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« Jean Monnet » : différence entre les versions

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{{Confusion|Jean Monet}}
{{sources à lier|date=février 2017}}
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{{Voir homonymes|Monnet}}
{{sources à lier|date=février 2017}}
{{Infobox Politicien
{{Infobox Personnalité politique
| charte =
| nom = Jean Monnet
| charte = International
| image = DBP 1977 926 Jean Monnet.jpg
| nom = Jean Monnet
| légende = Timbre [[Allemagne|allemand]] à l'effigie de Jean Monnet.
| image = Jean Monnet.jpg
| fonction1 = Président de la [[Haute Autorité]] de la [[Communauté européenne du charbon et de l'acier|CECA]]
| légende = Jean Monnet en 1952.
| fonction1 = Président de la [[Haute Autorité]] de la [[Communauté européenne du charbon et de l'acier]]
| à partir du fonction1 = {{Date|10|août|1952}}
| à partir du fonction1 = {{date|10 août 1952}}
| jusqu'au fonction1 = {{Date|3|juin|1955}} <br /> <small> ({{Durée|10|août|1952|3|juin|1955}}) </small>
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| élection1 =
| gouvernement 1 = [[Autorité Monnet]]
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| prédécesseur 1 = ''Fonction créée''
| président 1 =
| successeur 1 = [[René Mayer]]
| fonction2 = [[Commissariat général du Plan|Commissaire général au Plan]]
| premier ministre 1 =
| à partir du fonction2 = {{date|3 janvier 1946}}
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| jusqu'au fonction2 = {{date|11 septembre 1952}}<br /><small>({{Durée|3|janvier|1946|11|septembre|1952}})</small>
| législature 1 =
| coalition 1 =
| successeur 2 = [[Étienne Hirsch (1901-1994)|Étienne Hirsch]]
| fonction3 = Secrétaire général adjoint de la [[Société des Nations]]
| groupe parlementaire 1 =
| prédécesseur 1 =
| secrétaire général 3 = [[Eric Drummond]]
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| successeur 1 = [[René Mayer]]
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| fonction2 = [[Commissariat général du Plan|Commissaire général au Plan]]
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| prédécesseur 3 = ''Fonction créée''
| successeur 3 = [[Joseph Avenol]]
| jusqu'au fonction2 = {{Date|11|septembre|1952}} <br /> <small> ({{Durée|3|janvier|1946|11|septembre|1952}}) </small>
| nom de naissance = Jean Omer Marie Gabriel Monnet
| successeur 2 = [[Étienne Hirsch (1901-1994)|Étienne Hirsch]]
| nom de naissance = Jean Omer Marie Gabriel Monnet
| date de naissance = {{date|9 novembre 1888}}
| date de naissance = {{Date|9|novembre|1888}}
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| lieu de décès = [[Maison de Jean Monnet|Houjarray]] ([[Bazoches-sur-Guyonne]], [[Yvelines]], [[France]])
| nature du décès =
| conjoint = [[Silvia de Bondini]] <small> (à partir de 1934) </small>
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| emblème = Flag of the European Coal and Steel Community 12 Star Version.svg
| parti =
| emblème2 = Flag of the League of Nations (1939).svg
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| liste = [[Liste des commissaires au Plan|Commissaires au Plan]]<br />[[Haute Autorité|Présidents de la Haute Autorité de la CECA]]
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| prédécesseur 2 = ''Fonction créée''
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| liste = [[Liste des personnes inhumées au Panthéon de Paris|Personnes inhumées au Panthéon de Paris]]<br />[[Pères de l'Europe]]<br />[[Liste des commissaires au Plan|Commissaires au Plan]]<br />[[Haute Autorité|Présidents de la Haute Autorité de la CECA]]
}}
}}
'''Jean Monnet''', né le {{date de naissance|9|novembre|1888}} à [[Cognac (Charente)|Cognac]] ([[Charente (département)|Charente]]) et mort le {{date de mort|16|mars|1979}} à [[Bazoches-sur-Guyonne]] ([[Yvelines]]), est un [[Haute fonction publique française|haut fonctionnaire]] [[France|français]], banquier international, promoteur de l'[[atlantisme]] et du [[libre-échange]]. [[Europhilie|Europhile]] convaincu et acteur majeur de l'[[Intégration européenne|intégration]] et de la [[Histoire de l'Union européenne|construction européennes]], il est considéré comme l'un des {{citation|[[pères de l'Europe]]}}.


Il a été, dès sa création en 1919, l'un des principaux promoteurs de la [[Société des Nations]] dont il est le secrétaire général adjoint, organisant à ce titre la Conférence financière de [[Bruxelles]] de {{date|septembre 1920}}. [[Agent d'influence]] au service de la [[France]], puis de l'[[Angleterre]] auprès des [[États-Unis]] pendant la [[Seconde Guerre mondiale]], il propose en 1940 le projet d'[[Union franco-britannique]]. Il devient ensuite l'un des artisans de la [[Économie planifiée|planification]] française au moment du [[plan Marshall]], en tant que premier [[Commissariat général du Plan|commissaire au Plan]] de 1946 à 1952. Monnet a contribué à la [[Déclaration du 9 mai 1950|déclaration Schuman de 1950]], au [[Amitié franco-allemande|rapprochement franco-allemand]] et à la création de la [[Communauté européenne du charbon et de l'acier]], dont il fut le premier président de la [[Haute Autorité]] de 1952 à 1955. Il a aussi promu la coopération industrielle internationale. Il est un des principaux fondateurs de la [[Communauté économique européenne]] ([[Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne|traité de Rome de 1957]]) et du [[Marché commun européen]] (1968). Ceux-ci sont les prédécesseurs de l'[[Union européenne]].
'''Jean''' Omer Marie Gabriel '''Monnet''', né le {{date|9|novembre|1888}} à [[Cognac (Charente)|Cognac]] et mort le {{Date|16|mars|1979}} à [[Maison de Jean Monnet|Houjarray]] ([[Bazoches-sur-Guyonne]]), est un fonctionnaire international français, banquier international, promoteur de l'[[atlantisme]] et du [[libre-échange]]. Il est considéré comme un des « [[pères de l'Europe]] ».


Jean Monnet est fait [[citoyen d'honneur de l'Europe]] en 1976 et est [[Liste des personnes transférées au Panthéon de Paris|inhumé]] au [[Panthéon (Paris)|Panthéon]], à [[Paris]], en 1988.
Après avoir été, dès sa création en [[1919]], l'un des principaux promoteurs de la [[Société des Nations]] dont il est secrétaire général adjoint, organisant à ce titre la Conférence financière de [[Bruxelles]] de septembre 1920, il fait fortune à [[Saint-Pierre-et-Miquelon]] grâce à la vente de cognac à des contrebandiers américains pendant la [[Prohibition]], ce qui lui permet de fonder en [[1929]] sa propre banque à [[Chicago]], la ''Bancamerica''.


{{Sommaire|niveau=2}}
Agent d'influence au service de la France, puis plus généralement des [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]] pendant la [[Seconde Guerre mondiale]], il propose en 1940 le projet d'[[Union franco-britannique]] et devient un des artisans de la planification française au moment du [[Plan Marshall]], et un des principaux fondateurs de la [[Communauté économique européenne]] (Traité de Rome 1957) et du [[Marché commun européen]] (1968). Ceux-ci sont les prédécesseurs de l'[[Union européenne]].
{{sommaire|niveau=2}}


== Biographie ==
== Biographie ==
{{section à sourcer|date=février 2018}}
{{section à sourcer|date=février 2018}}

=== Enfance et formation ===
=== Enfance et formation ===
[[File:Affiche Cognac Monnet.jpg|thumb|right|Publicité pour le « Cognac Monnet » (1927)]]
Jean Monnet naît le {{Date|9|novembre|1888}} à [[Cognac (Charente)|Cognac]] au 9, rue Neuve des Remparts, dans une famille de négociants en [[cognac (eau-de-vie)|cognac]]. Il commence sa carrière dans l'entreprise familiale. Sa formation est essentiellement due aux conversations qu'il écoute, dès l'enfance, à la table familiale entre son père et ses clients étrangers, sur le commerce du cognac, un des premiers secteurs français à être très internationalisés.
Jean Omer Marie Gabriel Monnet naît le {{Date|9|novembre|1888}} à [[Cognac (Charente)|Cognac]] au 9, rue Neuve des Remparts, dans une famille bourgeoise<ref>{{Article|auteur1=Valérie Lehoux|titre=De l'ombre des chais aux quais ensoleillés|périodique=Télérama|numéro=3882|pages=40|date=5 juin 2024}}</ref> de tradition catholique propriétaire d'une entreprise de négoce international de cognac.

Sa formation est essentiellement due aux conversations qu'il écoute, dès l'enfance, à la table familiale entre son père et ses clients étrangers, sur le commerce du cognac, un des premiers secteurs français à être très internationalisés.

Il interrompt ses études avant son baccalauréat, à {{nobr|16 ans}}, pour travailler dans l'entreprise familiale.


Il interrompt ses études avant son baccalauréat, à 16 ans, pour travailler dans l'entreprise paternelle. Puis, à 18 ans, Jean Monnet s'installe à [[Londres]] et voyage ensuite plusieurs fois en [[Amérique du Nord]] pour l'entreprise familiale. Jean Monnet en tire une parfaite maîtrise de l'[[anglais]], une très bonne connaissance des [[Anglo-Saxons|Anglo-saxons]] et de l’optimisation de l’affrètement maritime : les exportateurs de cognac utilisaient au maximum des capacités de fret des bateaux et veillaient à les charger au retour pour diminuer les coûts.
À {{nobr|18 ans}}, il s'installe à [[Londres]] et voyage plusieurs fois en [[Amérique du Nord]] pour l'entreprise familiale. Il en tire une parfaite maîtrise de l'[[anglais]], une très bonne connaissance des [[Pays anglophones|Anglo-Saxons]] et de l’optimisation de l’affrètement maritime : les exportateurs de cognac utilisaient au maximum les capacités de fret des bateaux et veillaient à les charger au retour pour diminuer les coûts.
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=== Première Guerre mondiale ===
=== Première Guerre mondiale ===
En 1914, après la [[bataille de la Marne (1914)|bataille de la Marne]], à peine âgé de 26 ans et fort de son expérience d'affréteur maritime, réformé pour raisons de santé, il obtient un entretien avec le président du Conseil, [[René Viviani]], replié à [[Bordeaux]] lui décrivant le gâchis que représente l'utilisation désordonnée des flottes marchandes françaises et britanniques, il lui explique la nécessité de créer un pôle maritime franco-britannique pour optimiser les transports de vivres, munitions et matières premières et réussit à le convaincre. En effet, les navires français ou anglais partaient vides pour les USA pour revenir pleins, et inversement ! Sous l'impulsion du ministre du Commerce, [[Étienne Clémentel]], il participe ainsi à la délégation du ministère du Commerce à Londres.
En 1914, après la [[bataille de la Marne (1914)|bataille de la Marne]], à peine âgé de {{nobr|26 ans}} et fort de son expérience d'affréteur maritime, réformé pour raisons de santé, Jean Monnet obtient un entretien avec le président du Conseil, [[René Viviani]], replié à [[Bordeaux]]. Lui décrivant le gâchis que représente l'utilisation désordonnée des flottes marchandes française et britannique, il lui explique la nécessité de créer un pôle maritime franco-britannique, pour optimiser les transports de vivres, munitions et matières premières, et réussit à le convaincre.


En effet, les navires français ou anglais partaient vides pour les États-Unis pour revenir pleins, et inversement. Sous l'impulsion du ministre du Commerce, [[Étienne Clémentel]], il participe ainsi à la délégation du ministère du Commerce à Londres.
À cette fin, il est nommé responsable de la coordination des ressources alliées sous le statut de haut fonctionnaire inter-allié en [[1916]] pendant toute la durée restante de la [[Première Guerre mondiale]]. Il est confirmé dans ses fonctions par [[Georges Clemenceau]].


À cette fin, il est nommé responsable de la coordination des ressources alliées, sous le statut de haut fonctionnaire interallié en 1916 pendant toute la durée restante de la [[Première Guerre mondiale]]. Il est confirmé dans ses fonctions par [[Georges Clemenceau]]<ref>[[Jean-Baptiste Duroselle]], ''Clemenceau'', Fayard 1988 {{pp.|677}}</ref>.
En avril 1919, sous la pression des Américains, la commission de coordination économique interalliée prend fin.

En {{date|avril 1919}}, sous la pression des Américains, la commission de coordination économique interalliée prend fin.


=== Entre-deux-guerres ===
=== Entre-deux-guerres ===
==== Fondation de la Société des Nations ====
==== Fondation de la Société des Nations ====
En [[1919]], il est un des artisans de la création de la [[Société des Nations]], organisation dont il est nommé le numéro deux. Il effectue des missions en [[Silésie]], en [[Autriche]], en [[Pologne]] et en [[Roumanie]]. En [[1920]], il est appelé au poste de secrétaire général adjoint de la nouvelle organisation internationale. À moins de 32 ans, il est le principal organisateur de la Conférence financière de Bruxelles de septembre 1920, reconnaissant que la [[déflation]] après la guerre pourrait avoir des répercussions désastreuses sur l'économie mondiale.
En 1919, Jean Monnet est un des artisans de la création de la [[Société des Nations]], organisation dont il est nommé numéro deux. À ce titre, il effectue des missions en [[Haute-Silésie (région historique)|Haute-Silésie]], pour surveiller le [[Plébiscite de Haute-Silésie|plébiscite]] qui se déroule dans cette région, dans l’[[République de Weimar|Empire Allemand]], en [[Première République (Autriche)|Autriche]], en [[Deuxième République (Pologne)|Pologne]] et en [[Grande Roumanie historique|Roumanie]]. En 1920, il est appelé au poste de secrétaire général adjoint de la nouvelle organisation internationale. À moins de {{nobr|32 ans}}, il est le principal organisateur de la Conférence financière de Bruxelles de {{date|septembre 1920}}, reconnaissant que la [[déflation]] après la guerre pourrait avoir des répercussions désastreuses sur l'économie mondiale.


==== Enrichissement aux États-Unis et contrebande durant la Prohibition ====
==== Banquier aux États-Unis et mariage ====
Démissionnaire en décembre [[1923]] pour rejoindre l'entreprise de commerce d'alcool de son père en grande difficulté à cause de la [[Prohibition]] (1919-1933), Jean Monnet redresse la situation et s'enrichit en trouvant des appuis pour pratiquer la contrebande<ref>{{harvsp|Fransen|2001|p=15}}.</ref>. Travaillant entre les [[États-Unis]] et la [[France]], il s'engage dans une carrière d'homme d'affaires et de financier international.
Démissionnaire en {{date|décembre 1923}} pour rejoindre l'entreprise de commerce d'alcool de son père en grande difficulté à cause de la [[Prohibition]] (1919-1933), Jean Monnet redresse la situation en convainquant son père Jean-Gabriel d'échanger ses vieilles eaux-de-vie contre une plus grande quantité d'eaux-de-vie jeunes plus en phase avec la demande du marché{{sfn|Roussel|1996|p=106}}.


Travaillant entre les États-Unis et la France, il s'engage dans une carrière d'homme d'affaires et de financier international.
Monnet déménage en Amérique pour accepter un partenariat avec Blair & Co., une banque new-yorkaise qui fusionne avec [[Bank of America]] en 1929 pour former Bancamerica-Blair Corporation, société appartenant à [[Transamerica Corporation]]. La même année, il rencontre [[Silvia de Bondini]] (1907-1982), qu'il épouse en 1934 à [[Moscou]].


Monnet déménage en Amérique, pour accepter un partenariat avec Blair & Co., une banque new-yorkaise qui fusionne avec [[Bank of America]] en 1929 pour former Bancamerica-Blair Corporation, société appartenant à [[Transamerica Corporation]].
Il retourne à la politique internationale et, en tant que financier international, joue un rôle important dans les politiques de reprise économique de plusieurs pays d’Europe centrale et orientale. En novembre 1932, le ministre des Finances chinois invite Jean Monnet à présider un comité non politique Est-Ouest en Chine chargé du développement de l'économie chinoise. Pendant son séjour en Chine, la tâche de Monnet consiste à associer des capitaux chinois à des sociétés étrangères et conduit à l'inauguration officielle de la Société chinoise de financement du développement (CDFC) ainsi qu'à la réorganisation des chemins de fer chinois.
[[Fichier:Jean et Silvia Monnet.jpg|vignette|Jean Monnet et Silvia de Bondini vers 1934.]]
En {{date|août 1929}}, il rencontre [[Silvia de Bondini]] (1907-1982), une [[Liste de peintres italiens|peintre italienne]], à Paris lors d'un dîner qu'il donne dans son appartement de la [[Rue de Condé (Paris)|rue de Condé]]<ref name="cartage 500509b" />{{,}}<ref>{{Lien brisé |url= https://institutjeanmonnet.eu/jeanmonnet/l-homme/ |titre=institutjeanmonnet.eu/jeanmonn… |brisé le=17-04-2023}}.</ref>. Elle a {{nobr|22 ans}}, lui 41. Récemment mariée à [[Francesco Giannini]], un employé italien de la Banque Blair (dont Jean Monnet était le représentant pour l'Europe) et fervente catholique<ref>{{lien web |titre=Commanding Heights : Jean Monnet / on PBS<!-- Vérifiez ce titre --> |url=https://www.pbs.org/wgbh/commandingheights/shared/minitext/prof_jeanmonnet.html |site=pbs.org |consulté le=27-04-2021}}.</ref>, elle ne peut divorcer du fait de la loi italienne. Après cinq ans de procédure en Italie visant à obtenir un divorce, Jean Monnet, arrivé pour l’occasion de [[République de Chine (1912-1949)|Chine]] via le [[Transsibérien]], l'épouse le {{date|13 novembre 1934}} à [[Moscou]]. L'idée d'un mariage à Moscou leur a été suggérée par [[Ludwik Rajchman]], considéré comme le fondateur de l'[[Fonds des Nations unies pour l'enfance|UNICEF]], que Monnet a rencontré pendant ses fonctions à la [[Société des Nations]] (et lié à l'ambassadeur soviétique en Chine, Bogomolov).


Il semble que les ambassadeurs américain et français à Moscou, [[William C. Bullitt]] et [[Charles Alphand]], ont également joué un rôle dans l'opération. Silvia de Bondini prend en effet au préalable, et grâce aux relations de son mari, la citoyenneté soviétique afin de profiter d'une loi soviétique permettant le divorce unilatéral de son mari italien<ref name="cartage 500509b" />. Elle prend ensuite la nationalité française le {{date|18 juin 1939}}. Jean Monnet parle de son [[mariage]] comme de « la plus belle opération de sa carrière ». Un jugement en leur faveur relatif à la garde d'Anna, leur fille née en 1931 alors que Silvia est encore mariée à Francesco Giannini, a lieu en 1937 à New York, mais il n'est pas reconnu dans tous les pays.
En 1935, alors qu'il se trouve encore à [[Shanghai]], Monnet devint partenaire commercial de George Murnane (ancien collègue de Monnet à la Transamerica), dans la société Monnet, Murnane & Co. Murnane était lié à la [[famille Wallenberg]] en Suède, à la [[Robert Bosch|famille Bosch]] en Allemagne, les Solvays et Boëls en Belgique, ainsi que [[John Foster Dulles]], [[André Meyer (banquier)|André Meyer]] et la famille Rockefeller aux États-Unis.

La famille Monnet rentre en France pour s'installer à [[Maison de Jean Monnet|Houjarray]] en 1945 avec leurs deux filles, Anna née en 1931, et Marianne née en 1941 à Washington DC<ref>{{Ouvrage|langue=Anglais|auteur1=Clifford P. Hackett|titre=A Jean Monnet Chronology|passage=P213|lieu=Washington DC|éditeur=Jean Monnet Council|date=2008|pages totales=294|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.

Le directeur de cabinet de Monnet à la [[Communauté européenne du charbon et de l'acier|CECA]], [[Georges Berthoin]], a déclaré<ref>http://www.histoire-politique.fr/documents/10/portraits/pdf/HP10_Portraitsettemoignages_pdf_280110.pdf</ref> à son sujet :

{{citation|Monnet ajoutait cet instinct à ses assises charentaise et américaine, grâce à l'influence considérable de sa femme. Elle était italienne. Elle lui expliquait à merveille ce qu’il ne « sentait » pas. Ce fut vraiment une réussite humaine entre les deux. Je considère qu’on ne comprendrait pas Monnet si on oubliait Silvia.}}

Leur mariage dure en tout {{nobr|45 ans}} et ils ont deux filles<ref>{{Lien brisé |url= http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,827795-7,00.html |titre=time.com/time/magazine/article… |brisé le=17-04-2023}}.</ref> : Anna en {{date-|avril 1931}} dont le père légal reste à l'époque Francesco Giannini, et Marianne en 1941<ref>http://nimes.catholique.fr/partenaire/mouvement/pdf/3/acindepe-080411.pdf</ref>{{,}}<ref>{{lien web |titre=Marianne Monnet s’est éteinte |url=http://www.sudouest.fr/2013/05/03/marianne-monnet-s-est-eteinte-1042715-882.php |site=sudouest.fr |date=03-05-2013 |consulté le=06-09-2020}}.</ref>. Ils sont mariés religieusement près de quarante ans plus tard à Lourdes par l’évêque du lieu, [[Henri Donze]], après la mort de Francesco Giannini en 1974. Silvia meurt à [[Rome]] en {{date|août 1982}} et est enterrée à [[Bazoches-sur-Guyonne]]<ref name="nytimes.com" />.

Il retourne à la politique internationale et, en tant que financier international, joue un rôle important dans les politiques de reprise économique de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale. En {{date|novembre 1932}}, le ministre des Finances chinois invite Jean Monnet à présider un comité non politique Est-Ouest en Chine chargé du développement de l'économie chinoise. Pendant son séjour en [[Chine]], la tâche de Monnet consiste à associer des capitaux chinois à des sociétés étrangères et conduit à l'inauguration officielle de la Société chinoise de financement du développement (CDFC) ainsi qu'à la réorganisation des chemins de fer chinois.

En 1935, alors qu'il se trouve encore à [[Shanghai]], Monnet devint partenaire commercial de [[George Murnane]] (ancien collègue de Monnet à la Transamerica), dans la société Monnet, Murnane & Co. Murnane était lié à des industriels et financiers : la [[famille Wallenberg]] en Suède, la [[Robert Bosch|famille Bosch]] en Allemagne, les Solvay et Boël en Belgique, ainsi que [[John Foster Dulles]], [[André Meyer (banquier)|André Meyer]] et la famille Rockefeller aux États-Unis.


=== Seconde Guerre mondiale ===
=== Seconde Guerre mondiale ===
==== Projet de fusion entre la France et le Royaume-Uni ====
==== Projet de fusion entre la France et le Royaume-Uni ====
Rentré en France, en [[1938]], il préside, dès décembre [[1939]], au début de la [[Seconde Guerre mondiale]], le comité de coordination visant à mettre en commun depuis [[Londres]], les capacités de production de la [[France]] et du [[Royaume-Uni]] en vue de préparer et de coordonner l'effort d'armement.
En 1938, [[William C. Bullitt|William Bullitt]], ambassadeur des [[États-Unis]] en [[France]] proposa au président du conseil [[Édouard Daladier]] de désigner Monnet comme intermédiaire avec le [[Franklin Delano Roosevelt|président Roosevelt]] pour arranger la commande et la livraisons d'avions militaires américains à la France qui souffrait d'un grave déficit dans ce domaine{{sfn|Roussel|1996|p=176-190}}. Au début de la [[Seconde Guerre mondiale]], après l'entrée en guerre en {{date|septembre 1939}}, Monnet fut amené à présider, dès {{date|novembre 1939}}, le comité de coordination basé à Londres et visant à mettre en commun les capacités de production de la [[France]] et du [[Royaume-Uni]] en vue de préparer et de coordonner l'effort d'armement{{sfn|Roussel|1996|p=210}}.

Lorsque [[Winston Churchill]] est nommé premier ministre du [[Royaume-Uni]] le {{date|10|mai|1940}}, Jean Monnet arrive à le convaincre, dans une note intitulée ''Anglo-French unity'', de l'intérêt d'un projet, voté par la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambre des communes]], d'[[union franco-britannique]] immédiate, avec un seul Parlement et une seule armée, pour renforcer la France et le Royaume-Uni face à l'[[Troisième Reich|Allemagne]]. Le général [[Charles de Gaulle]] essaie de convaincre [[Paul Reynaud]], le [[Président du Conseil des ministres (France)|président du Conseil]], de signer le traité pour cette union. Le {{date|15 mai}}, ce dernier déclare au téléphone à Churchill : {{citation|Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille}}, et le lendemain le général [[Maurice Gamelin|Gamelin]] donne l'ordre de repli aux forces françaises qui se battent en [[Belgique]], et le {{date|18 mai}} Paul Reynaud annonce à la radio la nomination du maréchal [[Philippe Pétain|Pétain]] au poste de vice-président du Conseil.

Le {{date|14 juin}}, les troupes allemandes entrent à [[Paris]]. Le {{date|16 juin}}, [[Charles de Gaulle|de Gaulle]], en mission à Londres, dicte lui-même au téléphone le texte de la note à [[Paul Reynaud]]. Le même jour, il arrive à [[Bordeaux]], apprend que [[Paul Reynaud]] s'est démis de ses fonctions le soir-même et que [[Philippe Pétain]] est devenu président du Conseil.


Le soir du {{date|17 juin 1940}}, Jean Monnet reçoit à son domicile londonien le général de Gaulle, qui prépare son appel radiodiffusé du lendemain. Jean Monnet coopère momentanément avec lui, pour tenter de maintenir le gouvernement de la France aux côtés des [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]]. Néanmoins, il refuse de s'associer à lui pour le lancement de la [[France libre]] à laquelle il n'adhère jamais<ref>Henri Bernard, https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1984_num_62_2_3467_t1_0374_0000_1 Kersaudy (François). Churchill and de Gaulle (compte-rendu), ''Revue belge de Philologie et d'Histoire'', Année 1984, 62-2, {{p.|374-378}}</ref>. Monnet croit qu'il est plus efficace de coopérer à la victoire des [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]] en entrant au service du gouvernement britannique et c'est ce qu'il fait.
Lorsque [[Winston Churchill]] est nommé premier ministre du Royaume-Uni le {{date|10|mai|1940}}, Jean Monnet arrive à le convaincre, dans une note, intitulée ''Anglo-French unity'', de l'intérêt d'un projet, voté par la [[Chambre des communes]], d'[[union franco-britannique]] immédiate de la France et du Royaume-Uni avec un seul Parlement et une seule armée, pour être plus forts face à l'[[Troisième Reich|Allemagne]]. Le général [[Charles de Gaulle]] essaie de convaincre [[Paul Reynaud]], le [[Président du Conseil (France)|président du Conseil]] de signer le traité pour cette union. Le 15 mai, ce dernier déclare au téléphone à Churchill : « Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille », et le lendemain, le général Gamelin donne l'ordre de repli aux forces françaises qui se battent en Belgique, et le 18 mai, Paul Reynaud annonce à la radio la nomination du maréchal Pétain au poste de vice-président du Conseil.


Paradoxalement, de Gaulle et Monnet, quoique très différents, ont immédiatement la même analyse sur la nature mondiale de la guerre et sur son issue victorieuse.
Le 14 juin, les troupes allemandes entrent à Paris. Le 16 juin, de Gaulle, en mission à Londres, dicte lui-même au téléphone le texte de la note à Paul Reynaud. Le même jour, il arrive à [[Bordeaux]], apprend que Paul Reynaud s'est démis de ses fonctions le soir-même et que [[Philippe Pétain]] est devenu président du Conseil. Le soir du 17 juin, Jean Monnet reçoit à son domicile londonien le général de Gaulle, qui prépare son appel radiodiffusé du lendemain. Jean Monnet coopère momentanément avec lui pour tenter de maintenir le gouvernement de la France aux côtés des Alliés. Néanmoins, il refuse de s'associer à lui pour le lancement de la [[France libre]] à laquelle il n'adhèrera jamais<ref>Henri Bernard, https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1984_num_62_2_3467_t1_0374_0000_1 Kersaudy (François). Churchill and de Gaulle (compte-rendu), ''Revue belge de Philologie et d'Histoire'', Année 1984, 62-2, pp. 374-378</ref>. Monnet croyait qu'il serait plus efficace de coopérer à la victoire des alliés en entrant au service du gouvernement britannique et c'est ce qu'il fit. Paradoxalement, de Gaulle et Monnet, quoique très différents, eurent immédiatement la même analyse sur la nature mondiale de la guerre et sur son issue victorieuse.


==== Livraisons d'armes ====
==== Livraisons d'armes ====
C’est donc tout à fait indépendamment de [[Charles de Gaulle|De Gaulle]] que Monnet écrit le {{date|2 juillet 1941}} à Churchill et à Pétain pour démissionner de ses précédentes fonctions et se mettre à la disposition du gouvernement britannique{{sfn|Roussel|1996|p=253}}. [[Winston Churchill|Churchill]] demande alors à Monnet de remplir pour le Royaume Uni les mêmes fonctions que celle qu’il occupait pour le Comité de coordination franco-britannique. Son titre officiel est « vice-président du ''British Supply Council'' ».
En [[août 1940]], Jean Monnet est envoyé aux [[États-Unis]] par le gouvernement britannique, pour négocier l’achat de fournitures de guerre. Les États-Unis ont une politique isolationniste, mais il réussit à persuader le président [[Franklin Delano Roosevelt]] de relancer l'industrie de guerre américaine, afin de pouvoir contre-attaquer très vite et très fort le moment venu. C’est la mise en place du « Victory program ». Jusqu'en [[1945]], il s'emploie à coordonner l'effort de guerre entre le [[Royaume-Uni]] et les États-Unis. Dès [[1942]], il était prévu de construire {{unité|60000|avions}}, {{unité|45000|chars}} d’assaut et huit millions de tonnes de navires de guerre. Jean Monnet résumera cette politique par une phrase célèbre : {{Citation|Il vaut mieux {{unité|10000|chars}} de trop qu'un seul de moins [que nécessaire]}}. [[John Maynard Keynes|John Keynes]] a dit de lui qu’il avait abrégé la guerre d’un an<ref>{{harvsp|Monick|1970|pp=67-68}}.</ref>.


Installé à [[Washington (district de Columbia)|Washington]], Monnet fréquente assidûment un cercle d’amis par ailleurs proches du président [[Franklin Delano Roosevelt]], notamment [[Felix Frankfurter]], juge à la [[Cour suprême des États-Unis]] et [[Henry Lewis Stimson|Henry Stimson]], [[Secrétaire à la Guerre des États-Unis|Secrétaire à la Guerre]]{{sfn|Roussel|1996|p=255-256}}. Ce groupe encourage le président [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]] à sortir les [[États-Unis]] de leur politique isolationniste, et à relancer l'industrie de guerre américaine, afin de pouvoir contre-attaquer très vite et très fort le moment venu. Cela sera l'adoption du [[Victory Program]] en 1942{{sfn|Roussel|1996|p=271}}.
==== Opposition à De Gaulle ====
En [[1943]], il est envoyé par Roosevelt à [[Alger]] pour seconder le général [[Henri Giraud (militaire)|Henri Giraud]] au sein du [[Commandement en chef français civil et militaire]] : il contribue largement à l'abandon progressif par Giraud de la législation de [[Régime de Vichy|Vichy]]<ref>{{ouvrage |prénom1=Jacques |nom1=Cantier|lien auteur1= |directeur1=oui |prénom2=Eric Thomas|nom2=Jennings|lien auteur2= |directeur2=oui|titre= L'empire colonial sous Vichy|éditeur= Éditions Odile Jacob |lieu=Paris |année= 2004|pages totales=398|isbn= 2-7381-1544-6|passage=378-379 |présentation en ligne=https://www.cairn.info/revue-annales-2008-3-page-649.htm#pa216}}.</ref>. Le {{nobr|6 mai 1943}}, alors qu'il négocie la création du [[Comité français de libération nationale]], Monnet adresse au principal et très proche conseiller de Roosevelt, [[Harry Hopkins]], une note, alors secrète mais qui sera connue lors de l'ouverture des archives, qui ne laisse aucune illusion sur les sentiments qu'il porte alors au général de Gaulle et sur la conduite à tenir, selon lui, au regard du chef de la France libre : {{Citation|Il faut se résoudre à conclure que l'entente est impossible avec lui ; qu'il est un ennemi du peuple français et de ses libertés ; qu'il est un ennemi de la construction européenne, qu'en conséquence, il doit être détruit dans l'intérêt des Français}}<ref>{{ouvrage|prénom1=Jean-Pierre|nom1=Chevènement|lien auteur1=Jean-Pierre Chevènement|titre=La Faute de M. Monnet|éditeur=Fayard|année=2006}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Marie-France|nom1=Garaud|lien auteur1=Marie-France Garaud|titre=Impostures politiques|éditeur=Plon|collection=Tribune libre|année=2011}}.</ref>.


Jusqu'en 1945, il s'emploie à coordonner l'effort de guerre entre le [[Royaume-Uni]] et les [[États-Unis]]. Dès 1942, il est prévu de construire {{unité|60000 avions}}, {{unité|45000 chars}} d’assaut et huit millions de tonnes de navires de guerre. Jean Monnet résume cette politique par une phrase célèbre : {{Citation|Il vaut mieux {{unité|10000|chars}} de trop qu'un seul de moins [que nécessaire]}}. [[John Maynard Keynes]] a dit de lui qu’il avait abrégé la guerre d’un an{{sfn|Monick|1970|pp=67-68}}.
{{ref nec|Réconcilié avec De Gaulle}}, après que celui-ci eut fait preuve de son attachement à la démocratie, il est ensuite nommé membre du Comité français de Libération nationale institué pour unifier l'effort de guerre des autorités françaises de Londres et d'Alger. {{ref nec|Il sera un de ses plus proches collaborateurs}} et jouera {{ref nec|un rôle clé}} sur le plan économique pour préparer le redressement du pays. En [[1944]], il est chargé d'évaluer les besoins de la France après la Libération; à cet effet, il négocie auprès du gouvernement américain les premiers prêts et les premiers accords de crédit, en marge du [[plan Marshall]].


=== Plan de reconstruction ===
==== Opposition puis ralliement à de Gaulle ====
Le {{date|8 novembre 1942}}, l'[[Afrique du Nord]] française, sous le contrôle du [[Régime de Vichy|gouvernement de Vichy]], voit débarquer les Américains dans le cadre de l'[[Opération Torch|opération ''Torch'']]. Mais Vichy et ses troupes leur opposent une résistance vive et inattendue. Pour faire cesser les combats, les [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]] traitent avec l'amiral [[François Darlan]], mais celui-ci est assassiné le {{date|24 décembre 1942}} par le jeune résistant [[Fernand Bonnier de La Chapelle]]. En {{date|février 1943}}, Jean Monnet est envoyé par Roosevelt à [[Alger]] pour seconder le général [[Henri Giraud (militaire)|Henri Giraud]] choisi par les Américains pour prendre la tête de l'[[Armée d'Afrique (France)|Armée d'Afrique]] et de l'administration ([[Henri Giraud (militaire)|Giraud]] prend ainsi le titre de [[Commandement en chef français civil et militaire|Commandant en chef civil et militaire]])<ref>{{Chapitre|prénom1=Gérard|nom1=Bossuat|titre chapitre=Chapitre III. Roosevelt, Giraud, de Gaulle (8 novembre 1942-août 1944)|titre ouvrage=Les aides américaines économiques et militaires à la France, 1938-1960 : Une nouvelle image des rapports de puissance|éditeur=Institut de la gestion publique et du développement économique|collection=Histoire économique et financière - XIXe-XXe|date=2013-03-29|isbn=978-2-8218-2859-9|lire en ligne=http://books.openedition.org/igpde/2031|consulté le=2022-08-26|passage=55–75}}</ref>. Son objectif est d’aider à créer les conditions de l’unité des Français pendant et après la guerre sur des bases démocratiques. Dans ce rôle, Jean Monnet contribue largement à l'abandon progressif par Giraud d'une partie de la législation de [[Régime de Vichy|Vichy]]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Jacques |nom1=Cantier |directeur1=oui |prénom2=Éric Thomas |nom2=Jennings |directeur2=oui |titre=L'empire colonial sous Vichy |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Odile Jacob]] |année=2004 |pages totales=398 |passage=378-379 |isbn=2-7381-1544-6 |présentation en ligne=https://www.cairn.info/revue-annales-2008-3-page-649.htm#pa216}}.</ref>. Ainsi, dans son ordonnance du {{date|14 mars 1943}}, Giraud indique : {{citation|Sont nuls les actes constitutionnels, lois et décrets postérieurs à la date du {{date|22 juin 1940}}.}} Cependant, dans une seconde ordonnance prise le même jour, il abroge à nouveau le [[décret Crémieux]] du {{date|24 octobre 1870}} accordant la citoyenneté française aux « Israélites indigènes d’Algérie ». Celui-ci sera finalement rétabli le {{date|22 octobre 1943}} par le [[Comité français de libération nationale]].
Dès 1943, ses projets pour l'Europe intègrent les exigences américaines concernant les suppressions des droits de douane et des contingentements européens, ainsi que la création d'une {{citation|unité économique commune}}<ref>Gérard Bossuat, ''L'Europe des Français, 1943-1959 : la IVe République aux sources de l'Europe communautaire'', Publications de la Sorbonne, 1996, p. 28, [https://books.openedition.org/psorbonne/715 lire en ligne].</ref>.


Les relations de Monnet avec le [[Charles de Gaulle|général de Gaulle]], qui est encore à [[Londres]], sont tendues. Monnet arrive de Washington où la méfiance est grande vis-à-vis de l’homme du 18 Juin que Roosevelt soupçonne de tendances antidémocratiques. Monnet déplore lui-même l’attitude, qu’il juge intransigeante, du Général vis-à-vis du commandement d’[[Alger]] à un moment où, à son sens, l’union entre les [[Français (peuple)|Français]] dans la guerre devrait être la priorité. La tension entre les deux hommes atteint son paroxysme à [[Alger]] en {{date|mai 1943}}. Monnet est indigné par le {{refnec|discours de [[Charles de Gaulle|de Gaulle]] du {{date|4 mai}}|date=décembre 2024}}, qu’il juge provocateur, de mauvaise foi et de nature à faire échouer les négociations qu’il mène pour la formation du [[Comité français de libération nationale]]. Il s’en ouvre à [[Harry Hopkins]], le très proche conseiller de Roosevelt, dans une note datée du {{date|6 mai}} qui ne laisse aucune illusion sur le jugement qu'il porte alors sur le général de Gaulle. Il écrit en effet : {{citation|Cela me rappelle le discours qu’[[Adolf Hitler|Hitler]] a fait avant l’affaire tchécoslovaque. La même technique, la même forme, le même objet, les mêmes promesses illusoires. Heureusement, ce sentiment n’est pas seulement le mien : [[Georges Catroux|Catroux]] et [[Harold Macmillan|Macmillan]] ont la même impression{{sfn|Roussel|1996|p=336-337}}.}}
Pour lui, l'[[économie de guerre]] était planifiée, et il est naturel que l'économie de la reconstruction le soit aussi, mais son but n'est pas d'adopter la philosophie de la planification à la soviétique et surtout de transposer en France leurs méthodes autoritaires. Son but est d'insuffler du dynamisme, pas d'imposer des objectifs. À la libération, il est chargé par le Général de Gaulle du plan pour relancer l'économie, en tant que [[commissariat général du Plan|commissaire au Plan]], de décembre [[1945]] à [[1952]], dans le cadre des prêts américains du [[plan Marshall]]. Il présente un éphémère [[plan Monnet]], visant à prendre le contrôle de la Ruhr. Il est le père de la planification à la française. Le travail de ses services consiste à étudier la situation, à mettre en évidence les priorités, à évaluer les volumes de production souhaitables, à lancer les discussions sur les moyens de les mettre en œuvre, et surtout à lancer la reconstruction et la modernisation de l'appareil de production. Il est avec [[Léon Blum]] le négociateur de l'[[accord Blum-Byrnes]] de 1946, qui ouvre le territoire français à la production cinématographique américaine.


Ce jugement très sévère s'exprime dans un contexte d'une extrême tension entre les deux hommes. Monnet, dans une note manuscrite personnelle, ira même jusqu'à écrire : {{citation|Il faut se résoudre à conclure que l'entente est impossible avec [le général de Gaulle] ; qu'il est un ennemi du peuple français et de ses libertés ; qu'il est un ennemi de la construction européenne, qu'en conséquence, il doit être détruit dans l'intérêt des Français, des Alliés et de la paix ; (…) pour cela, il faut que, de son intransigeance actuelle, le monde soit convaincu qu’il ne veut pas l’union. Je propose, à cet effet, de simplement publier la lettre et l’aide-mémoire [[Henri Giraud (militaire)|Giraud]]{{sfn|Roussel|1996|p=335-336}}.}}
=== Construction européenne ===
[[Image:Bundesarchiv B 145 Bild-F001192-0003, Bonn, Besuch Jean Monnet, Konrad Adenauer.jpg|thumb|Jean Monnet (gauche) avec [[Konrad Adenauer]] en 1953.]]
Dès [[1950]], des rapports signalent que l’[[Allemagne]] se relève beaucoup plus vite que la [[France]], certains craignent que les vaincus soient à nouveau tentés par une revanche. De plus, il faut définitivement intégrer l’Allemagne dans le camp occidental alors que la [[guerre froide]] débute et que le centre de l'Europe risque de devenir un espace d'instabilité et de guerre Est-Ouest. La France se doit de prendre l'initiative, de tendre la main à l'ennemi d'hier et de proposer de lier les destins des deux principaux pays de l'Europe continentale.


Après cet épisode d’opposition frontale entre les deux hommes, le [[Charles de Gaulle|général de Gaulle]] joue l’apaisement. Jean Monnet, de son côté, prend progressivement conscience de l'inexpérience politique de [[Henri Giraud (militaire)|Giraud]]. Avec [[Harold Macmillan]] et le [[Georges Catroux|général Catroux]], il joue finalement un rôle significatif dans le processus conduisant de Gaulle à la tête du [[Comité français de libération nationale]] en {{date|juin 1943}}. Monnet est ensuite nommé commissaire à l'Armement au sein du Comité, puis commissaire en mission dans le [[Gouvernement provisoire de la République française|Gouvernement provisoire]] créé en {{date|juin 1944}}. En mission pour celui-ci aux [[États-Unis]], où Monnet garde des contacts nombreux et influents, il négocie les accords du prêt-bail et les premiers accords de crédit pour 1945<ref>{{Ouvrage|langue=français|auteur1=Eric Roussel (sous la direction de Jean-François Sirinelli)|titre=Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle|passage=Jean Monnet|lieu=Paris|éditeur=Presses universitaires de France|date=janvier 1995|pages totales=1067|isbn=2-13-046-784-9}}</ref>.
Jean Monnet travaille en secret sur un projet de mise en commun du [[houille|charbon]] et de l’[[acier]], principales sources d'une possible industrie de guerre. Au printemps [[1950]], il présente son projet à [[Robert Schuman]], qui s'assure de l'accord du chancelier allemand, [[Konrad Adenauer]], et fait le {{date|9|mai|1950}}, une [[déclaration du 9 mai 1950|déclaration solennelle]] pour inviter tous les pays intéressés à poser {{citation|les premières bases concrètes d'une fédération européenne}}.


=== Commissaire général au Plan ===
Dans un discours de 1950, Jean Monnet dira :
[[Fichier:Bonnet Grew Monnet.jpg|vignette|Les Français concluent un accord de prêt-bail et de prêt-bail inversé. Jean Monnet, représentant du [[Gouvernement provisoire de la République française|gouvernement provisoire français]] signe des accords. De gauche à droite : [[Henri Bonnet]], ambassadeur de France, [[Joseph Grew|Joseph C. Grew]], sous-secrétaire d'État et Jean Monnet.]]
{{citation bloc|La prospérité de notre communauté européenne est indissolublement liée au développement des échanges internationaux. Notre Communauté contribuera à régler les problèmes d’échange qui se posent dans le monde.... Nous sommes déterminés à rechercher sans délais dans des conversations directes, les moyens de mettre en œuvre l'intention déclarée du gouvernement britannique d’établir l’association la plus étroite avec la Communauté. Nous sommes convaincus que nous pouvons envisager une collaboration étroite et fructueuse avec les États-Unis, qui depuis la proposition faite par Monsieur Schuman le {{date|9|mai|1950}}, nous ont donné des preuves répétées de leur sympathie active.... Mais, nous ne sommes qu'au début de l'effort que l'Europe doit accomplir pour connaître enfin l'unité, la prospérité et la paix.|Monnet, 1950<ref group=alpha>« La prospérité de notre communauté européenne est indissolublement liée au développement des échanges internationaux. Notre Communauté contribuera à régler les problèmes d’échange qui se posent dans le monde. Nous sommes déterminés à rechercher sans délais dans des conversations directes, les moyens de mettre en œuvre l’intention déclarée du gouvernement britannique d’établir l'association la plus étroite avec la Communauté. Nous sommes convaincus que nous pouvons envisager une collaboration étroite et fructueuse avec les États-Unis, qui depuis la proposition faite par Monsieur Schuman le {{date|9|mai|1950}}, nous ont donné des preuves répétées de leur sympathie active. Nous assurerons toute liaison utile avec les Nations unies et l'Organisation européenne de coopération économique. Nous développerons avec le [[Conseil de l'Europe]] toutes les formes de collaboration et d'assistance mutuelle prévues par le traité. Mais, nous ne sommes qu'au début de l'effort que l'Europe doit accomplir pour connaître enfin l’unité, la prospérité et la paix. »</ref>}}
Dès 1943, ses projets pour l'Europe intègrent les exigences américaines concernant les suppressions des droits de douane et des contingentements européens, ainsi que la création d'une {{citation|unité économique commune}}<ref>Gérard Bossuat, ''L'Europe des Français, 1943-1959 : la {{IVe}} République aux sources de l'Europe communautaire'', Publications de la Sorbonne, 1996, {{p.|28}}, [https://books.openedition.org/psorbonne/715 lire en ligne].</ref>.


Pour Jean Monnet, l'[[économie de guerre]] était planifiée, et il est naturel que l'économie de la reconstruction le soit aussi, mais son but n'est pas d'adopter la philosophie de la planification à la [[Union des républiques socialistes soviétiques|soviétique]], ni surtout de transposer en [[France]] ses méthodes autoritaires. Son but est d'insuffler du dynamisme, pas d'imposer des objectifs. À la libération, il est chargé par le général de Gaulle du plan pour relancer l'économie, en tant que [[commissariat général du Plan|commissaire au Plan]], de {{date|décembre 1945}} à 1952, dans le cadre des prêts américains du [[plan Marshall]]. Il présente un éphémère [[plan Monnet]], visant à prendre le contrôle des zones de production de la [[Ruhr (région)|Ruhr]]. Il est le père de la planification à la française. Le travail de ses services consiste à étudier la situation, à mettre en évidence les priorités, à évaluer les volumes de production souhaitables, à lancer les discussions sur les moyens de les mettre en œuvre, et surtout à lancer la reconstruction et la modernisation de l'appareil de production. Il est avec [[Léon Blum]] le négociateur de l'[[accord Blum-Byrnes]] de 1946, qui ouvre le territoire français à la [[cinéma américain|production cinématographique américaine]].
Le [[traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier|traité de Paris]] de [[1951]] entérine la création de la [[Haute Autorité]] qui s'inspire des agences fédérales américaines, l'Assemblée des Six, une Cour de Justice qui veille au respect du traité et un Conseil de ministres qui assure l'harmonisation des politiques des États membres. C'est la préfiguration d'une Fédération européenne. La [[Communauté européenne du charbon et de l'acier|CECA]] est créée et Jean Monnet devient, de [[1952]] à [[1955]], le premier président de la [[Haute Autorité]] ([[Autorité Monnet]]) de la Communauté européenne du charbon et de l'acier ([[Communauté européenne du charbon et de l'acier|CECA]]), installée à [[Luxembourg (pays)|Luxembourg]], le {{Date|10|août|1952}}. Dès [[1953]], le charbon et l'acier circulent librement en Europe.


=== Construction européenne et président de la Haute Autorité de la CECA ===
Pour lui, cette "Europe des Six" est le seul moyen de lier l'[[Allemagne]] et la France et de désamorcer la renaissance d'une rivalité séculaire, en plaçant les productions de l'acier et du charbon, dans le cadre d'une délégation de souveraineté. Il veut aller plus loin toutefois, et {{ref nec|envisage une armée nationale allemande}}, ce qui semble être un dangereux retour en arrière. Il propose finalement la création d'une armée européenne, présentée par [[René Pleven]] dans le cadre d'un Plan de [[Communauté européenne de défense]] (CED). Un premier traité sera signé mais sous le [[Gouvernement Pierre Mendès France|gouvernement]] [[Pierre Mendès France|Mendès France]], le Parlement français le rejette néanmoins en [[1954]].
{{Article général|Politique étrangère de la France depuis 1945#Politique extérieure de la IVe République{{!}}Politique extérieure de la IVe République|Histoire de l'Union européenne}}
[[Fichier:Bundesarchiv B 145 Bild-F001192-0003, Bonn, Besuch Jean Monnet, Konrad Adenauer.jpg|vignette|Jean Monnet (à gauche) avec [[Konrad Adenauer]] en 1953.]]
Dès 1950, des rapports signalent que l’[[Allemagne]] se relève beaucoup plus vite que la [[France]]. Certains craignent que les vaincus soient à nouveau tentés par une revanche. De plus, il faut définitivement intégrer l’[[Allemagne]] dans le camp occidental alors que la [[guerre froide]] débute et que le centre de l'Europe risque de devenir un espace d'instabilité et de guerre Est-Ouest. La [[France]] se doit de prendre l'initiative, de tendre la main à l'ennemi d'hier et de proposer de lier les destins des deux principaux pays de l'Europe continentale.


Jean Monnet travaille en secret sur un projet de mise en commun du [[Houille|charbon]] et de l’[[acier]], principales sources d'une possible industrie de guerre. Au printemps 1950, il présente son projet à [[Robert Schuman]], qui s'assure de l'accord du chancelier allemand, [[Konrad Adenauer]], et fait le {{date|9 mai 1950}} une [[déclaration du 9 mai 1950|déclaration solennelle]] pour inviter tous les pays intéressés à poser {{citation|les premières bases concrètes d'une fédération européenne}}.
[[Fichier:Plaque Jean Monnet, 94 boulevard Flandrin, Paris 16.jpg|vignette|Plaque au 94 [[boulevard Flandrin]] (Paris).]]

À la suite de cette première grave crise européenne, Jean Monnet démissionne de la Haute Autorité et fonde le [[Comité d'action pour les États-Unis d'Europe]] au 94 [[boulevard Flandrin]] ([[16e arrondissement de Paris|{{16e}} arrondissement de Paris]]), pour poursuivre son activité en faveur de l’unité européenne à travers lui. Ce comité regroupe les forces syndicales et politiques des six pays et représente plus de dix millions de personnes. Il prône une fédération européenne et propose de placer le siège des institutions communautaires dans un {{citation|district fédéral}} échappant aux souverainetés nationales. Jean Monnet l'anime jusqu'en 1975, et il travaille sur les projets de traité pour le Marché commun et d'[[Communauté européenne de l'énergie atomique|Euratom]], qui privilégie une filière américaine d'approvisionnement contre l'indépendance nucléaire française<ref>Pascale Winand, « De l'usage de l'Amérique par Jean Monnet pour la construction européenne », dans Gérard Bossuat et Andreas Wilkens (dir.), ''Jean Monnet, l'Europe et les chemins de la paix'', Publications de la Sorbonne, 1999, p. 253-272.</ref>, projets qui aboutissent au [[Traité instituant la Communauté européenne|traité de Rome]], le {{Date|25|mars|1957}} et sur le projet d'élargissement de la Communauté au [[Royaume-Uni]].
Dans un discours de 1950, Jean Monnet déclare :
{{citation bloc|La prospérité de notre communauté européenne est indissolublement liée au développement des échanges internationaux. Notre Communauté contribuera à régler les problèmes d’échange qui se posent dans le monde… Nous sommes déterminés à rechercher sans délais dans des conversations directes, les moyens de mettre en œuvre l'intention déclarée du gouvernement britannique d’établir l’association la plus étroite avec la Communauté. Nous sommes convaincus que nous pouvons envisager une collaboration étroite et fructueuse avec les États-Unis, qui depuis la proposition faite par Monsieur Schuman le {{date|9 mai 1950}}, nous ont donné des preuves répétées de leur sympathie active… Mais, nous ne sommes qu'au début de l'effort que l'Europe doit accomplir pour connaître enfin l'unité, la prospérité et la paix.|Monnet, 1950<ref group=alpha>« La prospérité de notre communauté européenne est indissolublement liée au développement des échanges internationaux. Notre Communauté contribuera à régler les problèmes d’échange qui se posent dans le monde. Nous sommes déterminés à rechercher sans délais dans des conversations directes, les moyens de mettre en œuvre l’intention déclarée du gouvernement britannique d’établir l'association la plus étroite avec la Communauté. Nous sommes convaincus que nous pouvons envisager une collaboration étroite et fructueuse avec les États-Unis, qui depuis la proposition faite par Monsieur Schuman le {{date|9 mai 1950}}, nous ont donné des preuves répétées de leur sympathie active. Nous assurerons toute liaison utile avec les Nations unies et l'Organisation européenne de coopération économique. Nous développerons avec le [[Conseil de l'Europe]] toutes les formes de collaboration et d'assistance mutuelle prévues par le traité. Mais, nous ne sommes qu'au début de l'effort que l'Europe doit accomplir pour connaître enfin l’unité, la prospérité et la paix. »</ref>}}

Le [[traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier|traité de Paris]] de 1951 entérine la création de la [[Haute Autorité]] qui s'inspire des agences fédérales américaines, l'Assemblée des Six, une Cour de Justice qui veille au respect du traité et un Conseil de ministres qui assure l'harmonisation des politiques des États membres. C'est la préfiguration d'une Fédération européenne. La [[Communauté européenne du charbon et de l'acier|CECA]] est créée et Jean Monnet devient, de 1952 à 1955, le premier président de la [[Haute Autorité]] ([[Autorité Monnet]]) de la Communauté européenne du charbon et de l'acier ([[Communauté européenne du charbon et de l'acier|CECA]]), installée à [[Luxembourg (ville)|Luxembourg]], le {{date|10|août|1952}}. Dès 1953, le charbon et l'acier circulent librement au sein des pays membres de la CECA.

Pour lui, cette « Europe des Six » est le seul moyen de lier l'[[Allemagne]] et la France et de désamorcer la renaissance d'une rivalité séculaire, en plaçant les productions de l'acier et du charbon dans le cadre d'une délégation de souveraineté. Il veut aller plus loin toutefois, et envisage une armée nationale allemande<ref>{{Chapitre|prénom1=Andreas|nom1=Wilkens|titre chapitre=Jean Monnet, Konrad Adenauer et la politique européenne de l’Allemagne fédérale – Convergence et discordances (1950-1957)|titre ouvrage=Jean Monnet : L’Europe et les chemins de la paix|éditeur=Éditions de la Sorbonne|collection=Internationale|date=2020-12-09|isbn=979-10-351-0382-8|lire en ligne=http://books.openedition.org/psorbonne/47298|consulté le=2022-03-15|passage=147–201}}</ref>, ce qui semble être un dangereux retour en arrière. Il propose finalement la création d'une armée européenne, présentée par [[René Pleven]] dans le cadre d'un Plan de [[Communauté européenne de défense]] (CED). Un premier traité sera signé, mais sous le [[Gouvernement Pierre Mendès France|gouvernement]] [[Pierre Mendès France|Mendès France]] le Parlement français le rejette néanmoins en 1954.

[[Fichier:Plaque Jean Monnet, 94 boulevard Flandrin, Paris 16.jpg|vignette|Plaque au 94, [[boulevard Flandrin]] (Paris).]]
À la suite de cette première grave crise européenne, Jean Monnet démissionne de la Haute Autorité et fonde le [[Comité d'action pour les États-Unis d'Europe]] au 82 [[Avenue Foch (Paris)|avenue Foch]] au ([[16e arrondissement de Paris|{{16e|arrondissement}} de Paris]]), pour poursuivre son activité en faveur de l’unité européenne à travers lui. Ce comité regroupe les forces syndicales et politiques des six pays et représente plus de dix millions de personnes. Il prône une fédération européenne et propose de placer le siège des institutions communautaires dans un {{citation|district fédéral}} échappant aux souverainetés nationales. Jean Monnet l'anime jusqu'en 1975, et il travaille sur les projets de traité pour le Marché commun et d'[[Communauté européenne de l'énergie atomique|Euratom]], qui privilégie une filière américaine d'approvisionnement contre l'indépendance nucléaire française<ref>Pascale Winand, « De l'usage de l'Amérique par Jean Monnet pour la construction européenne », dans Gérard Bossuat et Andreas Wilkens (dir.), ''Jean Monnet, l'Europe et les chemins de la paix'', Publications de la Sorbonne, 1999, {{p.|253-272}}.</ref>, projets qui aboutissent au [[Traité instituant la Communauté européenne|traité de Rome]], le {{Date|25|mars|1957}} et sur le projet d'élargissement de la Communauté au [[Royaume-Uni]].


Jean Monnet résume la philosophie de son projet européen dans la formule : {{Citation|Nous ne coalisons pas les États, nous rassemblons les hommes.}}
Jean Monnet résume la philosophie de son projet européen dans la formule : {{Citation|Nous ne coalisons pas les États, nous rassemblons les hommes.}}
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=== Antagonisme entre Monnet et de Gaulle ===
=== Antagonisme entre Monnet et de Gaulle ===
{{Section à sourcer|date=décembre 2010}}
{{Section à sourcer|date=décembre 2010}}
De Gaulle s'oppose {{ref nec|violemment}} à la CED et critique fermement la mise en place de la CECA et du [[traité instituant la Communauté économique européenne|traité de Rome]]. Bien qu'il ignore le détail des intrigues que Monnet avait menées contre lui auprès de [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]], l'ancien chef de la France Libre se méfie de Monnet tout comme il se méfie de Roosevelt. Monnet était un banquier de Wall Street. Monnet s'était rallié directement aux Anglo-Saxons pendant la Seconde Guerre mondiale et avait ensuite soutenu le général [[Henri Giraud (militaire)|Giraud]], à Alger. De Gaulle n'hésitera pas ainsi à le traiter de {{Citation|petit financier à la solde des Américains}}<ref>''Les Grandes énigmes de la Résistance'', Bernard Michal, 1968, page 185</ref>. Monnet s'oppose à De Gaulle par ses projets concrétisant l'idée de supranationalité. Ceux-ci, selon de Gaulle, mettent en danger le droit à l'indépendance de la France, sous attaque depuis 1939. De Gaulle, dira plus tard que la Commission Européenne doit être {{Citation|une commission commune qui ne soit naturellement pas constituée avec des Jean Monnet, des apatrides soi-disant supranationaux, mais avec des fonctionnaires qualifiés}}<ref>Alain Peyrefitte, -''C'était de Gaulle'', Tome II, page 163, à propos d'une organisation européenne de défense</ref>. Néanmoins, quand il revient au pouvoir en 1958, de Gaulle ne remet plus en cause les premiers acquis de la construction européenne, dont Jean Monnet est pourtant un des principaux instigateurs De Gaulle favorise la mise en place de la CEE en {{ref nec|lançant les négociations}} de la [[politique agricole commune]] (PAC), qui consacre le principe communautaire et l'autorité de la Commission avec un droit de véto pour la France (principe d'unanimité). Cependant, tant que de Gaulle reste au pouvoir, la France demeurera hostile au transfert important de souveraineté prôné par Monnet.
De Gaulle s'oppose {{ref nec|violemment}} à la CED et critique fermement la mise en place de la CECA et du [[traité instituant la Communauté économique européenne|traité de Rome]]. Outre qu'il ignore le détail des intrigues que Monnet avait menées contre lui auprès de [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]], l'ancien chef de la France Libre se méfie de Monnet tout comme il s’était méfié de Roosevelt. Monnet était pour lui un banquier de [[Wall Street]]. Monnet s'était rallié directement aux Anglo-Saxons pendant la Seconde guerre mondiale et avait ensuite soutenu le général [[Henri Giraud (militaire)|Henri Giraud]], à Alger. Ainsi, De Gaulle n'hésitera pas à le traiter de {{Citation|petit financier à la solde des Américains}}<ref>''Les Grandes énigmes de la Résistance'', Bernard Michal, 1968, page 185</ref>. Monnet s'oppose à De Gaulle par ses projets concrétisant l'idée de supranationalité. Ceux-ci, selon de Gaulle, mettent en danger le droit à l'indépendance de la France, sous attaque depuis 1939. De Gaulle, dira plus tard que la Commission Européenne doit être {{Citation|une commission commune qui ne soit naturellement pas constituée avec des Jean Monnet, des apatrides soi-disant supranationaux, mais avec des fonctionnaires qualifiés}}<ref>Alain Peyrefitte, -''C'était de Gaulle'', Tome II, page 163, à propos d'une organisation européenne de défense</ref>. Néanmoins, quand il revient au pouvoir en 1958, de Gaulle ne remet plus en cause les premiers acquis de la construction européenne, dont Jean Monnet est pourtant un des principaux instigateurs. De Gaulle favorise la mise en place de la CEE en {{ref nec|lançant les négociations}} de la [[politique agricole commune]] (PAC), qui consacre le principe communautaire et l'autorité de la Commission avec un droit de veto pour la France (principe d'unanimité). Cependant, tant que de Gaulle reste au pouvoir, la France demeurera hostile au transfert important de souveraineté prôné par Monnet.


[[Fichier:Jean Moulin, André Malraux, Simone et Antoine Veil, René Cassin et Jean Monnet tombes.jpg|thumb|Tombe de Jean Monnet (la deuxième à gauche) au [[Panthéon (Paris)|Panthéon]].]]
En effet, selon de Gaulle, la construction européenne doit se fonder « sur des réalités », sur les États et seulement sur eux. A l'inverse de Monnet qui souhaite une intégration du rôle américain, de Gaulle estime en outre que l'Europe unie se résume surtout à un partenariat franco-allemand ; il aurait dit à ce propos : {{Citation|L'Europe ? C'est la France et l'Allemagne ; le reste, c'est les légumes !}} Il reste ainsi fidèle à la vision de la France qu'avaient [[Armand Jean du Plessis de Richelieu]] et [[Jacques Bainville]]<ref>{{harvsp|Dard|Grunewald|2010|pp=112 et 113}}.</ref> sur l'Allemagne. Dès son retour au pouvoir en 1958, il manifeste clairement sa priorité diplomatique en prenant l'ambassadeur de France à Bonn, [[Maurice Couve de Murville|Couve de Murville]], comme ministre des Affaires étrangères. Puis, il reçoit le chancelier [[Adenauer]] chez lui, à Colombey, honneur qu'il ne répétera jamais pour quiconque. La messe solennelle, célébrée dans la cathédrale de Reims avec le chancelier allemand, et la libération des derniers Allemands condamnés pour crimes de guerre en France sont autant de gestes symboliques qui doivent se conclure par le [[traité de l'Élysée]] de janvier 1963. De Gaulle scelle ainsi la réconciliation entre ce qu'il appelait {{Citation|les Gaulois et les Germains}}.
En effet, selon de Gaulle, la construction européenne doit se fonder « sur des réalités », sur les États et seulement sur eux. À l'inverse de Monnet qui souhaite une intégration du rôle américain, de Gaulle estime en outre que l'Europe unie se résume surtout à un partenariat franco-allemand ; il aurait dit à ce propos : {{Citation|L'Europe ? C'est la France et l'Allemagne ; le reste, c'est les légumes !}} Il reste ainsi fidèle à la vision de la France qu'avaient [[Armand Jean du Plessis de Richelieu]] et [[Jacques Bainville]]{{sfn|Dard|Grunewald|2010|pp=112 et 113}} sur l'Allemagne. Dès son retour au pouvoir en 1958, il manifeste clairement sa priorité diplomatique en prenant l'ambassadeur de France à Bonn, [[Maurice Couve de Murville|Couve de Murville]], comme ministre des Affaires étrangères. Puis il reçoit le chancelier [[Konrad Adenauer]] chez lui, à Colombey, honneur qu'il ne répétera jamais pour quiconque. La messe solennelle, célébrée dans la cathédrale de Reims avec le chancelier allemand, et la libération des derniers Allemands condamnés pour crimes de guerre en France sont autant de gestes symboliques qui doivent se conclure par le [[traité de l'Élysée]] de {{date|janvier 1963}}. De Gaulle scelle ainsi la réconciliation entre ce qu'il appelait {{Citation|les Gaulois et les Germains}}.


Le ''lobbying'' des Américains auprès des parlementaires allemands parvient néanmoins à neutraliser ce traité. Le [[Bundestag]] allemand, en ratifiant le traité de 1963, le fait précéder d'un préambule, qui replace cet accord dans le cadre de l'[[Organisation du traité de l'Atlantique nord|Alliance atlantique]] et réaffirme la priorité de l'alliance germano-américaine sur le partenariat franco-allemand<ref>{{ouvrage|prénom=Charles |nom=Zorgbibe|lien auteur1=|titre=Histoire de l'OTAN|année=2002|lieu=Bruxelles|éditeur=[[Éditions Complexe]]|collection=Questions à l'histoire|pages totales=283 |isbn=2-87027-917-5|passage=270}}.</ref>.
Le ''lobbying'' des Américains auprès des parlementaires allemands parvient néanmoins à neutraliser ce traité. Le [[Bundestag]] allemand, en ratifiant le traité de 1963, le fait précéder d'un préambule qui replace cet accord dans le cadre de l'[[Organisation du traité de l'Atlantique nord|Alliance atlantique]] et réaffirme la priorité de l'alliance germano-américaine sur le partenariat franco-allemand<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Charles|nom1=Zorgbibe|titre=Histoire de l'OTAN|lieu=Bruxelles|éditeur=[[Éditions Complexe]]|collection=Questions à l'histoire|année=2002|pages totales=283|passage=270|isbn=2-87027-917-5|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=TwwbUUiew-oC&printsec=frontcover}}.</ref>.


Jean Monnet, accorde le primat aux forces de l'économie et au commerce international, qu'il connaît bien. De Gaulle, imprégné d'une profonde culture historique, et conscient de la faiblesse économique française au lendemain de la guerre, privilégie les relations entre États souverains.
Jean Monnet accorde le primat aux forces de l'économie et au commerce international, qu'il connaît bien. De Gaulle, imprégné d'une profonde culture historique, et conscient de la faiblesse économique française au lendemain de la guerre, privilégie les relations entre États souverains.


=== Retraite ===
=== Retraite et décès ===
En 1963, Jean Monnet crée, à [[Lausanne]], l’Institut de recherches historiques européennes pour rassembler des archives significatives et de leur consacrer des recherches. Il assure la présidence de cet institut jusqu’en 1965.
[[Image:Bazoches-sur-Guyonne Affiche Monnet.JPG|thumb|Affiche de la [[Maison de Jean Monnet]].]]
[[Fichier:Pascal fontaine et Jean Monnet 1975.jpg|vignette|Jean Monnet (à droite) avec Pascal Fontaine en 1975.]]
En [[1963]], Monnet crée, à [[Lausanne]], l’Institut de recherches historiques européennes pour rassembler des archives significatives et de leur consacrer des recherches. Il assure la présidence de cet institut jusqu’en [[1965]].
[[Fichier:Bazoches-sur-Guyonne Maison Monnet.JPG|vignette|[[Maison de Jean Monnet]] à [[Bazoches-sur-Guyonne]] ([[Yvelines]]).]]

En [[1975]], à l’âge de 87 ans, il prend sa retraite définitive à [[Maison de Jean Monnet|sa maison]] à Houjarray pour écrire ses ''Mémoires'', il meurt, le {{Date|16|mars|1979}}, à l’âge de 90 ans. Ses obsèques ont lieu le {{Date|20|mars|1979}} à [[Montfort-l'Amaury]] en présence du président français [[Valéry Giscard d'Estaing]] et du chancelier allemand [[Helmut Schmidt]].
En 1975, à l’âge de {{nobr|87 ans}}, il prend sa retraite définitive dans [[Maison de Jean Monnet|sa maison]] d'[[Maison de Jean Monnet|Houjarray]], sur la commune de [[Bazoches-sur-Guyonne]] ([[Yvelines]]) pour écrire ses ''Mémoires.'' Il y meurt le {{date|16|mars|1979}}, à l’âge de {{nobr|90 ans}}. Ses obsèques ont lieu le {{date|20|mars|1979}} à [[Montfort-l'Amaury]] en présence du [[Président de la République française|président français]] [[Valéry Giscard d'Estaing]] et du [[Chancelier fédéral d'Allemagne|chancelier allemand]] [[Helmut Schmidt]]. Ses cendres sont transférées au [[Panthéon (Paris)|Panthéon de Paris]] en 1988.
Ses cendres sont déposées au [[Panthéon (Paris)|Panthéon de Paris]].


== Image et héritage ==
== Image et héritage ==
Jean Monnet utilise pour la mise en place de la CECA, puis du [[Marché commun]], l'expérience acquise au cours des deux Guerres mondiales : donner des pouvoirs limités mais réels à des institutions supranationales, dans des secteurs essentiels. La nature essentielle des secteurs concernés permettra l'accroissement graduel des pouvoirs d'influence de ces institutions.
Jean Monnet utilise pour la mise en place de la CECA, puis du [[Marché commun]], l'expérience acquise au cours des deux guerres mondiales : donner des pouvoirs limités mais réels à des institutions supranationales, dans des secteurs essentiels. La nature essentielle des secteurs concernés permettra l'accroissement graduel des pouvoirs d'influence de ces institutions.


Jean Monnet reste l'un des hommes d'État français les plus importants du {{XXe siècle}}, même s'il n'a jamais reçu de mandat électif du peuple français et que cela lui est parfois reproché, et qui demeure parmi les plus mal connus du grand public. Il utilise ses fonctions officielles, quasiment toujours supranationales et pour des durées assez brèves, comme levier pour promouvoir ses idées en faveur de l'unification européenne.
Jean Monnet est un des hommes d'État français important du {{s-|XX}}, même s'il n'a jamais reçu de mandat électif du peuple français et que cela lui est parfois reproché, et demeure parmi les plus mal connus du grand public. Il utilise ses fonctions officielles, quasiment toujours supranationales et pour des durées assez brèves, comme levier pour promouvoir ses idées en faveur de l'unification européenne.


=== Éloges ===
=== Éloges ===
Nombreux sont les hommes politiques qui, en France et à l'étranger, ont rendu hommage à Jean Monnet. En 2004, le Premier ministre [[Jean-Pierre Raffarin]] déclare ainsi : « Dans notre monde, j'en rencontre beaucoup qui veulent être quelqu'un (...). Moi, je me sens plutôt dans le camp de ceux qui, comme Jean Monnet, veulent faire quelque chose »<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Le Premier ministre rend hommage à Jean Monnet|url=https://www.lesechos.fr/04/05/2004/LesEchos/19151-192-ECH_le-premier-ministre-rend-hommage-a-jean-monnet.htm|site=lesechos.fr|consulté le=2019-02-16}}</ref>.
De nombreux hommes politiques, en France et à l'étranger, rendent hommage à Jean Monnet. En 2004, le Premier ministre [[Jean-Pierre Raffarin]] déclare ainsi : {{citation|Dans notre monde, j'en rencontre beaucoup qui veulent être quelqu'un (). Moi, je me sens plutôt dans le camp de ceux qui, comme Jean Monnet, veulent faire quelque chose<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Le Premier ministre rend hommage à Jean Monnet|url=https://www.lesechos.fr/04/05/2004/LesEchos/19151-192-ECH_le-premier-ministre-rend-hommage-a-jean-monnet.htm|site=lesechos.fr|consulté le=2019-02-16}}</ref>.}}
[[Fichier:Ferme FondationJeanMonnet.jpg|vignette|Ferme de Dorigny (campus universitaire de Lausanne), siège de la [[Fondation Jean-Monnet pour l'Europe]].]]

Le centre de recherches européennes, devenu [[Fondation Jean-Monnet pour l'Europe]] à [[Lausanne]] a été fondé par le professeur [[Henri Rieben]]. La fondation concentre un certain nombre d'archives européennes. Jean Monnet lègue ses propres archives à cette fondation, qui les conserve<ref>Gérard Bossuat et Andreas Wilkens (dir.), ''Jean Monnet, l'Europe et les chemins de la paix'', Publications de la Sorbonne, 1999, p. 437.</ref>.
Le centre de recherches européennes, devenu [[Fondation Jean Monnet pour l'Europe]] et situé à [[Lausanne]], est une [[Fondation (institution)|fondation]] d’utilité publique, apolitique et non partisane, créée en 1978 par Jean Monnet, avec l'aide d'[[Henri Rieben]], dont le but est d’accueillir l’ensemble des archives de Jean Monnet. La fondation concentre également un certain nombre d'archives européennes<ref>Gérard Bossuat et Andreas Wilkens (dir.), ''Jean Monnet, l'Europe et les chemins de la paix'', Publications de la Sorbonne, 1999, {{p.|437}}.</ref>.


=== Critiques ===
=== Critiques ===
Plus récemment, sa méthode est quelquefois remise en cause par certains hommes politiques, comme [[Dominique Strauss-Kahn]], qui affirmait dans un rapport remis à [[Romano Prodi]] en mars 2004 :
Plus récemment, la méthode de Jean Monnet est quelquefois remise en cause par certains hommes politiques, comme [[Dominique Strauss-Kahn]], qui affirme dans un rapport remis à [[Romano Prodi]] en {{date|mars 2004}} :
{{citation bloc|Aujourd'hui la méthode Monnet est arrivée à épuisement. Le déséquilibre qu'elle a généré {{incise|des compétences politiques de plus en plus importantes confiées à une institution de nature technique}} provoque une crise institutionnelle profonde : l'Union européenne est malade de son déficit démocratique.|Dominique Strauss-Kahn, cité par {{Ouvrage|prénom1=Jean-Pierre|nom1=Chevènement|lien auteur1=Jean-Pierre Chevènement|titre=La Faute de M. Monnet|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=2006|passage=42}}).}}


Jean Monnet lui-même concevait cependant les institutions de ce qui allait devenir l'Union européenne, et notamment sa Commission, comme le moyen d'enclencher un processus menant aux États-Unis d'Europe, non comme une fin.
{{citation bloc|Aujourd'hui la méthode Monnet est arrivée à épuisement. Le déséquilibre qu'elle a généré {{incise|des compétences politiques de plus en plus importantes confiées à une institution de nature technique}} provoque une crise institutionnelle profonde : l'Union européenne est malade de son déficit démocratique|{{ouvrage|prénom1=Jean-Pierre|nom1=Chevènement|lien auteur1=Jean-Pierre Chevènement|titre=La Faute de M. Monnet|éditeur=Fayard|année=2006|passage=42}}).}}
{{Citation|Ce que nous préparons, à travers l'action de la Communauté, n'a probablement pas de précédent. Cette communauté est fondée elle-même sur des institutions qu'il faut renforcer tout en sachant que la véritable autorité politique, dont se doteront un jour les démocraties européennes reste à concevoir et à réaliser}}, dit-il dans les dernières pages de ses mémoires, publiées en 1976, trois ans avant sa mort. (''Mémoires'', Jean Monnet, Fayard éditeur)


[[Marie-France Garaud]] est, quant à elle, critique du rôle historique de Jean Monnet dans la construction européenne, et la considère comme étant une menace à la souveraineté des États membres. Elle estime que Monnet était alors sous influence américaine, affirmant qu'on {{citation|sait même combien il a été rémunéré puisque maintenant c'est déclassifié....}}<ref>« [http://www.agoravox.tv/actualites/europe/article/garaud-jean-monnet-etait-un-agent-39184 L'Allemagne, ennemie publique {{n°|1}}] », ''[[Ce soir (ou jamais !)]]'', [[France 2]], 10 mai 2013.</ref>. Néanmoins, les seuls fonds américains vérifiables et précisément quantifiables octroyés à Monnet pendant cette période sont venus par la [[fondation Ford]] pour soutenir son secrétariat immédiat<ref>{{harvsp|Aldrich|1997|p=209}}</ref>. La fondation, qui aurait eu un soutien financier de la part du gouvernement des États-Unis, a délibérément employé de nombreux agents de la [[Central Intelligence Agency|CIA]] pendant les années 1950 et 1960<ref name="Roland 2012">{{lien web|langue=en| prénom=Naomi Verbong| nom=Roland| url=http://www.transatlanticperspectives.org/entry.php?rec=130| titre=Funding Transatlantic Exchange between the Arts and Politics| éditeur=Transatlanitc Perspectives| date=3 juillet 2013| consulté le=2014-05-14}}</ref>{{,}}<ref name=epstein>{{harvsp|Epstein|1967}}</ref>{{,}}<ref>{{en}} Frances Stonor Saunders, ''The Cultural Cold War: The CIA and the World of Arts and Letters'', New Press, 2001</ref>. Il convient de noter le contexte des financements. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, alors que la [[Guerre froide]] débutait, les Américains voulaient empêcher la progression du communisme en Europe<ref group="alpha">En effet, Richard J. Aldrich rappelle que les États-Unis ont également financé jusqu'à 1950 de nombreux mouvements anticommunistes de résistance, qui étaient issus de la Seconde Guerre mondiale {{harv|Aldrich|1997|p=186}}.</ref> pour défendre les valeurs occidentales, empêcher la [[Troisième Guerre mondiale|troisième guerre mondiale]] et assurer le succès du plan Marshall<ref>{{harvsp|Aldrich|1997|p=185}}.</ref>. Dans ce contexte, aucun document ne permet d'affirmer que Monnet ait été sous influence américaine. À la fin de sa vie, il poussait même pour plus d'égalité dans les relations transatlantiques, notamment à travers la Déclaration d'interdépendance qu'il fait signer par [[Henry Kissinger]].
Néanmoins, les seuls fonds américains vérifiables et précisément quantifiables octroyés à Monnet pendant cette période sont venus par la [[fondation Ford]] pour soutenir son secrétariat immédiat{{sfn|Aldrich|1997|p=209}}. La fondation, qui aurait reçu un soutien financier de la part du gouvernement des États-Unis, a délibérément employé de nombreux agents de la [[Central Intelligence Agency|CIA]] pendant les années 1950 et 1960<ref name="Roland 2012">{{lien web|langue=en| prénom=Naomi Verbong| nom=Roland| url=http://www.transatlanticperspectives.org/entry.php?rec=130| titre=Funding Transatlantic Exchange between the Arts and Politics| éditeur=Transatlanitc Perspectives| date=3 juillet 2013| consulté le=2014-05-14}}</ref>{{,}}<ref name="epstein">{{harvsp|Epstein|1967}}</ref>{{,}}<ref>{{en}} Frances Stonor Saunders, ''The Cultural Cold War: The CIA and the World of Arts and Letters'', New Press, 2001</ref>. Il convient de noter le contexte des financements. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, alors que la [[Guerre froide]] débutait, les Américains voulaient empêcher la progression du communisme en Europe<ref group="alpha">En effet, Richard J. Aldrich rappelle que les États-Unis ont également financé jusqu'à 1950 de nombreux mouvements anticommunistes de résistance, qui étaient issus de la Seconde Guerre mondiale {{harv|Aldrich|1997|p=186}}.</ref> pour défendre les valeurs occidentales, empêcher une [[Troisième Guerre mondiale|troisième guerre mondiale]] et assurer le succès du plan Marshall{{sfn|Aldrich|1997|p=185}}. Dans ce contexte, aucun document ne permet d'affirmer que Monnet ait été sous influence américaine. À la fin de sa vie, il poussait même pour plus d'égalité dans les relations transatlantiques, notamment à travers la Déclaration d'interdépendance qu'il fait signer par [[Henry Kissinger]].


== Récompenses ==
== Récompenses ==
[[Fichier:Jean monnet Palais de la Paix Peace Palace Den Haag The Hague La Haye.jpg|thumb|Buste de Jean Monnet au [[Palais de la Paix]] de [[La Haye]].]]
[[Fichier:Jean monnet Palais de la Paix Peace Palace Den Haag The Hague La Haye.jpg|vignette|Buste de Jean Monnet au [[Palais de la Paix]] de [[La Haye]].]]
Jean Monnet est intronisé [[doctorat honoris causa|docteur ''honoris causa'']] par de nombreuses universités anglo-saxonnes : [[université de Cambridge]] ({{date|8 juin 1961}}), [[Dartmouth College|Dartmouth]] ({{date|11 juin 1961}}), [[Université Yale|Yale]] ({{date|12 juin 1961}}), [[université d'Oxford]] ({{date|26 juin 1963}}). En total, une trentaine de prix et distinctions lui sont attribués.
[[Fichier:Robert-Schuman Monument Scy-Chazelles.jpg|vignette|Le monument « Hommage aux Pères fondateurs de l'Europe » devant la maison de Robert Schuman à [[Scy-Chazelles]] par l'artiste russe [[Zourab Tsereteli]], dévoilé le 20 octobre 2012. Les statues représentent les quatre fondateurs de l'Europe - [[Alcide De Gasperi]], [[Robert Schuman]], Jean Monnet et [[Konrad Adenauer]].]]
Il fut intronisé [[doctorat honoris causa|docteur ''honoris causa'']] par de nombreuses universités anglo-saxonnes : [[université de Cambridge]] (8 juin 1961), [[Dartmouth College|Dartmouth]] (11 juin 1961), [[Université Yale|Yale]] (12 juin 1961), [[université d'Oxford]] (26 juin 1963). En total, une trentaine de prix et distinctions lui sont attribués.


En [[1953]], il est fait lauréat du [[Prix international Charlemagne d'Aix-la-Chapelle]], qui récompense les personnalités engagées pour l'unité européenne.
En 1953, il est fait lauréat du [[Prix international Charlemagne d'Aix-la-Chapelle]], qui récompense les personnalités engagées pour l'unité européenne.


Le {{Date|2|avril|1976}}, le Conseil européen de Luxembourg décerne à Jean Monnet le titre de « [[Citoyen d'honneur de l'Europe]] », et il est considéré comme un des pères de l'[[Union européenne]].
Le {{Date|2|avril|1976}}, le Conseil européen de Luxembourg décerne à Jean Monnet le titre de « [[citoyen d'honneur de l'Europe]] », et il est considéré comme un des [[Pères de l'Europe|pères fondateurs]] de l'[[Union européenne]].


Le jour du centenaire de la naissance de Jean Monnet, le {{Date|9|novembre|1988}}, le président français, [[François Mitterrand]] préside la cérémonie du transfert des cendres du [[Pères de l'Europe|Père de l'Europe]] au Panthéon de Paris.
Le jour du centenaire de la naissance de Jean Monnet, le {{Date|9|novembre|1988}}, le président français [[François Mitterrand]] préside la cérémonie du transfert des cendres du Père de l'Europe au [[Panthéon (Paris)|Panthéon de Paris]].
{{Article détaillé|s:Discours du transfert des cendres de Jean Monnet au Panthéon{{!}}Discours du transfert des cendres de Jean Monnet au Panthéon}}
{{Article détaillé|s:Discours du transfert des cendres de Jean Monnet au Panthéon{{!}}Discours du transfert des cendres de Jean Monnet au Panthéon}}


En [[1992]], la France frappe une monnaie commémorative en argent de {{unité|100|francs}} qui est créée par [[Joaquin Jimenez]]. Jean Monnet y est représenté, entouré des douze étoiles du drapeau de la Communauté européenne et de l'inscription « {{Pc|Communauté européenne - Jean Monnet - Unir les Hommes}} ».
En 1992, la France frappe une monnaie commémorative en argent de {{unité|100|francs}} qui est créée par [[Joaquin Jimenez]]. Jean Monnet y est représenté, entouré des douze étoiles du drapeau de la Communauté européenne et de l'inscription « {{Pc|Communauté européenne - Jean Monnet - Unir les Hommes}} ».


== Œuvres ==
== Publications ==
* ''L'Europe et l'organisation de la paix'', First Édition, Lausanne, 1964.
* ''L'Europe et l'organisation de la paix'', First Édition, Lausanne, 1964.
* ''Mémoires'', [[Librairie Arthème Fayard|Fayard]], Paris, 1976, 642 pages.
* ''Mémoires'', [[Librairie Arthème Fayard|Fayard]], Paris, 1976, 642 pages.
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* ''Repères pour une méthode : propos sur l'Europe à faire'', Fayard, Paris, 1996.
* ''Repères pour une méthode : propos sur l'Europe à faire'', Fayard, Paris, 1996.


== Notes ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=alpha}}
{{Références|groupe=alpha}}


== Sources==
=== Références ===
=== Références ===
{{Références|colonnes=2}}
{{Références| références=


<ref name="cartage 500509b">{{Ouvrage|langue=Français|auteur1=Eric Roussel|titre=Jean Monnet|passage=P133|lieu=Paris|éditeur=Fayard|date=1996|pages totales=1002|isbn=|lire en ligne=}}</ref>

<ref name="nytimes.com">{{Article |langue=en |auteur1= |titre=SILVIA MONNET |périodique=[[The New York Times]] |date=28-08-1982 |lire en ligne=https://www.nytimes.com/1982/08/28/obituaries/silvia-monnet.html |accès url=payant |consulté le=06-09-2020}}.</ref>

}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
{{div col||30em}}
* {{Article|prénom1=André |nom1=Kaspi|lien auteur1=André Kaspi|titre= Jean Monnet |périodique=[[Politique étrangère (revue)|Politique étrangère]] |numéro=1 |titre numéro=1936-1986 : 50 ans de politique étrangère de la France |année=1966 |passage=67-73 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1986_num_51_1_3551}}.
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* {{Article|prénom1=André |nom1=Kaspi|lien auteur1=André Kaspi|titre= Les États-Unis et le problème français de novembre 1942 à juillet 1943 |périodique=[[Revue d'histoire moderne et contemporaine]] |tome=18 |numéro=2 |mois= avril-juin|année=1971 |passage=203-236 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1971_num_18_2_2147}}.
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* {{ouvrage|prénom1=Emmanuel|nom1=Monick|lien auteur1=Emmanuel Monick|titre=Pour Mémoire|éditeur=Mesnil (Paris)|année=1970|pages totales=235}}.
* {{Ouvrage|prénom1=Emmanuel|nom1=Monick|lien auteur1=Emmanuel Monick|titre=Pour Mémoire|éditeur=Mesnil (Paris)|année=1970|pages totales=235}}.
* {{Article|prénom1=Michel |nom1=Margairaz |lien auteur1=Michel Margairaz|titre= Autour des accords Blum-Byrnes|sous-titre= Jean Monnet entre le consensus national et le consensus atlantique |périodique=Histoire, économie & société|numéro=3|année=1982 |passage=439-470 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1982_num_1_3_1302}}.
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* {{Article|prénom1=Philippe|nom1=Mioche |lien auteur1=|titre= Le démarrage du Plan Monnet |sous-titre=comment une entreprise conjoncturelle est devenue une institution prestigieuse |périodique=[[Revue d'histoire moderne et contemporaine]] |tome=31 |numéro=3 |mois= juillet-septembre|année=1984 |passage=398-416 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1984_num_31_3_1281}}.
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* {{Article|prénom1=Henry|nom1=Rousso|lien auteur1=Henry Rousso|titre=Le Plan, objet d'histoire|périodique=[[Sociologie du travail (revue)|Sociologie du travail]] |volume={{XXVII}} |numéro=3 |titre numéro=L'action industrielle de l'État |mois= juillet-septembre|année=1985 |passage=239-250 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1985_num_27_3_2083}}.
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* {{ouvrage|prénom1=Pascal |nom1=Fontaine|lien auteur1=|titre=Jean Monnet l'inspirateur|lieu= Paris|éditeur=Jacques Grancher|année=1988|pages totales=176|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1989_num_54_1_3844_t1_0181_0000_3}}.
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* {{Article|prénom1=Irwin M. |nom1=Wall |lien auteur1=|titre= Jean Monnet, les États-Unis et le plan français |périodique=[[Vingtième Siècle : Revue d'histoire]] |numéro=30 |mois= avril-juin|année=1991 |passage=68-84 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1991_num_30_1_2371}}.
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* {{ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Uri|lien auteur1=Pierre Uri|titre=Penser pour l'action |sous-titre=un fondateur de l'Europe |éditeur=Éditions Odile Jacob |pages totales=318 |isbn=2-7381-0121-6|année=1991 |présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1991_num_41_6_394605}}, {{lire en ligne|lien=https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1992-v23-n2-ei3049/703036ar/|texte=présentation en ligne}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Uri|lien auteur1=Pierre Uri|titre=Penser pour l'action|sous-titre=un fondateur de l'Europe|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Odile Jacob]]|année=1991|pages totales=318|isbn=2-7381-0121-6|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1991_num_41_6_394605}}, {{lire en ligne|lien=https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1992-v23-n2-ei3049/703036ar/|texte=présentation en ligne}}.
* {{ouvrage|langue=en|prénom1=François |nom1=Duchêne|lien auteur1=|titre=Jean Monnet |sous-titre=The First Statesman of Interdependence|lieu= Londres / New York|éditeur=W. W. Norton & Co|année=1994|pages totales=478|isbn=978-0393034974|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1995_num_60_3_4453_t1_0769_0000_2}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=François|nom1=Duchêne|titre=Jean Monnet|sous-titre=The First Statesman of Interdependence|lieu=Londres / New York|éditeur=W. W. Norton & Co|année=1994|pages totales=478|isbn=978-0-393-03497-4|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1995_num_60_3_4453_t1_0769_0000_2}}.
* {{ouvrage|prénom1=Éric |nom1=Roussel|lien auteur1=Éric Roussel|titre=Jean Monnet (1888-1979)|éditeur=Fayard |pages totales=1004|isbn=2-213-03153-3 |année=1996 |présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1997_num_53_1_3619_t1_0183_0000_2}}, {{lire en ligne|lien=https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1997_num_62_1_4626_t1_0195_0000_1|texte=présentation en ligne}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Éric|nom1=Roussel|lien auteur1=Éric Roussel|titre=Jean Monnet|sous-titre=1888-1979|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1996|pages totales=1004|isbn=2-213-03153-3|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1997_num_53_1_3619_t1_0183_0000_2}}, {{lire en ligne|lien=https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1997_num_62_1_4626_t1_0195_0000_1|texte=présentation en ligne}}.
* {{Article|prénom1=Gérard |nom1=Bossuat|lien auteur1=|titre= Jean Monnet|sous-titre= la mesure d'une influence |périodique=[[Vingtième Siècle : Revue d'histoire]] |numéro=51 |mois=juillet-septembre |année=1996 |passage=68-84 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1996_num_51_1_4458}}.
* {{Article|prénom1=Gérard |nom1=Bossuat|titre= Jean Monnet|sous-titre= la mesure d'une influence |périodique=[[Vingtième Siècle : Revue d'histoire]] |numéro=51 |mois=juillet-septembre |année=1996 |passage=68-84 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1996_num_51_1_4458}}.
* {{Article|prénom1=Marie-Laure |nom1=Djelic |lien auteur1=|titre= Genèse et fondements du plan Monnet |sous-titre=l'inspiration américaine |périodique=Revue française d'études américaines |numéro=68 |mois= mars |année=1996 |passage=77-86 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rfea_0397-7870_1996_num_68_1_1639}}.
* {{Article|prénom1=Marie-Laure |nom1=Djelic |titre= Genèse et fondements du plan Monnet |sous-titre=l'inspiration américaine |périodique=Revue française d'études américaines |numéro=68 |mois= mars |année=1996 |passage=77-86 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rfea_0397-7870_1996_num_68_1_1639}}.
* {{ouvrage|prénom1=Gérard |nom1=Bossuat|lien auteur1=|directeur1=oui|prénom2=Andréas |nom2=Wilkens|lien auteur2=|directeur2=oui|titre=Jean Monnet, l'Europe et les chemins de la paix |sous-titre=actes du colloque de Paris du 29 au 31 mai 1997 / organisé par l'Institut Pierre Renouvin de l'Université Paris I-Panthéon Sorbonne et l'Institut historique allemand de Paris |éditeur=Publications de la Sorbonne |collection=Série internationale |numéro dans collection=57 |pages totales=536 |isbn=2-85944-359-2 |année=1999 |présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_2000_num_66_1_4582_t1_0187_0000_2}}, {{lire en ligne|lien=https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_2000_num_65_1_4926_t1_0271_0000_3|texte=présentation en ligne}}.
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* {{Article|langue=en|prénom1=Richard J.|nom1=Aldrich|titre=OSS, CIA and European Unity|sous-titre= The American Committee on United Europe, 1948-60|url=https://www2.warwick.ac.uk/fac/soc/pais/people/aldrich/publications/oss_cia_united_europe_eec_eu.pdf |périodique=Diplomacy and Statecraft|volume=8|numéro=1|mois=mars|année=1997|passage=184-227}}.
* {{Article|langue=en|prénom1=Richard J.|nom1=Aldrich|titre=OSS, CIA and European Unity|sous-titre= The American Committee on United Europe, 1948-60|url=https://www2.warwick.ac.uk/fac/soc/pais/people/aldrich/publications/oss_cia_united_europe_eec_eu.pdf |périodique=Diplomacy and Statecraft|volume=8|numéro=1|mois=mars|année=1997|passage=184-227}}.
* {{ouvrage|langue=en|prénom1=Frederic J.|nom1=Fransen|titre=The supranational politics of Jean Monnet|sous-titre= ideas and origins of the European Community|isbn= 978-0313318290|jour=30|mois=avril|année=2001|éditeur=Praeger |pages totales=184}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Frederic J.|nom1=Fransen|titre=The supranational politics of Jean Monnet|sous-titre=ideas and origins of the European Community|éditeur=Praeger|année=2001|mois=avril|jour=30|pages totales=184|isbn=978-0-313-31829-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=T0PcErQ5J6cC&printsec=frontcover}}
* {{ouvrage|prénom1=Marc |nom1=Joly|lien auteur1=|titre=Le mythe Jean Monnet |sous-titre=contribution à une sociologie historique de la construction européenne |éditeur=[[CNRS Éditions]]|année=2007 |pages totales=238 |isbn=978-2-271-06575-9 |présentation en ligne=https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2009-2-page-252.htm}}, {{lire en ligne|lien=https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00440291/document|texte=présentation en ligne}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Marc|nom1=Joly|titre=Le mythe Jean Monnet|sous-titre=contribution à une sociologie historique de la construction européenne|lieu=Paris|éditeur=[[CNRS Éditions]]|année=2007|pages totales=238|isbn=978-2-271-06575-9|présentation en ligne=https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2009-2-page-252.htm}}, {{lire en ligne|lien=https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00440291/document|texte=présentation en ligne}}.
* {{ouvrage|prénom1=Marc |nom1=Joly|lien auteur1=|titre=L'Europe de Jean Monnet |sous-titre=éléments pour une sociologie historique de la construction européenne |éditeur=[[CNRS Éditions]] |collection=Biblis |numéro dans collection=167 |année=2017 |pages totales={{XVI}}-238|isbn=978-2-271-11504-1 }}.
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* {{Article|prénom1=Philippe |nom1=Mioche |lien auteur1= |titre= Jean Monnet, homme d'affaires à la lumière de nouvelles archives|périodique=[[Parlement(s) : revue d'histoire politique]]|lieu= |éditeur= |numéro= HS 3 |titre numéro= Penser et construire l'Europe |année= 2007|pages= 55-72|lire en ligne= https://www.cairn.info/revue-parlements1-2007-3-page-55.htm}}.
* {{Article|prénom1=Philippe |nom1=Mioche |titre= Jean Monnet, homme d'affaires à la lumière de nouvelles archives|périodique=[[Parlement(s) : revue d'histoire politique]]|numéro= HS 3 |titre numéro= Penser et construire l'Europe |année= 2007|pages= 55-72|lire en ligne= https://www.cairn.info/revue-parlements1-2007-3-page-55.htm}}.
* Michel Adam, ''Jean Monnet, citoyen du monde - la pensée d'un précurseur'', L'Harmattan, 2011, 133{{nb p.}} Ce livre montre les liens entre le pragmatisme de Monnet et la pensée complexe d'Edgar Morin.
* [[Pierre Gerbet]], ''La Construction de l'Europe'', Imprimerie nationale, 1999 ({{3e|éd.}}), 498{{nb p.}}, [https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1985_num_6_1_1257_t1_0180_0000_3 présentation en ligne], [https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1984_num_49_1_3358_t1_0160_0000_1 présentation en ligne]. Ce livre raconte dans tous ses détails les débuts de l'aventure de la CECA et de la CEE.
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== Compléments ==
=== Articles connexes ===
{{Autres projets
{{Autres projets
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|commons=Category:Jean Monnet|commons titre=Jean Monnet
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|wikiquote=Jean Monnet}}

=== Lectures approfondies ===
* Michel Adam, ''Jean Monnet, citoyen du monde - la pensée d'un précurseur'', L'Harmattan, 2011, 133{{nb p.}} Ce livre montre les liens entre le pragmatisme de Monnet et la pensée complexe d'Edgar Morin.
* [[Pierre Gerbet]], ''La Construction de l'Europe'', Imprimerie nationale, 1999 ({{3e|éd.}}), 498{{nb p.}} Ce livre raconte dans tous ses détails les débuts de l'aventure de la CECA et de la CEE.


=== Articles connexes ===
* [[Fondation Jean-Monnet pour l'Europe]]
* [[Fondation Jean-Monnet pour l'Europe]]
* [[Maison de Jean Monnet]]
* [[Maison de Jean Monnet]]
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* [[Université Jean-Monnet-Saint-Étienne]]
* [[Université Jean-Monnet-Saint-Étienne]]
* [[Lycée Jean-Monnet (Yzeure)]]
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* [[Place Jean-Monnet]]
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* [[Merry Bromberger]]
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* [[Richard Coudenhove-Kalergi]]
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=== Liens externes ===
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* [http://www.euroesprit.org/eu_founders.html Les fondateurs de l'Union européenne]
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* [http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html Faculté Jean Monnet]
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Dernière version du 1 janvier 2025 à 13:26

Jean Monnet
Illustration.
Jean Monnet en 1952.
Fonctions
Président de la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier

(2 ans, 9 mois et 24 jours)
Gouvernement Autorité Monnet
Prédécesseur Fonction créée
Successeur René Mayer
Commissaire général au Plan

(6 ans, 8 mois et 8 jours)
Prédécesseur Fonction créée
Successeur Étienne Hirsch
Secrétaire général adjoint de la Société des Nations

(3 ans, 7 mois et 21 jours)
Secrétaire général Eric Drummond
Prédécesseur Fonction créée
Successeur Joseph Avenol
Biographie
Nom de naissance Jean Omer Marie Gabriel Monnet
Date de naissance
Lieu de naissance Cognac (Charente, France)
Date de décès (à 90 ans)
Lieu de décès Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines), Drapeau de la France France
Nationalité Française
Conjoint Silvia de Bondini (à partir de 1934)
Profession Haut fonctionnaire, banquier

Jean Monnet Jean Monnet
Commissaires au Plan
Présidents de la Haute Autorité de la CECA

Jean Monnet, né le à Cognac (Charente) et mort le à Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines), est un haut fonctionnaire français, banquier international, promoteur de l'atlantisme et du libre-échange. Europhile convaincu et acteur majeur de l'intégration et de la construction européennes, il est considéré comme l'un des « pères de l'Europe ».

Il a été, dès sa création en 1919, l'un des principaux promoteurs de la Société des Nations dont il est le secrétaire général adjoint, organisant à ce titre la Conférence financière de Bruxelles de . Agent d'influence au service de la France, puis de l'Angleterre auprès des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, il propose en 1940 le projet d'Union franco-britannique. Il devient ensuite l'un des artisans de la planification française au moment du plan Marshall, en tant que premier commissaire au Plan de 1946 à 1952. Monnet a contribué à la déclaration Schuman de 1950, au rapprochement franco-allemand et à la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, dont il fut le premier président de la Haute Autorité de 1952 à 1955. Il a aussi promu la coopération industrielle internationale. Il est un des principaux fondateurs de la Communauté économique européenne (traité de Rome de 1957) et du Marché commun européen (1968). Ceux-ci sont les prédécesseurs de l'Union européenne.

Jean Monnet est fait citoyen d'honneur de l'Europe en 1976 et est inhumé au Panthéon, à Paris, en 1988.

Enfance et formation

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Publicité pour le « Cognac Monnet » (1927)

Jean Omer Marie Gabriel Monnet naît le à Cognac au 9, rue Neuve des Remparts, dans une famille bourgeoise[1] de tradition catholique propriétaire d'une entreprise de négoce international de cognac.

Sa formation est essentiellement due aux conversations qu'il écoute, dès l'enfance, à la table familiale entre son père et ses clients étrangers, sur le commerce du cognac, un des premiers secteurs français à être très internationalisés.

Il interrompt ses études avant son baccalauréat, à 16 ans, pour travailler dans l'entreprise familiale.

À 18 ans, il s'installe à Londres et voyage plusieurs fois en Amérique du Nord pour l'entreprise familiale. Il en tire une parfaite maîtrise de l'anglais, une très bonne connaissance des Anglo-Saxons et de l’optimisation de l’affrètement maritime : les exportateurs de cognac utilisaient au maximum les capacités de fret des bateaux et veillaient à les charger au retour pour diminuer les coûts.

Première Guerre mondiale

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En 1914, après la bataille de la Marne, à peine âgé de 26 ans et fort de son expérience d'affréteur maritime, réformé pour raisons de santé, Jean Monnet obtient un entretien avec le président du Conseil, René Viviani, replié à Bordeaux. Lui décrivant le gâchis que représente l'utilisation désordonnée des flottes marchandes française et britannique, il lui explique la nécessité de créer un pôle maritime franco-britannique, pour optimiser les transports de vivres, munitions et matières premières, et réussit à le convaincre.

En effet, les navires français ou anglais partaient vides pour les États-Unis pour revenir pleins, et inversement. Sous l'impulsion du ministre du Commerce, Étienne Clémentel, il participe ainsi à la délégation du ministère du Commerce à Londres.

À cette fin, il est nommé responsable de la coordination des ressources alliées, sous le statut de haut fonctionnaire interallié en 1916 pendant toute la durée restante de la Première Guerre mondiale. Il est confirmé dans ses fonctions par Georges Clemenceau[2].

En , sous la pression des Américains, la commission de coordination économique interalliée prend fin.

Entre-deux-guerres

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Fondation de la Société des Nations

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En 1919, Jean Monnet est un des artisans de la création de la Société des Nations, organisation dont il est nommé numéro deux. À ce titre, il effectue des missions en Haute-Silésie, pour surveiller le plébiscite qui se déroule dans cette région, dans l’Empire Allemand, en Autriche, en Pologne et en Roumanie. En 1920, il est appelé au poste de secrétaire général adjoint de la nouvelle organisation internationale. À moins de 32 ans, il est le principal organisateur de la Conférence financière de Bruxelles de , reconnaissant que la déflation après la guerre pourrait avoir des répercussions désastreuses sur l'économie mondiale.

Banquier aux États-Unis et mariage

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Démissionnaire en pour rejoindre l'entreprise de commerce d'alcool de son père en grande difficulté à cause de la Prohibition (1919-1933), Jean Monnet redresse la situation en convainquant son père Jean-Gabriel d'échanger ses vieilles eaux-de-vie contre une plus grande quantité d'eaux-de-vie jeunes plus en phase avec la demande du marché[3].

Travaillant entre les États-Unis et la France, il s'engage dans une carrière d'homme d'affaires et de financier international.

Monnet déménage en Amérique, pour accepter un partenariat avec Blair & Co., une banque new-yorkaise qui fusionne avec Bank of America en 1929 pour former Bancamerica-Blair Corporation, société appartenant à Transamerica Corporation.

Jean Monnet et Silvia de Bondini vers 1934.

En , il rencontre Silvia de Bondini (1907-1982), une peintre italienne, à Paris lors d'un dîner qu'il donne dans son appartement de la rue de Condé[4],[5]. Elle a 22 ans, lui 41. Récemment mariée à Francesco Giannini, un employé italien de la Banque Blair (dont Jean Monnet était le représentant pour l'Europe) et fervente catholique[6], elle ne peut divorcer du fait de la loi italienne. Après cinq ans de procédure en Italie visant à obtenir un divorce, Jean Monnet, arrivé pour l’occasion de Chine via le Transsibérien, l'épouse le à Moscou. L'idée d'un mariage à Moscou leur a été suggérée par Ludwik Rajchman, considéré comme le fondateur de l'UNICEF, que Monnet a rencontré pendant ses fonctions à la Société des Nations (et lié à l'ambassadeur soviétique en Chine, Bogomolov).

Il semble que les ambassadeurs américain et français à Moscou, William C. Bullitt et Charles Alphand, ont également joué un rôle dans l'opération. Silvia de Bondini prend en effet au préalable, et grâce aux relations de son mari, la citoyenneté soviétique afin de profiter d'une loi soviétique permettant le divorce unilatéral de son mari italien[4]. Elle prend ensuite la nationalité française le . Jean Monnet parle de son mariage comme de « la plus belle opération de sa carrière ». Un jugement en leur faveur relatif à la garde d'Anna, leur fille née en 1931 alors que Silvia est encore mariée à Francesco Giannini, a lieu en 1937 à New York, mais il n'est pas reconnu dans tous les pays.

La famille Monnet rentre en France pour s'installer à Houjarray en 1945 avec leurs deux filles, Anna née en 1931, et Marianne née en 1941 à Washington DC[7].

Le directeur de cabinet de Monnet à la CECA, Georges Berthoin, a déclaré[8] à son sujet :

« Monnet ajoutait cet instinct à ses assises charentaise et américaine, grâce à l'influence considérable de sa femme. Elle était italienne. Elle lui expliquait à merveille ce qu’il ne « sentait » pas. Ce fut vraiment une réussite humaine entre les deux. Je considère qu’on ne comprendrait pas Monnet si on oubliait Silvia. »

Leur mariage dure en tout 45 ans et ils ont deux filles[9] : Anna en dont le père légal reste à l'époque Francesco Giannini, et Marianne en 1941[10],[11]. Ils sont mariés religieusement près de quarante ans plus tard à Lourdes par l’évêque du lieu, Henri Donze, après la mort de Francesco Giannini en 1974. Silvia meurt à Rome en et est enterrée à Bazoches-sur-Guyonne[12].

Il retourne à la politique internationale et, en tant que financier international, joue un rôle important dans les politiques de reprise économique de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale. En , le ministre des Finances chinois invite Jean Monnet à présider un comité non politique Est-Ouest en Chine chargé du développement de l'économie chinoise. Pendant son séjour en Chine, la tâche de Monnet consiste à associer des capitaux chinois à des sociétés étrangères et conduit à l'inauguration officielle de la Société chinoise de financement du développement (CDFC) ainsi qu'à la réorganisation des chemins de fer chinois.

En 1935, alors qu'il se trouve encore à Shanghai, Monnet devint partenaire commercial de George Murnane (ancien collègue de Monnet à la Transamerica), dans la société Monnet, Murnane & Co. Murnane était lié à des industriels et financiers : la famille Wallenberg en Suède, la famille Bosch en Allemagne, les Solvay et Boël en Belgique, ainsi que John Foster Dulles, André Meyer et la famille Rockefeller aux États-Unis.

Seconde Guerre mondiale

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Projet de fusion entre la France et le Royaume-Uni

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En 1938, William Bullitt, ambassadeur des États-Unis en France proposa au président du conseil Édouard Daladier de désigner Monnet comme intermédiaire avec le président Roosevelt pour arranger la commande et la livraisons d'avions militaires américains à la France qui souffrait d'un grave déficit dans ce domaine[13]. Au début de la Seconde Guerre mondiale, après l'entrée en guerre en , Monnet fut amené à présider, dès , le comité de coordination basé à Londres et visant à mettre en commun les capacités de production de la France et du Royaume-Uni en vue de préparer et de coordonner l'effort d'armement[14].

Lorsque Winston Churchill est nommé premier ministre du Royaume-Uni le , Jean Monnet arrive à le convaincre, dans une note intitulée Anglo-French unity, de l'intérêt d'un projet, voté par la Chambre des communes, d'union franco-britannique immédiate, avec un seul Parlement et une seule armée, pour renforcer la France et le Royaume-Uni face à l'Allemagne. Le général Charles de Gaulle essaie de convaincre Paul Reynaud, le président du Conseil, de signer le traité pour cette union. Le , ce dernier déclare au téléphone à Churchill : « Nous sommes battus, nous avons perdu la bataille », et le lendemain le général Gamelin donne l'ordre de repli aux forces françaises qui se battent en Belgique, et le Paul Reynaud annonce à la radio la nomination du maréchal Pétain au poste de vice-président du Conseil.

Le , les troupes allemandes entrent à Paris. Le , de Gaulle, en mission à Londres, dicte lui-même au téléphone le texte de la note à Paul Reynaud. Le même jour, il arrive à Bordeaux, apprend que Paul Reynaud s'est démis de ses fonctions le soir-même et que Philippe Pétain est devenu président du Conseil.

Le soir du , Jean Monnet reçoit à son domicile londonien le général de Gaulle, qui prépare son appel radiodiffusé du lendemain. Jean Monnet coopère momentanément avec lui, pour tenter de maintenir le gouvernement de la France aux côtés des Alliés. Néanmoins, il refuse de s'associer à lui pour le lancement de la France libre à laquelle il n'adhère jamais[15]. Monnet croit qu'il est plus efficace de coopérer à la victoire des Alliés en entrant au service du gouvernement britannique et c'est ce qu'il fait.

Paradoxalement, de Gaulle et Monnet, quoique très différents, ont immédiatement la même analyse sur la nature mondiale de la guerre et sur son issue victorieuse.

Livraisons d'armes

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C’est donc tout à fait indépendamment de De Gaulle que Monnet écrit le à Churchill et à Pétain pour démissionner de ses précédentes fonctions et se mettre à la disposition du gouvernement britannique[16]. Churchill demande alors à Monnet de remplir pour le Royaume Uni les mêmes fonctions que celle qu’il occupait pour le Comité de coordination franco-britannique. Son titre officiel est « vice-président du British Supply Council ».

Installé à Washington, Monnet fréquente assidûment un cercle d’amis par ailleurs proches du président Franklin Delano Roosevelt, notamment Felix Frankfurter, juge à la Cour suprême des États-Unis et Henry Stimson, Secrétaire à la Guerre[17]. Ce groupe encourage le président Roosevelt à sortir les États-Unis de leur politique isolationniste, et à relancer l'industrie de guerre américaine, afin de pouvoir contre-attaquer très vite et très fort le moment venu. Cela sera l'adoption du Victory Program en 1942[18].

Jusqu'en 1945, il s'emploie à coordonner l'effort de guerre entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Dès 1942, il est prévu de construire 60 000 avions, 45 000 chars d’assaut et huit millions de tonnes de navires de guerre. Jean Monnet résume cette politique par une phrase célèbre : « Il vaut mieux 10 000 chars de trop qu'un seul de moins [que nécessaire] ». John Maynard Keynes a dit de lui qu’il avait abrégé la guerre d’un an[19].

Opposition puis ralliement à de Gaulle

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Le , l'Afrique du Nord française, sous le contrôle du gouvernement de Vichy, voit débarquer les Américains dans le cadre de l'opération Torch. Mais Vichy et ses troupes leur opposent une résistance vive et inattendue. Pour faire cesser les combats, les Alliés traitent avec l'amiral François Darlan, mais celui-ci est assassiné le par le jeune résistant Fernand Bonnier de La Chapelle. En , Jean Monnet est envoyé par Roosevelt à Alger pour seconder le général Henri Giraud choisi par les Américains pour prendre la tête de l'Armée d'Afrique et de l'administration (Giraud prend ainsi le titre de Commandant en chef civil et militaire)[20]. Son objectif est d’aider à créer les conditions de l’unité des Français pendant et après la guerre sur des bases démocratiques. Dans ce rôle, Jean Monnet contribue largement à l'abandon progressif par Giraud d'une partie de la législation de Vichy[21]. Ainsi, dans son ordonnance du , Giraud indique : « Sont nuls les actes constitutionnels, lois et décrets postérieurs à la date du . » Cependant, dans une seconde ordonnance prise le même jour, il abroge à nouveau le décret Crémieux du accordant la citoyenneté française aux « Israélites indigènes d’Algérie ». Celui-ci sera finalement rétabli le par le Comité français de libération nationale.

Les relations de Monnet avec le général de Gaulle, qui est encore à Londres, sont tendues. Monnet arrive de Washington où la méfiance est grande vis-à-vis de l’homme du 18 Juin que Roosevelt soupçonne de tendances antidémocratiques. Monnet déplore lui-même l’attitude, qu’il juge intransigeante, du Général vis-à-vis du commandement d’Alger à un moment où, à son sens, l’union entre les Français dans la guerre devrait être la priorité. La tension entre les deux hommes atteint son paroxysme à Alger en . Monnet est indigné par le discours de de Gaulle du [réf. nécessaire], qu’il juge provocateur, de mauvaise foi et de nature à faire échouer les négociations qu’il mène pour la formation du Comité français de libération nationale. Il s’en ouvre à Harry Hopkins, le très proche conseiller de Roosevelt, dans une note datée du qui ne laisse aucune illusion sur le jugement qu'il porte alors sur le général de Gaulle. Il écrit en effet : « Cela me rappelle le discours qu’Hitler a fait avant l’affaire tchécoslovaque. La même technique, la même forme, le même objet, les mêmes promesses illusoires. Heureusement, ce sentiment n’est pas seulement le mien : Catroux et Macmillan ont la même impression[22]. »

Ce jugement très sévère s'exprime dans un contexte d'une extrême tension entre les deux hommes. Monnet, dans une note manuscrite personnelle, ira même jusqu'à écrire : « Il faut se résoudre à conclure que l'entente est impossible avec [le général de Gaulle] ; qu'il est un ennemi du peuple français et de ses libertés ; qu'il est un ennemi de la construction européenne, qu'en conséquence, il doit être détruit dans l'intérêt des Français, des Alliés et de la paix ; (…) pour cela, il faut que, de son intransigeance actuelle, le monde soit convaincu qu’il ne veut pas l’union. Je propose, à cet effet, de simplement publier la lettre et l’aide-mémoire Giraud[23]. »

Après cet épisode d’opposition frontale entre les deux hommes, le général de Gaulle joue l’apaisement. Jean Monnet, de son côté, prend progressivement conscience de l'inexpérience politique de Giraud. Avec Harold Macmillan et le général Catroux, il joue finalement un rôle significatif dans le processus conduisant de Gaulle à la tête du Comité français de libération nationale en . Monnet est ensuite nommé commissaire à l'Armement au sein du Comité, puis commissaire en mission dans le Gouvernement provisoire créé en . En mission pour celui-ci aux États-Unis, où Monnet garde des contacts nombreux et influents, il négocie les accords du prêt-bail et les premiers accords de crédit pour 1945[24].

Commissaire général au Plan

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Les Français concluent un accord de prêt-bail et de prêt-bail inversé. Jean Monnet, représentant du gouvernement provisoire français signe des accords. De gauche à droite : Henri Bonnet, ambassadeur de France, Joseph C. Grew, sous-secrétaire d'État et Jean Monnet.

Dès 1943, ses projets pour l'Europe intègrent les exigences américaines concernant les suppressions des droits de douane et des contingentements européens, ainsi que la création d'une « unité économique commune »[25].

Pour Jean Monnet, l'économie de guerre était planifiée, et il est naturel que l'économie de la reconstruction le soit aussi, mais son but n'est pas d'adopter la philosophie de la planification à la soviétique, ni surtout de transposer en France ses méthodes autoritaires. Son but est d'insuffler du dynamisme, pas d'imposer des objectifs. À la libération, il est chargé par le général de Gaulle du plan pour relancer l'économie, en tant que commissaire au Plan, de à 1952, dans le cadre des prêts américains du plan Marshall. Il présente un éphémère plan Monnet, visant à prendre le contrôle des zones de production de la Ruhr. Il est le père de la planification à la française. Le travail de ses services consiste à étudier la situation, à mettre en évidence les priorités, à évaluer les volumes de production souhaitables, à lancer les discussions sur les moyens de les mettre en œuvre, et surtout à lancer la reconstruction et la modernisation de l'appareil de production. Il est avec Léon Blum le négociateur de l'accord Blum-Byrnes de 1946, qui ouvre le territoire français à la production cinématographique américaine.

Construction européenne et président de la Haute Autorité de la CECA

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Jean Monnet (à gauche) avec Konrad Adenauer en 1953.

Dès 1950, des rapports signalent que l’Allemagne se relève beaucoup plus vite que la France. Certains craignent que les vaincus soient à nouveau tentés par une revanche. De plus, il faut définitivement intégrer l’Allemagne dans le camp occidental alors que la guerre froide débute et que le centre de l'Europe risque de devenir un espace d'instabilité et de guerre Est-Ouest. La France se doit de prendre l'initiative, de tendre la main à l'ennemi d'hier et de proposer de lier les destins des deux principaux pays de l'Europe continentale.

Jean Monnet travaille en secret sur un projet de mise en commun du charbon et de l’acier, principales sources d'une possible industrie de guerre. Au printemps 1950, il présente son projet à Robert Schuman, qui s'assure de l'accord du chancelier allemand, Konrad Adenauer, et fait le une déclaration solennelle pour inviter tous les pays intéressés à poser « les premières bases concrètes d'une fédération européenne ».

Dans un discours de 1950, Jean Monnet déclare :

« La prospérité de notre communauté européenne est indissolublement liée au développement des échanges internationaux. Notre Communauté contribuera à régler les problèmes d’échange qui se posent dans le monde… Nous sommes déterminés à rechercher sans délais dans des conversations directes, les moyens de mettre en œuvre l'intention déclarée du gouvernement britannique d’établir l’association la plus étroite avec la Communauté. Nous sommes convaincus que nous pouvons envisager une collaboration étroite et fructueuse avec les États-Unis, qui depuis la proposition faite par Monsieur Schuman le , nous ont donné des preuves répétées de leur sympathie active… Mais, nous ne sommes qu'au début de l'effort que l'Europe doit accomplir pour connaître enfin l'unité, la prospérité et la paix. »

— Monnet, 1950[a]

Le traité de Paris de 1951 entérine la création de la Haute Autorité qui s'inspire des agences fédérales américaines, l'Assemblée des Six, une Cour de Justice qui veille au respect du traité et un Conseil de ministres qui assure l'harmonisation des politiques des États membres. C'est la préfiguration d'une Fédération européenne. La CECA est créée et Jean Monnet devient, de 1952 à 1955, le premier président de la Haute Autorité (Autorité Monnet) de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), installée à Luxembourg, le . Dès 1953, le charbon et l'acier circulent librement au sein des pays membres de la CECA.

Pour lui, cette « Europe des Six » est le seul moyen de lier l'Allemagne et la France et de désamorcer la renaissance d'une rivalité séculaire, en plaçant les productions de l'acier et du charbon dans le cadre d'une délégation de souveraineté. Il veut aller plus loin toutefois, et envisage une armée nationale allemande[26], ce qui semble être un dangereux retour en arrière. Il propose finalement la création d'une armée européenne, présentée par René Pleven dans le cadre d'un Plan de Communauté européenne de défense (CED). Un premier traité sera signé, mais sous le gouvernement Mendès France le Parlement français le rejette néanmoins en 1954.

Plaque au 94, boulevard Flandrin (Paris).

À la suite de cette première grave crise européenne, Jean Monnet démissionne de la Haute Autorité et fonde le Comité d'action pour les États-Unis d'Europe au 82 avenue Foch au (16e arrondissement de Paris), pour poursuivre son activité en faveur de l’unité européenne à travers lui. Ce comité regroupe les forces syndicales et politiques des six pays et représente plus de dix millions de personnes. Il prône une fédération européenne et propose de placer le siège des institutions communautaires dans un « district fédéral » échappant aux souverainetés nationales. Jean Monnet l'anime jusqu'en 1975, et il travaille sur les projets de traité pour le Marché commun et d'Euratom, qui privilégie une filière américaine d'approvisionnement contre l'indépendance nucléaire française[27], projets qui aboutissent au traité de Rome, le et sur le projet d'élargissement de la Communauté au Royaume-Uni.

Jean Monnet résume la philosophie de son projet européen dans la formule : « Nous ne coalisons pas les États, nous rassemblons les hommes. »

Antagonisme entre Monnet et de Gaulle

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De Gaulle s'oppose violemment[réf. nécessaire] à la CED et critique fermement la mise en place de la CECA et du traité de Rome. Outre qu'il ignore le détail des intrigues que Monnet avait menées contre lui auprès de Roosevelt, l'ancien chef de la France Libre se méfie de Monnet tout comme il s’était méfié de Roosevelt. Monnet était pour lui un banquier de Wall Street. Monnet s'était rallié directement aux Anglo-Saxons pendant la Seconde guerre mondiale et avait ensuite soutenu le général Henri Giraud, à Alger. Ainsi, De Gaulle n'hésitera pas à le traiter de « petit financier à la solde des Américains »[28]. Monnet s'oppose à De Gaulle par ses projets concrétisant l'idée de supranationalité. Ceux-ci, selon de Gaulle, mettent en danger le droit à l'indépendance de la France, sous attaque depuis 1939. De Gaulle, dira plus tard que la Commission Européenne doit être « une commission commune qui ne soit naturellement pas constituée avec des Jean Monnet, des apatrides soi-disant supranationaux, mais avec des fonctionnaires qualifiés »[29]. Néanmoins, quand il revient au pouvoir en 1958, de Gaulle ne remet plus en cause les premiers acquis de la construction européenne, dont Jean Monnet est pourtant un des principaux instigateurs. De Gaulle favorise la mise en place de la CEE en lançant les négociations[réf. nécessaire] de la politique agricole commune (PAC), qui consacre le principe communautaire et l'autorité de la Commission avec un droit de veto pour la France (principe d'unanimité). Cependant, tant que de Gaulle reste au pouvoir, la France demeurera hostile au transfert important de souveraineté prôné par Monnet.

Tombe de Jean Monnet (la deuxième à gauche) au Panthéon.

En effet, selon de Gaulle, la construction européenne doit se fonder « sur des réalités », sur les États et seulement sur eux. À l'inverse de Monnet qui souhaite une intégration du rôle américain, de Gaulle estime en outre que l'Europe unie se résume surtout à un partenariat franco-allemand ; il aurait dit à ce propos : « L'Europe ? C'est la France et l'Allemagne ; le reste, c'est les légumes ! » Il reste ainsi fidèle à la vision de la France qu'avaient Armand Jean du Plessis de Richelieu et Jacques Bainville[30] sur l'Allemagne. Dès son retour au pouvoir en 1958, il manifeste clairement sa priorité diplomatique en prenant l'ambassadeur de France à Bonn, Couve de Murville, comme ministre des Affaires étrangères. Puis il reçoit le chancelier Konrad Adenauer chez lui, à Colombey, honneur qu'il ne répétera jamais pour quiconque. La messe solennelle, célébrée dans la cathédrale de Reims avec le chancelier allemand, et la libération des derniers Allemands condamnés pour crimes de guerre en France sont autant de gestes symboliques qui doivent se conclure par le traité de l'Élysée de . De Gaulle scelle ainsi la réconciliation entre ce qu'il appelait « les Gaulois et les Germains ».

Le lobbying des Américains auprès des parlementaires allemands parvient néanmoins à neutraliser ce traité. Le Bundestag allemand, en ratifiant le traité de 1963, le fait précéder d'un préambule qui replace cet accord dans le cadre de l'Alliance atlantique et réaffirme la priorité de l'alliance germano-américaine sur le partenariat franco-allemand[31].

Jean Monnet accorde le primat aux forces de l'économie et au commerce international, qu'il connaît bien. De Gaulle, imprégné d'une profonde culture historique, et conscient de la faiblesse économique française au lendemain de la guerre, privilégie les relations entre États souverains.

Retraite et décès

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En 1963, Jean Monnet crée, à Lausanne, l’Institut de recherches historiques européennes pour rassembler des archives significatives et de leur consacrer des recherches. Il assure la présidence de cet institut jusqu’en 1965.

Jean Monnet (à droite) avec Pascal Fontaine en 1975.
Maison de Jean Monnet à Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines).

En 1975, à l’âge de 87 ans, il prend sa retraite définitive dans sa maison d'Houjarray, sur la commune de Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines) pour écrire ses Mémoires. Il y meurt le , à l’âge de 90 ans. Ses obsèques ont lieu le à Montfort-l'Amaury en présence du président français Valéry Giscard d'Estaing et du chancelier allemand Helmut Schmidt. Ses cendres sont transférées au Panthéon de Paris en 1988.

Image et héritage

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Jean Monnet utilise pour la mise en place de la CECA, puis du Marché commun, l'expérience acquise au cours des deux guerres mondiales : donner des pouvoirs limités mais réels à des institutions supranationales, dans des secteurs essentiels. La nature essentielle des secteurs concernés permettra l'accroissement graduel des pouvoirs d'influence de ces institutions.

Jean Monnet est un des hommes d'État français important du XXe siècle, même s'il n'a jamais reçu de mandat électif du peuple français et que cela lui est parfois reproché, et demeure parmi les plus mal connus du grand public. Il utilise ses fonctions officielles, quasiment toujours supranationales et pour des durées assez brèves, comme levier pour promouvoir ses idées en faveur de l'unification européenne.

De nombreux hommes politiques, en France et à l'étranger, rendent hommage à Jean Monnet. En 2004, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin déclare ainsi : « Dans notre monde, j'en rencontre beaucoup qui veulent être quelqu'un (…). Moi, je me sens plutôt dans le camp de ceux qui, comme Jean Monnet, veulent faire quelque chose[32]. »

Ferme de Dorigny (campus universitaire de Lausanne), siège de la Fondation Jean-Monnet pour l'Europe.

Le centre de recherches européennes, devenu Fondation Jean Monnet pour l'Europe et situé à Lausanne, est une fondation d’utilité publique, apolitique et non partisane, créée en 1978 par Jean Monnet, avec l'aide d'Henri Rieben, dont le but est d’accueillir l’ensemble des archives de Jean Monnet. La fondation concentre également un certain nombre d'archives européennes[33].

Plus récemment, la méthode de Jean Monnet est quelquefois remise en cause par certains hommes politiques, comme Dominique Strauss-Kahn, qui affirme dans un rapport remis à Romano Prodi en  :

« Aujourd'hui la méthode Monnet est arrivée à épuisement. Le déséquilibre qu'elle a généré — des compétences politiques de plus en plus importantes confiées à une institution de nature technique — provoque une crise institutionnelle profonde : l'Union européenne est malade de son déficit démocratique. »

— Dominique Strauss-Kahn, cité par Jean-Pierre Chevènement, La Faute de M. Monnet, Fayard, , p. 42).

Jean Monnet lui-même concevait cependant les institutions de ce qui allait devenir l'Union européenne, et notamment sa Commission, comme le moyen d'enclencher un processus menant aux États-Unis d'Europe, non comme une fin. « Ce que nous préparons, à travers l'action de la Communauté, n'a probablement pas de précédent. Cette communauté est fondée elle-même sur des institutions qu'il faut renforcer tout en sachant que la véritable autorité politique, dont se doteront un jour les démocraties européennes reste à concevoir et à réaliser », dit-il dans les dernières pages de ses mémoires, publiées en 1976, trois ans avant sa mort. (Mémoires, Jean Monnet, Fayard éditeur)

Néanmoins, les seuls fonds américains vérifiables et précisément quantifiables octroyés à Monnet pendant cette période sont venus par la fondation Ford pour soutenir son secrétariat immédiat[34]. La fondation, qui aurait reçu un soutien financier de la part du gouvernement des États-Unis, a délibérément employé de nombreux agents de la CIA pendant les années 1950 et 1960[35],[36],[37]. Il convient de noter le contexte des financements. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, alors que la Guerre froide débutait, les Américains voulaient empêcher la progression du communisme en Europe[b] pour défendre les valeurs occidentales, empêcher une troisième guerre mondiale et assurer le succès du plan Marshall[38]. Dans ce contexte, aucun document ne permet d'affirmer que Monnet ait été sous influence américaine. À la fin de sa vie, il poussait même pour plus d'égalité dans les relations transatlantiques, notamment à travers la Déclaration d'interdépendance qu'il fait signer par Henry Kissinger.

Récompenses

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Buste de Jean Monnet au Palais de la Paix de La Haye.

Jean Monnet est intronisé docteur honoris causa par de nombreuses universités anglo-saxonnes : université de Cambridge (), Dartmouth (), Yale (), université d'Oxford (). En total, une trentaine de prix et distinctions lui sont attribués.

En 1953, il est fait lauréat du Prix international Charlemagne d'Aix-la-Chapelle, qui récompense les personnalités engagées pour l'unité européenne.

Le , le Conseil européen de Luxembourg décerne à Jean Monnet le titre de « citoyen d'honneur de l'Europe », et il est considéré comme un des pères fondateurs de l'Union européenne.

Le jour du centenaire de la naissance de Jean Monnet, le , le président français François Mitterrand préside la cérémonie du transfert des cendres du Père de l'Europe au Panthéon de Paris.

En 1992, la France frappe une monnaie commémorative en argent de 100 francs qui est créée par Joaquin Jimenez. Jean Monnet y est représenté, entouré des douze étoiles du drapeau de la Communauté européenne et de l'inscription « Communauté européenne - Jean Monnet - Unir les Hommes ».

Publications

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  • L'Europe et l'organisation de la paix, First Édition, Lausanne, 1964.
  • Mémoires, Fayard, Paris, 1976, 642 pages.
  • Les États-Unis d'Europe, Robert Laffont, Paris, 1992.
  • Repères pour une méthode : propos sur l'Europe à faire, Fayard, Paris, 1996.

Notes et références

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  1. « La prospérité de notre communauté européenne est indissolublement liée au développement des échanges internationaux. Notre Communauté contribuera à régler les problèmes d’échange qui se posent dans le monde. Nous sommes déterminés à rechercher sans délais dans des conversations directes, les moyens de mettre en œuvre l’intention déclarée du gouvernement britannique d’établir l'association la plus étroite avec la Communauté. Nous sommes convaincus que nous pouvons envisager une collaboration étroite et fructueuse avec les États-Unis, qui depuis la proposition faite par Monsieur Schuman le , nous ont donné des preuves répétées de leur sympathie active. Nous assurerons toute liaison utile avec les Nations unies et l'Organisation européenne de coopération économique. Nous développerons avec le Conseil de l'Europe toutes les formes de collaboration et d'assistance mutuelle prévues par le traité. Mais, nous ne sommes qu'au début de l'effort que l'Europe doit accomplir pour connaître enfin l’unité, la prospérité et la paix. »
  2. En effet, Richard J. Aldrich rappelle que les États-Unis ont également financé jusqu'à 1950 de nombreux mouvements anticommunistes de résistance, qui étaient issus de la Seconde Guerre mondiale (Aldrich 1997, p. 186).

Références

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  1. Valérie Lehoux, « De l'ombre des chais aux quais ensoleillés », Télérama, no 3882,‎ , p. 40
  2. Jean-Baptiste Duroselle, Clemenceau, Fayard 1988 pp. 677
  3. Roussel 1996, p. 106.
  4. a et b Eric Roussel, Jean Monnet, Paris, Fayard, , 1002 p., P133
  5. « institutjeanmonnet.eu/jeanmonn… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  6. « Commanding Heights : Jean Monnet / on PBS », sur pbs.org (consulté le ).
  7. (en) Clifford P. Hackett, A Jean Monnet Chronology, Washington DC, Jean Monnet Council, , 294 p., P213
  8. http://www.histoire-politique.fr/documents/10/portraits/pdf/HP10_Portraitsettemoignages_pdf_280110.pdf
  9. « time.com/time/magazine/article… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
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Bibliographie

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