Comprendre / Dossiers / Physique le 08/01/2005

Antimatire vous avez dit Antimatire ?

Le mot "antimatire" est entour d'une certaine aura de mystre, et suscite bon nombre de questions aux curieux des sciences. Nous allons d'abord dfinir ce qu'est l'antimatire, prsenter quelques-unes de ses proprits importantes, puis nous intresser aux processus qui lui donnent naissance. Nous insisterons sur le fait que l'existence de l'antimatire n'est plus prouver, on en dtecte, on en fabrique, on en stocke, on en utilise mme, par exemple en imagerie mdicale. Ensuite, nous prsenterons les diffrentes observations par lesquelles on dtecte de l'antimatire dans notre galaxie, en indiquant les processus qui sont responsables de sa cration. Puis nous verrons que l'antimatire joue un rle important dans les discussions portant sur la cosmologie. En particulier, la question de l'asymtrie matireantimatire (pourquoi l'Univers contient-il principalement de la matire et si peu d'antimatire ?) est lie des questions importantes de physique fondamentale.

Le ciel en rayons gamma (vu par EGRET). Cette carte pourrait contenir des informations sur la prsence d'antimatire dans notre galaxie..." Nasa

Enfin, nous prsenterons quelques points plus spculatifs sur de potentielles sources non conventionnelles d'antimatire dans l'Univers, vaporation de mini trous noirs et annihilation de matire noire, ainsi que les perspectives lies leur mise en vidence exprimentale.

Sommaire
1 2 3 4 5 6 7 8 C'est quoi l'antimatire ? La cration d'antimatire. O peut-on trouver de l'antimatire sur Terre ? L'antimatire dans notre Galaxie (1) L'antimatire dans notre Galaxie (2) L'antimatire en cosmologie Le moment de spculer Pour conclure

1) C'est quoi l'antimatire ?

La structure de la matire La matire qui nous entoure est constitue d'atomes et de molcules, euxmmes constitus d'lectrons et de noyaux atomiques. Ces noyaux atomiques sont eux-mmes constitus de protons et de neutrons (on les appelle des nuclons). On pourrait pousser un cran plus loin ce petit jeu de dcomposition, car on sait maintenant que les nuclons sont constitus de quarks. Ceci n'est pas crucial dans ce qui va suivre, et on va dcrire la matire en termes de nuclons et d'lectrons, sans se soucier de la structure interne des nuclons. Ce sont des particules charges, et on attribue conventionnellement une charge ngative l'lectron. On connait aussi d'autres particules, comme les neutrinos, les muons, les taus, etc... qui ne sont pas prsents dans la matire qui nous entoure. Ces particules peuvent interagir entre elles. Que veut dire ce terme ? On est familier avec le fait que des charges lectriques se repoussent si elles sont de mme signe alors qu'elles s'attirent si elles sont de signes opposs. Ce sont deux faons qu'ont les particules d'interagir, s'attirer ou se repousser, mais ce ne sont pas les seules. On sait maintenant que les particules peuvent aussi se transformer les unes en les autres, par exemple un muon peut se transformer en lectron en mettant un neutrino et un antineutrino. Au niveau thorique, les interactions ont d'abord t dcrites par l'lectromagntisme classique, puis par des thories plus labores qui incorporent des lments de physique quantique et de relativit restreinte. On les appelle thories quantiques des champs. Historiquement, la mise en place et la comprhension de ces thories ont t longues et douloureuses. Par exemple, les premires versions des thories quantiques des champs faisaient apparatre des problmes thoriques normes et des incohrences graves. L'antimatire : rien de mystrieux

- Une invention thorique : En 1928, Paul Dirac montre que certains de ces problmes sont rsolus si on dcrit l'lectron comme une particule plus complexe qu'il n'y parat, en lui associant une autre particule, semblable en tout point l'lectron mais avec une charge lectrique oppose. Dirac commence par supposer que cette autre particule pourrait tre le proton, ce qui aurait t assez joli, puisque les deux particules charges qui composent la matire auraient en fait t deux facettes d'un mme objet.

Traces laisses par le passage de particules dans un dtecteur. Les deux traces de courbures opposes et issues du mme point indiquent l'apparition d'une paire lectronpositron."

- Une dcouverte exprimentale : En 1932, une nouvelle particule ayant la mme masse que l'lectron mais une charge oppose est dcouverte par Anderson parmi les particules qu'on trouve dans l'atmosphre (on les appelle les rayons cosmiques, voir plus bas), c'est le positron, la particule prdite par la thorie de Dirac. La premire

particule d'antimatire venait d'tre dcouverte. - Une proprit gnrale : Pour tous les types de particules, il y a un type d'antiparticule correspondant. Il y a des antiprotons, des antilectrons (les positrons), des antineutrons (mme s'ils sont neutres, ils ont des antiparticules, faites d'antiquarks). Certaines particules sont leurs propres antiparticules, comme les photons (cette proprit des photons a des consquences importantes, nous verrons plus loin qu'elle rend difficile la dtection d'hypothtiques objets faits d'antimatire). - Une proprit tonnante : Les antiparticules n'ont pas grand chose d'extraordinaire, elles ressemblent beaucoup aux particules usuelles mais elles ont des charges opposes. La proprit qui fait qu'on les qualifie parfois de mystrieuses, et qui leur vaut leur prfixe "anti", est la suivante : quand une particule rencontre l'antiparticule qui lui correspond, une raction peut avoir lieu, qui conduit l'annihilation des deux, c'est-dire leur disparition, avec apparition d'autres particules, souvent des photons de haute nergie, plus prcisment des rayons (prononcer gamma). Pour cette raison, l'antimatire est trs instable dans notre environnement fait de matire, et il n'est pas question de la mettre en bouteille (une antibouteille conviendrait, mais alors pas question de la poser sur une table..). Quand une annihilation lectron-positron se produit, il peut se crer 3 photons, ou une paire de photons. Ce dernier cas est le plus probable, et les photons produits ont alors une proprit remarquable : ils ont une nergie bien dtermine de 511 keV (le keV et un multiple de l'lectron-volt eV, 1 keV=1000 eV, une unit utilise trs couramment en physique des hautes nergies. La correspondance avec des units usuelles est donne par 1 eV = 10 -19s Joule), et sont mis dans des directions exactement opposes (vues du centre de masse de la paire lectron-positron).

Un PETscann mdical

- Rien de mystrieux : Depuis les annes 1930, la situation exprimentale a volu, bien sr, et l'antimatire est maintenant quelque chose d'assez ordinaire, on arrive en produire et en stocker, manipuler des positrons et des antiprotons, les assembler en des antiatomes d'hydrogne (par exemple, voir les expriences ATHENA et ATRAP, au CERN), on en observe dans l'atmosphre, on en capture dans des dtecteurs, on en dtecte de manire indirecte dans la Galaxie. On a mme russi trouver des usages l'antimatire, la plus importante en pratique tant sans doute l'utilisation de la raie d'annihilation en imagerie mdicale, dans les scanners tomographie par mission de positrons (PETscann), mais on songe aussi des applications thrapeutiques, par exemple utiliser les antiprotons pour traiter les tumeurs cancreuses.

Une image du cerveau obtenue par IRM et par la tomographie mission de positrons

Des utilisations pour stocker de l'nergie ou crer de nouvelles armes ont aussi t envisages mais il semble que ces perspectives soient encore lointaines. On peut trouver une vision probablement assez raliste de ce type d'utilisation dans le roman de sciencefiction de Peter W. Hamilton intitul "L'aube de la nuit". Ceci dit, en gnral les auteurs de science-fiction font souvent appel l'antimatire comme ressource-miracle, de manire assez peu modre... Nous allons ici nous concentrer sur un usage tout autre : tirer de cette antimatire le maximum d'information sur les lois de la physique et sur notre Univers ! Nous allons dans ce dossier nous attarder sur les aspects relis plus directement l'astrophysique.

2) La cration d'antimatire
Comment de l'antimatire peut-elle tre produite ? Il y a principalement deux phnomnes physiques qui conduisent la production d'antimatire : A - La radioactivit + La radioactivit dsigne l'ensemble des processus par lesquels un noyau atomique peut se transformer en un autre, en mettant des particules. Il y a plusieurs types de radioactivit, qu'on classe selon le type de particule mise : - radioactivit alpha : mission de deux neutrons et deux protons sous forme d'un noyau d'Hlium. - radioactivit gamma : mission d'un photon de haute nergie. - radioactivit - : mission d'un lectron (et d'un antineutrino). Ceci concerne les noyaux riches en neutrons. - radioactivit + : mission d'un positron (et d'un neutrino). Ceci concerne les noyaux riches en protons. De l'antimatire (des positrons) est donc cre chaque fois que les noyaux sensibles la radioactivit + se dsintgrent. B - Les collisions de haute nergie

Cration d'une paire lectron-positron par conversion de l'nergie d'un photon incident.

Lorsqu'une particule subit un choc avec une autre particule, une partie de l'nergie du choc peut se convertir en masse, c'est un des contenus de la fameuse formule E=mc 2. Cette masse : ce sont des particules et des antiparticules, qui peuvent tre mises dans des directions diffrentes, si bien qu'elles ne se r-annihilent pas sitt formes. Pour que cela puisse se produire, il faut que l'nergie mise en jeu lors de ce choc soit suprieure l'nergie de masse des particules/antiparticules cres. Il faut donc beaucoup moins d'nergie pour crer une paire lectron-positron qu'une paire proton-antiproton, la premire ayant une masse environ 2000 fois plus faible que la seconde. En pratique, ce sont uniquement les phnomnes extrmement violents qui permettent une telle cration d'antimatire.

Cration de particules et antiparticules par collision d'un proton sur un proton au repos.

Notons que chaque fois qu'une anti-particule est produite, une particule "normale" doit l'tre aussi, c'est une des lois fondamentales de la physique. Notons aussi qu'il existe d'autres processus plus spculatifs, nous y reviendrons quand viendra le moment de spculer.

3) O peut-on trouver de l'antimatire sur Terre ?

Ce qui nous entoure sur Terre est fait presque exclusivement de matire. Dit autrement, la quantit d'antimatire qu'on y trouve est extrmement faible. On le sait car la coexistence des deux conduirait des annihilations violentes que l'on dtecterait. Vous avez not le "presque", et en effet, nous avons vu plus haut que les positrons avaient t dcouverts dans l'atmosphre, ce qui signifie qu'au moins une petite quantit d'antimatire existe l'tat naturel autour de nous. Les processus permettant de crer de l'antimatire que nous avons dcrits la page prcdente sont l'uvre sur Terre. Quand de l'antimatire est cre, elle ne disparait pas instantanment, car il lui faut le temps de trouver une particule avec laquelle s'annihiler. Il est donc possible de dtecter les antiparticules qui ne se sont pas encore annihiles. C'tait le cas des positrons dcouverts par Anderson en 1932. On peut citer deux sources d'antimatire au niveau de la Terre : la radioactivit naturelle et les rayons cosmiques. Les rayons cosmiques

L'espace autour de la Terre contient des particules charges de haute nergie (jusqu' 10 20eV, la contribution la plus importante venant de ceux qui ont une nergie de quelques GeV, o 1 GeV vaut un milliard d'lectron-volts, voir page prcdente pour la dfinition), qui ont probablement t acclres dans la Galaxie (par les ondes de choc cres lors des explosions de supernovae). On appelle ces particules, des rayons cosmiques, et on sait maintenant que ce sont principalement des protons. Quand ils arrivent au niveau de l'atmosphre terrestre, ils rencontrent les noyaux qui la composent et des ractions de haute nergie peuvent avoir lieu. Parmi les produits de ces ractions, on trouve des positrons (voir page prcdente). Notons que c'est l l'origine des premiers positrons dcouverts par Anderson.

Les rayons cosmiques peuvent crer des particules (dont de l'antimatire) quand ils arrivent dans l'atmosphre.

La radioactivit naturelle Nous avons vu prcdemment que certains isotopes radioactifs peuvent mettre des positrons, par radioactivit +. Ces isotopes existent-ils l'tat naturel ? La roche terrestre en contient de faon naturelle extrmement peu. En effet, les noyaux qui la composent sont vieux d'au moins 4,5 milliards d'annes, et il se trouve que les noyaux ayant des temps de vie aussi longs se dsintgrent d'une autre manire

(radioactivit alpha). Par contre, lors des ractions induites par le bombardement de l'atmosphre par les rayons cosmiques, des noyaux radioactifs sont produits, et parmi ceux-ci certains sont instables par radioactivit + (sodium 22, demi-temps de vie 2,6 ans), si bien que notre environnement naturel en contient.

Les ractions induites par la collision du proton cosmique sur les noyaux de l'atmosphre peuvent produire des espces radioactives ( 14 C, 22 Na) dont certaines (le 22 Na notamment) peuvent se dsintgrer par radioactivit +

4) L'antimatire dans notre Galaxie (1)

Les processus qui conduisent la prsence d'antimatire sur Terre sont aussi l'uvre dans la Galaxie, et on en dtecte effectivement dans l'espace. Comment dtecte-t-on l'antimatire ? A - Dtecter l'antimatire Plusieurs mthodes sont utilises :

- Dtection directe des antiparticules : on les laisse passer dans un dispositif qui enregistre leur trace et en dduit leur masse et leur charge. Plusieurs satellites et missions en ballon ont mesur de cette faon le flux d'antiprotons qui arrive de l'espace au niveau du haut de l'atmosphre terrestre. En particulier, la mission BESS (ballon, image ci-dessus) et le vol test du dtecteur spatial AMS ont fourni de bonnes mesures de ce flux des nergies voisines du GeV.

De plus, le dtecteur AMS (image ci-dessus) serait capable de dtecter des anti-atomes plus lourds s'il en existe en quantit suffisante au voisinage de la Terre. - Dtection indirecte via la raie d'annihilation positron-lectron : on peut citer le dernier en date, l'instrument SPI embarqu sur la mission satellite INTEGRAL (image cidessous) dont c'est un des points forts.

Alors, que dtecte-t-on de cette manire ? Essentiellement des antinoyaux et des antilectrons. Examinons ces deux cas sparment. B - Les antiprotons et les antinoyaux - Les rayons cosmiques

Distribution de l'hydrogne dans notre Galaxie

L'espace entre les toiles n'est pas tout fait vide. On y trouve du gaz (principalement de l'hydrogne) de faible densit, et aussi des particules de trs grande nergie, qui constituent ce qu'on appelle les rayons cosmiques. La composition de ces rayons cosmiques est trs riche, on y trouve des lectrons et une grande varit de noyaux atomiques. Ils contiennent aussi une petite fraction d'antiparticules, essentiellement des antiprotons (1 antiproton pour 10 000 protons environ) ! Ils sont produits lors des chocs entre les particules des rayons cosmiques et les noyaux du gaz interstellaire (on appelle ces chocs des spallations), exactement de la mme faon que les particules des rayons cosmiques peuvent crer des antiparticules quand elles viennent taper sur le gaz qui constitue l'atmosphre.

Zoom sur une onde de choc cre par l'interaction entre l'enveloppe en expansion d'une supernova et le gaz interstellaire au repos.

Le milieu interstellaire tant somme toute assez tnu, ces antiparticules cosmiques peuvent se propager assez longtemps dans la Galaxie sans rencontrer de matire, et parcourir plusieurs milliers d'annes-lumire. Ceci explique qu'on en dtecte au voisinage de la Terre ou en haut de l'atmosphre (par exemple par AMS et BESS, voir plus haut). Cette composante d'antimatire est assez bien comprise. On connat assez bien la distribution de gaz dans la Galaxie, on connat aussi assez bien la distribution de rayons cosmiques dans la Galaxie, et enfin on connat assez bien les ractions qui peuvent survenir lors des chocs. En collant ces trois morceaux, on peut calculer la quantit d'antiprotons qui devraient tre prsents dans les rayons cosmiques, et il se trouve que quand on fait la mesure, on trouve un rsultat tout fait compatible avec ce qu'on avait calcul. Il faut noter aussi qu'en plus des antiprotons, les ractions de choc peuvent en principe crer des noyaux plus complexes, comme des antideutrons (antineutron+antiproton), des anti-noyaux d'hlium, des anti-noyaux de carbone, etc... Dans la pratique, la probabilit d'un tel vnement dcrot quand on va vers les noyaux plus lourds, et les seuls noyaux que ce processus de spallation produit en quantit apprciable (que l'on peut esprer dtecter) sont les antiprotons et les antideutrons. - Les anti-toiles Nous avons dit plus haut que la Terre et son environnement sont essentiellement constitus de matire... Qu'en sait-on au juste ? La lune est faite de matire aussi, sinon l'alunissage du premier module lunaire aurait donn lieu un fantastique dgagement d'nergie, commenant par la vaporisation des astronautes... Le Soleil est fait de matire, ce sont des particules qui nous arrivent, transportes par le vent solaire, et pas des antiparticules... En fait, nous avons de fortes raisons de penser que les toiles qui composent une Galaxie sont toutes faites du mme type de matire. Si ce n'tait pas le cas, il y aurait des ractions entre le vent stellaire mis par les antitoiles et le gaz interstellaire, et on dtecterait le rayonnement issu de ces ractions. Pour la mme raison, il est trs vraisemblable que les galaxies d'un mme amas soient faites du mme type de matire. On peut appliquer cet argument pour tous les objets qui sont relis d'autres par du gaz. Toutefois, il a t propos que l'Univers contienne globalement autant de matire que d'antimatire (nous verrons plus loin que cela pourrait tre envisag dans certains

scnarios cosmologiques). Il serait alors constitu de vastes amas de galaxies, et d'autres amas d'antigalaxies, qui seraient entirement faites d'anti-toiles...

A gauche, une toile ; droite une anti-toile... La lumire qui nous proviendrait de ces dernires serait exactement similaire celle provenant des toiles !

A quoi ressembleraient ces anti-toiles ? Elles seraient trs similaires aux toiles et on ne pourrait pas les diffrencier des toiles de par leur apparence. En effet, ce qu'on observe des toiles, des galaxies, c'est la lumire qu'elles mettent. Des anti-toiles mettraient des antiphotons... qui sont les mmes particules que les photons ! Elles brilleraient donc de la mme faon, et si la physique de l'antimatire est la mme que la physique de la matire, comme les thories actuelles le laissent penser, mais aussi comme des expriences rcentes essaient de le montrer (par exemple les expriences ATHENA et ATRAP mentionnes plus haut), alors on ne peut pas distinguer une anti-toile d'une toile simplement en les observant ! Une preuve trs solide de l'existence d'anti-toiles serait la dtection d'antinoyaux d'hlium, qui auraient t synthtiss par un processus similaire celui qui cre des noyaux d'hlium dans les toiles ordinaires, par fusion de l'antihydrogne, car on ne connait pas d'autre processus assez efficace pour crer de l'anti -hlium. Toutefois, l'espoir est mince, car il est vraisemblable que ces anti-toiles, si elles existent, soient de toutes faons trop loignes de nous.

5) L'antimatire dans notre Galaxie (2)

A - Les positrons Notre galaxie contient des positrons, qu'on observe de manire directe comme les antiprotons, mais aussi de manire indirecte, par la radiation qu'ils mettent en s'annihilant avec les lectrons. En effet, cette radiation a une nergie bien dtermine (511 keV), ce qui la rend trs caractristique. On peut ainsi cartographier, dans le ciel, la quantit de positrons dans la galaxie. Les positrons ne peuvent pas voyager trs loin de l'endroit o ils sont crs (d'une part car ils sont pigs par les champs magntiques, et d'autre part car ils s'annihilent), et ce qu'on cartographie n'est pas trs loign de la position des sources de positrons.

Le satellite CGRO, avec son bord les modules OSSE, EGRET, BATSE et COMPTEL.

Voici les cartes de l'intensit de cette radiation d'annihilation que l'on a observe. A gauche (cliquer dessus pour le lien vers Astronomy Picture of the Day), celle qui rsulte de l'analyse des 9 ans d'observations du module OSSE (Oriented Scintillation Spectrometer Experiment) sur le satellite CGRO. A droite, celle provenant de 6 mois d'observations du module SPI sur le satellite INTEGRAL.

Carte de la distribution de radiation d'annihilation lectron-positron dans la galaxie, prise par OSSE

On voit sur la premire image un gros point central, deux bras latraux (dirigs le long du plan galactique) et une "chemine verticale". Ces excroissances ont t beaucoup discutes. On pourrait penser, premire vue, que les bras latraux sont relis la prsence dans le disque d'lments radioactifs par +. Nous allons voir tout de suite qu'il n'en est rien. En fait, nous n'allons pas beaucoup commenter cette image, pour la raison suivante : OSSE n'tait pas un imageur, et l'image prsente ici a t obtenue aprs un traitement des donnes sans doute trop optimiste. On notera que l'image d'OSSE semble, l'il, plus fine que celle d'INTEGRAL, alors que la rsolution spatiale de ce dernier est en ralit beaucoup plus fine ! Le satellite INTEGRAL, avec ses rsolutions spatiale et spectrale bien meilleures, n'a observ que l'mission centrale, et nous n'allons concentrer la discussion sur ce point.

Image obtenue par INTEGRAL. Cette carte et celle du-dessus, sont centres sur le centre Galactique, et sont reprsentes la mme chelle.

Les processus qui conduisent l'mission de positrons dans la Galaxie sont encore une fois les mmes que ceux dcrits dans les pages prcdentes : des dsintgrations radioactives et les phnomnes de haute nergie. B - Les dsintgrations radioactives

Des lments radioactifs sont crs dans la Galaxie chaque fois qu'une supernova explose. Ils se dsintgrent ensuite et ceux d'entre eux qui subissent la radioactivit + mettent des positrons. Un excellent exemple de ce phnomne est fourni par l'isotope Al 26s de l'aluminium. Sa dsintgration produit aussi un rayonnement gamma d'nergie trs caractristique, ce qui fait qu'on peut cartographier cet lment dans le ciel (c'est ce qu'ont fait le satellite COMPTEL, lui aussi bord de CGRO, l'Observatoire Rayons Gamma Compton, puis plus rcemment le satellite INTEGRAL). La figure ci-contre montre une telle carte de la distribution de l'Aluminium 26 dans notre galaxie, telle qu'observe par COMPTEL. Comme on le voit sur cette carte, ces sources de positrons sont concentres dans le disque galactique. Ceci pourrait a priori expliquer la composante allonge dans le disque de la carte de positrons obtenue par OSSE, mais si c'tait le cas on devrait observer une distribution de positrons plus tendue le long du disque : la distribution des noyaux radioactifs s'tend sur presque 90 degrs de chaque ct du disque. Pour trancher le problme, il faudra attendre qu'INTEGRAL accumule

suffisamment de donnes pour dtecter et mesurer son tour cette composante de disque. C - Les phnomnes de haute nergie Des positrons peuvent aussi tre produits par des phnomnes de haute nergie. Par exemple, les collisions des rayons cosmiques sur le gaz interstellaire produit aussi des positrons. Mais ce n'est pas tout : comme le positron est environ 2000 fois plus lger que l'antiproton, il se produit beaucoup plus facilement, et les phnomnes nergtiques qui ont lieu par exemple la surface de notre Soleil (et donc aussi dans les vnements encore plus nergtiques, comme au voisinage des pulsars par exemple) suffisent les produire.

Eruption solaire vue dans l'ultraviolet par Soho, le 21 mars 2003. L'image de gauche reprsente un zoom, avec la Terre l'chelle. Lors de ces ruptions, des paires lectron-positron sont produites. Une ruption de juillet 2002 a ainsi produit 500 grammes de positrons. La quantit d'nergie libre par l'annihilation de ces positrons suffirait pourvoir en nergie la France pendant plusieurs jours..

D - Les positrons des rayons cosmiques et l'excs observ par HEAT Les rayons cosmiques contiennent aussi des positrons. Leur distribution en nergie a t mesure plusieurs fois, en particulier par HEAT-PBAR. Le rsultat est surprenant : il apparat un excs de positrons autour d'une nergie de quelques GeV. Par excs, il faut entendre que l'on comprend assez bien la distribution en nergie des positrons des rayons cosmiques, sauf aux nergies voisines de quelques GeV, pour lesquelles les modles donnent des quantits infrieures celles qui sont observes. Diffrentes hypothses ont t proposes dans la communaut scientifique pour expliquer cet excs, mais aucune n'est compltement satisfaisante. Cette question est toujours en suspens. E - Les positrons du centre galactique Les deux mcanismes que nous venons de dcrire ne permettent pas d'expliquer la majeure partie des annihilations observes au centre de la Galaxie. Le point central dans la carte INTEGRAL ci-dessus correspond environ 10 43 annihilations/seconde, soit

l'annihilation de 10 milliards de tonnes de positrons par seconde ! Le rayonnement d'annihilation a de plus quelques proprits intressantes. Pour commencer, la raie est fine, ce qui implique que l'mission se fait dans un environnement astrophysique relativement calme. Ensuite, en tudiant plus prcisment la raie d'annihilation 511 keV, on peut montrer que l'annihilation se fait entre des lectrons et positrons ayant de trs faibles vitesses relatives (ils forment une association stable appele positronium). En effet on observe qu'une partie des annihilations donne lieu l'mission de 3 photons, ce qui n'est possible que s'il y a formation de ce positronium. Passons maintenant en revue quelques-uns des mcanismes qui ont t envisags pour expliquer cet excs.

Les supernovae peuvent crer des lments radioactifs

- Les nov (explosions thermonuclaires ayant lieu la surface de naines blanches accrtant de la masse d'un compagnon) crent du 22Na, qui se dsintgre par radioactivit +. On pourrait imaginer que le centre galactique contienne une quantit importante de ces nov. Cette hypothse n'est pas satisfaisante, car cette dsintgration s'accompagne, dans le cas de cet lment particulier, d'une raie gamma caractristique 275 keV. Or le centre galactique ne montre pas d'excs dans cette longueur d'onde... - Les supernov de type Ia synthtisent du 56Co qui se dsintgre par radioactivit +. Ce scnario pose problme aussi car seul un faible pourcentage des positrons ainsi crs peuvent s'chapper de l'enveloppe des supernovae et l'mission d'annihilation devrait tre en grande partie rabsorbe par ces supernov. De plus, le centre galactique semble contenir peu de supernov. - Les hypernov (des supernovae d'un type particulier, rsultant de l'effondrement d'toiles trs massives) pourraient aussi produire l'lment 56sCo. - Le plasma qui entoure les sources compactes (comme les micro-quasars) doit crer des paires lectron-positron, et on pourrait imaginer que le centre galactique contienne un

nombre important de ces objets. Le problme ici, c'est que la raie d'annihilation 511 keV n'a encore jamais t vue dans les sources compactes, et on peut mettre en doute les prdictions thoriques correspondantes. Le fait que l'mission se fasse par formation de positronium est important. De deux choses l'une, ou bien les positrons sont crs avec une faible vitesse ( basse nergie donc), ce qui exclut les phnomnes violents qu'on vient de dcrire, ou bien ils ont t crs haute nergie, mais dans ce cas il reste expliquer pourquoi on n'observe pas le rayonnement qui devrait accompagner leur ralentissement ! On le voit, cette observation d'INTEGRAL pose un problme important. Nous reviendrons la fin sur une explication possible (mais plus spculative) en terme de matire noire.

6) L'antimatire en cosmologie
Ce chapitre est un peu plus avanc que les prcdents et s'adresse au lecteur dsireux d'aller un peu plus loin... Nous avons dit plus haut que les ractions qui crent de l'antimatire crent en mme temps de la matire. Comment comprendre alors que nous vivions dans un Univers apparemment constitu presque exclusivement de matire ? Pour apporter des lments de rponse cette question, il faut aller faire un tour du ct du Big-Bang. Petit dtour donc... A - Le modle du Big-Bang en deux mots Un grand nombre d'observations astronomiques indiquent que nous vivons dans un Univers en expansion. Cela signifie que dans le pass, il tait plus dense qu'aujourd'hui. Cela signifie aussi qu'il tait plus chaud. En extrapolant cette remarque dans le pass, on arrive l'ide que la matire devait tre, dans le pass, dans un tat extrmement dense et chaud. C'est le modle du Big-Bang. Pour raconter l'histoire de l'Univers dans l'ordre chronologique, on prend comme point de dpart un tat si chaud et si dense que les quarks ne sont pas lis ensemble dans des noyaux, mais forment une mer quarks-gluons. L'Univers s'expand, se refroidit, et plusieurs choses se passent... Tout d'abord, les quarks se condensent pour former les premiers nuclons, protons et neutrons. Manque de chance, le neutron est instable, et se dsintgre en proton au bout de quelques minutes, voire moins dans des environnements trs denses... Heureusement, l'histoire est en marche rapide ce moment-l, et avant que tous les neutrons ne se soient dsintgrs, la temprature devient suffisamment faible pour qu'ils puissent se recombiner avec des protons pour former des noyaux plus complexes, deutrium, hlium, lithium, bryllium, bore, c'est la nuclosynthse primordiale. Enfin, ces noyaux se lient aux lectrons partout prsents pour former des atomes. A ce moment prcis, l'Univers devient transparent la radiation qu'il contient, celle-ci peut se propager librement et nous l'observons encore maintenant sous la forme de rayonnement de fond cosmologique. B- L'asymtrie matire-antimatire Un des problmes soulevs par ce scnario est celui de l'asymtrie matire-antimatire. Les interactions dcrites par le modle standard de la physique des particules conservent le nombre baryonique, c'est- dire qu'autant de baryons sont crs que d'antibaryons (les baryons se sont les particules "lourdes", comme les neutrons ou les protons)... Si au "dbut" il y autant de baryons que d'antibaryons, cette situation va perdurer tout le temps. La situation la plus naturelle serait donc la suivante : une quantit gale

de baryons et d'antibaryons est prsente, la plupart de ces particules s'annihilent assez tt, sauf quelques particules de-ci de-l qui ont chapp la bataille... Nous vivrions dans un endroit o le hasard a fait que ce sont des baryons qui ont survcu, il y aurait d'autres endroits o des antibaryons auraient survcu. Toutefois, quantitativement, ce scnario pose problme, car d'une part on peut montrer que la quantit de baryons survivante serait beaucoup plus faible que celle qu'on observe, et d'autre part si des rgions de l'Univers qui contiennent surtout de la matire jouxtent des rgions dans lesquelles c'est l'antimatire qui domine, on devrait observer d'importantes annihilations leurs frontires. On peut quand mme essayer de voir les antibaryons qui auraient survcu si cette hypothse est juste, et nous avons mentionn plus haut la possibilit de dtecter des antinoyaux d'hlium venant d'hypothtiques anti-toiles.

Andrei Sakharov (1921-1989)

Si maintenant l'Univers contient effectivement plus de matire que d'antimatire, de deux choses l'une : ou bien ds le dpart l'Univers contient plus de baryons que d'antibaryons, ou bien non, mais il y a eu cration nette de baryons un moment donn de l'histoire de l'Univers. La premire possibilit ne satisfait pas les cosmologistes, qui veulent comprendre l'Univers en faisant le minimum d'hypothses a priori sur l'"tat initial". Nous allons discuter un peu plus avant la seconde possibilit. L'asymtrie matire-antimatire serait gnre lors du Big-Bang, lors de la cration mme des baryons (de la premire la seconde case dans le dessin suivant, dans lequel les boules noires reprsentent les prcurseurs de baryons, quoi qu'ils soient, les boules bleues reprsentent l'antimatire et les boules oranges la matire). Aprs annihilations mutuelles, il ne reste quasiment que l'excs de matire (de la deuxime la troisime case).

Sakharov a montr en 1967 que trois conditions devaient tre runies un moment donn de l'histoire de l'Univers pour expliquer l'apparition d'une asymtrie matire/antimatire lors de la premire tape. - Ractions violant la conservation du nombre baryonique, c'est--dire privilgiant la cration de baryons sur celle d'antibaryons : sinon bien sr en partant d'une situation symtrique on arrive une situation tout aussi symtrique.

Des reactions conservant le nombre baryonique ne peuvent pas crer plus de matire qued'antimatiere.

Des ractions violant la conservation du nombre baryonique le peuvent.

- Violation des symtries C et CP. C'est la faon technique de dire que parmi les ractions prcdentes ne conservant pas le nombre baryonique, il ne doit pas y en avoir autant qui crent des baryons que de ractions qui crent des antibaryons. Dit autrement, si la symtrie CP est respecte, les ractions qui crent des baryons (et donc violent B) seraient compenses par les ractions similaires qui crent des antibaryons (et donc violent aussi B) et globalement on ne serait pas plus avanc ! En reprenant les dessins introduits plus haut, les deux ractions suivantes ne doivent pas avoir les mmes proprits.

- Rupture de l'quilibre thermodynamique. Sinon les ractions qui crent des baryons sont exactement compenses par les ractions qui les dtruisent (rversibilit des taux de raction l'quilibre thermodynamique). Les deux ractions suivantes ne doivent pas se faire la mme vitesse.

Qu'en est-il de ces trois conditions dans le modle standard de la physique des particules ? - Dans le modle standard, la violation de B est prsente, un niveau extrmement faible aux nergies courantes ou mme celles des acclrateurs, mais un niveau apprciables dans l'Univers primordial. - La violation de C et CP voque ici est observe dans les ractions de physique des particules, mais un niveau trop faible pour jouer un rle notable dans ce contexte. - La troisime condition semble facilement remplie, car l'expansion de l'Univers tend rompre l'quilibre thermodynamique. En fait il s'avre que l'expansion est trop lente pour rompre l'quilibre thermodynamique de faon assez efficace pour satisfaire la troisime condition. Par contre, l'Univers subit au cours de son histoire une transition de phase pendant laquelle l'quilibre thermodynamique est violemment rompu. Les tudes dtailles montrent que le modle standard ne permet pas d'expliquer l'asymtrie matire/antimatire dans l'Univers. Les cosmologistes et physiciens thoriciens se penchent vers des extensions de ce modle standard, comme les thories de Grande Unification ou la supersymtrie. Il se trouve que de toutes faons, pour d'autres raisons, les physiciens des particules veulent aller plus loin que le modle standard. Ils voudraient unifier les interactions fondamentales, c'est--dire dcrire ces interactions comme plusieurs facettes d'une mme interaction. Ce courant a t entam avec l'unification des phnomnes

lectriques et magntiques pour donner l'lectromagntisme. Dans ce cadre, un champ lectrique pour un observateur pourra se comporter comme un champ magntique pour un autre. Plus tard, l'interaction faible a t unifie avec l'lectromagntisme pour donner l'interaction lectro-faible. L'tape suivante consiste rajouter l'interaction forte. Ceci n'est pas achev, mais il y a des pistes trs srieuses, auxquelles on donne le doux nom de GUT (pour Grand Unification Theories ou en franais Thories de Grande Unification). Ces thories prdisent des violations du nombre baryonique B, de C et de CP plus importantes que dans le modle standard. Le problme pour le moment est qu'on ne peut confronter ces thories aux observations de faon trs prcise car on ne connat pas vraiment le dtail de la thorie grande unifie qu'il convient de considrer. Un test crucial de ces thories est qu'elles prdisent l'instabilit du proton. Plusieurs expriences essaient de surprendre un proton en train de se dsintgrer, et si elles y parviennent on pourra en dire plus.

7) Le moment de spculer
Nous allons maintenant aborder quelques points beaucoup plus spculatifs, qui concernent des aspects importants de la cosmologie moderne, et dans lesquels l'antimatire a aussi son rle jouer. A - La matire noire De nombreux indices semblent indiquer que l'Univers contient une grande quantit de matire qu'on ne dtecte pas de faon directe. Nous infrons sa prsence par l'effet gravitationnel qu'elle a sur son entourage, mais nous n'avons pas encore t capables de trouver une contrepartie visible. Les modles actuels favorisent fortement l'hypothse que cette matire noire soit majoritairement forme de nouvelles particules (on dit qu'elles sont non-baryoniques), dcrites dans des extensions du modle standard de la physique des particules, comme par exemple la supersymtrie ou les thories de grande unification que nous avons mentionnes plus haut.

Reprsentation de la distribution de matire noire (en bleu) dans un amas de galaxies (les points)

Si cette hypothse est correcte, il est possible que ces particules soient stables quand elles sont isoles, mais puissent s'annihiler entre elles quand elles se rencontrent. Il pourrait rsulter de ces annihilation la cration de radiation, mais aussi de protons, d'antiprotons, d'lectrons, de positrons, bref un peu de tout !

Effet de dformation de l'apparence des galaxies par l'effet de lentille gravitationnelle d la matire noire.

B - Des antiprotons et positrons venant de la matire noire ? Il existe beaucoup de modles thoriques diffrents dcrivant la matire noire (justement parce qu'on ne sait pas trop ce que c'est, les thoriciens peuvent laisser libre cours leur imagination dbordante...), et chacun de ces modles prdit diffrentes valeurs de la quantit d'antiprotons et de positrons qui devrait rsulter de ses annihilations. Or, on observe que notre environnement local contient peu d'antiprotons, et que ceux qu'on observe ont des proprits (essentiellement leur distribution en nergie) compatibles avec une origine classique (ractions nuclaires, voir plus haut). Ceci permet donc d'liminer les modles qui prdisent une formation trop importante d'antiprotons. L'idal serait de voir un excs d'antiprotons par rapport ceux d'origine classique, et que cet excs soit bien expliqu par un modle de matire noire unique... Nous sommes trs loin de cette situation. Par contre cette hypothse pourrait expliquer l'excs de positrons observ par HEAT. Si cette hypothse est correcte, la matire noire devrait avoir des proprits assez particulires, pour ne pas donner trop d'antiprotons quand elle s'annihile, mais beaucoup de positrons. C - Un signal de matire noire au centre de la Galaxie ?

Comme nous l'avons vu plus haut, le satellite INTEGRAL a dtect un puissant signal d'annihilation lectron-positron (10 43 annihilations par seconde, soit 10 milliards de tonnes de matire). On ne comprend pas d'o viennent les positrons qui s'annihilent de la sorte avec les lectrons, et on pourrait envisager qu'ils proviennent de la matire noire, qui serait prsente avec une plus grande concentration cet endroit. Attention, ceci est encore trs spculatif... Cette hypothse pose un problme : les positrons issus de la dsintgration d'une particule massive sont crs avec une nergie importante, mais ils s'annihilent au repos (dans le positronium, voir plus haut). Ils doivent donc tre ralentis, ce qui devrait s'accompagner de l'mission d'une quantit importante de rayonnement de freinage, qu'on n'observe pas. Il a fallu "inventer" un type de matire noire particulier qui contourne ce problme, en permettant aux positrons d'tre crs directement basse nergie. Les physiciens n'aiment pas avoir revoir les proprits fondamentales des modles ds qu'une observation devient gnante ! E - Les antiprotons venant de l'vaporation de mini -trous noirs ? Plusieurs scnarios cosmologiques prdisent que lors de l'histoire complexe de l'Univers, des mini -trous noirs, ayant des masses d'une fraction de gramme, pourraient se former. Pour ces petits trous noirs, l'vaporation d'Hawking est un phnomne qui joue un rle important dans leur volution, et on pense qu'il pourrait tre assez important pour conduire l'mission de rayonnement trs nergtique, que ce soit sous la forme de photons ou de particules. Si c'est le cas et si ces mini -trous noirs sont effectivement prsents dans notre Univers, on pourrait ventuellement dduire leur prsence d'une observation d'un excs d'antimatire. Ceci est vraiment trs spculatif !

8) Le moment de conclure
L'antimatire n'a rien de mystrieux, on en observe, on en cre, on en stocke, on l'utilise... Elle fournit aux astrophysiciens une autre manire d'observer l'Univers qui nous entoure. Elle permet aussi de mettre en vidence des processus trs spcifiques, que l'on ne voit pas (encore ?) avec d'autres moyens. Cette vision originale du monde qui nous entoure soulve des questionnements qui prennent leur source dans l'origine mme de notre Univers. L'invention thorique puis la dcouverte exprimentale de l'antimatire, suivies enfin de son utilisation pratique comme sonde de l'Univers constitue un modle presque idal de la science en marche, dont on espre qu'il sera reproduit pour les autres fentres qui commencent s'ouvrir sur notre Univers : les ondes gravitationnelles et les neutrinos.

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