« Génocide » : différence entre les versions
→Les massacres au caractère génocidaire controversé : Référence complète. |
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{{Voir homonymes|Génocide (homonymie)}} |
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Un '''génocide''' est l'extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d'un groupe ou d'une partie d'un groupe en raison de ses origines [[éthnie|ethniques]], [[religieux|religieuses]] ou [[groupe social|sociales]]<ref>Définition donnée par le droit, d'après [[Le Robert]], dictionnaire, édition de 1993.</ref>. |
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Un '''génocide''', dans son acception la plus répandue aujourd'hui dans la communauté académique, est un [[crime]] consistant en l'élimination concrète intentionnelle, totale ou partielle, d'un groupe [[nation]]al, [[Ethnie|ethnique]] ou encore [[Religion|religieux]], en tant que tel, ce qui veut dire que des membres du groupe sont tués, brisés mentalement et physiquement, ou rendus incapables de procréer, en vue de rendre difficile ou impossible la vie du groupe ainsi réduit. Le génocide peut être perpétré par divers moyens, le plus répandu et le plus évident étant le meurtre collectif. |
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== Étymologie == |
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Le terme génocide est un [[néologisme]] formé en [[1944]] par [[Raphael Lemkin]], professeur de droit [[États Unis d'Amérique|américain]] d'origine [[Juif|juive]] [[Pologne|polonaise]], à partir de la racine [[Grec ancien|grecque]] ''genos'', « naissance », « genre », « espèce », et du suffixe « cide », qui vient du terme [[latin]] ''caedere'', « tuer », « massacrer ». Définissant ce mot hybride dans une étude publiée par la [[Fondation Carnegie pour la Paix Internationale]] (''Axis Rule in Occupied Europe'') comme le [[crime contre l'humanité]] perpétré par les [[nazi]]s contre les peuples juif et [[Roms|tzigane]] durant la [[Seconde Guerre mondiale]], il écrit : « De nouveaux concepts nécessitent de nouveaux mots. Par génocide, nous entendons la destruction d'une [[nation]] ou d'un groupe ethnique. » |
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Le mot « génocide », néologisme inventé par le juriste [[Raphael Lemkin]] en [[1943]], avait alors un sens confus et renvoyait plus ou moins à ce que nous appelons aujourd'hui l'[[ethnocide]], car le groupe victime pouvait être contraint à une transformation culturelle et pas, ou pas seulement, décimé. Sous l'impulsion, entre autres, de Lemkin lui-même, le mot a pris son sens de destruction physique et biologique après la [[Seconde Guerre mondiale]] et ses horreurs. Il a ensuite connu des évolutions de sens dans plusieurs directions. Certains historiens et politologues restreignent la définition en estimant notamment que le génocide est programmé, systématique, et radical dans ses intentions : le [[génocide arménien]], la [[Shoah]] et le [[génocide des Tutsis au Rwanda]], trois génocides reconnus par l'ensemble des spécialistes, sont en effet des [[extermination]]s planifiées par un [[État]], indifférentes à l'âge ou au sexe des victimes. Au contraire, donner au génocide un sens plus large lui fait correspondre des éliminations sélectives telles que des politicides, des massacres et des oppressions de population y compris quand ils sont mêlés à des guerres, des épidémies et des famines, ou encore des séries de meurtres racistes plus ou moins liés, laissés impunis par une autorité et contribuant à la disparition d'un peuple, ou même à l'élimination physique et culturelle d'un groupe peut-être moins lié à l'ethnicité. |
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Dès [[1933]], Lemkin est troublé par le [[massacre des Assyriens]] chrétiens et particulièrement par ses souvenirs du [[Génocide arménien|massacre systématique des Arméniens]] par l'[[empire ottoman]] pendant la [[Première Guerre mondiale]]<ref>{{en}}{{lien web|url=http://www.europaworld.org/issue40/raphaellemkin22601.htm|titre=Raphael Lemkin sur EuropaWorld|consulté le=7 septembre 2008}}.</ref>. Le juriste international qu'il est tente dès lors de trouver des propositions pour empêcher et prévenir de tels crimes. Malgré le rejet de sa proposition par le conseil de la [[Société des Nations]] à [[Madrid]], Lemkin continue ses recherches jusqu'en 1944. D'après [[Samantha Power]], Lemkin a appuyé sa réflexion sur le procès de l'Arménien [[Soghomon Tehlirian]], meurtrier en 1921 à [[Berlin]] du ministre de l'Intérieur turc [[Talaat Pacha]], principal organisateur du [[génocide arménien]]<ref>[[Claire Mouradian]], entretien avec Michèle Champenois et Simon Roger : « Un prototype des génocides du {{s-|XX|e}} », dans ''Le Monde 2'' no 61 du 16 avril 2005 (Demain, avoir un enfant sans grossesse), p 63.</ref>. |
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== Histoire du concept jusqu'en 1948 == |
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''Stricto sensu'', la notion de race est dans l'espèce humaine une notion plutôt [[Sociologie|sociologique]] que [[génétique]]. Toutefois, fondée ou non, elle existe dans l'esprit des génocidaires. Leur crime est articulé autour de la notion d'une différenciation, d'une nature ou d'une autre, d'une population considérée par eux comme « indésirable » et de l'appartenance ''par la naissance'' à la population des personnes visées, à la différence des guerres idéologiques où les personnes ne sont visées que comme vecteurs supposés de leurs idées. |
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{{article connexe|Étude des génocides}} |
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=== Origine et étymologie === |
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Bien avant l'apparition du [[néologisme]] « génocide », il existait dans plusieurs langues des mots qui entendaient signifier le massacre d'une population, la mort d'une nation ou le meurtre d'un peuple, si bien qu'il est possible de soutenir que le concept a une histoire ancienne<ref>Jeremy Sarkin, ''Colonial Genocide and Reparations Claims in the 21st Century'', Praeger Security International, 2009, {{p.|109}}.</ref>. En français, le terme rare « [[populicide]] », créé sous la [[Révolution française]] par [[Gracchus Babeuf]] pour désigner les [[Guerre de Vendée|massacres des populations civiles de Vendée]] perpétrés par les troupes républicaines, était tombé dans l'oubli. En revanche étaient et sont encore en usage le grec {{lang|grc|γενοκτονία}}, {{lang|grc-Latn|''genoktonía''}}, le polonais ''ludobójstwo'' ou encore l'allemand ''Völkermord''. Ce dernier nom, employé dès 1831 par des intellectuels allemands opposés à la dure répression de l'[[insurrection de Novembre]] en Pologne, était connu par [[Raphael Lemkin]], qui cependant l'a écarté<ref>Christian Gerlach, « Extremely violent societies: an alternative to the concept of genocide », ''Journal of Genocide Research'', {{vol.|8}}, {{numéro|4}}, 2006, {{p.|464}}.</ref>. Lemkin, professeur de droit [[États-Unis|américain]] d'origine [[Juifs|juive]] [[Pologne|polonaise]], forge en [[1943]] « génocide » à partir de la racine [[Grec ancien|grecque]] {{lang|grc|γένος}}, {{lang|grc-Latn|''génos''}} signifiant « naissance », « origine », « espèce », « race », mais aussi « peuple », « tribu », « nation » (sens qui la rapprochent de {{lang|grc|ἔθνος}}, {{lang|grc-Latn|''éthnos''}}), et du suffixe ''-cide'', qui vient du verbe [[latin]] {{lang|la|''caedere''}}, « frapper », « abattre », « tuer », voire « massacrer ». |
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Le concept de génocide est en préparation dans l'esprit de Lemkin dès 1933 lorsqu'il commence à s'intéresser au [[droit international]], inspiré par l'actualité : le [[Massacre de Simelé|massacre de chrétiens assyriens en Irak]] rappelle un passé plus douloureux encore, l'élimination impunie de minorités [[Christianisme|chrétiennes]] de l'[[Empire ottoman]] vers 1915 ([[génocide arménien]] notamment) ; en reflet, l'arrivée au pouvoir d'[[Adolf Hitler]] en [[Allemagne]] fait craindre un futur aussi douloureux, dont il faut prévenir ou sanctionner les crimes. Lemkin avait alors tenté, sans succès, de populariser deux idées : le « crime de vandalisme », défini comme la destruction d'œuvres d'art et de culture sous prétexte qu'elles représentent le génie d'un groupe national, religieux ou racial, et surtout le « crime de barbarie », ensemble d'actions opprimantes et destructrices dirigées contre les membres de tels groupes<ref>William Korey, « Raphael Lemkin: 'The Unofficial Man' », ''Midstream'', juin–juillet 1989, {{p.|45–48}}.</ref>{{,}}<ref name="Rabinbach">[[Anson Rabinbach]] (trad. Claire Drevon), [https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2008-2-page-511.htm « Raphael Lemkin et le concept de génocide »], ''Revue d'histoire de la Shoah'', {{numéro|189}}, juillet-décembre 2008, {{p.|511-554}}.</ref>. |
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Selon le [[Dictionnaire historique de la langue française]] d'[[Alain Rey]], le mot se fait jour en français en même temps qu'il apparaît en anglais. D'abord employé à propos des nazis et de leur « [[Solution finale]] » du problème juif, il se dit de la destruction méthodique ou de la tentative de destruction d'un groupe ethnique, et par extension, vers 1970, de l'extermination d'un groupe en peu de temps. |
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Le mot « génocide » apparait pour la première fois dans une étude de Lemkin, {{lang|en|''Axis Rule in Occupied Europe''}}, publiée en 1944 par la [[Fondation Carnegie pour la paix internationale]]. Le {{nobr|chapitre {{IX}}}}, devenu célèbre, commence par ces phrases :{{citation bloc|De nouvelles conceptions supposent l'adoption de nouveaux termes. Par « génocide », nous entendons la destruction d'une nation ou d'un groupe ethnique. Ce nouveau mot, forgé par l'auteur pour signifier une vieille pratique dans son évolution moderne, […] ne signifie pas nécessairement la destruction immédiate d'une nation, sauf lorsqu'il est réalisé par des meurtres en masse de tous les membres d'une nation. Il entend plutôt signifier un plan coordonné de différentes actions visant à la destruction de fondements essentiels de la vie de groupes nationaux, dans le but d'exterminer les groupes eux-mêmes. Un tel plan aurait pour objectifs la désintégration des institutions politiques et sociales, de la culture, de la langue, des sentiments nationaux, de la religion et de la vie économique de groupes nationaux, ainsi que la suppression de la sécurité personnelle, de la liberté, de la santé, de la dignité, voire de la vie des personnes appartenant à ces groupes. Le génocide vise le groupe national en tant qu'entité, et les actions en question sont dirigées contre des individus, non pas ès qualité, mais en tant que membres du groupe national<ref>Traduction de l'anglais par Claire Drevon dans [https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2008-2-page-511.htm « Raphael Lemkin et le concept de génocide »].</ref>.}} Lemkin estime que la politique [[Nazisme|nazie]] de génocide en Europe occupée consiste en dénationalisation violente et mortifère de plusieurs peuples, puis en [[germanisation]], bien que les nazis distinguent ces peuples biologiquement, plus que culturellement. Le sort des [[Juifs]] est certes spécifique, puisque la destruction physique complète est recherchée ; pourtant, au niveau des groupes et non des individus, il est similaire au sort des populations [[slaves]] par exemple : les groupes disparaissent, les individus restent ou disparaissent. Le meurtre de masse n'est donc pas central dans cette définition du génocide, la destruction des « nations » est aussi politique, religieuse, linguistique, culturelle<ref name="Rabinbach"/>. Lemkin sera repris dans cette conception par [[Claude Lévi-Strauss]], par exemple. |
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==Définition== |
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L'article 2 de la ''[[Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide]]''<ref>[http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/p_genoci_fr.htm ''Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide''], approuvée et soumise à la signature et à la ratification ou à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 260 A (III) du {{Date|9|décembre|1948}}, entrée en vigueur le {{Date|12|janvier|1951}}, conformément aux dispositions de l'article XIII</ref>, adoptée par l'assemblée générale des Nations unies, le {{Date|9|décembre|1948}}, affirme : |
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=== Premières critiques et acceptation === |
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{{début citation}}Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :<br /> |
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La notion de génocide ne fait pas alors l'unanimité parmi les juristes qui réfléchissent au droit international. L'un de ces principaux opposants est le juriste international [[Hersch Lauterpacht]] qui impose au même moment le concept de [[crime contre l'humanité]], fort d'une plus longue histoire. La controverse entre Lauterpacht et Lemkin a marqué les travaux alliés sur la définition des crimes supranationaux et leur sanction. « L'être humain, l'individu… est l'ultime source de tout droit », écrit Lauterpacht en 1943. Pour celui-ci, faire intervenir la notion de groupe renforce les conflits interethniques, la sanction d'un groupe risquant d'être imputée à un groupe opposé et non aux principes du droit. Au lieu de pacifier, l'incrimination infamante de génocide susciterait des réactions de groupe contraires à l'acceptation raisonnable des décisions de justice. Évoquer le groupe serait inutile puisqu'en définitive c'est un individu qui a été privé de ses droits élémentaires. Les circonstances aident seulement à qualifier le crime mais ne changent pas sa nature<ref name="Filipa">{{Article|langue=en|auteur1=|prénom1=Ana Filipa|nom1=Vrdoljak|titre=Human Rights and Genocide: The Work of Lauterpacht and Lemkin in Modern International Law, Part {{I}}|périodique=European Journal of International Law|numéro=ID 1401234|éditeur=Social Science Research Network|date=2009-01-30|lire en ligne=https://papers.ssrn.com/abstract=1401234|consulté le=2018-07-22|pages=}}.</ref>{{,}}<ref name="Pâris2017">Constance Pâris de Bollardière, [https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20170928_lemberg-2.pdf De Lemberg à Nuremberg], laviedesidees.fr, {{date-|28 septembre 2017}}.</ref>. |
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a) Meurtre de membres du groupe ;<br /> |
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b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;<br /> |
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c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;<br /> |
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d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;<br /> |
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e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. {{fin citation}} |
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En évoquant, pour le génocide, l'obligation de prouver une volonté d’extermination totale, on entre dans des débats infinis sur l'intentionnalité supposée des criminels qui risquent de ralentir l'instruction des crimes et de bloquer le verdict. Faire intervenir dans le génocide la destruction de langues, de coutumes ou tout autre aspect « folklorique » appauvrit l'intensité du crime et fait entrer le droit dans des méandres dont il ne peut pas sortir. Lauterpacht estime donc que seul le crime contre l'humanité, constatant des massacres de fait hors de toute légalité internationale, doit être poursuivi. Il est un opposant ferme à l'introduction de la notion de génocide lors du [[Tribunal de Nuremberg|procès de Nuremberg]] et plus tard. Dans son ''Traité du droit international d'Oppenheim'' (''Oppenheim's International Law'') publié en 1958, il considère encore le concept de génocide comme « gros de lacunes, d'artifices et de dangers potentiels », marquant un « recul » par rapport à la protection des droits de l'homme<ref name="Filipa"/>{{,}}<ref name="Pâris2017"/>. |
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Cette définition a été reprise dans l'article 6<ref name="Statut de Rome">[http://www.un.org/law/icc/statute/french/rome_statute(f).pdf Statut de Rome sur le site de l'ONU]</ref> du [[Statut de Rome]] le {{Date|17|juillet|1998}}, l'acte fondateur de la [[Cour pénale internationale]]. |
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Ainsi, au [[Tribunal de Nuremberg|procès de Nuremberg]], Lemkin, conseiller de [[Robert H. Jackson]], membre de la [[Cour suprême des États-Unis]] et chef de la délégation américaine au tribunal, du fait de l'opposition d'autres juristes, échoue à faire entrer le crime de génocide parmi les chefs d'accusation. Même si le terme est sporadiquement employé dans les actes d'accusation britannique et français, il ne figure pas dans le jugement prononcé le {{date-|1 octobre 1946}} car le [[Accord de Londres|statut du tribunal]] ne le mentionne pas dans les crimes relevant de sa compétence, à savoir les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité<ref name="Wieviorka">Annette Wieviorka, [https://www.lhistoire.fr/livres/le-crime-des-crimes « Le crime des crimes »], ''L'Histoire'', {{nobr|mensuel 439}}, {{date-|septembre 2017}}.</ref>. |
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=== Usage familier du mot génocide === |
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Le néologisme de Lemkin séduit néanmoins de nombreux politiciens et intellectuels, ainsi que des juristes qui pensent que « génocide » peut qualifier certains crimes odieux que la définition habituelle du crime contre l'humanité laisse de côté. L'[[Organisation des Nations unies]], en même temps qu'elle définit la charte universelle des droits de l'homme, décide de mettre en place une organisation visant à empêcher dans l'avenir l'occurrence de génocide, en espérant que le risque de sanction internationale réfrénerait les ardeurs. Les débats auxquels participe Lemkin jugent nécessaire une modification de sa première définition. Une [[incrimination]] de génocide entre rapidement dans le [[droit positif]] avec l’adoption le {{date-|9|décembre|1948}} à Paris, au [[palais de Chaillot]], de la [[Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide]], dont Lemkin est le principal rédacteur. |
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La racine ''genos'' implique que l'on est tué pour ce que l'on est par la naissance. Le terme « génocide » passé dans le vocabulaire courant connaît une acception plus large représentant la gradation ultime dans l'échelle de gravité. Il est donc parfois utilisé pour qualifier des événements qui frappent par leur ampleur et leur horreur, sans considération de leur adéquation aux critères juridiques définissant le crime de génocide. |
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Selon le ''[[Dictionnaire historique de la langue française]]'' d'[[Alain Rey]], le mot « génocide » se fait jour en français en même temps qu'il apparaît en anglais. D'abord beaucoup employé à propos des nazis et de leur « [[solution finale]] » du « problème juif », il se dit de la destruction méthodique ou de la tentative de destruction d'un groupe ethnique, et par extension, vers 1970, de l'extermination d'un groupe en peu de temps. |
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Dans cette définition plus large, utilisée par les médias et des historiens, un génocide est la volonté d'exterminer la totalité d'un groupe d'individus, sans préciser la qualification de ce groupe. Cette définition confond [[massacre de masse]] et génocide. Elle qualifie ainsi des massacres comme par exemple ceux perpétrés durant la [[Crimes de la révolution cambodgienne|Révolution cambodgienne]] du temps des [[Khmers Rouges]]. |
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== Définitions juridiques et sanctions == |
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On parle (à tort) de « [[génocide culturel]] » (i.e. [[ethnocide]]). Cette expression est un abus ou une confusion de langage. C'est le cas : |
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* dans les propos tenus par [[Ettore Scola]], dans une interview parue dans le journal ''Libération'' le {{Date|14|janvier|2006}}, sur le film ''[[Affreux, sales et méchants]]'' et de [[Pier Paolo Pasolini|Pasolini]] : {{citation|Le scénario correspondait à ce qu'il avait écrit sur le "génocide culturel" perpétré par la société [[Capitalisme|capitaliste]]}}. |
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* de même dans l'utilisation qu'en a faite [[Patrick Le Lay]] dans une interview au magazine ''[[Bretons (magazine)|Bretons]]'' concernant la [[politique linguistique]] française d'[[wikt:éradication|éradication]] du [[breton]]. |
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=== Définition juridique internationale === |
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Bien des usages généralisés du mot « génocide » sont considérés comme une banalisation scandaleuse, parfois d'inspiration [[négationnisme|négationniste]], de ce crime extrême par les associations de victimes des génocides arménien, juif, et rwandais. |
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La définition juridique internationale du mot « génocide », ou définition de 1948, est une définition importante, à la fois en soi (sous sa forme inchangée jusqu'à ce jour, elle sert d'[[incrimination]] de génocide pour les tribunaux internationaux) et pour les spécialistes des génocides de toutes les disciplines, qui l'ont critiquée, expliquée, adaptée, adoptée dans une littérature abondante. On la trouve dans deux documents officiels fondamentaux : la [[Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide]]<ref>[http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CrimeOfGenocide.aspx Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide], approuvée et soumise à la signature et à la ratification ou à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa {{nobr|résolution 260 A ({{III}})}} du {{date-|9|décembre|1948}}, entrée en vigueur le {{date-|12|janvier|1951}}, conformément aux dispositions de l'{{nobr|article {{XIII}}}}.</ref> adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le {{date-|9|décembre|1948}}, et le [[Statut de Rome|Statut de Rome de la Cour pénale internationale]]<ref>[https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf Statut de Rome de la Cour pénale internationale].</ref> adopté en 1998. La Convention en son {{nobr|article 2}} et le Statut en son {{nobr|article 6}} entendent par (crime de) génocide |
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{{début citation}}l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : |
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:a) [[tuerie de masse|meurtre de membres du groupe]] ; |
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:b) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; |
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:c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; |
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:d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; |
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:e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.{{fin citation}} |
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L'[[élément matériel]] du crime, plutôt orienté vers une altération physique ou une suppression des victimes, se retrouve dans cette énumération de cinq types d'actes. Mais le cœur de la définition, sensible aux interprétations, est l'exposé de l'[[élément moral]] spécifique, souvent appelé ''intention génocidaire'', inspiré par la première définition de Raphael Lemkin : il ne suffit pas que les actes contre des membres du groupe soient commis sciemment, pour la raison que ces individus appartiennent au groupe ; ils doivent être commis ou on doit les faire commettre en vue de la destruction du groupe en tant que groupe (« comme tel »), ils doivent en quelque sorte frapper ''intentionnellement le groupe'' à travers (certains de) ses membres. |
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==== L'élément matériel ==== |
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[[Image:Buchenwald-bei-Weimar-am-24-April-1945.gif|thumb|right|Camp de concentration de [[Buchenwald]], 24 avril [[1945]]]] |
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Les actes a), b) et c), souvent qualifiés de « physiques » pour les distinguer des deux autres<ref name="Chetail">Vincent Chetail, [https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2007-3-page-49.htm?contenu=article « La banalité du mal de Dachau au Darfour : réflexion sur l'évolution du concept de génocide depuis 1945 »], ''Relations internationales'', {{numéro|131}}, 2007, {{p.|49-72}}.</ref>, sont les actes qui frappent durement ou mortellement des membres du groupe, de sorte qu'ils ne puissent plus participer à la vie du groupe et que celui-ci soit concrètement réduit, immédiatement ou à long terme. Qu'ils soient ou non choisis sur des critères d'âge, de sexe, de position sociale ou autres, des individus peuvent être directement tués, un à un ou ensemble, par quelque moyen que ce soit (transpercés, brûlés, fusillés, écrasés, asphyxiés, empoisonnés, dans une attaque armée confuse ou lors d'exécutions programmées…) ; ou bien ils sont blessés mortellement, torturés, violés, paralysés, mutilés, terrorisés, rendus malades ou fous ou affligés de quelque mal profond que ce soit ; ou bien ils sont affaiblis (emprisonnés, concentrés, angoissés, agressés, esclavagisés, épuisés, affamés, privés d'aide médicale…) et aléatoirement tués par le placement prolongé du groupe dans un lieu ou une situation où la survie n'est plus assurée ([[déportation]] dans un camp, expulsion vers des terres étrangères inhospitalières, [[ghetto]] misérable, « [[Politique de la terre brûlée|terre brûlée]] »…). |
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Les actes d) et e) sont dits « biologiques »<ref name="Chetail"/>, ou bien l'acte d) seul est dit « biologique » et l'acte e) est reconnu comme un reste de l'exclusion des actes de [[Ethnocide|déculturation]] envisagés dans la première conception du génocide de Lemkin<ref name="Schabas134">{{en}} [[William Schabas]], « The Law and Genocide », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{p.|134-135}}.</ref>. Par ces deux actes, sans que nécessairement des individus soient précipités vers la mort comme dans les trois actes précédents, le groupe est privé d'enfants et donc ne se régénère plus. L'[[avortement]] et l'[[abstinence sexuelle]] peuvent être encouragés voire exigés, les couples menacés de sanctions s'ils enfantent, des familles peuvent être méthodiquement désagrégées, les hommes et les femmes durablement séparés de force, ou certains d'entre eux [[Stérilisation contrainte|stérilisés]], contraints d'utiliser des moyens [[Contraception|contraceptifs]] ou, dans certains cas, traités de manière à être ensuite accablés par leurs propres principes moraux (interdisant à une victime de viol une vie de famille, à une veuve un remariage…) ; ou bien des orphelins ou des enfants enlevés à leurs parents peuvent être formatés dans un autre environnement culturel, hors de leur groupe d'origine. |
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===Le génocide politique ?=== |
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Lors des débats qui ont préparé la définition du génocide, les avis concernant l'élément matériel étaient divers. Le « génocide culturel », qui était dans les possibilités initiales, souffrait de plusieurs critiques et certains participants voulaient même ne garder que les actes physiques pour que le crime soit perçu comme exceptionnel et très grave. En faisant référence aux violences de la [[guerre civile grecque]], les [[États-Unis]] et le représentant [[Grèce|grec]] notamment ont fait pression pour inclure les clauses d) et e)<ref name="Rabinbach"/>. |
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Une précédente définition du génocide, adoptée lors de la première assemblée générale de l'ONU le 11 décembre 1946, intégrait la destruction d'un groupe politique, à côté des groupes raciaux, religieux et autres. En 1948, le groupe politique disparait de la définition onusienne : selon [[Bernard Bruneteau]], professeur d'histoire contemporaine, c'est l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] qui a fait retirer la référence au politique en raison de ce qu'elle pouvait se reprocher. Ce faisant le génocide quitte la catégorie des [[crimes contre l'humanité]]<ref>[[Bernard Bruneteau]], ''Le Siècle des génocides'' {{lire en ligne|lien=http://www.herodote.net/articles/article.php?histoire=livreBruneteau|date=11 novembre 2008}}.</ref>. |
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==== L'élément moral spécifique ==== |
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La qualification de génocide a cependant été utilisée par des juges argentin et chilien contre des [[torture|tortionnaires]] des régimes [[Augusto Pinochet|Pinochet]] et [[Jorge Rafael Videla|Videla]], qui ont tenté d’éliminer radicalement les activistes de gauche, sur le critère de leurs opinions politiques<ref>{{Stratégie du choc}}, p 126-129</ref>. De plus, certaines législations nationales sont moins restrictives : c’est le cas du [[Portugal]], du [[Pérou]], du [[Costa Rica]], qui incluent les tentatives de destruction de « groupements politiques » ou de « groupes sociaux ». La législation française est encore plus large, puisqu’elle prévoit que le crime de génocide concerne toute « ''destruction totale ou partielle [...] d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire'' »<ref>Article 211,1 du [[Code pénal (France)|Code pénal]] {{lire en ligne|lien=http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417533&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20080720&fastPos=1&fastReqId=1350970224&oldAction=rechCodeArticle|date=11 novembre 2008}}.</ref>. |
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Même s'il est arrivé dans l'histoire universelle que des groupes humains soient annihilés, le génocide n'est pas l'extermination effective mais la tentative, réussie ou pas, d'extermination d'un groupe, voire d'une partie déterminée du groupe. Il est difficile de reconnaître un génocide factuellement peu meurtrier, comme il est difficile de déterminer l'intention et l'état mental d'un criminel. Par définition, sans intention génocidaire, un acte de l'élément matériel du crime ne constitue pas un génocide. Un dictateur pourrait, sans la moindre intention génocidaire, ordonner un massacre dans un village et systématiquement limiter les naissances dans une région qu'il contrôle. Cela sera considéré comme criminel par certaines législations, mais pour qu'il y ait génocide, en tout cas selon la définition de 1948, il faudrait en plus que l'auteur ait « l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Ces deux derniers mots soulignent la vraie cible du génocide : le groupe lui-même. Restent les autres mots, plus discutés par les spécialistes. |
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'''« … l'intention… » :''' Un agent ne peut pas perpétrer un génocide par imprudence ni par négligence, son action doit être accompagnée de connaissance et de volonté. Peu importe ce qui le motive (la haine, la cupidité, le pouvoir, la survie…), l'acte tend sciemment à la destruction du groupe<ref>Sur la différence entre intention et motivation (mobile) spécialement pour les cas de génocide, voir Larry May, ''Genocide: A Normative Account'', Cambridge University Press, 2010, {{p.|138-143}}.</ref>. Étant donné que le génocide est perçu comme « le crime des crimes » et que sa définition insiste sur l'intention, il est difficile de ne pas associer intention et planification, autrement dit de ne pas faire de la destruction du groupe le but d'un plan préparé. Un génocide que l'auteur n'a pas lui-même planifié, ou qui n'a pas du tout de plan, ou qui n'est que « dans les plans », qu'une conséquence horrible, prévue et acceptée très tôt ou un peu plus tard par l'auteur, d'actions visant d'autres buts, semble perdre un peu de son caractère criminel. Ce point délicat est débattu<ref name="Kersting">Natascha Kersting, [https://journals.openedition.org/revdh/2539 « La poursuite pénale du génocide rwandais devant les juridictions allemandes : l'intention de détruire dans l'affaire Onesphore Rwabukombe »], ''La Revue des droits de l'homme'', Actualités Droits-Libertés, 2016.</ref>, d'autant plus que l'intention est une composante de la plupart des définitions du génocide adaptées au passé lointain. L'intention génocidaire d'un agent se déduit parfois de ses déclarations publiques ou privées, permettant d'identifier un génocide en cours dans l'oppression d'une population ou son massacre très partiel. Lorsqu'un tyran raciste massacre en peu de temps tout un peuple et seulement les membres de ce peuple, la preuve de l'existence d'un plan génocidaire est apportée par ces faits et par l'idéologie raciste : le tyran ne peut pas ignorer que la fin brutale de ce peuple est ce qu'il a conçu et ordonné, même si ses déclarations publiques sont rassurantes. Qu'en est-il alors, par exemple, de la [[Actes de génocide en Amérique#Les Espagnols et les habitants des Antilles|destruction des Taïnos]] des [[Grandes Antilles]] par les [[conquistador]]s, longue, aux multiples acteurs, où les épidémies ont joué un rôle, mais criminelle à nos yeux, totale et irréversible<ref>On emploie parfois l'expression « génocidaire dans ses conséquences » pour qualifier une série de décisions malveillantes et d'actes violents qui entraîne l'annihilation d'un groupe, quand le caractère intentionnel de celle-ci est incertain.</ref> ? Sans plan repérable, la conjecture du génocide « collatéral » est risquée. Pourtant, les ''genocide studies'' gardent à l'esprit la tragédie des [[Taïnos]]. |
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== Histoire == |
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Le terme est apparu pour la première fois dans l'étude ''Axis Rule in Occupied Europe'' en 1944 (le mot est introduit au chapitre IX intitulé « Génocide ») du juriste [[États-Unis|américain]] d'origine [[Pologne|polonaise]] [[Raphaël Lemkin]] pour tenter de définir les crimes perpétrés par les [[allemagne nazie|nazi]]s à l'encontre des peuples [[Juifs|juif]], [[slaves]] et [[Roms|tzigane]] durant la [[Seconde Guerre mondiale]], ainsi que ceux commis par le gouvernement des [[Jeunes-Turcs]] de l'[[Empire ottoman]] à l'encontre des Arméniens pendant la [[Première Guerre mondiale]], et les [[Assyriens#Les Assyriens en Irak|massacres d'Assyriens]] en Irak en 1933<ref>{{en}} source : [http://www.europaworld.org/issue40/raphaellemkin22601.htm]</ref>. Il témoigne d'une double volonté de la part de la communauté internationale : |
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* celle de punir un crime jusque-là inconnu dans le vocabulaire juridique pénal ; |
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* celle de qualifier la destruction systématique du peuple juif par l'État hitlérien allemand. |
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'''« … de détruire… » :''' La destruction du groupe comme tel, qui est soit le résultat immédiat de l'effort criminel, soit un résultat progressif ou attendu dans le cours normal des événements, est de même nature que les actes contre les individus, c'est-à-dire physique et biologique : le groupe décline ou meurt par la mort de (certains de) ses membres, des morts provoquées par le génocidaire ou par toute autre cause et pas assez remplacées par des naissances ou des apports extérieurs. Le génocidaire peut aussi détruire des biens du groupe, [[Migration forcée|déplacer ou faire fuir des membres]], ou bien les incorporer à un autre groupe, mais de tels actes sont extérieurs au génocide proprement dit s'ils ne sont pas calculés pour ''in fine'' détruire le groupe physiquement et biologiquement. La clause e) de la définition (« transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ») a incité certains auteurs à penser que le [[nettoyage ethnique]] et la [[Ethnocide|déculturation]] pouvaient être des aspects de la destruction du groupe selon la définition onusienne, même si son énoncé de l'élément matériel ne les explicite pas<ref name="Schabas134"/>. Lors des procès, cette vision « sociale<ref name="Kersting"/> » de la destruction est très souvent refusée, ou ainsi corrigée : le nettoyage ethnique, tout comme le massacre, n'est pas en soi un génocide, mais s'il permet au persécuteur de tuer en masse des membres du groupe ou encore de réduire son taux de natalité, en vue de sa destruction physique et biologique, il s'intègre au plan génocidaire<ref name="Chetail"/>. Autre exemple : le massacre d'une partie d'un groupe religieux peut contraindre les survivants à la conversion religieuse, donc faire disparaître le groupe comme tel sans autre effusion de sang ; pourtant, même souhaitée par le persécuteur, ce genre de fin n'est pas une destruction selon l'interprétation majoritaire de l'incrimination de génocide ; seul ce massacre partiel aux raisons religieuses peut candidater au rang de destruction génocidaire si l'on considère qu'il est calculé pour affecter l'ensemble du groupe. |
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== Reconnaissance juridique == |
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Le génocide a été juridiquement redéfini dans la ''Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide'', adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948. Ce document définit un génocide comme un ensemble d'actes {{citation|commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel}}. |
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'''« … en tout ou en partie… » :''' Ces cinq mots apportent une précision sur la destruction envisagée par le génocidaire et non sur sa concrétisation ; en d'autres termes, ils disent de l'intention spécifique qu'elle n'est pas toujours la volonté d'exterminer la totalité du groupe victime. En convoquant l'idée d'une somme d'individus, l'expression semble s'opposer d'une certaine manière à « groupe comme tel ». Elle incite d'abord à penser que le génocide frappe des individus pour la raison qu'ils appartiennent au groupe. La plupart des analystes tiennent cette « raison » pour implicite dans la définition du génocide, et généralement cela ne gêne pas l'étude de cas. Pourtant, le [[génocide au Bangladesh]] par exemple ou, plus encore, le [[Porajmos]] remettent en cause cette opinion<ref>Au Bangladesh en 1971, si des hindous furent tués en tant qu'hindous, il est moins clair que des Bengalis furent tués en tant que Bengalis. La mythologie nazie faisant des Tsiganes des descendants des « Aryens », ils furent (mais pas tous) persécutés pour leur métissage, leur non-appartenance au groupe « pur ».</ref>. Mais le problème difficile posé par l'idée d'une destruction partielle est : quelle est la taille minimale de la partie du groupe vouée à disparaître, pour qu'il y ait génocide ? Bien qu'elle soulève de nouvelles questions dans les études récentes, une solution s'est peu à peu imposée chez les juristes et de nombreux chercheurs : le génocidaire vise le groupe entier, veut produire des effets, faire peser une menace sur tout le reste du groupe grâce à la destruction de la partie ; celle-ci doit donc être ''substantielle'', la quantité des individus dépendant de leur qualité, dépendant aussi de la taille totale du groupe et de la place de la partie en son sein, et satisfaisant le génocidaire. La substantialité est aussi à l'appréciation des juges et des analystes<ref name="Schabas135">{{en}} [[William Schabas]], « The Law and Genocide », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{p.|135-137}}.</ref>. Même si l'attaque odieuse de simples civils renseigne sur une intention génocidaire, les représentants politiques, les intellectuels, les soldats sont des exemples d'individus « de qualité », dont la perte est plus significative en tant qu'elle compromet la cohésion, l'identité et la sécurité du groupe, ce qui ne veut pas dire que défaire une armée et soumettre un peuple reviendrait à le génocider. |
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La [[Charte des Nations unies|Charte]] de l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] et l'article 8 de la [[convention de Genève]] obligent la communauté internationale à intervenir pour {{citation|prévenir ou arrêter des actes de génocide}}. |
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'''« … un groupe national, ethnique, racial ou religieux… » :''' Cette donnée de quatre types de groupements humains circonscrit les « groupes protégés » par la convention sur le génocide contre des intentions destructrices. Ces quatre types représentent bien les groupes considérés en 1948, par Raphael Lemkin notamment, comme des « minorités nationales » ou des « [[peuple]]s », c'est-à-dire soit des [[nation]]s souveraines, soit des collectivités ou des ensembles de familles distingués culturellement au sein d'un ou de plusieurs États ou territoires et susceptibles d'avoir des sentiments nationaux. Les classes sociales et les partis politiques sont plus difficilement associables à ces caractéristiques : la définition de 1948 exclut de tels groupes, ce qui a toujours fait débat. La taille d'un groupe protégé importe peu ; il est simplement plus facile de génocider un petit groupe. Les tentatives des experts pour définir objectivement chacun des quatre types n'aboutissent pas, ce qui n'a jamais posé de vrais problèmes lors des procès. Après des hésitations dues en partie à la notion aujourd'hui controversée de « groupe racial », le [[Tribunal pénal international pour le Rwanda]] a jugé qu'au moment du [[Génocide des Tutsi au Rwanda|génocide des Tutsi]], ceux-ci formaient un groupe ethnique distinct ; une chambre de première instance a suggéré que tout groupe « stable et permanent » est protégé par la convention sur le génocide, un avis peu repris ailleurs. Il est de plus en plus admis que les groupes sont déterminés avec une part de subjectivité, les auteurs de génocide amenant leurs propres critères<ref name="Schabas132">{{en}} [[William Schabas]], « The Law and Genocide », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{p.|132-134}}.</ref>. Toutefois, les travaux préparatoires de la convention refusent l'approche négative du groupe protégé, qui serait défini par l'absence de caractéristiques (nationales, ethniques…)<ref>[https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/91/13686.pdf ''Résumé de l'arrêt relatif à l'application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)''], communiqué de presse de la [[Cour internationale de justice]], {{date-|26 février 2007}}, {{p.|8}}.</ref>. Par exemple, un tyran qui extermine une population parce qu'elle ''n'est pas'' de sa tribu ou de son ethnie n'est pas un génocidaire si en même temps il ne cible pas un ou des groupes protégés précis. |
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Aujourd'hui l'article 6 du statut de la [[Cour pénale internationale]] définit le crime de génocide. Elle précise qu'il s'agit d'un crime se distinguant par : |
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* l'intention d'extermination totale ou partielle d'une population <ref>[http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/994756C0-045D-49FD-8CD4-8EA1E3EF35AA/0/Element_of_Crimes_French.pdf] Eléments de crimes.</ref>; |
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* {{Référence nécessaire|la mise en œuvre systématique}} (donc planifiée) de cette volonté. |
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C'est souvent la contestation de l'un de ces éléments qui fait débat pour la reconnaissance officielle d'un crime en tant que génocide. |
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==== Le génocide, un crime contre l'humanité ? ==== |
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Il ressort de cette définition que, contrairement aux idées reçues, un génocide n'implique pas nécessairement un critère quantitatif. Ainsi on évalue à environ soixante millions le nombre de morts pendant la seconde Guerre mondiale. Parmi ceux-ci seuls les six millions de juifs, les Tziganes et d'autres minorités sont considérés comme victimes d'un génocide perpétré par les nazis. À l'inverse, des massacres de masse ne constituent pas forcément un génocide. En pratique cependant, il apparaît que le critère quantitatif est un élément déterminant pour confirmer la volonté d'extermination, {{citation|en tout ou en partie}}. |
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Cette question n'est pas une controverse, sa réponse est fonction de la définition des termes employés : en [[droit international public|droit international]], le génocide et le [[crime contre l'humanité]] ont des incriminations distinctes ; mais ce dernier a aussi un sens large, embrassant alors des crimes comme le génocide. |
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Les catégories et les définitions du Statut de la Cour pénale internationale, créées et séparées à dessein lors de la conférence de Rome en 1998, sont sans ambiguïté : le génocide n'est un cas particulier, ni de crime contre l'humanité, ni de crime de guerre. Les génocides, qui peuvent être commis en temps de paix ou en temps de guerre, n'ont pas besoin du contexte d'une « attaque généralisée ou systématique », comme l'exigent les crimes contre l'humanité selon l'article 7 du Statut ; ils ne relèvent pas de la compétence de la Cour « en particulier lorsqu'ils s'inscrivent dans le cadre d'un plan ou d'une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle », tel qu'exprimé dans l'article 8 sur les crimes de guerre<ref>{{en}} Otto Triffterer, « Genocide, Its Particular Intent to Destroy in Whole or in Part the Group as Such », ''Leiden Journal of International Law'', {{vol.|14}}, {{numéro|2}}, 2001, {{p.|399-408}}.</ref>. Mais dans les faits, un acte criminel peut être perpétré avec la condition spéciale des crimes contre l'humanité et en même temps avec une intention génocidaire. La [[Shoah]] et beaucoup d'autres génocides sont aussi des crimes contre l'humanité au sens du droit international, c'est-à-dire des ensembles de meurtres et de persécutions systématiques menés par un État contre les civils d'un groupe ethnique ou religieux. Autrement dit, génocide et crime contre l'humanité sont des catégories qui se chevauchent partiellement sans que l'on puisse exactement subsumer l'une dans l'autre<ref>Cette logique est assimilée par certains historiens, par exemple par [[Ben Kiernan]] qui fait explicitement la remarque dans ''Blood and Soil'' ({{p.|15-16}}).</ref>. |
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Le terme de génocide ne s'applique qu'à des crimes ordonnés par un gouvernement ou un pouvoir de fait. Ce pouvoir dispose en général des moyens nécessaires pour légaliser ses actes après coup, ce qui justifie le recours à une législation internationale d'exception. Les massacres commis par des bandes ou organisations illégales relèvent de la justice nationale ordinaire, sauf s'il est prouvé que ces bandes ont été organisées et soutenues par le pouvoir en place. |
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Pourtant, avant la rédaction du Statut, il était fréquent de faire du génocide un fléau mondial et finalement un crime « contre l'humanité ». La [[Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide|Convention de 1948]] affirme que « le génocide est un crime du droit des gens, en contradiction avec l'esprit et les fins des Nations unies et que le monde civilisé condamne, […] à toutes les périodes de l'histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l'humanité, […] pour libérer l'humanité d'un fléau aussi odieux la coopération internationale est nécessaire ». La [[Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité]], adoptée en 1968, distingue à peine les crimes contre l'humanité et le génocide, réunis dans un ensemble de crimes très graves mais dissociés des crimes de guerre. Depuis 1994, la législation française appelle « crimes contre l'humanité » le couple formé par « le génocide » et « les autres crimes contre l'humanité »<ref>Mireille Delmas-Marty, Isabelle Fouchard, Emanuela Fronza, Laurent Neyret, ''Le Crime contre l'humanité'', Presses universitaires de France, 2013, {{chap.|2}}.</ref>. |
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Par ailleurs un problème de principe est soulevé en matière juridique : en principe, nulle loi ne doit avoir de portée [[rétroaction|rétroactive]] (car ce serait un précédent ouvrant la porte à des [[arbitraire]]s futurs) : on ne saurait classifier un [[crime]] dans une catégorie qui ''au moment où il a été perpétré'' n'existait pas. Cela n'implique pas que ces crimes doivent rester impunis, mais c'est en principe dans le cadre ''existant à leur époque'' (donc [[homicide]]) qu'il conviendrait de juger ceux antérieurs à la création du terme. Afin de contourner ce problème théorique, le Tribunal de Nuremberg a considéré que l'interdiction du crime de génocide revêtait un caractère coutumier, et qu'elle était donc préexistante à la définition juridique du crime de génocide. |
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Le langage courant et parfois la littérature scientifique renoncent difficilement aux habitudes prises par le passé : le sens englobant, voire fourre-tout, de « crimes contre l'humanité », qui permet aussi de placer le génocide au sommet de la hiérarchie des crimes et des horreurs, persiste. En France, cette persistance au sein même de la législation interne est, relativement aux définitions internationales, une source de confusion selon certains juristes<ref name="Philippe">Xavier Philippe, Anne Desmarest, [https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2010-1-page-41.htm « Remarques critiques relatives au projet de loi « portant adaptation du droit pénal français à l'institution de la Cour pénale internationale » : la réalité française de la lutte contre l'impunité »], ''Revue française de droit constitutionnel'', {{numéro|81}}, 2010, {{p.|41-65}}.</ref>. |
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=== Les génocides internationalement reconnus === |
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[[Image:Morgenthau336.jpg|thumb|Cadavres d'Arméniens. Photo prise par H. Morgenthau.]] |
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[[Image:MURAN.gif|thumb|Rwanda Murambi victimes momifiées du génocide de 1994]] |
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Quatre génocides ont été reconnus au plan juridique par des instances internationales dépendant de l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] : |
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=== Variantes de la définition juridique === |
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# Le [[génocide arménien]], commis par l'[[Empire ottoman]]. Le caractère génocidaire des massacres du peuple arménien en [[1915]]-[[1916]] a été reconnu dans un rapport de l'ONU sur la question de la prévention et de la répression du crime de génocide établi par la Commission des droits de l'homme – Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités – lors de la 38{{e}} session du Conseil économique et social de l'ONU<ref>{{en}} [http://www.armenian-genocide.org/Affirmation.169/current_category.6/affirmation_detail.html#13 ''''] ou sur le site des Nations Unies : http://documents.un.org/welcome.asp?language=F avec la cote ''E/CN.4/SUB.2/1985/6'')</ref>. Ce rapport, connu du nom de son rapporteur [[Benjamin Whitaker]], a été approuvé par la Commission des droits de l'homme de l'ONU le {{Date|29|août|1985}}<ref>{{fr}} [http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r3074.asp#P109_7819 Rapport du Sénat français sur la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915]</ref>. |
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L'extension de la définition aux groupes sociaux et politiques est une question récurrente. Déjà, la résolution 96 (I) de l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}}, adoptée le {{date-|11 décembre 1946}}, concevait le génocide comme le déni du droit à l'existence de « groupes humains », c'est-à-dire « raciaux, religieux, politiques ou autres ». La définition de la convention de 1948 ne fait plus allusion au fait politique. L'[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]], qui a persécuté des militants politiques et des populations prétendument hostiles au projet [[Communisme|communiste]], était favorable à cette exclusion<ref>André Larané, [https://www.herodote.net/Le_siecle_des_genocides-synthese-78-121.php « 1915-1994 : ''Le Siècle des génocides'' »], chronique d'herodote.net sur le livre de [[Bernard Bruneteau]] ''Le Siècle des génocides'', {{date-|26 janvier 2020}} (version modifiée d'une publication antérieure).</ref>. Cependant, même si certains historiens évoquent en particulier une pression soviétique, l'abandon des groupes politiques était soutenu par Raphael Lemkin<ref name="Schabas132"/>, ainsi que par nombre de rédacteurs de la convention, dont l'argument était que le groupe politique est un ensemble en manque de stabilité et d'homogénéité, si bien que son insertion dans la définition risquerait de conduire à des interprétations larges et abusives<ref name="Chetail"/>. |
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# Le [[Shoah|génocide des Juifs]], commis par les [[Nazisme|nazis]] en [[Allemagne]], en [[Pologne]] et en [[France]] (en [[Alsace]] au [[Struthof]]), a été reconnu par la [[Procès de Nuremberg|cour de Nuremberg]] créée par le [[Royaume-Uni]], la [[France]], l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] et les [[États-Unis]] en [[1945]], en même temps que l'on créait l'[[Organisation des Nations unies|ONU]]. On peut dire que ce génocide a servi de référence pour définir ce qu'est un crime de génocide. |
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# Le [[Génocide au Rwanda|génocide]] des [[Tutsi]]s au [[Rwanda]], commis par les milices [[hutu]]es extrémistes créées par le régime [[Juvénal Habyarimana|Habyarimana]], a été reconnu par l'ONU, dans le rapport de sa Commission des droits de l'homme le 28 juin 1994, puis lors de la création du [[Tribunal pénal international pour le Rwanda]] (résolution 955 adoptée par le [[Conseil de sécurité des Nations unies]] le 8 novembre [[1994]]<ref>{{fr}} [http://www.un.org/french/docs/sc/1994/94s955.htm Résolution 955 du Conseil de sécurité de l'ONU] du {{Date|8|novembre|1994}}</ref>. Cette résolution confirme la résolution 935<ref>{{fr}} [http://www.un.org/french/docs/sc/1994/94s935.htm Résolution 935 du Conseil de sécurité de l'ONU] du {{1er juillet}} [[1994]]</ref> de la même année). |
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# Le [[Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie]] a qualifié de génocide le [[massacre de Srebrenica]] — massacre de 2 000 à 8 000 hommes [[bosniaques]] commis par des Serbes de Bosnie en juillet [[1995]] pendant la [[Guerre de Bosnie-Herzégovine]]. Cette qualification a été prononcée lors du jugement de [[Radislav Krstić]], le 2 août 2001<ref>{{en}} [http://www.un.org/icty/krstic/Appeal/judgement/krs-aj040419e.pdf Jugement de Radislav Krstić]</ref> (décision confirmée lors du passage en appel de la même affaire le {{Date|19|avril|2004}}). Cette qualification a été confirmée également par la [[Cour internationale de justice|CIJ]] qui a cependant jugé que la [[Serbie]] en tant qu'État n'en était pas le responsable. |
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Alors que les définitions du crime de guerre et du crime contre l'humanité ont été modernisées, la définition internationale du génocide a été reprise dans l'{{nobr|article 6}}<ref name="Statut de Rome">[http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf Statut de Rome sur le site de la Cour Pénale Internationale{{pdf}}].</ref> du [[Statut de Rome]] le {{date-|17|juillet|1998}}, l'acte fondateur de la [[Cour pénale internationale]]. Lors de la conférence de Rome, [[Cuba]] avait proposé, sans succès, d'étendre la définition aux groupes sociaux et politiques<ref name="Schabas130">{{en}} [[William Schabas]], « The Law and Genocide », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{p.|130-131}}.</ref>. |
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===Autres reconnaissances=== |
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Les États du monde ont des expériences différentes et des relations différentes avec le meurtre de masse : le génocide intègre parfois les législations nationales avec des définitions subtilement modifiées, qui ont déjà eu des conséquences. |
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Le {{Date|26|février|2004}}, le [[Parlement européen]] a qualifié de génocide la déportation du peuple [[tchétchène]] en [[1944]] ordonné par [[Joseph Staline]] sous prétexte de collusion avec l'agresseur nazi<ref>{{en}}[http://www.unpo.org/article.php?id=438 ''Chechnya: European Parliament recognises the genocide of the Chechen People in 1944''] </ref>. |
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==== En France ==== |
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Depuis [[2004]], la [[Roumanie]] reconnaît le génocide de deux millions de personnes par les gouvernements communistes roumains dans la période [[1946]]-[[1989]]<ref>Gheorghe Boldur-Latescu, The communist genocid in Romania, {{ISBN|978-1594542510}}</ref>. |
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{{Article détaillé|Génocide en droit pénal français}} |
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Le [[Code pénal (France)|code pénal français]], entièrement renouvelé en 1994 par [[Robert Badinter]] après la suppression du Code pénal de [[justice militaire]] et du [[tribunal aux armées de Paris]], prévoit un chapitre intitulé « Les [[Crime contre l'humanité|crimes contre l'humanité]] », lui-même divisé en deux parties, « Le génocide » et « Autres crimes contre l'humanité », ce dernier sous-chapitre évoquant les crimes contre l'humanité au sens du droit international. Les incriminations sont proches des définitions internationales mais ne les reproduisent pas au mot près, un fait pas totalement expliqué qui alerte plusieurs juristes et militants des droits de l'homme en France et ailleurs<ref name="Philippe"/>. |
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À l'article 211-1 du nouveau Code pénal, l'incrimination de génocide expose à peu de chose près l'élément matériel en cinq types d'actes de la définition de 1948, et remplace l'élément moral spécifique par la condition suivante : l'acte doit être commis « en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ». Cette extension aux groupes arbitrairement déterminés engendre les commentaires propres à ce genre de modification dans d'autres législations nationales, et pas de critiques particulières. Les critiques se concentrent sur le « plan concerté », qui fait nécessairement de la destruction du groupe le but ultime de l'activité criminelle, qui oblige à penser le génocide comme prémédité et pas seulement prévu. |
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== Les tribunaux compétents == |
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Depuis la [[Seconde Guerre mondiale]], plusieurs tribunaux furent créés afin de juger les génocides. Certains ont été créés de toutes pièces (comme le [[Procès de Nuremberg|Tribunal de Nuremberg]] et le [[Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient|Tribunal de Tokyo]]), alors que d'autres ont compétence pour tous les génocides pouvant être perpétrés dans le monde. |
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Introduite dans le statut du [[Procès de Nuremberg|Tribunal de Nuremberg]], la notion de plan concerté est absente du [[Statut de Rome|Statut de la Cour pénale internationale]]<ref name="Vergès">Étienne Vergès, « Adaptation du droit international en droit français », ''Revue de science criminelle et de droit pénal comparé'', {{numéro|4}}, 2010, {{p.|896-905}}.</ref>. En 2008, le [[Sénat (France)|Sénat français]] adopte un projet de loi portant « adaptation du droit pénal français à l'institution de la Cour pénale internationale », qui prévoit l'introduction des crimes de guerre dans le Code pénal et la modernisation du chapitre sur les « crimes contre l'humanité ». De nombreuses [[Organisation non gouvernementale|organisations non gouvernementales]], dont la [[Coalition pour la Cour pénale internationale]] et la [[Conférence des Églises européennes]] qui dénonce un texte de loi « qui rendrait impossible la poursuite en France des auteurs présumés de crimes internationaux », jugent insuffisants les efforts des législateurs<ref name="Philippe"/>. Ceux-ci tiennent peu compte des recommandations de la [[Commission des Affaires étrangères (Assemblée nationale)|commission des Affaires étrangères]] et, en 2010, le projet de loi est adopté par l'[[Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale]] et le Code pénal est modifié. Inchangée, l'incrimination de génocide contient toujours la condition spéciale du plan concerté, également présente dans l'incrimination, pourtant modernisée, relative aux « autres crimes contre l'humanité »<ref name="Vergès"/>. |
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=== Les tribunaux ''ad hoc'' === |
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C'est à la fin de la Seconde Guerre mondiale, époque à laquelle le concept légal de génocide a été défini, que des tribunaux ont commencé à juger les crimes de génocide et les autres crimes graves commis durant des conflits armés, le crime de génocide n'étant juridiquement pas autonome, mais englobé dans la qualification de [[crime contre l'humanité]]. |
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Plusieurs sénateurs et députés français avaient pourtant évoqué la dissemblance avec les définitions internationales, la possibilité de perpétrer des crimes sans plan concerté, ou encore le problème probatoire posé par l'exigence d'un tel plan : augmenter la difficulté de prouver l'intention criminelle rend incertaine la répression de faits très graves. Mais d'autres parlementaires ont défendu l'idée du plan concerté en soutenant que celui-ci est ce qui distingue les crimes contre l'humanité des crimes de guerre et des infractions de droit commun, et en assurant que l'existence d'un plan peut être déduite, que la prouver ne nécessite pas la production en justice d'un écrit<ref name="Vergès"/>. |
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Il a existé plusieurs tribunaux qui ont été créés de toutes pièces pour juger certains crimes de génocide : |
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* le [[Procès de Nuremberg|Tribunal de Nuremberg]], pour la [[Shoah]] et les crimes des [[Nazis]], |
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* le [[Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie]] (TPIY), pour les crimes commis lors des [[guerres de Yougoslavie]], notamment le [[massacre de Srebrenica]], |
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* le [[Tribunal pénal international pour le Rwanda]] (TPIR), pour le [[génocide au Rwanda]], |
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* les [[Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens]] (CETC) pour le génocide khmer rouge. |
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==== Au Canada ==== |
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=== Les tribunaux nationaux et la notion de « compétence universelle » === |
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{{Article détaillé|Génocide en droit canadien}} |
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Les pouvoirs législatifs nationaux adaptent dans leurs législations propres les dispositions du [[droit international public|droit international]]. |
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Dans la loi [[Canada|canadienne]], le génocide est un fait « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe identifiable de personnes et constituant, au moment et au lieu de la perpétration, un génocide selon le droit international » : la loi dépend donc d'une définition internationale supposée évolutive et s'ouvre déjà vers un minimum de restrictions concernant les groupes protégés<ref name="Schabas130"/>. |
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En 2019, dans un rapport commandé par le gouvernement canadien, une commission d'enquête publique qualifie de génocide les assassinats et enlèvements de femmes [[Autochtones du Canada|autochtones]] commis depuis des décennies et qui se poursuivent encore dans le pays ; elle explique notamment que le phénomène est dû à des décisions de l'État inspirées de l'[[Colonialisme|idéologie colonialiste]]. Controversé, cet emploi du mot « génocide » est toutefois accepté par le Premier ministre [[Justin Trudeau]]<ref>{{Article |langue=fr |auteur1=Ulysse Bellier |titre=« Au cours de la colonisation du Canada, il y a eu des épisodes génocidaires » |périodique=''Le Monde'' |date=2019-06-05 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/05/au-cours-de-la-colonisation-du-canada-il-y-a-eu-des-episodes-genocidaires_5471769_3210.html |consulté le=2019-07-14 |pages= }}.</ref>. |
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Des procès, relevant de cette compétence dite « universelle », ont eu lieu en [[Belgique]], en [[Suisse]] et au [[Canada]] pour des crimes relevant du [[génocide au Rwanda]]. |
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==== En Éthiopie et en Roumanie ==== |
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En [[France]] ces dispositions concernant le génocide sont traitées dans l'article [[Génocide en droit pénal français]]. Des lois, appelées « dispositions non codifiées relatives aux violations graves du droit international humanitaire », donnent compétence aux tribunaux français de juger aussi des crimes de génocide commis dans d'autres pays dans certaines circonstances. Des instructions sont en cours contre des ressortissants rwandais accueillis en France, et des plaintes déposées contre X (des militaires français) par des Rwandais vivants au [[Rwanda]] sont à l'étude au [[tribunal aux armées]] à Paris à la suite de deux décisions de la cour d'appel de Paris en mai et juillet 2006 <ref>[http://www.enquete-citoyenne-rwanda.org/ Voir le suivi des plaintes des rwandais en France sur le site de la CEC].</ref>. |
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Rares sont les États qui, ayant connu un régime [[Communisme|communiste]] brutal et mortifère, adaptent la définition du génocide. En droit [[Éthiopie|éthiopien]], l'incrimination inclut l'élimination de groupes politiques. ce qui a permis en 2006 la condamnation pour génocide de l'ex-dictateur [[Mengistu Haile Mariam]] et de dizaines de responsables du régime, en poste lors de la meurtrière [[Terreur rouge (Éthiopie)|Terreur rouge]] de 1977-1978. Certains étaient jugés par [[contumace]], Mengistu lui-même avait fui au [[Zimbabwe]], où il vit encore aujourd'hui<ref name="Tuquoi">Jean-Pierre Tuquoi, [https://www.lemonde.fr/afrique/article/2006/12/13/mengistu-haile-mariam-le-negus-rouge-est-reconnu-coupable-de-genocide-en-ethiopie_845065_3212.html « Mengistu Haïlé Mariam, le Négus Rouge, est reconnu coupable de génocide en Éthiopie »], ''Le Monde.fr'', {{date-|13 décembre 2006}}.</ref>. |
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Dans le code pénal [[Roumanie|roumain]], le génocide est la destruction totale ou partielle « d'une collectivité ou d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Censé élargir la définition, le terme « collectivité » la rend plus ambiguë et fait prendre un risque à qui veut faire condamner des criminels de l'ère communiste, dans ce pays où des politiciens assimilent la répression communiste à un génocide. Incités en 2013 à poursuivre pour génocide d'anciens membres de la [[Securitate]], des procureurs roumains ont préféré les chefs d'accusation de crimes contre l'humanité et d'homicide<ref>{{en}} Vladimir Tismaneanu et Marius Stan, ''Romania Confronts Its Communist Past: Democracy, Memory, and Moral Justice'', Cambridge University Press, 2018, {{p.|155-159}}.</ref>. |
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=== La Cour pénale internationale === |
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==== En Amérique latine ==== |
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Souvent, les accusations de génocide en Amérique latine méconnaissent ou font fi des limites de la définition. Ainsi, une telle accusation a permis aux autorités [[Bolivie|boliviennes]] de renforcer une demande d'extradition de l'ancien président [[Gonzalo Sánchez de Lozada]], qui a fui aux [[États-Unis]] pour éviter un procès concernant la répression sanglante d'une manifestation en 2003 pendant la « [[Guerre du gaz (Bolivie)|guerre du gaz]] »<ref name="Paranagua">{{Article|langue=fr|auteur1=Paulo A. Paranagua|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/05/14/le-genocide-des-mayas-en-debat-au-guatemala_3202294_3222.html|titre=Le génocide des Mayas en débat au Guatemala|périodique=Le Monde.fr|jour=14|mois=mai|année=2013}}.</ref>. Au [[Pérou]], État dont la législation admet les génocides de groupes sociaux, une plainte pour génocide déposée en 2020 contre le président [[Martín Vizcarra]] par une de ses adversaires politiques dénonce sa gestion désastreuse de la [[Pandémie de Covid-19 au Pérou|crise sanitaire de la Covid-19]]<ref>{{es}} Roy Irribarren, [https://laley.pe/art/10018/martin-vizcarra-presidente-genocida-una-denuncia-cuestionable « Martín Vizcarra : ¿Presidente genocida? Una denuncia cuestionable »], ''La Ley.pe'', 22 août 2020.</ref>. |
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Le mot « génocide » a été utilisé par des autorités ou par des juges contre des [[torture|tortionnaires]] et de hauts responsables des anciennes dictatures des années 1970 et 1980, comme les régimes d'[[Augusto Pinochet]] au [[Chili]] ou de [[Jorge Rafael Videla]] en [[Argentine]], qui ont persécuté des activistes de gauche sur le critère de leurs opinions politiques<ref>{{Stratégie du choc}}, {{p.|126-129}}.</ref>. Cependant, lorsque l'ancien dictateur [[Guatemala|guatémaltèque]] [[Efraín Ríos Montt]], responsable de nombreux massacres anticommunistes, est condamné en 2013 dans son pays, c'est pour la destruction d'un groupe ethnique, les [[Ixils]], un génocide selon la définition internationale de 1948<ref name="Paranagua"/>. |
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=== Contestations et débat sur la définition === |
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L'élargissement de la définition juridique du génocide suscite des réticences par crainte de ''banaliser'' le terme. Cela a pour conséquence d'en exclure : |
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* des mortalités de masse dues à l'organisation économique et politique d'un monde dominé par les grandes puissances financières, agro-alimentaires et industrielles<ref>[[Fernand Braudel]], ''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', {{nobr|tome 3}} : ''Le temps du monde'', Paris, Armand Colin, LGF-Le Livre de Poche, {{ISBN|2-253-06457-2}}, 1993.</ref> ; |
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* des massacres de masse comme les crimes de régimes se réclamant du marxisme (de [[Joseph Staline|Staline]], de [[Mao Zedong|Mao]], de [[Pol Pot]] ou de [[Mengistu]]), ou inversement de l'anticommunisme ([[Soeharto|Suharto]]…), qui ont été commis sur des critères politiques, professionnels et sociaux<ref>[[Stéphane Courtois]] et al., ''Le Livre noir du communisme'', Paris, Robert Laffont, {{ISBN|2-221-08204-4}}, 1997.</ref> ; |
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… bien que pour ce type de mortalité de masse, le nombre de victimes pourrait dépasser celui des victimes des génocides reconnus, ou encore celui des victimes collatérales d'invasion ou de crimes contre l'humanité (disparition de peuples migrants, [[traites négrières]])<ref>[[Israel Charny]] et al., ''Le Livre noir de l'humanité'', Paris, Privat, {{ISBN|2-7089-5607-8}}, 2001.</ref>. |
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D'autres historiens pensent que cette discrimination négative ''banalise'' encore davantage les massacres de masse que ne le ferait un élargissement officiel de la définition. Le débat en cours entre historiens a débordé dans le champ médiatique et politique, avec parfois des excès et des dérives<ref>[[Bernard Bruneteau]], ''Le Siècle des génocides'', Armand Colin, 2004, et [[Yves Ternon]], ''L'Innocence des victimes. Regard sur les génocides du {{s-|XX}}'', Desclée de Brouwer, 2001.</ref>. |
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Mais le débat purement [[Méthodologie|méthodologique]] est biaisé par celui sur les massacres de masse qui ont été commis au nom de [[croyance]]s, de [[conviction]]s ou d'États qui existent toujours actuellement, car dans ce cas, la qualification de génocide (revendiquée par les survivants des groupes-[[victime]]s) est contestée par les membres ou les ressortissants d'ethnies, confessions, partis politiques ou États tenus pour responsables, ou encore par divers historiens ou auteurs soutenant les points de vue de ces groupes jugés responsables. Quelques exemples : |
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* pour les évènements survenus en [[Anatolie]] et sur le [[haut-plateau arménien]] pendant et après la [[Première Guerre mondiale]], le qualificatif de génocide grec pontique<ref name="tatz">{{en}} Colin Tatz, [https://books.google.co.uk/books?vid=ISBN1859845509&id=khCffgX1NPIC&pg=PR13&lpg=PR13&vq=&sig=VgQBQ4-HVjDy2Kju1RpfDdy3N8E {{lang|en|''With Intent to Destroy: Reflections on Genocide''}}], Verso, Essex, 2003 {{ISBN|1-85984-550-9}}.</ref>{{,}}<ref name="totten">{{en}} Samuel Totten et Steven L. Jacobs, [https://books.google.co.uk/books?vid=ISBN0765801515&id=g26NmNNWK1QC&pg=PA210&lpg=PA210&dq=pontian+isbn:0765801515&num=100&sig=D8lv0QCu9iCqIji5nfiYvhBRC_Q&hl=en {{lang|en|''Pioneers of Genocide Studies (Clt)''}}], {{lang|en|Transaction Publishers}}, {{lang|en|New Brunswick}}, 2002 {{ISBN|0-7658-0151-5}}.</ref>{{,}}<ref name="rummel">{{en}} R. J. Rummel, [http://www.hawaii.edu/powerkills/SOD.CHAP5.HTM {{lang|en|''Statistics of Democide''}}], 2006.</ref>, utilisé par les Grecs, est contesté par la [[Turquie]] et n'est pas reconnu par l'[[Organisation des Nations unies|ONU]]. On emploie alors les expressions ''Tragédie Pontique''<ref name="blackbook">{{en}} [http://www.helleniccomserve.com/genealogy.html {{lang|en|''Black Book: The Tragedy of Pontus, 1914-1922''}}].</ref>, l{{'}}''Extermination Pontique''<ref name="photiades">{{en}} Kostas Photiades, Kostas, [http://www.greek-genocide.org//docs/the_annihilation_of_the_greeks_in_pontus.pdf {{lang|en|''The Annihilation of the Greeks in Pontos by the Turks''}}{{pdf}}], Université de Tübingen, Allemagne, 1987.</ref>, ''Atrocités commises par les Turcs dans le Pont et l'Asie Mineure''<ref>E. G. Baltazzi, ''[http://www.greek-genocide.org//docs/les_atrocites_turques_en_asie_mineure_et_dans_le_pont.pdf Les atrocités turques en Asie Mineure et dans le Pont {{pdf}}]'', Athènes, 1922.</ref>, ou encore de ''persécutions'' ou de ''[[massacre]]s''<ref name="Rendel">G. W. Rendel, ''Mémoire Du Bureau des Affaires Étrangères sur les Massacres et les Persécutions commises par les Turcs sur les Minorités depuis l'Armistice'', {{date-|20 mars 1922}}, {{nobr|''(a)'' Paragraphe 7}}, {{nobr|''(b)'' Paragraphe 35}}, {{nobr|''(c)'' Paragraphe 24}}, {{nobr|''(d)'' Paragraphe 1}}, {{nobr|''(e)'' Paragraphe 2}}.</ref>{{,}}<ref name="Akcam">{{en}} Taner Akcam, {{lang|en|''From Empire to Republic, Turkish Nationalism and the Armenian Genocide''}}, {{date-|4 septembre 2004}}, {{lang|en|Zed Books}}, {{nobr|pages ''(a)'' 240}}, {{nobr|''(b)'' 145}}.</ref>{{,}}<ref name="levene">{{en}} Mark Levene, [http://hgs.oxfordjournals.org/cgi/content/abstract/12/3/393 {{lang|en|''Creating a Modern "Zone of Genocide": The Impact of Nation- and State-Formation on Eastern Anatolia, 1878–1923''}}], Université de Warwick, {{lang|en|United States Holocaust Memorial Museum}} 1998.</ref>. On retrouve les mêmes controverses à propos du [[génocide arménien]], reconnu par l'[[Union européenne]], mais non par l'[[Organisation des Nations unies|ONU]]. |
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* En 1984, la Commission Internationale d'enquête sur la famine de 1932-1933 constituée par Congrès mondial ukrainien<ref>{{en}} {{lang|en|''[[:en:International Commission of Inquiry Into the 1932–1933 Famine in Ukraine]]''}}.</ref> qualifia de génocide la famine qui eut lieu en 1932-1933 en Ukraine, faisant 2,6 à {{unité|5|millions}} de morts, et maintenant plus connue sous le nom de [[Holodomor]]. Le Parlement ukrainien a également qualifié cette famine de génocide le {{date-|2|novembre|2006}}<ref name="29novembre2006_www.liberation.fr" />, jugement reconnu par {{unité|16|États}}. Ce qualificatif ne fait cependant pas l'unanimité, notamment parmi les historiens, qui débattent encore aujourd'hui du caractère artificiel et punitif de cet épisode tragique. L'[[Organisation des Nations unies|ONU]] ne reconnaît pas le Holodomor comme un génocide, ainsi que le [[parlement européen]] qui reconnaît cependant un caractère artificiel à cette famine. |
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* les [[Crimes de guerre du Japon Shōwa|crimes de l'armée impériale du Japon en Chine]], qualifiés de génocides par [[République populaire de Chine|Pékin]], sont également contestés au Japon même par des historiens tels [[Akira Fujiwara]]<ref>Fujiwara, {{lang|ja-Latn|''Shôwa tennô no jû-go nen sensô''}}, Aoki Shoten, 1991, {{p.|122}}.</ref> et hors du Japon par divers commentateurs comme le coréen [[Ji Man-Won]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://translate.google.com/translate?hl=en&sl=ko&u=http://news.media.daum.net/foreign/englishnews/200504/19/korherald/v8871581.html |titre={{lang|en|Jeontaeil jeontaeil {{unité|40|cycles}} of young lives .. 2010}} |site=news.media.daum.net |consulté le = 13 novembre 2010}}.</ref>. |
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* La [[Invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022|guerre en Ukraine]] est déclenchée en février 2022 par le président russe [[Vladimir Poutine]] sur des accusations de génocide contre la population russophone, qui selon plusieurs spécialistes ne reposent sur aucun fait<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Maëlane Loaëc |titre=Guerre en Ukraine : pourquoi Vladimir Poutine affirme-t-il que des « néonazis » sont au pouvoir à Kiev ? |url=https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-pourquoi-vladimir-poutine-affirme-t-il-que-des-neonazis-sont-au-pouvoir-a-kiev-2211898.html |site=tf1info.fr|date=2022-02-25}}.</ref>. En avril, le président américain [[Joe Biden]] évoque un génocide contre les Ukrainiens, et le [[parlement ukrainien]] vote une résolution qui qualifie de génocide les agissements de l'armée russe<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Le Parlement ukrainien qualifie de « génocide » les agissements de l'armée russe en Ukraine |url=https://rmc.bfmtv.com/actualites/international/le-parlement-ukrainien-qualifie-de-genocide-les-agissements-de-l-armee-russe-en-ukraine_AD-202204140553.html |site=RMC |consulté le=2022-04-14}}</ref> mais loin de faire consensus, l'usage politique du terme divise profondément les Occidentaux<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Guerre en Ukraine: l'usage du terme "génocide" divise les dirigeants occidentaux |url=https://www.bfmtv.com/international/europe/guerre-en-ukraine-l-usage-du-terme-genocide-divise-les-dirigeants-occidentaux_AN-202204140355.html |site=BFMTV |consulté le=2022-04-14}}</ref>. Le 28 avril 2022, par un vote, les députés canadiens condamnent les « actes de génocide contre le peuple ukrainien »<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Les députés canadiens condamnent les « actes de génocide » contre l’Ukraine |url=https://www.20minutes.fr/monde/3279239-20220428-guerre-ukraine-deputes-canadiens-condamnent-actes-genocide-contre-peuple-ukrainien |site=www.20minutes.fr |consulté le=2022-04-28}}</ref>. |
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On assiste à ce que l'écrivain [[Norman Manea]] et le sociologue [[Nicolas Trifon]] appellent « l'engrenage de la [[concurrence mémorielle]] »<ref>[[Nicolas Trifon]], [http://balkans.courriers.info/article10760.html Paul Goma et Norman Manea : le témoignage littéraire dans l'engrenage de la concurrence mémorielle], ''Le Courrier des Balkans'', {{date-|10 juillet 2008}}.</ref> : un groupe de victimes a tendance à se comparer aux victimes de génocides reconnus et à exiger une reconnaissance, lorsque la gravité du crime est minimisée par les bourreaux ou les responsables. La minimisation du crime confine dans certains cas à la négation des faits. Mais le [[négationnisme]] vise aussi les génocides unanimement reconnus. Un exemple fameux est la [[négation de la Shoah]] : alors que le [[Shoah|génocide juif]] est reconnu par divers pays dont l'Allemagne et étudié en profondeur par les historiens, seuls des extrémistes religieux ou politiques<ref>[[Valérie Igounet]], ''Histoire du négationnisme en France'', {{Éd.}} du Seuil, 2000 ; Marie-Laure Colson, [http://www.liberation.fr/planete/2005/12/30/ces-negationnistes-qui-votent-ahmadinejad_543211 Ces négationnistes qui votent Ahmadinejad], ''Libération'', {{date-|30 décembre 2005}}.</ref> et quelques auteurs incompétents que l'historien [[Pierre Vidal-Naquet]] appelle « assassins de la mémoire »<ref>[[Pierre Vidal-Naquet]] : ''[[Les Assassins de la mémoire]] : « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme'', La découverte/Poche, 2005, {{ISBN|2-7071-4545-9}}.</ref> tentent de propager leur falsification des données historiques. |
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Certaines interprétations de l'emploi du terme ''génocide'' par [[Raphael Lemkin]], ainsi que des travaux philosophiques comme ceux de [[Jacques Derrida]], mettent en avant la notion [[Comparaison entre la situation actuelle des animaux et la Shoah|controversée]] de [[génocide animal]]. |
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=== Génocides évoqués en rapport avec les définitions de l'ONU === |
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[[Fichier:Morgenthau336.jpg|vignette|Cadavres d'Arméniens. Photo de H. Morgenthau publiée en 1918.]] |
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L'[[ONU]] n'a pas vocation de « reconnaître » des génocides, en particulier pour des événements antérieurs à sa constitution, mais à faire poursuivre ceux qui viendraient à survenir soit par exemple via des juridictions spéciales qui adopteront leur propre définition dans leur Statut. Il n'y a pas eu de séance de l'ONU « reconnaissant » tel ou tel génocide. |
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En revanche plusieurs massacres de masse ont été évoqués comme génocide dans le cadre des travaux des instances internationales dépendant de l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] ou de juridictions nationales se rapportant directement aux textes de l'ONU : |
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Le [[Shoah|génocide des Juifs]], commis par les [[Nazisme|nazis]] en [[Allemagne]], en [[Pologne]], en [[Union soviétique]] et en [[France]] (en [[Alsace]] au [[Camp de concentration de Natzweiler-Struthof|Struthof]]), a mis en avant le terme de génocide lors du [[procès de Nuremberg]] organisée par le [[Royaume-Uni]], la [[France]], l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] et les [[États-Unis]] en [[1945]]. Contrairement à une croyance fréquente, l'inculpation de génocide, figure dans certains actes d'accusation mais n'est pas présent dans le jugement du [[tribunal de Nuremberg]]. Les condamnations ont été prononcées sur les chefs d'inculpation suivants : Crimes contre la paix, préparation de [[guerre d'agression]], [[crimes de guerre]], [[crimes contre l'humanité]]<ref name="Wieviorka"/>. Cependant, dès {{date-|décembre 1946}}, l'Assemblée générale de l'ONU adoptait la {{nobr|résolution 96}}, qui affirmait que le génocide « nie le droit à l'existence de groupes humains entiers » et qu'il est « un crime au regard du droit international ». Le {{date-|9 décembre 1948}} fut adoptée la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide<ref name="Wieviorka"/>. |
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Le [[génocide arménien]], commis par l'[[Empire ottoman]]. Le caractère génocidaire des massacres du peuple arménien en [[1915]]-[[1916]] a été cité dans un rapport de l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}} sur la question de la prévention et de la répression du crime de génocide établi par la Commission des droits de l'homme – Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités – lors de la {{38e|session}} du Conseil économique et social de l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}}<ref>{{en}} [http://documents.un.org/welcome.asp?language=F Site des Nations unies avec la cote ''E/CN.4/SUB.2/1985/6''].</ref>. Le [[rapport Whitaker]], du nom de son rapporteur Benjamin Whitaker, a fait l'objet d'une résolution par la Commission des droits de l'homme de l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}} le {{date-|29|août|1985}}<ref>[http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r3074.asp#P109_7819 Rapport du Sénat français sur la loi {{numéro|2001-70}} du {{date-|29 janvier 2001}} relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915].</ref> qui a pris note du rapport et ne l'a pas transmis à la Commission des droits de l'homme. Cette décision n'offre donc qu'une reconnaissance indirecte, les différents cas historiques cités dans le rapport Whitaker<ref>Among other examples which can be cited as qualifying are the German massacre of Hereros in 1904, (12) the Ottoman massacre of Armenians in 1915-1916, (13) the Ukrainian pogrom of Jews in 1919, (14) the Tutsi massacre of Hutu in Burundi in 1965 and 1972, (15) the Paraguayan massacre of Ache Indians prior to 1974, (16) the Khmer Rouge massacre in Kampuchea between 1975 and 1978, (17) and the contemporary Iranian killings of Baha'is. (18)</ref> ayant pour but de servir d'exemples pour justifier la création de la [[Cour pénale internationale]] confirmant la suggestion faite en ce sens précédemment dans le Rapport de Nicomède Ruhashyankiko<ref>E/CN.4 / Sub.2/416, 4 1979 Juillet.</ref>. |
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Le vote ne peut être considéré comme un acte juridique positif de l'ONU sur le cas arménien ni d'ailleurs sur les autres cas évoqués (le massacre des Herreros de 1904, le pogrom ukrainien de 1919, le massacre des indiens Ache au Paraguay, la tuerie des [[bahaïsme|baha'is]] en Iran) qui n'ont pas eu de suites judiciaires. Mais il range ce crime de masse parmi les exemples des crimes collectifs qu'il faut sanctionner à l'avenir et qui justifient la constitution d'un tribunal international poursuivant le crime de génocide. |
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[[Fichier:Genocide Victims Rwanda Photo by Sascha Grabow.jpg|vignette|Victimes du génocide des Tutsi au Rwanda de 1994.]] |
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[[Fichier:Mummified victims of the Rwandan genocide (1994) at Murambi Technical School.gif|vignette|Victimes momifiées du génocide des Tutsi au Rwanda de 1994 au [[Murambi Genocide Memorial Centre|Mémorial de l'ETO de Murambi]].]] |
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Le [[Génocide au Rwanda|génocide des Tutsis au Rwanda]], commis par les milices [[hutu]]es extrémistes créées par le [[Juvénal Habyarimana|régime Habyarimana]], a été reconnu par l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}}, dans le rapport de sa Commission des droits de l'homme le {{date-|28 juin 1994}}, puis lors de la création du [[Tribunal pénal international pour le Rwanda]] ({{nobr|résolution 955}} adoptée par le [[Conseil de sécurité des Nations unies]] le {{date|8 novembre 1994}}<ref>[http://www.un.org/french/docs/sc/1994/94s955.htm {{nobr|Résolution 955}} du Conseil de sécurité de l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}}] du {{date-|8|novembre|1994}}.</ref>. Cette résolution confirme la {{nobr|résolution 935}}<ref>[http://www.un.org/french/docs/sc/1994/94s935.htm {{nobr|Résolution 935}} du Conseil de sécurité de l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}}] du {{date-|1|juillet|1994}}.</ref> de la même année). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a reconnu le viol comme moyen de perpétrer un génocide dans l'affaire Akayesu en 1998<ref>{{Ouvrage|prénom1=Jean|nom1=Albert|titre=L'avenir de la justice pénale internationale|éditeur=Bruylant|collection=Macro droit, micro droit|date=2024|passage=168|isbn=978-2-8027-7345-0|consulté le=2024-07-15}}</ref>. |
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Le [[Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie]] a qualifié de génocide le [[massacre de Srebrenica]] — massacre d'environ {{unité|8000|hommes}} [[bosniaques]]<ref>[[Agence France-Presse|AFP]], [https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/08/27/des-restes-humains-exhumes-pres-de-srebrenica_1403659_3214.html « Des restes humains exhumés près de Srebrenica »] dans ''Le Monde'', {{date-|27 août 2010}}. Consulté le {{date-|30 août 2010}}.</ref> commis par des Serbes de Bosnie en {{date|juillet 1995}} pendant la [[guerre de Bosnie-Herzégovine]]. Cette qualification a été prononcée lors du jugement de [[Radislav Krstić]], le {{date-|2 août 2001}}<ref>{{en}} [http://www.un.org/icty/krstic/Appeal/judgement/krs-aj040419e.pdf Jugement de Radislav Krstić{{pdf}}].</ref> (décision confirmée lors du passage en appel de la même affaire le {{date-|19|avril|2004}}). Cette qualification a été confirmée également par la [[Cour internationale de justice|CIJ]], qui a cependant jugé que la [[Serbie]] en tant qu'État n'en était pas le responsable. |
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Le {{date-|23 décembre 2005}}, l'homme d'affaires hollandais Van Anraat voit commencer son procès devant le Tribunal du district de La Haye sous l'accusation de crime de guerre et de génocide lié au gazage de populations kurdes en Irak. L'accusation de génocide est devenue recevable au titre de la « compétence universelle » reconnue par l'ONU. Van Anraat est reconnu coupable de complicité de crime de guerre et condamné à {{nobr|15 ans}} de prison. La Cour ne le condamne pas pour génocide car elle estime que Van Anraat ne pouvait pas connaître les « intentions génocidaires » du régime. Elle affirme cependant que le gazage des Kurdes constitue bien un crime de génocide. Avec ce jugement, le gazage des Kurdes est pour la première fois qualifié de génocide par un tribunal<ref>{{en}} {{Lien web |url=http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/4555000.stm |titre={{lang|en|Killing of Iraq Kurds ‘genocide’ - A court in The Hague has ruled that the killing of thousands of Kurds in Iraq in the 1980s was an act of genocide.}} |site=news.bbc.co.uk |consulté le = 13 novembre 2010}}.</ref>. |
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L'instruction des crimes commis au Cambodge par le tribunal ''ad hoc'' créé par l'ONU ([[chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens]]) a vu apparaître l'incrimination de génocide à l'encontre de [[Khieu Samphân]], ancien chef de l'État du « [[Kampuchea démocratique]] », portant notamment sur la destruction des minorités ethniques ([[Cham (peuple)|Chams]], …) dans l'esprit de « purification » propre à l'idéologie de ce mouvement. Contraints par la définition de 1948, qui a fait disparaître de la définition initiale du génocide la notion de « classe » sociale, les procureurs n'ont pu retenir cette qualification pour l'essentiel des massacres de la population khmère, se contentant de l'incrimination comme Crimes contre l'humanité. Mais le terme de génocide est couramment employé de par le monde pour qualifier ces massacres de masse qui ont vu la disparition de {{formatnum:1700000}} personnes, près du quart de la population du pays. |
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La cour d'appel de Kiev a retenu le caractère de génocide d'[[Holodomor]], les grands massacres notamment par famine perpétrés entre 1931 et 1933 par l'Union soviétique en Ukraine en se référant explicitement aux définitions de l'ONU, mais ici encore il ne s'agit que d'un rattachement indirect aux travaux de l'ONU, le terme de génocide étant reconnu par certains états et refusé par d'autres, notamment la Russie. Le gouvernement « Orange » d'Ukraine cherchera mais en vain à faire reconnaître Holodomor comme génocide à l'ONU, l'ONU refusant d'évoquer directement des crimes antérieurs à sa création. |
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[[Omar el-Béchir]], le président soudanais, est depuis {{date-|mars 2009}} sous le coup d'un mandat d'arrêt pour [[Crime contre l'humanité|crimes contre l'humanité]] au [[Darfour]], inculpation qui a été complétée en {{date-|juillet 2010}} d'un chef de génocide. Le conflit du Darfour aurait fait {{nb|300000 morts}} selon l'ONU, {{formatnum:10000}} selon Khartoum<ref>{{Article|langue=fr|titre=« Un génocide est toujours en cours au Darfour », déclare le Procureur de la CPI devant le Conseil de sécurité|périodique=Nations unies|date=2010-12-09|url=http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/CS10107.doc.htm}}.</ref>{{,}}<ref>''Le Figaro'', {{date-|27 avril 2012}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|titre=Mandat d’arrêt contre el-Béchir|date=2008-07-14|périodique=Le Soir|lien périodique=Le Soir|lire en ligne=http://archives.lesoir.be/?action=nav&gps=616540}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|titre=Nouveau chef d'accusation de génocide contre Omar Al-Bachir|date=2010-07-12 |périodique=Le Monde Afrique|lien périodique=Le Monde|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2010/07/12/nouveau-chef-d-accusation-de-genocide-contre-omar-al-bachir_1387069_3212.html}}.</ref>. Les magistrats de la Chambre préliminaire 1 de la Cour pénale internationale (CPI) ont validé la requête du procureur Luis Moreno-Ocampo qui leur demandait d'inculper le président soudanais Omar El-Béchir de génocide en considérant qu'il y a « des motifs raisonnables de croire en sa responsabilité pénale pour trois chefs de génocide à l'encontre des groupes ethniques des Four, Masalit et Zaghawa : génocide par meurtre, génocide par atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale, et génocide par soumission intentionnelle de chaque groupe ciblé à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique ». |
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=== Tribunaux compétents === |
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À la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand des tribunaux ont commencé à juger les crimes collectifs (crimes contre l'humanité, crimes de guerre, crimes contre la paix), le concept de génocide n'était pas encore juridiquement défini. Le terme sera employé pendant les débats du tribunal de Nuremberg et connaîtra une reconnaissance mondiale au fur et à mesure que les conditions de l'extermination des juifs par les Nazis y seront révélées. La sanction des génocides sera d'abord le fait de tribunaux ''ad hoc'' puis l'ONU reconnaîtra la « compétence universelle » des tribunaux nationaux à poursuivre tout acte de génocide où qu'il ait eu lieu, tout en créant une instance internationale spécialisée, la [[Cour pénale internationale]]. |
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=== Tribunaux nationaux disposant d'une « compétence universelle » === |
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Des procès, relevant de cette compétence dite « universelle », ont eu lieu en [[Belgique]], en [[Suisse]] et au [[Canada]] pour des crimes relevant du [[génocide au Rwanda]], ou encore aux [[Pays-Bas]] pour le gazage d'un village irakien. |
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=== Cas particulier de la France === |
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{{Article détaillé|Génocide en droit pénal français}}Des lois, appelées « dispositions non codifiées relatives aux violations graves du [[droit international humanitaire]] », donnent compétence aux tribunaux français de juger aussi des crimes de génocide commis dans d'autres pays dans certaines circonstances. Des instructions sont en cours contre des ressortissants rwandais accueillis en France, et des plaintes déposées {{nobr|contre X}} (des militaires français) par des Rwandais vivants au [[Rwanda]] sont à l'étude au [[tribunal aux armées]] à Paris à la suite de deux décisions de la cour d'appel de Paris en mai et {{date-|juillet 2006}}<ref>[http://www.enquete-citoyenne-rwanda.org/ Voir le suivi des plaintes des rwandais en France sur le site de la CEC].</ref>. |
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En dépit de la ratification par la France du Statut de Rome de la [[Cour pénale internationale]] le {{date-|9 juin 2000}}<ref>[http://www.icc-cpi.int/menus/asp/states%20parties/western%20european%20and%20other%20states/france?lan=fr-FR Site de la Cour pénale internationale, ''Situation actuelle au regard de la ratification et de la mise en œuvre''].</ref>, aucune loi n'a à ce jour été votée par le Parlement français<ref>{{Lien web |url=http://www.assembleenationale.fr/13/dossiers/cour_penale_internationale_droit.asp |titre=Affaires étrangères : adaptation du droit pénal à la Cour pénale internationale|site=www.assembleenationale.fr |consulté le = 13 novembre 2010}}.</ref> qui permettrait d'instaurer la [[compétence universelle]] des juridictions françaises pour connaître des crimes relevant de la compétence de la Cour : le [[crime de guerre]], le [[crime contre l'humanité]] et le génocide<ref>[http://www.cfcpi.fr/IMG/pdf_Juger_enfin_en_France_les_auteurs_de_crimes_internationaux.pdf ''Juger enfin en France les auteurs de crimes internationaux. Sur le nouvel {{nobr|article 689-11}} du Code de procédure pénale adopté par le Sénat''{{pdf}}], CFCPI, {{date-|25 septembre 2008}}.</ref>{{,}}<ref>[http://www.cncdh.fr/IMG/pdf/08.11.06_Avis_CPI.pdf ''Avis sur la loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour Pénale Internationale''{{pdf}}], CNCDH, {{date-|6 novembre 2008}}.</ref>. |
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=== Tribunaux {{lang|la|''ad hoc''}} === |
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Il s'agit de tribunaux qui ont été créés de toutes pièces pour juger certains crimes de génocide : |
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* le [[Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie]] (TPIY), pour les crimes commis lors des [[guerres de Yougoslavie]], notamment le [[massacre de Srebrenica]] ; |
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* le [[Tribunal pénal international pour le Rwanda]] (TPIR), pour le [[génocide au Rwanda]] ; |
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* les [[Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens]] (CETC) ; |
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* le [[Tribunal spécial irakien]], pour les crimes commis par le régime de Saddam Hussein. |
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=== Cour pénale internationale === |
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{{Article détaillé|Cour pénale internationale}} |
{{Article détaillé|Cour pénale internationale}} |
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Les génocides qui ont été commis durant le {{XXe siècle}} ont petit à petit poussé les gouvernements et surtout les [[Organisation non gouvernementale|organisations non gouvernementales]] à réfléchir sur la mise en place d'une structure judiciaire permanente chargée de juger de tels crimes. C'est ainsi qu'est née la [[Cour pénale internationale]] (CPI). |
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L'une des particularités de cette Cour est qu'elle ne se substitue en aucune manière aux tribunaux nationaux, ce qui n'est pas le cas des tribunaux ''ad hoc''. La CPI n'intervient que lorsque les tribunaux nationaux ne sont pas en mesure de juger les crimes pour lesquels elle est compétente, à partir du |
L'une des particularités de cette Cour est qu'elle ne se substitue en aucune manière aux tribunaux nationaux, ce qui n'est pas le cas des tribunaux {{lang|la|''ad hoc''}}. La {{abréviation discrète|CPI|Cour pénale internationale}} n'intervient que lorsque les tribunaux nationaux ne sont pas en mesure de juger les crimes pour lesquels elle est compétente, à partir du {{date-|1 juillet 2002}}, date d'entrée en vigueur du statut de la {{abréviation discrète|CPI|Cour pénale internationale}}. |
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Une des difficultés de ce tribunal est qu'il ne peut traiter que de crimes récents dont les auteurs ont perdu le pouvoir, qui ne sont pas poursuivis par les successeurs ou qui n'ont pas été renvoyés devant des cours spéciales, ce qui limite à l'extrême son activité. |
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== Les massacres au caractère génocidaire controversé== |
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== Les génocides dans l'histoire == |
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Les notions juridiques de génocide et de crimes contre l'humanité se sont fait jour au début du {{XXe siècle}}. Sous l'angle du débat historique, plusieurs massacres ou/et déportations survenus au cours de l'histoire sont actuellement considérés par certains{{qui}} comme des génocides et/ou crimes contre l'humanité. Cela soulève, entre autres, deux questions :<br /> |
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Les mots « génocide » et « génocidaire », termes juridiques du {{s-|XX}}, peuvent être utilisés rétrospectivement et précautionneusement, avec des critères précisément définis, pour apporter une analyse nouvelle de certains événements historiques, dont les meurtres collectifs massifs<ref>{{article|langue=français|prénom1=Samuel|nom1=Tanner|titre=Le génocide à l’épreuve des massacres de masse contemporains : vers une rupture paradigmatique ?|périodique=''Criminologie''|volume=39|numéro=2|année=2006|pages=39-58|url texte=http://id.erudit.org/iderudit/014427ar|doi=10.7202/014427ar | issn=0316-0041}}.</ref>. Certains historiens préfèrent travailler avec la notion moins polémique de massacre, ou préfèrent se concentrer sur les génocides étendus et systématiques contemporains, mais la grande majorité reconnaissent aujourd'hui, comme jadis [[Raphael Lemkin]] ou encore la [[Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide]]<ref>Cette [https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CrimeOfGenocide.aspx convention] reconnaît qu'« à toutes les périodes de l'histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l'humanité ».</ref>, que certains peuples anciens ont été décimés parce que des tyrans ou des conquérants ont voulu qu'ils disparaissent avec leur culture, pour des raisons complexes, sans que la destruction soit leur première motivation<ref>Donald Bloxham et A. Dirk Moses (dir.), ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, en particulier l'introduction et les {{nobr|chapitres 1}} et 12.</ref>. |
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- le caractère anachronique de jugements qui relèvent plus de la morale que du droit ou de l'histoire,<br /> |
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- la confusion entre la notion juridique (le législateur, le juge) et l'analyse historique (le chercheur). |
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Il est impossible d'énumérer tous les nombreux [[massacres génocidaires]] de l'histoire, ces tragédies où une unité militaire ou une foule en colère a fait périr des centaines de membres d'une collectivité humaine désignée à la vindicte, qui représentaient une petite partie locale du groupe entier. Les massacres génocidaires, ainsi que les politicides et les grands effondrements de populations, ne sont évoqués dans la liste qui suit que s'ils permettent d'éclairer les « vrais » génocides ou s'ils ont été couramment appelés « génocides » par des journalistes, des politiciens ou des militants et ont pénétré les études académiques. Les événements désignés ci-dessous en caractères gras (à partir du {{s-|XIX}}) sont des génocides très étudiés et reconnus par une nette majorité de spécialistes<ref>On ne s'étonnera donc pas si, par exemple, l'extermination des babis au milieu du {{s-|XIX}}, peu étudiée et pourtant correspondant aisément à l'idée qu'on se fait d'un génocide, ne soit pas en gras contrairement, à la même époque, au moins rapide et plus complexe génocide des Indiens de Californie, événement traumatisant aux États-Unis.</ref>. |
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* La colonisation des [[Amériques]] par les puissances européennes a entraîné la destruction quasi-totale de plusieurs peuples d'[[Amérique du Sud]] et réduit de 35 millions environ à moins de 2 millions de personnes la population amérindienne d'[[Amérique du Nord]] entre 1500 et aujourd'hui. La population du continent latino-américain était évaluée à 50 millions en [[1492]] (25 millions dans l'empire aztèque, 12 millions dans l'empire inca), et 8 millions en [[1650]] (dont un million, soit moins de 4 %, au Mexique<ref>[[Fernand Braudel]], ''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', tome 3 : Le temps du monde, Paris, Armand Colin, LGF-Le Livre de Poche, {{ISBN|2253064572}}, 1993, p 489</ref>). La diminution de la population amérindienne apparaît de manière sensible vers 1545 et s'accentue vers 1570, à cause, avant tout, des microbes véhiculés par les Européens. Le bétail, importé d'Europe, souillait l'eau consommée par les populations autochtones. La chute de la population suit le retrait, en [[1572]], des privilèges apostoliques détenus par les [[Ordre des frères mineurs|Franciscains]], qui avaient bâti des aqueducs et des fontaines publiques pour assurer l'accès à une eau saine<ref>Christian Duverger, « Espagnols-Indiens : le choc des civilisations », ''L'Histoire'', n°322, juillet-août 2007.</ref>. Le caractère génocidaire de ce désastre est cependant contesté, le caractère intentionnel et le but recherché n’apparaissant pas (les Espagnols désiraient davantage convertir que massacrer, et avaient besoin de la main-d’œuvre indienne, qu’ils ont dû remplacer par des esclaves africains). Il s’agit plus d’un [[ethnocide]] que d’un génocide. |
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Les articles [[Révolte des Pueblos]], [[Révolte de Túpac Amaru II]], [[Massacres de 1804 en Haïti]], [[Révolte des cipayes]] présentent des exemples de massacres génocidaires dits « génocides subalternes » ou « génocides par les opprimés »<ref>Voir Nicholas A. Robins et Adam Jones (dir.), ''Genocides by the Oppressed: Subaltern Genocide in Theory and Practice'', Indiana University Press, 2009, en particulier l'introduction et les {{nobr|chapitres 1}}, 2 et 9.</ref>. Pour un célèbre exemple de « génocide réciproque » ou « rétributif » où deux collectivités s'entretuent<ref>Voir Ian Talbot, « The 1947 Partition of India », dans Dan Stone, ''The Historiography of Genocide'', Palgrave Macmillan, 2008, {{chap.|16}}.</ref>, voir l'article [[Partition des Indes]]. |
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* [[Conquête de l'Algérie]] : selon [[Olivier Le Cour Grandmaison]]<ref> Olivier Le Cour Grandmaison, ''Coloniser Exterminer'', [[Fayard (édition)|Fayard]], [[2005]]</ref>, la conquête de l'Algérie s'est traduite par l'extermination du tiers de la population, soit près d'un million de morts, du fait de causes sont multiples (massacres, déportations, famines ou encore épidémies), mais étroitement liées entre elles. Ce qui interdit de tenir les deux dernières pour des phénomènes naturels sans rapport avec la pacification meurtrière de ce territoire et témoigne de la dimension exterminatrice de l'entreprise. |
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=== Préhistoire === |
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* La [[traite des noirs]] est reconnue comme un [[crime contre l'humanité]] par la plupart des pays. En [[France]], une loi du [[21 mai]] [[2001]] affirme que la traite négrière et l'[[Esclavagisme|esclavage]] constituaient des crimes contre l'humanité. En dépit du nombre de victimes, qui fait en l'état l'objet d'évaluations très variées (de 60 à 600 millions de victimes, selon certains historiens{{référence nécessaire}}) et qui fait de la traite des noirs la plus importante [[déportation]] de l'histoire de l'humanité, le caractère de génocide est contesté au regard des critères juridiques de cette qualification. La reconnaissance par l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] de la qualification génocidaire est demandée par la plupart des pays [[Afrique|africains]], ainsi que par de nombreuses [[Organisation non gouvernementale|organisations non gouvernementales]] « du Nord », par exemple, le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDP) et la Société savante des encyclopédistes africains<ref>[http://www.afrology.com/projets/encyclo.html]</ref>. À l'opposé, des historiens, bien que ne niant pas qu'un [[crime contre l'humanité]] ait été perpétré, affirment que « l'extermination des noirs n'était pas le but de la traite », mais l'une de ses conséquences, et ne peut donc être considérée comme un génocide. |
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L'hypothèse de violences génocidaires expliquant l'extinction de l'[[Homme de Néandertal]] est aujourd'hui réfutée. Les paléontologues ont établi que les Néandertaliens cohabitaient avec les ''[[Homo sapiens]]'', et ont même engendré une descendance commune qui a laissé une trace significative dans le génome des humains modernes hors d'Afrique. Bien qu'il ne faille pas écarter l'hypothèse d'un possible génocide visant ''Homo neanderthalensis'', l'hypothèse la plus probable à ce jour est que ce soient les conditions climatiques et la pression environnementale, par la sélection naturelle et la dérive génétique, qui ait conduit à leur extinction<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Frédéric Joignot|titre=(Re)lecture d'été (3), Néandertal, l'autre humanité. Elle aurait été anéantie par Homo Sapiens voici 40 000 ans.|périodique=Le Monde|date=20 Juillet 2020|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2022/07/20/neanderthal-lautre-humanite-elle-aurait-ete-aneantie-par-homo-sapiens-voici-40-000-ans/|consulté le=25 Janvier 2023|accès url=libre}}</ref>. |
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=== Antiquité === |
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* Sous la [[Terreur (Révolution française)|Terreur]], les massacres commis par les républicains, en particulier les [[colonnes infernales]], pendant la [[guerre de Vendée]] en [[France]], en [[1793]] et [[1794]], ont amené [[Gracchus Babeuf]] à parler de [[populicide]]. Dans les années 1980, ce terme a été assimilé par l'historien [[Reynald Secher]] à celui de génocide. En février 2007, une proposition de loi visant à la « reconnaissance du génocide vendéen » a été déposée à l'[[Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale]] par neuf députés de droite<ref>[http://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/genocide_vendeen.asp Proposition de loi n° 3754] déposée le 21 février 2007 à l'Assemblée nationale française. Voir également [http://revolution-francaise.net/2007/06/30/144-proposition-loi-vendee-atteinte-liberte-citoyen La proposition de loi sur "le génocide vendéen", une atteinte à la liberté du citoyen] sur Révolution Française.net</ref> ; elle s'appuie sur les travaux de cet historien et ceux de l’écrivain [[Michel Ragon]]. Cependant, le caractère génocidaire de ces massacres demeure [[Guerre de Vendée#Le débat sur le « génocide vendéen »|controversé]] (intention réelle d’extermination, critère réel de discrimination) et n'a pas remporté l'adhésion des parlementaires français. |
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Il demeure également impossible de s'assurer de l’existence d'évènements historiques assimilables à un génocide avant l'[[Antiquité]], faute de vestiges archéologiques probants<ref>{{en}} Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017, {{p.|7}}.</ref>. Les récits antiques relatent des faits très exagérés, impliquant des forces surnaturelles et relevant du [[mythe]], à l'image de l'anéantissement de [[Troie]] chez [[Homère]], ou de celui de [[Jéricho]] dans l'[[Ancien Testament]] ; cela montre déjà, selon l'historien Norman Naimark, que les Anciens croyaient que les relations entre les peuples, mêlées de décisions divines, pouvaient conduire à des désastres radicaux et marquants<ref>{{en}} Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017, {{p.|10}}.</ref>. D'autres récits d'atteinte à la vie de communautés humaines sont réalistes, convaincants, voire vérifiables. Plus la victime ressemble à une [[cité-État]] jadis rayonnante, plus le niveau de destruction dépasse les standards de l'époque, plus le terme « génocide » devient pertinent ; cependant, ce qui déshonore à nos yeux le bourreau et ne le rend pas plus riche, est souvent pour lui un moyen d'accroître ou d'afficher son pouvoir<ref name="Wees">{{en}} Hans van Wees, « Genocide in the Ancient World », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{chap.|12}}.</ref>. |
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* Surréactions très exceptionnelles du roi d'[[Assyrie]] [[Sennachérib]]<ref name="Wees"/> : |
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* Le [[génocide des Hereros]]<ref>Le mot « génocide » est employé par François-Xavier Fauvelle-Aymar, ''Histoire de l'Afrique du Sud'', Paris, Seuil, 2006, {{ISBN|2020480034}}, p.343</ref> par les [[Allemagne|Allemands]] en [[1904]], reconnu en [[2004]] par un ministre allemand aux commémorations du centenaire de cet événement. |
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** l'extermination des habitants de Hirimme, ville fortifiée réputée indépendante et arrogante, a lieu lors de la première campagne du roi contre la rebelle [[Babylone]] en {{date|-703}} ; |
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** la destruction de Babylone en {{date|-689}} fut décrite à l'époque comme totale mais ce ne fut vraisemblablement pas le cas, bien que le coût humain, matériel et culturel fût élevé. |
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* Anéantissement de la ville [[Phocide|phocidienne]] de [[Crissa|Kirrha]] par l'[[amphictyonie de Delphes]] en {{date|-591}} lors de la [[Guerres sacrées#La première guerre sacrée (environ 600-590 av. J.-C.)|première guerre sacrée]]<ref name="Wees254">{{en}} Hans van Wees, « Genocide in the Ancient World », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{p.|254-255}}.</ref>. |
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* L’''[[Holodomor]]'' est le terme spécifique à la partie [[Ukraine|ukrainienne]] de la [[Famines soviétiques de 1931-33|grande famine soviétique de 1932-1933]] provoquée en [[Ukraine]] et dans le [[Kouban]] (Russie). La qualification de génocide a été votée par le parlement ukrainien en [[2006]]<ref name="Hélène Despic-Popovic Libération">Hélène Despic-Popovic, « Kiev reconnaît la grande famine comme génocide » dans ''Libération'' du 29/11/2006, {{Lire en ligne|lien=http://www.liberation.fr/actualite/monde/220034.FR.php}}</ref>, reconnue par certains pays, dont les États-Unis et le Canada, mais rejetée par certains pays soviétiques ayant également souffert de la famine (notamment la [[Russie]] et [[Kazakhstan]]). Le [[Parlement européen]] reconnaît l' ''Holodomor'' en Ukraine comme « crime contre l'humanité » et « crime contre le peuple ukrainien » mais sans lui donner une qualification de « génocide » <ref>[http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2008-0523+0+DOC+XML+V0//FR Commémoration de l'Holodomor, la famine artificiellement provoquée en Ukraine (1932-1933)], texte adopté le jeudi 23 octobre 2008 par le Parlement européen.</ref>. |
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* Dévastation de la riche colonie grecque de [[Sybaris]] en {{date|-510}} par [[Crotone]], sa rivale en Italie méridionale qui, pendant des dizaines d'années, s'acharnera sur les rescapés lorsqu'ils tenteront de refonder une ville<ref>Bill Leadbetter, « Les génocides dans l'histoire - L'Antiquité », dans Israel Charny (dir.), ''Le Livre noir de l'humanité'', Privat, 2001, {{p.|301}}.</ref>. |
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* La persécution Tsigane par les nazis : Bien qu'il n'y ait eu aucune discussion sur le sujet durant le [[Procès de Nuremberg]], il est certain qu'il y a eu un massacre contre ce peuple. La question actuelle est de reconnaître, ou non, ces crimes comme génocide. En langue romani [[Samudaripen]] signifie ''Le'' génocide, on parle aussi de [[Porajmos]]<ref>http://www.senat.fr/leg/ppl07-337.html</ref>. |
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* Atrocités de la [[guerre du Péloponnèse]] : les historiens [[Ben Kiernan]], spécialiste des génocides, et Hans van Wees, spécialiste de la [[Grèce antique]], ont des lectures différentes du [[La Guerre du Péloponnèse|récit de ce conflit]] par [[Thucydide]], le premier taxant la militariste [[Sparte]] de brutalité et de xénophobie quasi génocidaires<ref name="Kiernan1">{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Ben Kiernan |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{chap.|1}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>, le second qualifiant de génocides un nombre très réduit d'actions [[Athènes|athéniennes]] préméditées<ref name="Wees"/>. |
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[[Image:Odkritje trupel.jpg|thumb|upright|Victimes du camp de Jasenovac.]] |
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** Le [[siège de Mélos]], achevé au début de l'année {{date|-415}}, reste l'épisode génocidaire le plus connu de cette période : tenant enfin les Méliens à sa merci, Athènes extermine les hommes et réduit en esclavage femmes et enfants, pour la raison qu'ils ont refusé de se soumettre un an plus tôt, préférant la neutralité dans le conflit avec Sparte ; des Athéniens colonisent ensuite l'île<ref>{{en}} Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017, {{p.|12}}.</ref>. |
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* Le massacre des [[Serbes]] de [[Croatie]] et de [[Bosnie-Herzégovine]] dans l'[[État indépendant de Croatie]] dura de [[1941]] à [[1945]]<ref>http://www.ushmm.org/museum/exhibit/online/jasenovac/</ref>. [[Ante Pavelić]], qui dirigeait les [[Oustachis]] croates dans cet état satellite de l'[[Troisième Reich|Allemagne nazi]], organisa le génocide. Un tiers des Serbes devaient être exterminés, un autre tiers déplacés et le dernier tiers convertis au [[catholicisme]] ou tués selon le ministre de la [[culture]] de l'état [[croate]] [[Mile Budak]]. Le [[camp d'extermination de Jasenovac]], construit dans ce but, accueillit aussi des [[Tziganes]], des [[Juifs]], et des [[Partisans (Yougoslavie)|Partisans]]. La Croatie d'Ante Pavelić fut le seul État d'[[Europe]] à organiser lui-même la concentration et l'extermination de [[juif]]s sans l'aide des [[Allemands]]. |
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* Campagnes stratégiques brutales d'[[Alexandre le Grand]] pendant sa conquête de l'[[Empire perse]] : un exemple bien documenté est le [[Siège de Tyr (332 av. J.-C.)|siège de Tyr]] en {{date|-332}}, qui aboutit à la disparition de cette grande communauté [[Phéniciens|phénicienne]] par la mort, l'asservissement ou la capture de ses dizaines de milliers de membres<ref>[[Victor Davis Hanson]], ''Carnage et Culture. Les Grandes Batailles qui ont fait l'Occident'', Paris, Flammarion, 2002, {{p.|111-113}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Hans van Wees, « Genocide in the Ancient World », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{p.|256-257}}.</ref>. |
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* Le [[Controverse sur le génocide tibétain|génocide tibétain]] : la [[Commission internationale des juristes]] a qualifié dans un rapport de [[1959]] les massacres perpétrés au Tibet par les autorités [[République populaire de Chine|chinoises]] de génocide<ref>{{en}}[http://www.icj.org/news.php3?id_article=3415&lang=en Communiqué de presse de la CIJ de 1959]</ref>. Le bilan de l'invasion chinoise est estimé à 1,2 million de morts entre [[1959]] et [[1970]] par le [[Gouvernement tibétain en exil]], comme l'a rappelé [[Samdhong Rinpoché]] lors de son audition au Sénat en 2000<ref>[http://www.senat.fr/ga/ga_tibet/17_octobre_2000.html Compte rendu de l'audition du mardi 17 octobre 2000, Audition du professeur Samdhong Rinpoche, Président du Parlement tibétain en exil].</ref>. Les résolutions de 1959 et 1960 de la CIJ, reposant sur les plaintes et les chiffres fournis par le gouvernement tibétain en exil, devaient être remises en question à partir de 1967 lorsqu'il fut révélé que la Commission avait été créée à l'instigation de juristes américains dépendant du [[Conseil des relations étrangères]] et qu'elle avait été financée par la CIA de 1952 à 1967. Dans un livre publié en 1994 <ref>Howard B. Tolley Jr., ''The International Commission of Jurists, Global Advocates for Human Rights'', Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1944.</ref>, Howard B. Tolley Jr. a expliqué comment la CIJ avait été créée et financée par la CIA en tant qu'instrument de la guerre froide (et ce à l'insu de la majorité de ses responsables et membres) du moins jusqu'en 1967. Ebruité cette année-là, ce financement avait été mentionné à nouveau par l'ancien agent de la CIA Philip Agee dans un livre sorti en 1975 <ref>Philip Agee, ''Inside the Company: CIA Diary'', Allen Lane, 1975, p. 611.; citation : « the ICJ was set up and controlled by the CIA for propaganda operations ».</ref>. En 1993, dans la préface de l'ouvrage collectif ''Tibet, l'envers du décor'', [[Bernard Kouchner]] évoque plus d'un million de morts <ref>[http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/asiepacifique/20080417.OBS0163/1993__quand_bernard_kouchner_prefacait_un_livre_sur_le_.html Bernard Kouchner évoque plus de 1 million de victimes]; il en détaillait d'ailleurs les origines : {{Citation|Plus d’un million de Tibétains auraient péri de mort violente entre 1950 et 1980 : {{formatnum:175000}} en prison, {{formatnum:156000}} sommairement exécutés, {{formatnum:413000}} morts de faim pendant une de ces « réformes agraires » dont les théoriciens marxistes étaient friands, {{formatnum:92000}} morts sous la torture; près de {{formatnum:10000}} se seraient suicidés.}}</ref>. Le {{Date|11|janvier|2006}}, la Cour suprême d'Espagne a annoncé qu'elle allait instruire une enquête concernant l'implication de sept anciens dirigeants [[République populaire de Chine|chinois]], entre autres l'ancien président [[Jiang Zemin]] et l'ancien Premier ministre [[Li Peng]], dans un génocide au Tibet. Cette instruction est la conséquence d'un arrêté de la Cour constitutionnelle espagnole du {{Date|26|décembre|2005}} qui autorise le traitement des plaintes pour génocides, même si elles n'impliquent pas de nationaux espagnols<ref>[http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=6476 La justice espagnole se déclare compétente pour statuer sur une plainte pour "génocide contre le peuple tibétain"]</ref>. A la suite de pressions{{refnec}} émanant d'[[Israël]], de [[Chine]] et des [[États-Unis]], le [[Sénat espagnol]] a limité le {{date|19|mai|2009}} la loi de compétence universelle, celle-ci ne devant plus s'appliquer qu'à des plaignants de nationalité espagnole ou à des suspects présents sur le territoire de l'Espagne <ref>[http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/852654/2009/05/13/La-competence-universelle-de-la-justice-espagnole-remise-en-cause.dhtml La compétence universelle de la justice espagnole remise en cause], ''[[Infomonde]]'', 13 mai 2009.</ref>. |
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* Politique romaine du [[châtiment collectif]] de la trahison : lors de la [[deuxième guerre samnite]] et de la [[deuxième guerre punique]] un siècle plus tard, la [[République romaine]] en danger massacre ou réduit en esclavage les habitants de plusieurs villes italiennes prêtes à s'allier à l'ennemi<ref name="Wees254"/>. |
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* Le [[Grand Bond en avant]] ([[1959]]-[[1962]]) : 30 millions de personnes affamées par les conséquences de la politique de [[Mao Zedong]]<ref name="maostats">{{Lien web | url = http://users.erols.com/mwhite28/warstat1.htm#Mao |titre=Source List and Detailed Death Tolls for the Twentieth Century Hemoclysm | éditeur = Historical Atlas of the Twentieth Century | consulté le=2007-02-27}}</ref>. La volonté d'exterminer un peuple est controversée. |
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* [[Bataille de Carthage (149 av. J.-C.)|Anéantissement de Carthage]] par la République romaine en {{date|-146}} : cette tragédie, devenue métaphore de la destruction planifiée et du meurtre de masse dans l'esprit de nombreux criminels, des [[conquistador]]s aux [[Nazisme|nazis]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Ben Kiernan |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{p.|27-28}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>, est particulièrement citée par les spécialistes des génocides<ref name="Hinton">{{Article |langue=en |auteur1=Alexander Laban Hinton |titre=Critical Genocide Studies |périodique=Genocide Studies and Prevention: An International Journal |volume=7 |numéro=1 |date=avril 2012 |pages=4-15 |lire en ligne=https://scholarcommons.usf.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1044&context=gsp }}.</ref>. Rome attaque son ancienne rivale, qui voulait pourtant se soumettre, et après un long et meurtrier siège, réduit en esclavage les survivants (peut-être {{unité|55000}} sur une population initiale estimée à 200-{{unité|400000|habitants}}, {{unité|700000}} d'après [[Strabon]]<ref name="KiernanVF">[[Ben Kiernan]], [https://www.cairn.info/revue-diogene-2003-3-page-32.htm « Le premier génocide : Carthage, 146 A.C. »], ''Diogène'', {{numéro|203}}, 2003, {{p.|32-48}}.</ref>), puis rase la cité, dont le sol sera quasiment déserté pendant un siècle<ref>Il est intéressant de comparer les sorts de Carthage et de [[Bataille de Corinthe|Corinthe, détruite la même année]].</ref>. |
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* La [[Révolution culturelle]] ([[1966]]-[[1968]]) : cette radicalisation du communisme (ou reprise en main du pouvoir par Mao) fit au moins un million de morts<ref>[[:en:Cultural Revolution]]</ref>. |
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{{citation bloc|[[Delenda Carthago|Carthage doit être détruite]].|Antienne attribuée à [[Caton l'Ancien|Caton le Censeur]], parfois considérée comme la première [[incitation au génocide]] enregistrée par l'histoire<ref name="KiernanVF"/>.}} |
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L'esclavage se rencontre dans toute l'Antiquité mais il est difficile de savoir si les chasseurs de « sauvages » et de « barbares » ont conscience que des tribus et leur culture peuvent disparaître lors des opérations de grande envergure. L'expansionniste [[République romaine]] commence à profiter de telles opérations en {{date|-177}}, quand {{unité|85000|esclaves}} de [[Sardaigne]] et d'[[Istrie]] remplissent les marchés ; {{unité|150000|[[Épire|Épirotes]]}} s'ajoutent dix ans plus tard. La méthode consiste à massacrer jusqu'à inhiber la population, qui se laisse asservir<ref name="Wees"/>. Mais les Romains désanonymisent les tribus qui leur opposent une forte résistance, comme en [[Gaule]]. En outre, la République affronte des puissances orientales, comme le [[royaume du Pont]] de {{souverain2|Mithridate VI}} qui planifie en {{date|-88}} des actions coordonnées pour massacrer rapidement les migrants romains et italiens dans des cités d'[[Anatolie|Asie Mineure]] : ces [[Vêpres asiatiques]] font peut-être {{unité|100000|victimes}}. Ainsi, à la fin de l'Antiquité pèse la menace de génocides comparables à ceux de l'époque moderne : les victimes ne sont pas ou pas complètement rassemblées, mais soit éparpillées sur de grands espaces ruraux, soit mêlées à la population urbaine protégée par le génocidaire. |
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* Les [[Crimes de la révolution cambodgienne|massacres du ''Kampuchéa démocratique'']] ([[Cambodge]]), appelés également génocide khmer et reconnus par la majorité des historiens universitaires : entre [[1975]] et [[1979]] [[Pol Pot]] et les [[Khmers rouges]] ordonnent le massacre de leur propre peuple dans un but avoué « d'uniformisation » ethnique, religieuse et idéologique. 1,7 million de Cambodgiens sont tués. Bien que ces massacres aient tous les aspects d'un génocide, l'ONU ne les pas reconnu officiellement comme tel. Des ''chambres extraordinaires'' actuellement en exercice, qui sont dirigées par la justice cambodgienne et auxquelles participent des experts internationaux, pourront établir le caractère génocidaire de ces massacres. |
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* [[Guerre des Gaules#La question des génocides césariens|Massacres de tribus au nord de la Gaule]] durant la [[guerre des Gaules]]<ref name="Kiernan1"/>, dont deux cas très commentés : |
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* [[Massacre de Plan de Sánchez]] au [[Guatemala]] en [[1982]], où plus de 100 Indiens [[Peuple maya|maya]]s furent massacrés par l'armée nationale guatémaltèque. |
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** en {{date|-55}}, [[Jules César]] réduit deux [[Germains|peuples germaniques]] qui ont fui leurs terres, les [[Tenctères]] et les [[Usipètes]], en retenant leurs chefs et en laissant ses troupes tuer des familles entières et créer une panique générale ; |
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** à partir de {{date|-53}}, le conquérant romain fait son possible pour annihiler les [[Éburons]] dont un roi a tué plusieurs milliers de légionnaires, à tel point que ce [[Belges|peuple belge]], dispersé, ne se reconstituera plus (ou plus sous son ancien nom). |
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{{citation bloc|César envoie des messagers aux peuples voisins, excite chez eux l'espoir du butin et appelle tout le monde au pillage […], il voulait qu'en punition d'un tel forfait cette grande invasion anéantît la race des Éburons et leur nom même.|Jules César, ''[[Commentaires sur la guerre des Gaules|La Guerre des Gaules]]'', VI, 34<ref>Traduction de [[Léopold-Albert Constans]], Paris, Les Belles Lettres, 1926.</ref>.}} |
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* Répressions sévères des violentes révoltes des [[juifs]] de l'[[Empire romain]] : la [[première guerre judéo-romaine]] (durant laquelle le [[Temple de Jérusalem]] est détruit) et la [[guerre de Kitos]] sont propices aux massacres génocidaires (le sac du quartier juif d'[[Alexandrie]] en {{date|68}} de notre ère, ordonné par [[Tiberius Julius Alexander]], aurait fait {{unité|50000|morts}}, hommes, femmes et enfants, selon [[Flavius Josèphe]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Ben Kiernan |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |éditeur=Yale University Press |année=2007 |passage={{p.|13 et 14}} |isbn= |lire en ligne= }}.</ref>). Le pire est atteint vers {{date|135}}, quand la [[révolte de Bar Kokhba]] est matée par Rome : des centaines de milliers de [[Judée]]ns périssent et le [[judaïsme]] est interdit sur sa terre historique. Ce dernier événement est un génocide, d'après l'historienne Joan E. Taylor<ref>{{en}} Joan E. Taylor, ''The Essenes, the Scrolls, and the Dead Sea'', Oxford University Press, 2012, [https://books.google.com/books?id=XWIMFY4VnI4C&pg=PA243 {{p.|243}}].</ref>. |
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* Les massacres des [[Kurdes]] par le dictateur [[Saddam Hussein]] entre [[1988]] et [[1989]] au cours de l'opération [[Anfal]]. {{formatnum:182000}} personnes périrent durant cette opération<ref>« La justice irakienne rend son verdict sur le massacre des Kurdes en 1988 », dans ''[[Le Monde]]'' du 24-06-2007, {{Lire en ligne|lien=http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3218,36-927464@51-927466,0.html}}</ref>. En décembre 2005, une cour de [[La Haye]] a qualifié cette campagne de génocide. Le 24 juin 2007, le [[Tribunal spécial irakien]] a condamné [[Ali Hassan al-Majid]], surnommé « Ali le chimique », et deux autres anciens hauts dignitaires du régime de Saddam Hussein, à la peine de mort par pendaison pour le génocide commis contre les Kurdes au cours de cette opération Anfal. |
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Si des génocides ou des crimes similaires surviennent dans d'autres parties du monde, la difficulté est toujours d'avoir des récits fiables. En Chine, les [[Seize Royaumes]], surtout connus par le tardif ''[[Livre des Jin]]'', ont engendré un événement étonnant. Vers {{date|350}}, un général du [[Zhao postérieur]] nommé Ran Min, d'origine [[Han (ethnie)|han]] mais élevé parmi les Jie, tribu originaire d'Asie centrale dont une famille dirige ce royaume, massacre cette famille après avoir vraisemblablement développé un sentiment identitaire pernicieux, prend le pouvoir avec ses subordonnés han, puis concrétise un projet génocidaire : tuer massivement les « barbares » et donc, principalement, les Jie dont les visages ont des traits caractéristiques. Ran Min récompense les têtes coupées de barbares, ce qui entraîne une journée de violence insoutenable à [[Ye (Chine)|Ye]], la capitale, puis il affronte des armées barbares venues à sa rencontre. Il sera finalement vaincu par le chaos qu'il a provoqué. Peut-être {{unité|200000}} Jie sont morts, si l'on croit les textes anciens<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=David A.|nom1=Graff|titre=Medieval Chinese Warfare, 300-900|lieu=Londres et New York|éditeur=[[Routledge]]|collection=Warfare and History|année=2002|isbn=|passage={{p.|62-63}}}}.</ref>. |
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* Le [[massacre de Khodjaly]], perpétré par l'armée arménienne. En [[1993]], quatre résolutions (822, 853, 874 et 884) ont été prises par le [[Conseil de sécurité des Nations unies]]. Une seule, la résolution 874 dans son point 9, fait allusion à des violations du droit humanitaire internationale avec mise en garde « à toutes les parties », sans aucune autre précision. L'existence d'un génocide n'est donc pas envisagée. |
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=== Moyen Âge === |
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* [[Massacres et violations graves des droits de l'homme en République démocratique du Congo entre 1994 et 2003|Massacres en République démocratique du Congo]] : 4,5 millions d'affamés et de massacrés depuis 1997 durant la [[Première guerre du Congo]] et la [[Deuxième guerre du Congo]]. |
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Durant le [[haut Moyen Âge]], les génocides, s'il y en a, appartiennent à des séries d'événements très mal connus. Même en analysant la [[dévastation du Nord de l'Angleterre]] par [[Guillaume le Conquérant]] au début du [[Moyen Âge central]], l'historien C. P. Lewis souligne que les horreurs de la guerre ne sont pas nécessairement les signes d'un génocide, et que trouver des preuves dans des récits trop tardifs est impossible<ref>C. P. Lewis, « William the Conqueror's Harrying of the North », dans Ben Kiernan (dir.), ''The Cambridge World History of Genocide'', {{vol.|I}}, Cambridge University Press, 2023, {{chap.|15}}.</ref>. Dès la fin du {{s-|XII}}, des [[Conquêtes musulmanes des Indes|invasions musulmanes]] de certaines régions de l'Inde présentent un caractère génocidaire. Des questions économiques et de pouvoir, ainsi qu'une question de différences ethniques et religieuses, motivent ces conflits. Mais ce sont les [[croisade]]s médiévales qui marquent le plus une transition entre le génocide utilitaire qu'on trouve beaucoup dans l'Antiquité et le génocide idéologique moderne<ref>Kurt Jonassohn et Karin Solveig Björnson, « Les génocides dans l'histoire - Le Moyen Âge », dans Israel Charny (dir.), ''Le Livre noir de l'humanité'', Privat, 2001, {{p.|303}}.</ref>. |
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* [[Croisade des albigeois]] (1209-1229) : distingué par le massacre d'une grande partie de la population des comtés [[Languedoc|languedociens]] impliqués, ce conflit, dont le [[Siège de Béziers|sac de Béziers]] constitue le plus fameux excès, invente le génocide idéologique, selon certains historiens comme [[Mark G. Pegg]]<ref>{{Article|langue=fr|titre=‘Le monde était changé à tout jamais’ - La ‘croisade des albigeois’ et l'invention du génocide|date=2008-07-11|auteur=Mark Gregory Pegg|traducteur=Patrick Hutchinson|périodique=World Religion Watch|url=http://www.world-religion-watch.org/index.php/world-religion-watch-research-centre-28/research/events-seminars-conferences-symposii/141-le-monde-etait-change-a-tout-jamais-la-croisade-des-albigeois-et-linvention-du-genocide}}.</ref>, même si la destruction est, contrairement à de tels génocides au {{s-|XX}}, externe à la société du perpétrateur, qui par conséquent n'a pas à payer le prix fort<ref>Kurt Jonassohn et Karin Solveig Björnson rappellent qu'avant son annexion au domaine royal, le [[Languedoc]] n'est pas en [[Royaume de France|France]], dans ''Genocide and Gross Human Rights Violations: In Comparative Perspective'', Transaction Publishers, 1998, {{p.|50-52}}.</ref>. Rarement qualifiées de génocidaires, l'[[Inquisition médiévale]], dont cette croisade est un sommet, et notamment l'[[Inquisition espagnole]] instaurée à la fin du {{s-|XV}}, font en revanche des victimes « internes » dans leur recherche de l'homogénéité [[Catholicisme|catholique]]<ref name="Jonassohn52">Kurt Jonassohn et Karin Solveig Björnson, ''Genocide and Gross Human Rights Violations: In Comparative Perspective'', Transaction Publishers, 1998, {{p.|52-54}}.</ref>. |
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{{citation bloc|Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens.|Ordre d'extermination probablement apocryphe, attribué au légat pontifical [[Arnaud Amaury]] ; il justifie un [[attaque indiscriminée|massacre indiscriminé]], la justice divine étant censément capable d'éradiquer l'[[Catharisme|hérésie albigeoise]] tout en sauvant les bons chrétiens.}} |
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* Phénomène sans précédent, les larges [[conquêtes mongoles]] (accompagnées d'éventuelles épidémies et famines) ont entraîné la disparition de dizaines de millions d'[[Eurasie|Eurasiens]], surtout en [[Chine]]. [[Gengis Khan]] et ses héritiers ont montré deux visages : celui du respect de la vie et des cultures même très différentes, et celui de la destruction impitoyable de peuples qu'ils connaissaient à peine et n'avaient pas appris à haïr, mais dont les chefs s'étaient montrés offensants et belliqueux. Des cités entières, voire des royaumes, ont reçu le châtiment génocidaire des puissants [[khan]]s<ref>Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017, {{p.|16-25}}.</ref>. Citons deux exemples fameux : |
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* Les massacres du [[Darfour]] ([[Soudan]]) : en juillet 2004, le [[Congrès des États-Unis d'Amérique|Congrès des États-Unis]] a voté à l'unanimité une résolution qualifiant les massacres des populations noires du [[Darfour]] de « génocide », terme repris en septembre 2004 par le secrétaire d'État américain. Dans un communiqué de presse du {{Date|23|février|2005}} le [[Conseil de sécurité des Nations unies]] déclare : {{citation|Le gouvernement soudanais n'a pas été à même de mettre fin aux attaques des milices contre les civils ni de les désarmer.}}. La sentence tombe le [[2 septembre]] de la bouche du Représentant spécial du Secrétaire général pour le [[Soudan]] qui, nommé un mois plus tôt, revient d'une mission au Darfour. Le Conseil réagit. Il adopte, par 11 voix pour et 4 abstentions, la résolution 1564 dans laquelle il menace de prendre des mesures, telles que celles contenues dans l'article 41 de la Charte de l'ONU, à l'encontre notamment du secteur pétrolier, du Gouvernement du Soudan ou de certains de ses membres. Dans cette résolution, le Conseil charge aussi le Secrétaire général de créer une commission internationale pour déterminer si des actes de génocide ont eu lieu et pour en identifier les auteurs <ref>{{en}} [http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/515/48/PDF/N0451548.pdf] {{pdf}}.</ref>. |
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** l'[[Invasion mongole de l'Empire khwarezmien|invasion et la ruine de l'Empire khwarezmien]] en 1219-1221 : des centaines de milliers d'innocents sont exterminés alors qu'ils ne représentaient aucun danger ; le dernier souverain khwarezmien en fuite est assassiné quelques années plus tard ; |
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** la [[Invasions mongoles de la Hongrie#Première invasion|première invasion du royaume de Hongrie]] en 1241-1242 lors des incursions européennes de l'armée de [[Batu]] : près de la moitié de la population des régions occupées disparaît et la Hongrie ne doit vraisemblablement sa survie qu'au retrait des Mongols à l'annonce du décès de leur empereur [[Ögedeï]]. |
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* Destruction du [[royaume de Champa]] par le [[Dai Viêt]] : en 1471, {{unité|120000|[[Cham (peuple)|Chams]]}} sont massacrés ou capturés dans une guerre éclair et leur territoire est réduit à une petite enclave<ref>Anne-Valérie Schweyer, ''Le Viêt Nam ancien'', Belles Lettres, 2005, {{p.|47}}.</ref>. Née d'un projet expansionniste « civilisateur » et poursuivie par intermittence jusqu'en 1509, la politique génocidaire vietnamienne est liée à la maîtrise des [[Arme à feu|armes à feu]], qui donne au conquérant un sentiment de supériorité vérifiée dans ses victoires écrasantes<ref name="Kiernan3">{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Ben Kiernan]] |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{chap.|3}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>. |
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===Les massacres de masse dans l'histoire=== |
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{{Article détaillé|Liste des massacres}} |
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Les massacres de peuples entiers non seulement ont déjà eu lieu dans le passé mais étaient choses courantes lors des guerres ou simplement des razzias. La plupart du temps, lorsqu’un peuple nomade se heurte à un empire sédentaire, la défaite se traduit par une disparition de ce peuple (massacre et réduction en esclavage des survivants). Des raisons religieuses en sont aussi souvent la cause. On peut citer comme exemples : |
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* le massacre des [[Cimbres]] par les Romains, vers [[-100]] ; |
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* le massacre des [[Helvètes]] par les Romains, à la [[bataille de Bibracte]], en [[-58]], lors de leur tentative de migration vers la [[Saintonge]] ; |
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* le génocide des [[Gaulois]] par les Romains, durant la [[guerre Des Gaules]] : Sur les 7 millions d'habitants estimés de la Gaule, 2 millions de Gaulois assassinés ou déportés (Le Revue de l'Histoire N°51 p81) ; |
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* la conquête de la [[Dacie]] ([[Roumanie]] actuelle) par les [[Rome antique|Romains]] ; |
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* les campagnes d'exterminations de [[Muhammad Ghûrî|Muhammad de Ghor]] en Inde à la fin du {{XIIe siècle}} ; |
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* les guerres punitives des Mongols de [[Gengis Khan]] et de ses descendants au {{XIIIe siècle}} (politique de la terreur) ; |
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* le massacre de millions de [[Civilisation chinoise|Chinois]] par les [[Mongols]] au {{XIIIe siècle}}, qui représente la plus grande extermination d'êtres humains de toute l'Histoire, en valeur relative, les estimations variant entre dix et quarante millions (dix-huit selon [[Kubilai Khan]]) ; |
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* le 22 juillet 1209, le [[Sac de Béziers]] : les troupes conjointes du pape [[Innocent III]] et du [[roi de France]] [[Philippe II de France|Philippe II]] massacrent toute la population de la ville de Béziers. Un prélude au bûcher de [[Montségur]] le 16 mars 1244 et à l'[[Inquisition]]. Des massacres jamais reconnus par l'[[église catholique]]. |
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* le génocide des [[Taino (peuple)|Tainos]]<ref name="Duverger16">Christian Duverger, « Espagnols-indiens : le choc des civilisations », dans ''[[L'Histoire]]'', n°322, juillet-août 2007, p 16</ref>{{,}}<ref name="Duverger21">Christian Duverger, « Espagnols-indiens : le choc des civilisations », dans ''[[L'Histoire]]'', n°322, juillet-août 2007, p. 21.</ref> commis par les Européens durant la conquête de l'île d'[[Hispaniola]]. [[Bartolomé de las Casas]] dans son livre ''[[Historia General de las Indias]]'' raconte qu'en [[1508]] il restait environ 60 000 Tainos. En [[1531]], l'exploitation dans les mines d'or, les suicides et les maladies<ref name="Duverger16"/> avaient réduit ce nombre à 600, soit une diminution de 99 %<ref name="Duverger16"/> ; |
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* la [[déportation des Acadiens]] par les [[Royaume-Uni|Britanniques]] sous les ordres du gouverneur [[Charles Lawrence]] en [[1755]] ainsi que, parallèlement, le massacre de leurs alliés, les [[Hurons]]. Dépossédées de leurs terres, des familles furent déportées dans des colonies britanniques, réduites au travail non rémunéré et, pour certaines d'entre elles déportées au [[Royaume-Uni]] ; |
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* l'extermination des nomades [[Dzoungars]] de [[Dzoungarie]] par les [[Civilisation chinoise|Chinois]] ([[1756]]-[[1757]]) : 600 000 hommes égorgés ; |
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* le massacre des [[Tasmanie]]ns, qui a été qualifié de « génocide le plus parfait de l'histoire », par les Britanniques ; |
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* l’extermination des [[Beotuks]] à [[Terre-Neuve-et-Labrador|Terre-Neuve]] par les Britanniques (Terre-Neuve est devenue depuis une province du [[Canada]]) ; |
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* en [[Australie]], les [[Aborigène d'Australie|Aborigènes]], dont la population est estimée à 350 000 avant l'installation des Britanniques, furent décimés par les maladies infectieuses, les migrations forcées, à l'instar des [[Amérindien]]s. Certains historiens soutiennent qu'il s'agit d'un génocide ; |
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* au [[Canada]], les enfants des Amérindiens furent envoyés, entre [[1922]] et [[1984]], dans des pensionnats (Écoles résidentielles) fondées par le gouvernement canadien, dirigées par des églises ([[Catholicisme|catholiques]] ou [[Protestantisme|protestantes]]), où étaient entretenues des conditions d'insalubrité, de violences de tout ordre comme la pédophilie ou encore d'expérimentations médicales (dans les dernières années, à partir de la [[Guerre froide]]), ce qui conduisit à une mortalité de presque 50 %, soit donc environ 50 000 décès d'enfants en quelques décennies (sur les 120 000 pensionnaires y ayant séjourné) ; |
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* le gouverneur anglais [[Jeffrey Amherst]] fit distribuer aux Indiens [[Delaware]] en [[1763]] des couvertures infectées de petite vérole ([[Variole]]) ; |
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* les premiers [[camps de concentration]] furent expérimentés au cours de la [[Seconde Guerre des Boers]] en [[Afrique du Sud]] par les Britanniques assistés des Canadiens. Sur environ 120 000 internés, plus de 27 000 civils [[Afrikaner (peuple)|afrikaner]]s (10% de la population afrikaner des républiques boers), essentiellement des femmes, des vieillards et des enfants, près de 20 000 Noirs alliés à ces derniers, meurent dans ces camps, victimes des conditions de vie (alimentation insuffisante, absence d'hygiène et de soins) dénoncées à l'opinion internationale par [[Emily Hobhouse]] ; |
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* de [[1942]] à [[1945]], 10 millions de civils chinois furent enrôlés de force par l'armée impériale japonaise pour effectuer des travaux forcés au [[Mandchoukouo]] sous la supervision de la ''Kôa-in''. De ce nombre, 2,7 millions trouvèrent la mort lors de l'opération ''sankô sakusen'' menée par le général [[Yasuji Okamura]] <ref>{{fr}} [http://www.debarquement-normandie.com/phpBB2/viewtopic.php?t=7696 ''L'opération "tue tout, vole tout, brûle tout"''].</ref>. |
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=== {{s-|XVI}} === |
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{{Article détaillé|Actes de génocide en Amérique}} |
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{{à sourcer|date=mai 2009}} |
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* Certains partisans de l'[[indigénisme]] et militants [[Anticolonialisme|anticolonialistes]] appellent « [[Actes de génocide en Amérique#La question du « génocide amérindien »|génocide amérindien]] » le [[Histoire démographique des Amérindiens|désastre démographique des Amériques]], qui suit le contact Indiens-Européens<ref>Frédéric Dorel, [http://amnis.revues.org/908?lang=en « La thèse du « génocide indien » : guerre de position entre science et mémoire »].</ref> : la population indigène est réduite de quelques dizaines de millions d'individus en {{nobr|150 ans}}. Les maladies contagieuses venues d'Europe sont la première cause de cet effondrement, souvent accentué par des guerres, des tueries et diverses formes de maltraitances de la part des colons<ref>Russell Thornton, ''American Indian Holocaust and Survival: A Population History since 1492'', Norman: University of Oklahoma Press, 1987.</ref>. Tout entier, il n'est pas un génocide au sens juridique du terme, mais du point de vue des anthropologues et des historiens, des situations ou épisodes génocidaires, c'est-à-dire des massacres ou de longues oppressions mortifères dans lesquels l'intention de réduire un groupe ethnique ou national est suspectée, sont repérables et la question de la qualification en génocide est ouverte ou ouvrable pour chaque cas. Parmi les exemples de la [[colonisation espagnole de l'Amérique]], se détachent : |
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Les massacres de masse et déportations dont les critères de discrimination ne sont ni [[ethnie|ethniques]], ni [[nation]]aux, ni [[Religion|religieux]], ni [[Race humaine|raciaux]], ne peuvent pas être reconnus comme '''génocides''' tant qu'une instance internationale n'a pas décidé d'élargir cette définition. Certaines historiens ne souhaitent pas un tel élargissement, afin de ne pas ''banaliser'' le terme de ''génocide''. Cela a pour conséquence d'exclure des massacres de masse comme, par exemple les crimes de régimes de type marxiste (de [[Joseph Staline|Staline]], de [[Mao Zedong|Mao]], de [[Pol Pot]] ou de [[Mengistu]]), qui ont été commis sur des critères politiques, professionnels et sociaux, et pour lesquels le nombre de victimes dépasse celui des victimes des génocides reconnus, ou encore les victimes collatérales d’invasion ou de crimes contre l’humanité (disparition de peuples migrants, [[traite des noirs]]). D'autres historiens pensent que cette discrimination négative ''banalise'' encore davantage les massacres de masse, que ne le ferait un élargissement officiel de la définition. Le débat en cours entre historiens a débordé dans le champ médiatique et politique, avec parfois des excès et des dérives. |
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** la disparition de l'ethnie [[Taïnos|taino]] des [[Grandes Antilles]] : à partir de 1495 et pendant des dizaines d'années, les Espagnols ont massacré puis durement exploité, jusqu'à ne plus pouvoir empêcher l'extinction, ces indigènes affaiblis par le choc viral<ref>Christian Duverger, « Espagnols-Indiens : le choc des civilisations », ''L'Histoire'', {{numéro|322}}, {{date-|juillet-août 2007}}, {{p.|14-21}}.</ref> ; |
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** la [[chute de l'Empire aztèque]] provoquée par [[Hernán Cortés]] avec notamment la complicité de chefs [[tlaxcaltèques]] : la société aztèque est durement frappée en 1521 en son cœur biologique, politique et culturel, [[Mexico-Tenochtitlan]], et la population survivante (et survivante aux épidémies) est peu à peu réduite en esclavage<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Ben Kiernan]] |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{chap.|2}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>. |
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{{Citation bloc|Ces Indiens de Caribana ont mille fois mérité la mort, car c'est une race détestable. […] Aussi ce que je propose n'est pas de les faire esclaves, ils sont trop mauvais pour cela, mais de les brûler tous, grands ou petits, pour qu'il ne reste pas trace de si vilaines gens.|[[Vasco Núñez de Balboa]]|Lettre à [[Ferdinand le Catholique]] du {{date-|20 janvier 1513}}<ref>Traduction de Paul Gaffarel, ''Núñez de Balboa : La Première Traversée de l'Isthme américain'', Paris, Librairie de la Société bibliographique, 1882, {{p.|52}}.</ref>.|dans une liste=oui}} |
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* La persécution des [[Protestantisme|protestants]] en Europe, en réaction à la [[Réforme protestante|Réforme]], n'est ''globalement'' pas génocidaire. On a longtemps, vraisemblablement à tort, imputé la responsabilité du [[massacre de la Saint-Barthélemy]] à la couronne de [[Royaume de France|France]]. Le « tribunal du sang » qui réprime la [[révolte des Gueux]] des [[Pays-Bas espagnols]] en 1567 et 1568 a un caractère génocidaire plus saillant : [[Ferdinand Alvare de Tolède]] fait régner la terreur et notamment exécute {{unité|18600|personnes}}, certaines brûlées, d'autres enterrées vivantes ; c'est un moindre mal car un décret de l'Inquisition, confirmé par {{souverain2|Philippe II (roi d'Espagne)|d'Espagne}}, condamnait pour hérésie l'ensemble des Néerlandais<ref name="Jonassohn52"/>. |
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* La [[Guerre d'Imjin#Deuxième invasion japonaise|deuxième invasion]] de la [[Corée]] par le [[Japon]] de [[Toyotomi Hideyoshi]] en 1597 et 1598 devait vider ce pays protégé par la [[Chine]] de ses habitants, par des exterminations et des réductions en esclavage. Trop ambitieuse et donc inachevée, cette entreprise génocidaire fait pourtant quelques centaines de milliers de victimes<ref name="Kiernan3"/>. |
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=== {{s-|XVII}} === |
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* Élimination de la nation [[Pequots|pequot]] par les colonies de [[Nouvelle-Angleterre]] lors de la [[guerre des Pequots]] (1636-1638) : ces Amérindiens sont massacrés, réduits en esclavage ou dispersés. Selon plusieurs historiens, une partie au moins de cette élimination est génocidaire<ref>{{en}} Benjamin Madley, « Reexamining the American Genocide Debate : Meaning, Historiography, and New Methods », ''The American Historical Review'' 120:1, {{date-|février 2015}}, {{p.|98-139}}.</ref>. |
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* [[Massacre des Hurons]] par les [[Iroquois]], notamment lors du carnage dans le village de Taenhatentaron (Saint-Ignace) en {{date-|mars 1649}}, et disparition de la [[Huronie]] : il s'agit d'un des plus célèbres exemples de violence génocidaire exercée sur un peuple indigène par un autre sans approbation des colons européens (mais qui n'aurait probablement pas eu lieu sans le commerce des fourrures et des armes à feu)<ref>{{Ouvrage |auteur1=Denys Delâge |titre=Le Pays renversé |sous-titre=Amérindiens et Européens en Amérique du Nord-Est, 1600-1664 |lieu=[[Montréal]] |éditeur=[[Éditions du Boréal]] |année=1991 |pages totales=416 |numéro chapitre=4 |isbn=978-2890523708 |lire en ligne= }}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |langue=en |auteur1=Roger Carpenter |titre=Making War More Lethal: Iroquois vs. Huron in the Great Lakes Region, 1609 to 1650 |périodique=''Michigan Historical Review'' |volume=27 |numéro=2 |date=2001 |pages=33-51 |lire en ligne= }}.</ref>. |
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* Campagnes brutales des [[Cosaques#Les Cosaques de Russie|Cosaques russes]] contre les peuples de [[Sibérie]] qui opposent une forte résistance à leur conquête, notamment contre les [[Daur]] en 1645 et 1650<ref>{{en}} Jamie Bisher, ''White Terror: Cossack Warlords of the Trans-Siberian'', Routledge, 2006, [https://books.google.fr/books?id=28iPAgAAQBAJ&pg=PA6&dq=Dzungar+genocide&hl=en&sa=X&ei=veZWU6bcOeqtsQTI2YCwAg&redir_esc=y#v=onepage&q=Dzungar%20genocide&f=false {{p.|6}}].</ref>. |
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=== {{s-|XVIII}} === |
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* Du {{sp-|XVII|au|XIX}}, des massacres de noirs africains eurent lieu dans le cadre des [[traites négrières]], en Afrique lors des razzias, ou dans le Nouveau Monde lors des rébellions. {{Référence nécessaire|La traite des noirs est reconnue comme un [[crime contre l'humanité]] par la plupart des pays|date=9 juin 2021}}. En [[France]], une loi du {{date-|21|mai|2001}} affirme que la traite négrière et l'[[Esclavagisme|esclavage]] constituaient des crimes contre l'humanité. La reconnaissance par l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] d'un génocide est demandée par certains pays [[Afrique|africains]], ainsi que par de nombreuses [[Organisation non gouvernementale|organisations non gouvernementales]] « du Nord », par exemple le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDP) et la Société savante des encyclopédistes africains<ref name="Afrology">{{Lien web |url=http://www.afrology.com/projets/encyclo.html |titre=Projet de la renaissance intellectuelle et culturelle de l'Afrique au {{s-|XXI}} |site=www.afrology.com |consulté le = 13 novembre 2010}}.</ref>. Selon ces derniers, l'argument répandu selon lequel le principe d'une traite est la commercialisation et non l'extermination d'êtres humains, autrement dit les nombreux morts sont une de ses conséquences mais non le but recherché, ne peut à lui seul écarter le soupçon du génocide, car les esclavagistes qui savaient que leur entreprise tuait massivement, sur terre ou en mer, avaient malgré tout l'intention de la poursuivre. Pourtant, ce que l'on sait de la traite, prise dans sa globalité, ne permet pas de l'identifier à un génocide au sens juridique strict : généralement, l'intention de soumettre, vendre, blesser, tuer des individus, même appartenant à un groupe racial ou ethnique détesté, n'est pas associée à l'intention de détruire le groupe en tant que tel. |
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* Campagnes d'extermination ordonnées par les autorités de la [[Nouvelle-France]] au début des {{nobr|années 1730}} : la tribu des [[Natchez]] est éliminée en représailles à sa [[Révolte des Natchez|révolte]] violente, et la nation des [[Mesquakies]] (Renards) est détruite dans ce qui s'apparente à un génocide et est parfois appelé ainsi<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Russell D. Edmunds |auteur2=Joseph L. Peyser |titre=The Fox Wars: The Mesquakie Challenge to New France |éditeur=University of Oklahoma Press |année=1993 |isbn= |lire en ligne= }}.</ref>. |
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{{citation bloc|[Les Renards] ne sont plus en état de donner des inquiétudes, il n'en sera pas longtemps question, toutes les nations étant actuellement en campagne pour en éteindre la race […] je ne pense pas qu'il soit question d'aucun Renard l'année prochaine.|[[Charles de La Boische]], [[gouverneur de la Nouvelle-France]], sur la « question » des Renards|Lettre au Ministre du {{date-|15 octobre 1732}}<ref>Théo Le Boulch, [https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01393277/document ''La Guerre des Renards : Histoire de la violence dans le Pays d'en Haut (1712-1738)''], mémoire de {{nobr|Master 2}} sous la direction de Philippe Hamon, [[université Rennes-II|université Rennes-{{II}}]], 2016, {{p.|124-125}}.</ref>.}} |
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* Guerre de l'[[Empire russe]] contre les [[Tchouktches]] et d'autres autochtones du [[Kamtchatka]] : à partir de 1730, l'extermination des hommes et l'asservissement des femmes et des enfants tentent de mater la résistance indigène ; l'impératrice [[Élisabeth Ire (impératrice de Russie)|Élisabeth]] ordonne en 1742 une campagne pour « extirper totalement » les Tchouktches et leur mode de vie, mais les Russes sont défaits avant d'atteindre cet objectif<ref>{{en}} James Forsyth, ''A History of the Peoples of Siberia'', Cambridge University Press, 1994, {{p.|145-147}}.</ref>. |
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* Exploitation mortifère des [[Aléoutes]] par des chasseurs-trappeurs russes qui, dans les {{nobr|années 1750}}, soumettent les [[îles Aléoutiennes]] à un régime colonial immoral qui ne sera aboli que sous le règne de {{souverain2|Catherine II}}<ref>{{en}} James Forsyth, ''A History of the Peoples of Siberia'', Cambridge University Press, 1994, {{p.|151}}.</ref>. |
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* La [[Dzoungarie]] est ravagée en 1756 et 1757 par la guerre d'annexion brutale ordonnée par l'empereur chinois [[Qianlong]], qui surréagit à une longue situation d'instabilité dans la région : les combats, les massacres, l'esclavage, les dispersions et les épidémies vident le pays de ses autochtones (peut-être {{unité|600000|[[Dzoungars]]}}), si bien que plusieurs historiens évoquent un [[Génocide des Dzoungars|génocide]]<ref>Mark Levene, « Empires, Native Peoples, and Genocide », dans Dirk Moses, ''Empire, Colony, Genocide: Conquest, Occupation, and Subaltern Resistance in World History'', Berghahn Books, 2008, {{p.|188}}.</ref>. |
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* Les [[Massacres de la guerre de Vendée et de la Chouannerie|massacres commis par les révolutionnaires républicains]], en particulier les « [[colonnes infernales]] », pendant la [[guerre de Vendée]] en [[1793]] et surtout [[1794]], ont inspiré le mot « [[populicide]] » à [[Gracchus Babeuf]]. Dans un conflit qui fit environ {{unité|170000|morts}} parmi les habitants de la « [[Vendée militaire]] » (un cinquième ou un quart de cette population)<ref>{{ouvrage|auteurs=Jacques Hussenet (dir.)|titre=« Détruisez la Vendée ! » Regards croisés sur les victimes et destructions de la guerre de Vendée|éditeur=[[Centre vendéen de recherches historiques]]|lieu=La Roche-sur-Yon|année=2007|pages totales=634|passage=127, 148}}.</ref>, un crime de masse a ciblé des « Vendéens », qui représentaient une identité régionale ou bien des [[Clergé réfractaire|catholiques réfractaires]] d'après les diverses thèses, peu partagées dans la communauté des historiens mais toujours très discutées, du « [[Guerre de Vendée#Le débat sur le « génocide vendéen »|génocide vendéen]] »<ref>[[David Bell (historien)|David A. Bell]], « The French Revolution, the Vendée, and Genocide », ''Journal of Genocide Research'', {{vol.|22}}, {{numéro|1}}, 2020, {{p.|19-25}}.</ref>. Depuis 2007, des députés français de droite et d'extrême droite proposent en vain la reconnaissance d'un génocide<ref>[http://www.lepoint.fr/histoire/le-genocide-vendeen-peut-il-etre-reconnu-17-02-2018-2195794_1615.php « Le « génocide vendéen » peut-il être reconnu ? »], ''Le Point'', {{date-|17 février 2018}}.</ref>. |
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* [[Mfecane|Expansion meurtrière]] du [[Royaume zoulou]] autour de l'{{nobr|année 1820}} : les guerriers du roi [[Chaka (roi zoulou)|Chaka]], sélectionnant qui doit être tué ou incorporé selon les besoins, dévastent plusieurs tribus du Sud de l'Afrique et engendrent un chaos migratoire<ref>{{en}} Michael R. Mahoney, « The Zulu kingdom as a genocidal and post-genocidal society, c. 1810 to the present », ''Journal of Genocide Research'', {{vol.|5}}, {{numéro|2}}, 2003, {{p.|251-268}}.</ref>. |
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* Massacres des [[Aborigènes d'Australie]], dont la population est estimée à {{unité|350000}} avant la colonisation, et qui furent en outre décimés par les maladies infectieuses et les migrations forcées, comme les [[Amérindiens]] ; en [[Tasmanie]], la population aborigène a intégralement disparu. |
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* La [[conquête de l'Algérie par la France]] entre 1830 et 1875 est faite de combats, de massacres et de [[Migration forcée|déplacements forcés]], suivis d'épidémies locales et de famines ; ces fléaux réduisent de peut-être 30 % une population algérienne estimée à trois millions de personnes en 1830. Selon une thèse controversée du politologue [[Olivier Le Cour Grandmaison]]<ref>Laure Blévis [https://www.cairn.info/revue-politix-2013-4-page-87.htm « La situation coloniale entre guerre et paix : enjeux et conséquences d'une controverse de qualification »], ''[[Politix]]'', {{numéro|104}}, 2013, {{p.|87-104}}.</ref>, l'État colonial s'est organisé en vue d'une guerre permanente contre la population indigène, dont l'effondrement a des causes étroitement liées entre elles ; cela s'apparente à un « projet cohérent de génocide<ref>Olivier Le Cour Grandmaison, ''Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l'État colonial'', [[Fayard (édition)|Fayard]], [[2005]], {{p.|123}}.</ref> ». Les historiens, dans leur grande majorité, n'identifient pas la conquête à un génocide<ref>Les ouvrages généraux sur les génocides ou sur la colonisation française, aux bibliographies très fournies, soit n'évoquent pas la question, soit reconnaissent tout au plus des violences génocidaires épisodiques. Le mot « génocide » désigne des campagnes militaires entières, mais aussi des événements algériens tragiques du {{s-|XX}}, dans des discours victimaires venus d'Algérie, qui résonnent notamment dans la propagande de [[Recep Tayyip Erdoğan]] en Turquie : comparer les avis irréconciliables des historiens [https://www.courrierinternational.com/article/2011/12/26/les-crimes-coloniaux-etaient-un-genocide Mohamed El-Korso] et [https://www.lefigaro.fr/vox/societe/pierre-vermeren-ce-que-cache-le-proces-en-genocide-fait-par-alger-et-erdogan-a-la-france-20210309 Pierre Vermeren].</ref> ; pourtant, les destructions de tribus ([[Affaire d'El Ouffia|El Ouffia]] en 1832, [[Enfumades d'Algérie#Enfumades du Dahra (18 juin 1845)|Ouled Riah]] en 1845…), le bain de sang de [[Constantine (Algérie)|Constantine]] en 1837 ou encore les fantasmes d'extermination chez certains acteurs racistes, sont typiques de la violence génocidaire coloniale selon la perspective des ''{{lang|en|[[Étude des génocides|genocide studies]]}}''<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Ben Kiernan]] |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{chap.|9}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>. |
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* [[Actes de génocide en Amérique#Guerres et épurations ethniques aux États-Unis|Politiques anti-indiennes]] durant la [[Conquête de l'Ouest|conquête de l'Ouest américain]] : des pionniers repoussent des Autochtones loin de leurs terres, fondent parfois des États qui les discriminent et font la guerre à outrance à ceux qui résistent<ref>[[Élise Marienstras]], « Guerres, massacres ou génocides ? Réflexions historiographiques sur la question du génocide des Amérindiens », dans David El Kenz (dir.), ''Le Massacre, objet d'histoire'', Gallimard, {{coll.}} « Folio histoire », 2005, {{p.|275-302}}.</ref>. Deux ensembles d'événements sont particulièrement étudiés : |
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** les exterminations au [[Texas]], État qui s'est construit entre 1821 et 1845 en alternant, avec les tribus locales, les bons rapports et les pires<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Ben Kiernan]] |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{chap.|8}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>, et dont les autorités ont longtemps récompensé les [[Scalpation|scalps]] d'Indiens, plusieurs années après l'intégration définitive dans l'[[États-Unis|Union]] en 1870<ref>{{en}} Alfred A. Cave, « Genocide in the Americas », dans Dan Stone (dir.), ''The Historiography of Genocide'', Palgrave Macmillan, 2008, {{p.|285}}.</ref> ; |
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** le long '''génocide des Indiens de [[Californie]]''', autour des {{nobr|années 1850}}, exacerbé par la [[Ruée vers l'or en Californie|Ruée vers l'or]], divise par cinq la population autochtone et conduit certaines tribus au bord de l'extinction ([[Yanas]], [[Yukis]]…)<ref>{{en}} Benjamin Madley, ''An American Genocide: The United States and the California Indian Catastrophe, 1846-1873'', Yale University Press, 2016.</ref> : banalisés voire institutionnalisés à cette époque, les meurtres, viols et enlèvements dont sont victimes des dizaines de milliers d'Amérindiens sont qualifiés de génocide par le gouverneur de Californie [[Gavin Newsom]] en 2019<ref>{{Article |langue=en |auteur1=Jill Cowan |titre="It's Called Genocide": Newsom Apologizes to the State's Native Americans |périodique=[[The New York Times]] |date=19 juin 2019 |lire en ligne=https://www.nytimes.com/2019/06/19/us/newsom-native-american-apology.html |consulté le=1 août 2020}}.</ref>. |
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{{citation bloc|Il faut s'attendre à ce qu'une guerre d'extermination se poursuive entre les races jusqu'à l'extinction de la race indienne.|[[Peter Burnett]], premier gouverneur de Californie|Governor's Annual Message to the Legislature, January 7, 1851<ref>{{en}} ''Journals of the Senate and Assembly of the State of California, at the Second Session of the Legislature, 1851-1852'', San Francisco, G. K. Fitch & Co. et V. E. Geiger & Co., State Printers, 1852, {{p.|15}}.</ref>.}} |
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* Massacres de milliers de [[Babisme|babis]] entre 1848 et 1853 : ce petit groupe religieux [[Iran|persan]] paie cher sa résistance à un pouvoir intolérant. [[Nassereddine Shah]] échappe à un attentat en 1852 ; il ordonne alors de tuer les babis partout où ils peuvent être trouvés. La plupart des survivants épouseront la [[Bahaïsme|foi baha'ie]], qui sera elle-même persécutée<ref name="Momen">{{en}} Moojan Momen, « The Babi and Baha'i community of Iran: A case of "suspended genocide"? », ''Journal of Genocide Research'', {{vol.|7}}, {{numéro|2}}, 2005, {{p.|221-241}}.</ref>. |
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* Persécutions génocidaires de petits peuples insulaires d'[[Océanie]] et du [[Océan Pacifique|Pacifique]] sud, qui les mènent au bord de l'extinction : |
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** massacre et réduction en esclavage des [[Moriori]]s par deux tribus [[Maoris|maories]] qui ont colonisé les [[îles Chatham]] à partir de 1835<ref>{{en}} André Brett, « ‘The miserable remnant of this ill-used people’: colonial genocide and the Moriori of New Zealand's Chatham Islands », ''Journal of Genocide Research'', {{vol.|17}}, {{numéro|2}}, 2015, {{p.|133-152}}.</ref> ; |
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** déportations mortifères de nombreux [[Rapa Nui (peuple)|Haunakas]] de l'[[île de Pâques]] par des esclavagistes [[Pérou|péruviens]] dans les {{nobr|années 1860}}<ref>Terry Hunt, « L'île de Pâques détruite par les rats ? », ''Pour la science'', {{numéro|351}}, {{date-|janvier 2007}}.</ref>. |
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* [[Nettoyage ethnique des Circassiens]] au milieu des {{nobr|années 1860}} : plusieurs centaines de milliers de [[Circassiens]], détestés par l'[[Empire russe]] après une [[Guerre russo-circassienne|longue guerre]], sont massacrés ou meurent d'épuisement pendant leur migration forcée vers des régions eurasiennes proches<ref>[[Adam Jones (universitaire canadien)|Adam Jones]], {{lang|en|''Genocide: A Comprehensive Introduction''}}, Routledge, {{3e}} {{éd.}}, 2017, {{p.|169-171}}.</ref>. |
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* En [[Argentine]], la période 1878-1885 est marquée par des politiques de discrimination et de destruction des peuples indigènes, exacerbées par la [[conquête du Désert]]. Peu d'intellectuels ont soutenu la revendication récente des [[Mapuches]] pour la reconnaissance d'un génocide ; cependant, au {{s-|XXI}}, plusieurs chercheurs argentins justifient l'emploi du mot<ref>{{en}} Walter Delrio, Diana Lenton, Marcelo Musante, Mariano Nagy, Alexis Papazian et Pilar Pérez, « Discussing Indigenous Genocide in Argentina: Past, Present, and Consequences of Argentinean State Policies toward Native Peoples », ''Genocide Studies and Prevention'', {{vol.|5}}, {{numéro|2}}, 2010, {{p.|138-159}}.</ref>. |
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* [[Campagnes de Menelik II|Conquêtes éthiopiennes]] de {{souverain2|Menelik II}} (1879-1900) : alors que ce roi souhaite bâtir un empire capable de résister aux puissances européennes, ses campagnes s'avèrent parfois plus violentes que celles de ses prédécesseurs, des empereurs [[amharas]] [[Église orthodoxe éthiopienne|chrétiens]] [[Nationalisme ethnique|ethnonationalistes]] ; mutilations et tueries à grande échelle frappent plusieurs peuples, et des famines (surtout chez les [[Oromos]], principale ethnie éthiopienne) portent même le bilan à plusieurs millions de morts. Plus de 90 % des habitants de la région de Maji périssent. Détruit, le [[royaume de Kaffa]] subit pendant des années des raids esclavagistes<ref>{{en}} Mekuria Bulcha, [https://www.codesria.org/IMG/pdf/Mekuria_Bulcha.pdf « Genocidal Violence in the Making of Nation and State in Ethiopia »], ''Arfican Sociological Review'', {{vol.|9}}, {{numéro|2}}, 2005, {{p.|1-54}}.</ref>. |
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* [[Extermination des Selknam]] par les colons de [[Terre de Feu]] entre 1880 et 1905, qualifiée de génocide en 2003 par une commission instituée par le gouvernement chilien<ref>{{en}} Jérémie Gilbert, ''Nomadic Peoples and Human Rights'', Routledge Research in Human Rights Law, 2014, {{ISBN|9781136020162}}, {{nobr|272 pages}}, [https://books.google.fr/books?id=4zksAwAAQBAJ&pg=PA23&dq= {{p.|23-24}}]</ref>. |
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* [[Massacres hamidiens]] (1894-1896) : {{unité|100000}} à {{unité|300000|[[chrétien]]s}} essentiellement [[arméniens]] sont tués par des milices [[Turcs (peuple)|turques]]. Une thèse controversée des historiens [[Benny Morris]] et Dror Ze'evi<ref>{{en}} Benny Morris et Dror Ze'evi, ''The Thirty-Year Genocide: Turkey's Destruction of Its Christian Minorities, 1894–1924'', Harvard University Press, 2019.</ref> fait de ces événements non pas une préfiguration, mais le ''début'' du génocide des chrétiens de l'[[Empire ottoman]] (voir la section {{s-|XX}}). |
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=== {{s-|XX}} === |
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* Le territoire correspondant à l'actuelle [[république démocratique du Congo]] fut martyrisé durant le {{s-|XX}} par la colonisation, la dictature et la guerre, et les accusations de génocide sont nombreuses devant les millions de victimes à déplorer. L'historien Timothy Stapleton a produit une récente synthèse<ref>Timothy J. Stapleton, ''A History of Genocide in Africa'', Praeger Security International, 2017, {{chap.|4}}.</ref>. Les rares auteurs qui dénoncent un vaste génocide lié aux [[exactions commises dans l'État indépendant du Congo]] avant 1908, sont davantage focalisés sur l'effondrement démographique et les atrocités qui ont rendu le cas célèbre, plutôt que sur les définitions juridiques. Les adversaires du Premier ministre [[Patrice Lumumba]] (y compris des officiels des Nations unies) qui prétendaient qu'il avait génocidé les [[Baluba du Kasaï]] en 1960, voulaient justifier son renversement et son assassinat. Durant la [[deuxième guerre du Congo]] (1998-2003), les leaders les plus négligents ou prédateurs n'étaient pas des génocidaires ; après la guerre, la peur du génocide permit à des rebelles et des milices de contrôler des territoires. Stapleton ne retient finalement, comme cas possible de génocide, que les massacres de 1996 et 1997 contre des réfugiés rwandais, liés aux diverses confrontations haineuses entre [[Hutu]]s et [[Tutsis]] et notamment au génocide rwandais de 1994 (voir plus bas). |
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* Le '''[[Massacre des Héréros et des Namas|génocide en Namibie]]''', ou génocide des [[Héréros]], perpétré par l'armée coloniale de l'[[Empire allemand]], est reconnu officiellement par l'Allemagne en [[2015]]<ref>{{lien web|url=https://www.lemonde.fr/international/article/2015/07/16/l-allemagne-reconnait-le-genocide-des-herero-et-des-nama-en-namibie_4685553_3210.html|titre=L'Allemagne reconnaît le génocide des Héréros et des Namas en Namibie|éditeur=lemonde.fr|date=16 juillet 2015|auteur=Frédéric Lemaître|consulté le=17 juillet 2015}}.</ref>. Les historiens sont en désaccord sur l'étendue du crime : les tueries impitoyables de [[1904]], incluant le déplacement forcé des Héréros dans un désert inhospitalier, constituent l'essentiel du génocide, mais d'autres peuples sont concernés, surtout les [[Nama (peuple)|Namas]], et plusieurs de leurs membres sont déportés, comme les Héréros survivants, dans de meurtriers camps de concentration et de travail qui ne fermeront qu'en [[1908]]<ref>[[Adam Jones (universitaire canadien)|Adam Jones]], {{lang|en|''Genocide: A Comprehensive Introduction''}}, Routledge, {{3e}} {{éd.}}, 2017, {{p.|226-228}}.</ref>. On estime qu'environ {{unité|80000|indigènes}} sont morts dans ces événements ; 80 % des Héréros, 50 % des Namas auraient disparu<ref name="Kotek">[[Joël Kotek]], [https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2008-2-page-177.htm?contenu=article « Le génocide des Héréros, symptôme d’un ''Sonderweg'' allemand ? »], ''Revue d'histoire de la Shoah'', {{numéro|189}}, 2008, {{p.|177-197}}.</ref>. |
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{{citation bloc|Je considère que la nation Héréro comme telle doit être annihilée ou, si ce n'est tactiquement pas faisable, expulsée hors du territoire par tous les moyens possibles. […] J'estime le plus approprié que la nation périsse<ref name="Kotek"/>.|Général [[Lothar von Trotha]], dans une lettre à un officier, {{date-|octobre 1904}}.}} |
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* Génocides perpétrés par le gouvernement des [[Jeunes-Turcs]] contre les minorités chrétiennes de l'[[Empire ottoman]]<ref>Carole André-Dessornes, [https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2017-2-page-155.htm?contenu=article « De la banalité des tragédies du Moyen-Orient… aux traumatismes »], ''Confluences Méditerranée'', {{numéro|101}}, 2017, {{p.|155-168}}.</ref> : |
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** le [[génocide assyrien]] ou [[Assyriens|assyro-chaldéen]] (1914-1920), également appelé Seyfo (« l'épée »), permis par l'aide des alliés [[kurdes]] des Jeunes-Turcs, fait au moins {{unité|250000|morts}}, peut-être le double, voire le triple, car les épidémies et les famines engendrées par les persécutions gonflent les chiffres ; |
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** le '''[[génocide arménien]]''' de 1915 à 1916 (ou 1923 selon certaines sources), qui fait {{nobr|1,5 million}} de morts, est le crime ottoman dont la qualification en « génocide » a obtenu un si large consensus qu'elle ne fait plus débat aujourd'hui : méthodiquement organisé, il a pour objectif premier (et atteint) la dislocation des [[Arméniens]] de l'Empire par l'arrestation des élites de [[Constantinople]], le meurtre et l'esclavage loin des villes, mais l'objectif se mue rapidement en anéantissement total (non atteint) par le moyen plus ou moins discret de déportations dans des lieux désertiques où hommes, femmes et enfants sont massacrés ; |
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** la [[Génocide grec pontique|tragédie pontique]] (1916-1923), ou génocide des [[Pontiques|Grecs]] d'[[Anatolie]] et du [[Pont (région)|Pont]], fait quelques centaines de milliers de victimes, une estimation rendue très difficile en raison des famines, des conversions religieuses et des migrations. |
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* Violences génocidaires de l'[[URSS]] [[Joseph Staline|stalinienne]] : si les [[Grandes Purges]] n'entrent pas dans la catégorie du génocide, la question se pose en revanche pour plusieurs événements qui les entourent, préfigurés par les expulsions [[Tsar|tsaristes]] de [[Juifs]] et d'[[Allemands]] vers 1915 et la [[décosaquisation]] de 1919-1920, pour laquelle les révolutionnaires [[bolcheviks]] n'avaient pas tous les moyens de leurs ambitions. Ne se contentant pas du [[Goulag]], Staline déploie des moyens considérables et inédits pour « ranger » son vaste empire en décimant ou en déportant des classes sociales, des peuples et des minorités<ref name="Werth">{{en}} [[Nicolas Werth]], « Mass Deportations, Ethnic Cleansing, and Genocidal Politics in the Later Russian Empire and the USSR », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{chap.|19}}.</ref>. Une loi russe sur les « peuples opprimés » évoque en 1991 une « politique de calomnie et de génocide » menée par l'URSS dans ses premières décennies<ref>{{Article|langue=ru|auteur=|titre=Закон Российской Советской Федеративной Социалистической республики "О реабилитации репрессированных народов"|traduction titre=Loi de la république socialiste soviétique fédérative de Russie "Sur la réhabilitation des peuples opprimés"|périodique=Ведомости Съезда народных депутатов РСФСР и Верховного Совета РСФСР|lieu=Москва|éditeur=Юридическая литература|numéro=18|date=02.05.1991|pages=536-538|lire en ligne=http://mirror2.garant.ru/webclient/navigation.dsp?PHPSESSID=uqha8la7qrifmm8tggvpcg5n37&number=0&page=1|consulté le=19.02.2018}}. L'{{nobr|article 2}} de la loi dispose ({{p.|537}}) : « Sont reconnus comme opprimés les peuples (nations, nationalités ou groupes ethniques et autres communautés culturelles et ethniques de personnes, historiquement formées, par exemple les Cosaques), à l’égard desquels, à cause de leurs signes d’appartenance nationale ou autres, était menée au niveau de l’État une politique de calomnie et de génocide qui s’accompagnait de leur déplacement forcé, de la dissolution des formations nationales étatiques, du redécoupage des frontières nationales territoriales, de l’instauration d’un régime de terreur et de violence dans des lieux spéciaux d’établissement. »</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|titre=Autonomies locales, intégrité territoriale et protection des minorités|sous-titre=Actes du Séminaire UniDem organisé à Lausanne du {{date-|25 avril- 1996-}} au {{date-|27 avril 1996}} en coopération avec l’Institut suisse de droit comparé|lieu=Strasbourg|éditeur=Conseil de l’Europe|collection=Science et technique de la démocratie|numéro dans collection=16|année=1997|pages totales=349|isbn=92-871-3172-4|passage=135}}.</ref>. |
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** La [[dékoulakisation]] du début des {{nobr|années 1930}} cible supposément les riches paysans exploitant les pauvres et sabotant la [[collectivisation]], mais certains officiels [[soviétiques]] attribuent à ces « [[koulak]]s » des caractères héréditaires voire raciaux<ref>{{en}} Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017, {{p.|87}}.</ref>. |
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** Selon des études récentes qui tendent à confirmer la thèse du génocide adoptée par l'[[Ukraine]] entre autres, la grande famine ukrainienne appelée [[Holodomor]], qui fait quelques millions de morts, est d'abord une conséquence non désirée des politiques staliniennes, comme d'autres [[famines soviétiques de 1931-1933]], mais est particulière car intentionnellement aggravée par Staline<ref>[[Andrea Graziosi]], [https://journals.openedition.org/monderusse/8817 « Les famines soviétiques de 1931-1933 et le ''Holodomor'' ukrainien. Une nouvelle interprétation est-elle possible et quelles en seraient les conséquences ? »], ''Cahiers du monde russe'', {{vol.|46}}, {{numéro|3}}, 2005, {{p.|453-472}}.</ref>, qui fantasme alors un complot ukrainien et une potentielle « guerre à mort » dirigés contre son gouvernement<ref name="Werth"/>. |
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** À la fin des {{nobr|années 1930}}, les frontières de l'URSS sont « nettoyées d'éléments ethniquement et socialement suspects » notamment grâce à des déportations vers la [[Sibérie]], le [[République socialiste soviétique kazakhe|Kazakhstan]] ou ailleurs. Après une opération du [[NKVD]] pour arrêter {{unité|144000|[[Polonais (peuple)|Polonais]]}} et citoyens d'origine polonaise, {{unité|110000}} sont exécutés en 1938, y compris des communistes<ref>{{en}} Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017, {{p.|90}}.</ref>. |
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** Dans les {{nobr|années 1940}}, de nombreuses [[Déportation des peuples en URSS|déportations]] concernent quelques millions de supposés ennemis de l'État ou potentiels agents [[Nazisme|nazis]] ; si, par exemple, les Polonais ou les [[Baltes]] ne sont déplacés qu'en partie, des peuples entiers (donc beaucoup d'enfants et de personnes vulnérables) sont disloqués dans le but de détruire leurs sentiments nationaux. Dans les cinq années qui suivent l'[[Opération Tchétchévitsa|opération ''Tchétchévitsa'']], les {{unité|500000|[[Tchétchènes]]}} et [[Ingouches]] sont réduits d'un quart ; près de la moitié des {{unité|238000|[[Tatars de Crimée]]}} meurent de faim et de maladie après une [[Déportation des Tatars de Crimée|déportation]] mal organisée<ref name="Werth"/>{{,}}<ref>[[Stéphane Courtois]], ''Communisme et Totalitarisme'', Paris, Perrin, 2009, {{p.|385}}.</ref>. |
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* [[Massacre des Haïtiens de 1937|Massacre des Haïtiens]] d'{{date-|octobre 1937}} en [[République dominicaine]] : le dictateur [[Rafael Trujillo]] décide d'exterminer les immigrés près de la frontière avec [[Haïti]] ; l'armée identifie et assassine {{unité|12000|personnes}} en quelques jours, mais le compte final pourrait dépasser {{unité|20000}}<ref>Steeve Coupeau, ''The History of Haiti'', Greenwood Press, 2008, {{p.|83}}.</ref>{{,}}<ref>Eric Paul Roorda, « Genocide Next Door: The Good Neighbour Policy, the Trujillo Regime, and the Haitian Massacre of 1937 », ''Diplomatic History'', {{vol.|20}}, {{numéro|3}}, 1996, {{p.|301-319}}.</ref>{{,}}<ref>Ce massacre raciste systématique peut être aisément qualifié de « génocidaire » ; la nation haïtienne en a pourtant peu souffert (jusqu'à exiger des réparations jugées très faibles), aussi les spécialistes qui emploient le substantif « génocide » à la manière des deux sources précitées sont rares.</ref>. |
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* Crimes massifs lors des guerres d'expansion des États racistes en recherche de puissance à la veille de la [[Seconde Guerre mondiale]] : |
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** la [[seconde guerre italo-éthiopienne]] et les années d'occupation qui suivent (1935-1939) sont génocidaires, selon des historiens principalement italiens, car les massacres de la population civile contribueraient à concrétiser le fantasme du ministre des Colonies [[Alessandro Lessona]] d'une « Éthiopie sans Éthiopiens »<ref>{{it}} Giorgio Rochat, « Il genocidio cirenaico et la storiografia coloniale », ''Belfagor'', {{vol.|35}}, {{numéro|4}}, 1980, {{p.|449-455}}.</ref>{{,}}<ref>{{it}} Nicola Tranfaglia, ''Dalla prima guerra mondiale al fascismo'', Turin, UTET, 1995, {{p.|670}}.</ref>{{,}}<ref>{{it}} Nicola Labanca, « Il razzismo coloniale italiano », dans Alberto Burgio, ''Nel nome della razza. Il razzismo nella storia d'Italia 1870-1945'', Bologne, Il Mulino, 1999, {{p.|145-163}}.</ref>{{,}}<ref>[[Pierre Milza]], ''Mussolini'', Fayard, 1999, {{p.|672-673}}.</ref> ; |
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** les [[Crimes de guerre du Japon Shōwa#Meurtres de masse|exactions]] de l'[[Armée impériale japonaise]] sont particulièrement atroces à partir de 1937 ([[massacre de Nankin]], [[politique des Trois Tout]] au [[Mandchoukouo]]…), et les victimes se comptent par millions<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Ben Kiernan]] |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{chap.|12}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>. |
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* Génocides et massacres génocidaires en Europe sous domination ou influence de l'[[Troisième Reich|Allemagne nazie]] : |
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** l'extermination des handicapés mentaux et physiques en Allemagne et dans des territoires occupés, notamment lors de l'''[[Aktion T4]]'' (1939-1941), fait au moins {{unité|200000|morts}} ; elle n'est considérée comme un génocide que dans certaines interprétations du cas ; |
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** le [[Porajmos]] ou génocide [[Roms|tsigane]], dont les victimes se comptent vraisemblablement en centaines de milliers ({{unité|500000}} est le chiffre symbolique souvent retenu), n'est que timidement reconnu par les États d'Europe malgré la journée de commémoration proposée par le [[Parlement européen]] en 2015<ref>Lauriane Clément, [https://www.la-croix.com/France/Une-ceremonie-memoire-Roms-tues-durant-Seconde-Guerre-mondiale-2016-08-02-1200779621 « En mémoire des Roms tués durant la Seconde Guerre mondiale »], ''La Croix'', {{date-|2 août 2016}}.</ref> ; les historiens sont eux-mêmes réticents sur l'usage du mot « génocide » à cause des paradoxes du cas : les [[nazisme|nazis]] ont épargné ceux des Tsiganes qu'ils considéraient comme « [[Race aryenne|aryens]] », et les Tsiganes massivement tués en Europe pour diverses raisons (et parfois déportés et gazés) n'ont pas été la cible d'un plan unique d'extermination<ref>{{en}} Christopher R. Browning, « The Nazi Empire », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{chap.|20}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre |langue=en |auteur1=Sybil Milton |titre chapitre=Holocaust: The Gypsies |auteurs ouvrage=Samuel Totten et William S. Parsons |titre ouvrage=Century of Genocide: Critical Essays and Eyewitness Accounts |lieu=New York/Londres |éditeur=Routledge (Taylor & Francis) |année=2009 ({{3e|édition}}) |isbn= |lire en ligne= |passage=133-167}}.</ref> ; |
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** la '''[[Shoah]]''' (ou, dans la langue des nazis, « solution finale à la question juive » : {{lang|de|''die Endlösung der Judenfrage''}}), extermination systématique des trois quarts des [[Juifs]] de l'[[Europe sous domination nazie|Europe occupée]]<ref>Donald Niewyk et Francis Nicosia, {{lang|en|''The Columbia Guide to the Holocaust''}}, {{lang|en|[[Columbia University Press]]}}, 2000, {{p.}}45 : {{citation étrangère|lang=en|The Holocaust is commonly defined as the murder of more than {{unité|5000000|Jews}} by the Germans in World War {{II}}}} : « Le mot "Holocauste" désigne communément l'assassinat de plus de {{unité|5000000|Juifs}} par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. » [https://books.google.ca/books?id=lpDTIUklB2MC&pg=PP1&dq=Niewyk,+Donald+L.+The+Columbia+Guide+to+the+Holocaust&sig=4igufxQHRCNrkjwRuMt1if_mf5M#PPA45,M1 The Columbia Guide to the Holocaust], extraits en ligne.</ref>, soit les deux tiers de la population juive européenne totale et environ 40 % des Juifs du monde, est un événement très marquant de la [[Seconde Guerre mondiale]], dont l'étude, fondatrice et intensive, affecte la recherche sur tous les génocides<ref name="Hinton"/> : sur les cinq à six millions de victimes<ref>Le chiffre de six millions de victimes a été présenté lors du [[procès de Nuremberg]] ([[Pierre Vidal-Naquet]], ''[[Les Assassins de la mémoire]]'', éd. La Découverte, 2005, {{p.}}27). Après avoir dépouillé les archives du {{IIIe|Reich}}, l'historien [[Raul Hilberg]], dans son ouvrage ''La Destruction des Juifs d'Europe'' (éd. Gallimard, collection Folio, 2006 {{nobr rom|Tome III}}, {{p.}}2251), arrive au chiffre de {{unité|5.1|millions}} de morts minimum.</ref>, trois millions sont assassinés dans des [[Camps d'extermination nazis|centres de mise à mort]] pourvus d'une [[chambre à gaz]] et de [[Four crématoire|fours crématoires]] et pensés pour la disparition massive et rapide des corps, ce qui donne un caractère industriel unique à ce vaste génocide, paroxysme des persécutions [[antisémitisme|antijuives]] des siècles passés (certains [[pogrom]]s, notamment [[Pogroms antisémites en Russie#Pogroms durant la Première Guerre mondiale et la guerre civile en Biélorussie, Russie et Ukraine|ceux de la guerre civile russe]] autour de 1919, étaient très violents et meurtriers, mais on trouve dès l'[[Antiquité]] la trace de massacres génocidaires visant des communautés juives) ; |
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** le [[Génocide contre les Serbes dans l'État indépendant de Croatie|génocide des Serbes]] dans l'[[État indépendant de Croatie]], qui fait {{unité|300000}} à {{unité|500000|morts}}<ref>{{en}} Rory Yeomans, ''Visions of Annihilation: The Ustasha Regime and the Cultural Politics of Fascism, 1941-1945'', University of Pittsburgh Press, 2012, {{p.|18}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} Martin Mennecke, « Genocidal Violence in the Former Yugoslavia: Bosnia Herzegovina and Kosovo », dans Samuel Totten et William S. Parsons, ''Century of Genocide: Critical Essays and Eyewitness Accounts'', Routledge (Taylor & Francis), 2009 ({{3e|édition}}), {{p.|430}}.</ref> entre [[1941]] et [[1945]], est organisé par [[Ante Pavelić]] et les [[Oustachis]] dans cet État satellite de l'Allemagne nazie ; le [[camp de concentration de Jasenovac]] accueille aussi des Tsiganes, des Juifs et des [[Partisans (Yougoslavie)|Partisans]] ; |
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** les nazis ont massacré des populations civiles [[slaves]] (des Polonais et des Russes notamment), des prisonniers de guerre soviétiques, des opposants politiques ; des groupes culturels et religieux sont persécutés pour de supposés liens avec les Juifs, la [[franc-maçonnerie]] européenne sort extrêmement diminuée de la guerre ; des milliers d'hommes [[Homosexualité|homosexuels]] sont victimes des camps de concentration ; |
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** d'importants [[Massacres des Polonais en Volhynie|massacres de Polonais]] furent commis en [[Volhynie]] par l'[[Armée insurrectionnelle ukrainienne]] entre 1942 et 1944. |
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{{citation bloc|Nous avions le droit moral, nous avions le devoir envers notre peuple, de détruire ce peuple qui voulait nous détruire. Mais nous n'avons pas le droit de nous enrichir […]. Nous ne voulons pas à la fin, parce que nous avons exterminé un bacille, être infecté par ce bacille et en mourir.|[[Heinrich Himmler]] fantasmant la nocivité extrême des Juifs pour justifier l'injustifiable|[[Discours de Posen]] du {{date-|4 octobre 1943}}<ref>Extrait du document PS-1919, dans ''Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international'', {{t.|XXIX}}, Nuremberg, 1948, {{p.|110-173}} ; [https://www.reseau-canope.fr/cnrd/ressource/texte/7673 traduction] sur le site du concours national de la résistance et de la déportation.</ref>.}} |
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* Le [[régime communiste de Roumanie]] (1945-1989), dont le système répressif a frappé à divers degrés des centaines de milliers de personnes sur des critères socio-politiques, est tenu pour responsable d'un génocide de la nation roumaine par une commission présidentielle en 2006 ; beaucoup de spécialistes critiquent un tel emploi du terme « génocide »<ref>{{en}} Vladimir Tismaneanu et Marius Stan, ''Romania Confronts Its Communist Past: Democracy, Memory, and Moral Justice'', Cambridge University Press, 2018, {{chap.|3 à 5}}.</ref>. |
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* Les mesures brutales de [[Mao Zedong]] pour façonner la [[république populaire de Chine]] (reconquête de territoires perdus à la chute des [[Dynastie Qing|Qing]], collectivisation de l'agriculture durant le [[Grand Bond en avant]], [[laogai]]s, destruction des traditions pendant la [[révolution culturelle]]…) entraînent la mort de dizaines de millions de personnes dans des famines, des massacres, par épuisement au travail… Comme des groupes ethniques, religieux ou nationaux en sont victimes (notamment les [[Mongols]], les [[Ouïghours]] et les [[Tibétains]]), des accusations de génocide culturel ou physique sont régulièrement lancées par des juristes, certains [[Sinologie|sinologues]] et des militants, contre le régime communiste, même bien après la mort de Mao et la condamnation de sa politique. La communauté scientifique use toutefois assez peu du mot « génocide » pour décrire ces assimilations systématiques souvent violentes<ref>Uradyn E. Bulag, « Twentieth-Century China: Ethnic Assimilation and Intergroup Violence », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{chap.|21}}.</ref>. |
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** La [[Sinisation du Tibet#La question du « génocide tibétain »|sinisation du Tibet]] est particulièrement commentée : en 1960, un texte controversé de la [[Commission internationale de juristes]] dénonce des actes de génocide contre les [[Bouddhisme tibétain|bouddhistes tibétains]]<ref>Robert A. F. Thurman, « Tibet », dans Dinah L. Shelton, ''Encyclopedia of Genocide and Crimes Against Humanity'', Macmillan Reference, 2004, {{3e|vol.}}, {{p.|1026-1029}}.</ref> ; le [[Administration centrale tibétaine|gouvernement tibétain en exil]] estime en 1984 un bilan très discutable de « {{nobr|1,2 million}} de morts » sur vingt ou trente ans d'occupation du Tibet<ref>Elliot Sperling, [https://info-buddhism.com/Body_Count-Mass_Death_in_Tibet-Elliot_Sperling.html « The Body Count »], sur le site Tibetan Buddhism in the West (info-buddhism.com), {{date-|14 septembre 2012}}.</ref> ; en Espagne, l'[[Audience nationale]] enquête depuis 2006, non sans difficulté, sur l'implication d'anciens dirigeants chinois dans divers crimes supposément commis au Tibet dans les {{nobr|années 1980}} et 1990, dont le génocide<ref>[https://www.lemonde.fr/europe/article/2013/10/11/la-justice-espagnole-va-enqueter-contre-hu-jintao-pour-genocide-au-tibet_3494450_3214.html « La justice espagnole va enquêter contre Hu Jintao pour "génocide" au Tibet »], sur ''Le Monde.fr'', {{date-|11 octobre 2013}}.</ref>{{,}}<ref>[https://www.lesechos.fr/2014/02/la-justice-espagnole-demande-larrestation-de-lex-president-chinois-jiang-zemin-pour-genocide-291027 « La justice espagnole demande l'arrestation de l'ex-président chinois Jiang Zemin pour génocide »], ''Les Échos.fr'', {{date-|11 février 2014}}.</ref>. |
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* La [[guerre du Biafra]] est déclenchée après le massacre de {{unité|30000|[[Igbo (peuple)|Igbos]]}} par le gouvernement militaire fédéral du [[Nigeria]] en {{date-|septembre 1966}}, massacre identifié à un génocide dans la propagande des [[Biafra|Biafrais]] sécessionnistes ; elle fait jusqu'en 1970 entre un et deux millions de morts, principalement dans une famine de grande ampleur elle-même identifiée à un « génocide par la faim » dans certaines couvertures médiatiques à travers le monde. Même si peu d'analyses aujourd'hui donnent du crédit aux accusations de génocide, ces événements sont très importants parce qu'ils montrent le pouvoir du mot sur l'opinion publique, et parce qu'ils mettent l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] en face d'un échec : l'équipe d'observateurs internationaux formée notamment avec le [[Royaume-Uni]] qui vendait des armes au Nigeria, ne mena pas d'enquête impartiale avant de conclure à l'inexistence d'un génocide<ref>Karen Elizabeth Smith, ''Genocide and the Europeans'', Cambridge University Press, 2010, {{chap.|3}}.</ref>. |
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* [[Événements du Guébié|Crise du Guébié]] de 1970 en [[Côte d'Ivoire]] : le président [[Félix Houphouët-Boigny]], soutenu par les [[Baoulés]], plus importante ethnie du pays, écrase la tentative de rébellion d'un petit groupe de [[Bétés]] et de [[Guébié]]s en massacrant entre {{unité|4000}} et {{unité|6000}} paysans<ref>Tiemoko Coulibaly, « Sur fond de discriminations ethniques et régionales, lente décomposition en Côte d'Ivoire », ''[[Le Monde diplomatique]]'', {{date-|novembre 2002}}, {{p.|24-25}}.</ref>{{,}}<ref>Samba Diarra, ''Les Faux Complots d'Houphouët-Boigny'', Paris, [[Éditions Karthala|Karthala]], 1997.</ref>{{,}}<ref>Peu d'intellectuels connaissent la revendication de survivants de cet excès meurtrier pour la reconnaissance d'un « génocide guébié ». Dans « L'Étymologie du mot ''génocide'' » (un article du journal ivoirien ''[[Notre Voie|Notre voie]]'', {{numéro|540}}, {{date-|27 février 2000}}), Koné Dramane écrit : « Le génocide est une destruction méthodique d'un groupe ethnique. […] Le concept juridique de génocide […] a été utilisé parfois à bon escient, parfois de façon contestable et même parfois de façon abusive […]. De nos jours, les massacres des Cambodgiens, des Kosovars, des Kurdes, des Tutsi du Rwanda, des Guébiés de Côte d'Ivoire sont de bons exemples d'utilisation correcte du mot « génocide ». Dans ce mot, on y saigne, on y viole, on y tue, on y assassine. Délibérément et normalement au nom de l'ethno-nationalisme porté à son paroxysme. »</ref>. |
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* [[Sédentarisation#Sédentarisation forcée et génocides|Sédentarisation forcée]] des Achés ([[Guayaki]]s) de 1967 à 1979 dans le [[Paraguay]] d'[[Alfredo Stroessner]] : la population de ces autochtones chassés, torturés, exploités par des civils aidés par l'armée, s'effondre. C'est peut-être le cas le plus aigu des ethnocides confinant au génocide dans les forêts d'Amérique du Sud aux richesses convoitées<ref>[[Yves Ternon]], ''L'État criminel. Les Génocides au {{s-|XX}}'', Paris, Seuil, 1995, {{p.|349-352}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=français |auteur=Tony Robin |titre=Paraguay |sous-titre=la renaissance des indigènes Aché après le « génocide oublié » |url=https://www.rfi.fr/fr/hebdo/20160715-paraguay-ache-stroessner-renaissance-indigenes-genocide-oublie |date=15 juillet 2016 |site=rfi.fr}}.</ref>. |
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* Les crimes contre l'humanité de l'[[Indonésie]] sous la conduite de [[Soeharto]] sont parfois analysés comme des génocides : |
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** le [[Partai Komunis Indonesia|PKI]], troisième parti communiste au monde en nombre d'adhérents, est éradiqué, et certains secteurs de la société (immigrés, chrétiens) sont ciblés, au cours d'une [[Massacres de 1965-1966 en Indonésie|purge]] qui débute fin 1965, entraînant la mort d'au moins {{unité|400000}} Indonésiens, peut-être largement plus<ref>[https://gsp.yale.edu/case-studies/indonesia « Indonesia »], sur le site ''Genocide Studies Program'' de l'[[université Yale]].</ref> ; |
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** la [[Nouvelle-Guinée occidentale]] (Papouasie indonésienne) est livrée presque continûment à des [[Droits de l'homme en Nouvelle-Guinée occidentale|exactions et tueries]] de « forces de sécurité », qui font officiellement {{unité|30000|morts}} mais peut-être largement plus de {{unité|100000}} en réalité<ref>[[Ron Crocombe]], ''Asia in the Pacific Islands: Replacing the West'', IPS Publications, University of the South Pacific, 2007, {{chap.|12}}.</ref>{{,}}<ref>Elizabeth Brundige, Winter King, Priyneha Vahali, Stephen Vladeck et Xiang Yuan, [https://www.freewestpapua.org/wp-content/uploads/2016/04/West_Papua_final_report.pdf ''Indonesian Human Rights Abuses in West Papua: Application of the Law of Genocide to the History of Indonesian Control''], rapport dirigé par James Silk et édité par Barbara Mianzo, de la [[faculté de droit de Yale]], pour l'Indonesia Human Rights Network, {{date-|avril 2004}}.</ref> ; |
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** une large part de la population du [[Timor oriental]] ({{unité|100000}} à {{unité|200000|personnes}}) est exterminée, par des actions militaires et les famines engendrées, pendant l'[[Invasion indonésienne du Timor oriental|occupation indonésienne]] (1975-1999) ; plus que les deux autres, cet événement est appelé « génocide » dans la littérature récente, bien que des experts en droit international identifient mal le ou les groupes culturels victimes<ref>Ben Saul, [https://law.unimelb.edu.au/__data/assets/pdf_file/0003/1680222/Saul.pdf « Was the conflict in East Timor "genocide" and why does it matter? »], ''Melbourne Journal of International Law'', {{vol.|2}}, {{numéro|2}}, 2001, {{p.|477-522}}.</ref>{{,}}<ref>[https://gsp.yale.edu/case-studies/east-timor « East Timor »], sur le site ''Genocide Studies Program'' de l'[[université Yale]].</ref>. |
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* '''[[Génocide au Bangladesh]]''' ([[Pakistan oriental]] à l'époque) : lors de la [[guerre de libération du Bangladesh]] en 1971, une grande partie du peuple [[Bengalis (peuple)|bengali]] et plus particulièrement des [[Hindouisme|hindous]] sont frappés par les innombrables massacres, la [[Violence sexuelle pendant la guerre de libération du Bangladesh|campagne de viol des femmes]] et l'épuration ethnique qui font partie de la répression à outrance de la rébellion bengalie par l'armée pakistanaise et des milices [[Islamisme|islamistes]]. Le bilan des morts (victimes directes et indirectes) pourrait avoisiner le million<ref>Moins d'un million pour des études récentes hors de l'Inde et du Bangladesh, beaucoup plus pour les nombreuses sources teintées de militantisme. Le bilan ne sera jamais estimé avec précision.</ref>. L'intervention militaire de l'[[Inde]], une des rares démarches réussies pour stopper un génocide, est néanmoins suivie de représailles des indépendantistes qui font des dizaines de milliers de morts notamment parmi les [[Biharis]] qui ont collaboré avec les autorités pakistanaises<ref>[[Adam Jones (universitaire canadien)|Adam Jones]], {{lang|en|''Genocide: A Comprehensive Introduction''}}, Routledge, {{3e}} {{éd.}}, 2017, {{p.|535-546}}.</ref>. |
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{{citation bloc|Tuez-en trois millions, et le reste nous mangera dans la main.|[[Muhammad Yahya Khan]], président du Pakistan, devant des généraux, le {{date-|22 février 1971}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Ben Kiernan]] |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{p.|573-574}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref>.}} |
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* Persécutions des [[Hmong]]s : ce peuple, barbare et sauvage dans certaines représentations racistes en Chine et [[Indochine]], subit depuis longtemps des violences au potentiel génocidaire. Aux {{sp-|XVIII|e|et|XIX|e}}s, les Hmongs qui refusent de se soumettre à leurs seigneurs [[mandchous]] sont massacrés. En 1975, la [[guerre civile laotienne]] fait place à un [[Conflit hmong|conflit]] déséquilibré entre le pouvoir communiste et des rebelles hmongs ; ceux qui ne peuvent pas fuir le pays sont tués par des armes chimiques ou encore torturés dans des camps « de rééducation »<ref>{{en}} Arthur A. Hansen, « Human Disaster, Social Trauma and Community Memory », dans Kim Lacy Rogers, Selma Leydesdorff et Graham Dawson, ''Trauma and Life Stories'', Routledge, 1999, {{p.|225-226}}.</ref>{{,}}<ref name="amnesty2007">{{en}} [https://www.amnesty.org/en/documents/ASA26/003/2007/en/ ''Lao People's Democratic Republic: Hiding in the jungle - Hmong under threat''], rapport d'[[Amnesty International]], référence ASA 26/003/2007, {{date-|23 mars 2007}}.</ref>{{,}}<ref name="Deniau2005">{{fr}} [https://www.dailymotion.com/video/xhty9_guerre-secrete-au-laos-envoye-speci Guerre secrète au Laos], Dailymotion, reportage diffusé dans ''[[Envoyé spécial]]'' le {{date-|16 juin 2005}}.</ref>. Aujourd'hui les Hmongs sont dispersés à travers le monde, le [[Laos]] n'est plus une menace pour sa propre petite communauté hmong et les accusations de génocide ne sont repérables que dans des discours militant pour les droits des dernières familles de rebelles cachées dans la jungle. |
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* '''[[Crimes du régime khmer rouge|Génocide(s) au Cambodge]]''' ([[Kampuchéa démocratique]]) : entre 1975 et 1979, [[Pol Pot]] et les [[Khmers rouges]], inspirés à la fois par l'[[ultranationalisme]] et le [[maoïsme]], saignent leur propre pays par des mesures militaires, économiques et « sociales » extrêmes ({{unité|1,7|million}} de morts selon une estimation moyenne répandue<ref>{{en}} [https://gsp.yale.edu/case-studies/cambodian-genocide-program « Cambodian Genocide Program »], sur le site ''Genocide Studies Program'' de l'[[université Yale]] (consulté le {{date-|12 février 2021}}).</ref>, soit entre 20 et 25 % de la population) dans un but d'uniformisation idéologique, ethnique et religieuse. Le néologisme « autogénocide » qui a parfois désigné ce politicide complexe, n'est plus retenu par les analystes des groupes humains détruits par le régime<ref>{{en}} Samuel Totten et Paul R. Bartrop, article « Autogenocide », ''Dictionary of Genocide'', Greenwood Press, 2007, {{p.|30}}.</ref>. En 2018, les [[Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens]] condamnent deux dirigeants khmers rouges encore en vie pour les génocides de la minorité vietnamienne et de la communauté musulmane [[Cham (peuple)|cham]]<ref>{{Article|prénom1=Pierre|nom1=Motin|titre=Quarante ans après, les derniers dirigeants khmers rouges condamnés pour génocide|périodique=Mediapart|lire en ligne=https://www.mediapart.fr/journal/international/171118/quarante-ans-apres-les-derniers-dirigeants-khmers-rouges-condamnes-pour-genocide|consulté le=2018-11-20|date=17 novembre 2018}}.</ref>. |
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* Répression menée par la [[Dictature militaire en Argentine (1976-1983)|dictature militaire argentine]] à la fin des {{nobr|années 1970}} : des milliers de familles d'opposants politiques supposés sont victimes de « disparitions » (exécutions, emprisonnements, [[Affaire des enfants volés sous la dictature argentine|vols de bébés]]…). Plus tard, une cour de justice argentine, jugeant des responsables pour crimes contre l'humanité, suggère qu'un génocide a détruit une part de la nation pour altérer le destin de celle-ci. Certains spécialistes internationaux sont dubitatifs et critiques<ref>Daniel Feierstein, « National Security Doctrine in Latin America: the Genocide Question », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{chap.|24}}.</ref>. |
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* À la fin du {{s-|XX}}, les territoires de la [[Corne de l'Afrique]] et du [[Soudan]] connaissent des conflits incessants durant lesquels les meurtres de masse et les famines se banalisent : sélectionner des épisodes génocidaires relève de la clairvoyance pour certains spécialistes, de l'arbitraire pour d'autres<ref name="GWNEA">Alex de Waal, « Genocidal Warfare in North-East Africa », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{chap.|26}}.</ref>. Malgré tout, des événements sont particulièrement observés : |
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** la [[Terreur rouge (Éthiopie)|Terreur rouge éthiopienne]] (Qey Shibir) en 1977-1978, qui fait vraisemblablement quelques centaines de milliers de victimes, a pour conséquence, trente ans plus tard, la condamnation de l'ex-dictateur [[Mengistu Haile Mariam]] pour génocide, la définition dans la loi éthiopienne s'étendant aux groupes politiques<ref name="Tuquoi"/> ; |
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** la [[Génocide des Isaaq|tentative d'extermination]] du [[Liste de clans somalis|clan somali]] [[Isaaq]] par le président [[Somalie|somalien]] [[Mohamed Siad Barre]] en 1988 et 1989, qui culmine dans la destruction sans précédent d'une grande ville africaine, [[Hargeisa]], et la mort de dizaines de milliers de civils<ref name="GWNEA"/>, est analysée comme un génocide par le rapport d'une enquête mandatée en 2001 par les Nations unies ; |
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** la meurtrière [[seconde guerre civile soudanaise]] (1983-2005) qui oppose la dictature [[Islamisme|islamiste]] et [[Nationalisme arabe|arabiste]] de [[Khartoum]] aux [[chrétien]]s et [[Animisme|animistes]] [[Noir (humain)|noirs]] du futur [[Soudan du Sud]] et des [[monts Nouba]], prend la forme, selon certains analystes, d'une [[Guerre d'anéantissement|guerre d'extermination]]<ref>[[Véronique Grappe-Nahoum]] et [[Pierre Pachet]], « Silence sur le Soudan », ''[[Esprit (revue)|Esprit]]'', {{numéro|286}}, {{date-|juillet 2002}}, {{p.|27-32}}.</ref> menée par la première contre les seconds, et permet d'identifier un vaste génocide<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Ben Kiernan]] |titre=Blood and Soil |sous-titre=A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur |lieu=New Haven |éditeur=[[Yale University Press]] |année=2007 |pages totales=724 |passage={{p.|572}} |isbn=978-0-300-10098-3 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XR91bs70jukC&printsec=frontcover}}.</ref> en partie perpétré « par l'usure », c'est-à-dire en utilisant la famine<ref>Samuel Totten, ''Genocide by Attrition: The Nuba Mountains in the Sudan'', Transaction Publishers, 2012.</ref> ; en abandonnant cette guerre, Khartoum peut se concentrer sur le front ouest : le Darfour (voir la section {{s-|XXI}}). |
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* Persécution génocidaire des [[Bahaïsme|baha'is]] d'[[Iran]] après 1979 : la nouvelle république islamique intensifie la lutte contre ce groupe religieux né sur son territoire cent ans auparavant, puis recule sous la pression internationale dans les {{nobr|années 1990}}. C'est un cas de génocide « naissant » et « suspendu » : pour certains spécialistes, le génocide a été évité ; pour d'autres, le crime a eu lieu mais sans conséquence effroyable (on ne dénombre « que » deux cents morts)<ref name="Momen"/>. |
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* Le [[massacre de Sabra et Chatila]] du {{date-|16 décembre 1982}} a été déclaré « acte de génocide » par l'[[Assemblée générale des Nations unies]]<ref>{{en}} [http://daccess-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/426/01/IMG/NR042601.pdf?OpenElement {{lang|en|''U.N. General Assembly, Resolution 37/123, adopted between 16 and 20 December 1982''}}{{pdf}}].</ref> par {{unité|123|voix}} pour, {{unité|0|contre}} et {{unité|22|abstentions}}<ref>{{en}} [http://unbisnet.un.org:8080/ipac20/ipac.jsp?profile=voting&index=.VM&term=ares37123d#focus {{lang|en|''Voting Summary U.N. General Assembly Resolution 37/123D''}}].</ref>{{,}}<ref name="LK-37">{{en}} Leo Kuper, « {{lang|en|''Theoretical Issues Relating to Genocide: Uses and Abuses''}} », in George J. Andreopoulos, {{lang|en|''Genocide: Conceptual and Historical Dimensions''}}, {{lang|en|University of Pennsylvania Press}}, 1997, {{ISBN|0-8122-1616-4}}, {{p.|37}}.</ref>{{,}}<ref name="WS-455">{{en}} William Schabas, {{lang|en|''Genocide in International Law. The Crimes of Crimes''}}, {{p.|455}}.</ref>. Bien que tous les délégués qui prirent part au débat furent d'accord qu'un massacre s'était produit, son caractère génocidaire, ou les compétences de l'Assemblée à caractériser un événement comme tel, fut mis en question par plusieurs d'entre eux<ref name="WS-455"/>. Selon [[William Schabas]], spécialiste du droit international, {{citation|le terme génocide (…) avait à l'évidence été choisi pour embarrasser Israël plutôt que par véritable souci de précisions légales<ref name="WS-455"/>}}. |
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* '''Génocide au [[Guatemala]]''' pendant la dictature du général [[Efraín Ríos Montt]] (1982-1983) : sommet de violence de la [[Conflit armé guatémaltèque|guerre civile guatémaltèque]], un politicide impitoyable (villages rasés par des milices ou par l'armée, viols, démembrements, enfants battus à mort) frappe collectivement des dizaines de milliers de civils [[mayas]] sur le prétexte d'un soutien à la [[guérilla]] [[Marxisme|marxiste]] qui enrôle principalement des Mayas. Ríos Montt est condamné en 2013 dans son propre pays pour le génocide du petit groupe des Mayas [[ixils]], dont une partie a été massacrée, une plus large partie déportée ; la condamnation, saluée par des organisations des droits de l'homme mais cassée pour [[vice de forme]], n'a pas achevé le débat scientifique sur l'ampleur d'un génocide logé dans le politicide<ref>Jo-Marie Burt, [https://www.ijmonitor.org/2013/05/rios-montt-convicted-of-genocide-and-crimes-against-humanity-the-sentence-and-its-aftermath/ « Rios Montt Convicted of Genocide and Crimes Against Humanity: The Sentence and Its Aftermath »], International Justice Monitor, {{date-|13 mai 2013}}.</ref>{{,}}<ref name="Paranagua"/>{{,}}<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=|titre=Au Guatemala, le procès du dictateur Rios Montt ajourné le temps d'une expertise psychiatrique|périodique=Le Monde.fr|jour=24|mois=juillet|année=2015|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/07/24/au-guatemala-le-proces-de-l-ex-dictateur-rios-montt-ajourne-le-temps-d-une-expertise-psychiatrique_4696644_3222.html}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} [[Adam Jones (universitaire canadien)|Adam Jones]], {{lang|en|''Genocide: A Comprehensive Introduction''}}, Routledge, {{3e}} {{éd.}}, 2017, {{p.|250-262}}.</ref>. |
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{{citation bloc|Nous ne pratiquons pas une politique de la terre brûlée, nous pratiquons une politique de communistes brûlés.|Ríos Montt, lors d'une conférence de presse le {{date-|5 décembre 1982}}<ref>[https://www.nytimes.com/1982/12/06/world/no-headline-080267.html « Guatemalan vows to aid democracy »], ''[[The New York Times]]'', {{date-|6 décembre 1982}}, {{p.|14}}.</ref>.}} |
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* [[Génocide kurde|Massacres de Kurdes]] d'[[République d'Irak (1968-2003)|Irak]] par le dictateur [[Saddam Hussein]] et ses proches en [[1988]] : vraisemblablement plus de {{unité|100000|personnes}} ({{unité|182000}} selon l'estimation citée au procès) périssent durant l'opération ''Anfal'' qui, combinée à un vaste nettoyage ethnique, est censée exterminer les maquisards [[kurdes]] alliés à l'[[Iran]] en [[Guerre Iran-Irak|guerre]]. Le {{date-|24 juin 2007}}, le [[Tribunal spécial irakien]] condamne pour génocide [[Ali Hassan al-Majid]], dit « le Chimique » en raison de son recours aux armes chimiques, et d'autres anciens hauts dignitaires<ref>{{Article |langue=fr |titre=La justice irakienne rend son verdict sur le massacre des Kurdes en 1988 |périodique=Le Monde.fr |date=2007-06-24 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2007/06/24/la-justice-irakienne-rend-son-verdict-sur-le-massacre-des-kurdes-en-1988_927464_3218.html |consulté le=2021-02-15 }}.</ref>{{,}}<ref>Clémence Scalbert-Yücel, [https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2007-1-page-63.htm?contenu=article « Le peuplement du Kurdistan bouleversé et complexifié : de l'assimilation à la colonisation »], ''L'Information géographique'', {{vol.|71}}, {{numéro|1}}, {{date-|mars 2007}}, {{p.|63-86}}.</ref>. |
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* L'indépendance du [[Rwanda]] et du [[Burundi]] au début des {{nobr|années 1960}} est accompagnée et suivie par des rivalités intercommunautaires qui explosent en violences génocidaires à maintes reprises en [[Afrique des Grands Lacs]] : les [[Hutu]]s, majoritaires mais parfois exclus du pouvoir politique, et les [[Tutsis]], qui ne forment pourtant pas une ethnie différente à proprement parler, sont tour à tour victimes de tueries provoquées par leurs membres les plus radicaux et haineux<ref>Timothy J. Stapleton, ''A History of Genocide in Africa'', Praeger Security International, 2017, {{chap.|2-4}}.</ref>{{,}}<ref>[[René Lemarchand]] (dir.), ''Forgotten Genocides'', University of Pennsylvania Press, 2011, {{chap.|1 et 2}}.</ref>. Cinq événements se détachent : |
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** au Rwanda, au moins {{unité|10000|Tutsis}}, dont des leaders politiques modérés, sont victimes de milices hutues encouragées par l'administration [[Grégoire Kayibanda|Kayibanda]] dès {{date-|décembre 1963}} ; |
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** au Burundi, le massacre de dizaines de milliers de Hutus (peut-être {{unité|200000}}) par l'armée à dominance tutsie entre avril et {{date-|septembre 1972}} est souvent appelé ''[[Ikiza]]''<ref>[[Jean-Pierre Chrétien]] et Jean-François Dupaquier, ''Burundi 1972, au bord des génocides'', Paris, [[Éditions Karthala|Karthala]], 2007, {{p.|9}}.</ref> (« catastrophe, fléau » en [[kirundi]]), « [[Génocides au Burundi|génocide des Hutus au Burundi]] » ou simplement « génocide burundais » ; |
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** au Burundi, après l'assassinat du président [[Melchior Ndadaye]], près de {{unité|20000|Tutsis}} sont massacrés par des Hutus en octobre et {{date-|novembre 1993}} (« génocide des Tutsis au Burundi »), et l'armée fait autant de victimes hutues en représailles ; |
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** le '''[[génocide des Tutsis au Rwanda]]''' est reconnu dans un rapport de la Commission des droits de l'homme de l'ONU le {{date-|28 juin 1994}}, puis par le [[Tribunal pénal international pour le Rwanda]] : après l'[[Attentat du 6 avril 1994 au Rwanda|attentat]] qui coûte la vie au président burundais [[Cyprien Ntaryamira]] et surtout au président rwandais [[Juvénal Habyarimana]], environ {{unité|800000|personnes}}, très majoritairement des Tutsis, sont tuées par des compatriotes en seulement trois mois entre avril et {{date-|juillet 1994}}, dans des massacres principalement à la machette et à l'arme blanche préparés par le [[Hutu Power]] ; |
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** au [[Zaïre]] en 1996 et 1997, la poursuite éradicatrice de membres du Hutu Power par les forces armées rwandaises et des rebelles congolais fait plus de {{unité|200000|victimes}}, directes et indirectes, parmi les réfugiés rwandais hutus : seuls quelques spécialistes évoquent un génocide. |
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{{citation bloc|L'on doit comprendre, moi, j'estime qu'au lieu de fuir, mieux vaudrait mourir […] nous devons donc combattre les ''Inkotanyi'', en finir avec eux, les exterminer, les balayer, dans tout ce pays… parce qu'il n'y a pas de refuge, pas de refuge alors !|[[Kantano Habimana]], animateur de la [[Radio télévision libre des Mille Collines|radio des Mille Collines]], demandant au gouvernement rwandais de ne rien céder à un ennemi mortel tutsi, le {{date-|15 mai 1994}}<ref>Jean-Pierre Chrétien (dir.), ''Rwanda : Les Médias du génocide'', Paris, Karthala, 1995, {{p.|304-305}}.</ref>.}} |
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* Crimes majeurs des conflits en ex-[[Yougoslavie]] : |
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** Le '''[[massacre de Srebrenica]]''', commis par des militaires serbes de Bosnie en {{date-|juillet 1995}} durant la [[guerre de Bosnie-Herzégovine]], fait environ {{unité|8000|victimes}}, des hommes [[bosniaques]]. Le massacre et les persécutions qui lui sont directement corrélées, notamment la déportation de nombreux bosniaques, sont qualifiés de génocide par le [[Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie]]. L'étendue du génocide, dans un conflit où les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont nombreux, est débattue par les spécialistes<ref>{{Chapitre |langue=en |auteur1=Martin Mennecke |titre chapitre=Genocidal Violence in the Former Yugoslavia: Bosnia Herzegovina and Kosovo |auteurs ouvrage=Samuel Totten et William S. Parsons |titre ouvrage=Century of Genocide: Critical Essays and Eyewitness Accounts |lieu=New York/Londres |éditeur=Routledge (Taylor & Francis) |année=2009 ({{3e|édition}}) |isbn= |lire en ligne= |passage=423-461}}.</ref> : rares sont ceux pour qui le mot « génocide » est employé à tort, moins rares sont les évocations d'un plus large [[génocide bosniaque]]. |
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** Violences lors de l'épuration ethnique décidée par [[Slobodan Milošević]] durant la [[guerre du Kosovo]] : environ {{unité|10000|Kosovars}} albanais sont tués par les forces armées serbes. La question du génocide divise les spécialistes : si certains massacres peuvent être qualifiés de génocidaires, la difficulté est de prouver l'intention de détruire la population quand l'intention de la faire fuir semble plus manifeste ''a priori''<ref>{{Article |langue=en |auteur1=Jason Abrams |titre=The Atrocities in Cambodia and Kosovo: Observations on the Codification of Genocide |périodique=New England Law Review |volume=35 |numéro=2 |date=2001 |pages=303-309 |lire en ligne= }}.</ref>. |
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=== {{s-|XXI}} === |
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* '''Génocide(s) de la [[guerre du Darfour]]''' à partir de 2003 : une première enquête de l'ONU conclut en 2005 que le gouvernement [[Soudan|soudanais]] ne mène pas une politique génocidaire contre la population du [[Darfour]] mais que des crimes très graves sont commis, peut-être parfois avec une intention génocidaire ; les preuves s'accumulant, le président [[Omar el-Bechir]] finit par faire l'objet d'un mandat d'arrêt de la [[Cour pénale internationale]] en deux temps : pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en 2009, puis en 2010 pour génocides d'une partie des groupes ethniques [[Fours (peuple)|four]], [[masalit]] et [[Zaghawa (peuple)|zaghawa]]. Selon des commentateurs qui acceptent l'emploi du terme « génocide », on peut mêler plusieurs génocides en un seul, celui des peuples du Soudan que [[Khartoum]] étiquette « non arabes » (« noirs », « africains »), qui aurait commencé pendant la seconde guerre civile soudanaise<ref>Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017, {{p.|136-140}}.</ref> (voir la section {{s-|XX}}). |
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* Conflit interethnique au [[Tanganyika (province)|Tanganyika]] ([[république démocratique du Congo]]) : depuis 2013, des [[Bantous]] et des [[Pygmée]]s organisés en milices martyrisent leurs populations. Après un procès compliqué, quatre détenus bantous sont condamnés en 2016 pour génocide par un tribunal de [[Lubumbashi]] formé à la hâte, par une mission de l'ONU, au traitement des crimes relevant du droit international<ref>Habibou Bangré, [https://www.justiceinfo.net/fr/25796-rdc-impasse-dans-le-proces-de-bantous-et-pygmees-accuses-de-genocide.html « RDC : impasse dans le procès de Bantous et Pygmées accusés de génocide »], ''Justiceinfo.net'', {{date-|3 février 2016}}.</ref>{{,}}<ref>[https://www.bbc.com/afrique/region-37529939 « RDC : 15 ans de prison pour génocide »], ''BBC News'', {{date-|1er octobre 2016}}.</ref>. |
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* Persécution de musulmans [[Chiisme|chiites]] et de diverses minorités religieuses et ethniques en [[Irak]] et en [[Syrie]] dans le « califat » régenté entre 2014 et 2019 par Daech ([[État islamique (organisation)|État islamique]]), organisation « génocidaire par auto-proclamation, par idéologie et par actions » selon l'ancien [[secrétaire d'État des États-Unis]] [[John Kerry]], relayé par de nombreux journalistes et chercheurs<ref>[https://www.theguardian.com/world/2016/mar/17/john-kerry-isis-genocide-syria-iraq « John Kerry: Isis is committing genocide in Syria and Iraq »], ''[[The Guardian]]'', {{date-|17 mars 2016}}.</ref>{{,}}<ref name="Dakhil">Vian Dakhil, Aldo Zammit Borda et Alexander R. J. Murray, « ‘Calling ISIL Atrocities Against the Yezidis by Their Rightful Name’: Do They Constitute the Crime of Genocide? », ''Human Rights Law Review'', {{vol.|17}}, {{numéro|2}}, 2017, {{p.|261-283}}.</ref>. |
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** Le [[génocide des Yézidis]] a fait l'objet d'une enquête de l'ONU<ref>« Yazidis : l'ONU dénonce un génocide en cours », ''[[Le Figaro]]'', {{date-|17 juin 2016}}, {{p.|7}}.</ref> : des milliers de Yézidis, considérés par Daech comme des [[Polythéisme|polythéistes]] inférieurs aux [[gens du Livre]], sont tués, notamment lors des [[massacres de Sinjar]], ou esclavagisés ; des enfants sont convertis au [[salafisme djihadiste]] et envoyés au combat<ref name="Dakhil"/>. |
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** Les violences contre les [[chrétien]]s sont souvent associées au génocide des Yézidis, par exemple par le [[Parlement européen]]<ref>{{Article|titre=Une résolution du Parlement européen pour reconnaître un « génocide » en Irak|périodique=La Croix|date=2016-02-04|lire en ligne=https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/Monde/Une-resolution-Parlement-europeen-pour-reconnaitre-genocide-Irak-2016-02-04-1200737635}}.</ref>, ou par la juriste Sarah Raben<ref>Sarah Myers Raben, « The ISIS Eradication of Christians and Yazidis: Human Trafficking, Genocide, and the Missing International Efforts to Stop It », ''Revista de Direito Internacional'', {{vol.|15}}, {{numéro|1}}, 2018, {{p.|239-254}}.</ref>. |
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{{citation bloc|La continuelle existence des yézidis jusqu'à ce jour est une situation que les musulmans devraient remettre en cause puisqu'ils seront interrogés là-dessus au jour du Jugement, étant donné qu'Allah a révélé le verset de l'épée il y a plus de {{unité|1400|ans}}.|Extrait du quatrième volume du magazine de propagande ''[[Dabiq (magazine)|Dabiq]]''<ref name="Dakhil"/>, suggérant que les yézidis qui n'ont pas voulu se convertir depuis {{unité|1400|ans}} devraient maintenant être éliminés par tous les moyens indiqués dans le [[At-Tawba#Verset 5-6 : le verset de l'épée|{{nobr|verset 5}}]] de la [[At-Tawba|neuvième sourate]] du [[Coran]].}} |
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* [[Génocide des Rohingya|Crise des Rohingya]] : en dénonçant les crimes contre l'humanité perpétrés par l'État et l'armée [[Birmanie|birmans]] en 2017, l'[[International Association of Genocide Scholars]] pointe les signes d'un génocide dont l'expulsion de centaines de milliers de [[Rohingya]] vers le [[Bangladesh]] ne serait que la superficie<ref>[https://genocidescholars.org/wp-content/uploads/2020/04/IAGS-Rohingya-Resolution.pdf ''Resolution to Declare the Rohingya Persecution a Crime of Genocide and Crimes Against Humanity''], International Association of Genocide Scholars, {{date-|21 avril 2020}}.</ref>. Une telle dénonciation tranche avec le quasi-désintérêt depuis 1948 pour les atrocités du [[conflit armé birman]] (notamment la répression des sécessionnistes [[karens]]), qui sont pourtant comparables à celles des génocides postcoloniaux<ref>Geoffrey Robinson, « State-Sponsored Violence and Secessionist Rebellions in Asia », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010, {{chap.|23}}.</ref>. |
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* [[Génocide culturel des Ouïghours]] : le [[Parti communiste chinois]] a accentué depuis 2017 sa politique discriminatoire contre des centaines de milliers d'habitants de la [[Région autonome (république populaire de Chine)|région autonome]] du [[Xinjiang]], en majorité des musulmans [[ouïghours]], qui sont internés dans des camps dits « de rééducation politique ». Les familles y sont assurément séparées et, malgré une stratégie du secret du Parti, on soupçonne des contraceptions et des stérilisations forcées. Ainsi, certains experts évoquent la possibilité d'un génocide biologique systématique par entrave des naissances, malgré l'impossibilité actuelle d'une enquête poussée pour prouver l'intention exterminatrice des autorités chinoises<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Laurence Defranoux et Valentin Cebron |titre=Ouïghours : au Xinjiang, un lent et silencieux génocide culturel |url=https://www.liberation.fr/planete/2019/09/05/ouighours-au-xinjiang-un-lent-et-silencieux-genocide-culturel_1749543 |date=5 septembre 2019 |site=Libération.fr |consulté le=21 novembre 2020}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Laurence Defranoux |titre=Ouïghours : l'entrave aux naissances, un critère de génocide |url=https://www.liberation.fr/planete/2020/07/20/l-entrave-aux-naissances-un-critere-de-genocide_1794804 |date=20 juillet 2020 |site=Libération.fr |consulté le=21 novembre 2020}}.</ref>. |
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* [[Risque de génocide à Gaza depuis 2023]] ([[Palestine (État)|Palestine]]) : la guerre menée par l'État israélien depuis octobre 2023 contre le [[Hamas]] à la suite des attaques meurtrières commises en Israël par celui-ci le 7 octobre 2023 et qui entraîne de nombreuses pertes de vies civiles parmi la population [[Palestiniens|palestinienne]] à [[Gaza]] {{incise|{{nombre|41000 morts}} en un an, civils et combattants, d'après les sources locales, sur une population de {{nobr|2,1 millions}}}} est considérée par certains comme pouvant être constitutive d'un génocide, même si le terme est réfuté par l'État israélien et ses soutiens. Une procédure judiciaire internationale a été déposée en janvier 2024 auprès de la [[Cour internationale de justice|Cour Internationale de Justice]]. |
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== Notes et références == |
== Notes et références == |
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{{Références| |
{{Références nombreuses|taille=25 | références= |
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<ref name="29novembre2006_www.liberation.fr">Hélène Despic-Popovic, « Kiev reconnaît la grande famine comme génocide », dans ''Libération'' du {{date-|29 novembre 2006}}, {{lire en ligne|lien=http://www.liberation.fr/actualite/monde/220034.FR.php}}.</ref> |
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== Annexes == |
== Annexes == |
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{{Autres projets|wiktionary=génocide|wikiquote=Génocide}} |
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{{catégorie principale}} |
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=== Bibliographie === |
=== Bibliographie === |
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==== Théorie du génocide et prévention : droit, politique, psychocriminologie ==== |
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* [[Bernard Bruneteau]], ''Le Siècle des génocides'' Armand Colin, 2004 |
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* [[Vincent Duclert]] (dir.), ''Rapport de la « Mission génocides »'', CNRS éditions, 2018. |
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* Alisonn Des Forges, ''Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda'', Human Rights Watch/FIDH, Karthala, 1999. |
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* [[Daniel Zagury]], « Le travail psychique du crime chez les tueurs en série et les acteurs de génocide », dans Françoise Neau (dir.), ''Cruautés'', Presses universitaires de France, 2014, {{p.|25-40}}. |
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* [[Benjamin Sehene]], ''[[Le Piège ethnique]]'', [[Éditions Dagorno]], [[Paris]], [[1999]] ISBN 2910019543 |
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* [[ |
* [[Bernard Bruneteau]], ''Génocides. Usages et mésusages d’un concept'', CNRS éditions, 2019. |
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* [[Jacques Semelin]], ''Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides'', Paris, Seuil, 2005. |
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* [[Yves Ternon]], ''Les Arméniens, Histoire d'un génocide'' (Seuil, 1977, 1996) |
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* [[Jean-Louis Panné]], « Rafaël Lemkin et Raul Hilberg. À propos d'un concept », ''Commentaire'', {{numéro|127}}, {{date-|automne 2009}}, {{p.|643-651}}. |
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* Yves Ternon, ''Du négationnisme. Mémoire et tabou'' (Desclée de Brouwer, 1998) |
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* {{article |auteur1=[[Anson Rabinbach]] |traducteur=Claire Drevon |titre=Raphael Lemkin et le concept de génocide |périodique=Revue d'histoire de la Shoah |numéro=189:2 |date=2008 |pages=511-554 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2008-2-page-511.htm}}. |
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* Yves Ternon, ''L'État criminel'' (Seuil, 1995) |
|||
* Olivier Beauvallet, ''Lemkin face au génocide'', suivi d'un inédit de R. Lemkin, ''Les Poursuites judiciaires contre Hitler'', Michalon, 2011 {{ISBN|978-2-84186-560-4}}. |
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* Yves Ternon, ''L'Innocence des victimes. Regard sur les génocides du {{s-|XX|e}}'' (Desclée de Brouwer, 2001) |
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* [[Raphael Lemkin]], ''Qu'est-ce qu'un génocide ?'', Éditions du Rocher, 2008. Ce volume contient les neuf chapitres d'analyse du concept de génocide élaboré par R. Lemkin (première édition en français) ; son texte ''Le Crime de génocide'' paru à La Documentation française en 1946 ; une préface de Jean-Louis Panné, « Le pouvoir sans pouvoir ». |
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* Louise-Marie Diop-Maes, ''Afrique Noire, démographie, sol et histoire : une analyse pluridisciplinaire et critique'' (Présence Africaine, 1997) |
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* {{chapitre| langue=en| auteur1=Raphael Lemkin| numéro chapitre=IX| titre=Genocide| passage=79-95| titre ouvrage=Axis Rule in Occupied Europe, Laws of Occupation, Analysis of Government, Proposals for Redress| lieu=Washington| éditeur=Carnegie Endowment for International Peace| date=1944| lire en ligne=http://www.preventgenocide.org/lemkin/AxisRule1944-1.htm| accès url=libre| consulté le=11 novembre 2023}}. |
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* Joseph Ki-Zerbo Unesco (Comité scientifique international pour la rédaction d'une histoire générale de l'Afrique), ''Histoire générale de l'Afrique'' (Edicef / Hachette Livres, 1989) |
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* {{en}} Samuel Totten et Steven L. Jacobs (dir.), [https://books.google.co.uk/books?vid=ISBN0765801515&id=g26NmNNWK1QC&pg=PA210&lpg=PA210&dq=pontian+isbn:0765801515&num=100&sig=D8lv0QCu9iCqIji5nfiYvhBRC_Q&hl=en ''Pioneers of Genocide Studies''], Transaction Publishers, 2002 {{ISBN|0-7658-0151-5}}. |
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*[[Bibliographie sur le génocide au Rwanda]] |
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* {{en}} Colin Tatz, [https://books.google.co.uk/books?id=khCffgX1NPIC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false ''With Intent to Destroy: Reflections on Genocide''], Verso Books, 2003 {{ISBN|1-85984-550-9}}. |
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* {{en}} [[William Schabas]], [https://books.google.fr/books?id=gIJSZ18anNwC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false ''Genocide in International Law: The Crime of Crimes''], Cambridge University Press, 2009 ({{2e|édition}}). |
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* {{en}} Larry May, ''Genocide: A Normative Account'', Cambridge University Press, 2010. |
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* {{en}} Payam Akhavan, ''Reducing Genocide to Law: Definition, Meaning, and the Ultimate Crime'', Cambridge University Press, 2012. |
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* {{en}} Karen Elizabeth Smith, ''Genocide and the Europeans'', Cambridge University Press, 2010. |
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* {{en}} Charles H. Anderton et Jurgen Brauer (dir.), ''[https://books.google.fr/books?id=mqhHDAAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false Economic Aspects of Genocides, Other Mass Atrocities, and Their Prevention]'', Oxford University Press, 2016. |
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* {{en}} Donald G. Dutton, ''The Psychology of Genocide, Massacres, and Extreme Violence'', Londres/Westport (Connecticut), Praeger Security International, 2007. |
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* {{en}} Martin Shaw, ''What is Genocide'', Polity Press, 2015 ({{2e|édition}} ; {{1re|édition}} 2007). |
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==== Récits de génocides et analyses : histoire, témoignage, lutte ==== |
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* Collectif, ''Parler des camps, penser les génocides'', Albin Michel, 1999 {{ISBN|2226223177}}. |
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* Régine Waintrater, ''Sortir du génocide. Témoignage et Survivance'', Paris, Payot, {{coll.|Petite Bibliothèque Payot}}, 2011 {{ISBN|978-2-228-90611-1}}. |
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* {{Ouvrage |auteur1=[[Raul Hilberg]] |titre=[[La Destruction des Juifs d'Europe]] |éditeur=Gallimard |année=2006 |collection=Folio-histoire }}, 3{{nb vol.}} |
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* [[Olivier Weber]], ''Les Impunis. Cambodge : un voyage dans la banalité du mal'', Robert Laffont, 2013. |
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* [[Stéphane Courtois]], ''[[Le Livre noir du communisme]]. Crimes, Terreur, Répression'', avec Nicolas Werth, Jean-Louis Panné, Andrzej Paczkowski, Karel Bartosek, Jean-Louis Margolin (en coll.), Robert Laffont, 1997, 923{{nb p.}} {{ISBN|978-2221082041|978-2266086110|978-2221088616}}. |
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* Alison Des Forges, ''Aucun témoin ne doit survivre. Le Génocide au Rwanda'', {{lang|en|Human Rights Watch}}/FIDH, Karthala, 1999. |
|||
* [[Arnold J. Toynbee]], ''Les Massacres des Arméniens : le meurtre d'une nation (1915-1916)'', Paris, Payot, 2004 {{ISBN|2-228-89872-4}}. |
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* [[Yves Ternon]], ''Les Arméniens : Histoire d'un génocide'', Paris, Seuil, 1977, 1996. |
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* Yves Ternon, ''Du négationnisme. Mémoire et Tabou'', Paris, Desclée de Brouwer, 1998. |
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* Yves Ternon, ''L'État criminel. Les Génocides au {{s-|XX}}'', Paris, Seuil, 1995. |
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* Yves Ternon, ''L'Innocence des victimes. Regard sur les génocides du {{s-|XX}}'', Desclée de Brouwer, 2001. |
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* Bernard Bruneteau, ''Un siècle de génocides. Des Hereros au Darfour (1904-2004)'', Armand Colin, 2016 {{ISBN|2200613105}}. |
|||
* {{en}} Samuel Totten (dir.), William S. Parsons, ''Century of Genocide: Critical Essays and Eyewitness Accounts'', Routledge (Taylor & Francis), 2012 ({{4e|édition}}). |
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* {{en}} [[Robert Gellately]], [[Ben Kiernan]] (dir.), ''The Specter of Genocide: Mass Murder in Historical Perspective'', Cambridge University Press, 2003. |
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* {{en}} Ben Kiernan, ''Blood and Soil: A World History of Genocide and Extermination from Sparta to Darfur'', Yale University Press, 2007 {{ISBN|0300144253}}. |
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* {{en}} Ben Kiernan (dir.), ''The Cambridge World History of Genocide'', Cambridge University Press, 2023, 3{{nb vol.}} |
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* {{en}} David M. Crowe, ''War Crimes, Genocide, and Justice: A Global History'', Palgrave Macmillan, 2014. |
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* {{en}} Norman Naimark, ''Genocide: A World History'', Oxford University Press, 2017. |
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* {{en}} [[René Lemarchand]] (dir.), [https://books.google.fr/books?id=4CEPu00Z-i8C&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false ''Forgotten Genocides: Oblivion, Denial, and Memory''], University of Pennsylvania Press, 2011. |
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* {{en}} Paul R. Bartrop (dir.), ''A Cultural History of Genocide'', Bloomsbury Academic, 2021, 6{{nb vol.}} |
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==== Encyclopédies et ouvrages généraux ==== |
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* Jean Albert (dir.), ''L'avenir de la justice pénale internationale'', Bruxelles, [[Éditions Bruylant|Bruylant]], 2024 {{ISBN|978-2-8027-7345-0}}. |
|||
* Katia Boustany et Daniel Dormoy (dir.), ''Génocide(s)'', Bruxelles, Bruylant, 1999. |
|||
* [[Israel Charny]] (dir.), ''Le Livre noir de l'humanité. Encyclopédie mondiale des génocides'', Paris, Privat, 2001 {{ISBN|2-7089-5607-8}}. |
|||
* {{en}} Dinah Shelton (dir.), ''Encyclopedia of Genocide and Crimes Against Humanity'', Macmillan Reference, 2004, 3{{nb vol.}} |
|||
* {{en}} Leslie Alan Horvitz et Christopher Catherwood, ''Encyclopedia of War Crimes and Genocide'', Facts on File, 2011 (édition révisée ; {{1re|édition}} 2006). |
|||
* {{en}} Samuel Totten et Paul R. Bartrop, ''Dictionary of Genocide'', Greenwood Press, 2007. |
|||
* {{en}} Dan Stone (dir.), ''The Historiography of Genocide'', Palgrave Macmillan, 2008. |
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* {{en}} A. Dirk Moses (dir.), ''Empire, Colony, Genocide: Conquest, Occupation and Subaltern Resistance in World History'', Berghahn Books, 2008. |
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* {{en}} Donald Bloxham et A. Dirk Moses (dir.), ''The Oxford Handbook of Genocide Studies'', Oxford University Press, 2010. |
|||
* {{en}} Howard Ball, ''Genocide: A Reference Handbook'', ABC-Clio, 2010. |
|||
* {{en}} [[Adam Jones (universitaire canadien)|Adam Jones]], ''Genocide: A Comprehensive Introduction'', Routledge, 2017 ({{3e|édition}} ; {{1re|édition}} 2006). |
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Il existe également plusieurs encyclopédies de la Shoah. |
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=== Articles connexes === |
=== Articles connexes === |
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{{colonnes|taille=|nombre=2| |
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* [[Génocide (droit français)]] |
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* [[Génocide en droit pénal français]] |
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* [[Démocide]] |
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* [[ |
* [[Génocide culturel]], [[ethnocide]] |
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* [[Massacre génocidaire]], [[crime contre l'humanité]] |
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* [[Négationnisme]] |
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* [[Négationnisme]], [[DARVO]], {{Lien|lang=en|trad=Genocide denial|fr=négation de génocide (en)}} |
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* [[Liste des massacres]] (y compris ceux n'étant pas qualifiés de génocide) |
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* [[Génocide de peuples autochtones]], [[déni des génocides autochtones]] |
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* [[Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens]] (CETC) |
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* {{Lien|lang=en|trad=Genocides in history|fr=Génocides dans l'Histoire}} |
|||
* [[Viol en tant qu'arme de génocide]] |
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* [[Les dix étapes du génocide]] |
|||
* [[Éducation relative au génocide]] |
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* {{Lien|lang=en|trad=Outline of genocide studies|fr=Aperçu des études sur le génocide}} |
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}} |
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=== Liens externes === |
=== Liens externes === |
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{{Liens}} |
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* {{fr}} [http://www.un.org/french/documents/index.html Centre de documentation de l'ONU] |
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==== Articles et compléments ==== |
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* {{fr}} [http://www.memoire-juive.org/index.html Site Mémoire Juive et Éducation, destiné à des élèves de collège et de lycée] |
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* {{fr}} [http:// |
* {{fr}} [http://www.un.org/french/documents/index.html Centre de documentation de l'{{abréviation discrète|ONU|Organisation des Nations unies}}] |
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* {{fr}} [http://cec.rwanda.free.fr/documents/ |
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Un génocide, dans son acception la plus répandue aujourd'hui dans la communauté académique, est un crime consistant en l'élimination concrète intentionnelle, totale ou partielle, d'un groupe national, ethnique ou encore religieux, en tant que tel, ce qui veut dire que des membres du groupe sont tués, brisés mentalement et physiquement, ou rendus incapables de procréer, en vue de rendre difficile ou impossible la vie du groupe ainsi réduit. Le génocide peut être perpétré par divers moyens, le plus répandu et le plus évident étant le meurtre collectif.
Le mot « génocide », néologisme inventé par le juriste Raphael Lemkin en 1943, avait alors un sens confus et renvoyait plus ou moins à ce que nous appelons aujourd'hui l'ethnocide, car le groupe victime pouvait être contraint à une transformation culturelle et pas, ou pas seulement, décimé. Sous l'impulsion, entre autres, de Lemkin lui-même, le mot a pris son sens de destruction physique et biologique après la Seconde Guerre mondiale et ses horreurs. Il a ensuite connu des évolutions de sens dans plusieurs directions. Certains historiens et politologues restreignent la définition en estimant notamment que le génocide est programmé, systématique, et radical dans ses intentions : le génocide arménien, la Shoah et le génocide des Tutsis au Rwanda, trois génocides reconnus par l'ensemble des spécialistes, sont en effet des exterminations planifiées par un État, indifférentes à l'âge ou au sexe des victimes. Au contraire, donner au génocide un sens plus large lui fait correspondre des éliminations sélectives telles que des politicides, des massacres et des oppressions de population y compris quand ils sont mêlés à des guerres, des épidémies et des famines, ou encore des séries de meurtres racistes plus ou moins liés, laissés impunis par une autorité et contribuant à la disparition d'un peuple, ou même à l'élimination physique et culturelle d'un groupe peut-être moins lié à l'ethnicité.
Histoire du concept jusqu'en 1948
[modifier | modifier le code]Origine et étymologie
[modifier | modifier le code]Bien avant l'apparition du néologisme « génocide », il existait dans plusieurs langues des mots qui entendaient signifier le massacre d'une population, la mort d'une nation ou le meurtre d'un peuple, si bien qu'il est possible de soutenir que le concept a une histoire ancienne[1]. En français, le terme rare « populicide », créé sous la Révolution française par Gracchus Babeuf pour désigner les massacres des populations civiles de Vendée perpétrés par les troupes républicaines, était tombé dans l'oubli. En revanche étaient et sont encore en usage le grec γενοκτονία, genoktonía, le polonais ludobójstwo ou encore l'allemand Völkermord. Ce dernier nom, employé dès 1831 par des intellectuels allemands opposés à la dure répression de l'insurrection de Novembre en Pologne, était connu par Raphael Lemkin, qui cependant l'a écarté[2]. Lemkin, professeur de droit américain d'origine juive polonaise, forge en 1943 « génocide » à partir de la racine grecque γένος, génos signifiant « naissance », « origine », « espèce », « race », mais aussi « peuple », « tribu », « nation » (sens qui la rapprochent de ἔθνος, éthnos), et du suffixe -cide, qui vient du verbe latin caedere, « frapper », « abattre », « tuer », voire « massacrer ».
Le concept de génocide est en préparation dans l'esprit de Lemkin dès 1933 lorsqu'il commence à s'intéresser au droit international, inspiré par l'actualité : le massacre de chrétiens assyriens en Irak rappelle un passé plus douloureux encore, l'élimination impunie de minorités chrétiennes de l'Empire ottoman vers 1915 (génocide arménien notamment) ; en reflet, l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler en Allemagne fait craindre un futur aussi douloureux, dont il faut prévenir ou sanctionner les crimes. Lemkin avait alors tenté, sans succès, de populariser deux idées : le « crime de vandalisme », défini comme la destruction d'œuvres d'art et de culture sous prétexte qu'elles représentent le génie d'un groupe national, religieux ou racial, et surtout le « crime de barbarie », ensemble d'actions opprimantes et destructrices dirigées contre les membres de tels groupes[3],[4].
Le mot « génocide » apparait pour la première fois dans une étude de Lemkin, Axis Rule in Occupied Europe, publiée en 1944 par la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Le chapitre IX, devenu célèbre, commence par ces phrases :
« De nouvelles conceptions supposent l'adoption de nouveaux termes. Par « génocide », nous entendons la destruction d'une nation ou d'un groupe ethnique. Ce nouveau mot, forgé par l'auteur pour signifier une vieille pratique dans son évolution moderne, […] ne signifie pas nécessairement la destruction immédiate d'une nation, sauf lorsqu'il est réalisé par des meurtres en masse de tous les membres d'une nation. Il entend plutôt signifier un plan coordonné de différentes actions visant à la destruction de fondements essentiels de la vie de groupes nationaux, dans le but d'exterminer les groupes eux-mêmes. Un tel plan aurait pour objectifs la désintégration des institutions politiques et sociales, de la culture, de la langue, des sentiments nationaux, de la religion et de la vie économique de groupes nationaux, ainsi que la suppression de la sécurité personnelle, de la liberté, de la santé, de la dignité, voire de la vie des personnes appartenant à ces groupes. Le génocide vise le groupe national en tant qu'entité, et les actions en question sont dirigées contre des individus, non pas ès qualité, mais en tant que membres du groupe national[5]. »
Lemkin estime que la politique nazie de génocide en Europe occupée consiste en dénationalisation violente et mortifère de plusieurs peuples, puis en germanisation, bien que les nazis distinguent ces peuples biologiquement, plus que culturellement. Le sort des Juifs est certes spécifique, puisque la destruction physique complète est recherchée ; pourtant, au niveau des groupes et non des individus, il est similaire au sort des populations slaves par exemple : les groupes disparaissent, les individus restent ou disparaissent. Le meurtre de masse n'est donc pas central dans cette définition du génocide, la destruction des « nations » est aussi politique, religieuse, linguistique, culturelle[4]. Lemkin sera repris dans cette conception par Claude Lévi-Strauss, par exemple.
Premières critiques et acceptation
[modifier | modifier le code]La notion de génocide ne fait pas alors l'unanimité parmi les juristes qui réfléchissent au droit international. L'un de ces principaux opposants est le juriste international Hersch Lauterpacht qui impose au même moment le concept de crime contre l'humanité, fort d'une plus longue histoire. La controverse entre Lauterpacht et Lemkin a marqué les travaux alliés sur la définition des crimes supranationaux et leur sanction. « L'être humain, l'individu… est l'ultime source de tout droit », écrit Lauterpacht en 1943. Pour celui-ci, faire intervenir la notion de groupe renforce les conflits interethniques, la sanction d'un groupe risquant d'être imputée à un groupe opposé et non aux principes du droit. Au lieu de pacifier, l'incrimination infamante de génocide susciterait des réactions de groupe contraires à l'acceptation raisonnable des décisions de justice. Évoquer le groupe serait inutile puisqu'en définitive c'est un individu qui a été privé de ses droits élémentaires. Les circonstances aident seulement à qualifier le crime mais ne changent pas sa nature[6],[7].
En évoquant, pour le génocide, l'obligation de prouver une volonté d’extermination totale, on entre dans des débats infinis sur l'intentionnalité supposée des criminels qui risquent de ralentir l'instruction des crimes et de bloquer le verdict. Faire intervenir dans le génocide la destruction de langues, de coutumes ou tout autre aspect « folklorique » appauvrit l'intensité du crime et fait entrer le droit dans des méandres dont il ne peut pas sortir. Lauterpacht estime donc que seul le crime contre l'humanité, constatant des massacres de fait hors de toute légalité internationale, doit être poursuivi. Il est un opposant ferme à l'introduction de la notion de génocide lors du procès de Nuremberg et plus tard. Dans son Traité du droit international d'Oppenheim (Oppenheim's International Law) publié en 1958, il considère encore le concept de génocide comme « gros de lacunes, d'artifices et de dangers potentiels », marquant un « recul » par rapport à la protection des droits de l'homme[6],[7].
Ainsi, au procès de Nuremberg, Lemkin, conseiller de Robert H. Jackson, membre de la Cour suprême des États-Unis et chef de la délégation américaine au tribunal, du fait de l'opposition d'autres juristes, échoue à faire entrer le crime de génocide parmi les chefs d'accusation. Même si le terme est sporadiquement employé dans les actes d'accusation britannique et français, il ne figure pas dans le jugement prononcé le car le statut du tribunal ne le mentionne pas dans les crimes relevant de sa compétence, à savoir les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité[8].
Le néologisme de Lemkin séduit néanmoins de nombreux politiciens et intellectuels, ainsi que des juristes qui pensent que « génocide » peut qualifier certains crimes odieux que la définition habituelle du crime contre l'humanité laisse de côté. L'Organisation des Nations unies, en même temps qu'elle définit la charte universelle des droits de l'homme, décide de mettre en place une organisation visant à empêcher dans l'avenir l'occurrence de génocide, en espérant que le risque de sanction internationale réfrénerait les ardeurs. Les débats auxquels participe Lemkin jugent nécessaire une modification de sa première définition. Une incrimination de génocide entre rapidement dans le droit positif avec l’adoption le à Paris, au palais de Chaillot, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, dont Lemkin est le principal rédacteur.
Selon le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, le mot « génocide » se fait jour en français en même temps qu'il apparaît en anglais. D'abord beaucoup employé à propos des nazis et de leur « solution finale » du « problème juif », il se dit de la destruction méthodique ou de la tentative de destruction d'un groupe ethnique, et par extension, vers 1970, de l'extermination d'un groupe en peu de temps.
Définitions juridiques et sanctions
[modifier | modifier le code]Définition juridique internationale
[modifier | modifier le code]La définition juridique internationale du mot « génocide », ou définition de 1948, est une définition importante, à la fois en soi (sous sa forme inchangée jusqu'à ce jour, elle sert d'incrimination de génocide pour les tribunaux internationaux) et pour les spécialistes des génocides de toutes les disciplines, qui l'ont critiquée, expliquée, adaptée, adoptée dans une littérature abondante. On la trouve dans deux documents officiels fondamentaux : la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide[9] adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le , et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale[10] adopté en 1998. La Convention en son article 2 et le Statut en son article 6 entendent par (crime de) génocide
« l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
- a) meurtre de membres du groupe ;
- b) atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
- d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
- e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
L'élément matériel du crime, plutôt orienté vers une altération physique ou une suppression des victimes, se retrouve dans cette énumération de cinq types d'actes. Mais le cœur de la définition, sensible aux interprétations, est l'exposé de l'élément moral spécifique, souvent appelé intention génocidaire, inspiré par la première définition de Raphael Lemkin : il ne suffit pas que les actes contre des membres du groupe soient commis sciemment, pour la raison que ces individus appartiennent au groupe ; ils doivent être commis ou on doit les faire commettre en vue de la destruction du groupe en tant que groupe (« comme tel »), ils doivent en quelque sorte frapper intentionnellement le groupe à travers (certains de) ses membres.
L'élément matériel
[modifier | modifier le code]Les actes a), b) et c), souvent qualifiés de « physiques » pour les distinguer des deux autres[11], sont les actes qui frappent durement ou mortellement des membres du groupe, de sorte qu'ils ne puissent plus participer à la vie du groupe et que celui-ci soit concrètement réduit, immédiatement ou à long terme. Qu'ils soient ou non choisis sur des critères d'âge, de sexe, de position sociale ou autres, des individus peuvent être directement tués, un à un ou ensemble, par quelque moyen que ce soit (transpercés, brûlés, fusillés, écrasés, asphyxiés, empoisonnés, dans une attaque armée confuse ou lors d'exécutions programmées…) ; ou bien ils sont blessés mortellement, torturés, violés, paralysés, mutilés, terrorisés, rendus malades ou fous ou affligés de quelque mal profond que ce soit ; ou bien ils sont affaiblis (emprisonnés, concentrés, angoissés, agressés, esclavagisés, épuisés, affamés, privés d'aide médicale…) et aléatoirement tués par le placement prolongé du groupe dans un lieu ou une situation où la survie n'est plus assurée (déportation dans un camp, expulsion vers des terres étrangères inhospitalières, ghetto misérable, « terre brûlée »…).
Les actes d) et e) sont dits « biologiques »[11], ou bien l'acte d) seul est dit « biologique » et l'acte e) est reconnu comme un reste de l'exclusion des actes de déculturation envisagés dans la première conception du génocide de Lemkin[12]. Par ces deux actes, sans que nécessairement des individus soient précipités vers la mort comme dans les trois actes précédents, le groupe est privé d'enfants et donc ne se régénère plus. L'avortement et l'abstinence sexuelle peuvent être encouragés voire exigés, les couples menacés de sanctions s'ils enfantent, des familles peuvent être méthodiquement désagrégées, les hommes et les femmes durablement séparés de force, ou certains d'entre eux stérilisés, contraints d'utiliser des moyens contraceptifs ou, dans certains cas, traités de manière à être ensuite accablés par leurs propres principes moraux (interdisant à une victime de viol une vie de famille, à une veuve un remariage…) ; ou bien des orphelins ou des enfants enlevés à leurs parents peuvent être formatés dans un autre environnement culturel, hors de leur groupe d'origine.
Lors des débats qui ont préparé la définition du génocide, les avis concernant l'élément matériel étaient divers. Le « génocide culturel », qui était dans les possibilités initiales, souffrait de plusieurs critiques et certains participants voulaient même ne garder que les actes physiques pour que le crime soit perçu comme exceptionnel et très grave. En faisant référence aux violences de la guerre civile grecque, les États-Unis et le représentant grec notamment ont fait pression pour inclure les clauses d) et e)[4].
L'élément moral spécifique
[modifier | modifier le code]Même s'il est arrivé dans l'histoire universelle que des groupes humains soient annihilés, le génocide n'est pas l'extermination effective mais la tentative, réussie ou pas, d'extermination d'un groupe, voire d'une partie déterminée du groupe. Il est difficile de reconnaître un génocide factuellement peu meurtrier, comme il est difficile de déterminer l'intention et l'état mental d'un criminel. Par définition, sans intention génocidaire, un acte de l'élément matériel du crime ne constitue pas un génocide. Un dictateur pourrait, sans la moindre intention génocidaire, ordonner un massacre dans un village et systématiquement limiter les naissances dans une région qu'il contrôle. Cela sera considéré comme criminel par certaines législations, mais pour qu'il y ait génocide, en tout cas selon la définition de 1948, il faudrait en plus que l'auteur ait « l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Ces deux derniers mots soulignent la vraie cible du génocide : le groupe lui-même. Restent les autres mots, plus discutés par les spécialistes.
« … l'intention… » : Un agent ne peut pas perpétrer un génocide par imprudence ni par négligence, son action doit être accompagnée de connaissance et de volonté. Peu importe ce qui le motive (la haine, la cupidité, le pouvoir, la survie…), l'acte tend sciemment à la destruction du groupe[13]. Étant donné que le génocide est perçu comme « le crime des crimes » et que sa définition insiste sur l'intention, il est difficile de ne pas associer intention et planification, autrement dit de ne pas faire de la destruction du groupe le but d'un plan préparé. Un génocide que l'auteur n'a pas lui-même planifié, ou qui n'a pas du tout de plan, ou qui n'est que « dans les plans », qu'une conséquence horrible, prévue et acceptée très tôt ou un peu plus tard par l'auteur, d'actions visant d'autres buts, semble perdre un peu de son caractère criminel. Ce point délicat est débattu[14], d'autant plus que l'intention est une composante de la plupart des définitions du génocide adaptées au passé lointain. L'intention génocidaire d'un agent se déduit parfois de ses déclarations publiques ou privées, permettant d'identifier un génocide en cours dans l'oppression d'une population ou son massacre très partiel. Lorsqu'un tyran raciste massacre en peu de temps tout un peuple et seulement les membres de ce peuple, la preuve de l'existence d'un plan génocidaire est apportée par ces faits et par l'idéologie raciste : le tyran ne peut pas ignorer que la fin brutale de ce peuple est ce qu'il a conçu et ordonné, même si ses déclarations publiques sont rassurantes. Qu'en est-il alors, par exemple, de la destruction des Taïnos des Grandes Antilles par les conquistadors, longue, aux multiples acteurs, où les épidémies ont joué un rôle, mais criminelle à nos yeux, totale et irréversible[15] ? Sans plan repérable, la conjecture du génocide « collatéral » est risquée. Pourtant, les genocide studies gardent à l'esprit la tragédie des Taïnos.
« … de détruire… » : La destruction du groupe comme tel, qui est soit le résultat immédiat de l'effort criminel, soit un résultat progressif ou attendu dans le cours normal des événements, est de même nature que les actes contre les individus, c'est-à-dire physique et biologique : le groupe décline ou meurt par la mort de (certains de) ses membres, des morts provoquées par le génocidaire ou par toute autre cause et pas assez remplacées par des naissances ou des apports extérieurs. Le génocidaire peut aussi détruire des biens du groupe, déplacer ou faire fuir des membres, ou bien les incorporer à un autre groupe, mais de tels actes sont extérieurs au génocide proprement dit s'ils ne sont pas calculés pour in fine détruire le groupe physiquement et biologiquement. La clause e) de la définition (« transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ») a incité certains auteurs à penser que le nettoyage ethnique et la déculturation pouvaient être des aspects de la destruction du groupe selon la définition onusienne, même si son énoncé de l'élément matériel ne les explicite pas[12]. Lors des procès, cette vision « sociale[14] » de la destruction est très souvent refusée, ou ainsi corrigée : le nettoyage ethnique, tout comme le massacre, n'est pas en soi un génocide, mais s'il permet au persécuteur de tuer en masse des membres du groupe ou encore de réduire son taux de natalité, en vue de sa destruction physique et biologique, il s'intègre au plan génocidaire[11]. Autre exemple : le massacre d'une partie d'un groupe religieux peut contraindre les survivants à la conversion religieuse, donc faire disparaître le groupe comme tel sans autre effusion de sang ; pourtant, même souhaitée par le persécuteur, ce genre de fin n'est pas une destruction selon l'interprétation majoritaire de l'incrimination de génocide ; seul ce massacre partiel aux raisons religieuses peut candidater au rang de destruction génocidaire si l'on considère qu'il est calculé pour affecter l'ensemble du groupe.
« … en tout ou en partie… » : Ces cinq mots apportent une précision sur la destruction envisagée par le génocidaire et non sur sa concrétisation ; en d'autres termes, ils disent de l'intention spécifique qu'elle n'est pas toujours la volonté d'exterminer la totalité du groupe victime. En convoquant l'idée d'une somme d'individus, l'expression semble s'opposer d'une certaine manière à « groupe comme tel ». Elle incite d'abord à penser que le génocide frappe des individus pour la raison qu'ils appartiennent au groupe. La plupart des analystes tiennent cette « raison » pour implicite dans la définition du génocide, et généralement cela ne gêne pas l'étude de cas. Pourtant, le génocide au Bangladesh par exemple ou, plus encore, le Porajmos remettent en cause cette opinion[16]. Mais le problème difficile posé par l'idée d'une destruction partielle est : quelle est la taille minimale de la partie du groupe vouée à disparaître, pour qu'il y ait génocide ? Bien qu'elle soulève de nouvelles questions dans les études récentes, une solution s'est peu à peu imposée chez les juristes et de nombreux chercheurs : le génocidaire vise le groupe entier, veut produire des effets, faire peser une menace sur tout le reste du groupe grâce à la destruction de la partie ; celle-ci doit donc être substantielle, la quantité des individus dépendant de leur qualité, dépendant aussi de la taille totale du groupe et de la place de la partie en son sein, et satisfaisant le génocidaire. La substantialité est aussi à l'appréciation des juges et des analystes[17]. Même si l'attaque odieuse de simples civils renseigne sur une intention génocidaire, les représentants politiques, les intellectuels, les soldats sont des exemples d'individus « de qualité », dont la perte est plus significative en tant qu'elle compromet la cohésion, l'identité et la sécurité du groupe, ce qui ne veut pas dire que défaire une armée et soumettre un peuple reviendrait à le génocider.
« … un groupe national, ethnique, racial ou religieux… » : Cette donnée de quatre types de groupements humains circonscrit les « groupes protégés » par la convention sur le génocide contre des intentions destructrices. Ces quatre types représentent bien les groupes considérés en 1948, par Raphael Lemkin notamment, comme des « minorités nationales » ou des « peuples », c'est-à-dire soit des nations souveraines, soit des collectivités ou des ensembles de familles distingués culturellement au sein d'un ou de plusieurs États ou territoires et susceptibles d'avoir des sentiments nationaux. Les classes sociales et les partis politiques sont plus difficilement associables à ces caractéristiques : la définition de 1948 exclut de tels groupes, ce qui a toujours fait débat. La taille d'un groupe protégé importe peu ; il est simplement plus facile de génocider un petit groupe. Les tentatives des experts pour définir objectivement chacun des quatre types n'aboutissent pas, ce qui n'a jamais posé de vrais problèmes lors des procès. Après des hésitations dues en partie à la notion aujourd'hui controversée de « groupe racial », le Tribunal pénal international pour le Rwanda a jugé qu'au moment du génocide des Tutsi, ceux-ci formaient un groupe ethnique distinct ; une chambre de première instance a suggéré que tout groupe « stable et permanent » est protégé par la convention sur le génocide, un avis peu repris ailleurs. Il est de plus en plus admis que les groupes sont déterminés avec une part de subjectivité, les auteurs de génocide amenant leurs propres critères[18]. Toutefois, les travaux préparatoires de la convention refusent l'approche négative du groupe protégé, qui serait défini par l'absence de caractéristiques (nationales, ethniques…)[19]. Par exemple, un tyran qui extermine une population parce qu'elle n'est pas de sa tribu ou de son ethnie n'est pas un génocidaire si en même temps il ne cible pas un ou des groupes protégés précis.
Le génocide, un crime contre l'humanité ?
[modifier | modifier le code]Cette question n'est pas une controverse, sa réponse est fonction de la définition des termes employés : en droit international, le génocide et le crime contre l'humanité ont des incriminations distinctes ; mais ce dernier a aussi un sens large, embrassant alors des crimes comme le génocide.
Les catégories et les définitions du Statut de la Cour pénale internationale, créées et séparées à dessein lors de la conférence de Rome en 1998, sont sans ambiguïté : le génocide n'est un cas particulier, ni de crime contre l'humanité, ni de crime de guerre. Les génocides, qui peuvent être commis en temps de paix ou en temps de guerre, n'ont pas besoin du contexte d'une « attaque généralisée ou systématique », comme l'exigent les crimes contre l'humanité selon l'article 7 du Statut ; ils ne relèvent pas de la compétence de la Cour « en particulier lorsqu'ils s'inscrivent dans le cadre d'un plan ou d'une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle », tel qu'exprimé dans l'article 8 sur les crimes de guerre[20]. Mais dans les faits, un acte criminel peut être perpétré avec la condition spéciale des crimes contre l'humanité et en même temps avec une intention génocidaire. La Shoah et beaucoup d'autres génocides sont aussi des crimes contre l'humanité au sens du droit international, c'est-à-dire des ensembles de meurtres et de persécutions systématiques menés par un État contre les civils d'un groupe ethnique ou religieux. Autrement dit, génocide et crime contre l'humanité sont des catégories qui se chevauchent partiellement sans que l'on puisse exactement subsumer l'une dans l'autre[21].
Pourtant, avant la rédaction du Statut, il était fréquent de faire du génocide un fléau mondial et finalement un crime « contre l'humanité ». La Convention de 1948 affirme que « le génocide est un crime du droit des gens, en contradiction avec l'esprit et les fins des Nations unies et que le monde civilisé condamne, […] à toutes les périodes de l'histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l'humanité, […] pour libérer l'humanité d'un fléau aussi odieux la coopération internationale est nécessaire ». La Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, adoptée en 1968, distingue à peine les crimes contre l'humanité et le génocide, réunis dans un ensemble de crimes très graves mais dissociés des crimes de guerre. Depuis 1994, la législation française appelle « crimes contre l'humanité » le couple formé par « le génocide » et « les autres crimes contre l'humanité »[22].
Le langage courant et parfois la littérature scientifique renoncent difficilement aux habitudes prises par le passé : le sens englobant, voire fourre-tout, de « crimes contre l'humanité », qui permet aussi de placer le génocide au sommet de la hiérarchie des crimes et des horreurs, persiste. En France, cette persistance au sein même de la législation interne est, relativement aux définitions internationales, une source de confusion selon certains juristes[23].
Variantes de la définition juridique
[modifier | modifier le code]L'extension de la définition aux groupes sociaux et politiques est une question récurrente. Déjà, la résolution 96 (I) de l'ONU, adoptée le , concevait le génocide comme le déni du droit à l'existence de « groupes humains », c'est-à-dire « raciaux, religieux, politiques ou autres ». La définition de la convention de 1948 ne fait plus allusion au fait politique. L'URSS, qui a persécuté des militants politiques et des populations prétendument hostiles au projet communiste, était favorable à cette exclusion[24]. Cependant, même si certains historiens évoquent en particulier une pression soviétique, l'abandon des groupes politiques était soutenu par Raphael Lemkin[18], ainsi que par nombre de rédacteurs de la convention, dont l'argument était que le groupe politique est un ensemble en manque de stabilité et d'homogénéité, si bien que son insertion dans la définition risquerait de conduire à des interprétations larges et abusives[11].
Alors que les définitions du crime de guerre et du crime contre l'humanité ont été modernisées, la définition internationale du génocide a été reprise dans l'article 6[25] du Statut de Rome le , l'acte fondateur de la Cour pénale internationale. Lors de la conférence de Rome, Cuba avait proposé, sans succès, d'étendre la définition aux groupes sociaux et politiques[26].
Les États du monde ont des expériences différentes et des relations différentes avec le meurtre de masse : le génocide intègre parfois les législations nationales avec des définitions subtilement modifiées, qui ont déjà eu des conséquences.
En France
[modifier | modifier le code]Le code pénal français, entièrement renouvelé en 1994 par Robert Badinter après la suppression du Code pénal de justice militaire et du tribunal aux armées de Paris, prévoit un chapitre intitulé « Les crimes contre l'humanité », lui-même divisé en deux parties, « Le génocide » et « Autres crimes contre l'humanité », ce dernier sous-chapitre évoquant les crimes contre l'humanité au sens du droit international. Les incriminations sont proches des définitions internationales mais ne les reproduisent pas au mot près, un fait pas totalement expliqué qui alerte plusieurs juristes et militants des droits de l'homme en France et ailleurs[23].
À l'article 211-1 du nouveau Code pénal, l'incrimination de génocide expose à peu de chose près l'élément matériel en cinq types d'actes de la définition de 1948, et remplace l'élément moral spécifique par la condition suivante : l'acte doit être commis « en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ». Cette extension aux groupes arbitrairement déterminés engendre les commentaires propres à ce genre de modification dans d'autres législations nationales, et pas de critiques particulières. Les critiques se concentrent sur le « plan concerté », qui fait nécessairement de la destruction du groupe le but ultime de l'activité criminelle, qui oblige à penser le génocide comme prémédité et pas seulement prévu.
Introduite dans le statut du Tribunal de Nuremberg, la notion de plan concerté est absente du Statut de la Cour pénale internationale[27]. En 2008, le Sénat français adopte un projet de loi portant « adaptation du droit pénal français à l'institution de la Cour pénale internationale », qui prévoit l'introduction des crimes de guerre dans le Code pénal et la modernisation du chapitre sur les « crimes contre l'humanité ». De nombreuses organisations non gouvernementales, dont la Coalition pour la Cour pénale internationale et la Conférence des Églises européennes qui dénonce un texte de loi « qui rendrait impossible la poursuite en France des auteurs présumés de crimes internationaux », jugent insuffisants les efforts des législateurs[23]. Ceux-ci tiennent peu compte des recommandations de la commission des Affaires étrangères et, en 2010, le projet de loi est adopté par l'Assemblée nationale et le Code pénal est modifié. Inchangée, l'incrimination de génocide contient toujours la condition spéciale du plan concerté, également présente dans l'incrimination, pourtant modernisée, relative aux « autres crimes contre l'humanité »[27].
Plusieurs sénateurs et députés français avaient pourtant évoqué la dissemblance avec les définitions internationales, la possibilité de perpétrer des crimes sans plan concerté, ou encore le problème probatoire posé par l'exigence d'un tel plan : augmenter la difficulté de prouver l'intention criminelle rend incertaine la répression de faits très graves. Mais d'autres parlementaires ont défendu l'idée du plan concerté en soutenant que celui-ci est ce qui distingue les crimes contre l'humanité des crimes de guerre et des infractions de droit commun, et en assurant que l'existence d'un plan peut être déduite, que la prouver ne nécessite pas la production en justice d'un écrit[27].
Au Canada
[modifier | modifier le code]Dans la loi canadienne, le génocide est un fait « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe identifiable de personnes et constituant, au moment et au lieu de la perpétration, un génocide selon le droit international » : la loi dépend donc d'une définition internationale supposée évolutive et s'ouvre déjà vers un minimum de restrictions concernant les groupes protégés[26].
En 2019, dans un rapport commandé par le gouvernement canadien, une commission d'enquête publique qualifie de génocide les assassinats et enlèvements de femmes autochtones commis depuis des décennies et qui se poursuivent encore dans le pays ; elle explique notamment que le phénomène est dû à des décisions de l'État inspirées de l'idéologie colonialiste. Controversé, cet emploi du mot « génocide » est toutefois accepté par le Premier ministre Justin Trudeau[28].
En Éthiopie et en Roumanie
[modifier | modifier le code]Rares sont les États qui, ayant connu un régime communiste brutal et mortifère, adaptent la définition du génocide. En droit éthiopien, l'incrimination inclut l'élimination de groupes politiques. ce qui a permis en 2006 la condamnation pour génocide de l'ex-dictateur Mengistu Haile Mariam et de dizaines de responsables du régime, en poste lors de la meurtrière Terreur rouge de 1977-1978. Certains étaient jugés par contumace, Mengistu lui-même avait fui au Zimbabwe, où il vit encore aujourd'hui[29].
Dans le code pénal roumain, le génocide est la destruction totale ou partielle « d'une collectivité ou d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Censé élargir la définition, le terme « collectivité » la rend plus ambiguë et fait prendre un risque à qui veut faire condamner des criminels de l'ère communiste, dans ce pays où des politiciens assimilent la répression communiste à un génocide. Incités en 2013 à poursuivre pour génocide d'anciens membres de la Securitate, des procureurs roumains ont préféré les chefs d'accusation de crimes contre l'humanité et d'homicide[30].
En Amérique latine
[modifier | modifier le code]Souvent, les accusations de génocide en Amérique latine méconnaissent ou font fi des limites de la définition. Ainsi, une telle accusation a permis aux autorités boliviennes de renforcer une demande d'extradition de l'ancien président Gonzalo Sánchez de Lozada, qui a fui aux États-Unis pour éviter un procès concernant la répression sanglante d'une manifestation en 2003 pendant la « guerre du gaz »[31]. Au Pérou, État dont la législation admet les génocides de groupes sociaux, une plainte pour génocide déposée en 2020 contre le président Martín Vizcarra par une de ses adversaires politiques dénonce sa gestion désastreuse de la crise sanitaire de la Covid-19[32].
Le mot « génocide » a été utilisé par des autorités ou par des juges contre des tortionnaires et de hauts responsables des anciennes dictatures des années 1970 et 1980, comme les régimes d'Augusto Pinochet au Chili ou de Jorge Rafael Videla en Argentine, qui ont persécuté des activistes de gauche sur le critère de leurs opinions politiques[33]. Cependant, lorsque l'ancien dictateur guatémaltèque Efraín Ríos Montt, responsable de nombreux massacres anticommunistes, est condamné en 2013 dans son pays, c'est pour la destruction d'un groupe ethnique, les Ixils, un génocide selon la définition internationale de 1948[31].
Contestations et débat sur la définition
[modifier | modifier le code]L'élargissement de la définition juridique du génocide suscite des réticences par crainte de banaliser le terme. Cela a pour conséquence d'en exclure :
- des mortalités de masse dues à l'organisation économique et politique d'un monde dominé par les grandes puissances financières, agro-alimentaires et industrielles[34] ;
- des massacres de masse comme les crimes de régimes se réclamant du marxisme (de Staline, de Mao, de Pol Pot ou de Mengistu), ou inversement de l'anticommunisme (Suharto…), qui ont été commis sur des critères politiques, professionnels et sociaux[35] ;
… bien que pour ce type de mortalité de masse, le nombre de victimes pourrait dépasser celui des victimes des génocides reconnus, ou encore celui des victimes collatérales d'invasion ou de crimes contre l'humanité (disparition de peuples migrants, traites négrières)[36].
D'autres historiens pensent que cette discrimination négative banalise encore davantage les massacres de masse que ne le ferait un élargissement officiel de la définition. Le débat en cours entre historiens a débordé dans le champ médiatique et politique, avec parfois des excès et des dérives[37].
Mais le débat purement méthodologique est biaisé par celui sur les massacres de masse qui ont été commis au nom de croyances, de convictions ou d'États qui existent toujours actuellement, car dans ce cas, la qualification de génocide (revendiquée par les survivants des groupes-victimes) est contestée par les membres ou les ressortissants d'ethnies, confessions, partis politiques ou États tenus pour responsables, ou encore par divers historiens ou auteurs soutenant les points de vue de ces groupes jugés responsables. Quelques exemples :
- pour les évènements survenus en Anatolie et sur le haut-plateau arménien pendant et après la Première Guerre mondiale, le qualificatif de génocide grec pontique[38],[39],[40], utilisé par les Grecs, est contesté par la Turquie et n'est pas reconnu par l'ONU. On emploie alors les expressions Tragédie Pontique[41], l'Extermination Pontique[42], Atrocités commises par les Turcs dans le Pont et l'Asie Mineure[43], ou encore de persécutions ou de massacres[44],[45],[46]. On retrouve les mêmes controverses à propos du génocide arménien, reconnu par l'Union européenne, mais non par l'ONU.
- En 1984, la Commission Internationale d'enquête sur la famine de 1932-1933 constituée par Congrès mondial ukrainien[47] qualifia de génocide la famine qui eut lieu en 1932-1933 en Ukraine, faisant 2,6 à 5 millions de morts, et maintenant plus connue sous le nom de Holodomor. Le Parlement ukrainien a également qualifié cette famine de génocide le [48], jugement reconnu par 16 États. Ce qualificatif ne fait cependant pas l'unanimité, notamment parmi les historiens, qui débattent encore aujourd'hui du caractère artificiel et punitif de cet épisode tragique. L'ONU ne reconnaît pas le Holodomor comme un génocide, ainsi que le parlement européen qui reconnaît cependant un caractère artificiel à cette famine.
- les crimes de l'armée impériale du Japon en Chine, qualifiés de génocides par Pékin, sont également contestés au Japon même par des historiens tels Akira Fujiwara[49] et hors du Japon par divers commentateurs comme le coréen Ji Man-Won[50].
- La guerre en Ukraine est déclenchée en février 2022 par le président russe Vladimir Poutine sur des accusations de génocide contre la population russophone, qui selon plusieurs spécialistes ne reposent sur aucun fait[51]. En avril, le président américain Joe Biden évoque un génocide contre les Ukrainiens, et le parlement ukrainien vote une résolution qui qualifie de génocide les agissements de l'armée russe[52] mais loin de faire consensus, l'usage politique du terme divise profondément les Occidentaux[53]. Le 28 avril 2022, par un vote, les députés canadiens condamnent les « actes de génocide contre le peuple ukrainien »[54].
On assiste à ce que l'écrivain Norman Manea et le sociologue Nicolas Trifon appellent « l'engrenage de la concurrence mémorielle »[55] : un groupe de victimes a tendance à se comparer aux victimes de génocides reconnus et à exiger une reconnaissance, lorsque la gravité du crime est minimisée par les bourreaux ou les responsables. La minimisation du crime confine dans certains cas à la négation des faits. Mais le négationnisme vise aussi les génocides unanimement reconnus. Un exemple fameux est la négation de la Shoah : alors que le génocide juif est reconnu par divers pays dont l'Allemagne et étudié en profondeur par les historiens, seuls des extrémistes religieux ou politiques[56] et quelques auteurs incompétents que l'historien Pierre Vidal-Naquet appelle « assassins de la mémoire »[57] tentent de propager leur falsification des données historiques.
Certaines interprétations de l'emploi du terme génocide par Raphael Lemkin, ainsi que des travaux philosophiques comme ceux de Jacques Derrida, mettent en avant la notion controversée de génocide animal.
Génocides évoqués en rapport avec les définitions de l'ONU
[modifier | modifier le code]L'ONU n'a pas vocation de « reconnaître » des génocides, en particulier pour des événements antérieurs à sa constitution, mais à faire poursuivre ceux qui viendraient à survenir soit par exemple via des juridictions spéciales qui adopteront leur propre définition dans leur Statut. Il n'y a pas eu de séance de l'ONU « reconnaissant » tel ou tel génocide.
En revanche plusieurs massacres de masse ont été évoqués comme génocide dans le cadre des travaux des instances internationales dépendant de l'ONU ou de juridictions nationales se rapportant directement aux textes de l'ONU :
Le génocide des Juifs, commis par les nazis en Allemagne, en Pologne, en Union soviétique et en France (en Alsace au Struthof), a mis en avant le terme de génocide lors du procès de Nuremberg organisée par le Royaume-Uni, la France, l'URSS et les États-Unis en 1945. Contrairement à une croyance fréquente, l'inculpation de génocide, figure dans certains actes d'accusation mais n'est pas présent dans le jugement du tribunal de Nuremberg. Les condamnations ont été prononcées sur les chefs d'inculpation suivants : Crimes contre la paix, préparation de guerre d'agression, crimes de guerre, crimes contre l'humanité[8]. Cependant, dès , l'Assemblée générale de l'ONU adoptait la résolution 96, qui affirmait que le génocide « nie le droit à l'existence de groupes humains entiers » et qu'il est « un crime au regard du droit international ». Le fut adoptée la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide[8].
Le génocide arménien, commis par l'Empire ottoman. Le caractère génocidaire des massacres du peuple arménien en 1915-1916 a été cité dans un rapport de l'ONU sur la question de la prévention et de la répression du crime de génocide établi par la Commission des droits de l'homme – Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités – lors de la 38e session du Conseil économique et social de l'ONU[58]. Le rapport Whitaker, du nom de son rapporteur Benjamin Whitaker, a fait l'objet d'une résolution par la Commission des droits de l'homme de l'ONU le [59] qui a pris note du rapport et ne l'a pas transmis à la Commission des droits de l'homme. Cette décision n'offre donc qu'une reconnaissance indirecte, les différents cas historiques cités dans le rapport Whitaker[60] ayant pour but de servir d'exemples pour justifier la création de la Cour pénale internationale confirmant la suggestion faite en ce sens précédemment dans le Rapport de Nicomède Ruhashyankiko[61].
Le vote ne peut être considéré comme un acte juridique positif de l'ONU sur le cas arménien ni d'ailleurs sur les autres cas évoqués (le massacre des Herreros de 1904, le pogrom ukrainien de 1919, le massacre des indiens Ache au Paraguay, la tuerie des baha'is en Iran) qui n'ont pas eu de suites judiciaires. Mais il range ce crime de masse parmi les exemples des crimes collectifs qu'il faut sanctionner à l'avenir et qui justifient la constitution d'un tribunal international poursuivant le crime de génocide.
Le génocide des Tutsis au Rwanda, commis par les milices hutues extrémistes créées par le régime Habyarimana, a été reconnu par l'ONU, dans le rapport de sa Commission des droits de l'homme le , puis lors de la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda (résolution 955 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le [62]. Cette résolution confirme la résolution 935[63] de la même année). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a reconnu le viol comme moyen de perpétrer un génocide dans l'affaire Akayesu en 1998[64].
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a qualifié de génocide le massacre de Srebrenica — massacre d'environ 8 000 hommes bosniaques[65] commis par des Serbes de Bosnie en pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine. Cette qualification a été prononcée lors du jugement de Radislav Krstić, le [66] (décision confirmée lors du passage en appel de la même affaire le ). Cette qualification a été confirmée également par la CIJ, qui a cependant jugé que la Serbie en tant qu'État n'en était pas le responsable.
Le , l'homme d'affaires hollandais Van Anraat voit commencer son procès devant le Tribunal du district de La Haye sous l'accusation de crime de guerre et de génocide lié au gazage de populations kurdes en Irak. L'accusation de génocide est devenue recevable au titre de la « compétence universelle » reconnue par l'ONU. Van Anraat est reconnu coupable de complicité de crime de guerre et condamné à 15 ans de prison. La Cour ne le condamne pas pour génocide car elle estime que Van Anraat ne pouvait pas connaître les « intentions génocidaires » du régime. Elle affirme cependant que le gazage des Kurdes constitue bien un crime de génocide. Avec ce jugement, le gazage des Kurdes est pour la première fois qualifié de génocide par un tribunal[67].
L'instruction des crimes commis au Cambodge par le tribunal ad hoc créé par l'ONU (chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens) a vu apparaître l'incrimination de génocide à l'encontre de Khieu Samphân, ancien chef de l'État du « Kampuchea démocratique », portant notamment sur la destruction des minorités ethniques (Chams, …) dans l'esprit de « purification » propre à l'idéologie de ce mouvement. Contraints par la définition de 1948, qui a fait disparaître de la définition initiale du génocide la notion de « classe » sociale, les procureurs n'ont pu retenir cette qualification pour l'essentiel des massacres de la population khmère, se contentant de l'incrimination comme Crimes contre l'humanité. Mais le terme de génocide est couramment employé de par le monde pour qualifier ces massacres de masse qui ont vu la disparition de 1 700 000 personnes, près du quart de la population du pays.
La cour d'appel de Kiev a retenu le caractère de génocide d'Holodomor, les grands massacres notamment par famine perpétrés entre 1931 et 1933 par l'Union soviétique en Ukraine en se référant explicitement aux définitions de l'ONU, mais ici encore il ne s'agit que d'un rattachement indirect aux travaux de l'ONU, le terme de génocide étant reconnu par certains états et refusé par d'autres, notamment la Russie. Le gouvernement « Orange » d'Ukraine cherchera mais en vain à faire reconnaître Holodomor comme génocide à l'ONU, l'ONU refusant d'évoquer directement des crimes antérieurs à sa création.
Omar el-Béchir, le président soudanais, est depuis sous le coup d'un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité au Darfour, inculpation qui a été complétée en d'un chef de génocide. Le conflit du Darfour aurait fait 300 000 morts selon l'ONU, 10 000 selon Khartoum[68],[69],[70],[71]. Les magistrats de la Chambre préliminaire 1 de la Cour pénale internationale (CPI) ont validé la requête du procureur Luis Moreno-Ocampo qui leur demandait d'inculper le président soudanais Omar El-Béchir de génocide en considérant qu'il y a « des motifs raisonnables de croire en sa responsabilité pénale pour trois chefs de génocide à l'encontre des groupes ethniques des Four, Masalit et Zaghawa : génocide par meurtre, génocide par atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale, et génocide par soumission intentionnelle de chaque groupe ciblé à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique ».
Tribunaux compétents
[modifier | modifier le code]À la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand des tribunaux ont commencé à juger les crimes collectifs (crimes contre l'humanité, crimes de guerre, crimes contre la paix), le concept de génocide n'était pas encore juridiquement défini. Le terme sera employé pendant les débats du tribunal de Nuremberg et connaîtra une reconnaissance mondiale au fur et à mesure que les conditions de l'extermination des juifs par les Nazis y seront révélées. La sanction des génocides sera d'abord le fait de tribunaux ad hoc puis l'ONU reconnaîtra la « compétence universelle » des tribunaux nationaux à poursuivre tout acte de génocide où qu'il ait eu lieu, tout en créant une instance internationale spécialisée, la Cour pénale internationale.
Tribunaux nationaux disposant d'une « compétence universelle »
[modifier | modifier le code]Des procès, relevant de cette compétence dite « universelle », ont eu lieu en Belgique, en Suisse et au Canada pour des crimes relevant du génocide au Rwanda, ou encore aux Pays-Bas pour le gazage d'un village irakien.
Cas particulier de la France
[modifier | modifier le code]Des lois, appelées « dispositions non codifiées relatives aux violations graves du droit international humanitaire », donnent compétence aux tribunaux français de juger aussi des crimes de génocide commis dans d'autres pays dans certaines circonstances. Des instructions sont en cours contre des ressortissants rwandais accueillis en France, et des plaintes déposées contre X (des militaires français) par des Rwandais vivants au Rwanda sont à l'étude au tribunal aux armées à Paris à la suite de deux décisions de la cour d'appel de Paris en mai et [72].
En dépit de la ratification par la France du Statut de Rome de la Cour pénale internationale le [73], aucune loi n'a à ce jour été votée par le Parlement français[74] qui permettrait d'instaurer la compétence universelle des juridictions françaises pour connaître des crimes relevant de la compétence de la Cour : le crime de guerre, le crime contre l'humanité et le génocide[75],[76].
Tribunaux ad hoc
[modifier | modifier le code]Il s'agit de tribunaux qui ont été créés de toutes pièces pour juger certains crimes de génocide :
- le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), pour les crimes commis lors des guerres de Yougoslavie, notamment le massacre de Srebrenica ;
- le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pour le génocide au Rwanda ;
- les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) ;
- le Tribunal spécial irakien, pour les crimes commis par le régime de Saddam Hussein.
Cour pénale internationale
[modifier | modifier le code]L'une des particularités de cette Cour est qu'elle ne se substitue en aucune manière aux tribunaux nationaux, ce qui n'est pas le cas des tribunaux ad hoc. La CPI n'intervient que lorsque les tribunaux nationaux ne sont pas en mesure de juger les crimes pour lesquels elle est compétente, à partir du , date d'entrée en vigueur du statut de la CPI.
Une des difficultés de ce tribunal est qu'il ne peut traiter que de crimes récents dont les auteurs ont perdu le pouvoir, qui ne sont pas poursuivis par les successeurs ou qui n'ont pas été renvoyés devant des cours spéciales, ce qui limite à l'extrême son activité.
Les génocides dans l'histoire
[modifier | modifier le code]Les mots « génocide » et « génocidaire », termes juridiques du XXe siècle, peuvent être utilisés rétrospectivement et précautionneusement, avec des critères précisément définis, pour apporter une analyse nouvelle de certains événements historiques, dont les meurtres collectifs massifs[77]. Certains historiens préfèrent travailler avec la notion moins polémique de massacre, ou préfèrent se concentrer sur les génocides étendus et systématiques contemporains, mais la grande majorité reconnaissent aujourd'hui, comme jadis Raphael Lemkin ou encore la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide[78], que certains peuples anciens ont été décimés parce que des tyrans ou des conquérants ont voulu qu'ils disparaissent avec leur culture, pour des raisons complexes, sans que la destruction soit leur première motivation[79].
Il est impossible d'énumérer tous les nombreux massacres génocidaires de l'histoire, ces tragédies où une unité militaire ou une foule en colère a fait périr des centaines de membres d'une collectivité humaine désignée à la vindicte, qui représentaient une petite partie locale du groupe entier. Les massacres génocidaires, ainsi que les politicides et les grands effondrements de populations, ne sont évoqués dans la liste qui suit que s'ils permettent d'éclairer les « vrais » génocides ou s'ils ont été couramment appelés « génocides » par des journalistes, des politiciens ou des militants et ont pénétré les études académiques. Les événements désignés ci-dessous en caractères gras (à partir du XIXe siècle) sont des génocides très étudiés et reconnus par une nette majorité de spécialistes[80].
Les articles Révolte des Pueblos, Révolte de Túpac Amaru II, Massacres de 1804 en Haïti, Révolte des cipayes présentent des exemples de massacres génocidaires dits « génocides subalternes » ou « génocides par les opprimés »[81]. Pour un célèbre exemple de « génocide réciproque » ou « rétributif » où deux collectivités s'entretuent[82], voir l'article Partition des Indes.
Préhistoire
[modifier | modifier le code]L'hypothèse de violences génocidaires expliquant l'extinction de l'Homme de Néandertal est aujourd'hui réfutée. Les paléontologues ont établi que les Néandertaliens cohabitaient avec les Homo sapiens, et ont même engendré une descendance commune qui a laissé une trace significative dans le génome des humains modernes hors d'Afrique. Bien qu'il ne faille pas écarter l'hypothèse d'un possible génocide visant Homo neanderthalensis, l'hypothèse la plus probable à ce jour est que ce soient les conditions climatiques et la pression environnementale, par la sélection naturelle et la dérive génétique, qui ait conduit à leur extinction[83].
Antiquité
[modifier | modifier le code]Il demeure également impossible de s'assurer de l’existence d'évènements historiques assimilables à un génocide avant l'Antiquité, faute de vestiges archéologiques probants[84]. Les récits antiques relatent des faits très exagérés, impliquant des forces surnaturelles et relevant du mythe, à l'image de l'anéantissement de Troie chez Homère, ou de celui de Jéricho dans l'Ancien Testament ; cela montre déjà, selon l'historien Norman Naimark, que les Anciens croyaient que les relations entre les peuples, mêlées de décisions divines, pouvaient conduire à des désastres radicaux et marquants[85]. D'autres récits d'atteinte à la vie de communautés humaines sont réalistes, convaincants, voire vérifiables. Plus la victime ressemble à une cité-État jadis rayonnante, plus le niveau de destruction dépasse les standards de l'époque, plus le terme « génocide » devient pertinent ; cependant, ce qui déshonore à nos yeux le bourreau et ne le rend pas plus riche, est souvent pour lui un moyen d'accroître ou d'afficher son pouvoir[86].
- Surréactions très exceptionnelles du roi d'Assyrie Sennachérib[86] :
- l'extermination des habitants de Hirimme, ville fortifiée réputée indépendante et arrogante, a lieu lors de la première campagne du roi contre la rebelle Babylone en ;
- la destruction de Babylone en fut décrite à l'époque comme totale mais ce ne fut vraisemblablement pas le cas, bien que le coût humain, matériel et culturel fût élevé.
- Anéantissement de la ville phocidienne de Kirrha par l'amphictyonie de Delphes en lors de la première guerre sacrée[87].
- Dévastation de la riche colonie grecque de Sybaris en par Crotone, sa rivale en Italie méridionale qui, pendant des dizaines d'années, s'acharnera sur les rescapés lorsqu'ils tenteront de refonder une ville[88].
- Atrocités de la guerre du Péloponnèse : les historiens Ben Kiernan, spécialiste des génocides, et Hans van Wees, spécialiste de la Grèce antique, ont des lectures différentes du récit de ce conflit par Thucydide, le premier taxant la militariste Sparte de brutalité et de xénophobie quasi génocidaires[89], le second qualifiant de génocides un nombre très réduit d'actions athéniennes préméditées[86].
- Le siège de Mélos, achevé au début de l'année , reste l'épisode génocidaire le plus connu de cette période : tenant enfin les Méliens à sa merci, Athènes extermine les hommes et réduit en esclavage femmes et enfants, pour la raison qu'ils ont refusé de se soumettre un an plus tôt, préférant la neutralité dans le conflit avec Sparte ; des Athéniens colonisent ensuite l'île[90].
- Campagnes stratégiques brutales d'Alexandre le Grand pendant sa conquête de l'Empire perse : un exemple bien documenté est le siège de Tyr en , qui aboutit à la disparition de cette grande communauté phénicienne par la mort, l'asservissement ou la capture de ses dizaines de milliers de membres[91],[92].
- Politique romaine du châtiment collectif de la trahison : lors de la deuxième guerre samnite et de la deuxième guerre punique un siècle plus tard, la République romaine en danger massacre ou réduit en esclavage les habitants de plusieurs villes italiennes prêtes à s'allier à l'ennemi[87].
- Anéantissement de Carthage par la République romaine en : cette tragédie, devenue métaphore de la destruction planifiée et du meurtre de masse dans l'esprit de nombreux criminels, des conquistadors aux nazis[93], est particulièrement citée par les spécialistes des génocides[94]. Rome attaque son ancienne rivale, qui voulait pourtant se soumettre, et après un long et meurtrier siège, réduit en esclavage les survivants (peut-être 55 000 sur une population initiale estimée à 200-400 000 habitants, 700 000 d'après Strabon[95]), puis rase la cité, dont le sol sera quasiment déserté pendant un siècle[96].
— Antienne attribuée à Caton le Censeur, parfois considérée comme la première incitation au génocide enregistrée par l'histoire[95].
L'esclavage se rencontre dans toute l'Antiquité mais il est difficile de savoir si les chasseurs de « sauvages » et de « barbares » ont conscience que des tribus et leur culture peuvent disparaître lors des opérations de grande envergure. L'expansionniste République romaine commence à profiter de telles opérations en , quand 85 000 esclaves de Sardaigne et d'Istrie remplissent les marchés ; 150 000 Épirotes s'ajoutent dix ans plus tard. La méthode consiste à massacrer jusqu'à inhiber la population, qui se laisse asservir[86]. Mais les Romains désanonymisent les tribus qui leur opposent une forte résistance, comme en Gaule. En outre, la République affronte des puissances orientales, comme le royaume du Pont de Mithridate VI qui planifie en des actions coordonnées pour massacrer rapidement les migrants romains et italiens dans des cités d'Asie Mineure : ces Vêpres asiatiques font peut-être 100 000 victimes. Ainsi, à la fin de l'Antiquité pèse la menace de génocides comparables à ceux de l'époque moderne : les victimes ne sont pas ou pas complètement rassemblées, mais soit éparpillées sur de grands espaces ruraux, soit mêlées à la population urbaine protégée par le génocidaire.
- Massacres de tribus au nord de la Gaule durant la guerre des Gaules[89], dont deux cas très commentés :
- en , Jules César réduit deux peuples germaniques qui ont fui leurs terres, les Tenctères et les Usipètes, en retenant leurs chefs et en laissant ses troupes tuer des familles entières et créer une panique générale ;
- à partir de , le conquérant romain fait son possible pour annihiler les Éburons dont un roi a tué plusieurs milliers de légionnaires, à tel point que ce peuple belge, dispersé, ne se reconstituera plus (ou plus sous son ancien nom).
« César envoie des messagers aux peuples voisins, excite chez eux l'espoir du butin et appelle tout le monde au pillage […], il voulait qu'en punition d'un tel forfait cette grande invasion anéantît la race des Éburons et leur nom même. »
— Jules César, La Guerre des Gaules, VI, 34[97].
- Répressions sévères des violentes révoltes des juifs de l'Empire romain : la première guerre judéo-romaine (durant laquelle le Temple de Jérusalem est détruit) et la guerre de Kitos sont propices aux massacres génocidaires (le sac du quartier juif d'Alexandrie en de notre ère, ordonné par Tiberius Julius Alexander, aurait fait 50 000 morts, hommes, femmes et enfants, selon Flavius Josèphe[98]). Le pire est atteint vers , quand la révolte de Bar Kokhba est matée par Rome : des centaines de milliers de Judéens périssent et le judaïsme est interdit sur sa terre historique. Ce dernier événement est un génocide, d'après l'historienne Joan E. Taylor[99].
Si des génocides ou des crimes similaires surviennent dans d'autres parties du monde, la difficulté est toujours d'avoir des récits fiables. En Chine, les Seize Royaumes, surtout connus par le tardif Livre des Jin, ont engendré un événement étonnant. Vers , un général du Zhao postérieur nommé Ran Min, d'origine han mais élevé parmi les Jie, tribu originaire d'Asie centrale dont une famille dirige ce royaume, massacre cette famille après avoir vraisemblablement développé un sentiment identitaire pernicieux, prend le pouvoir avec ses subordonnés han, puis concrétise un projet génocidaire : tuer massivement les « barbares » et donc, principalement, les Jie dont les visages ont des traits caractéristiques. Ran Min récompense les têtes coupées de barbares, ce qui entraîne une journée de violence insoutenable à Ye, la capitale, puis il affronte des armées barbares venues à sa rencontre. Il sera finalement vaincu par le chaos qu'il a provoqué. Peut-être 200 000 Jie sont morts, si l'on croit les textes anciens[100].
Moyen Âge
[modifier | modifier le code]Durant le haut Moyen Âge, les génocides, s'il y en a, appartiennent à des séries d'événements très mal connus. Même en analysant la dévastation du Nord de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant au début du Moyen Âge central, l'historien C. P. Lewis souligne que les horreurs de la guerre ne sont pas nécessairement les signes d'un génocide, et que trouver des preuves dans des récits trop tardifs est impossible[101]. Dès la fin du XIIe siècle, des invasions musulmanes de certaines régions de l'Inde présentent un caractère génocidaire. Des questions économiques et de pouvoir, ainsi qu'une question de différences ethniques et religieuses, motivent ces conflits. Mais ce sont les croisades médiévales qui marquent le plus une transition entre le génocide utilitaire qu'on trouve beaucoup dans l'Antiquité et le génocide idéologique moderne[102].
- Croisade des albigeois (1209-1229) : distingué par le massacre d'une grande partie de la population des comtés languedociens impliqués, ce conflit, dont le sac de Béziers constitue le plus fameux excès, invente le génocide idéologique, selon certains historiens comme Mark G. Pegg[103], même si la destruction est, contrairement à de tels génocides au XXe siècle, externe à la société du perpétrateur, qui par conséquent n'a pas à payer le prix fort[104]. Rarement qualifiées de génocidaires, l'Inquisition médiévale, dont cette croisade est un sommet, et notamment l'Inquisition espagnole instaurée à la fin du XVe siècle, font en revanche des victimes « internes » dans leur recherche de l'homogénéité catholique[105].
« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. »
— Ordre d'extermination probablement apocryphe, attribué au légat pontifical Arnaud Amaury ; il justifie un massacre indiscriminé, la justice divine étant censément capable d'éradiquer l'hérésie albigeoise tout en sauvant les bons chrétiens.
- Phénomène sans précédent, les larges conquêtes mongoles (accompagnées d'éventuelles épidémies et famines) ont entraîné la disparition de dizaines de millions d'Eurasiens, surtout en Chine. Gengis Khan et ses héritiers ont montré deux visages : celui du respect de la vie et des cultures même très différentes, et celui de la destruction impitoyable de peuples qu'ils connaissaient à peine et n'avaient pas appris à haïr, mais dont les chefs s'étaient montrés offensants et belliqueux. Des cités entières, voire des royaumes, ont reçu le châtiment génocidaire des puissants khans[106]. Citons deux exemples fameux :
- l'invasion et la ruine de l'Empire khwarezmien en 1219-1221 : des centaines de milliers d'innocents sont exterminés alors qu'ils ne représentaient aucun danger ; le dernier souverain khwarezmien en fuite est assassiné quelques années plus tard ;
- la première invasion du royaume de Hongrie en 1241-1242 lors des incursions européennes de l'armée de Batu : près de la moitié de la population des régions occupées disparaît et la Hongrie ne doit vraisemblablement sa survie qu'au retrait des Mongols à l'annonce du décès de leur empereur Ögedeï.
- Destruction du royaume de Champa par le Dai Viêt : en 1471, 120 000 Chams sont massacrés ou capturés dans une guerre éclair et leur territoire est réduit à une petite enclave[107]. Née d'un projet expansionniste « civilisateur » et poursuivie par intermittence jusqu'en 1509, la politique génocidaire vietnamienne est liée à la maîtrise des armes à feu, qui donne au conquérant un sentiment de supériorité vérifiée dans ses victoires écrasantes[108].
XVIe siècle
[modifier | modifier le code]- Certains partisans de l'indigénisme et militants anticolonialistes appellent « génocide amérindien » le désastre démographique des Amériques, qui suit le contact Indiens-Européens[109] : la population indigène est réduite de quelques dizaines de millions d'individus en 150 ans. Les maladies contagieuses venues d'Europe sont la première cause de cet effondrement, souvent accentué par des guerres, des tueries et diverses formes de maltraitances de la part des colons[110]. Tout entier, il n'est pas un génocide au sens juridique du terme, mais du point de vue des anthropologues et des historiens, des situations ou épisodes génocidaires, c'est-à-dire des massacres ou de longues oppressions mortifères dans lesquels l'intention de réduire un groupe ethnique ou national est suspectée, sont repérables et la question de la qualification en génocide est ouverte ou ouvrable pour chaque cas. Parmi les exemples de la colonisation espagnole de l'Amérique, se détachent :
- la disparition de l'ethnie taino des Grandes Antilles : à partir de 1495 et pendant des dizaines d'années, les Espagnols ont massacré puis durement exploité, jusqu'à ne plus pouvoir empêcher l'extinction, ces indigènes affaiblis par le choc viral[111] ;
- la chute de l'Empire aztèque provoquée par Hernán Cortés avec notamment la complicité de chefs tlaxcaltèques : la société aztèque est durement frappée en 1521 en son cœur biologique, politique et culturel, Mexico-Tenochtitlan, et la population survivante (et survivante aux épidémies) est peu à peu réduite en esclavage[112].
« Ces Indiens de Caribana ont mille fois mérité la mort, car c'est une race détestable. […] Aussi ce que je propose n'est pas de les faire esclaves, ils sont trop mauvais pour cela, mais de les brûler tous, grands ou petits, pour qu'il ne reste pas trace de si vilaines gens. »
— Vasco Núñez de Balboa, Lettre à Ferdinand le Catholique du [113].
- La persécution des protestants en Europe, en réaction à la Réforme, n'est globalement pas génocidaire. On a longtemps, vraisemblablement à tort, imputé la responsabilité du massacre de la Saint-Barthélemy à la couronne de France. Le « tribunal du sang » qui réprime la révolte des Gueux des Pays-Bas espagnols en 1567 et 1568 a un caractère génocidaire plus saillant : Ferdinand Alvare de Tolède fait régner la terreur et notamment exécute 18 600 personnes, certaines brûlées, d'autres enterrées vivantes ; c'est un moindre mal car un décret de l'Inquisition, confirmé par Philippe II d'Espagne, condamnait pour hérésie l'ensemble des Néerlandais[105].
- La deuxième invasion de la Corée par le Japon de Toyotomi Hideyoshi en 1597 et 1598 devait vider ce pays protégé par la Chine de ses habitants, par des exterminations et des réductions en esclavage. Trop ambitieuse et donc inachevée, cette entreprise génocidaire fait pourtant quelques centaines de milliers de victimes[108].
XVIIe siècle
[modifier | modifier le code]- Élimination de la nation pequot par les colonies de Nouvelle-Angleterre lors de la guerre des Pequots (1636-1638) : ces Amérindiens sont massacrés, réduits en esclavage ou dispersés. Selon plusieurs historiens, une partie au moins de cette élimination est génocidaire[114].
- Massacre des Hurons par les Iroquois, notamment lors du carnage dans le village de Taenhatentaron (Saint-Ignace) en , et disparition de la Huronie : il s'agit d'un des plus célèbres exemples de violence génocidaire exercée sur un peuple indigène par un autre sans approbation des colons européens (mais qui n'aurait probablement pas eu lieu sans le commerce des fourrures et des armes à feu)[115],[116].
- Campagnes brutales des Cosaques russes contre les peuples de Sibérie qui opposent une forte résistance à leur conquête, notamment contre les Daur en 1645 et 1650[117].
XVIIIe siècle
[modifier | modifier le code]- Du XVIIe au XIXe siècle, des massacres de noirs africains eurent lieu dans le cadre des traites négrières, en Afrique lors des razzias, ou dans le Nouveau Monde lors des rébellions. La traite des noirs est reconnue comme un crime contre l'humanité par la plupart des pays[réf. nécessaire]. En France, une loi du affirme que la traite négrière et l'esclavage constituaient des crimes contre l'humanité. La reconnaissance par l'ONU d'un génocide est demandée par certains pays africains, ainsi que par de nombreuses organisations non gouvernementales « du Nord », par exemple le Conseil mondial de la diaspora panafricaine (CMDP) et la Société savante des encyclopédistes africains[118]. Selon ces derniers, l'argument répandu selon lequel le principe d'une traite est la commercialisation et non l'extermination d'êtres humains, autrement dit les nombreux morts sont une de ses conséquences mais non le but recherché, ne peut à lui seul écarter le soupçon du génocide, car les esclavagistes qui savaient que leur entreprise tuait massivement, sur terre ou en mer, avaient malgré tout l'intention de la poursuivre. Pourtant, ce que l'on sait de la traite, prise dans sa globalité, ne permet pas de l'identifier à un génocide au sens juridique strict : généralement, l'intention de soumettre, vendre, blesser, tuer des individus, même appartenant à un groupe racial ou ethnique détesté, n'est pas associée à l'intention de détruire le groupe en tant que tel.
- Campagnes d'extermination ordonnées par les autorités de la Nouvelle-France au début des années 1730 : la tribu des Natchez est éliminée en représailles à sa révolte violente, et la nation des Mesquakies (Renards) est détruite dans ce qui s'apparente à un génocide et est parfois appelé ainsi[119].
« [Les Renards] ne sont plus en état de donner des inquiétudes, il n'en sera pas longtemps question, toutes les nations étant actuellement en campagne pour en éteindre la race […] je ne pense pas qu'il soit question d'aucun Renard l'année prochaine. »
— Charles de La Boische, gouverneur de la Nouvelle-France, sur la « question » des Renards, Lettre au Ministre du [120].
- Guerre de l'Empire russe contre les Tchouktches et d'autres autochtones du Kamtchatka : à partir de 1730, l'extermination des hommes et l'asservissement des femmes et des enfants tentent de mater la résistance indigène ; l'impératrice Élisabeth ordonne en 1742 une campagne pour « extirper totalement » les Tchouktches et leur mode de vie, mais les Russes sont défaits avant d'atteindre cet objectif[121].
- Exploitation mortifère des Aléoutes par des chasseurs-trappeurs russes qui, dans les années 1750, soumettent les îles Aléoutiennes à un régime colonial immoral qui ne sera aboli que sous le règne de Catherine II[122].
- La Dzoungarie est ravagée en 1756 et 1757 par la guerre d'annexion brutale ordonnée par l'empereur chinois Qianlong, qui surréagit à une longue situation d'instabilité dans la région : les combats, les massacres, l'esclavage, les dispersions et les épidémies vident le pays de ses autochtones (peut-être 600 000 Dzoungars), si bien que plusieurs historiens évoquent un génocide[123].
- Les massacres commis par les révolutionnaires républicains, en particulier les « colonnes infernales », pendant la guerre de Vendée en 1793 et surtout 1794, ont inspiré le mot « populicide » à Gracchus Babeuf. Dans un conflit qui fit environ 170 000 morts parmi les habitants de la « Vendée militaire » (un cinquième ou un quart de cette population)[124], un crime de masse a ciblé des « Vendéens », qui représentaient une identité régionale ou bien des catholiques réfractaires d'après les diverses thèses, peu partagées dans la communauté des historiens mais toujours très discutées, du « génocide vendéen »[125]. Depuis 2007, des députés français de droite et d'extrême droite proposent en vain la reconnaissance d'un génocide[126].
XIXe siècle
[modifier | modifier le code]- Expansion meurtrière du Royaume zoulou autour de l'année 1820 : les guerriers du roi Chaka, sélectionnant qui doit être tué ou incorporé selon les besoins, dévastent plusieurs tribus du Sud de l'Afrique et engendrent un chaos migratoire[127].
- Massacres des Aborigènes d'Australie, dont la population est estimée à 350 000 avant la colonisation, et qui furent en outre décimés par les maladies infectieuses et les migrations forcées, comme les Amérindiens ; en Tasmanie, la population aborigène a intégralement disparu.
- La conquête de l'Algérie par la France entre 1830 et 1875 est faite de combats, de massacres et de déplacements forcés, suivis d'épidémies locales et de famines ; ces fléaux réduisent de peut-être 30 % une population algérienne estimée à trois millions de personnes en 1830. Selon une thèse controversée du politologue Olivier Le Cour Grandmaison[128], l'État colonial s'est organisé en vue d'une guerre permanente contre la population indigène, dont l'effondrement a des causes étroitement liées entre elles ; cela s'apparente à un « projet cohérent de génocide[129] ». Les historiens, dans leur grande majorité, n'identifient pas la conquête à un génocide[130] ; pourtant, les destructions de tribus (El Ouffia en 1832, Ouled Riah en 1845…), le bain de sang de Constantine en 1837 ou encore les fantasmes d'extermination chez certains acteurs racistes, sont typiques de la violence génocidaire coloniale selon la perspective des genocide studies[131].
- Politiques anti-indiennes durant la conquête de l'Ouest américain : des pionniers repoussent des Autochtones loin de leurs terres, fondent parfois des États qui les discriminent et font la guerre à outrance à ceux qui résistent[132]. Deux ensembles d'événements sont particulièrement étudiés :
- les exterminations au Texas, État qui s'est construit entre 1821 et 1845 en alternant, avec les tribus locales, les bons rapports et les pires[133], et dont les autorités ont longtemps récompensé les scalps d'Indiens, plusieurs années après l'intégration définitive dans l'Union en 1870[134] ;
- le long génocide des Indiens de Californie, autour des années 1850, exacerbé par la Ruée vers l'or, divise par cinq la population autochtone et conduit certaines tribus au bord de l'extinction (Yanas, Yukis…)[135] : banalisés voire institutionnalisés à cette époque, les meurtres, viols et enlèvements dont sont victimes des dizaines de milliers d'Amérindiens sont qualifiés de génocide par le gouverneur de Californie Gavin Newsom en 2019[136].
« Il faut s'attendre à ce qu'une guerre d'extermination se poursuive entre les races jusqu'à l'extinction de la race indienne. »
— Peter Burnett, premier gouverneur de Californie, Governor's Annual Message to the Legislature, January 7, 1851[137].
- Massacres de milliers de babis entre 1848 et 1853 : ce petit groupe religieux persan paie cher sa résistance à un pouvoir intolérant. Nassereddine Shah échappe à un attentat en 1852 ; il ordonne alors de tuer les babis partout où ils peuvent être trouvés. La plupart des survivants épouseront la foi baha'ie, qui sera elle-même persécutée[138].
- Persécutions génocidaires de petits peuples insulaires d'Océanie et du Pacifique sud, qui les mènent au bord de l'extinction :
- massacre et réduction en esclavage des Morioris par deux tribus maories qui ont colonisé les îles Chatham à partir de 1835[139] ;
- déportations mortifères de nombreux Haunakas de l'île de Pâques par des esclavagistes péruviens dans les années 1860[140].
- Nettoyage ethnique des Circassiens au milieu des années 1860 : plusieurs centaines de milliers de Circassiens, détestés par l'Empire russe après une longue guerre, sont massacrés ou meurent d'épuisement pendant leur migration forcée vers des régions eurasiennes proches[141].
- En Argentine, la période 1878-1885 est marquée par des politiques de discrimination et de destruction des peuples indigènes, exacerbées par la conquête du Désert. Peu d'intellectuels ont soutenu la revendication récente des Mapuches pour la reconnaissance d'un génocide ; cependant, au XXIe siècle, plusieurs chercheurs argentins justifient l'emploi du mot[142].
- Conquêtes éthiopiennes de Menelik II (1879-1900) : alors que ce roi souhaite bâtir un empire capable de résister aux puissances européennes, ses campagnes s'avèrent parfois plus violentes que celles de ses prédécesseurs, des empereurs amharas chrétiens ethnonationalistes ; mutilations et tueries à grande échelle frappent plusieurs peuples, et des famines (surtout chez les Oromos, principale ethnie éthiopienne) portent même le bilan à plusieurs millions de morts. Plus de 90 % des habitants de la région de Maji périssent. Détruit, le royaume de Kaffa subit pendant des années des raids esclavagistes[143].
- Extermination des Selknam par les colons de Terre de Feu entre 1880 et 1905, qualifiée de génocide en 2003 par une commission instituée par le gouvernement chilien[144].
- Massacres hamidiens (1894-1896) : 100 000 à 300 000 chrétiens essentiellement arméniens sont tués par des milices turques. Une thèse controversée des historiens Benny Morris et Dror Ze'evi[145] fait de ces événements non pas une préfiguration, mais le début du génocide des chrétiens de l'Empire ottoman (voir la section XXe siècle).
XXe siècle
[modifier | modifier le code]- Le territoire correspondant à l'actuelle république démocratique du Congo fut martyrisé durant le XXe siècle par la colonisation, la dictature et la guerre, et les accusations de génocide sont nombreuses devant les millions de victimes à déplorer. L'historien Timothy Stapleton a produit une récente synthèse[146]. Les rares auteurs qui dénoncent un vaste génocide lié aux exactions commises dans l'État indépendant du Congo avant 1908, sont davantage focalisés sur l'effondrement démographique et les atrocités qui ont rendu le cas célèbre, plutôt que sur les définitions juridiques. Les adversaires du Premier ministre Patrice Lumumba (y compris des officiels des Nations unies) qui prétendaient qu'il avait génocidé les Baluba du Kasaï en 1960, voulaient justifier son renversement et son assassinat. Durant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), les leaders les plus négligents ou prédateurs n'étaient pas des génocidaires ; après la guerre, la peur du génocide permit à des rebelles et des milices de contrôler des territoires. Stapleton ne retient finalement, comme cas possible de génocide, que les massacres de 1996 et 1997 contre des réfugiés rwandais, liés aux diverses confrontations haineuses entre Hutus et Tutsis et notamment au génocide rwandais de 1994 (voir plus bas).
- Le génocide en Namibie, ou génocide des Héréros, perpétré par l'armée coloniale de l'Empire allemand, est reconnu officiellement par l'Allemagne en 2015[147]. Les historiens sont en désaccord sur l'étendue du crime : les tueries impitoyables de 1904, incluant le déplacement forcé des Héréros dans un désert inhospitalier, constituent l'essentiel du génocide, mais d'autres peuples sont concernés, surtout les Namas, et plusieurs de leurs membres sont déportés, comme les Héréros survivants, dans de meurtriers camps de concentration et de travail qui ne fermeront qu'en 1908[148]. On estime qu'environ 80 000 indigènes sont morts dans ces événements ; 80 % des Héréros, 50 % des Namas auraient disparu[149].
« Je considère que la nation Héréro comme telle doit être annihilée ou, si ce n'est tactiquement pas faisable, expulsée hors du territoire par tous les moyens possibles. […] J'estime le plus approprié que la nation périsse[149]. »
— Général Lothar von Trotha, dans une lettre à un officier, .
- Génocides perpétrés par le gouvernement des Jeunes-Turcs contre les minorités chrétiennes de l'Empire ottoman[150] :
- le génocide assyrien ou assyro-chaldéen (1914-1920), également appelé Seyfo (« l'épée »), permis par l'aide des alliés kurdes des Jeunes-Turcs, fait au moins 250 000 morts, peut-être le double, voire le triple, car les épidémies et les famines engendrées par les persécutions gonflent les chiffres ;
- le génocide arménien de 1915 à 1916 (ou 1923 selon certaines sources), qui fait 1,5 million de morts, est le crime ottoman dont la qualification en « génocide » a obtenu un si large consensus qu'elle ne fait plus débat aujourd'hui : méthodiquement organisé, il a pour objectif premier (et atteint) la dislocation des Arméniens de l'Empire par l'arrestation des élites de Constantinople, le meurtre et l'esclavage loin des villes, mais l'objectif se mue rapidement en anéantissement total (non atteint) par le moyen plus ou moins discret de déportations dans des lieux désertiques où hommes, femmes et enfants sont massacrés ;
- la tragédie pontique (1916-1923), ou génocide des Grecs d'Anatolie et du Pont, fait quelques centaines de milliers de victimes, une estimation rendue très difficile en raison des famines, des conversions religieuses et des migrations.
- Violences génocidaires de l'URSS stalinienne : si les Grandes Purges n'entrent pas dans la catégorie du génocide, la question se pose en revanche pour plusieurs événements qui les entourent, préfigurés par les expulsions tsaristes de Juifs et d'Allemands vers 1915 et la décosaquisation de 1919-1920, pour laquelle les révolutionnaires bolcheviks n'avaient pas tous les moyens de leurs ambitions. Ne se contentant pas du Goulag, Staline déploie des moyens considérables et inédits pour « ranger » son vaste empire en décimant ou en déportant des classes sociales, des peuples et des minorités[151]. Une loi russe sur les « peuples opprimés » évoque en 1991 une « politique de calomnie et de génocide » menée par l'URSS dans ses premières décennies[152],[153].
- La dékoulakisation du début des années 1930 cible supposément les riches paysans exploitant les pauvres et sabotant la collectivisation, mais certains officiels soviétiques attribuent à ces « koulaks » des caractères héréditaires voire raciaux[154].
- Selon des études récentes qui tendent à confirmer la thèse du génocide adoptée par l'Ukraine entre autres, la grande famine ukrainienne appelée Holodomor, qui fait quelques millions de morts, est d'abord une conséquence non désirée des politiques staliniennes, comme d'autres famines soviétiques de 1931-1933, mais est particulière car intentionnellement aggravée par Staline[155], qui fantasme alors un complot ukrainien et une potentielle « guerre à mort » dirigés contre son gouvernement[151].
- À la fin des années 1930, les frontières de l'URSS sont « nettoyées d'éléments ethniquement et socialement suspects » notamment grâce à des déportations vers la Sibérie, le Kazakhstan ou ailleurs. Après une opération du NKVD pour arrêter 144 000 Polonais et citoyens d'origine polonaise, 110 000 sont exécutés en 1938, y compris des communistes[156].
- Dans les années 1940, de nombreuses déportations concernent quelques millions de supposés ennemis de l'État ou potentiels agents nazis ; si, par exemple, les Polonais ou les Baltes ne sont déplacés qu'en partie, des peuples entiers (donc beaucoup d'enfants et de personnes vulnérables) sont disloqués dans le but de détruire leurs sentiments nationaux. Dans les cinq années qui suivent l'opération Tchétchévitsa, les 500 000 Tchétchènes et Ingouches sont réduits d'un quart ; près de la moitié des 238 000 Tatars de Crimée meurent de faim et de maladie après une déportation mal organisée[151],[157].
- Massacre des Haïtiens d' en République dominicaine : le dictateur Rafael Trujillo décide d'exterminer les immigrés près de la frontière avec Haïti ; l'armée identifie et assassine 12 000 personnes en quelques jours, mais le compte final pourrait dépasser 20 000[158],[159],[160].
- Crimes massifs lors des guerres d'expansion des États racistes en recherche de puissance à la veille de la Seconde Guerre mondiale :
- la seconde guerre italo-éthiopienne et les années d'occupation qui suivent (1935-1939) sont génocidaires, selon des historiens principalement italiens, car les massacres de la population civile contribueraient à concrétiser le fantasme du ministre des Colonies Alessandro Lessona d'une « Éthiopie sans Éthiopiens »[161],[162],[163],[164] ;
- les exactions de l'Armée impériale japonaise sont particulièrement atroces à partir de 1937 (massacre de Nankin, politique des Trois Tout au Mandchoukouo…), et les victimes se comptent par millions[165].
- Génocides et massacres génocidaires en Europe sous domination ou influence de l'Allemagne nazie :
- l'extermination des handicapés mentaux et physiques en Allemagne et dans des territoires occupés, notamment lors de l'Aktion T4 (1939-1941), fait au moins 200 000 morts ; elle n'est considérée comme un génocide que dans certaines interprétations du cas ;
- le Porajmos ou génocide tsigane, dont les victimes se comptent vraisemblablement en centaines de milliers (500 000 est le chiffre symbolique souvent retenu), n'est que timidement reconnu par les États d'Europe malgré la journée de commémoration proposée par le Parlement européen en 2015[166] ; les historiens sont eux-mêmes réticents sur l'usage du mot « génocide » à cause des paradoxes du cas : les nazis ont épargné ceux des Tsiganes qu'ils considéraient comme « aryens », et les Tsiganes massivement tués en Europe pour diverses raisons (et parfois déportés et gazés) n'ont pas été la cible d'un plan unique d'extermination[167],[168] ;
- la Shoah (ou, dans la langue des nazis, « solution finale à la question juive » : die Endlösung der Judenfrage), extermination systématique des trois quarts des Juifs de l'Europe occupée[169], soit les deux tiers de la population juive européenne totale et environ 40 % des Juifs du monde, est un événement très marquant de la Seconde Guerre mondiale, dont l'étude, fondatrice et intensive, affecte la recherche sur tous les génocides[94] : sur les cinq à six millions de victimes[170], trois millions sont assassinés dans des centres de mise à mort pourvus d'une chambre à gaz et de fours crématoires et pensés pour la disparition massive et rapide des corps, ce qui donne un caractère industriel unique à ce vaste génocide, paroxysme des persécutions antijuives des siècles passés (certains pogroms, notamment ceux de la guerre civile russe autour de 1919, étaient très violents et meurtriers, mais on trouve dès l'Antiquité la trace de massacres génocidaires visant des communautés juives) ;
- le génocide des Serbes dans l'État indépendant de Croatie, qui fait 300 000 à 500 000 morts[171],[172] entre 1941 et 1945, est organisé par Ante Pavelić et les Oustachis dans cet État satellite de l'Allemagne nazie ; le camp de concentration de Jasenovac accueille aussi des Tsiganes, des Juifs et des Partisans ;
- les nazis ont massacré des populations civiles slaves (des Polonais et des Russes notamment), des prisonniers de guerre soviétiques, des opposants politiques ; des groupes culturels et religieux sont persécutés pour de supposés liens avec les Juifs, la franc-maçonnerie européenne sort extrêmement diminuée de la guerre ; des milliers d'hommes homosexuels sont victimes des camps de concentration ;
- d'importants massacres de Polonais furent commis en Volhynie par l'Armée insurrectionnelle ukrainienne entre 1942 et 1944.
« Nous avions le droit moral, nous avions le devoir envers notre peuple, de détruire ce peuple qui voulait nous détruire. Mais nous n'avons pas le droit de nous enrichir […]. Nous ne voulons pas à la fin, parce que nous avons exterminé un bacille, être infecté par ce bacille et en mourir. »
— Heinrich Himmler fantasmant la nocivité extrême des Juifs pour justifier l'injustifiable, Discours de Posen du [173].
- Le régime communiste de Roumanie (1945-1989), dont le système répressif a frappé à divers degrés des centaines de milliers de personnes sur des critères socio-politiques, est tenu pour responsable d'un génocide de la nation roumaine par une commission présidentielle en 2006 ; beaucoup de spécialistes critiquent un tel emploi du terme « génocide »[174].
- Les mesures brutales de Mao Zedong pour façonner la république populaire de Chine (reconquête de territoires perdus à la chute des Qing, collectivisation de l'agriculture durant le Grand Bond en avant, laogais, destruction des traditions pendant la révolution culturelle…) entraînent la mort de dizaines de millions de personnes dans des famines, des massacres, par épuisement au travail… Comme des groupes ethniques, religieux ou nationaux en sont victimes (notamment les Mongols, les Ouïghours et les Tibétains), des accusations de génocide culturel ou physique sont régulièrement lancées par des juristes, certains sinologues et des militants, contre le régime communiste, même bien après la mort de Mao et la condamnation de sa politique. La communauté scientifique use toutefois assez peu du mot « génocide » pour décrire ces assimilations systématiques souvent violentes[175].
- La sinisation du Tibet est particulièrement commentée : en 1960, un texte controversé de la Commission internationale de juristes dénonce des actes de génocide contre les bouddhistes tibétains[176] ; le gouvernement tibétain en exil estime en 1984 un bilan très discutable de « 1,2 million de morts » sur vingt ou trente ans d'occupation du Tibet[177] ; en Espagne, l'Audience nationale enquête depuis 2006, non sans difficulté, sur l'implication d'anciens dirigeants chinois dans divers crimes supposément commis au Tibet dans les années 1980 et 1990, dont le génocide[178],[179].
- La guerre du Biafra est déclenchée après le massacre de 30 000 Igbos par le gouvernement militaire fédéral du Nigeria en , massacre identifié à un génocide dans la propagande des Biafrais sécessionnistes ; elle fait jusqu'en 1970 entre un et deux millions de morts, principalement dans une famine de grande ampleur elle-même identifiée à un « génocide par la faim » dans certaines couvertures médiatiques à travers le monde. Même si peu d'analyses aujourd'hui donnent du crédit aux accusations de génocide, ces événements sont très importants parce qu'ils montrent le pouvoir du mot sur l'opinion publique, et parce qu'ils mettent l'ONU en face d'un échec : l'équipe d'observateurs internationaux formée notamment avec le Royaume-Uni qui vendait des armes au Nigeria, ne mena pas d'enquête impartiale avant de conclure à l'inexistence d'un génocide[180].
- Crise du Guébié de 1970 en Côte d'Ivoire : le président Félix Houphouët-Boigny, soutenu par les Baoulés, plus importante ethnie du pays, écrase la tentative de rébellion d'un petit groupe de Bétés et de Guébiés en massacrant entre 4 000 et 6 000 paysans[181],[182],[183].
- Sédentarisation forcée des Achés (Guayakis) de 1967 à 1979 dans le Paraguay d'Alfredo Stroessner : la population de ces autochtones chassés, torturés, exploités par des civils aidés par l'armée, s'effondre. C'est peut-être le cas le plus aigu des ethnocides confinant au génocide dans les forêts d'Amérique du Sud aux richesses convoitées[184],[185].
- Les crimes contre l'humanité de l'Indonésie sous la conduite de Soeharto sont parfois analysés comme des génocides :
- le PKI, troisième parti communiste au monde en nombre d'adhérents, est éradiqué, et certains secteurs de la société (immigrés, chrétiens) sont ciblés, au cours d'une purge qui débute fin 1965, entraînant la mort d'au moins 400 000 Indonésiens, peut-être largement plus[186] ;
- la Nouvelle-Guinée occidentale (Papouasie indonésienne) est livrée presque continûment à des exactions et tueries de « forces de sécurité », qui font officiellement 30 000 morts mais peut-être largement plus de 100 000 en réalité[187],[188] ;
- une large part de la population du Timor oriental (100 000 à 200 000 personnes) est exterminée, par des actions militaires et les famines engendrées, pendant l'occupation indonésienne (1975-1999) ; plus que les deux autres, cet événement est appelé « génocide » dans la littérature récente, bien que des experts en droit international identifient mal le ou les groupes culturels victimes[189],[190].
- Génocide au Bangladesh (Pakistan oriental à l'époque) : lors de la guerre de libération du Bangladesh en 1971, une grande partie du peuple bengali et plus particulièrement des hindous sont frappés par les innombrables massacres, la campagne de viol des femmes et l'épuration ethnique qui font partie de la répression à outrance de la rébellion bengalie par l'armée pakistanaise et des milices islamistes. Le bilan des morts (victimes directes et indirectes) pourrait avoisiner le million[191]. L'intervention militaire de l'Inde, une des rares démarches réussies pour stopper un génocide, est néanmoins suivie de représailles des indépendantistes qui font des dizaines de milliers de morts notamment parmi les Biharis qui ont collaboré avec les autorités pakistanaises[192].
« Tuez-en trois millions, et le reste nous mangera dans la main. »
— Muhammad Yahya Khan, président du Pakistan, devant des généraux, le [193].
- Persécutions des Hmongs : ce peuple, barbare et sauvage dans certaines représentations racistes en Chine et Indochine, subit depuis longtemps des violences au potentiel génocidaire. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les Hmongs qui refusent de se soumettre à leurs seigneurs mandchous sont massacrés. En 1975, la guerre civile laotienne fait place à un conflit déséquilibré entre le pouvoir communiste et des rebelles hmongs ; ceux qui ne peuvent pas fuir le pays sont tués par des armes chimiques ou encore torturés dans des camps « de rééducation »[194],[195],[196]. Aujourd'hui les Hmongs sont dispersés à travers le monde, le Laos n'est plus une menace pour sa propre petite communauté hmong et les accusations de génocide ne sont repérables que dans des discours militant pour les droits des dernières familles de rebelles cachées dans la jungle.
- Génocide(s) au Cambodge (Kampuchéa démocratique) : entre 1975 et 1979, Pol Pot et les Khmers rouges, inspirés à la fois par l'ultranationalisme et le maoïsme, saignent leur propre pays par des mesures militaires, économiques et « sociales » extrêmes (1,7 million de morts selon une estimation moyenne répandue[197], soit entre 20 et 25 % de la population) dans un but d'uniformisation idéologique, ethnique et religieuse. Le néologisme « autogénocide » qui a parfois désigné ce politicide complexe, n'est plus retenu par les analystes des groupes humains détruits par le régime[198]. En 2018, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens condamnent deux dirigeants khmers rouges encore en vie pour les génocides de la minorité vietnamienne et de la communauté musulmane cham[199].
- Répression menée par la dictature militaire argentine à la fin des années 1970 : des milliers de familles d'opposants politiques supposés sont victimes de « disparitions » (exécutions, emprisonnements, vols de bébés…). Plus tard, une cour de justice argentine, jugeant des responsables pour crimes contre l'humanité, suggère qu'un génocide a détruit une part de la nation pour altérer le destin de celle-ci. Certains spécialistes internationaux sont dubitatifs et critiques[200].
- À la fin du XXe siècle, les territoires de la Corne de l'Afrique et du Soudan connaissent des conflits incessants durant lesquels les meurtres de masse et les famines se banalisent : sélectionner des épisodes génocidaires relève de la clairvoyance pour certains spécialistes, de l'arbitraire pour d'autres[201]. Malgré tout, des événements sont particulièrement observés :
- la Terreur rouge éthiopienne (Qey Shibir) en 1977-1978, qui fait vraisemblablement quelques centaines de milliers de victimes, a pour conséquence, trente ans plus tard, la condamnation de l'ex-dictateur Mengistu Haile Mariam pour génocide, la définition dans la loi éthiopienne s'étendant aux groupes politiques[29] ;
- la tentative d'extermination du clan somali Isaaq par le président somalien Mohamed Siad Barre en 1988 et 1989, qui culmine dans la destruction sans précédent d'une grande ville africaine, Hargeisa, et la mort de dizaines de milliers de civils[201], est analysée comme un génocide par le rapport d'une enquête mandatée en 2001 par les Nations unies ;
- la meurtrière seconde guerre civile soudanaise (1983-2005) qui oppose la dictature islamiste et arabiste de Khartoum aux chrétiens et animistes noirs du futur Soudan du Sud et des monts Nouba, prend la forme, selon certains analystes, d'une guerre d'extermination[202] menée par la première contre les seconds, et permet d'identifier un vaste génocide[203] en partie perpétré « par l'usure », c'est-à-dire en utilisant la famine[204] ; en abandonnant cette guerre, Khartoum peut se concentrer sur le front ouest : le Darfour (voir la section XXIe siècle).
- Persécution génocidaire des baha'is d'Iran après 1979 : la nouvelle république islamique intensifie la lutte contre ce groupe religieux né sur son territoire cent ans auparavant, puis recule sous la pression internationale dans les années 1990. C'est un cas de génocide « naissant » et « suspendu » : pour certains spécialistes, le génocide a été évité ; pour d'autres, le crime a eu lieu mais sans conséquence effroyable (on ne dénombre « que » deux cents morts)[138].
- Le massacre de Sabra et Chatila du a été déclaré « acte de génocide » par l'Assemblée générale des Nations unies[205] par 123 voix pour, 0 contre et 22 abstentions[206],[207],[208]. Bien que tous les délégués qui prirent part au débat furent d'accord qu'un massacre s'était produit, son caractère génocidaire, ou les compétences de l'Assemblée à caractériser un événement comme tel, fut mis en question par plusieurs d'entre eux[208]. Selon William Schabas, spécialiste du droit international, « le terme génocide (…) avait à l'évidence été choisi pour embarrasser Israël plutôt que par véritable souci de précisions légales[208] ».
- Génocide au Guatemala pendant la dictature du général Efraín Ríos Montt (1982-1983) : sommet de violence de la guerre civile guatémaltèque, un politicide impitoyable (villages rasés par des milices ou par l'armée, viols, démembrements, enfants battus à mort) frappe collectivement des dizaines de milliers de civils mayas sur le prétexte d'un soutien à la guérilla marxiste qui enrôle principalement des Mayas. Ríos Montt est condamné en 2013 dans son propre pays pour le génocide du petit groupe des Mayas ixils, dont une partie a été massacrée, une plus large partie déportée ; la condamnation, saluée par des organisations des droits de l'homme mais cassée pour vice de forme, n'a pas achevé le débat scientifique sur l'ampleur d'un génocide logé dans le politicide[209],[31],[210],[211].
« Nous ne pratiquons pas une politique de la terre brûlée, nous pratiquons une politique de communistes brûlés. »
— Ríos Montt, lors d'une conférence de presse le [212].
- Massacres de Kurdes d'Irak par le dictateur Saddam Hussein et ses proches en 1988 : vraisemblablement plus de 100 000 personnes (182 000 selon l'estimation citée au procès) périssent durant l'opération Anfal qui, combinée à un vaste nettoyage ethnique, est censée exterminer les maquisards kurdes alliés à l'Iran en guerre. Le , le Tribunal spécial irakien condamne pour génocide Ali Hassan al-Majid, dit « le Chimique » en raison de son recours aux armes chimiques, et d'autres anciens hauts dignitaires[213],[214].
- L'indépendance du Rwanda et du Burundi au début des années 1960 est accompagnée et suivie par des rivalités intercommunautaires qui explosent en violences génocidaires à maintes reprises en Afrique des Grands Lacs : les Hutus, majoritaires mais parfois exclus du pouvoir politique, et les Tutsis, qui ne forment pourtant pas une ethnie différente à proprement parler, sont tour à tour victimes de tueries provoquées par leurs membres les plus radicaux et haineux[215],[216]. Cinq événements se détachent :
- au Rwanda, au moins 10 000 Tutsis, dont des leaders politiques modérés, sont victimes de milices hutues encouragées par l'administration Kayibanda dès ;
- au Burundi, le massacre de dizaines de milliers de Hutus (peut-être 200 000) par l'armée à dominance tutsie entre avril et est souvent appelé Ikiza[217] (« catastrophe, fléau » en kirundi), « génocide des Hutus au Burundi » ou simplement « génocide burundais » ;
- au Burundi, après l'assassinat du président Melchior Ndadaye, près de 20 000 Tutsis sont massacrés par des Hutus en octobre et (« génocide des Tutsis au Burundi »), et l'armée fait autant de victimes hutues en représailles ;
- le génocide des Tutsis au Rwanda est reconnu dans un rapport de la Commission des droits de l'homme de l'ONU le , puis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda : après l'attentat qui coûte la vie au président burundais Cyprien Ntaryamira et surtout au président rwandais Juvénal Habyarimana, environ 800 000 personnes, très majoritairement des Tutsis, sont tuées par des compatriotes en seulement trois mois entre avril et , dans des massacres principalement à la machette et à l'arme blanche préparés par le Hutu Power ;
- au Zaïre en 1996 et 1997, la poursuite éradicatrice de membres du Hutu Power par les forces armées rwandaises et des rebelles congolais fait plus de 200 000 victimes, directes et indirectes, parmi les réfugiés rwandais hutus : seuls quelques spécialistes évoquent un génocide.
« L'on doit comprendre, moi, j'estime qu'au lieu de fuir, mieux vaudrait mourir […] nous devons donc combattre les Inkotanyi, en finir avec eux, les exterminer, les balayer, dans tout ce pays… parce qu'il n'y a pas de refuge, pas de refuge alors ! »
— Kantano Habimana, animateur de la radio des Mille Collines, demandant au gouvernement rwandais de ne rien céder à un ennemi mortel tutsi, le [218].
- Crimes majeurs des conflits en ex-Yougoslavie :
- Le massacre de Srebrenica, commis par des militaires serbes de Bosnie en durant la guerre de Bosnie-Herzégovine, fait environ 8 000 victimes, des hommes bosniaques. Le massacre et les persécutions qui lui sont directement corrélées, notamment la déportation de nombreux bosniaques, sont qualifiés de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. L'étendue du génocide, dans un conflit où les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité sont nombreux, est débattue par les spécialistes[219] : rares sont ceux pour qui le mot « génocide » est employé à tort, moins rares sont les évocations d'un plus large génocide bosniaque.
- Violences lors de l'épuration ethnique décidée par Slobodan Milošević durant la guerre du Kosovo : environ 10 000 Kosovars albanais sont tués par les forces armées serbes. La question du génocide divise les spécialistes : si certains massacres peuvent être qualifiés de génocidaires, la difficulté est de prouver l'intention de détruire la population quand l'intention de la faire fuir semble plus manifeste a priori[220].
XXIe siècle
[modifier | modifier le code]- Génocide(s) de la guerre du Darfour à partir de 2003 : une première enquête de l'ONU conclut en 2005 que le gouvernement soudanais ne mène pas une politique génocidaire contre la population du Darfour mais que des crimes très graves sont commis, peut-être parfois avec une intention génocidaire ; les preuves s'accumulant, le président Omar el-Bechir finit par faire l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale en deux temps : pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en 2009, puis en 2010 pour génocides d'une partie des groupes ethniques four, masalit et zaghawa. Selon des commentateurs qui acceptent l'emploi du terme « génocide », on peut mêler plusieurs génocides en un seul, celui des peuples du Soudan que Khartoum étiquette « non arabes » (« noirs », « africains »), qui aurait commencé pendant la seconde guerre civile soudanaise[221] (voir la section XXe siècle).
- Conflit interethnique au Tanganyika (république démocratique du Congo) : depuis 2013, des Bantous et des Pygmées organisés en milices martyrisent leurs populations. Après un procès compliqué, quatre détenus bantous sont condamnés en 2016 pour génocide par un tribunal de Lubumbashi formé à la hâte, par une mission de l'ONU, au traitement des crimes relevant du droit international[222],[223].
- Persécution de musulmans chiites et de diverses minorités religieuses et ethniques en Irak et en Syrie dans le « califat » régenté entre 2014 et 2019 par Daech (État islamique), organisation « génocidaire par auto-proclamation, par idéologie et par actions » selon l'ancien secrétaire d'État des États-Unis John Kerry, relayé par de nombreux journalistes et chercheurs[224],[225].
- Le génocide des Yézidis a fait l'objet d'une enquête de l'ONU[226] : des milliers de Yézidis, considérés par Daech comme des polythéistes inférieurs aux gens du Livre, sont tués, notamment lors des massacres de Sinjar, ou esclavagisés ; des enfants sont convertis au salafisme djihadiste et envoyés au combat[225].
- Les violences contre les chrétiens sont souvent associées au génocide des Yézidis, par exemple par le Parlement européen[227], ou par la juriste Sarah Raben[228].
« La continuelle existence des yézidis jusqu'à ce jour est une situation que les musulmans devraient remettre en cause puisqu'ils seront interrogés là-dessus au jour du Jugement, étant donné qu'Allah a révélé le verset de l'épée il y a plus de 1 400 ans. »
— Extrait du quatrième volume du magazine de propagande Dabiq[225], suggérant que les yézidis qui n'ont pas voulu se convertir depuis 1 400 ans devraient maintenant être éliminés par tous les moyens indiqués dans le verset 5 de la neuvième sourate du Coran.
- Crise des Rohingya : en dénonçant les crimes contre l'humanité perpétrés par l'État et l'armée birmans en 2017, l'International Association of Genocide Scholars pointe les signes d'un génocide dont l'expulsion de centaines de milliers de Rohingya vers le Bangladesh ne serait que la superficie[229]. Une telle dénonciation tranche avec le quasi-désintérêt depuis 1948 pour les atrocités du conflit armé birman (notamment la répression des sécessionnistes karens), qui sont pourtant comparables à celles des génocides postcoloniaux[230].
- Génocide culturel des Ouïghours : le Parti communiste chinois a accentué depuis 2017 sa politique discriminatoire contre des centaines de milliers d'habitants de la région autonome du Xinjiang, en majorité des musulmans ouïghours, qui sont internés dans des camps dits « de rééducation politique ». Les familles y sont assurément séparées et, malgré une stratégie du secret du Parti, on soupçonne des contraceptions et des stérilisations forcées. Ainsi, certains experts évoquent la possibilité d'un génocide biologique systématique par entrave des naissances, malgré l'impossibilité actuelle d'une enquête poussée pour prouver l'intention exterminatrice des autorités chinoises[231],[232].
- Risque de génocide à Gaza depuis 2023 (Palestine) : la guerre menée par l'État israélien depuis octobre 2023 contre le Hamas à la suite des attaques meurtrières commises en Israël par celui-ci le 7 octobre 2023 et qui entraîne de nombreuses pertes de vies civiles parmi la population palestinienne à Gaza — 41 000 morts en un an, civils et combattants, d'après les sources locales, sur une population de 2,1 millions — est considérée par certains comme pouvant être constitutive d'un génocide, même si le terme est réfuté par l'État israélien et ses soutiens. Une procédure judiciaire internationale a été déposée en janvier 2024 auprès de la Cour Internationale de Justice.
Notes et références
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- Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
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- On emploie parfois l'expression « génocidaire dans ses conséquences » pour qualifier une série de décisions malveillantes et d'actes violents qui entraîne l'annihilation d'un groupe, quand le caractère intentionnel de celle-ci est incertain.
- Au Bangladesh en 1971, si des hindous furent tués en tant qu'hindous, il est moins clair que des Bengalis furent tués en tant que Bengalis. La mythologie nazie faisant des Tsiganes des descendants des « Aryens », ils furent (mais pas tous) persécutés pour leur métissage, leur non-appartenance au groupe « pur ».
- (en) William Schabas, « The Law and Genocide », dans Donald Bloxham et A. Dirk Moses, The Oxford Handbook of Genocide Studies, Oxford University Press, 2010, p. 135-137.
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- Résumé de l'arrêt relatif à l'application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), communiqué de presse de la Cour internationale de justice, , p. 8.
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- Cette logique est assimilée par certains historiens, par exemple par Ben Kiernan qui fait explicitement la remarque dans Blood and Soil (p. 15-16).
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Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]Théorie du génocide et prévention : droit, politique, psychocriminologie
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Récits de génocides et analyses : histoire, témoignage, lutte
[modifier | modifier le code]- Collectif, Parler des camps, penser les génocides, Albin Michel, 1999 (ISBN 2226223177).
- Régine Waintrater, Sortir du génocide. Témoignage et Survivance, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2011 (ISBN 978-2-228-90611-1).
- Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, coll. « Folio-histoire », , 3 vol.
- Olivier Weber, Les Impunis. Cambodge : un voyage dans la banalité du mal, Robert Laffont, 2013.
- Stéphane Courtois, Le Livre noir du communisme. Crimes, Terreur, Répression, avec Nicolas Werth, Jean-Louis Panné, Andrzej Paczkowski, Karel Bartosek, Jean-Louis Margolin (en coll.), Robert Laffont, 1997, 923 p. (ISBN 978-2221082041, 978-2266086110 et 978-2221088616).
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- Yves Ternon, Du négationnisme. Mémoire et Tabou, Paris, Desclée de Brouwer, 1998.
- Yves Ternon, L'État criminel. Les Génocides au XXe siècle, Paris, Seuil, 1995.
- Yves Ternon, L'Innocence des victimes. Regard sur les génocides du XXe siècle, Desclée de Brouwer, 2001.
- Bernard Bruneteau, Un siècle de génocides. Des Hereros au Darfour (1904-2004), Armand Colin, 2016 (ISBN 2200613105).
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- (en) Paul R. Bartrop (dir.), A Cultural History of Genocide, Bloomsbury Academic, 2021, 6 vol.
Encyclopédies et ouvrages généraux
[modifier | modifier le code]- Jean Albert (dir.), L'avenir de la justice pénale internationale, Bruxelles, Bruylant, 2024 (ISBN 978-2-8027-7345-0).
- Katia Boustany et Daniel Dormoy (dir.), Génocide(s), Bruxelles, Bruylant, 1999.
- Israel Charny (dir.), Le Livre noir de l'humanité. Encyclopédie mondiale des génocides, Paris, Privat, 2001 (ISBN 2-7089-5607-8).
- (en) Dinah Shelton (dir.), Encyclopedia of Genocide and Crimes Against Humanity, Macmillan Reference, 2004, 3 vol.
- (en) Leslie Alan Horvitz et Christopher Catherwood, Encyclopedia of War Crimes and Genocide, Facts on File, 2011 (édition révisée ; 1re édition 2006).
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- (en) Dan Stone (dir.), The Historiography of Genocide, Palgrave Macmillan, 2008.
- (en) A. Dirk Moses (dir.), Empire, Colony, Genocide: Conquest, Occupation and Subaltern Resistance in World History, Berghahn Books, 2008.
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- (en) Howard Ball, Genocide: A Reference Handbook, ABC-Clio, 2010.
- (en) Adam Jones, Genocide: A Comprehensive Introduction, Routledge, 2017 (3e édition ; 1re édition 2006).
Il existe également plusieurs encyclopédies de la Shoah.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Génocide en droit pénal français
- Génocide culturel, ethnocide
- Massacre génocidaire, crime contre l'humanité
- Négationnisme, DARVO, négation de génocide (en) (en)
- Génocide de peuples autochtones, déni des génocides autochtones
- Génocides dans l'Histoire (en)
- Viol en tant qu'arme de génocide
- Les dix étapes du génocide
- Éducation relative au génocide
- Aperçu des études sur le génocide (en)
Liens externes
[modifier | modifier le code]
- Ressource relative à la santé :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
Articles et compléments
[modifier | modifier le code]- (fr) Centre de documentation de l'ONU
- (fr) Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le )
- (fr) L'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale sur la définition du Crime de génocide
- (fr) Association Internationale de Recherches sur les Crimes contre l'Humanité et les Génocides (AIRCRIGE), dossiers et articles en ligne dans la rubrique « ressources »
- (en) The Online Encyclopedia of Mass Violence
- (fr) Le Génocide pour la Cour pénale internationale
- (fr) Trial Watch : Liste des procédures pour des crimes dits internationaux.
- (fr) Sur la notion de génocide par Ben Kiernan, professeur d'histoire à l'université Yale.
Ressources audio-visuelles
[modifier | modifier le code]- Écouter le cycle de conférences qu'a consacré Joël Kotek à la définition du génocide et des crimes de masse aux XXe et XIXe siècles, au Collège Belgique (2009-2010).