2009 05 30 1115@philosophie Magazine
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Dossier 111
LA PROFONDEUR DE LA SURFACE
La culture franaise e est la dfense du got, la prdilection pour la forme, le style ou encore la gastronomie Mas ce qui en fait I apparente superficialit en constitue aussi la force Tel est le point de vue d Emil Cioran que nous dcouvrons ici travers les extraits d'un texte jusqu alors indit De la France, publi en avril aux ditions de L'Herne
Description de la culture franaise a la fois froce, lucide et admirative, De la France, d'Emil Cioran vient d'tre publie pour la premiere fois par les editions de 11 lerne Rarement l'esprit franais, celui des moralistes du XVIIF siecle, de Pascal, des cathedrales et de I impressionnisme, aura t saisi avec autant d acuit que dans ce texte date de 1941 Signalons aussi la parution simultane, toujours che? LHerne d une traduction de Transfiguration de la Roumanie essai qui tmoigne d'une jeunesse hante parles dmons du nationalisme et du fascisme, et surtout d'un Cahier de l'Heme consacre a Cioran, avec de nombreux textes de I auteur, des lettres des analyses La premiere monographie de reference sur ce philoso phe roumain, disparu en 1995, auteur subtil et desenchante des SjWogismes de l'amertume (Gallimard) et de De l'inconvnient d etre ne (Gallimard) Extraits Je ne cros pas que je tiendrais aux Franais s'ils ne s taient pas tant ennuys au cours de leur histone Mas leur ennui est dpourvu d infini C'est l'ennui de la clart G est la fatigue des choses comprises * La divinit de la France Ic got Le bon gout Selon lequel, le monde - pour exis ter - doit plaire, tre bien fait se consolider esthtiquement, avoir des limites, tre un enchantement du saisissable un doux flcunsscment dc la finitude Un peuple de bon got ne peut pas aimer le sublime, qui nes! que la preference du mauvais gout porte au monumenta! La l-rance est le pays de la perfection troite Elle ne peut s'lever aux catgories supra culturelles au sublime, au tragique, a I immensit esthetique G est pour quoi elle na pas donne et n'aurait jamais pu donner un Shakespeare, un Bach ou un Michel Ange Par rapport a ces derniers, Pascal lui mme est un matre du dtail, un subtil ravaudeur du fragment Les reflexions des moralistes franais sur I homme absolues dans leur irrepro chable finition - sont toutefois modestes, compares a la vision de l'homme chez un Beethoven ou un Dostoevski La France n offre pas de grandes perspectives elle vous enseigne la forme, vous donne la formule, mas pas le souffle Ceux qui ne connaissent que cela sont atteints d une sterilite grave et son contact exclusif est vntablement prilleux Ceci ne doit etre utilise que pour nous corriger des extrmits du cur et de la pense, comme une ecole de la limite, du bon sens et du bon gout comme un guide nous vitant dc tomber dans le ndicule des grands sentiments et des grandes attitudes Que sa mesure nous gurisse des errances pathtiques et fatales Ainsi, son action strilisante deviendrait salutaire
HERNE 5119710200503/GPP/AMR/2 Elments de recherche :
L'homme moyen est plus abouti en France que par tout ailleurs Son niveau dpasse celui de I Anglais de I Allemand ou de l'Italien La mdiocrit a atteint un tel style qu'il est difficile de trouver chez I individu ordinaire chez I homme de la rue des exemples de stupidit caractrise Chacun sait se prsenter, cha cun sait quelque chose G est en cela que la France est grande par des riens ll se pourrait que, finale ment, la civilisation ne soit pas autre chose que le raffinement de la banalit le polissage des choses minuscules et l'entretien d'un brin d intelligence dans I accidentel quotidien Franais des croisades, ils sont devenus Franais de la cuisine et du bistrot le bien tre et I ennui
JUIN 09
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Il est naturel qu'un peuple qui se meurt ne veuille pas mourir. La vieillesse histo nque, comme la vieillesse individuelle, est un culte de la vie par manque de vie C'est la fltrissure caricaturale du devenir. La poursuite insistante du bonheur, le got pour la parade du paradis, la volont d'touffer le noyau amer du temps, du coeur sont les preuves d'une profonde fatigue Dans le souhait de s'puiser dans l'immdiat, il y a le renoncement l'infini. Rien n'est plus gnant que de voir une nation qui a abus - juste titre - de l'attribut grand - grande nation, grande arme, la grandeur de la France- se dgrader dans le roupeau humain haletant aprs le bonheur Elle tait rellement grande quand elle ne le cherchait pas Aucune guerre, aucune rvolution, aucun monument et aucun acte d'expression ne se sont jamais raliss sans la passion aventureuse pour les flagellations de l'adversit et sans cette influence de chance et de malchance couronnant les actes de gloire Le Franais moyen , le petit bourgeois > types honteux de circulation courante, qui ont fleuri sur les ruines des exploits du pass.
v
Pays du milan, entre le Nord et le Sud, la France est une Mditerrane avec un supplment de brume. Dans cette contre o sont ns les cathdrales et Pascal, le
bleu est fonc, et bien qu'elle excelle en clarts, elle n'en est pas moins raye par des suggestions d'obscunt. La France, dans sa totalit, est plus profonde qu'elle ne parat Parmi tous les grands pays, aucun ne donne l'impression - premiere vue - de plus de superficialit. Ceci parce qu'elle a cultiv les apparences Mas elle les a cultives en profondeur, elle les a soignes ; elle a jardin. Elle n'a pas le sens des mondes souterrains et elle n'est pas poursuivie par les essences, mas elle est le pays du phnomne en soi Un paysage de Monet - qui puise la posie du visible - la satisfait L'impressionnisme est l'apparition la plus naturelle de l'art fran ais, d'une certaine manire la conclusion du gnie franais. Si les apparences sont tout, la France a raison On ne peut plus dire grand-chose leur propos Elle a compns jusqu'aux apparences de la noirceur Le nonfond probable de la mtaphysique pourrait la sauver
pour l'ternit <S ditions de L Herne 2009
COMMENTAIRE
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