Vol Comair 5191
Vol Comair 5191 | |||
Un Bombardier CRJ-100ER de Comair, similaire à celui impliqué dans l'accident. | |||
Caractéristiques de l'accident | |||
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Date | |||
Type | Sortie de piste, décollage de la mauvaise piste | ||
Causes | Erreur de pilotage | ||
Site | Aéroport de Blue Grass (en), Lexington, Kentucky, États-Unis | ||
Coordonnées | 38° 02′ 16″ nord, 84° 36′ 55″ ouest | ||
Caractéristiques de l'appareil | |||
Type d'appareil | Bombardier CRJ-100ER | ||
Compagnie | Comair | ||
No d'identification | N431CA | ||
Lieu d'origine | Aéroport de Blue Grass, Lexington, Kentucky, États-Unis | ||
Lieu de destination | Aéroport international Hartsfield-Jackson d'Atlanta, Géorgie, États-Unis | ||
Phase | Décollage | ||
Passagers | 47 | ||
Équipage | 3 | ||
Morts | 49 | ||
Blessés | 1 (grave) | ||
Survivants | 1 | ||
Géolocalisation sur la carte : États-Unis
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Le matin du , le Bombardier Canadair Regional Jet 100ER effectuant le vol Comair 5191 pour le compte de Delta Connection, et reliant Lexington dans le Kentucky à Atlanta en Géorgie, s'écrase alors qu'il tente de décoller de l'aéroport de Blue Grass (en), dans le comté de Fayette dans le Kentucky.
L'avion s'était vu attribuer la piste 22 de l'aéroport pour le décollage, mais les pilotes ont utilisé, par erreur, la piste 26. Cette piste était trop courte pour permettre un décollage en toute sécurité et l'avion a dépassé l'extrémité de la piste avant de pouvoir décoller. Il s'est écrasé juste après la fin de la piste, tuant les 47 passagers et deux des trois membres d'équipage. Le copilote du vol a été l'unique survivant.
Dans le rapport final du conseil national de la sécurité des transports américain (NTSB), les enquêteurs ont conclu que la cause probable de l'accident était une erreur de pilotage, notamment dû à l'échec des pilotes « à recouper et à vérifier que l'avion était sur la bonne piste avant le décollage ».
Avion et équipage
L'avion du vol Comair 5191 — vol commercialisé sous le nom (DL5191) de Delta Connection —, immatriculé N431CA[1], appartient à Comair et est affrété à cette occasion par Delta Air Lines[NTSB 1]. Il s'agit d'un biréacteur régional Bombardier Canadair CRJ-100ER de 50 places[2] de numéro de série 7472[3]. Fabriqué au Canada et livré neuf à la compagnie aérienne le [NTSB 2], l'avion cumule 14 536 heures de vol au moment de l'accident[NTSB 2].
Composé de 3 membres d'équipage , le vol transporte 47 passagers[NTSB 3],[4],[5]. Âgé de 35 ans, Jeffrey Clay, le commandant de bord, a 4 710 heures de vol à son actif, dont 3 082 heures sur CRJ-100[NTSB 4]. Expérimenté, son copilote, James Polehinke, 44 ans, a auparavant travaillé en tant que commandant de bord pour Gulfstream International. Il compte 6 564 heures de vol à son actif, dont 940 heures en tant que commandant de bord et 3 564 heures sur CRJ-100[NTSB 5].
Accident
L'enregistreur des sons du poste du pilotage (CVR) commence à enregistrer vers 5 h 36 (heure avancée de l'Est)[NTSB 6], au moment où les pilotes réalisent les procédures standard pour la mise en route de l'avion et récoltent les informations de vol avant le départ[NTSB 6]. À 5 h 48, les pilotes prennent connaissance de l'information ATIS de l'aéroport portant notamment sur les conditions météorologiques et sur la piste en service[NTSB 7] : cette dernière est la piste 22, soit celle utilisée pour les vols commerciaux[NTSB 8].
Vers 5 h 56 min 34 s, les pilotes entament leur briefing pour le décollage[NTSB 8] au cours duquel le copilote demande : « Il a dit quelle piste… deux quatre ? » ; le commandant répond alors : « C'est deux deux »[NTSB 9]. Le copilote poursuit le briefing de décollage, au cours duquel les pilotes mentionnent trois références supplémentaires à la piste 22[NTSB 8].
Le copilote déclare ensuite que les feux d’identification de fin de piste sont éteints, puis commente : « Je suis arrivé ici l’autre soir, c’était comme si… les feux étaient éteints partout »[NTSB 9],[N 1]. Le copilote déclare également : « Sortons-le et … prenons … (la [voie de circulation]) Alpha. Deux deux, c'est un court taxi »[NTSB 11]. Vers 5 h 57 min 40 s, le commandant de bord déclare le briefing de décollage terminé[NTSB 8].
À 6 h 2 min 1 s, le copilote informe le contrôleur que l'avion est prêt à rouler[NTSB 12]. En réponse, le contrôleur demande à l'équipage de rouler jusqu'à la piste 22[NTSB 13]. Cette instruction autorise l'avion à traverser la piste 26 (les deux pistes se croisant) mais sans s'arrêter[NTSB 13]. Le copilote répond : « On roule deux deux »[NTSB 12]. Les données de l'enregistreur de données de vol (FDR) montrent que le commandant de bord commence le roulage à 6 h 2 min 17 s[NTSB 13].
Entre 6 h 03 min 16 s et 6 h 03 min 56 s, les pilotes entament une conversation qui n'est pas liée à l'exploitation du vol[NTSB 14],[6]. À 6 h 04 min 01 s, le copilote commence la check-list d'avant décollage et indique de nouveau que le vol se ferait au départ de la piste 22[NTSB 13]. À ce moment, le commandant remet les commandes au copilote Polehinke pour le décollage[NTSB 8].
Finalement, l'avion utilise la piste 26 pour décoller alors qu'il s'était vu attribuer la piste 22 : c'est ce qui constitue la source de l'accident[7],[8],[9]. En effet, l'analyse de l'enregistreur phonique (CVR) confirme que l'avion avait reçu comme instruction de décoller de la piste 22. Malgré cela, après avoir confirmé se rendre sur la « piste deux-deux », le commandant Clay emprunte la piste 26. Or si la piste 22, utilisée par la plupart des compagnies aériennes à Lexington, mesure 7 003 pieds (2 135 mètres) de longueur, la piste 26 n'est qu'une piste secondaire de seulement 3 500 pieds (1 100 mètres) de long — non éclairée de surcroît[NTSB 8]. De plus, le contrôleur aérien, qui n'est alors pas tenu de maintenir un contact visuel avec l'avion après l'avoir autorisé à décoller, se tourne pour effectuer des tâches administratives et ne voit pas l'avion rouler en direction de la mauvaise piste[NTSB 15],[10].
Sur la base d'une masse au décollage estimée à 49 087 livres (22 265 kg)[11], le constructeur a calculé qu'une vitesse de 138 nœuds (256 km/h) et une distance de 3 744 pieds (1 141 mètres) auraient été nécessaires pour la rotation, avec encore un plus de piste nécessaire pour réaliser le décollage[12],[13].
À une vitesse approchant les 100 nœuds (190 km/h), le copilote fait remarquer : « C'est bizarre sans feux »[N 2] en référence au manque d'éclairage sur la piste[NTSB 16],[14]. « Ouais », confirme le commandant, mais l'enregistreur de données de vol (FDR) ne donne aucune indication quant à savoir si l'un ou l'autre a tenté d'interrompre le décollage alors que l'appareil accélérait à 137 nœuds (254 km/h).
Le commandant demande la rotation, mais l'avion accélère jusqu'au bout de la piste car il n'avait pas atteint la vitesse suffisante pour pouvoir décoller[15],[16]. Il heurte ensuite un mur bas en terre, se maintient en l'air pendant quelques instants[NTSB 16], coupe la clôture du périmètre de l'aéroport avec son train d'atterrissage et s'écrase dans des arbres, séparant le fuselage et le poste de pilotage de la queue[14]. L'avion percute des arbres et le sol à environ 900 pieds (275 mètres) de l'extrémité de la piste vers 6 h 06 min 36 s[11]. 49 des 50 personnes à bord périssent dans l'accident[17],[18] ; la plupart d'entre eux meurent instantanément lors de l'impact initial[19]. L'incendie qui s'ensuit détruit l'avion[NTSB 3],[20],[21].
Victimes et survivant
Les 47 passagers et deux des trois membres d'équipage à bord du vol meurent dans l'accident[22],[23],[24]. Comair a rendu public le manifeste des passagers deux jours après l'accident, le [25]. La plupart des passagers étaient des citoyens américains de la région de Lexington, âgés de 16 à 72 ans. Un service commémoratif pour les victimes a lieu le au Lexington Opera House[26],[27].
Une Commission commémorative est créée peu de temps après l'accident afin d'ériger un mémorial pour les victimes, les premiers intervenants et la communauté qui les a soutenus[28]. La Commission a choisi l'arboretum de l'Université du Kentucky comme site commémoratif[29],[30].
James Polehinke, le copilote, est le seul survivant. Grièvement blessé, il souffre de multiples fractures, un pneumothorax et d'importantes hémoragies[31]. Opéré, il subit l'amputation de sa jambe gauche, et se déplace dès lors en fauteuil roulant[32],[33],[34]. Plus tard, les médecins détermineront qu'ayant subi des lésions cérébrales, Polehinke n'avait aucun souvenir de l'accident ou des événements qui y ont conduit[35].
Les successions ou familles de 21 des 47 passagers ont intenté une action en justice contre James Polehinke. En réaction, l'avocat de celui-ci, William E. Johnson, a évoqué la possibilité d'une « négligence contributive » de la part des passagers[N 3],[37] : Johnson affirme ainsi qu'ils « auraient dû être conscients des conditions dangereuses qui existaient en ce sens qu'il y avait eu une couverture médiatique considérable sur la nécessité d'améliorer les conditions de piste à l'aéroport »[N 4]. Néanmoins, William Johnson a présenté cet argument sans en avoir parlé à James Polehinke et l'a ensuite rapidement retiré[36].
L'accident du vol Comair 5191 est l'accident aérien le plus grave survenu aux États-Unis depuis celui du vol American Airlines 587, le [38].
Enquête
L'enregistrement du CVR montre que les pilotes ont fait référence à la piste 22 comme piste de départ plusieurs fois avant le décollage, et les données du FDR indiquent que le cap sélectionné sur le pilote automatique de l'avion était réglé à 227°, ce qui correspondait au cap magnétique de la piste 22[NTSB 17]. Par conséquent, lors de son enquête, le NTSB « conclut que le commandant de bord et le copilote croyaient que l'avion était sur la piste 22 lorsqu'ils ont roulé sur la piste 26 et ont entamé le décollage »[NTSB 17],[39].
À 6 h 06 min 31 s, le commandant de bord a appelé : « V1, Rotation »[N 5], suivi immédiatement par l'exclamation « whoa »[NTSB 18],[40]. Ainsi, lorsque le commandant a demandé la rotation au copilote, l'avion se trouvait à 236 pieds (71 mètres) de la fin de la piste et à une vitesse de 131 nœuds, soit 11 nœuds de moins que la vitesse de rotation prévue par les pilotes avant le décollage, qui était de 142 nœuds[NTSB 17]. Le NTSB en conclut que « l'annonce en avance de la vitesse de rotation (Vr) du commandant et l'exclamation « whoa » qui a suivi ont indiqué qu'il avait reconnu que quelque chose n'allait pas avec le décollage[NTSB 17]. »[14].
Les données du FDR montrent qu'en réponse, le copilote a tiré sur son manche pour essayer de lever l'avion[NTSB 17]. De la même manière, le NTSB conclut que « cette réaction [...] a montré que le copilote a également reconnu que quelque chose n'allait pas lors du décollage », mais l'avion avait déjà largement dépassé le point auquel il pouvait encore s'arrêter en toute sécurité sur la piste[NTSB 17],[14].
L'enquête se concentre alors sur les erreurs des pilotes qui les ont conduits à se tromper de piste. Sur ce sujet, le NTSB déclare que : « comme les deux pilotes étaient expérimentés, ils auraient dû être au courant des caractéristiques géographiques de base de l'aéroport et des normes de signalisation et de marquage de surface [...]. Plusieurs signaux et caractéristiques externes étaient à la disposition des pilotes pour soutenir leur navigation vers la piste 22, et aucune preuve n'indique que leur vue depuis le pare-brise était obstruée. Les observations d'un avion CRJ-100 après l'accident ont démontré que, dans des conditions nocturnes, des panneaux de localisation de voie de circulation étaient visibles pendant tout le roulage, un panneau de point d'attente de la piste 26 était visible, et les numéros de piste 26 étaient également visibles. De plus, des éléments de preuve ont indiqué qu'au moment de l'accident, les panneaux identifiant les éléments critiques le long de l'itinéraire de roulage (notamment le panneau de point d'attente de la piste 26 et celui de la piste 22) étaient illuminés et auraient été visibles pour les deux pilotes[NTSB 19]. ». Finalement, le NTSB conclut que « des indications adéquates existaient à la surface de l'aéroport et que les ressources disponibles étaient présentes dans le cockpit pour permettre aux pilotes de naviguer avec succès de la rampe jusqu'au au seuil de la piste 22[NTSB 20]. »
De plus, le NTSB émet une critique à propos de la conversation personnelle entre les pilotes d'une durée de 40 secondes lors du roulage de l'avion vers la piste. Dans son rapport, le NTSB déclare que : « la conversation non pertinente des membres d'équipage du cockpit pendant le roulage, qui n'était pas conforme aux règlements fédéraux et à la politique de la compagnie, a probablement contribué à la perte de conscience de leur position[NTSB 21]. »
Enfin, les enquêteurs ne peuvent déterminer avec précision pourquoi les deux pilotes, pourtant expérimentés, se sont trompés de piste et ont réalisé leur erreur quelques secondes seulement avant l'accident. Dans son rapport final, le NTSB indique : « Compte tenu des nombreux signaux dont disposait l'équipage du cockpit et de la simplicité de la tâche de navigation, le NTSB n'a pas pu déterminer pourquoi les pilotes ont arrêté l'avion sur le mauvais point d'attente et ont ensuite tenté de décoller à partir de la mauvaise piste. Cependant, comme indiqué précédemment, le NTSB estime que ces événements se sont produits parce que les pilotes n'ont pas utilisé les signaux disponibles sur la surface de l'aéroport pendant le roulage et n'ont pas recoupé et confirmé la position de l'avion sur la piste avant le départ. De plus, les pilotes ont engagé une conversation non pertinente au cours d'une phase critique du vol (le roulage), ce qui leur a fait perdre la conscience de leur position. Aussi, avant le départ, le copilote a informé du non-fonctionnement des feux d'identification de fin de piste et il a raconté que certains feux étaient éteints lors de son arrivée sur l'aéroport lors de son vol précédent, et les pilotes ont très probablement lu le NOTAM qui indiquait que les feux d'axe de la piste 22 étaient hors-service[NTSB 22]. ». Il en ressort donc que tous ces éléments ont créé un biais de confirmation, laissant croire aux pilotes qu'ils étaient effectivement sur la bonne piste pour le décollage[NTSB 23],[41],[42].
Lors d'une réunion publique le , le conseil national de la sécurité des transports américain (NTSB) a annoncé la cause probable de l'accident[43], comme suit :
« Le NTSB détermine que la cause probable de cet accident est le fait que les membres d'équipage du cockpit n'ont pas utilisé les signaux et les aides disponibles pour identifier l'emplacement de l'avion sur la surface de l'aéroport pendant le roulage et leur échec à recouper et à vérifier que l'avion était sur la bonne piste avant le décollage. Les conversations non pertinentes de l'équipage pendant le roulage ont contribué à l'accident, ce qui a entraîné une perte de connaissance de la position, ainsi que l'échec de la FAA d'exiger que tous les croisements entre pistes ne soient autorisés que par des clairances spécifiques du contrôle de la circulation aérienne[NTSB 24]. »
Les enquêteurs du NTSB en concluent que les causes probables de l'accident est la non prise en compte involontaire par les deux pilotes des éléments les informant de leur erreur de piste[44],[45],[46], la non confirmation de leur position sur la piste et leurs échanges en violation des règles du cockpit stérile[6],[47],[48]. À la suite de ce rapport, Comair a accepté la responsabilité de l'accident. Néanmoins, elle met dans le même temps en cause l'aéroport, pour une signalisation de piste qu'elle juge déficiente[49], ainsi que la FAA[50] en raison de la présence d'un seul contrôleur aérien en service ce soir là, contrevenant ainsi à une note de service exigeant la présence de deux contrôleurs la nuit[51]. Cependant, un juge a déclaré que, puisqu'il appartenait au gouvernement du comté de Fayette dans le Kentucky, l'aéroport jouissait d'une immunité souveraine (en) et ne pouvait pas être poursuivi par Comair[51],[N 6].
La conclusion du rapport final n'évoque pas le défaut de suivi du contrôleur aérien comme facteur contributif à l'accident[45]. Néanmoins, le NTSB indique que « le contrôleur n'a pas détecté la tentative des pilotes de décoller sur la mauvaise piste car, au lieu de surveiller le départ de l'avion, il a effectué une tâche administrative de moindre priorité qui aurait pu attendre jusqu'à ce qu'il transfère la responsabilité de l'avion au prochain contrôleur[NTSB 25]. ». De plus, dans son témoignage après l'accident, le contrôleur aérien en service reconnaît n'avoir alors dormi que 2 heures et 24 minutes avant l'accident et avoir été éveillé depuis plus de 12 heures[NTSB 25],[12]. Cependant, à l'aide des enregistrements de la tour, le NTSB a déclaré que ses communications avec les pilotes étaient « rapides et professionnelles » et que « le contrôleur était très probablement fatigué au moment de l'accident, mais la mesure dans laquelle la fatigue a affecté sa décision de ne pas surveiller le départ de l'avion n'a pas pu être déterminée en partie parce que ses pratiques de routine n'incluaient pas systématiquement la surveillance des décollages. Le NTSB conclut en outre que les politiques et procédures opérationnelles de la FAA au moment de l'accident étaient déficientes car elles ne favorisaient pas une surveillance optimale par le contrôleur des opérations des avions sur la surface de l'aéroport[NTSB 26]. »
L'épouse du commandant Clay a contesté le fait d'avoir imputé la cause principale de l'enquête uniquement sur les pilotes, affirmant que d'autres facteurs ont contribué, « notamment une tour de contrôle insuffisamment dotée en personnel et une carte de piste inexacte »[52],[53]. Elle a notamment déclaré : « Ce cockpit était de sa responsabilité et il le dirait. Mais mon dieu, c'est un système d'aviation. Un système par définition implique qu'il y a différentes personnes le long de cette ligne qui sont responsables de faire voler cet avion dans les airs et de le faire redescendre en toute sécurité[52]. »
Conséquences
À la suite de l'accident, le NTSB a émis 25 recommandations de sécurité dans son rapport final[NTSB 27],[54].
Au cours de son enquête, la Federal Aviation Administration (FAA) a découvert que les procédures internes exigeant deux contrôleurs pendant le quart de nuit n'étaient pas respectées puisque seul un contrôleur travaillait dans la tour de l'aéroport de Blue Grass ce soir-là[N 7]. Or au moment de l'accident, l'unique contrôleur de la tour effectuait à la fois des tâches de la tour et de radar. Le , la FAA annonce donc que Lexington, ainsi que d'autres aéroports ayant des niveaux de trafic similaires, disposeraient de deux contrôleurs dans leur tours 24 heures sur 24, avec effet immédiat[56],[57].
De son côté, Comair découvre après l'accident que ses pilotes utilisaient une carte d'aéroport inexacte : en effet, celle-ci n'indiquait pas les modifications apportées à l'aménagement de l'aéroport pendant les travaux de construction en cours[N 1]. Néanmoins, le NTSB considère que cela n'avait pas contribué à l'accident[NTSB 28]. Les travaux ont été interrompus sur ordre de la juge Pamela Goodwine afin de permettre le travail des experts en sécurité et des avocats des familles des victimes[58].
En , appliquant une autre recommandation du NTSB, la FAA demande aux pilotes de confirmer leur position avant de franchir le point d'attente de la piste de décollage, et une nouvelle fois lors du lancement du décollage[NTSB 29],[59]. En , sur une autre recommandation du NTSB, la FAA demande à ce que la formation des pilotes inclut des informations sur les exigences d'éclairage de piste pour le décollage de nuit[NTSB 30],[60], ainsi qu'une amélioration des check-list avant décollage[61].
Le NTSB a publié plusieurs rapports, notamment des transcriptions du CVR et un rapport d'ingénierie[62]. En , il formule quatre autres recommandations : trois d'entre-elles modifient les conditions de travail des contrôleurs aériens afin d'éviter que la fatigue n'affecte les performances[63] et la dernière leur interdit d'effectuer des tâches administratives non essentielles pendant que les avions roulent sous leur contrôle[64]. Néanmoins, le conseil n'ayant pas été en mesure de déterminer si la fatigue avait contribué à l'accident de Comair 5191, ces recommandations ne découlent pas seulement de ce dernier et l'ont été en partie par quatre accidents antérieurs[NTSB 31].
En , un instructeur de vol de Comair déclare que les deux pilotes ont commis des erreurs pour avoir enfreint les règles du cockpit stérile[65] : de fait, le même mois, le NTSB confirme que cette « conversation non pertinente » constitue un facteur contributif à l'accident[NTSB 24].
En , le juge de district des États-Unis, Karl Forester (en), rend un jugement favorable à Delta : cette dernière ne serait pas tenue responsable du crash, car sa filiale, Comair, est autonome dans sa gestion financière et humaine et sa gouvernance[66],[67]. En décembre de l'année suivante, le juge Forester reçoit une requête d'une famille de passagers en vue d'un « jugement sommaire partiel » selon lequel l'équipage du cockpit de Comair aurait fait preuve d'une négligence à l'origine de l'accident[68],[69]. Ainsi les familles de 45 des 47 passagers ont poursuivi Comair pour négligence. De leur côté, les familles des deux autres victimes ont trouvé un arrangement avec la compagnie aérienne[70]. Trois cas devaient être entendus le , mais le procès a été annulé après un accord conclu entre la compagnie et la majorité des familles[71].
Les actions intentées par Comair contre l'administration aéroportuaire et la FAA dans le but de les faire participer aux paiements d'indemnisation ont été résolues ainsi : son action judiciaire à l'encontre l'administration aéroportuaire a été rejetée pour des motifs d'immunité souveraine[51], et cette décision a été confirmée par la Cour suprême du Kentucky le [72] ; dans le cas de Comair contre les États-Unis, un accord a été conclu avec les États-Unis qui acceptent de payer 22 % de la responsabilité pour l'accident, tandis que Comair paie les 78 % restants[73].
Toutes les familles des passagers sauf une ont vu leur dossier réglé. Après un procès devant jury de quatre jours à Lexington qui s'est terminé le , la succession et les filles de Bryan Woodward, 39 ans, ont reçu des dommages-intérêts compensatoires d'un montant de 7,1 millions de dollars[74],[75]. Bien que Comair ait contesté ce verdict comme étant excessif, le , le juge Forester a rejeté les objections de Comair et a confirmé le verdict[69].
L'affaire Woodward, officiellement connue sous le nom de Hebert v. Comair, fait l'objet d'un procès devant jury avec dommages-intérêts punitifs le [76]. En outre, le jury devait décider si Comair était coupable d'une négligence grave qui aurait été un facteur important à l'origine de l'accident. Il établirait alors le montant des dommages-intérêts punitifs[69]. Néanmoins, un tel procès n'a pas eu lieu car le juge a décidé que la compagnie ne pouvait être punie pour la « conduite répréhensible » de ses pilotes[77].
Enfin, concernant la structure aéroportuaire de l'aéroport de Blue Grass, la piste 8/26 a été fermée en et la nouvelle piste de 4 000 pieds (1 200 mètres), la piste 9/27, a été ouverte le [78]. Cette piste a été construite sur un emplacement distinct et non connecté à la piste 22[79],[80],[81],[82].
Fondée en , la compagnie aérienne Comair, devenue une filiale à 100 % de Delta Air Lines en , a cessé toutes ses activités après 35 années de service, le [83],[84].
Incidents similaires
- En , un avion commercial à l'aéroport de Blue Grass a été autorisé à décoller sur la piste 22, mais s'est positionné par erreur la piste 26. Le personnel de la tour a remarqué l'erreur et a annulé l'autorisation de décollage de l'avion juste au moment où l'équipage a réalisé son erreur. L'avion a ensuite décollé en toute sécurité sur la piste 22[85].
- En , un Learjet a été autorisé à décoller à l'aéroport de Blue Grass sur la piste 22, mais s'est trompé et les pilotes sont entrés sur la piste 26. L'autorisation de décollage a été immédiatement annulée par le contrôleur dès lors que l'avion se positionnait sur la mauvaise piste[86],[NTSB 32].
Notes et références
Notes
- Les feux d'axe central et les feux d'identification de fin de piste de la piste 22 étaient hors-service au moment de l'accident en raison d'un projet de construction datant de plusieurs années. Des voies de circulation (taxiways) avaient été supprimées, alors qu'une autre s'apprêtait à voir le jour et d'autres travaux sur les pistes avaient été effectués ou étaient en cours[NTSB 10].
- La piste 26 était utilisée uniquement pour l'aviation générale en règle de vol à vue (VFR), de jour et par bonne visibilité. La piste était équipée de lumières qui indiquaient son contour et son bord, mais elles avaient été déconnectés en 2001 lorsque la piste avait été désigné pour être uniquement utilisée par des vols VFR[NTSB 10].
- « Contributory negligence ». Il s'agit d'un argument juridique selon lequel « l'autre partie est également en faute et a contribué à ses blessures »[36].
- « the passengers killed in the Aug. 27, 2006, crash should have known that Blue Grass Airport was dangerous because of considerable media coverage of a massive runway construction project there. » cité dans[36].
- « V1 » est la vitesse de décision au décollage. En dessous de cette vitesse, le pilote peut encore interrompre le décollage. Au-delà, même en cas de panne, le décollage doit être poursuivi car l'avion n'aura plus une longueur de piste suffisante pour s'arrêter en toute sécurité. Cette vitesse est calculée avant chaque vol en fonction de plusieurs paramètres dont notamment la masse de l'avion, la longueur de la piste, la météo, etc...
La « rotation » est la vitesse à laquelle le pilote commence à actionner les commandes de vol afin d'augmenter l'assiette de l'avion et d'initier le décollage. - « La constitution du Kentucky protège les comtés contre toute poursuite sans dérogation de l'Assemblée générale, et cette mesure n'a pas été prise dans l'affaire Comair[51]. »
- De fait, un mémorandum du exigeait deux contrôleurs pendant le quart de nuit : un dans la tour qui s'occupait des fréquences sol, tour et des clairances, et un autre, soit dans la tour ou à distance dans un centre de contrôle régional, fonctionnant avec un radar d'approche[55].
Références
Rapport final, Conseil national de la sécurité des transports, 2007
- NTSB 2007, p. 36.
- NTSB 2007, p. 14.
- NTSB 2007, p. 7.
- NTSB 2007, p. 8-10.
- NTSB 2007, p. 11-13.
- NTSB 2007, p. 1.
- NTSB 2007, p. 1-2.
- NTSB 2007, p. 2.
- NTSB 2007, p. 140.
- NTSB 2007, p. 16-17.
- NTSB 2007, p. 141.
- NTSB 2007, p. 150.
- NTSB 2007, p. 3.
- NTSB 2007, p. 3, 59.
- NTSB 2007, p. 22, 77.
- NTSB 2007, p. 4.
- NTSB 2007, p. 60.
- NTSB 2007, p. 157.
- NTSB 2007, p. 62.
- NTSB 2007, p. 63.
- NTSB 2007, p. 65.
- NTSB 2007, p. 75.
- NTSB 2007, p. 66.
- NTSB 2007, p. 105.
- NTSB 2007, p. 83.
- NTSB 2007, p. 84.
- NTSB 2007, p. 106.
- NTSB 2007, p. 99-100.
- NTSB 2007, p. 91.
- NTSB 2007, p. 92.
- NTSB 2007, p. 71.
- NTSB 2007, p. 28.
Autres sources
- (en) JetPhotos, « Photo of N431CA - Bombardier CRJ-100ER - Delta Connection (Comair) », sur www.jetphotos.com, (consulté le ).
- « Le crash d'un avion américain fait 50 victimes », sur www.lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le ).
- (en) Federal Aviation Administration, « FAA Registry - Aircraft - N-Number Inquiry - 2 of 4 » [« Registre FAA - Aéronefs - Demande de numéro - 2 sur 4 »], sur registry.faa.gov (consulté le ).
- (en) Delta News Hub, « Comair provides updated information regarding Flight 5191 » [« Comair fournit des informations à jour sur le vol 5191 »], sur news.delta.com, (consulté le ).
- (en) CityNews Toronto, « Commuter Plane With Canadians On Board Crashes In Kentucky » [« Un avion régional avec des Canadiens à bord s'écrase dans le Kentucky »], sur toronto.citynews.ca, (consulté le ).
- (en) Associated Press, « Comair: Pilots Violated Conversation Rule » [« Comair : les pilotes ont enfreint la règle du cockpit stérile »], sur www.cbsnews.com, CBS News, (consulté le ).
- (en) Associated Press, « NTSB: Comair Flight Took Off From Wrong Runway » [« NTSB : le vol de Comair a décollé d'une mauvaise piste »], sur www.wsfa.com, (consulté le ).
- Le Figaro, AFP, Reuters, CNN et AP, « Accident du Kentucky : la piste de décollage trop courte? », sur www.lefigaro.fr, (consulté le ).
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Voir aussi
Articles connexes
- Accidents similaires
Liens externes
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Vidéos
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Lectures complémentaires
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