, 1 édition 40 titres, 19..-.., et 1 édition collector 53 titres, 19..-..)
  • 2001 : CD Story (CD 20 titres + livret de 40 p.)
  • 2007 : Master Serie (CD 16 titres 1970-73 remasterisés + livret)
  • 2012 : Ar Pep Gwellañ (CD Best of 16 titres 1971-2006 et CD remasterisé de l'album live de 1972)

Vidéographie

Collaborations

Un homme de convictions

Alan Stivell porte un message de revendication des cultures celtiques et d’ouverture au monde. Il voudrait que les peuples retrouvent leur propre culture sans qu'ils se ferment. « Vous l'avez choisi : Alan Ier, duc en Bretonnie », titrait Bretagne Hebdo en Une le 15 mai 2002. En véritable militant, il a consacré sa vie à la reconnaissance culturelle de sa région, qu'il considère comme ayant été longtemps bafouée. Dans le livre Racines interdites, il énonce, dans la conclusion « Vers de nouveaux matins », sa Bretagne idéale en harmonie avec la démocratie, la liberté, l'écologie, les traditions communautaires (ouvertes sur toute la Terre)[123]. Les positions d'Alan Stivell sur la Bretagne et la Celtie ne sont qu'un aspect de sa personnalité. Il s'est exprimé dans d'autres domaines, notamment sur le plan politique et philosophique. Politiquement, il peut être placé du côté internationaliste de gauche. Il n'hésite pas à soutenir ponctuellement des mouvements politiques.

Depuis ses débuts professionnels, il n'a de cesse de proclamer, dans ses écrits comme dans ses dires, sa foi dans l'égalité humaine par le précepte de tolérance, sa haine pour toute injustice. À l’instar de la culture celtique, il a toujours été progressiste, social, écologiste, spiritualiste et pour une plus grande égalité homme-femme, pour une solidarité Nord-Sud, contre toutes les frontières[124]. Pour lui, l'évolution universelle est caractérisée par la diminution progressive du déterminisme au profit de la liberté relative, en se détachant des doctrines et par la tension vers l'absolu, mais qui, en dehors de la représentation habituelle du « Dieu », serait une quête spirituelle hors des églises, plus universelle, tenant compte des approches complémentaires de toutes les civilisations et même des spiritualités athées, à l'image de sa Symphonie Celtique qui offre l'unité dans la diversité[c 7].

Alan Stivell, sa nationalité et le statut de la Bretagne

Photographie d'Alan Stivell en concert à Gourin
Alan Stivell à Gourin en 2010.

Une Nation réelle

Alan Stivell reconnaît qu’il est « citoyen français », mais il s’affirme Breton d’abord et imagine la Bretagne comme une entité autonome. Il explique que la Bretagne a une double appartenance, entre la Celtie et la France : un breton est de nationalité bretonne mais citoyen de la République française, de même qu'il appartient à la communauté des peuples celtes[125]. Sur le plan culturel, il est métissé de divers apports jusqu'à aujourd'hui, « une sorte de compromis, un intermédiaire entre l'Occident, l'Orient et l'Afrique »[126]. « Si la France détruit la culture bretonne, rien ne pourra remplacer cette perte. […] Pour le bien commun du monde, les Bretons doivent conquérir un statut qui nous garantira la survie en tant qu'espèce culturelle (aussi indispensable que les espèces animales ou végétales). »[125],[127] Il regrette que le peuple soit mal informé sur la Bretagne et son histoire[128]. Dans son analyse de l'histoire pour son livre Racines interdites, il explique que « les Français développent un complexe de Gaulois colonisés par les Romains » et, voulant s'élever socialement, abandonnèrent leur culture et leur parlé celtique pour une culture gréco-latine, « mettant les non latins au niveau des « sauvages » primitifs »[d 4] ; « Personnellement, je m'intéresse à l'histoire pour démystifier l'histoire officielle »[d 4].

En breton, il n'existe qu'un mot pour désigner les Français, Ar C'hallaoued (« les Français d'au-delà du Couesnon » c'est-à-dire hors de Bretagne) et une distinction pour désigner le pays : Bro Frans (l'entité officielle) et Bro C'Hall (Bretagne exclue). Comme il n'y a pas de terme dans la langue française pour désigner ce type de peuple vivant à l'intérieur des frontières de l'État (« minorité nationale », « Nation sans État »), il propose de qualifier la Bretagne de « Nation-région »[129]. Il distingue trois types de nationalité : l'origine géographique (par la naissance ou la famille), la nationalité objective (l'influence culturelle bretonne dominante) et subjective (le sentiment d'appartenance)[d 5]. « Personne ne peut décider qui fait partie de la communauté bretonne. C’est à chacun de savoir s’il veut ou non y appartenir. »[130]

Aspiration et revendication d'autonomie

Pour ce qui est du statut de la Bretagne, Stivell n'est pas pour une indépendance, mais pour une Bretagne autonome (« dévolution ») au sein d'une République démocratique française décentralisée et une Europe fédérale[131]. Elle pourrait se faire directement relier à l'Europe[132]. Il évoque la nécessité vitale pour la Bretagne d'obtenir de la République française à la fois reconnaissance et définition d'un statut différencié, avec l'aide des instances internationales, à l'instar des Lander allemands et de l'Écosse, du pays de Galles ou de la Catalogne en Espagne[133].

En 1974, les paroles de Délivrance militent pour la reconnaissance de la Bretagne et de la Celtie (« Et nous, dont le nom connu des goélands et des cormorans, fut banni de tous les langages humains, de toutes les bibliothèques, de toutes les cartes terrestres, nous ouvrirons nos cœurs... »). En 2005, dans la version française ironique Armoricaine (suite) sur l’album Back to Breizh, il évoque la situation actuelle et future de la Bretagne.

Après que Stivell - parmi d'autres - ait popularisé des symboles comme le triskell celtique, le Gwenn ha du ou le sigle BZH, un activisme suit la vague bretonne des années 1970 de façon très militante, dans la mouvance du nationalisme breton, comme les actions clandestines du Front de libération de la Bretagne. Il soutient les prisonniers politiques dans l'adaptation de Nine Breton in jail avec son titre breton Nav Breton zo ba' prizon. À la suite d'un attentat au McDonald's de Quévert causant la mort d'une jeune employée, plus de mille personnes dont Alan Stivell se rassemblent à Rennes, le 8 mai 2000, à l'appel d'un collectif « La Bretagne, c'est la vie »[134]. Même si l'auteur et ses motivations n'ont jamais été découverts, et tout en condamnant la violence, Alan pose la question de la cause qui a pu conduire un militant breton à passer à l'acte (déni d'existence de la Bretagne ? Injures des ultranationalistes ?)[Cit. 10]. En 2008, suite à un procès à l'encontre de militants, il prend parti dans un communiqué d'indignation[135]. Il intervient au colloque international à Rennes, en septembre 2002, sur les questions d'identité (« Identités et démocratie »)[136].

Avec la délégation du président de Bretagne Jean-Yves Le Drian, il se rend au pays de Galles - autonome depuis 1999 - du 11 au 13 octobre 2004[137]. En mars 2011, les Gallois votent pour une autonomie étendue au pouvoir législatif[138].

En , Stivell adresse un courrier à Danuta Hübner, Commissaire européenne en charge de la politique régionale, lors du débat sur la cohésion territoriale, en proposant l'autonomie pour une Bretagne augmentée du pays nantais (« Le peuple breton a besoin (...) d'être d'ailleurs reconnu en tant que peuple, et ne peut se contenter des pouvoirs et moyens régionaux actuels ») ainsi que le remplacement des départements actuels par les pays Bretons traditionnels, avec une réduction de leur nombre[139].

Une réunification en attente

Photographie du château des ducs de Bretagne à Nantes
Le château des ducs de Bretagne à Nantes.

Il milite pour la réunification de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Nantes (ancienne capitale bretonne) et le pays nantais ayant été séparés administrativement et autoritairement de la Bretagne une première fois par le décret de Vichy de 1941, puis lors de la création des régions en 1956, Alan Stivell affirme : « Je suis pour un référendum en Loire-Atlantique avec surveillance internationale, pour un déroulement honnête et démocratique, après une assez longue campagne et des moyens donnés. Ou bien simplement un décret pour le retour de ce département au bercail[140]. » ; « Je considère la Bretagne intégrale comme la seule « officielle », celle qui n'a pas été annulée par le Peuple. Et je suis choqué par la paresse de gens qui, dans les médias, dans les écoles, ou ailleurs, utilisent le nom « Bretagne » quand ils veulent dire « Région-Bretagne ». Ils sont complices d'un vol, d'un crime. Ils ne s'en rendent pas compte, pour la plupart[141]. ». À La Roche-Bernard, le 30 juin 2002, il déclare que « tous ceux qui s'opposent au sentiment de l'immense majorité des habitants du pays nantais, comme des autres bretons, [...] resteront dans l'histoire comme des barbares, comme des malfaiteurs, coupables de plusieurs crimes, contre les droits de l'homme, contre la démocratie, contre la liberté de pensée, contre l'héritage de l'humanité[142] ».

Le 25 avril 1976, il participe à la fête de l'unité de la Bretagne au château des ducs de Bretagne avec environ 5 000 personnes et une pétition de 60 000 signatures. Le 15 mai 2004, il manifeste à Nantes au « Printemps des langues et des identités régionales »[143] et en septembre 2008 à la Festi'Manif de Nantes[144]. En 1976, évoquant « des siècles de honte vécus timides et humbles », il chantait dans Ar chas doñv'yelo da ouez (Les chiens redeviendront sauvages) : « Et si le peuple tout entier se réveille des monts d'Arrée au Pays Nantais, les chiens domestiqués seront, à nouveau, sauvages ». Il évoque la bretonnité de Nantes dans ses chansons : Tamm ha Tamm – Rennes, Nantes et Brest, Vers les îles et villes de verre enregistré en pays de Retz… Sur la pochette de Back to Breizh, il inscrit « BZH » à côté du nom de la ville de Préfailles.

L'importance de la langue bretonne

« Hep brezhoneg, Breizh ebet », Sans langue bretonne, pas de Bretagne, c'est ce qu'il chante dans Brezhoneg' raok, mais aussi dans d'autres chansons comme Racines interdites, où il dénonce l'impossibilité d'avoir accès à l'enseignement de la langue. En 2004, il le répète dans Le Télégramme : « Dans notre pays, il faut faire l'aumône pour pouvoir apprendre la langue bretonne. »[11] Il soutient depuis le début les écoles Diwan[39] et souhaite pour la pérennité de l'dentité transmise le bilinguisme officiel[145]. Selon lui, « se considérer comme Breton […] alors même que l'on ne parle pas un traître mot de breton, relève de l'illusion la plus parfaite »[d 1]. Mais il précise aussi que « la survie du breton est un problème de qualité de vie. Y intéresser les Bretons suppose résolus leurs problèmes économiques. Sinon on sombre dans le ridicule. »[d 6] Il aimerait que la France mette tout en œuvre pour garder en vie ses langues minoritaires : « Je veux bien que le français soit la langue de la République, c’est pratique puisque commun à tous, mais je veux aussi savoir si toutes les cultures sont égales indépendamment du nombre de personnes qu’elles concernent. Si au final, chaque être humain pèse le même poids ? »[146].

Il transmet sa langue lors de tous ses concerts, en Bretagne, dans l'hexagone et à l'étranger. Dans ses disques, Stivell vise par ailleurs à combler ce qu’il nomme « les lacunes de l'enseignement français », interprétant des poèmes bretons (Trema'n Inis en 1976) ou en retraçant en chansons l’histoire de la Bretagne (Raok dilestra en 1977, moitié breton moitié français). Il participe à la fête de la langue bretonne à Carhaix le 28 avril 1989. Il manifeste à Rennes le 22 mars 2003 avec 15 000 manifestants[147] et au « Printemps des langues et des identités régionales » à Nantes le 15 mai 2004. Le 22 mai 2008, l'Assemblée nationale décide à la quasi-unanimité d'ajouter au premier article de la Constitution une phrase stipulant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Sur demande de son retrait par l'Académie française, les sénateurs posent un amendement. En juin, Alan Stivell dénonce ce refus de reconnaissance constitutionnelle et y voit un « triple crime »[148]. Il apporte son parrainage à la signature de la charte Ya d'ar brezhoneg par la commune de Moëlan-sur-Mer en 2009[123]. À l'Olympia 2012, il appelle à participer aux différentes manifestations pour soutenir les langues minoritaires et la charte de 1992[149].

Sa pensée, ses idéaux

Alan Stivell porte des messages simples mais « essentiels »[123]. Cette envie de transmettre et ses engagements transparaissent légèrement dans sa musique et ses textes mais surtout dans ses discours, ses prises de position et ses concerts, bien que certains points demeurent pour lui des ressentis strictement personnels[150]. Il se situe de gauche, position qui signifie pour lui « d'abord une quête intérieure » dans le respect de l'autre et la générosité[151]. Il n'a jamais adhéré à aucun parti politique, estimant que s'il peut avoir un rôle, celui-ci est ailleurs. Mais il soutient ponctuellement des personnalités et des mouvements politiques, notamment l'Union démocratique bretonne (UDB) dont il estime l'action malgré quelques divergences[a 17],[Cit. 11]. En 1974, il était pour le socialisme et le communisme dans les sociétés[52]. Il défend des valeurs humanistes (« une personne que j'admire beaucoup qui me vient à l'esprit, c'est Gandhi » écrit-il le 31 juillet 2006 sur son forum). Dans une optique fraternelle, il est pour une plus grande solidarité entre les humains.

Pour lui, la liberté est « le plus grand bien qu’on puisse avoir, indispensable à tout être humain »[152]. Ainsi, il participe au gala de Libération en faveur de la liberté de la presse le 3 février 1975 et il traduit en breton en 2007 la chanson Dans la jungle, écrite par Renaud pour Íngrid Betancourt[152]. Il rêve d'un monde sans frontières, où chaque culture pourrait aller vers l'autre et échanger, permettant le métissage et l'enrichissement mutuel[123]. Pour cela, il soutient la justice sociale, l'égalité des êtres humains et combat la xénophobie[153]. Il souhaite que toutes les cultures retrouvent leur dignité, pour qu'il n'y ait plus de complexe d'infériorité ni de « mezh » (honte en breton)[153]. Il compare en 2008 sur son blog la situation des Tibétains aux « aliénations culturelles » qui auraient frappé les Bretons ou les Occitans[154]. Une prise de conscience culturelle permettrait une « décolonisation »[155] (« Peuples rassemblés par une même administration nous devons nous libérer de l'Histoire falsifiée par la bourgeoisie. Chaque mouvement de décolonisation aidera la gauche française à combattre ses vieux démons nationalistes », Pochette de Raok dilestra, 1977). « Je crois avoir toujours été le mélange de deux extrémismes : des formes de radicalité et de modération, toutes les deux extrêmes et absolutistes. »[156] « Je crois que le moteur d'une évolution politique, c'est l'utopie totale », déclare-t-il en septembre 1974 au Peuple breton[52]. Pacifiste, il a toujours condamné la violence, comme le 26 août 1973 lors d'une manifestation contre l'extension du camp militaire du Larzac[157]. En mars 1972, il se produit au théâtre de Saint-Brieuc en soutien aux ouvrières du Joint français en grève.

En 1975, le disque E Dulenn, enregistré en public au National Stadium de Dublin, débute par une déclamation militante du chanteur, intitulée Délivrance : « Voici venu le temps de délivrance, loin de nous toute idée de vengeance, nous garderons notre amitié avec le peuple de France mais nous abattrons les murailles honteuses qui nous empêchent de regarder la mer... ». Il rend hommage à Bobby Sands dans Hidden trough the Hills, fait prisonnier politique lors du conflit en Irlande du Nord. Dans Miz tu (novembre) et Un paradis parfait (sur l'album Explore), il fait références aux violences urbaines de 2005 et au malaise des banlieues avec une jeunesse « désespérée », en manque de reconnaissance[158].

Comme il le chante en ouverture de l'album Emerald dans Brittany's - Ar bleizi mor (les loups de mer), il voit la mer comme un centre de gravité, un trait d'union (« Pour nous la mer est la patrie », « C'est la mer qui nous réunit », « Océanais, on est »)[146]. Concernant sa position face à la religion, il l'explique ainsi : « Je suis sorti du christianisme, car il est pour moi l'angle spirituel d'une civilisation parmi les civilisations, et donc pour moi aucune raison d'imposer la culture d'un groupe d'humains à d'autres humains »[159]. Il se situe plus entre l'agnosticisme et le panthéisme, une spiritualité hors des cadres imposés[160].

Le celtisme et l'interceltisme

Photographie d'Alan Stivell à la cornemuse en contre-jour avec les projecteurs verts
Alan Stivell à la cornemuse à Brest en octobre 2012.

Alan Stivell est passionné par le monde celtique, que ce soit les langues, l'histoire, la mythologie, la littérature ou l'art graphique. Pendant une quarantaine d'année, il en a fait sa spécialité en étudiant tous les traits de la culture. Selon lui, la communauté celtique contemporaine est une réalité concrète et la Bretagne y appartient tout autant qu'à la France (« la Bretagne a un pied dans chacune de ces entités »)[125]. Il partage fièrement le triskell, symbole qu'il a popularisé comme une unité des peuples. Il a, en quelque sorte, réveillé chez les moins de trente ans du vieux continent leurs lointaines origines celtiques qu'ils portaient en eux sans le savoir, du fait d'un très ancien atavisme[c 8]. Pour lui, il y a beaucoup moins de choses en commun entre les Indiens d'Amérique qu'entre les nations celtes[98]. Mais la Celtie n'en a pas conscience selon lui car, basée sur l'oralité, elle souffre d'un manque d'informations et d'études concrètes, ce qui conduit certains à des idées non fondées ou une utilisation trop abondante et farfelue, qui peut donner une mauvaise image. Or l'opinion, toujours selon lui, sans un minimum d'écrits, ne peut se faire qu'à partir de sentiments.

Ainsi, il a écrit Racines interdites, un livre en partie dédié aux Celtes. Enfant, il recopiait des listes de mots qui se ressemblaient en breton, gaélique et gallois, dont il donne un extrait p. 19. Il a étudié et théorisé le concept même de musique celtique, ce qui lui permet de tenir un discours revendicatif et une certaine idée celtique, qui s'est majoritairement imposée[f 3] : « En 2010, j’ai défendu la musique celtique pendant plus d’un demi-siècle. J’ai eu beaucoup de contradicteurs. Aucun, en cinquante ans, n’a tenté de s’attaquer à mes arguments »[a 13]. Il évoque les éléments qui lui font croire à la réalité d'une musique celte, comme les similitudes bretonnes, irlandaises et galloises dans les mélodies, la syntaxe, les syncopes, les interprétations, etc., et qui influent sur l’harmonisation moderne (les bourdons, les résonances et harmoniques)[161]. Sa musique est en mouvement comme la conception celtique qui voyait le monde fait d'éléments en perpétuel mouvement et mettait le liquide au centre[d 7].

Pour renforcer l'unité, il intègre dans la musique bretonne des instruments utilisés dans les pays celtiques, ce qui donne une nouvelle réalité à cet interceltisme[f 4]. En Bretagne, il a également apporté des mélodies des autres pays. L'échange se fait aussi d'une manière réciproque, à différents niveaux. Erwan Chartier, dans sa thèse sur l'interceltisme, considère que « certaines de ses chansons sont de véritables hymnes à l’interceltisme »[f 3] et qu'en se produisant dans les autres pays celtiques, « il y demeure sans aucun doute le Breton le plus connu »[f 5]. Au Congrès celtique international qui se tient à Tréguier en 1962, il fait entendre la harpe de son père au reste de la Celtie[f 1],[162]. En 1971, il est à l'affiche de la première édition lorientaise du festival interceltique[163].

Stivell nomme Keltia III la Celtie d'aujourd'hui avec les « nouvelles » nations celtisées, nom qu'il a donné à sa maison de disques. Dans son œuvre majeur, la Symphonie celtique, il allie les héritages musicaux des différents pays celtiques. Ce travail, débuté à partir de 1977, est enregistré par plus de 70 musiciens sur l'album sorti en 1979 et a donné lieu à un grand spectacle de plus de 300 musiciens au festival interceltique de Lorient en 1980[f 3]. À l’occasion de la 40e édition du festival en 2010, il participe le 12 octobre au colloque sur le celtisme et l'interceltisme aujourd'hui[161],[164].

L'environnement

Alan Stivell rêve d'un monde en liaison avec la nature. Dans la présentation de l'album Emerald sur son site officiel, il écrit : « avant même de voter pour le candidat écologique René Dumont contre De Gaulle dans les années 60, je trouvais normal que le respect de la nature soit encouragé par les institutions, l'évidence que l'humain en fait partie, autant qu'autre chose, ceci associé à un rêve de progrès scientifiques qui faciliteraient la vie sans la faire disparaître ». Avec l'écologie moderne il espère donc que les sociétés vivent en phase avec la nature. Il souhaiterait que l'eau soit protégée et que tout le monde ait de l'eau potable[126].

Il joue avec Roland Becker devant 15 000 personnes lors d'un meeting anti-centrale nucléaire à Erdeven en mai 1975[165]. Suivant la position de l'UDB, il est très présent en 1978 dans la lutte contre le nucléaire et contre l'implantation de la centrale à Plogoff[a 18]. Il s'inspire de l'intervention des forces de l'ordre dans les manifestations en écrivant sa chanson Beg ar van, une sorte de hurlement à la mort d'une population et d'une culture de façon générale. Sa musique est en connexion avec la nature, comme l'album Au-delà des mots[166]. Le naufrage du pétrolier Erika qui souille les côtes bretonnes en décembre 1999 lui inspire une révolte musicale, « Ceux qui sèment la mort » (sur Back to Breizh) et il chante « Ye Banks and Braes » en 2000 sur l'album L’Hiver des oiseaux dont les bénéfices étaient entièrement reversés pour réparer les dégâts de la marée noire[167]. En février 2010, il est le premier à soutenir la liste « Europe Écologie Bretagne » (qui regroupe Les Verts, l'UDB et des personnalités diverses) aux élections régionales 2010[168]. En 2011, il signe la pétition du chef Raoni s'opposant au projet de barrage de Belo Monte[169].

Un travail de communication

Alan Stivell a toujours eu l'envie profonde de réhabiliter la culture régionale auprès des Bretons et, par-là même, redorer l’identité bretonne[130]. Son objectif était de devenir professionnel, ce qu'il fait en signant chez Philips, et d'arriver à passer par les mass media. Ainsi, il a lancé un nouveau mouvement musical par un travail de communication professionnel. Selon lui, pour convertir les Bretons il fallait d'abord être reconnu à Paris puis dans le monde[97], ce que concevait Xavier Grall : « Disons-le, puisque c'est vrai : c'est la Bretagne qui a pétri l'art d'Alan Stivell, mais c'est Paris qui l'a reconnu et qui l'a lancé. »[170] Il avait la conviction qu'en entendant sur les ondes des airs bretons de qualité comparable aux musiques anglo-saxonnes, le peuple de Bretagne prendrait conscience de la qualité de sa culture : « L’alternative est simple : ou l’on se donne les moyens de contribuer à une prise de conscience collective rapide, ou l’on va chanter de bistrot en bistrot, jusqu’au jour où il sera trop tard. J’ai donc en 1967, en signant dans une maison de disques parisienne, choisi d’utiliser, dans la mesure du possible, les mass media. »[d 8] Dès 1973, il participe à la création de la revue d'information Evid ar brezhoneg (Pour la langue bretonne) dont il sera directeur de publication[171]. Alan fait part d'une grande écoute des autres, en participant activement à son forum par exemple ; sur son blog, il partage ses idées, ses points de vue, son actualité[a 19].

À l'encontre du mouvement musical et culturel, il est confronté selon lui à la « ghettoïsation par les étiquettes »[172] et la minimisation de sa portée internationale[173]. À partir du succès du disque À l'Olympia, Stivell sera montré du doigt pendant toute la période ; accusé de « récupération » médiatique par les traditionalistes, il ne cesse de justifier son action[130]. Dans un entretien en 1986, Glenmor déclare : « Stivell a été un phénomène, sans que sa valeur artistique soit mise en cause là-dedans. Un phénomène parisien, lancé par Paris sur la Bretagne mais Stivell a toujours dit qu’il le cherchait [...] On a dit des tas de choses sur Alan : Alan est aussi pauvre que moi. À ce moment-là, il touchait 2 % de royalties sur ses disques »[174]. En 2004, Alan Stivell déclare au congrès de l'Institut culturel de Bretagne : « J'ai ensuite réinvesti pratiquement tout ce que je gagnais pour compléter l'action très limitée de la maison de disques. »[175] Il explique ensuite les investissements qu'il réalise dans les années 1970 pour ses concerts et tournées : financement pour l'Olympia, bureau pour organiser les tournées, coût des voyages et de location des grandes salles ou des chapiteaux en Bretagne, 12 à 14 personnes en tournée et une sonorisation importée d'Angleterre[176].

Médiatique

Dès 1967, Alan Stivell multiplie ses interventions médiatiques, dans l'Hexagone comme à l'étranger, surtout dans les îles Britanniques, pour faire en sorte que la musique bretonne soit, à terme, considérée comme parfaitement moderne. Il atteint, dans les années 1970, une portée nationale, obligeant, selon lui, les médias de masse à faire des « concessions », à accepter sa musique sans la dénaturer, à reconnaître l’existence de la culture bretonne, notamment en y chantant en breton. Après son 45 tours Pop-Plinn, début 1972, dans lequel il met la guitare électrique au premier plan, se passe un phénomène inédit : la radio diffuse des airs bretons dans la France entière. José Artur est le premier à passer du Stivell dans son Pop-Club, sur France Inter. Le 18 mars 1971, l'ORTF présente, au journal télévisé, un extrait de 3 min d'une émission, en breton avec sous-titres en français, où il raconte à Charles Le Gall son parcours et ce qui l'inspire dans sa musique[177]. Trouvant le service de presse de Philips insuffisant, il engage à ses frais une attachée de presse, ce qui lui permet d'aller dans plusieurs émissions, comme chez Jacques Chancel ou Michel Drucker[176]. En 1973, il quitte Paris et est donc moins présent pour relancer médias et organisateurs[7]. En 1975, invité à l'émission Dimanche Martin de Jacques Martin, il interprète Metig. La même année, il est aux côtés de Martine Gabarra sur Antenne 2 pour « Un jour futur »[178].

Cette première réussite ne s'est pourtant pas poursuivie : « Avec mes ventes, je devrais pourtant avoir démocratiquement la place qui me revient. Cette sous-information fait que je ne peux pas lutter contre une image traditionnelle, ringarde. »[179] En effet, par la suite, les grands médias ne le diffusent presque plus, ne l'invite que ponctuellement, lors d'évènements, même s'il représente d'importantes ventes d'albums en France[e 5]. Comme le dit Country Joe McDonald, les auteurs-compositeurs marginaux qui ne rentrent pas dans le moule surfait sont écartés : « Si vous chantez de la vraie « protest-music », alors vous ne serez jamais star, parce que l'industrie est dirigée par des gens qui ne veulent pas entendre cette musique-là. Alan Stivell est un très grand musicien, l'un des plus grands au monde à mon avis, mais il ne sera jamais une grande star parce qu'il ne joue pas le jeu »[e 6],[104]. Dans son livre Racines interdites, p. 130, c'est à partir de 1979 qu'il voit, selon lui, le coup de frein dont il est victime : « Les gens qui disaient de mon répertoire : « C'est joli », commencent à comprendre qu'il s'inscrit dans un contexte de libération nationale, et leur attitude contribue à freiner l'avancée de la musique bretonne », ce qu'il confirme en 1983 : « à partir de ce moment, tous mes disques ont été quasiment censurés à la radio comme à la télévision. »[104]

En 1992, il est invité à l'émission Champs Elysées sur Antenne 2 avec Laurent Voulzy et Alain Souchon. Le , dans l'émission Taratata présentée par Nagui, il interprète Belfast Child en duo avec Simple Minds. En 1996, il est présent aux Victoires de la Musique, diffusées sur France 2, dont le prix est décerné à Dan Ar Braz.

Deux étudiants de l'institut de Rennes interviewent Alan à droite à l'aide d'un téléphone aux couleurs du drapeau américain.
Alan Stivell interviewé par des étudiants de Sciences Po Rennes en décembre 2012.

Sur la chaîne Direct 8 de la TNT, il participe au Téléthon le 8 décembre 2007 et il est invité à l'émission 88 minutes en direct le 7 mars 2008. Sur France 2, Michel Drucker convie le chanteur lors de récentes émissions : le 24 novembre 2007 à Tenue de soirée, interprétant Brian Boru avec les Corrs, le 4 juillet 2008 en ouverture de l'émission « spéciale Tour de France » en direct de Brest, ainsi que le 11 décembre 2011 pour Vivement dimanche « spécial Bretagne » (record d'audience de la saison)[180]. Sur France 3 Bretagne, il communique plus facilement, à travers les émissions culturelles, le journal régional et les reportages[181]. Pour France 3, il commente la grande parade du festival Interceltique de Lorient, notamment en 2009, 2011 et 2012. Le , lors de l'émission Taratata dédiée à la musique celtique, il présente son album Emerald en interprétant Brittany's. Il tourne en 2011 pour la chaîne de télévision japonaise publique NHK un reportage, diffusé dans l'émission Amazing voice, consacré également à Cécile Corbel et Yann-Fañch Kemener. Sur RTL, il est invité en mai 2011 à l'émission Stop ou encore et le 12 février 2012 pour Ma liste préférée[160].

En février 2012, le concert du 40e anniversaire à l'Olympia suscite l'intérêt des médias : annonce par divers médias (« coup de cœur » dans L'Express[182], Le Figaro, L'Humanité[183], Paris Match[23], invité du 19/20 de France 3[184], une du Télégramme), installation de caméras dans la salle (TF1, France Télévisions, BFM TV). Il apparaît également sur France 3 dans l'émission Chabada spéciale Saint-Patrick avec les Tri Yann le 20 mars et sur France 2 pour Les Années bonheur le 5 mai.

Filmographique

À 27 ans, Alan Stivell met en musique le court-métrage Vive-eau de Louis-Roger qui fera le tour du monde et sera récompensé (Proue d'or à Milan, Chevreuil d'or à Novi Sad)[185]. Sa musique sert à illustrer l'histoire de L'Enchanteur Merlin, Les chevaliers de la Table Ronde sur le 33 tours sorti en 1973 chez Philips. En 1974, sa musique, extraite des albums Reflets et Renaissance de la harpe celtique, accompagne La Merveilleuse Visite de Marcel Carné (TF1 Vidéo)[186]. Le 9 février 1977, le téléfilm L'Ancre de miséricorde est diffusé sur TF1 avec en bande son plusieurs albums d'Alan Stivell. Sa musique est utilisée dans le film In Search of Anna (1978) par Esben Storm (Australie), aux côtés de John Martyn, AC/DC et Rose Tattoo (sorti en DVD en 1992)[187]. La musique qu'il compose pour Si j'avais mille ans en 1983 est la base de l'album Legend.

Notes et références

Notes

  1. Dès les années 1950, Alain est bretonnisé en Alan. Parfois il se fait appeler Alain ou Alannig pour montrer une forme de familiarité avec une pointe d'humour (« Infos inexactes », sur Blog officiel, ). Il tombe par hasard sur la page d'un livre qui explique que le nom Queffellou (ou Quevellou qui signifie « vieux colporteur de nouvelles ») est souvent prononcé Cochevelou dans la région Gourin-Langonnet-Rostrenen. (Bourdelas 2012, p. 71)
  2. Telenn la Harpe Bretonne, p. 99 : « les touches d'ivoire me glaçaient (cependant ces bases me servent toujours aujourd'hui) » et L. Bourdelas l'interprète dans son livre p. 26 (« instrument « glacial », ce qui aurait pu le détourner de la musique à tout jamais. »)
  3. Claude Lemesle, Gabriel Yacoub, Graeme Allwright, John Cage, Catherine Perrier et son mari John Wright qui fondent le folk-club Le Bourdon où Alan fait se produire les sœurs Goadec, etc. Valérie Rouvière, Le mouvement folk en France (1964-1981), (lire en ligne), p. 50 et 61
  4. « Source jaillissante », comme un désir de retour aux sources qui sert à puiser de l'énergie pour aller de l'avant, car sa musique se voulait aussi source nouvelle (Alan Stivell, « Autobio : de 1970 à 1975 », sur Blog officiel, ). « Cette musique s'écoule de sa harpe enchanteresse en ruisselets limpides et cristallins comme une source. » Alan Stivell ou le folk celtique, p. 37
  5. C'est le photographe de Philips, Patrick Ghnassia, qui l'avait entendu sur Radio France dans l'émission « Jam sessions » de Luc Bérimont (grâce à l'American Center) et amené jusqu'à son patron, Christian Fechner. Bourdelas 2012, p. 72
  6. « Ces disques sont passés à peu près inaperçus, je ne le regrette pas. », Alan Stivell, Racines interdites, p. 122
  7. « grâce aux copains qui ont collé des affiches en Bretagne et à Paris (j'étais moi-même du pinceau) », Alan Stivell dans Telenn la Harpe Bretonne, p. 123. Cinq mille exemplaires se vendent rapidement en Bretagne (« on allait poser le 45 tours dans les juke-boxes des cafés. »), « Alan Stivell, 40 ans de musique bretonne contemporaine », ArMen, no 87,‎ , p. 37
  8. Cécile Corbel (« Elle soutient que chaque harpiste actuel doit normalement se reconnaître dans ce pionnier et inspirateur. », « Cécile Corbel », sur Harpographie, ), Cathy Ytak (« J'ai découvert Alan Stivell avec son disque Renaissance de la harpe celtique […] Sans lui, je ne jouerais pas de harpe celtique », Bourdelas 2012, p. 166), Virginie Le Furaut (Bourdelas 2012, p. 95-96), Loreena McKennitt (Les Cochevelou et la renaissance de la musique celtique, p. 63 et sur le site Innerviews), Myrdhin (Thèse interceltisme, p. 500), le Paraguayen Robert Hart (« This music enchanted me. Eventually the desire to play the harp arose... » dans sa biographie), Christy Marx (« I was once at a wedding and I heard the most magical music of all time. I followed to the source and discovered it was an album of Alan Stivell, The renaissance of the Celtic Harp » dans une interview en 1988), la harpiste américaine Jo Morrison (« Alan Stivell could easily be called both the father of modern Celtic music and the person who started the rebirth of the Celtic harp » sur le site Rambles en 2001).
  9. La demande d'instruments celtiques s'est accrue en un an de 4 000 % (jeunes, touristes, « gens biens » pour être à la « mode », orchestres populaires). Alan Stivell ou le folk celtique, p. 64
  10. Certains groupes « osent » devenir professionnels comme les Diaouled Ar Menez, Ar Sonerien Du, An Triskell, Gwendal, Bleizi Ruz, etc.
  11. Citation d'Alan Stivell sur le disque Chemins de terre : « Reprendre les chemins de terre avant d'embarquer pour les îles... », qui peut être comprise comme un passage du traditionnel à l'inconnu, du folk à la musique électrique, électronique et d'autres influences. Il était aussi inquiet de la prolifération par effet de mode des groupes celtiques, en ne connaissant que des fragments de leur culture. Il invite les jeunes Bretons à s’imprégner de leurs racines, à acquérir une solide culture celtique avant de revisiter la tradition, sans la dénaturer.
  12. Spectacle proposé par Alice productions et Télérama avec Europe 1 au Palais des sports, porte de Versailles, à guichet fermé avec 50 000 spectateurs. « Succès », Le Journal de l'année, édition Larousse,‎  : « ...Sardou bourre l'Olympia et Stivell le Palais des sports. »
  13. En Australie, Dan confie avoir vécu des répétitions épuisantes pour faire apprendre les morceaux aux musiciens sur place, après le voyage. (« Interview de Dan Ar Braz », sur Harpographie, )
  14. « La symphonie celtique d'Alan Stivell : première création mondiale », Breizh, no 259,‎ (lire en ligne), l'article parle de moyens « fantastiques » et « grandioses » : orchestre symphonique dirigé par James Moeau, directeur de l'école de musique de Lorient, chœurs dirigés par Odette Carado, cinq pipe bands, deux bagadoù, la formation rock de Stivell (plus Narendra Bataju, joueur de sitar et Djourha, les chanteuses berbères du trio Djurdjura), 28 techniciens, une sono de 20 000 watts (120 micros), 100 000 watts d'éclairage.
  15. Lors de la saison 1986-87, Alan donne le coup d'envoi d'un match en novembre. Brest finira à la 8e place du championnat de D1 de foot.
  16. Kate Bush, qui écoutait les disques d'Alan Stivell appartenant à son frère Paddy et qui l'avait vu à l'émission de la BBC The Old Grey Whistle Test interprétant Kimiad, aurait souhaité faire appel à lui quelques années plus tard sur son album. Au moment où, cherchant à le joindre et en parlant à son ingénieur du son Del Palmer, elle reçoit une lettre du harpiste lui disant qu'il aimait sa voix et sa musique. (« Témoignage d'Alan Stivell », sur forum officiel,
  17. En « échange » de la participation d'Alan, Kate Bush participe à The Mist of Avalon. Ils réalisent une maquette de La dame du lac mais l'autorisation de la part de la maison de disque tarde à arriver, ce qui retarde la sortie de l'album débuté en 1985-86 mais permis l'écriture de textes par ou avec son frère John Calder Bush. Ce n'est que dans Again qu'il a le droit d'utiliser l'autre travail avec Kate, Kimiad, qu'elle avait découvert à une émission britannique. (« Témoignage d'Alan Stivell », sur forum officiel, )
  18. Il invite pour Again son ancien complice Dan Ar Braz, des chanteurs proches (Yann-Fañch Kemener, Gilles Servat, Robert Le Gall), mais aussi des chanteurs venus d'autres horizons (Kate Bush, Shane MacGowan, Laurent Voulzy, Gillan O'Donovan, James Wood, Doudou N'diaye Rose, Davy Spillane et d’autres).
  19. Également distingués par la SACEM, les Nouvelles Polyphonies Corses et l'occitan Patric, qui avait chanté avec Alan en 1973 au Larzac devant 120 000 personnes
  20. Harpiste est généralement réservé aux musiciens du répertoire classique, le terme « harpeur » est utilisé pour les autres genres musicaux dont la musique celtique. (F. Hélias, « De cordes et de vent : la harpe celtique déferlante », Univers Celtes, no 2,‎ , p. 62)
  21. Documentaire-portrait (46:19) réalisé par Roger Sciandra (interview de Michel Lancelot) diffusé sur TF1 le 26 avril 1975 dans le cadre de l'émission télévisée À bout portant proposée par Jean Wetzel et les frères Gall (rediffusée sur Paris Première dans le cadre de l'émission Hep Hep Un document) et comprenant des interviews d'Alan Stivell et des Sœurs Goadec, des chants interprétés par les Sœurs Goadec et des extraits du concert d'Alan le 25 octobre 1974 à Lorient et du meeting UDB. A. Colleu et M. Valerde, Panorama de l'audiovisuel en Bretagne : L'album, 1985, ICB, p. 228-229
  22. Documentaire de Pascal Signolet, co-écrit par François Bensignor (coproduction Bleu Iroise / France Télévisions) diffusé sur France 3 Bretagne le 25 avril dans le cadre du magazine d'information télévisé Génération Breizh présenté par Robin Durand (52 min) : « Génération Breizh », sur Replay du documentaire « Au-delà des frontières, Stivell » diffusé sur France 3, (consulté le )

Citations

  1. a et b « J'ai entendu fredonner des airs bretons d'un bout à l'autre de la France. […] En Occitanie, les jeunes ne se veulent qu'Occitans, au pays Basque ils ne se veulent que Basques, Catalans, Corses, Flamands… Il a marqué profondément toute une génération. », Yann Brekilien, Alan Stivell ou le folk celtique, p. 65
  2. « Maintenant que je suis une « vedette », certains me traitent de « récupéré ». On ne s'en sort plus […] Car ce n'est pas en restant dans l'ombre, ignoré, qu'un artiste peut imposer ses idées. C'est en allant de l'avant. C'est en étant un personnage dont on parle. […] J'appartiens à une civilisation et à une époque. […] Ma musique est politique parce qu'elle est une réaction contre le colonialisme d'un gouvernement. […] Je n'appartiens à aucun parti. Je ne veux d'ailleurs pas faire de parisianisme. […] Je suis politique parce que je chante une musique qui est celle d'un peuple précis. Et avec cela je vais plus loin que celui qui lève le poing en chantant « contre » au moindre prétexte. », Jean-Louis Guitard, « Alan Stivell chez lui », Le disque, no 15,‎ , p. 29 (lire en ligne) (« une » et reportage photos à Langonnet)
  3. « Il constitue pour les Bretons un témoignage : leur culture est applaudie un peu partout dans le monde, reconnue. Sachant cela peut-on éviter de parler breton, traîner encore avec soi les vieilles hontes ?... », Racines interdites, p. 132
  4. « Peu de gens imaginent l'énergie que j'ai mise à me promouvoir en complément de la « multinationale ». Il est évident que je n'aurais pas eu cette hargne si je n'étais pas persuadé de faire avancer la cause bretonne. Plus tard, j'aurais pu rire de certains commentaires pensant que c'était vraiment l'œuvre du « show-biz » si ce n'avait pas été destructeur. », Bourdelas 2012, p. 109
  5. (en) « I just totally fell in love with an instrument when somebody lent me a record Renaissance of the Celtic harp by Alan Stivell, the harpist from Brittany. I thought : That's it ! », Tara Jaff
  6. (en) « Monumental albums: Alan Stivell’s Renaissance of the Celtic Harp... », Louisa John-Krol en 2001
  7. (en) « I was the right age to get into Alan Stivell, and discovered the joys of Breton music », Maartin Allcock (Fairport Convention)
  8. Explication par Jean-Paul Liégeois du succès de Stivell par rapport aux autres chanteurs bretons : « la chanson revendicative ne convainc que les convaincus d'avance, ceux qui viennent l'entendre comme on se regarde dans un miroir ; par contre, l'authenticité, cette manière de montrer qu'on est réellement différent – en chantant en breton, dans le cas de Stivell – fini toujours par payer et séduire. Ce simple constat a plus de retombées politiques qu'on ne pense : sauvegarder l'identité bretonne ne veut pas dire s'enflammer « en français contre l'impérialisme français ». » « Stivell: Ça barde ! », L'Unité,‎ , p. 26-27 (lire en ligne)
  9. « La nouvelle harpe fut un nouveau coup de foudre : elle était plus celtique, moins classique, la position debout, le son cousin des guitares douze cordes, le côté « indien », les résonances et harmoniques rappelant la cornemuse, tout m'attirait chez elle. », A. Stivell dans Telenn la Harpe Bretonne
  10. « Est-il indécent de chercher ce qui, de toutes parts, a pu amener à cela ? […] Il est humiliant et malhonnête de dénigrer ceux qui défendent le droit de la Bretagne à l'existence... », Alan Stivell, Bourdelas 2012, p. 268
  11. « Je n'ai jamais adhéré à aucun parti. Je pense que, si je peux avoir un rôle, ce n'est pas à l'intérieur d'un parti politique. Mais ceci est un cas particulier : le mien. Cela ne m'empêche pas d'aider, chaque fois que je le peux, les gens dont j'estime l'action. C'est souvent le cas pour l'Union démocratique bretonne (avec parfois des divergences, normal). », Alan Stivell, « Société », Forum officiel, sur Alanstivell.com, (consulté le )

Références

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  2. « Ils ont fréquenté le lycée Voltaire », sur lycee-voltaire.fr (consulté le )
  3. a et b Irène Frain, « Le 9 novembre 1965, le jour où j'ai eu l'idée du rock celtique », Paris Match,‎ (lire en ligne)
  4. a et b Dominique Le Guichaoua, « Alan Stivell Entretien à dizaine... », Trad Magazine, no 62,‎ , p. 7
  5. Luc Le Vaillant, « Alan Stivell, 54 ans, refondateur de la musique bretonne. Maintient le cap local-global. À l'Olympia ce soir. Bardé de celtitude. », Libération,‎ (lire en ligne)
  6. « La harpe enchantée », Le Progrès,‎ (lire en ligne)
  7. a b c et d « Alan Stivell, Quarante ans de musique bretonne contemporaine », ArMen, no 87,‎ , p. 32 à 39
  8. Trop forts les Bretons !, p. 194
  9. Didier Le Corre et Émmanuel Pain (photographe), « Alan Stivell, Refondateur Celte », Bretons, no 13,‎ , p. 25
  10. « un devoir intellectuel d'éclaireur […] il était interdit de parler français au cours de certains repas », Sturier-Yaounkiz, no 18,‎ , p. 169, cité par Christophe Carichon dans Scouts et guides en Bretagne, p. 242.
  11. a et b « Alan ou le retour de l'enfant prodigue », Le Télégramme,‎ (lire en ligne)
  12. « Alan Stivell, la pop-music celtique, 40 ans de musique bretonne », ArMen, no 87,‎ , p. 35 (lire en ligne)
  13. La chanson Bretonne, p. 104
  14. Les musiques Celtiques, p. 30 : « À Paris en revanche la tradition fait nettement moins recette. Quand Alan Stivell et son complice sonneur animent les bals de l'entente culturelle bretonne, le public est loin d'être ravi et réclame plutôt des slows ou du rock'n'roll... »
  15. La musique Bretonne, p. 94
  16. Préface du livre Kevrenn Brest-Sant-Mark Bagad d'exceptions
  17. La musique Celtique, p. 27
  18. Culture et Celtie, Gérard Simon, « Dossier Alan Stivell, un musicien, une oeuvre... », (consulté le ), p. 3
  19. « Au-delà des frontières, Stivell (documentaire) », (consulté le ) (extrait des Hootenannies à 22 ans en 1966, témoignage de Lionel Rocheman)
  20. Valérie Rouvière, Le mouvement folk en France (1964-1981), (lire en ligne), p. 19
  21. Erwan Vallerie, Ils sont fous ces Bretons !, Coop Breizh, , p. 236
  22. Culture et Celtie, Yann-Bêr, « Prix Imram (reportage) », (consulté le ), p. 3
  23. a et b Régis Le Sommier, « Alan Stivell ravive la Breizh », Paris Match,‎ (lire en ligne)
  24. J. B., « Alan Stivell, une forme de génie », Bretagne Magazine, no 20,‎ (lire en ligne)
  25. Alan Stivell explique dans Telenn la harpe bretonne qu'il « reste positivement marqué par l'ambiance et la révolte de 1968. »
  26. Marco Stivell, « Chronique Flower Power », sur Forces parallèles,
  27. Alan Stivell, « Autobio : de 1970 à 1975 », sur Blog officiel, (consulté le )
  28. Pierre-Henri Allain, « La ballade d'Alan Stivell : Le Liberté à Rennes », Le Point,‎ (lire en ligne)
  29. Chantres de toutes les Bretagnes, p. 459
  30. La musique Bretonne, p. 95, extrait du texte écrit en 1970 sur la pochette de l'album Reflets où il emploie le terme « ethno-moderne »
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  32. Charles Le Quintrec, « Stivell à l'Olympia en 1972 : « Examen de passage réussi » titrait Ouest-France », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
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Ouvrages récurrents

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  2. a et b p. 52
  3. p. 16
  4. p. 52-53, « L'art de la danse »
  5. a et b p. 55, « Les débuts du mouvement »
  6. p. 104
  7. p. 107
  8. p. 167, « Une tournée triomphale »
  9. p. 206
  10. a et b p. 198-199
  11. p. 243-244
  12. p. 250
  13. a b et c pp. 315-316, extrait de Alan Stivell, « Aspects principaux de la Musique Celtique », sur Blog officiel,
  14. p. 76-77
  15. p. 207
  16. p. 310
  17. p. 319
  18. p. 195
  19. p. 285
  1. a b et c p. 144-145
  2. a b et c p. 118-119, « Une envie d'ultra-moderne : du classique au rock celtique »
  3. p. 101
  4. p. 105
  5. a b c et d p. 110-111, sections « La Telenn Bleimor va naître à la suite d'Alan » et « Le jeune homme à la harpe »
  6. a et b p. 121, étymologie proposée par Yann Kerlann
  7. p. 133
  1. p. 21-22, « parvenant à vaincre sa timidité pour chanter en breton aux feux de camp. »
  2. p. 25, p. 68
  3. p. 20, « notamment à Ti ar Yaouankiz en Moëlan-sur-Mer »
  4. p. 29-30
  5. a et b pp. 33-35
  6. p. 44, « Les plus étonnés en furent les dirigeants de maison de disques qui, au départ, n'y croyaient pas du tout. C'était contraire aux critères commerciaux les mieux établis. »
  7. p. 77-78
  8. p. 62-63
  1. a et b p. 18
  2. a et b p. 96-97
  3. a et b p. 118-119, « Du répertoire traditionnel à la nouvelle chanson »
  4. a et b p. 34-35, « Les histoires de l'histoire » et p. 53
  5. p. 24-25, « Un Africain qui vit en Bretagne a parfaitement le droit de vouloir appartenir à la communauté bretonne »
  6. p. 34
  7. p. 144
  8. p. 127-128, « En suivant les disques »
  1. p. 32
  2. p. 28
  3. p. 93-94
  4. p. 184-185, articles de presse de l'Île de la Réunion
  5. p. 109
  6. p. 237
  1. a b et c p. 542
  2. a et b p. 11, pp. 533-534, pp. 543-547
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Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Écrits et préfaces d’Alan Stivell

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  • Alan Stivell et Jean-Noël Verdier, Telenn, la harpe bretonne, Le Télégramme, , 160 p. (ISBN 2-84833-078-3)
  • Alan Stivell, « Histoire de la renaissance de la harpe celtique », Musique bretonne, no 29,‎ , p. 5-7 (lire en ligne)
  • Témoignage dans l'ouvrage : Collectif, René Abjean (dir.) et Louis Dumontier (dir.), Bretagne est musique : le point sur 50 ans de renouveau, Institut Culturel de Bretagne, coll. « Cahiers de l'Institut N°8 », , 142 p. (ISBN 2-86822-102-5), p. 64-69
  • Témoignage dans l'ouvrage : Collectif, Christian Demeuré-Vallée (dir.) et Ronan Le Coadic (dir.), Identités & démocratie, Presses Universitaires de Rennes, , 411 p. (ISBN 2868478603), « Besoins et enjeux de la reconnaissance », p. 195-204
  • Témoignage dans l'ouvrage : Collectif, Yann Bévant (dir.) et Gwendal Denis (dir.), Le celtisme et l'interceltisme aujourd'hui : Actes du colloque de Lorient des 10 et 11 octobre 2010, TRI (CRBC Rennes-2), Coop Breizh, , 228 p. (ISBN 2-91768-116-9[à vérifier : ISBN invalide])
  • Témoignage dans l'ouvrage : Paul Burel et Nono(illustrateur), « Alan Stivell, musicien. Harpe, rock et tradition », dans Trop forts les Bretons !, Ouest-France, , 207 p. (ISBN 2737344875), p. 192-197
  • Témoignage dans l'ouvrage : Comité des rencontres internationales de harpe celtique, Elisabeth Chauvet (dir.) et Rémi Chauvet (dir.), Anthologie de la harpe : La harpe des Celtes, La Tannerie, , 194 p. (ISBN 2914681003), « La renaissance de la Telenn Arvor », contient un CD.
  • Alain Cabon (préf. Alan Stivell), La Kevrenn Brest-Sant-Mark : bagad d'exception(s), Coop Breizh, , 143 p. (ISBN 2-84346-359-9), p. 7-8
  • Alan Pierre et Daniel Cario (préf. Alan Stivell), La danse bretonne : un ouvrage essentiel pour connaître et mieux pratiquer les danses bretonnes, Coop Breizh, coll. « Les indispensables », , 142 p. (ISBN 2-84346-025-5)

Travaux universitaires

  • Erwan Chartier, La construction de l'interceltisme en Bretagne, des origines à nos jours : mise en perspective historique et idéologique, thèse de Langues et cultures régionales, sous la direction de Michel Nicolas, tome 1, Université de Rennes 2, , 720 p. (lire en ligne)
  • Patrice Elegoet, sous la direction de Francis Favereau, La musique et la chanson bretonnes : de la tradition à la modernité, ANRT, thèse en études celtiques à l'Université de Rennes 2, , 468 p. (ISBN 2729569871)
  • Yves Sauvage, sous la direction de Jean Duvignaud, Influences extérieures dans la musique bretonne et évolution de 1900 à nos jours, Mémoire de maîtrise en sciences humaines, Université François Rabelais, Tours, , 49 p.

Autres ouvrages

  • Notice d’Yves Bigot dans l’ouvrage de Michka Assayas (dir.), Dictionnaire du rock, vol. 2, Robert Laffont, coll. « Bouquins », (ISBN 2-221-08955-3), p. 1856-1857
  • Yann Brekilien (photogr. Padrig Sicard), Alan Stivell ou le folk celtique, Nature et Bretagne, , 95 p. (ISBN 978-2852570054)
  • Laurent Bourdelas, Alan Stivell, Le Télégramme, , 336 p. (ISBN 2848332743)
  • Collectif (Laurent Bigot, Michel Colleu, Yves Labbé, etc.) et rédigé sous l'égide de la renue ArMen, Musique Bretonne : Histoire des sonneurs de tradition, Douarnenez, Le Chasse-Marée, 1re éd. (1re éd. 1996), 511 p. (ISBN 2-903708-67-3)
  • Didier Convenant, La musique celtique, Hors Collection, , 76 p. (ISBN 2258044464), p. 26-30
  • Emmanuelle Debaussart, Les musiques celtiques, J'ai lu, coll. « Librio », , 92 p. (ISBN 2277302945)
  • Ronan Gorgiard, L'étonnante scène musicale bretonne, Palantines, coll. « Culture et patrimoine », , 255 p. (ISBN 2911434986)
  • André-Georges Hamon (préf. Glenmor), Chantres de toutes les Bretagnes : 20 ans de chanson bretonne, Paris, Jean Picollec, coll. « Biblio Celtique », , 544 p. (ISBN 2864770342)
  • Yvonne Jaouen (photogr. Mikaelle Quillivic), Les friselis du Stivell, Yvonne Jaouen, , 43 p. (ISBN 978-2-9503338-1-0)
  • Laure Le Gurun et Roland Becker, La musique bretonne, Coop Breizh, , 2e éd., 120 p. (ISBN 2-909924-19-X)
  • Robert Marot, La Chanson populaire bretonne : reflet de l'évolution culturelle, Paris, Jean Grassin, , 194 p. (ISBN 2-7055-1092-3), « Alan Stivell et le folksong « armoricain » », p. 147-164
  • Anny Maurussane et Gérard Simon, Alan Stivell ou l'itinéraire d'un harper hero, Culture et Celtie, , 272 p. (ISBN 2-9526891-0-5)
  • Ouest-France, Hors série Cultures bretonnes 2012, Ouest-France, , 64 p. Stivell le visionnaire et une interview de l'artiste.
  • Goulven Péron, « Les Cochevelou et la renaissance de la musique celtique », Kaier ar Poher (Cahier du Poher), no 29,‎ , p. 60-65 (lire en ligne)
  • Valérie Rouvière, « Alan Stivell ou la naissance du folk celtique », dans Le mouvement folk en France (1964-1981), FAMDT, document de travail dans le cadre d’une maîtrise d'Histoire culturelle contemporaine, (lire en ligne)
  • Jacques Vassal, La chanson bretonne, Albin Michel, coll. « Rock & Folk », , 190 p. (ISBN 2226009744)

Articles connexes

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