Tornade
Une tornade (de l'espagnol tornado, dérivé du verbe tornar, tourner) est un vortex (tourbillon) de vents extrêmement violents, prenant naissance à la base d'un nuage d'orage (cumulonimbus) lorsque les conditions de cisaillement des vents sont favorables dans la basse atmosphère. De très faibles tornades peuvent également se développer sous des nuages d'averses (cumulus bourgeonnant).
Ce phénomène météorologique a un pouvoir destructeur supérieur à celui d'un cyclone tropical au mètre carré, mais est de durée et d'étendue limitées : il concerne un corridor de quelques centaines de mètres de large sur quelques kilomètres de long. Les tornades engendrent les vents les plus forts signalés à la surface du globe, tuant chaque année de 300 à 400 personnes (selon une estimation de l'Organisation météorologique mondiale), dont 150 aux États-Unis[1].
Description du phénomène
Une tornade se développe près du courant ascendant d'orages se trouvant dans un environnement où les vents dans les premiers kilomètres de l'atmosphère changent non seulement de force, mais également de direction avec l'altitude.
Les orages supercellulaires sont le plus souvent associés avec des tornades en raison de la configuration particulièrement bien cisaillée des vents autour de ces derniers. Cependant, les vents descendants de lignes de grains ou les fronts de rafales entre les cellules d'orages multicellulaires peuvent aussi interagir pour en générer. Les cyclones tropicaux, où l'on retrouve des orages, sont également accompagnés de tornades. Il arrive même parfois que de faibles tornades se développent dans le courant ascendant d'un cumulus bourgeonnant.
On parle de tornade si l'air en rotation entre en contact avec la terre ferme, tandis que s'il entre en contact avec de l'eau, on parle de trombe marine. Lorsque l'on observe des trombes marines se former en l'absence de nuages de convection, il s'agit d'un phénomène similaire à un tourbillon de poussière sur la terre ferme.
La vitesse de déplacement d'une tornade qui touche le sol est très variable mais peut atteindre occasionnellement 100 kilomètres à l’heure. L’entonnoir se déplace de façon sinueuse, généralement du sud-ouest vers le nord-est (hémisphère nord), mais peut changer de direction de façon soudaine.
Pression atmosphérique
La pression dans le cœur peut être inférieure de 10% à celle de l'atmosphère environnante (à peu près la même différence qu'entre la pression au niveau de la mer et à une altitude de 1 000 mètres).
Sens de rotation
Au sein même de la tornade, la balance des forces s'effectue entre la pression atmosphérique et la force centrifuge. En effet, le diamètre et la durée de formation d'une tornade sont de plusieurs ordres de grandeur inférieurs à ceux nécessaires pour que la force de Coriolis ait le temps de s'exercer.
Malgré cela, les vents dans une tornade sont presque toujours cycloniques dans l'hémisphère nord. En effet, leur vortex provient de la concentration d'une rotation des vents de large échelle (synoptique) qui eux sont soumis à cette force. Toutefois, une minorité significative de tornades tournent en sens contraire.
Vortex
Le vortex a généralement (mais pas toujours) la forme d'un nuage en entonnoir (le tuba) qui s'étend parfois jusqu'à terre. Ce tuba ne se forme que si la chute de pression dans le cœur dépasse une valeur critique, qui est fonction de la température et de l'humidité relative de l'air entrant.
Quand l'air pénètre dans la zone de basse pression, il se dilate et se refroidit. S'il se refroidit suffisamment, la vapeur d'eau qu'il contient se condense en gouttelettes. Plus l'air entrant est chaud et sec, plus la chute de pression doit être grande pour que la condensation puisse avoir lieu et que le tuba se forme. Parfois le tuba de condensation ne se constitue pas et l'on ne devine la présence de la tornade que par la poussière et les débris qu'elle emporte.
Le tuba mesure de quelques dizaines de mètres à plusieurs kilomètres de long et, au point de contact avec le nuage générateur, son diamètre est compris entre quelques mètres et quelques centaines de mètres. Généralement il a une forme conique, mais les tornades très fortes engendrent des colonnes cylindriques courtes et larges. On distingue aussi, assez souvent, de longs tubes qui ressemblent à des cordes et qui serpentent horizontalement.
Au cours de la brève existence d'une tornade (jamais plus de quelques heures), la taille et la forme du tuba peuvent beaucoup changer et refléter les variations d'intensité des vents ou des propriétés de l'air entrant. La couleur du tuba varie du blanc sale au gris et même au gris bleu foncé lorsqu'il est constitué principalement de gouttelettes d'eau ; quand le cœur se remplit de poussière, le tuba prend une teinte originale, comme par exemple la couleur rouge de l'argile de certaines régions. Les tornades peuvent aussi être bruyantes, tel un rugissement parfois. Ce rugissement résulte de l'interaction des vents violents avec le sol.
Distribution mondiale
On remarque la très grande relation entre les zones agricoles et l'occurrence de tornades. Etant donné que l'humidité est un facteur important de développement des orages violents qui causent les tornades, on peut comprendre cette relation.
Les tornades se produisent partout où les conditions sont favorables. Les zones rurales comme les villes peuvent subir ce phénomène. La plus grande densité nationale est, de manière surprenante, au Royaume-Uni[2] avec une par 6 000 . Ceci ne représente cependant qu'une trentaine de tornades chaque année. Ces dernières sont, de plus, de faible intensité.
Les États-Unis d'Amérique[3] subissent le plus grand nombre de tornades et elles ont tendance à y avoir une très forte intensité. 800 à 1000 tornades sont observées chaque année dans ce pays et une vingtaine atteignent le degré F4 ou F5[1] [4].
La plus grande densité de tornades au monde se trouve en Floride bien que celles-ci sont généralement de faible à moyenne intensité. Cependant, la zone la plus active est la région du bassin du fleuve Mississippi et des Grandes Plaines où les tornades y sont en général très puissantes. Les États du Texas, de l'Oklahoma, du Kansas et du Nebraska ont d'ailleurs acquis le surnom de "Tornado Alley" avec un tiers des tornades du pays[4].
Cette zone est particulièrement exposée parce que l'air chaud et humide du Golfe du Mexique, près du sol, y rencontre de l'air sec et frais en altitude venant des montagnes Rocheuses et du Canada. Le tout donne naissance (voir Explication du phénomène, ci-dessous) à des orages violents. Cette zone s'étend en fait jusqu'aux Prairies canadiennes où un nombre important de tornades sont signalées.
Par densité nationale, suivent dans l'ordre:
- Les Pays-Bas
- Le Bangladesh
- L'Inde
- L'Argentine
- L'Italie
- L'Australie
- La Nouvelle-Zélande
- L'Allemagne
- L'Estonie
- Certaines portions de l'Uruguay
Le nombre et la densité des tornades sont cependant biaisés par trois facteurs:
- La densité de population dans une zone très propice à ce phénomène qui rend non seulement la détection plus facile mais également la poursuite des entonnoirs. Par exemple, il y existe de nombreux chasseurs de tornades aux États-Unis mais très peu ailleurs. Autre exemple, 80 à 100 tornades par an sont recensées au Canada mais de larges portions du pays sont peu peuplées et le nombre est probablement plus grand.
- La prévalence des orages violents par rapport à d'autres phénomènes météorologiques dans une région. Les tempêtes de neige, de vents ou les cyclones tropicaux ont beaucoup plus d'impact dans la majeure partie du monde et les tornades peuvent être sous-signalées ou confondues avec une tempête de vent.
- Les communications jouent également un très grand rôle dans le rapport des événements violents et on note que l'Afrique et l'Asie ont par une étrange coïncidence très peu de signalements. Par exemple, le Bangladesh [5] subit des tornades aussi importantes et en aussi grande densité que les États-Unis. De plus, elles provoquent plus de décès chaque année (179 contre 150 aux États-Unis), mais elles sont beaucoup moins médiatisées.
Climatologie
Une tornade peut survenir à tout moment de l’année, mais on les observe le plus souvent à la fin du printemps et en été. Aux États-Unis, les études ont montré que 54 % des tornades ont lieu au printemps et 27 % en été[1]. Ces pourcentages sont reliés à la disponibilité des éléments nécessaires à la formation d'orages violents et varieront selon l'endroit. De manière générale, l'occurrence maximale de tornades se déplace du sud vers le nord avec le réchauffement et l'apport d'humidité (hémisphère nord). Ainsi le plus haut pourcentage sera en mai dans le sud de la Tornado Alley, au début de l'été autour des Grands Lacs et en juillet-août dans le sud du Québec. La même variabilité se retrouve dans le reste du monde.
Dégâts
Selon un mythe, ce serait la différence de pression entre l'extérieur d'une maison et son intérieur qui causerait sa destruction par implosion et on devrait ouvrir les fenêtres en cas de tornade à proximité. En réalité, le vent du tourbillon brise la vitre, entre dans la maison, soulève le toit par effet de pression et les murs devenus sans support s'effondrent. Ouvrir les fenêtres est donc inutile. En vérité, les dégâts dans les tornades sont dûs aux facteurs suivants.
- La pression des vents à laquelle l'obstacle rencontré résiste jusqu'à son point de cassure.
- L'effet de Bernoulli autour des obstacles qui donne une différence de pression entre le côté face au vent et celui sous le vent par différence de vitesse d'écoulement. Cette différence de pression aide à soulever les objets comme l'air passant autour d'une aile d'avion donne la portance :
- Un véhicule est projeté.
- La toiture d'un bâtiment est soulevée comme une voile et retombe à côté de ses supports, ce qui cause un effondrement de la structure.
- Les projectiles engendrés qui retombent et causent des dommages secondaires.
L’échelle de Fujita mesure la puissance des tornades. Cette échelle est graduée de F0 (dégâts légers) à F5 (dégâts très importants). Les tornades de force F5 s’accompagnent de vents de plus de 415 kilomètres à l’heure et sont capables d'arracher une maison de sa fondation et de projeter à plusieurs centaines de mètres des véhicules ou d'autres gros objets. Bien que statistiquement les tornades de force F5 ne représentent que moins de 1% des tornades, plus de 50 ont été dénombrées rien qu'aux États-Unis au cours du dernier demi-siècle. Les morts causées par les tornades sont en général dues aux débris des édifices qui s'effondrent ou qui sont projetés vers les victimes. Il est relativement rare que la personne soit projetée elle-même par la tornade.
Modèle:Entête tableau charte 2 ! Catégorie !! Vents (km/h)!! Dommages !! Fréquence |- | F0 || 60 - 120 ||Dégâts légers comme bout de toiture emportée|| 82 % |- | F1 || 120 - 180 ||Dégâts modérés comme toit emporté||11 % |- | F2 || 180 - 250 ||Dégâts importants comme maisons mobiles renversées ou détruites||4 % |- | F3||250 - 330 ||Dégâts considérables comme maisons plus solides détruites||1,8 % |- |F4||330 - 420 ||Dégâts dévastateurs auxquelles les meilleurs bâtiments ne résistent pas|| 0,9 % |- | F5||420 - 510 ||Totale dévastation||0,3 % |- | F6 à F12||510 - mur du son||Dégâts incommensurables ||Jamais rapportés |}
Précautions à prendre en cas de tornades
Aux États-Unis, le Storm Prediction Center est en charge de faire la prévision du potentiel d'orages violents et il émet des veilles météorologiques pour prévenir les régions menacées à se tenir prêtes à réagir. Les bureaux locaux du National Weather Service vont, quant à eux, émettre des alertes météorologiques afin d'avertir les localités de l'arrivée d'orages tornadiques. Les autorités prennent alors les mesures nécessaires comme déclencher des sirènes dans les zones menacées, passer des messages d'alerte à la radio et à la télévision, ouvrir des refuges (voir alerte aux populations). Dans les régions comme le "Tornado Alley", une bonne partie de la population a fait construire des abris souterrains pour cette éventualité puisque les sous-sols sont peu fréquents dans cette région.
Toutes ces mesures ont grandement restreint le nombre de décès aux États-Unis. D'autres pays ont des systèmes plus ou moins développés et le nombre de pertes humaines peut donc varier selon les ressources disponibles.
Selon différents guides de protection[6], il faut prendre les précautions suivantes lorsqu'une tornade est annoncée ou repérée.
- Si l'on est chez soi :
- Si l'on dispose d'un sous-sol, se rendre à cet endroit, et se protéger la tête et la figure. Sinon, se diriger vers la partie centrale et au rez-de-chaussée. Une penderie ou une salle de bain offrent en général un bon abri. Se protéger toujours la tête et la poitrine contre les objets qui peuvent se déplacer dans les airs.
- Si l'on se trouve dans un immeuble construit en hauteur :
- Ne pas utiliser l'ascenseur. Se diriger vers le centre de l'immeuble, vers la cage d'escalier ou vers une salle de bain. Suivre les directives des services de sécurité de l'immeuble ou des autorités.
- Si l'on est dans un véhicule :
- S'arrêter, sortir du véhicule et s'éloigner du couloir de la tornade en se déplaçant perpendiculairement à ce dernier. Se coucher dans une cavité ou un fossé, et se couvrir la tête et la poitrine.
- Ne pas rester dans une maison mobile... sortir et trouver un abri ailleurs (considérer un véhicule comme une maison mobile).
- Ne pas essayer de contourner la tornade à bord de son véhicule ou à pied.
- Ne pas ouvrir les fenêtres. Ne pas rester dans une pièce vaste et ouverte ni dans un endroit où il y a beaucoup de fenêtres.
Explication du phénomène
Anatomie d'un orage violent
Conditions de formation
Trois éléments sont nécessaires à la formation d'une tornade :
- Un cisaillement des vents dans les premiers kilomètres de l'atmosphère
- Un courant ascendant important, causé par la poussée d'Archimède dans une masse d'air instable.
- Une configuration des vents de surface qui puisse servir à concentrer la rotation verticale.
Un quatrième élément est utile mais pas toujours présent:
- Un courant descendant dans la précipitation.
Thermodynamique
Les orages violents se forment dans une masse d'air instable où il y a disponibilité de beaucoup de chaleur et d'humidité à bas niveau et de l'air plus sec et froid en altitude. Une parcelle d'air qu'on soulève diminue de température (T) et de pression (P) avec l'altitude selon la loi des gaz parfaits (). Dans une atmosphère instable, elle atteint un niveau où elle devient plus chaude que l'air environnant: le « niveau de convection libre » (NCL). Elle subit alors la poussée d'Archimède et s'élève librement jusqu'à ce que sa température soit de nouveau en équilibre avec la température environnante. Ce mouvement ascendant, que l'on appelle la convection libre, est un processus libérateur d'énergie, et l'énergie potentielle (Énergie Potentielle de Convection Disponible) emmagasinée dans l'atmosphère instable se transforme en énergie cinétique de déplacement.
Quand la parcelle s'élève, elle se refroidit jusqu'à son point de rosée, à un niveau appelé « niveau de condensation par ascension » (NCA) et la vapeur d'eau qu'elle contient commence à se condenser. Ce niveau peut être atteint avant ou après le NCL. La condensation libère une certaine quantité de chaleur, la chaleur latente, fournie à l'eau au moment de son évaporation. Il en résulte une diminution notable du taux de refroidissement de la masse d'air ascendante, ce qui augmente la poussée d'Archimède en augmentant la différence de température entre la parcelle et l'environnement.
NOTA:
- La base du nuage convectif se situera au NCA alors que son sommet sera au niveau d'équilibre.
- L'énergie disponible est d'autant plus forte que le contraste entre les valeurs de température et d'humidité de surface et celles d'altitude est grand: il est par conséquent probable que le nombre d'orages violents augmente avec le réchauffement climatique mais pas nécessairement de façon générale. En effet, l'air des tropiques est très chaud et humide mais il n'y a pas d'orages continuels sur ces régions car c'est toute la colonne d'air qui est chaude et humide. L'instabilité n'y est donc pas aussi grande qu'on pourrait le penser. Le réchauffement planétaire pourrait surtout causer une augmentation des orages violents dans les régions nordiques.
Bouchon
Une atmosphère instable comporte souvent une zone d'inversion de température, c'est-à-dire une mince couche d'air où la température augmente avec l'altitude qui inhibe temporairement la convection. Une parcelle d'air s'élevant à travers cette couche sera plus froide que l'air qui l'entoure et aura tendance à être repoussée vers le bas. L'inversion est donc très stable, elle empêche tout mouvement ascendant et rétablit l'équilibre.
Au cours de la journée, lorsque le sol est chauffé par le soleil, l'air emprisonné sous cette inversion se réchauffe encore plus et peut également devenir plus humide du fait de l'évaporation. Si la zone d'inversion est localement érodée par des mélanges avec la couche inférieure ou si des phénomènes à grande échelle la soulèvent en bloc, la couche de surface devenue très instable jaillit violemment à certains endroits. L'air à la surface du sol s'écoule alors horizontalement vers ces points d'éruption et forme de hauts nuages d'orage.
Déclencheurs dynamiques
Même en présence de facteurs thermodynamiques favorables, un courant ascendant n'apparaît que si l'air instable au voisinage du sol est poussé jusqu'à la convection libre. Dans le cas d'une masse d'air uniforme et sans mouvement, le réchauffement seul peut suffire, mais en général, il existe des déclencheurs qui vont permettre de concentrer l'activité orageuse:
- Une inversion locale peut s'atténuer ou même disparaître complètement si un courant-jet d'altitude passe dans le secteur car à l'intérieur du courant-jet, des vents particulièrement intenses, soufflant à plusieurs centaines de kilomètres par heure, se déplacent dans le sens du courant en refoulant vers le bas l'air devant eux et en aspirant vers le haut l'air derrière eux. Ce phénomène d'aspiration ascendante, s'il est suffisamment fort, peut dissiper une inversion et favoriser la formation d'orages ou l'intensification des orages en cours.
- La même chose peut se produire avec un courant-jet de bas niveau mais dans ce cas, il s'agit de convergence de masse à gauche du jet qui force l'air empilé à monter comme un pot que l'on presse à sa base.
- Des effets locaux comme l'ascension forcée de l'air le long d'une pente par des phénomènes météorologiques à grande échelle ou des brises de mer qui amènent de l'air humide vers un zone instable.
- Le passage d'un front froid, où de l'air froid et dense s'avance dans une région plus chaude, se frayant un chemin sous l'air chaud en le soulevant.
En général, on repère les zones d'orages violents en analysant le potentiel thermodynamique de la masse d'air et la position où l'on obtient le maximum de déclencheurs dynamiques.
Création de la tornade
Un orage violent fournit le courant ascendant intense et durable qui donne naissance à une tornade et qui évite que le cœur à basse pression ne se remplisse par le haut. Quand on observe le sommet d'un orage de ce type par satellite, on remarque généralement une suite caractéristique de « bulles » ascendantes, constituées de nuages qui s'élèvent entre deux et quatre kilomètres au-dessus du niveau supérieur du nuage principal avant de retomber dans la masse nuageuse. Ces bulles dénotent la présence, dans l'orage, d'un courant ascendant intense et très structuré. Cependant, une tornade ne se forme que si l'air du courant ascendant se met à tourner : c'est ce qui arrive quand ce courant ascendant concentre le mouvement de rotation des vents horizontaux de la troposphère.
Rotation horizontale
Tous les vents ne font pas l'affaire. Ils doivent être soumis à un cisaillement vertical très fort en direction et en intensité. La vitesse du vent doit augmenter avec l'altitude et son orientation doit virer du sud-est vers l'ouest. Le cisaillement vertical du champ de vitesses du vent provoque un mouvement de rotation autour d'un axe horizontal.
Pour comprendre pourquoi, il suffit d'imaginer une roue à palettes, d'axe horizontal, placée dans un champ de vent soufflant de gauche à droite. Si le vent qui frappe le haut de la roue est plus fort que celui qui souffle sur le bas, la roue se met à tourner dans le sens des aiguilles d'une montre. De la même manière, une masse d'air placée dans un champ de vent soumis à un cisaillement est animée d'un mouvement de rotation car le haut de la masse d'air se déplace plus vite que le bas.
Basculement de la rotation
Quand les vents entrent en interaction avec un fort courant ascendant, cette rotation autour d'un axe horizontal peut basculer et devenir une rotation autour d'un axe vertical. Le cisaillement de la direction du vent est ainsi une cause directe de la rotation verticale ; les vents qui tournent du sud-est vers l'ouest engendrent une circulation cyclonique (dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) de l'air qui s'engouffre à la base du courant ascendant de la dépression.
Naissance
D'après les modèles usuels, la naissance d'une tornade à partir d'un violent orage se fait en deux étapes :
- Le courant ascendant de l'orage se met d'abord à tourner. Le basculement de l'axe de rotation semble être le mécanisme principal intervenant à ce stade. La colonne d'air ascendante et en rotation, qui a un diamètre de 10 à 20 kilomètres, constitue le mésocyclone (si, par la suite, il engendre une tornade, ce qui n'est généralement pas le cas, on l'appellera un vortex tornadique). Les observations par radar Doppler ont montré que le mouvement de rotation commence dans la troposphère moyenne, à des altitudes comprises entre quatre et huit kilomètres.
- Ce courant tournant se propage ensuite vers le sol par un effet de « tube dynamique ». Le long de la colonne en rotation, le champ de pression est en équilibre avec le champ de vents où la circulation est fortement incurvée. En effet, la force dirigée vers l'intérieur, qui s'exerce sur l'air du fait de la faible pression qui règne au centre de la colonne, est équilibrée la rotation de l'air autour du centre de la colonne.
Dans ces conditions d'équilibre cyclonique, l'air circule facilement, autour et le long de l'axe du cyclone, mais il ne peut pratiquement pas s'en éloigner ou s'en approcher. Alors qu'auparavant une partie de l'air entrait dans la colonne ascendante à l'altitude des couches moyennes, maintenant la presque totalité de l'air s'engouffre à la base du tuba. Le cyclone se comporte comme un tube dynamique. Tout se passe comme dans le tuyau d'un aspirateur, hormis le fait que l'air n'est pas canalisé par les parois d'un tuyau mais par son propre mouvement tourbillonnaire. Il en résulte une intensification du courant ascendant et, par conséquent, un renforcement des vents qui convergent sous le cyclone. Du fait du cisaillement de la direction du vent, l'air qui s'engouffre dans le courant ascendant s'élève en tournant autour du centre de la colonne.
Concentration
D'après une loi fondamentale de la physique, le moment cinétique d'une masse d'air par rapport à son axe de rotation vertical est conservé. Ce moment cinétique est égal au produit de la quantité de mouvement (la masse multipliée par la vitesse) par la distance à l'axe. Par conséquent, à mesure que sa distance au centre diminue, la vitesse de la masse d'air augmente. Elle se met donc à tourner plus vite de même qu'en patinage artistique, la danseuse tourne plus vite quand elle ramène les bras le long du corps.
Donc, à la base du tube dynamique, la vitesse de rotation augmente ; cela provoque un allongement du tube vers le bas, par propagation du mouvement tourbillonnaire plus intense. Les masses d'air qui entrent à la base du tube tournent et montent en gagnant de la vitesse. Elles sont ainsi étirées verticalement. Cet étirement ramène le diamètre du mésocyclone à environ deux à six kilomètres, ce qui renforce encore la vitesse des vents : le moment cinétique de l'air, qui tourne maintenant à une distance plus faible de l'axe, est conservé.
Le basculement, l'effet de tube dynamique, la convergence et l'étirement vertical sont des processus qui s'entraînent mutuellement et qui peuvent, par la suite, former un mésocyclone dont le pied est à une altitude d'un kilomètre et le haut presque au sommet de l'orage à environ 15 kilomètres. Les vents de surface soufflent à des vitesses atteignant parfois 120 kilomètres à l'heure dans toute la région située sous la colonne tourbillonnante. La rotation dans le mésocyclone est cependant encore trop diffuse et trop éloignée du sol pour engendrer des vents de surface très violents.
C'est lors de la seconde étape que de tels vents apparaissent et qu'un violent orage donne naissance à une tornade quand se forme l'œil de la tornade. Pour des raisons expliquées dans la section modélisation ci-dessous, une zone de convergence et d'étirement renforcés, d'un diamètre n'excédant pas un kilomètre, et un peu excentrée, se forme à l'intérieur du mésocyclone. Des observations par radar Doppler suggèrent ici encore que l'intensification de la rotation commence en altitude, à plusieurs kilomètres au-dessus du sol, puis se propage très rapidement vers le bas. Sur une si petite zone, le mouvement de rotation est assez fort pour que le tuba descende jusqu'à quelques dizaines de mètres du sol. Tout près du sol, les frottements empêchent l'établissement de l'équilibre cyclonique car ils ralentissent le mouvement de rotation.
Le gradient de pression entre le cœur de la tornade et l'atmosphère environnante aspire l'air à l'intérieur de celle-ci, à travers une fine couche d'air proche du sol. Du fait de l'inertie, le courant entrant va plus loin que son rayon d'équilibre, tout en conservant son moment cinétique et en gagnant de la vitesse quand il s'approche du centre du cœur, avant de se mettre à tourner brutalement et à monter en spirale. Par conséquent, les vents les plus violents soufflent dans une petite région en forme d'anneau à la base du vortex. Les frottements avec le sol limitent finalement la vitesse de l'air entrant à la base et empêchent donc la tornade de se remplir par le bas ce qui contribue à maintenir la dépression qui règne à l'intérieur.
Caractéristiques d'une tornade
Un orage qui produit une tornade dure en général deux à trois heures et donne le plus souvent naissance à une seule tornade dont la durée de vie est relativement courte. La majeure partie de la durée de vie de l'orage est constituée des phases d'organisation et de dissipation. La période de maturité, au cours de laquelle l'orage est susceptible de provoquer une tornade, ne dure parfois que quelques dizaines de minutes. Au cours de cette phase, l'orage se déplace et emporte avec lui une masse sans cesse renouvelée d'air humide et instable. À de rares occasions, le courant ascendant et le cyclone à tornades qui l'accompagne atteignent un état stationnaire, et l'orage devient alors une « supercellule ». Dans certaines supercellules, l'intensité du cyclone croît et décroît rapidement, ce qui engendre une série de tornades. On a ainsi observé des « familles » de tornades comprenant jusqu'à huit membres disséminés sur une distance de 200 à 300 kilomètres. À de plus rares occasions, le cyclone reste actif pendant plusieurs heures et ne donne qu'une seule et longue tornade qui sème la désolation sur son passage. La tornade la plus destructrice que l'on ait jamais enregistrée est la « tornade des Trois États » du 18 mars 1925, qui provoqua la mort de 689 personnes, fit 1980 blessés et 11 000 sans-abris[1]. Elle parcourut 352 kilomètres, du sud-est du Missouri au sud-ouest de l'Indiana, en passant par l'Illinois, à une vitesse oscillant entre 85 et 100 Km/h.
Les vortex des tornades ont des tailles et des formes très variées. Il est délicat de tirer des conclusions sur la dynamique du cœur du vortex à partir des observations du tuba car l'aspect de celui-ci dépend non seulement de la structure du cœur, mais aussi du degré d'humidité de l'air, des propriétés du sol et d'autres facteurs, et il peut même changer au cours de la vie de la tornade. On peut néanmoins énoncer quelques propriétés générales.
Les tornades classées « faibles » selon l'échelle mise au point par Tetsuya Théodore Fujita de l'Université de Chicago (la vitesse maximale des vents est alors comprise entre 65 et 180 kilomètres à l'heure) sont associées à un tuba unique non turbulent, souvent en forme de long cône dont le sommet est en bas et la surface lisse. Le tuba n'atteint généralement pas le sol et les vents verticaux les plus rapides soufflent le long de l'axe central. Au contraire, le vortex d'une tornade classée « forte » (pour des vitesses allant de 180 à 330 kilomètres à l'heure) est généralement turbulent et le nuage du tuba - une large colonne qui descend presque toujours jusqu'au sol - est tumultueux et bouillonnant. Dans ces tornades, les vitesses verticales les plus élevées sont atteintes dans l'anneau entourant l'axe central ; elles sont plus faibles sur l'axe central lui-même et peuvent même s'y inverser créant ainsi un courant descendant. Il existe bien évidemment des formes intermédiaires entre ces deux types de vortex.
La plupart des tornades classées « violentes » (plus de 330 kilomètres à l'heure) ont un aspect très différent : l'« œil » central est clair et calme et il est entouré de deux ou plusieurs vortex secondaires. L'air qui descend dans l'œil sans tourbillonner, est aspiré du haut par la pression extrêmement basse qui règne au niveau du sol ; l'œil est clair car les gouttelettes d'eau de l'air s'évaporent quand celui-ci descend et se réchauffe. Au sol, le courant intérieur rencontre le courant primaire venant de l'extérieur du cœur du vortex. Le courant résultant remonte et crée des vortex secondaires dans un anneau cylindrique autour du courant descendant central. Les vortex secondaires tournent à la fois très vite autour de leur axe hélicoïdal et autour de l'axe de la tornade. Il semble que les vents les plus rapides à la surface de la Terre, qui approchent 480 kilomètres à l'heure, soufflent à la base de ces vortex secondaires. La découverte de cette structure à vortex multiples entrelacés, au début des années 1970, est très importante car elle a permis d'expliquer les sillons cycloïdaux compliqués laissés sur le sol par les tornades les plus puissantes.
Analyse radar des tornades
En 1971, les premières mesures Doppler ont confirmé que les vents d'une structure «en crochet» tournent à une vitesse de 80 kilomètres à l'heure. Cette circulation apparaît à environ 5 000 mètres d'altitude ; puis elle engendre une rotation à plus basse altitude, qui précède toute tornade intense. C'est ce qu'on appelle un mésocyclone.
En 1973, dans l'Oklahoma, on a observé une petite anomalie dans la distribution des vitesses d'un orage au même instant et au même endroit que l'apparition d'une violente tornade. Le radar n'avait pas la résolution suffisante pour montrer la tornade, mais il a décelé les brusques changements de direction des vents et des signes précurseurs dans les nuages. Un tel tourbillon apparaît à 300 mètres d'altitude environ, 10 à 20 minutes avant de rejoindre le sol. Il s'étire alors vers le haut et vers le bas, et atteint parfois 10 000 mètres de haut.
Notons qu'un radar météorologique opérationnel ne verra jamais la tornade proprement dite, à moins qu'elle ne soit juste à côté du dôme, car sa résolution est de l'ordre du kilomètre alors qu'une tornade a un diamètre de l'ordre de un à 100 m en général. On peut cependant s'appuyer sur cette signature mésocyclonique quand le taux de rotation est très fort (différence de plus de 70 noeuds entre les vitesses entrant vers le radar et sortantes dans la zone de rotation) pour avertir les populations menacées et leur conseiller de se mettre en lieu sûr (cave ou pièce protégée). On ne la décèle que sur des distances inférieures à 100 kilomètres (voir radar météorologique). Au-delà de cette distance, la détection de mésocyclones plus faibles peut être utilisée pour déclencher une alerte météo mais leur détection est hasardeuse car le faisceau radar balaie seulement des niveaux plus élevés de l'atmosphère.
En 1991, à l'aide d'un radar Doppler portable, on a décelé des vents de tornade qui soufflait à plus de 400 kilomètres à l'heure à proximité d'une puissante tornade. Bien que très élevées, ces vitesses sont loin des 750 à 800 kilomètres à l'heure qu'on proposait il y a 40 ans pour expliquer des observations incroyables, comme la découverte de morceaux de paille plantés dans des arbres (on suppose aujourd'hui que le vent ouvre les fibres du bois qui se referment ensuite en piégeant la paille).
Si un seul radar Doppler suffit à la prévention, l'étude des phénomènes nécessite un deuxième appareil Doppler, disposé à environ 50 kilomètres et présentant un autre angle de vue: on mesure alors la vitesse de la pluie dans deux directions différentes. En utilisant des équations de conservation de la masse de l'air et en évaluant la vitesse relative de la pluie par rapport à l'air en mouvement, les météorologues reconstruisent dans l'espace le champ de vitesses du vent et calculent des paramètres tels que la distribution des tourbillons à l'intérieur de l'orage. Ces études ont confirmé qu'une tornade naît sur le flanc de la colonne ascendante, à côté d'un courant descendant, et que l'air qui circule dans un mésocyclone s'enroule autour de la direction de son déplacement.
Modélisation
Le phénomène est aussi vieux que le monde mais le mot tornade entre dans le français seulement en 1842 depuis l’anglais. Il provient en fait de l’espagnol où il apparaît en 1663 (selon le Petit Robert). Comme ce phénomène météorologique est peu connu en Europe mais est prévalent autour du Texas et de la Floride, il y a fort à parier que l’expression vient des colonies américaines de l’Espagne.
Cependant, même lorsque le mot n’est pas encore inventé, des descriptions de ce phénomène existe. Un fidèle adepte de la prise de données météorologiques, le gouverneur britannique John Winthrop (père)[4] , écrit dans ses notes de juillet 1643, qu’un soudain coup de vent dans le nord-est du Massachusetts et sur la côte du New Hampshire déracina des arbres, remplit l’air de poussières, souleva un édifice public de Newbury et tua un amérindien. Même si cette description pourrait être reliée à une rafale descendante ou à une ligne de grain, elle pourrait bien être le premier signalement dans l’histoire d’une tornade.
Plusieurs autres rapports de vents tourbillonnant causant des dommages sont inscrits dans les annales de la Nouvelle-Angleterre jusqu’à ce que le mot « tornade » soit pour la première fois utilisé par le révérend Joseph Emerson à Groton, Massachusetts en 1748[4]: une terrible tornade avec du tonnerre assourdissant.
La population se perd en conjecture à propos de ces « terribles tourbillons ». En juillet 1759, à la suite d’une terrible tornade passant à Leicester, Massachusetts, un descendant du gouverneur Winthrop (John Winthrop (astronome))écrit :
- Il me semble difficile de trouver une cause adéquate pour ce phénomène, de démontrer comment un petit volume d’air peut être mis en rotation si rapide. Je n’oserais pas m’aventurer à émettre une hypothèse.
Le 14 août 1773[4] , le professeur Samuel Williams est le premier en Amérique à donner non seulement une description mais des données objectives de vents. Il écrit qu’une trombe marine s’est formée sur le fleuve côtier Merrimac, au sud de Salisbury (Massachusetts), et se transforma en tornade en touchant terre. Juste avant son apparition, de violentes rafales de vents venant du sud-ouest soufflèrent sur la région durant 4 minutes avant un changement rapide à l’ouest-nord-ouest. Deux minutes plus tard, le vent devenait calme et le ciel devint très sombre.
Les recherches en météorologie devinrent plus systématiques à partir du XIXe siècle ainsi que les travaux sur l’explication des tornades. Dans les années 1880[7], le Corps des ingénieurs de l’armée américaine, qui était en charge du service météorologique naissant de ce pays, organisa une équipe de 2000 volontaires pour documenter tous les cas de tornades sur le centre et l’est des États-Unis. On en tira les patrons météorologiques de surface favorables à la génération des orages tornadiques et le Corps essaya de faire les premières prédictions. Ce ne fut pas très concluant et le National Weather Service, qui succéda au Corps, décida de ne pas mentionner jusqu’en 1938 la possibilité de ce phénomène dans ses alertes météo d’orages violents.
Avec la naissance de l’aviation, la recherche des conditions nécessaires à la formation de tornade fut remise à l’ordre du jour dans les années 1920 et 1930. Le développement du radiosondage commença à donner plus d’informations sur la structure verticale de l’atmosphère ce qui permis de reconnaître les facteurs thermodynamique et les déclencheurs synoptiques d’altitude nécessaires au déclenchement des nuages convectifs.
Toutes les informations ainsi réunies ont été colligées et interprétées par des chercheurs comme A. K. Showalter and J. R. Fulks aux États-Unis. Utilisant ces travaux et leurs propres observations, les officiers météo E. J. Fawbush and R. C. Miller, de la base aérienne Tinker (Tinker Air Force Base) de la US Air Force à Oklahoma City, ont pu prédire pour la première fois avec succès l’occurrence d’une tornade sur la base le 25 mars 1948 en soirée. Ce succès fit boule de neige, Fawbush et Miller reçurent rapidement le mandat de prédire la possibilité de tornades dans tout le centre des États-Unis pour la US Air Force. Ils furent mis en charge trois ans plus tard d’un centre de prévision du temps violent, le Severe Weather Warning Center (SWWC), pour toutes les bases du continent.
Ces résultats se répandant dans la population, le gouvernement créa en mars 1952 un organisme expérimental inter-armes et civil (le Weather Bureau-Army-Navy ou WBAN) pour la prévision des orages violents à la population en général. Le 17, les prévisionnistes de ce centre émirent leur premier bulletin de prévision mentionnant la possibilité de tornade et le 22 mai, le WABN devint officiel sous le nom de Weather Bureau Severe Weather Unit (SWU). Ce centre changera quelques fois de nom pour être maintenant connu comme le Storm Prediction Center.
Durant les années 1950 et 1960, l’analyse des éléments étaient totalement fait à la main et les nouveaux éléments venant des recherches sur les tornades étaient intégrés de la même façon. Durant les années 1970, les ordinateurs ont commençé à faire leur apparition et des campagnes comme le Tornado Intercept Project ont permis de recueillir des informations in situ sur les tornades grâce à la participation des chasseurs de tornades et de scientifiques.
L'année 1978 marque un progrès important dans la compréhension des mouvements de rotations dans les orages à tornades : Robert Wilhelmson, de l'Université de l'Illinois, et Joseph Klemp, du Centre américain de recherches atmosphériques, ont obtenu dans leurs simulations informatiques des supercellules réalistes qui présentaient des zones de précipitations en forme de crochet. À des temps successifs, en tout point d'un réseau tridimensionnel représentant l'espace, leur programme calculait les variations de température, de vitesse du vent et de changement d'état de l'eau entre ses diverses formes (vapeur, gouttelettes d'un nuage et gouttes de pluie).
Dans ce monde numérique, des supercellules se forment dans un état initial homogène, ce qui réfute l'idée largement répandue selon laquelle les tornades violentes résulteraient de collisions entre masses d'air différentes. En omettant dans les équations la rotation de la Terre, R. Wilhelmson et J. Klemp ont montré que celle-ci n'avait qu'un faible effet dans les premières heures d'existence de l'orage. C'est plutôt la rotation du vent selon un axe vertical qui détermine le sens d'un tourbillon.
Keith Browning avait proposée en 1963 que la variation du vent avec l'altitude dans l'environnement habituel des supercellules engendre une rotation horizontale, comme démontré antérieurement, et que le courant ascendant change l'axe de rotation vers le haut. Dans les années 1980, les simulations confirmaient ce point en montrant comment la colonne ascendante tourne graduellement d'axe pour être verticale à mi-hauteur du nuage, mais cela n'expliquaient pas comment elle pouvait se mettre à tourbillonner verticalement très près du sol.
En 1985, les simulations de J. Klemp et de Richard Rotunno ont montré que la rotation à basse altitude dépend du courant descendant de la supercellule, qui contient de l'air refroidi par l'évaporation: quand cette évaporation n'a pas lieu, aucune rotation n'apparaît près du sol. Les simulations ont montré, à la surprise générale, que la rotation de basse altitude est amorcée au nord du mésocyclone, dans la masse d'air légèrement refroidie par la pluie. Alors qu'à mi-hauteur, le courant descendant s'enroule, dans le sens cyclonique, autour de la colonne ascendante, une partie de l'air froid se dirige vers le sud, avec, à sa gauche, l'air chaud pénétrant dans la supercellule et, à sa droite, de l'air encore plus froid.
L'air chaud du courant ascendant soulève le flanc gauche du courant descendant, alors que l'air froid de droite le bascule vers le sol. Ainsi commence un mouvement hélicoïdal de l'air froid autour de son axe de déplacement horizontal (par cisaillement latéral des vents). Comme cet air froid descend en même temps, son axe de rotation est dévié vers le bas comme le courant ascendant l'est vers le haut, ce qui donne une rotation anticyclonique. En 1993, la démonstration fut faite que la rotation de ce courant d'air descendant s'inverse avant qu'il n'atteigne la surface. Une circulation d'air cyclonique peut donc apparaître près du sol. Cet air froid rasant est aspiré dans la partie sud-ouest de la colonne ascendante. À mesure que l'air converge vers cette colonne, la rotation s'accélère de même qu'une patineuse tourne plus vite quand elle ramène les bras le long du corps.
Nous cernons maintenant mieux comment naissent les vents tournants dans le mésocyclone, à moyenne altitude et près du sol mais il nous restait à montrer pourquoi les tornades, qui ont un diamètre beaucoup plus petit, se forment. L'explication la plus simple est qu'elles résultent des frottements sur le sol. Cette explication semble paradoxale, puisque les frottements ralentissent généralement les vents. Toutefois un tel effet est connu dans une tasse de thé que l'on remue. Dans le liquide en rotation, un équilibre s'instaure entre la force centrifuge et la force de pression centripète due à la dépression créée au centre. Au fond de la tasse, le frottement réduit les vitesses, et donc la force centrifuge. Au fond de la tasse, le liquide se déplace alors vers le centre, comme en attestent les feuilles de thé qui se rassemblent sur le fond et au centre de la tasse. Cependant, en raison de cette convergence et de «l'effet patineuse», la rotation du liquide s'accélère : un tourbillon apparaît le long de l'axe de la tasse. Stephen Lewellen, de l'Université de Virginie, en déduit que, dans une tornade, les vents les plus rapides soufflent dans les 300 premiers mètres au-dessus du sol.
Avec les frottements, on explique également la longévité des tourbillons. Une tornade crée un vide partiel en son cœur, car les forces centrifuges empêchent l'air d'y pénétrer. En 1969, l'Australien Bruce Morton a expliqué comment le vide se maintient : des forces d'Archimède intenses empêchent l'air de pénétrer par le haut. Près du sol, le frottement réduit la vitesse tangentielle de l'air, de même que les forces centrifuges, ce qui autorise l'arrivée d'un courant d'air dans le cœur. Cependant le frottement limite également cette alimentation et ne laisse pas passer assez d'air pour remplir le cœur. De cette manière, les tornades s'intensifient et se stabilisent, surtout lorsqu'elles entrent en contact franc avec le sol : l'alimentation se réduit à une mince couche d'air.
La théorie des frottements n'explique toutefois pas pourquoi le tourbillon qui constitue la signature des tornades apparaît en altitude, dans les nuages, et précède parfois de 10 à 20 minutes le contact d'une tornade avec le sol.
Tornades non classiques et autres phénomènes violents
Les supercellules et autres orages violents ne sont pas les seuls qui puissent donner des tornades. Des nuages de plus faible intensité tels des cumulus bourgeonnants ou même parfois des cumulus peuvent produire de très faibles tornades.
Trombes terrestres
L'American Meteorological Society définit trombes terrestres (par références aux trombes marines) ou landspout[8] (de l'anglais LAND pour terre et SPOUT pour trombe) comme une tornade originant d'un tourbillon existant dans la couche sous un orage, sans qu'un mésocyclone ne soit présent en altitude. Ces tornades de faible intensité se forment dans une région où le changement des vents selon la verticale ne comportent pas nécessairement un changement de direction ni une différence de vitesse importante. De plus, il n'y a généralement que peu de forçage dynamique: pas de front, de courant-jet, etc.
Lorsqu'une zone de convergence locale crée une faible rotation verticale, cette rotation peut être étirée par le passage d'un cumulonimbus en développement ou d'un gros cumulus bourgeonnant. Ceci donne une rotation intense à très fine échelle appelée miso-échelle (2 km ou moins) sous le nuage. Les trombes terrestres sont de faible intensité (F0 à F2)[9] et se produisent souvent le long de la zone de convergence des brises de mer, des brises de lac ou le long du pied de montagnes. La tornade va avoir l'aspect d'un tube translucide oval et durera en général moins de 15 minutes.
Elles ont été étudiées en particulier en Floride et au Colorado où ce genre de convergence est commun. On y a remarqué que ces tornades se déplacent le long de la ligne de convergence plutôt qu'avec le vent moyen dans la basse atmosphère. Les trombes terrestres peuvent même se déplacer contre ce vent moyen.
Gustnado
L'American Meteorological Society[10] définit un Gustnado (de l'anglais GUST pour rafale de vent et NADO pour tornado) comme une très faible tornade de courte durée de vie que l'on retrouve le long d'un front de rafales provenant d'un orage mais pas directement connecté à celui-ci. On la voit généralement comme un vortex de débris et de poussières.
Ce genre de phénomène se produit lorsque les fronts de rafales venant de différentes cellules orageuses se rencontrent sous un cumulus bourgeonnant, un cumulus ou même à un endroit sans nuage en autant qu'il y ait un certain mouvement vertical convectif. Ces tornades ne durent que quelques instants et ne causent généralement que peu de dommages. Elle sont apparentés aux tourbillons de poussière
Rafales descendantes
On confond souvent les rafales descendantes et les tornades en raison de l’ampleur des dommages qu’elles engendrent. Les vents qui accompagnent une rafale descendante touchent une région qui peut être limitée ou en corridor comme une tornade, cependant les caractéristiques d’une rafale descendante diffèrent de celles d’une tornade. La rafale descendante se caractérise par le fait que de l’air qui n’est pas en rotation se précipite vers la surface de la terre soufflant les obstacles comme on souffle sur un château de cartes, alors qu’une tornade est formée par de l’air en rotation et en ascension.
Tourbillons
Par ailleurs, le terme tornade est souvent appliqué par abus de langage à divers tourbillons atmosphériques de même échelle, comme les tourbillons de flammes dans les grands incendies et les tourbillons de poussière communs dans les régions désertiques ou semi-arides. Ces phénomènes ne sont associés avec aucun nuage ce qui les distinguent des tornades et en plus, les conditions favorables à leur formation diffèrent de celles des tornades.
Tornades et société
Politique
À cause de ses effets dévastateurs, le mot tornade a souvent été utilisé pour représenter le passage d'un désastre ou un nettoyage complet tant dans la vie réelle que comme métaphore. Par exemple, lors d'un élection qui voit un parti politique être rayé de la scène, les commentateurs parlent du passage d'une tornade.
Dans le film Le Magicien d'OZ, une tornade amène Dorothy dans en Utopie et celle-ci tue la sorcière de l'est, libérant les Munchkins. Ceci est vu par certains commentateurs comme une métaphore pour un changement politique drastique nécessaire aux États-Unis.
Vie commerciale
La tornade a été utilisée dans plusieurs campagnes publicitaires pour représenter une vente de débarras (tout doit être vendu), des rabais incroyables (les prix s'envolent), etc. Mais la plus longue et fameuse utilisation est celle du détergent Ajax qui avait comme slogan durant les années 1960 : "La tornade blanche" au Québec et "Cleans like a white tornado" dans le reste de Amérique du Nord".
Psychanalyse
Les tornades en analyse des rêves sont associés à la peur, le chaos, le changement radical perçu ou anticipé par le rêveur.
Film, télévision, art
Plusieurs films et romans ont comme trame de fond le passage d'un tornade ou comportent des scènes avec des tornades. Mentionnons:
- Le Magicien d'Oz (The Wonderful Wizard of Oz) est un roman de Lyman Frank Baum paru en 1900
- Le Magicien d'Oz est une série de bandes dessinées à partir du roman
- Le Magicien d'Oz (Wizard of Oz) est un film tiré du roman par Larry Semon en 1925
- Le Magicien d'Oz (The Wizard of Oz) est le film très populaire tiré du roman par Victor Fleming et qui a gagné deux Oscars en [1939]: Meilleure chanson originale pour "Over the Rainbow" et Meilleure musique de film. Il fut également en nomination pour Meilleur film, Meilleure cinématographie couleur, Meilleure décoration intérieure et Meilleurs effets spéciaux mais il avait comme compétiteur le film Autant en emporte le vent.
- Mr. and Mrs. Bridge, 1990.
- Night of the Twisters (série télé américaine), 1996.
- Tornado! (série télé américaine), 1996.
- Twister, 1996.
- Atomic Twister (série télé américaine), 2001.
- The Day After Tomorrow, 2004.
- Perfect Disaster: Super Tornado (Documentaire américain) 2006.
- Category 7: The End of the World, 2005.
- Tornade, personnage de bande-dessinées, membre des X-Men qui a le pouvoir de produire des phénomènes atmosphériques, dont des tornades.
Chasseurs d'orages
Il existe des chasseurs de tornades dans plusieurs pays mais ce phénomène vient des Grandes Plaines américaines. Le premier chasseur reconnu est Roger Jensen (1933–2001), un résident de Fargo (Dakota du Nord) qui suivi des orages dans la région de Lake Park (Minnesota) en 1951 [11] [12]. Les pionniers dans ce domaine ont donné de précieuses indications aux chercheurs en météorologie.
En 1972, l'University of Oklahoma et le National Severe Storms Laboratory commencèrent le projet Tornado Intercept Project. C'était le premier déploiement coordonné et à grande échelle pour obtenir de informations in situ sur les tornades. Ce projet créa un vaste groupe de chasseurs de tornades qui continua ses activités ensuite et publia le magazine Stormtrack. Par la suite, différents instruments, dont des radars météorologiques portatifs, ont été déployés lors de ces chasses.
Le phénomène prenant de l'ampleur, à cause de la couverture médiatique des tornades et de l'Internet, de nombreux néophytes se sont mis, dans les années 1990, à chasser les orages juste pour la recherche de sensations fortes. Il y a maintenant des opérateurs de tours pour chasser les tornades similaires aux opérateurs de safari-photo en Afrique. Tout ceci amène un engorgement dangereux des routes et des chemins lors d'événements orageux dans le Mid-West et les vrais chercheurs ne représentent plus qu'un faible pourcentage.
Bibliographie
Généralités
- (fr) « Chasseurs de tornades », dans National Geographic France, n°55, avril 2004
- (fr) Article « tornades et trombes », dans l'Encyclopædia Universalis, corpus 22, 2002, pages 849 à 853.
- (fr) « Les Tornades », dans Pour la science, n°80, 1984, pages 80-91.
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Notes
- Article « tornades et trombes », Encyclopædia Universalis, p.850
- (en) Statistiques britanniques sur les orages violents par The TORnado and storm Research Organisation(2006)
- (en) Tornado Alley, USA par Science News (2006)
- (en) United States Tornado history par Impact Forcasting Erreur de référence : Balise
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incorrecte : le nom « Impact » est défini plusieurs fois avec des contenus différents. - (en) The April 2004 Tornado in North-Central Bangladesh: A case for introducing Tornado forecasting and Warning system par l'Université du Colorado(2006)[PDF]
- Guide familial de préventions et d'urgences du gouvernement du Manitoba
- (en) A Brief History of the Storm Prediction Center
- (en) Définition de Landspout par l'American Meteorological Society (2006)
- (en) David M.L. Sills et Patrick W.S. King: Landspouts at Lake breeze front in Southern Ontario du Groupe de prévision immédiate du Division de la recherche météorologique d'Environnement Canada, Conférence sur les orages violents locaux de l'American Meteorological Society, 11-15 septembre 2000
- (en) Définition de Gustnado par l'American Meteorological Society (2006)
- (en)ROGER JENSEN a storm chasing pioneer Site officiel
- (en) The Loss of Chasing Pioneer Roger Jensen du magazine Stormtrack
Voir aussi
Articles connexes
- Trombe marine
- Échelle de Fujita
- Tourbillon de poussière
- Cyclone tropical
- Prévision des orages violents
- Pluie d'animaux
Liens externes
- Service météorologique du Canada, manuel de l'observateur de temps violent
- Site du groupe Chasseurs d'orages en France
- (en)The Online Tornado FAQ par Roger Edwards du Storm Prediction Center le centre américain de prévision des orages violents.
- (en) Severe Storm Research site du CIMMS donnant des explications détaillées sur la formation des tornades par Erik Rasmussen (l'un des plus éminents chercheurs dans ce domaine) et ses collaborateurs.