Linternationalisation Des PME
Linternationalisation Des PME
Soulaimane Laghzaoui Universit Paul Czanne Aix-Marseille III GREFI France [email protected]
Rsum
Lobjet de cette communication est dessayer, en prenant compte des caractristiques des PME, dintgrer lensemble des contributions de ces approches autour du concept de Ressources et comptences. Pour ce faire, notre travail sarticule en deux tapes. Au cours de la premire, il sagit didentifier et de mieux connatre les trois approches dcrivant le processus dinternationalisation des PME. Dans la deuxime tape, nous tenterons de reformuler les apports de ces trois approches autour du concept fdrateur de ressources et comptences.
Linternationalisation des PME et ses consquences sur les stratgies entrepreneuriales 25, 26, 27 octobre 2006, Haute cole de gestion (HEG) Fribourg, Suisse
Introduction
Lintrt suscit par les petites et moyennes entreprises (PME) est devenu un phnomne mondial. Dans tous les pays du monde, les PME occupent une place primordiale dans le paysage conomique. Daprs lOCDE en 2004, plus de 95% des firmes sont des PME et elles fournissent de 60 % 70 % des emplois au sein des pays membres. Sur le plan acadmique, la lgitimit des PME comme objet de recherche part entire est reconnue depuis quelques annes. La PME nest plus considre comme une grande entreprise en miniature (Julien, 2005). Lidentification des ses caractristiques propres permet de lapprhender en tant quobjet particulier (Julien, 1997). Torrs (1999) lgitime lintrt pour un champ de recherche centr sur les PME en exposant trois justifications, mthodologique : pour leurs pratiques stratgiques ; thorique : pour les thories qui leur sont rserves (entrepreneuriat, interstices, etc.) et empirique pour leurs caractristiques leur permettant de faire face aux situations de crise : souplesse, dynamisme et flexibilit (Julien, 2005 ; Pett et Wolff, 2006 ; Raymond, 2000). Diffrents critres sont utilises dans la littrature pour identifier les entreprises internationales. Beamish (1990, cit dans Coviello et McAuley, 1999) dfinit ainsi linternationalisation comme tant le processus par lequel des entreprises simultanment se sentent de plus en plus concernes par linternational et tablissent et conduisent des transactions avec dautres pays. Torrs (1998), en distinguant entre lespace de localisation et lespace de fonctionnement (march, technologie, approvisionnement) des PME, dfinit quatre catgories de firmes, les PME locales, glocales , internationales et globales. Pour les premires, lapprovisionnement et le dploiement des ressources se font au niveau local, rgional, ou national. La deuxime catgorie regroupe les PME vendant sur un march intrieur et sapprovisionnant en tout ou en partie sur le march international. Dans le troisime groupe, il sagit des PME exportatrices qui peuvent sapprovisionner et vendre au niveau national et international. Enfin, la quatrime catgorie concerne les PME qui ralisent une partie de leurs productions ltranger et dveloppent des activits de recherche et dveloppement lchelle internationale. Les recherches consacres linternationalisation des PME se dmarquent de plus en plus de celles de la grande firme (Bouatry, 1998 ; McDougall et Oviatt, 2000 ; Torrs, 1999). La plupart des recherches menes sur le sujet expliquent linternationalisation des PME en privilgiant une seule approche thorique (Allali, 2003 ; Coviello et McAuley, 1999 ; Khayat, 2004 ; Gemser et al., 2004 ; Li et al., 2004), tantt par les tapes, tantt par lconomie, tantt par les rseaux. Runies, ces trois approches thoriques proposent une comprhension relativement complte du processus dinternationalisation des PME. Or, de nombreux travaux, aussi bien conceptuels quempiriques, montrent linsuffisance et la faiblesse du pouvoir explicatif de chacune de ces approches, prise isolment. Il apparat, en effet, que les processus dinternationalisation des PME sont extrmement varis et ne peuvent tre expliqus correctement partir dun seul angle thorique. Se pose alors la question de trouver un cadre gnral permettant dintgrer lensemble de ces apports.
Lobjet de cet article est dessayer, en prenant compte des caractristiques des PME, dintgrer lensemble des contributions de ces approches autour du concept de ressources et comptences. Il sagit dabord didentifier et de bien reconnatre les trois approches dcrivant le processus dinternationalisation des PME. Nous proposerons ensuite de reformuler les apports de ces trois approches autour du concept fdrateur de ressources et comptences. 1- Les approches thoriques de linternationalisation Durant les trois dernires dcennies, les chercheurs ont prsent diverses descriptions et analyses du comportement dinternationalisation des PME. En les regroupant selon lapproche thorique dominante, on peut relever dans la littrature trois principaux types dexplications : par les tapes, par lconomie et par les rseaux. 1.1- Linternationalisation par tapes Ces diffrents modles ont en commun le fait dapprhender linternationalisation comme un processus linaire et squentiel compos dun ensemble dtapes appeles chane dtablissement (Coviello et McAuley, 1999). La nature et le nombre des tapes varient selon les auteurs 1 dont les travaux se rattachent cette approche (Ageron, 2001 ; Pantin, 2006). Deux voies danalyse de linternationalisation sont proposes dans ce courant : le modle Uppsala (Johanson et Vahlne, 1977) et le modle dinnovation (Bilkey et Tesar, 1977 ; Cavusgil, 1980 ; Czinkota, 1982 ; Reid, 1981). Cependant, les travaux les plus rcents (Boutary, 2006 ; Etrillard, 2004 ; Gankema et al., 2000 ; Pope, 2002 ; Torrs, 2004) tendent remettre en cause la porte gnrale de ces modles. Le modle Uppsala (U-model) a t dvelopp initialement par Johanson, WiedershiemPaul et Vahlne (1975 & 1977). Parmi les contributions majeures de cette cole sudoise, deux concepts nous paraissent essentiels : celui de processus dapprentissage et celui de distance psychologique. En concevant linternationalisation comme un processus dapprentissage graduel ce modle met laccent sur lexprience acquise peu peu sur les marchs trangers et qui constituerait la cl de linternationalisation (Johanson et Vahlne, 1977). Linternationalisation se prsente comme le produit dune srie de dcisions incrmentales. Lentreprise, en intgrant des marchs trangers, tire des connaissances de cette exprience et peut ainsi nourrir son processus de dcision et accrotre son engagement extrieur. Sur la base de leur tude des firmes sudoises, ces auteurs constatent quelles suivent un processus squentiel scind en quatre tapes : activits dexportations irrgulires et opportunistes ; exportation via un agent indpendant ; implantation dune succursale/filiale de vente ; production dans le pays tranger.
Pour une revue de littrature complte sur le sujet, voir Ageron (2001)
Lhypothse de base de ce modle concerne la distance psychologique. Cette dernire est dfinie comme lensemble des diffrences culturelles et linguistiques ayant une influence sur la circulation de linformation et la prise de dcision dans les transactions internationales (Johanson et Vahlne, 1977). Les auteurs expliquent ainsi qu mesure que lexprience internationale saccrot, la distance psychologique qui spare la PME des nouveaux territoires trangers se rduit, favorisant une progression plus tendue et une utilisation plus complte des opportunits offertes par les diffrents pays connus. Le modle dinnovation (I-model) considre linternationalisation comme un processus analogue aux tapes dadoption dun produit nouveau (Rogers, 1962). Cette conception a t retenue par un certain nombre dauteurs pour expliquer linternationalisation des PME. Les modles les plus connus sont ceux de Bilkey et Tesar (1977), prsent dans le Tableau 1, Cavusgil (1980), Cinzkota (1982) et Reid (1981). Tous ces modles considrent que chaque tape franchir constitue une innovation pour lentreprise (Gankema et al., 2000), les seules diffrences se situant dans le choix des tapes, leur nombre et dans le mcanisme initiateur de linternationalisation des PME (Ageron, 2001). Tableau 1 : Linternationalisation-innovation de Bilkey et Tesar (1977) Stades Stade 1 : Caractristiques de lentreprise nest pas intresse par lexport et ne rpond mme pas une commande non sollicite. prte rpondre une commande non sollicite, mais ne fait aucun effort pour explorer la possibilit de dvelopper une activit dexportation. explore activement la possibilit de dvelopper une activit dexportation. exporte sur une base exprimentale vers des marchs proches psychologiquement. exportatrice confirme, elle adapte son niveau dexportation de manire optimale. explore les possibilits de dvelopper une activit dexportation vers des pays psychologiquement plus distants.
Stade 2 :
Stade 3 :
Stade 4 :
Stade 5 :
Stade 6 :
Source : adapt dAgeron (2001) Leonidou et Katsikeas (1996) ont suggr que les tapes des diffrents modles sinscrivant dans cette perspective se rsumaient essentiellement trois phases :
Le pr-engagement : firmes intresses seulement par le march national ; firmes envisageant srieusement dexporter ; firmes ayant dj export mais ne le faisant plus. La phase initiale : firmes impliques de faon irrgulire dans lexportation tout en ayant le potentiel pour tendre leurs activits ltranger. La phase avance : firmes exportant rgulirement avec une exprience tendue ltranger ; firmes envisageant dautres formes dengagement linternational.
Les modles concevant linternationalisation comme une innovation pour lentreprise demeurent cependant trs proches de lcole dUppsala dont ils conservent les deux grands principes (Khayat, 2004): implication graduelle des firmes et existence de la distance psychologique, surmonte par les connaissances acquises via lexprience sur les marchs trangers. Coviello et McAuley ont fait en 1999 le point des recherches inspires par ces deux modles. Ils constatent que si de nombreux travaux corroborent la thse de linternationalisation par tapes, dautres infirment au contraire cette approche et lui adressent plusieurs critiques. Les travaux plus rcents confirment cette attitude critique vis--vis de lide dun chemin dtermin que les PME devraient suivre pour sinternationaliser. Ces critiques sappuient sur lobservation empirique de contreexemples, certains sattachant plutt expliquer les comportements dviants observs, dautres allant jusqu dnier toute porte gnrale aux modles par tapes : Millington et Bayliss (1990, cit dans Pope, 2002) affirment ainsi que lapproche par tapes ne serait quune exception la rgle et ne peut simposer donc pas aux PME. McDougall et Oviatt (1994) observent que certaines entreprises sont internationales ds leur cration et proposent de distinguer deux modes dinternationalisation : lune par tapes et lautre demble. Ce type dentreprises serait de plus en plus frquent du fait des progrs et des baisses de cots dans les transports et les communications. Julien (1995) fait remarquer que le processus dapprentissage nest pas la seule faon daugmenter les exportations ou de les diversifier. Selon lui, certaines PME attaquent directement plusieurs marchs et pas ncessairement de proche en proche ; dautres simplantent directement par des filiales/succursales. Pour Fischer et Reuber (1997) les entreprises dont lquipe dirigeante dispose dj dune exprience internationale, seraient en mesure dviter certaines tapes intermdiaires. A lissue de leur tude portant sur la validit du modle de Cavusgil (1980), Gankema et al. (2000) concluent que le degr dinternationalisation des PME saccrot au cours du temps mais des rythmes trs variables. Ils observent aussi que certaines PME sautent des tapes intermdiaires. Dautres, par crainte de trop dpendre des marchs internationaux, interrompraient leur processus dinternationalisation avant davoir atteint la dernire tape. Pour Pett et Wolff (2000), certaines firmes, mme sans tre nes dj internationales, peuvent brler les tapes en passant, par exemple, de lexportation directe la cration dune filiale ltranger. Dautres choisiraient de rester au stade de lexportation.
Zucchella (2000, cit dans Allali, 2003) propose dexpliquer ces diffrences par le fait que les PME adopteraient des approches diffrentes (deux essentiellement) des marchs trangers : Une approche de proximit amenant les PME sintresser aux marchs culturellement et gographiquement proches dune manire squentielle et progressive favorisant lapprentissage. Une approche globale o les PME segmentent le march horizontalement afin de satisfaire des groupes restreints de clients indpendamment de lendroit o ils se trouvent.
Dans le mme ordre dide, Etrillard (2004) dplore labsence de prise en compte de la dimension entrepreneuriale dans les modles de description du processus dinternationalisation. Il constate sur le terrain que de plus en plus de PME sengagent linternational selon des processus quil nest plus possible dapprhender avec les modles traditionnels. Non loin de cet esprit, Torrs (2004) souligne que linternationalisation des entreprises se fait de plus en plus prcoce et que de trs petites entreprises exportent dans de nombreux pays lanne mme de leur cration ou en priode de dmarrage. Pour les dsigner, il reprend les appellations dInternational New Venture ou de Global Start-up. Les rsultats auxquels parviennent Gemser et al. (2004) montrent que la trajectoire dinternationalisation suivie par la majorit des entreprises observes est non seulement dtermine par lapprentissage comme le prconise la thorie par les tapes mais aussi par des facteurs spcifiques lentreprise et son secteur. Enfin, Boutary (2006) observe que si certaines PME se dveloppent trs progressivement ltranger, dautres semblent dfier les lois de lapprentissage et brlent les tapes pour travailler rapidement avec le monde entier. Lapproche par tapes a largement domin les thories de linternationalisation (Coviello et McAuley, 1999 ; Hutchinson et al., 2005). Cependant, lincapacit de cette approche expliquer certains comportements des PME linternational (Gemser et al., 2004 ; Coviello et McAuley, 1999 ; Hutchinson et al., 2005; Li et al., 2004) a ouvert la voie dautres approches, notamment lapproche conomique et lapproche par les rseaux. 1.2- Lapproche conomique Pour expliquer le dveloppement international des firmes, plusieurs auteurs se sont appuys sur des thories empruntes des sciences conomiques. Khayat (2004) rappelle quelques travaux dauteurs dont les contributions peuvent tre rattaches cette approche : Penrose (1959) avanait que lindivisibilit des ressources productives expliquait leur sous utilisation chronique et que les firmes trouvaient l un puissant mobile pour tendre leur march ltranger. Montgomery et Wernefelt (1991) gnralisent cette analyse en remarquant que certaines ressources sont spcifiques et ne peuvent tre employes que pour certaines activits. Inversement, certaines ressources dont doit disposer lentreprise peuvent tre critiques et influencer sa croissance et les marchs quelle peut pntrer : le manque de ressources
financires, physiques, le manque dopportunits et linsuffisance des capacits managriales peuvent limiter lactivit internationale des PME (Penrose, 1959 ; Madhok, 1997). Dautres auteurs comme Dunning (2000) et Buckley et Casson (1995) ont tent dexpliquer le processus dinternationalisation des PME travers les apports de la thorie des cots de transactions. Linternationalisation, notamment ses modes dentre, serait ainsi le rsultat dun choix de lentreprise entre internalisation et externalisation de ses activits. Une des limites de cette thorie tient cependant ce quelle ignore le rle influent des relations sociales dans les transactions (Gemser et al., 2004 ; Johanson et Mattson, 1988). Des tudes empiriques montrent en outre que dcisions des managers ne sappuient pas systmatiquement sur des arbitrages en termes de cots. 1.3- Lapproche par les rseaux Applique au processus dinternationalisation, lapproche par les rseaux trouve ses fondements dans la prolongation des travaux de lcole dUppsala. En effet, Johanson et Mattson (1988) et Johanson et Vahlne (1990), partir de leurs prcdents travaux, ont mis en avant limportance du rseau de lentreprise dans lexplication des motivations et modalits de linternationalisation. Reprenant les concepts utiliss dans leur modle original (engagement, connaissance, activits actuelles et prise de dcision) ils les examinent de faon multilatrale plutt que du seul point de vue de lentreprise : linternationalisation est vue comme un processus la fois intra- et inter-organisationnel. Linternationalisation est ds lors dfinie comme celle dun rseau se dveloppant travers les relations commerciales ralises avec dautres pays via les trois tapes dfinies par Johanson et Mattson (1988) : prolongation, pntration, et intgration. La prolongation est le premier pas effectu par les entreprises pour intgrer le rseau. Elle est accompagne par des investissements nouveaux pour la firme. La pntration est lie au dveloppement des ressources et des positions de lentreprise au sein du rseau. Lintgration consiste largir et coordonner ses rseaux nationaux. Dautres auteurs (Etemad, 2005 ; Coviello et Munro, 1997) insistent sur limportance des rseaux de contacts, formels et/ou informels, dans le processus dinternationalisation. Ce dernier se trouve dfini et facilit par les rseaux du fait quils permettent dinsrer et/ou de favoriser linsertion des PME dans des flux internationaux. Gemser et al. (2004) rsument que lapproche par les rseaux suggre que linternationalisation merge la suite de comportements influencs par une multitude de relations formelles et informelles. Les auteurs distinguent entre 2 formes possibles de linternationalisation :, en cavalier seul ou en coopration. Ils soulignent la prsence et limportance du dveloppement et de la gestion des rseaux dans les deux formes. Lapproche par les rseaux procure une nouvelle perspective dinterprtation du processus dinternationalisation de la firme, particulirement lorsquil sagit des petites firmes dont le dveloppement ne peut se comprendre sans tenir compte de son appartenance un rseau.
2- Vers une articulation des diffrentes approches Devant la diversit des approches thoriques tentant chacune dexpliquer le comportement dinternationalisation des PME, il nous parat important de trouver un cadre thorique gnral permettant dintgrer les apports de ces diffrentes approches tout en prenant en compte les spcificits du monde des PME (Khayat, 2004 ; Li et al., 2005). Pour ce faire, nous reviendrons brivement sur le concept de ressources et comptences, emprunt au management stratgique puis nous suggrons une relecture de ces approches autour de ce concept fdrateur. 2.1- Le concept de ressources et comptences Historiquement, ce sont les crits de Penrose (1959) qui marquent les origines de la notion de ressources et comptences. Depuis cette date, les auteurs se sont attachs dvelopper ensuite une thorie base sur les ressources. A ce sujet, Koenig (1999) distingue diffrents courants : lapproche fonde sur les ressources (Wernefelt, 1984 ; Barney, 1991), la thorie de comptences fondamentales (Prahalad et Hamel, 1990), la thorie des capacits dynamiques (Teece et al., 1997) et lcole volutionniste (Nelson et Winter, 1982). Wernefelt (1984) considre une ressource comme un actif tangible ou intangible appartenant lentreprise. Barney (1991) complte cette dfinition et considre les ressources et comptences comme tant lensemble des actifs permettant de saisir des occasions et de conjurer des menaces. Amit et Schoemaker (1993), quant eux, rsument les ressources et comptences comme le stock de facteurs disponibles, possds ou contrls par lentreprise. Toutes ces dfinitions tendent vers une mme ide selon laquelle les ressources de lentreprise sont ses actifs tangibles et intangibles et ses comptences sont lies sa capacit combiner ces ressources (Hbert, 2002 ; Julien, 2005). Toutes les ressources possdes par une entreprise ne lui confrent pas un avantage concurrentiel et des rentes durables (Amit et Schoemaker, 1993). Seules, les ressources dites stratgiques portent en elles cette potentialit. Une proportion importante des travaux a t consacre identifier leurs attributs. Wernefelt (1984) souligne que lavantage concurrentiel sobtient en sappropriant une ressource avant les concurrents. Amit et Schoemaker (1993) affirment que les ressources stratgiques sont rares, durables, idiosyncrasiques, difficiles transfrer et imiter. Koenig (1999) observe que la littrature met en relief quatre principaux attributs : la durabilit, la transparence imparfaite, la transfrabilit imparfaite et la reproductibilit imparfaite. Lutilisation de ce concept dans le contexte spcifique des PME ne pose pas de difficult. Il parat mme particulirement adapt ce type dentreprises dont les moyens sont perus comme restreints et limits (Julien, 2005). Le dirigeant est la source des choix fondamentaux oprs et qui concernent le plus souvent les ressources et les comptences qui permettent lentreprise de se diffrencier des ses concurrents. Il est donc particulirement sensibilis cette dimension de son entreprise.
2.2- Ressources et comptences, un concept fdrateur Il ne sagit pas ici de remettre en cause les approches thoriques avances pour expliquer le processus dinternationalisation mais bien de valoriser leurs apports en les situant les unes par rapport aux autres. Linternationalisation des PME apparat comme un processus complexe et relativement htrogne (Ageron, 2001 ; Bourcieu, 2006 ; Boutary, 2004) qui sera mieux expliqu si lon croise les apports des diffrentes approches thoriques. On peut dduire de ces approches quun ensemble de facteurs (capacits financires, matrielles, relationnelles, dapprentissage, etc.) interviennent des degrs diffrents, selon les contextes ou selon certains facteurs de contingence identifier. Le concept de ressources et comptences montre ici toute son utilit. Son caractre fdrateur provient sans doute de ce que le processus dinternationalisation ncessite la mise en place dun ensemble de ressources et de comptences qui touchent lensemble des composantes de lentreprise, quelles soient internes ou tournes vers son environnement. Le recours au concept de ressources et comptences offre un cadre favorable linterprtation des approches de linternationalisation des PME en expliquant notamment comment et pourquoi elles peuvent viter de suivre le cheminement strict prconis par lapproche par tapes. Celles qui disposent de connaissances suffisantes sur des marchs internationaux ou dune efficacit dassimilation et dapprentissage de ces connaissances peuvent brler les tapes intermdiaires (Gankema et al., 2000). Les ressources entrepreneuriales, financires et technologiques paraissent aussi particulirement importantes pour saisir les opportunits sur les marchs extrieurs (Dhanaraj et Beamish, 2003). Ainsi si le facteur explicatif central retenu par les approches par tapes est lapprentissage par lexprience (Penrose, 1959) qui permet de diminuer la distance psychologique des marchs extrieurs. Il sagit bien l dune ressource appartenant en propre lentreprise quelle doit apprendre matriser et capitaliser. Les connaissances acquises par lexprience sur les marchs trangers permettent lentreprise de sintresser de nouveaux pays-marchs dont la distance psychologique se trouve alors rduite. Lapproche conomique, quant elle, met plutt laccent sur les capacits organisationnelles (financires, matrielles, etc.) pour expliquer linternationalisation des entreprises. Ce sont alors les capacits de production, les capacits financires (rsultant de larbitrage entre internalisation et externalisation) qui expliqueraient linternationalisation. Suivant la logique du concept de ressources et comptences, ces capacits sont autant dactifs tangibles possds ou contrls par lentreprise (Amit et Schoemaker, 1993 ; Barney, 1991 ; Julien, 2005). Lapproche par les rseaux privilgie les relations avec lenvironnement comme facteur dominant pour lexplication de linternationalisation des entreprises. La possession par la PME de ressources hautement spcialises et transfrables (donc peu stratgiques) est importante pour exister dans le rseau (Vesalainen et al., 1999). Or, ces ressources ne peuvent tre pleinement exploites que si la PME dispose dune grande capacit de rseautage . Les PME ne disposant pas de cette capacit seraient amenes
sinternationaliser de faon incrmentale et progressive. Du point de vue du concept de ressources et comptences, les relations tisses dans le rseau peuvent tre considres comme des actifs intangibles voire comme des ressources relationnelles (Julien, 2005). Ces dveloppements montrent, notre sens, que toutes ces approches thoriques expliquant le processus dinternationalisation des PME sappuient de manire plus ou moins implicite sur la notion de ressources et comptences. Le processus dinternationalisation apparat alors comme le rsultat dune combinaison de diffrentes ressources et comptences dtenues ou contrles par la PME. Lentreprise, en fonction de ses caractristiques, peut construire cette combinaison dune faon volutive en sinternationalisant par tapes successives, comme elle peut la construire dune manire instantane et ponctuelle en sinternationalisant ds sa fondation, par exemple (Boutary, 2006). En outre, il faut souligner que ces ressources et comptences jouent un rle central aussi bien en amont quen aval de la dcision dinternationalisation. En amont, elles jouent le rle dantcdents internes lentreprise, agissant soit comme facteurs motivant (stimuli) soit comme facteurs freinant (barrires) la dcision dinternationalisation. En aval de la dcision dinternationalisation, ces ressources et comptences peuvent intervenir galement sous la forme de freins ou de stimuli (surtout internes) influenant cette fois-ci le rythme du processus dinternationalisation voire remettant en question la dcision dengagement linternational (choix daugmenter la prsence linternational, de diminuer ou bien darrter dfinitivement les oprations internationales). Aussi, elles pourraient tre vues comme des lments dterminant les diffrents choix auxquels se trouvent confrontes les PME internationales. Bien videmment, ces choix peuvent concerner aussi bien le niveau stratgique du processus dinternationalisation des PME (choix des stratgies de dveloppement, linternational, choix de la structure l'international, etc.) que le niveau tactique ou oprationnel.
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Conclusion Ce travail conceptuel nous a permis de prendre la mesure de la nature complexe du processus dinternationalisation des PME. Cette complexit se traduit, entre autres, par la diversit des approches dcrivant ce processus, trois principalement : lapproche par tapes, par les rseaux et par lconomie. Chacune apporte un clairage original mais partiel sur ce processus. Notre ambition dans cet article tait de runir ces apports dans un cadre thorique cohrent et structur. Le concept de ressources et comptences, couramment employ en management stratgique, nous est apparu comme un lment fdrateur dans le sens o les apports des trois approches peuvent sy inscrire de manire assez convaincante. Un tel travail peut paratre, au premier abord, purement acadmique mais il offre de nombreuses retombes autant pour les chercheurs que pour les dirigeants de PME et leurs conseillers. Sur le plan thorique, le principal apport de notre dmarche concerne la relecture autour du concept de ressources et comptences du processus dinternationalisation des PME. Cette relecture permet dintgrer lensemble des apports des approches antrieures afin de mieux rendre compte de la diversit des processus dinternationalisation des PME. Cet essai montre aussi que le management stratgique, considr souvent comme rserv aux plus grandes firmes, peut offrir des concepts utiles pour lanalyse des PME. Pour les praticiens, dirigeants des PME ou conseillers, cette relecture de linternationalisation des PME en termes de ressources et comptences a pour principal avantage doffrir une simplification et une clarification des approches et des prceptes qui en dcoulent. Mieux comprendre ces processus et resituer les expriences trs diverses qui peuvent tre observes, facilite la prise de dcision linternational et relativise les prconisations dcoulant de chaque approche. Notre proposition remet les ressources et les comptences au cur de lanalyse des PME. Elle touche peut-tre l une des caractristiques essentielles de ces entreprises qui sont si sensibles aux limites que leurs dimensions modestes leur imposent.
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