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Pourquoi prier si Dieu sait déjà_Douglas Kelly

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POURQUOI

PRIER
si Dieu sait déjà?

Douglas Kelly
EUROPRESSE
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Pourquoi prier ?
si Dieu sait déjà
Éditions EUROPRESSE
B.P. 70505 - 71322 Chalon-sur-Saône cedex - France
www.europresse-editions.com

Diffusion pour l'Europe et l'Amérique :


Publications Chrétiennes, Inc.
509, rue des Érables, Trois-Rivières (Québec)
G8T 7Z7 - Canada
www.publicationschretiennes.com

Publié aux États-unis par Wolgemuth & Hyatt Publishers Inc.


et en Grande Bretagne par Christion Focus Publications
sous le titre "If God already knows, why pray?"
© 1995 Christian Focus Publications
Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés.

© traduction française : Europresse s.a.r.l. 2005


Europresse est une marque de Evangelical Press Missionary Trust (EPMT)
3, Trinity Ct, Faverdale North, Darlington, DL3 0PH - Royaume-Uni
Tous droits de traduction, reproduction ou adaptation réservés.

Image de couverture : © Jean-Claude Souillot

Sauf indication, les citations de versets bibliques proviennent de la version L. Segond,


nouvelle édition de Genève 1979, Société biblique de Genève.

ISBN : 978 2 914562 28 7 (broché)


ISBN : 978 1 914156 21 2 (eBook)

Dépôt légal 1er trimestre 2005


Pourquoi prier ?
si Dieu sait déjà
Douglas Kelly

EUROPRESSE
Sommaire

Introduction 5

Première partie
Si Dieu sait déjà

1. La prière dépend de qui est Dieu 19


2. La prière et la louange de Dieu 35
3. La prière et les desseins de Dieu 53

Deuxième partie
Pourquoi prier ?

4. La prière nous change 85


5. La prière change les autres 117

Troisième partie
Nos problèmes et les solutions de Dieu

6. Le défi de la persévérance 147


7. Lutter dans la prière 159
8. Quand Dieu semble dire «non» 169
Appendice A - Un plan de lecture biblique 179
Appendice B - Quelques conseils pour la prière 189
Introduction

La prière change le monde : il en découle de bonnes choses, car elle


obtient l’accomplissement de la volonté de Dieu et communique donc
ses meilleurs bienfaits. Tel est le message de l’Ancien et du Nouveau
Testaments, un message confirmé par l’expérience du peuple de Dieu
au cours des siècles. Le Dieu des Écritures a de grandes bénédictions en
réserve pour les siens, mais il a voulu que son peuple puisse s’appro-
prier ces bénédictions par le moyen de la prière.
Une histoire romantique illustre admirablement le pouvoir de la
prière à changer le cours des événements en accordant de bonnes
choses à celui qui prie (lequel constate a posteriori que c’était conforme
au plan éternel de Dieu). En 1970, un étudiant américain fut subjugué
par la beauté, l’intelligence et la piété d’une jeune fille anglaise qui,
comme lui, étudiait à l’université d’Édimbourg.
Au lieu de proposer à la jeune fille de sortir avec lui, le garçon,
plutôt réservé, se mit à prier avec ferveur pour que Dieu dispose la jeune
fille à l’épouser ! Il pria sans relâche pendant deux ans, se demandant
6 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

parfois s’il n’était pas en train de forcer Dieu à entreprendre une œuvre
à laquelle lui, son enfant, tenait peut-être plus que Dieu. Pendant tout
ce temps, la jeune fille manifesta peu ou pas d’intérêt. Au contraire,
elle affichait même parfois un réel désintérêt ! Cependant le garçon
persévéra dans la prière. Un beau jour, il fit soudainement sa demande
en mariage ! Pour son plus grand bonheur, la jeune fille répondit par
un «oui» spontané.
Le jeune homme avait-il forcé la main du Seigneur ? Au fil du
temps, avec la venue des enfants et l’engagement des époux dans
l’œuvre de Dieu, il devint de plus en plus évident, dans les petits détails
comme dans les grandes choses, que les conjoints étaient faits l’un
pour l’autre sur tous les plans : intellectuel, spirituel, culturel, physique
et familial. Seul Dieu avait pu les faire se rencontrer.
C’est pourquoi, au lieu de contraindre Dieu à faire ce qu’il était
réticent à faire, les deux années de prière persévérante du jeune homme
servirent à communiquer les bienfaits d’une union que le Seigneur
avait prévue de toute éternité. Dieu conçut le plan, puis il se servit des
prières pour lui donner une issue heureuse.
Le principe est clair : la recherche de Dieu dans la prière commu-
nique sa bénédiction.
Le théologien norvégien O. Hallesby exprime très bien cette vérité
dans son livre sur la prière. Il déclare que l’essence de la prière consiste
à ouvrir la porte de notre vie au Christ ressuscité. En d’autres termes,
dans la prière, nous lui demandons de venir dans notre situation
humaine remplie de nos nombreux besoins, et d’inonder notre séche-
resse spirituelle de sa puissance de résurrection. C’est d’ailleurs ce que
le Seigneur ressuscité dit en Apocalypse 3:20 : «Voici, je me tiens à la
porte, et je frappe. Si quelqu’un… ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je
souperai avec lui, et lui avec moi.»
J’espère que ces méditations brèves sur la portée de la prière seront
tout simplement une ouverture pour permettre au Seigneur ressuscité
d’entrer dans votre vie et de prendre en compte les milliers de situations
Introduction 7

qui vous pèsent sur le cœur. Alors vous-même, et ceux dont vous avez
la charge, vous serez animés de la vie glorieuse du Ressuscité. C’est ce
dont vous et moi avons vraiment besoin journellement.

Plus que de la théorie ou des techniques

Il est si facile de faire preuve d’intellectualisme à propos de la prière !


Nous nous préoccupons trop souvent de la technique, de la théorie ou
d’une théologie aride de la prière comme sujet d’étude. Nous écoutons,
discutons et amassons des informations sans leur permettre d’influer
sur notre comportement.
Du temps où nous vivions en Écosse, nous avions pris les dispo-
sitions pour permettre à l’un de nos fils de se rendre par le train dans
une autre ville pour y passer quelques jours chez des amis. La nuit
précédant son départ, nous regardions les nouvelles à la télévision et
discutions à propos de la grève des cheminots prévue pour chaque
mercredi du mois. Nous essayions même de deviner combien de temps
les syndicats continueraient de manifester de la sorte avant qu’un
accord soit trouvé.
Le lendemain, ma femme et notre fils se rendirent à la gare. Elle
était déserte ! Pas un train à l’horizon ! Ils finirent par découvrir une
inscription sur un tableau annonçant qu’aucun train ne circulerait ce
jour puisque c’était mercredi. Nous aurions tous pu réciter par cœur
les informations qui avaient été données lors du journal télévisé, mais
cela n’avait eu aucun impact sur notre comportement !
Il en est souvent de même à propos de la prière. Nous en faisons
un sujet de discussions et de débats, et nous oublions de chercher la
face de Dieu. En tant que professeur de théologie, je sais combien
cette tentation peut être forte ! L’orgueil intellectuel maintient parfois
la porte de notre vie bien fermée à la puissance réelle et glorieuse de
la présence dérangeante, mais ô combien édifiante, de Christ. Soyons
conscients de cette tentation malfaisante. James Packer déclare : «Le
8 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

problème le plus crucial que j’ai rencontré dans les communautés au


fil des ans est de faire en sorte que notre théologie soit au service de la
piété, que notre enseignement théologique favorise le développement
de notre identité de disciple chrétien.»
Il est conscient des dangers de la stérilité de la théorie car les
étudiants viennent parfois le trouver, à la fin d’un cours de théologie,
pour lui confier : «Dieu m’est moins proche que lorsque j’ai débuté mes
études. Bien que j’en sache beaucoup plus le concernant, il me semble
plus distant, et il me passionne moins qu’autrefois.» Packer commente
avec sagesse : «Quand un étudiant parle ainsi, sa théologie et sa vie
de disciple se sont déconnectées l’une de l’autre.»
Assurons-nous que l’une et l’autre soient solidement accrochées
l’une à l’autre pour que nous soyons davantage des hommes et des
femmes de piété et de prière, des témoins de la croix, du tombeau vide
et du trône céleste revêtu de puissance. Nous allons donc chercher à
comprendre ce que la Bible enseigne sur la signification de la prière
de façon à nourrir notre esprit, réchauffer notre cœur et mettre notre
volonté en exercice.

La vraie prière

Si nous voulons vraiment comprendre la signification de la prière et


agir en conséquence, que pouvons-nous faire de mieux que de nous
asseoir aux pieds de Jésus, notre souverain sacrificateur ? D’abord,
quel est l’intérêt d’avoir en Jésus un sacrificateur ? C’est ainsi que la
Bible le qualifie ; mais au fait, qu’est-ce qu’un sacrificateur ? Qu’est-il
appelé à faire ?
Le sacrificateur représente le peuple devant l’autel. Il offre les
sacrifices, et c’est lui qui présente les prières au profit du peuple.
Jésus, notre souverain sacrificateur, nous représente devant
l’autel céleste. Il a ouvert définitivement le chemin d’accès à Dieu par
le sacrifice de son propre corps. Nous avons donc la pleine assurance
Introduction 9

d’un accès direct à Dieu quand nous prions. Et lui-même ne cesse de


prier pour nous.
Il n’est pas indispensable d’aller à l’église ou de demander la prière
de quelqu’un qui a été consacré pour que notre prière soit entendue.
Nous pouvons passer par Jésus, qui est encore notre sacrificateur au ciel
et qui prie en ce moment même pour les siens. Il est celui qui, mieux
que quiconque, sait comment prier et dont les prières sont efficaces.
C’est aussi lui qui nous a légué la forme la plus parfaite de la prière,
le Notre Père.
C’est pourquoi les premiers chapitres de ce livre s’appuieront déli-
bérément sur cette prière. En examinant la structure de la formulation
divine, nous devrions pouvoir discerner le cœur même de la théologie
biblique de la prière.
Même si nous allons examiner en détail quelques-unes des requêtes
spécifiques de cette prière, ce n’est pas notre objectif principal. Nous
désirons plutôt creuser à la racine de la vraie nature de la prière et
nous servir autant que possible du Notre Père pour nous aider dans
cette tâche.
Nous verrons que les différentes sections du Notre Père agissent
comme de puissants aimants pour attirer de façon ordonnée la multitude
des diverses prières disséminées dans toutes les Écritures.
Le Notre Père figure en Matthieu 6 et Luc 11. Le premier passage
fait partie de l’ensemble plus vaste qu’est le Sermon sur la montagne.
Dans cette section, Jésus traite trois expressions distinctes de la vie
religieuse telles que le judaïsme les résumait.
Dans les premiers versets, il met ses disciples en garde contre
la pratique de «faire l’aumône» (Bible de Genève), de «donner aux
pauvres» (Bible du Semeur), de «faire un acte de compassion» (NBS)
en étant animés de mauvaises motivations. Du verset 5 au verset 15,
il avertit du danger de prier comme les hypocrites ; puis, au verset 16,
il aborde la question du jeûne. Aumône, prière et jeûne sont donc au
centre de l’enseignement du Seigneur dans ce chapitre.
10 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Il avait certainement à l’esprit la manière dont les pharisiens de


son temps avaient perverti la vie religieuse. Ils avaient transformé une
chose bonne, belle et vraie en un système religieux dur et des rites
extérieurs qui, au lieu de rapprocher les gens de Dieu les en éloignait.
Le Seigneur ne se limite donc pas aux trois points essentiels, mais aussi
à leur corruption par l’interprétation que les pharisiens donnaient de
la religion à son époque.
La récompense des pharisiens était d’être vus des hommes. Avec
beaucoup d’ironie, Jésus déclare que leurs prières seront exaucées.
Puisqu’ils ne prient qu’avec le désir d’être vus des hommes et d’être
perçus comme des hommes de prière, leurs prières sont exaucées, mais
leur récompense se limite à cette terre. Leurs requêtes n’ont aucun
impact sur l’éternité.
Au verset 7, le Seigneur dit que les païens s’imaginent être enten-
dus à cause de la multiplication de leurs vaines paroles. Si leurs vaines
redites ne sont pas exaucées (et Jésus affirme qu’elles ne le sont pas),
qu’est-ce qui pourrait bien nous valoir d’être entendus quand nous
prions ? La réponse à cette question se trouve dans le Notre Père.

Dieu d‛abord

Avez-vous déjà vu une représentation du don des tables de la loi ? Sur


la première pierre figurent généralement les quatre premiers comman-
dements, et sur la deuxième les six autres. Les premiers concernent
les relations de l’homme avec Dieu, les suivants ses relations avec ses
semblables. Dieu d’abord, l’homme ensuite. C’est la seule façon sensée
d’aborder la vie.
De la même façon, nous pouvons diviser le Notre Père en deux
grandes sections. La première (Matthieu 6:9,10) est consacrée à l’attitude
de l’homme envers Dieu : «Notre Père qui es aux cieux ! Que ton nom
soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la
terre comme au ciel.»
Introduction 11

La deuxième partie aborde les réalités qui concernent l’homme et


ses besoins. Ces requêtes ont leur place légitime, quoique secondaire :
le pain quotidien, les dettes et la tentation.
On pourrait presque dire que le Notre Père est une variante et une
explication de ce que déclare le Seigneur en Matthieu 6:33 : «Cherchez
premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses
vous seront données par-dessus.» En d’autres termes, la première partie
du Notre Père traite du royaume de Dieu et de sa justice, tandis que
la seconde aborde «toutes ces choses» qui nous seront accordées en
plus : le pardon, la nourriture et la protection.
Il est significatif que Jésus déclare : «Ne vous inquiétez donc pas
du lendemain… À chaque jour suffit sa peine» (v.34). Autrement dit, si
nous arrivons à nous acquitter correctement de la première partie de
la prière modèle, la seconde suivra certainement. Si nous saisissons la
volonté de Dieu et son royaume, et si nous sanctifions son nom comme
il se doit, nous serons d’autant plus certains que Dieu honorera la
deuxième partie quand nous le supplierons : «Donne-nous aujourd’hui
notre pain quotidien.»

Le mensonge humaniste

Disons d’emblée que le Notre Père, les dix commandements, Matthieu


6:33, Genèse 1:1 et toute la Bible sont en totale opposition à l’esprit du
siècle dans lequel Dieu nous a appelés à vivre. Nous sommes plongés
dans un monde dominé par l’humanisme séculier. Nous ne pensons
tout simplement pas à Dieu en premier quand la difficulté se présente
à nous. On peut rapprocher l’attitude de nos contemporains de celle
adoptée par une passagère nerveuse à l’époque où les gens traversaient
l’Atlantique en paquebot.
Une forte tempête secouait le navire. La dame, très angoissée,
alla trouver le commandant de bord. «C’est terrifiant ! Y a-t-il quelque
chose que je puisse faire ?
12 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

- Vous pouvez toujours prier, répondit l’officier.


- Oh, la situation est-elle donc aussi catastrophique !»

La leçon de cette anecdote n’échappe à personne. Dieu, si toutefois il


existe, est le dernier recours.
Ce type de raisonnement trouve son expression la plus claire dans
le Manifeste humaniste I, de 1933, et dans le Manifeste humaniste II,
de 1973. Les penseurs séculiers qui en sont les auteurs et exercent une
si grande influence sur notre culture, estimaient que la première place
revient à l’homme et non à Dieu. En fait, ils tiennent même à l’éliminer
complètement de l’équation. Pour eux, l’idée de Dieu est nuisible et
dangereuse pour les progrès de l’humanité.
Les principes «l’homme d’abord» et «l’homme seulement» ont
entraîné l’exclusion progressive de Dieu et de la foi chrétienne de la
culture moderne, et la déification virtuelle de la notion de laïcité qui se
manifeste par exemple dans la controverse sur les mentions de l’héritage
chrétien dans la Constitution européenne. L’humanisme est une religion
qui cherche à remplacer et à évacuer la foi chrétienne.
Beaucoup de gens objectent par exemple aux mentions «av. J.-C.»
ou «apr. J.-C.», et les remplacent par «avant notre ère». On cherche ainsi
à évacuer la naissance historique du Christ. Dans cette perspective, le
christianisme n’est qu’un épiphénomène social, un mouvement religieux
passager et non plus le grand tournant de l’Histoire.
Notre culture nous incite donc à mettre l’homme en avant, puis à
nier Dieu ou à le reléguer à une position inférieure, sans importance,
une sorte de roue de secours. C’est ce que faisaient déjà les pharisiens,
mais d’une autre manière. Ils agissaient comme si ce que les foules
pensaient d’eux était la réalité ultime, alors que pour Jésus ce n’était
pas du tout le cas. Notre relation devant Dieu est ce qui compte.
Si nous sommes bien conscients de la tendance centrée sur
l’homme qu’encourage notre société moderne, nous comprendrons
d’autant mieux à quel point la prière biblique diffère radicalement de la
Introduction 13

conception actuelle de la vie. Pour que notre façon de penser et de prier


soit au diapason de celle de l’Esprit de Christ, nous devons demander
au Saint-Esprit de toucher notre intelligence. Alors seulement nous
serons en mesure de nous élever par la foi au-dessus de l’atmosphère
humaniste oppressive actuelle dont la prémisse fondamentale est de
faire croire que seule la dimension matérielle est réelle. Si nous nous
limitons à ce qui est visible et compréhensible, nous passons à côté de
domaines où le surnaturel a cours, et nous nous privons de quelques-
unes des réponses à nos prières.

Un Dieu qui entend

Lorsque notre fils aîné naquit, il était aveugle d’un œil. Grâce à un
traitement prolongé sur plusieurs années, il a récupéré l’usage à peu
près normal de cet œil, à condition de porter des lunettes. Lors de son
entrée au collège, un ballon le frappa malencontreusement dans l’autre
œil, sain celui-là. Nous nous sommes tout à coup retrouvés devant la
perspective d’avoir un enfant gravement et durablement handicapé
de la vue.
Pendant quelques jours, il fut dispensé de cours. Il pouvait péni-
blement regarder la télévision et avait encore davantage de peine à lire
un livre. Nous avons demandé à plusieurs amis et groupes de prière
d’intercéder en sa faveur. Il y eut même une réunion de prière organisée
par des détenus dans la prison locale ! Comme la vue ne s’était pas
améliorée après la diminution de l’enflure, l’ophtalmologue fit procéder
à des investigations plus poussées.
Mon épouse emmena l’enfant au cabinet du spécialiste qui lui fit
passer un examen de routine consistant à lire des lettres de différentes
grandeurs. On lui injecta ensuite un liquide dans le sang pour faciliter
la prise de clichés de la rétine. Sur ces entrefaites, l’ophtalmologue
arriva pour interpréter les résultats. Tout semblait correct ! Il ne décela
qu’une petite lésion sans gravité !
14 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Ma femme était étonnée et un peu embarrassée. «Que donnent


les examens de l’œil ? demanda-t-elle.
- Ils sont très bons !
- Pourtant, hier encore, il arrivait à peine à voir de cet œil ! Com-
ment l’amélioration a-t-elle pu s’opérer si vite ? Certes, des gens ont
prié, mais…
- Parfois, c’est justement ce qui marche !» répondit le docteur.

Nous avions demandé à Dieu d’accomplir un miracle et, quand il se


produisit, c’est comme si nous n’avions pas le moyen de le reconnaî-
tre. Ma femme dut se demander : «À quoi peut donc ressembler un
miracle, si cela n’en est pas un ?», et réprimer la tentation de donner
une explication purement naturelle à la soudaine amélioration de la
vue de notre fils.
Demandons au Saint-Esprit de nous convaincre que le matéria-
lisme actuel est le mensonge du diable pour nous priver des bienfaits
les plus grands, les plus doux et les plus extraordinaires que Dieu
répand sur nous. Puisse le Saint-Esprit se servir de ces méditations sur
la prière pour nous persuader que le Dieu vivant, le Dieu de la Bible
est vraiment l’agent décisif.

Une nouvelle perspective

De ce point de vue, toute prière véritable est une sonnerie de trompette


contre le sécularisme. C’est aussi une porte ouverte sur la gloire du
Christ ressuscité et sur son pouvoir réel à être pleinement présent en
toute situation. La clé du vrai sens de la vie et de la prière authentique
est : Dieu d’abord, l’homme ensuite.
Nos études sur la théologie de la prière suivront donc le modèle que
nous a laissé Jésus dans le Notre Père. Les huit chapitres nous feront
pénétrer au cœur de la théologie biblique de la prière. Ils sont rédigés
d’une manière qui ne permette pas seulement au lecteur de comprendre
Introduction 15

les vérités énoncées, mais également de faire un pas de plus vers la


confiance, la louange et la pratique de la prière. Nous découvrirons que
loin d’être simplement un exercice intellectuel aride, la théologie peut
être une servante qui nous encourage à une action confiante.
Première partie

SI DIEU SAIT DÉJÀ

«Notre Père qui es aux cieux» (Matthieu 6:9).


1
La prière dépend de qui est Dieu

S’il existe un «secret» ou une «clé» de la vie, c’est certainement dans


l’enseignement et l’œuvre de Jésus qu’ils se trouvent, lui qui déclara
être «le chemin, la vérité et la vie». Personne ne peut jeter un regard
sérieux sur sa vie et son enseignement sans être frappé par l’importance
absolue et la place centrale que Dieu le Père a toujours occupées dans
ce que Jésus dit et fit. Sans la moindre exagération, il put dire : «Ma
nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé» ; «Je fais
toujours ce qui lui est agréable» ; «Il faut que je fasse, tant qu’il fait jour,
les œuvres de celui qui m’a envoyé» (Jean 4:34 ; 8:28 ; 9:4).
En abordant l’étude de la prière qu’il enseigna, nous découvrons
le même ordre des priorités. Le Dieu qui est suprêmement important
dans tout ce que Jésus dit et fit est le fondement, le centre et le but
de cette prière. Autrement dit, tout comme sa vie, la prière de Jésus
enseigne que le fait le plus fondamental au monde est la connaissance
de l’identité de Dieu. C’est pourquoi, lorsque nous commençons à prier,
notre première question devrait être : «Qui est ce Dieu que je prie ?»
20 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Qui est Dieu ?

Le début du Notre Père donne deux réponses à cette question cruciale.


En effet, les mots Notre Père dans les cieux attribuent un nom à Dieu
et révèlent certains traits le concernant. Ce que Dieu est vraiment
détermine tout, aussi bien en théologie qu’en pratique. Mieux nous
connaissons Dieu, plus il est certain que nous le prierons. Voici une
illustration tirée de mon enfance.
Ma mère m’a dit que lorsque j’avais deux ans et que mon père
venait juste de rentrer de la Deuxième Guerre mondiale, ils décidèrent
de prendre quelques jours de vacances sur une plage de l’océan. Trois
jours plus tard, ma grand-mère m’amena avec elle en bus pour rejoin-
dre mes parents. J’étais assis sur ses genoux à l’arrière du bus. À cette
époque, les voyageurs pouvaient ouvrir la fenêtre arrière.
Au moment où le bus entrait dans la petite gare routière, j’aperçus
mes parents qui nous attendaient. Il faisait très chaud, et la vitre arrière
était baissée. Sans crier gare, je sautai par cette ouverture pour aller à
la rencontre de mes parents. Heureusement, ma mère fut assez leste
pour me saisir au vol avant que je ne m’écrase sur le sol !
Je ne me rappelle plus du tout cet incident, mais il illustre un point
important de la prière. Mieux nous connaissons notre Père céleste, plus
nous serons prompts à sauter dans ses bras par la prière. Certes, étant
données les limitations de notre intelligence humaine, nous ne pouvons
jamais décrire parfaitement ni comprendre le Dieu tout-puissant. Mais
il s’est révélé à nous d’une manière telle que nous pouvons vraiment
le connaître, même si ce n’est pas de façon exhaustive.
Jésus appelle Dieu «Notre Père» et ajoute qu’il est «aux cieux».
D’une part, Christ enseigne que Dieu est une personne ; il est vraiment
un père. D’autre part, le Seigneur précise que Dieu est au ciel, au-delà
de cette terre. Il ne fait pas partie de ce bas monde. Il n’est pas sujet à
ses limitations parce qu’il maîtrise parfaitement tout, même les galaxies
encore inconnues. Il est tout-puissant. Il est infini.
La prière dépend de qui est Dieu 21

Dieu est une personne comme nous

Qu’est-ce que cela veut dire de savoir que Dieu est une personne ?
J’étais récemment en Corée et ai eu le privilège de visiter un temple
bouddhiste mondialement connu. Avais-je l’impression que les statues
dorées, entourées de bougies à la flamme vacillante, étaient des «per-
sonnes» ? Pouvaient-elles entendre mes prières ? Pas du tout ! Pour-
quoi pas ? Parce que je savais qu’elles ne pouvaient ni m’entendre ni
communiquer avec moi. Comme l’Écriture le dit si bien, une idole n’est
rien d’autre qu’un bloc de pierre ou de bois, sourd et muet.
En quoi le Dieu que nous invoquons est-il différent ? En l’appelant
«Père», Jésus nous fait comprendre d’emblée que par définition il entre-
tient des relations avec d’autres, à savoir ses enfants. Le fait d’être relié
à d’autres confère au mot personne sa signification la plus centrale.
C’est peut-être une nouvelle façon de considérer le sens du mot.
Nous définissons généralement une personne comme un être qui
possède une intelligence, qui est capable de raisonner, éprouve des
sentiments ou des émotions, a la capacité d’aimer, de haïr, d’être jaloux,
de soupirer, de prendre soin, de faire des choix et de décider, de dire
oui ou non. Or, à quoi servent toutes ces facultés ? À nous mettre en
relation les uns avec les autres.
Pensez au déroulement d’une de vos journées. Dès que votre
réveil sonne, vous êtes déjà en relation avec autrui. Que vous parliez
ou non à un parent ce jour-là, vous êtes l’enfant de quelqu’un. Vous
êtes peut-être le parent de quelqu’un ou un conjoint. Sur votre lieu
de travail, vous êtes un supérieur ou un subordonné, un client ou un
patron ; au marché, vous êtes acheteur ou vendeur. Il va de soi que
certaines de ces relations importent davantage que d’autres, mais le
fait d’être humain s’accompagne de manière inéluctable de liens avec
ses semblables.
En considérant le mot personne sous cet éclairage, on comprend
pourquoi la solitude représente une expérience aussi dévastatrice.
22 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Il nous vient certainement à la mémoire des moments où, enfants,


nous étions seuls dans la cour de récréation, alors que tout le monde
semblait nous avoir oubliés. Songez aussi à la pitié qui nous étreint en
pensant aux malades ou aux personnes âgées de nos connaissances,
constamment seuls avec leurs pensées.
Ce type d’expériences rappelle qu’une personne n’est pas destinée
à traverser la vie comme un individu isolé. Personne n’est une île. Il
y a même un certain sens où un être solitaire n’est plus vraiment une
personne, puisque la raison d’être de la personne est l’aptitude à la
communication et au partage de relations.
La meilleure définition de la qualité de personne fait donc interve-
nir l’idée de relation, notamment à la lumière de ce que la Bible déclare,
à savoir que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Dieu est-il un
individu seul et isolé ? Certainement pas. Dieu le Père a toujours été
Père. Il n’a donc jamais été sans Fils. Les Écritures enseignent que de
toute éternité le Saint-Esprit aussi fait partie de la divinité. Cela signifie
que le seul vrai Dieu a toujours eu d’autres personnes au sein de sa
propre vie. Ces personnes communiquent entre elles et ont beaucoup
en commun. Ainsi, de toute éternité, la vraie définition de la personne
fait intervenir l’idée de relation, justement parce que Dieu nous a créés
à son image.

Contrairement à nous, Dieu est infini

Nous lui ressemblons par notre qualité de personnes créées à son image.
Nous sommes donc différents des animaux. À l’examen de notre propre
personne, nous comprenons un peu ce que veut dire le fait que Dieu
est une personne. Mais dans un autre sens, nous sommes très différents
de lui car il est infini.
Son infinité est évidemment une réalité que nous sommes incapa-
bles de comprendre pleinement ou d’illustrer correctement. Pourtant,
la difficulté n’est peut-être pas aussi grande qu’il y paraît à première
La prière dépend de qui est Dieu 23

vue. Il y a quelques années, un petit garçon était en classe de CM2.


Son institutrice ne croyait pas en Dieu et était opposée à la foi chré-
tienne. Elle se plaisait à mettre dans l’embarras ceux de ses élèves qui
croyaient en Dieu.
Espérant humilier notre garçon, elle lui demanda un jour : «Pour-
quoi ne peux-tu pas m’expliquer qui est Dieu ?» Avec un à-propos
remarquable, l’élève répondit : «Si j’arrivais à expliquer qui est Dieu,
je serais aussi grand que lui.»
Le garçon avait raison. Aucun de nous n’est capable d’expliquer
l’infinité de Dieu, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne
pouvons pas savoir qui il est.
Jésus déclara que notre Père est dans les cieux, au-dessus de
tout. Une autre façon d’exprimer la même vérité consiste à dire qu’il
transcende toutes choses. Il est au-dessus de tout, il a tout créé et il est
la source de tout.
En affirmant que Dieu est infini, nous voulons dire qu’il est
absolument sans limite. Ni le temps ni l’espace ne le limitent puisqu’il
a créé l’un comme l’autre. Par l’Écriture, nous savons également que
Dieu détient tout pouvoir, et qu’il n’y a aucune limite à sa sagesse, à
son amour, à sa pureté et à sa majesté. Le Dieu qui est dans les cieux,
que Jésus nous enseigne à invoquer, embrasse d’un simple coup d’œil
toute l’étendue de l’histoire passée et sait déjà tout ce qui se produira
dans l’avenir.
Quelle différence avec nous ! Nous sommes finis et sujets à toutes
sortes de limitations, qu’elles soient d’ordre intellectuel, physique ou
émotionnel. Vous et moi existons en tant que personnes complètes
depuis la conception dans le sein de notre mère jusqu’à notre mort
physique.
Nous avons tous un commencement et une fin. Certes, nous
possédons une âme immortelle qui continue d’exister après la mort
physique, mais cette âme elle-même dépend du Dieu qui était, qui est
et qui sera toujours.
24 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Peut-on combler le gouffre ?

Étant donné que les êtres humains limités que nous sommes sont
tellement différents du Dieu infini, des philosophes et des théologiens
prétendent que nous ne pouvons pas vraiment connaître un Dieu
tellement élevé au-dessus de nous. Comment lui parler ?
Cette idée fausse est l’un des premiers principes de la philosophie
existentialiste si influente dans notre monde moderne (et dans toutes les
sphères intellectuelles) depuis la Deuxième Guerre mondiale. Les églises
vides des grandes villes sont les témoins muets des dégâts de ce courant
de pensée. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le désespoir lié aux
relations personnelles, dont les écrits d’hommes comme Sartre et Camus
se font l’écho, montre que la perte de la connaissance de la personnalité
de Dieu influe sur l’idée que l’homme se fait de lui-même.
Les premiers mots du Notre Père aident à trouver le juste équilibre.
Nous pouvons éviter l’idée désastreuse de l’impossibilité de connaître
le Dieu infini. Le Seigneur enseigne clairement que Dieu est aussi
personnel qu’infini. C’est pourquoi, s’il est personnel et que je le suis
moi-même, bien que je ne puisse comprendre son infinité, il est très
raisonnable de penser que nous pouvons nous connaître mutuellement.
En outre, nous pouvons le plus logiquement du monde nous attendre
à ce que Dieu nous parle.
Jean 1:1 déclare qu’au cœur même de Dieu se trouve la Parole,
donc la communication. «Au commencement était la Parole.» Le lan-
gage a toujours existé en Dieu, ainsi que la communication et l’échange.
Comme il nous a faits à son image, il nous a créés pour pouvoir com-
muniquer avec nous et nous parler. Par conséquent, ne nous étonnons
pas du fait que Dieu ait parlé à la race humaine au moyen de mots
qu’elle peut comprendre (à savoir la Bible).
Pourquoi se serait-il donné la peine de nous créer à son image
pour ne pas nous adresser ensuite la parole ? Un univers silencieux dans
lequel Dieu ne parlerait pas à ses créatures serait vraiment étrange !
La prière dépend de qui est Dieu 25

Ce n’est pas le cas. Il nous a créés à son image, et nous a parlé par sa
Parole et par son Fils. L’attitude la plus logique de notre part consiste
donc à répondre en lui parlant par la prière.

L‛amour au sein de la Trinité

Le Notre Père révèle donc que Dieu est un être infini. Il est comme
nous (un père est une personne) tout en étant différent (dans les cieux,
bien au-dessus de nous et de toutes choses). Nous avons déjà rappelé
qu’une personne est capable de nouer des relations avec autrui. Lorsque
Jésus déclare que Dieu est Père, il enseigne qu’au plus profond de son
être, il est impliqué dans une relation avec lui.
C’est justement le fondement de la doctrine chrétienne de la Tri-
nité : le Dieu de l’Écriture n’est pas un personnage seul, isolé et solitaire.
Il est une trinité de personnes. Le vocable trinité se compose du préfixe
tri (trois) et du mot unité. Dieu est un ; il est le seul Dieu, mais il existe
en trois personnes : Père, Fils et Saint-Esprit.
Nous devons évidemment reconnaître que nous sommes devant
un mystère qui défie toute explication humaine. Mais si les théologiens
ne peuvent expliquer la Trinité, certains d’entre eux ont pu éclairer sa
signification. Le théologien qui a peut-être eu la perception la plus claire
de la sainte Trinité fut un Écossais du douzième siècle. Il s’appelait
Richard et vivait dans l’abbaye Saint Victor près de Paris. Il est donc
connu sous le nom de Richard de Saint Victor.
Il écrivit un ouvrage remarquable sur la Trinité dans lequel il pose la
question : Pourquoi Dieu est-il trinitaire plutôt que solitaire ? Il répond :
Parce qu’il est amour et que, par nature, l’amour déborde, se répand en
abondance.1 Il faut être plus qu’un pour donner l’amour en partage ;
c’est pourquoi Dieu n’est pas une seule personne, mais trois.
Si vous êtes marié, vous souvenez-vous de ces premiers temps
ou vous étiez follement amoureux ? N’était-ce pas la seule chose qui
comptait pour vous ? Rappelez-vous combien il vous était facile de
26 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

rendre de petits services à l’autre, le plaisir que vous éprouviez dans le


partage et la joie qui imprégnaient même vos autres relations. L’amour
vrai n’est jamais égoïste ni égocentrique ; il n’est pas tourné vers soi,
mais se répand vers l’extérieur et désire rencontrer quelqu’un d’autre
avec qui partager son bonheur, sa joie, sa douceur, en un mot sa vie.
De même, comme Dieu est amour de toute éternité, il a toujours
existé en trois personnes capables de partager en cet amour. Dieu n’a
jamais été un individu solitaire, atomique ; il a toujours connu l’existence
«familiale» de trois personnes en une (voir Éphésiens 3:14,15).

La vie, la lumière et l‛amour débordent de Dieu

Dans l’évangile selon Jean, dans sa première épître et dans l’Apoca-


lypse, les mots «lumière», «vie» et «amour» reviennent souvent, appli-
qués à Dieu. «Dieu est lumière, et il n’y a point en lui de ténèbres» ;
«Dieu est amour» (1 Jean 1:5 ; 4:8). «Je suis le chemin, la vérité et la
vie» (Jean 14:6). Ces vertus débordent du plus profond de l’être divin.
Elles ne sont toutefois pas seulement partagées entre le Père, le Fils et
l’Esprit ; elles débordent jusqu’à nous !
C’est ainsi que l’amour qui unit deux parents déborde sur leurs
enfants et leur donne l’assurance d’être aimés. Ce que Dieu nous
offre est infiniment supérieur. Apocalypse 22:1 parle du «fleuve d’eau
de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de
l’Agneau». De ce Dieu trinitaire merveilleux, éclatant de gloire et de
beauté, jaillit en permanence un fleuve d’eau de vie, de lumière et
d’amour.
C’est là la réponse à la question : Comment décrire Dieu ? Le
Dieu trinitaire est vie, lumière et amour. C’est le secret de l’univers et
la clé de compréhension de tout ce qui existe. Nous avons peut-être
prononcé les paroles «Notre Père qui es aux cieux» dès notre petite
enfance, mais ces quelques mots ouvrent la porte à la connaissance
de la nature du Dieu infini, personnel et trinitaire.
La prière dépend de qui est Dieu 27

À l’examen tout simple de ces quelques termes, nous avons


découvert où aller pour avoir la lumière nécessaire pour comprendre
et résoudre nos dilemmes personnels et moraux ; pour avoir la vie
quand tout semble se désintégrer autour de nous ; et pour avoir l’amour
lorsque nos relations sont insatisfaisantes.
Des textes bibliques comme Éphésiens 1, 2 et 5, Jean 3 et 17 four-
nissent des indications quant aux raisons qui ont incité Dieu à créer
ce monde matériel, à le peupler et à nous y faire naître. Le Père a tant
aimé le Fils, d’un amour généreux et débordant tel que nous avons
décrit, qu’il a voulu créer un monde et le remplir d’êtres humains qui
ressembleraient à son Fils. Son but était de faire que d’autres créatures
connaissent la lumière, la vie et l’amour du Fils.
En d’autres termes, dans un sens, les chrétiens sont élevés et invi-
tés à participer à la vie bénie de la Trinité. Certes, les hommes restent
éternellement des créatures et ne deviennent jamais divins, mais ils sont
néanmoins élevés et appelés à entrer dans une relation d’amour réelle
avec la vie de Dieu. Cultiver une relation avec Christ, c’est connaître
le même type de relation d’amour que le Fils entretient avec le Père.
Soyons clairs. Dieu n’a pas besoin des êtres humains. Mais son amour
est tel qu’il doit être partagé. C’est pourquoi Dieu créa un monde avec
des êtres humains à sa ressemblance. Pour prendre une autre image,
quel plus beau cadeau le Père pourrait-il offrir à son Fils ? N’est-ce pas
une épouse exquise et de toute beauté ? C’est donc comme si Dieu
avait créé le monde comme un décor pour y placer une humanité du
sein de laquelle il allait préparer une épouse pour son Fils.
Il y a près de deux mille ans, alors que les chrétiens luttaient pour se
faire une place dans une société païenne hostile, Le Pasteur d’Hermas,
un de leurs écrits, les encourageait en leur disant que le monde existe
pour l’Église. En fait, le monde et l’humanité en général, ainsi que
tout le déroulement de l’Histoire, servent de creuset pour l’avènement
et la formation de l’épouse de Christ. Voilà de quoi donner une autre
perspective à la vie !
28 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Le gouffre est comblé

Voyez-vous le lien de tout cela avec la prière ? Le Père donne une


épouse à son Fils ; compte tenu du lien qui unit l’épouse au Fils, le
Père est aussi le Père de l’épouse. Celle-ci peut s’en approcher et lui
parler par la prière. C’est ce que Jésus voulait dire par les mots «Notre
Père qui es aux cieux.» Il est le Père de tous ceux qui, formant l’épouse,
sont unis à son Fils.
Dans un certain sens, Dieu est le Père de tous les êtres humains en
vertu de leur création à son image. Mais le Notre Père s’inscrit dans le
contexte de la rédemption ; dans ce sens-là, quant à la prière, au salut
et à l’éternité, Dieu n’est le Père que de ceux que son Fils a rachetés.
Le péché nous a privés de la faveur du Père. À cause de lui, l’ini-
mitié se dresse entre Dieu et nous. C’est pourquoi Dieu a envoyé son
Fils pour devenir le substitut, celui qui porte le péché à notre place.
En tout état de cause, par nature, nous ne pouvons donc plus dire :
«Notre Père qui es aux cieux.» Nous nous sommes détournés de lui
et nous le fuyons. Ce que notre société humaniste continue de faire.
Beaucoup de gens aujourd’hui refusent de l’appeler «tendre Père
céleste». Ils invoquent plutôt toutes sortes d’excuses pour éviter de
reconnaître sa réalité.
Il suffit de regarder la télévision ou d’aller au cinéma pour s’aper-
cevoir que l’homme cherche à se cacher loin de Dieu. Cette dérobade
de l’homme est perceptible à l’école et dans les universités, parfois
même du haut de la chaire.
Pourquoi par exemple la théorie de l’évolution jouit-elle d’une telle
faveur auprès du public, alors même que des scientifiques non chrétiens
de nombreuses universités mettent en doute le bien-fondé de certaines
de ses affirmations ? N’est-ce pas parce que la seule alternative consiste
à faire intervenir un Dieu créateur ? S’il existe réellement, alors l’homme
n’est pas suprême. Beaucoup de nos contemporains perçoivent cette
vérité comme une grande menace.
La prière dépend de qui est Dieu 29

L’expansion inquiétante des maladies sexuellement transmissibles


dans notre culture est certainement liée au mépris délibéré des règles
morales traditionnelles. Dès que les hommes cessent de reconnaître
l’existence d’un Dieu, ils perdent toute référence objective pour définir
le bien et le mal. Ils s’imaginent alors pouvoir définir la morale sexuelle
selon leurs préférences personnelles. Le plus surprenant est que l’indi-
vidu préfère courir des risques énormes pour sa santé et même sa vie,
plutôt que d’admettre la réalité de l’existence d’un Dieu dont les voies
sont les meilleures.
Le Père céleste est le Père de ceux qui ont déposé les armes de leur
rébellion contre lui. Cela ne peut s’opérer que par la grâce de Christ
qui vient établir sa demeure en eux, les éveille et leur ouvre les yeux
pour leur permettre de contempler le Dieu merveilleux et glorieux,
ainsi que la sublime beauté de son salut par le moyen de son Fils. Ils
entrent alors en relation intime avec le Fils, qui devient leur Sauveur et
Seigneur. Alors, mais seulement alors, ils peuvent commencer à dire :
«Notre père qui es aux cieux».
Nous avons vu en introduction les différences que le Sermon sur
la montagne met en évidence entre la vraie et la fausse prière. Les
pharisiens recevaient déjà la récompense de leur religiosité superficielle
sur la terre. Christ alla même jusqu’à leur dire un jour : «Vous avez pour
père le diable» (Jean 8:44). C’est ce que nous devons encore déclarer,
évidemment avec une grande humilité et beaucoup de tristesse, à tant
de défenseurs de la culture actuelle.
Il existe cependant une bonne nouvelle pour notre culture huma-
niste. En effet, l’Écriture affirme : «À tous ceux qui l’ont reçue, à ceux
qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de
Dieu» (Jean 1:12). Dieu devient notre Père céleste par notre union avec
Christ dans la nouvelle naissance qu’opère la foi suscitée en nous par
l’Esprit. En d’autres termes, bien que la consommation du mariage
du Fils avec l’Église, qui est le dessein ultime de Dieu, ne se réalisera
que dans le ciel, nous n’avons pas besoin d’attendre ce moment-là
30 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

pour jouir d’une communion intime avec Christ. Jean 1:12 et d’autres
passages semblables enseignent que notre relation avec Dieu n’est pas
secondaire, mais celle d’enfants adoptés.

Les enfants parlent !

En Romains 8:14-17 et Galates 4:4-7, l’apôtre Paul nous aide à com-


prendre pourquoi seuls les rachetés peuvent sincèrement prier : «Notre
Père qui es aux cieux.» Par la nouvelle naissance, le Saint-Esprit nous
donne l’esprit d’adoption qui nous permet de crier : «Abba ! Père !»
Le mot Abba est un terme familier qui correspond à notre papa. Nous
pouvons nous en servir car non seulement l’Église dans son ensemble
est destinée à être l’épouse du Fils de Dieu, mais également parce que
notre relation individuelle avec Dieu a changé. Grâce au pardon de
nos péchés, nous pouvons nouer une relation étroite avec Dieu. Nous
devenons ses enfants.
L’observation faite par une amie chrétienne âgée illustre cette
œuvre secrète de l’Esprit. Cette dame avait conduit plusieurs person-
nes au Seigneur et constaté le changement opéré dans leur vie. Elle fit
remarquer qu’avant leur conversion, les gens parlent généralement à
Dieu en utilisant le terme «Dieu». Ils le conçoivent comme une sorte de
«force suprême», «celui qui est tout en haut de l’échelle». Mais à partir
du moment où ils l’accueillent dans leur vie, ils prennent conscience
qu’il est une personne avec qui on peut entrer en contact. Jésus devient
du même coup autre chose qu’un personnage historique consigné dans
les pages d’un vieux livre. Ces gens peuvent s’associer à ses disciples
en l’appelant «Seigneur». Dans la prière, l’intimité est encore davantage
soulignée par les expressions : «Cher Sauveur», «tendre Père céleste»,
ou d’autres formules empreintes d’amour et de confiance.
Comme les Écritures l’expliquent, en vertu de sa grâce et de sa
miséricorde, Dieu nous a adoptés comme ses enfants. Même si nous
ne ressentons pas que les choses aient beaucoup changé (sommes-
La prière dépend de qui est Dieu 31

nous toujours conscients d’être l’enfant d’un père humain ?), nous
commençons à parler à Dieu d’une autre manière, et cela peut-être
pour la première fois.
À la nouvelle naissance, son Saint-Esprit entre en nous, s’empare
de notre aptitude innée à cultiver des relations et de notre désir de le
faire, les renouvelle et les oriente vers Dieu. Alors, comme de tout petits
enfants qui tendent les bras vers leurs parents, nous commençons à
parler à Dieu, c’est-à-dire à prier.

Le Saint-Esprit crée des liens familiaux

Quand nous devenons membres de la famille de Dieu, nous agissons de


même. Nous avons l’assurance qu’il se soucie de nous et nous entend ;
nous pouvons donc lui faire connaître nos inquiétudes et nos craintes,
mais également nos joies.
Il y a des siècles, les réformateurs écossais paraphrasèrent 1 Jean
3 pour que les fidèles puissent l’apprendre et répondre à ces vérités
bibliques par la louange. Imaginez-les, se rencontrant en secret, enve-
loppés dans leurs plaids, au milieu de la lande humide, privés de leurs
droits et poursuivis par les soldats du roi. Quelle source de joie et
d’encouragement que de pouvoir chanter :

«Voyez quel don d’amour merveilleux


Le Père a répandu sur nous, ses enfants,
Des hommes rebelles et méchants,
Pour que nous soyons appelés enfants de Dieu.»

Bien que n’étant rien aux yeux des hommes, ils savaient que leur vraie
valeur et leur espérance dépendaient de leur relation avec Dieu, rétablie
en Christ. Au milieu de la tribulation et de la persécution, ils pouvaient
s’adresser avec assurance au Dieu tout-puissant parce qu’ils savaient
qu’il était également leur Père plein d’amour.
32 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

La prière véritable se fonde donc sur une relation authentique


avec la personne même de Dieu grâce à l’œuvre parfaite accomplie
par le Sauveur sur la croix du calvaire. Ce sacrifice a été offert il y a
deux mille ans, mais le Saint-Esprit porte ses effets au crédit de son
peuple, en tous temps et en tous lieux, au moment où il nous donne
la vie et nous ouvre les yeux pour voir. Alors nous crions vers le Père
du Seigneur Jésus et le nôtre, vers son Dieu et notre Dieu.
En lisant Le Pasteur d’Hermas, les chrétiens du premier siècle
découvrirent ces vérités et commencèrent à comprendre ce que signifie
être l’épouse de Christ. Quinze siècles plus tard, les Covenantaires écos-
sais firent la même découverte. Et aujourd’hui, le même Esprit éternel
vient établir sa demeure en nous, croyants, avec l’esprit d’adoption afin
de nous conduire dans une prière confiante adressée à notre Père.

La vraie prière est le premier signe de la conversion

Par le récit de la vie de Paul, le Nouveau Testament enseigne que le


besoin de prier est l’un des premiers fruits de la nouvelle naissance.
Le premier compte rendu de la conversion de Paul (Actes 9) relate que
le Seigneur ordonna à Ananias, un chrétien de Damas, de se rendre
dans la maison où se trouvait Saul de Tarse. Or, Saul était venu pour
mettre à mort les chrétiens de la ville. On comprend qu’Ananias se soit
demandé comment être assuré que Paul avait radicalement changé
d’attitude !
Mais avant même qu’il puisse exprimer ses craintes, Dieu lui
donna juste un indice : «Il prie» (v.12). Quelle parole riche de sens !
Pour Ananias cela voulait dire : «Regarde-le prier ! C’est désormais un
autre homme. Ne crains pas cet homme qui parcourait le pays en tous
sens pour mettre les chrétiens à mort. Ne t’inquiète plus. Il prie ! Saul
est devenu un homme de confiance, ce que prouve le fait qu’il prie.»
Avant cette expérience, Paul était un homme religieux. Il était un
pharisien parmi les pharisiens, un chef religieux de haut rang, bien
La prière dépend de qui est Dieu 33

instruit dans toutes les formes officielles de prière. Pourtant, comme le


déclare Jésus en Matthieu 6, ce genre de prière n’atteint pas Dieu. Et
voici que, pour la première fois de sa vie, ce pharisien priait vraiment.
La grande différence venait de sa rencontre sur la route de Damas avec
le Seigneur Jésus ressuscité.
Dans son livre sur la prière, Hallesby rappelle que la prière consiste
en la venue de Jésus ressuscité vers nous avec sa puissance de résur-
rection pour qu’il prenne les rênes de notre vie, exerce son autorité
pour intervenir dans n’importe quelle situation et pour la changer. C’est
exactement ce qu’il fit dans la vie de Saul de Tarse, et la prière était le
premier signe de la présence divine.
Il se pourrait, ami lecteur, que vous n’ayez jamais vraiment prié
de toute votre vie. Vous êtes certainement une personne morale, voire
même religieuse, avec un solide arrière-plan comme celui de Saul de
Tarse. Mais vous n’êtes jamais entré en contact avec le Père céleste.
Oui, il est vrai que Dieu est infini, omniscient et souverain, mais il est
aussi une personne puisqu’il est Père. Prenez donc courage. Point
n’est besoin de vous sentir condamné pour vos manquements passés.
Demandez-lui plutôt d’envoyer le Christ ressuscité dans ce cœur qui ne
peut prier. Lorsqu’il y entrera comme Seigneur, avec le pardon acquis
pour vous sur la croix, vous serez alors en mesure de prier comme
jamais auparavant !

Note :

1. Richard de Saint Victor, De Trinitate : texte critique avec introduction, notes et tables,
édité par Jean Ribaillier, Paris, 1958.
2
La prière et la louange de Dieu
«Que ton nom soit sanctifié !» (Matthieu 6:9)

On a traditionnellement divisé le Notre Père en six demandes ou requê-


tes. Jusqu’ici, nous avons examiné le début de la première requête.
Nous avons identifié celui à qui nous présentons nos requêtes. Or,
cette première demande ne s’achève pas par le rappel de la nature de
Dieu ; elle se poursuit par l’évocation de son nom : «Que ton nom soit
sanctifié.» Consacrons donc du temps à méditer l’importance du nom
de Dieu dans la prière et ce que signifie le «sanctifier».

Ce que renferme le nom

Comment votre nom a-t-il été choisi ? Vos parents vous l’ont-ils donné
parce qu’il sonnait bien à leurs oreilles ? Peut-être avez-vous reçu le nom
d’un parent ou d’un personnage célèbre à l’époque de votre naissance.
Mais toutes les cultures ne procèdent pas ainsi dans le choix du nom.
36 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Songez aux noms des Indiens d’Amérique tels qu’ils figurent dans les
récits chers à notre enfance : Plume d’aigle, Œil de faucon. Ces noms
étaient choisis à dessein. On espérait et on croyait que la personnalité
de l’enfant posséderait en grandissant les caractéristiques du nom qui
lui était donné.
Dans la vision biblique du monde, le nom d’une personne revêt
une importance beaucoup plus grande qu’en Occident de nos jours.
Au lieu d’être choisi en fonction de sons particulièrement agréables
aux parents, dans la Bible le nom définit le caractère de l’individu et,
dans un sens, représente la réalité de sa personne. Il exprime ce que
la personne est et fait. Dans la mentalité hébraïque, le nom de Dieu
remplace Dieu lui-même. Comme les noms divins contenus dans la
Bible sont ceux qu’il a révélés, le nom de Dieu et sa nature sont une
seule et même chose. Ce n’est évidemment valable que pour lui.
C’est ce que montrent les expressions tirées des Psaumes 5:12
et 20:2 : «Tu seras un sujet de joie pour ceux qui aiment ton nom» ;
«Que le nom du Dieu de Jacob te protège !» C’est une autre façon de
dire : «Que ceux qui t’aiment, toi, se réjouissent en toi !», et «que la
personne de Dieu te protège !» Il y a plusieurs siècles, mes ancêtres
écossais avaient choisi pour devise familiale un verset des Proverbes :
«Le nom de l’Éternel est une tour forte ; le juste s’y réfugie et se trouve
en sûreté» (18:10). Devise vraiment bien appropriée car en ce temps-là,
les clans écossais se faisaient sans cesse la guerre les uns aux autres.
Évidemment, ils désiraient que Dieu les protège !
Le nom de Dieu équivaut donc à sa personne et résume toutes
les perfections divines. Alors qu’il révèle son nom, Dieu enchaîne en
énumérant ses perfections (Exode 34:5-7). C’est comme s’il disait à Moïse
ce qu’il est. «L’Éternel descendit dans une nuée, se tint auprès de lui
[Moïse] et proclama le nom de l’Éternel.» Quel est ce nom ? Le texte
se poursuit : «L’Éternel passa devant lui et s’écria : L’Éternel, l’Éternel,
Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté
et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui
La prière et la louange de Dieu 37

pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le


coupable pour innocent… » Voilà le Dieu auquel il vaut la peine de
s’adresser dans la prière !
D’après l’Ancien Testament, les perfections divines du nom de
Dieu procuraient un grand encouragement aux Israélites, et elles étaient
un facteur décisif dans leur façon de prier. L’Écriture attribue à Dieu
plusieurs noms différents, et chacun souligne un aspect particulier de la
volonté divine pour celui qui utilise ce nom dans sa prière. Rappelons
quelques-uns de ces noms : Elohim semble évoquer la transcendance
de Dieu ; Yahvé sa nature de Sauveur ; El Shaddaï sa toute-puissance,
et Jiré sa grâce à pourvoir aux besoins de son peuple.

La reconnaissance du nom

Cambridge, la ville natale de mon épouse, une cité riche en trésors


architecturaux, a construit de nouveaux équipements pour les étudiants
qui s’inscrivent de plus en plus nombreux à la prestigieuse université.
On fit appel aux meilleurs architectes, leur demandant de concevoir
des projets audacieux qui puissent s’harmoniser avec les bâtiments
mondialement renommés déjà existants, comme le King’s College et
la bibliothèque Wren.
Les résultats provoquèrent des réactions très contrastées. Beau-
coup de gens sont incapables de discerner quoi que ce soit d’attrayant
dans les angles saillants et les formes irrégulières de certains des édifices
modernes. Quelques critiques vont même jusqu’à déclarer que ces bâti-
ments ne sont qu’un «monument à la gloire de l’architecte». Selon ces
gens, l’architecte s’est contenté de se «faire un nom» qui restera dans
l’Histoire, et ce n’est pas un compliment qu’ils lui font !
Que ces critiques aient raison ou non sur les motivations profondes
des concepteurs, il faut reconnaître que ce désir de «se faire un nom» et
d’acquérir une reconnaissance historique animait certains de ceux qui,
autrefois, envisagèrent de bâtir une grande ville dans le Proche Orient
38 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

ancien. Il semble que, peu après le déluge, alors que les hommes se
répandaient sur la terre, plusieurs se rendirent compte qu’ils pouvaient
acquérir du pouvoir et exercer de l’influence si, au lieu d’errer comme
des nomades, ils bâtissaient une ville gigantesque et «une tour dont le
sommet touche au ciel» (Genèse 11:4).
Mais le texte déclare que Dieu descendit lui-même et les dispersa
sur toute la surface de la terre, si bien que leur projet fut réduit à néant.
De plus, il annula leur puissance en détruisant l’unité linguistique qui
les unissait jusqu’alors.
Que comportait donc leur plan pour que Dieu prononce sur eux
un jugement si sévère ? C’était la motivation de ces hommes. Ils vou-
laient se faire un nom pour eux-mêmes. C’est précisément l’essence
du péché, la racine de toute rébellion contre Dieu ; cette initiative
révèle le désir d’être «numéro un», de passer avant Dieu. Le Seigneur
savait que, dans l’euphorie de leur succès, ces hommes donneraient
libre cours à leur imagination, dépasseraient les bornes et oublieraient
complètement sa justice. Le pouvoir et l’orgueil allaient donc précipiter
leur perte. Sommes-nous différents ?

Qui vient en premier ?

Remarquons que l’Ancien Testament contraste cela en décrivant


l’essence de la piété au Psaume 115 : «Non pas à nous, Éternel, non
pas à nous, mais à ton nom donne gloire» (v.1). Mieux que quiconque,
Jésus plaçait Dieu au premier rang. Alors qu’il s’avançait résolument
vers la mort indicible de la croix sur laquelle il allait être «fait péché
pour nous» (2 Corinthiens 5:21), le nom de Dieu était pour lui la chose
la plus précieuse qui soit. Peu avant de connaître la séparation d’avec
son Père à cause de nous, afin de délivrer tous les croyants des peines
éternelles, la pensée du nom de Dieu le soutint dans ses souffrances
incroyables. Exposé lui-même aux tourments de l’enfer, il déclara :
«Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je ?… Père, délivre-
La prière et la louange de Dieu 39

moi de cette heure ?… Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à
cette heure. Père, glorifie ton nom !» (Jean 12:27,28)
«Père, que ton nom soit sanctifié», cette force sur laquelle Jésus
s’appuya pour affronter la croix en faveur de son peuple n’était pas une
formule superficielle, mais l’expression de son souci profond et sincère
de faire éclater la gloire de Dieu et de répondre aux besoins des siens.
Cette attitude lui donna la force de surmonter l’agonie dans le jardin
de Gethsémané et les souffrances infinies de la croix.
Un épisode survenu la semaine avant la crucifixion illustre remar-
quablement la relation entre le Père et le Fils. Durant toute sa vie, Jésus
résista aux pressions qui le poussaient à précipiter les événements.
«Mon heure n’est pas encore venue… », disait-il. Mais en Jean 12,
il reconnaît qu’elle est là : «L’heure est venue où le Fils de l’homme
doit être glorifié» (v.23). Ces quelques mots résument le but de toute sa
vie et équivalent à la requête : «Que ton nom soit sanctifié.» Cela met
en exergue l’importance de cette partie du Notre Père. Si l’intention
suprême de Jésus était de manifester et de promouvoir la gloire de
Dieu, ne devrions-nous pas l’adopter aussi ?
Le Seigneur poursuit en décrivant la nécessité et la signification de
sa mort en sacrifice, aussi bien pour lui-même que pour ses disciples.
Soudain, l’ombre de l’agonie toute proche dans le jardin de Gethsé-
mané semble l’écraser. Il s’écrie : «Maintenant mon âme est troublée…
Père, sauve-moi de cette heure ?» (v.27) Mais la raison de sa venue
devient alors la source de la force qui lui permet d’endurer la croix,
car il continue : «Père, glorifie ton nom» (v.28). Que répond le Père ?
Comment résume-t-il la vie de son Fils ? «Je l’ai glorifié [mon nom] et
je le glorifierai encore [par ce que tu accompliras]» (Jean 12:28).

Au nom de Jésus

Tout comme le nom du Père était le souci majeur du Fils, celui du Fils
est de première importance pour le Père. C’est pourquoi nous devons
40 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

prier «au nom de Jésus». Quand un croyant utilise fidèlement le nom de


Jésus dans sa prière, le Père accueille cette prière directement dans la
salle du trône céleste. Elle atteint son cœur, car il y discerne les accents
de la voix authentique de son Fils bien-aimé.
Quand je m’approche de Dieu au nom de Jésus, c’est comme si
Jésus me prenait par la main et m’accompagnait jusqu’au trône du
Père. Le Père peut m’accepter parce que le Fils me relie à lui. Comme
le dit Paul : «En lui [Christ], Dieu… nous a favorisés dans le bien-aimé»
(Éphésiens 1:4,6).
Cette acceptation repose évidemment sur la mort de Christ pour
nous. Quand je prie, ma prière monte par le sang, je m’approche
par le sang, je fais connaître mes besoins à Dieu par le sang, car c’est
uniquement en raison du sang versé pour moi que je suis accepté.
L’invocation du nom de l’Agneau du sacrifice me vaut d’être admis à
présenter ma prière et à bénéficier de l’écoute du Père.
En s’appuyant sur cette vérité, Jean Calvin illustre le sens de
l’expression «prier au nom de Jésus» en livrant ce commentaire sur
Hébreux 10:19 : «Le sang de Christ dégoutte (coule) toujours devant
la face de son Père.»1
Nous ne sommes pas forcément tous au courant du fonctionne-
ment de l’alambic. En voici le principe : grâce à la chaleur, le liquide
se met à bouillir pour passer par une série de tubes en serpentins ; la
masse se réduit et le taux d’alcool s’élève. Tout comme le procédé de
distillation réduit le liquide à son essence basique, selon Calvin, le sang
de Christ coule toujours dans le ciel, purifiant et concentrant en lui les
prières de ceux qu’il a rachetés par ce sang.

Sanctifier le nom de Dieu par l‛obéissance

Le nom de Dieu est d’une importance capitale. Il n’est donc pas surpre-
nant que Jésus en fasse l’objet de la première requête du Notre Père :
«Que ton nom soit sanctifié.»
La prière et la louange de Dieu 41

Sanctifié signifie que son nom soit saint, c’est le louer, l’estimer.
On retrouve ce même mot en 1 Pierre 3:15 : «Sanctifiez dans vos
cœurs Christ le Seigneur.» Les destinataires de l’épître devaient donc
mettre Christ à part en le plaçant sur un trône et en lui accordant la
prééminence.
Accorder la prééminence à Christ est en fait l’essence du vrai culte
rendu à Dieu et le fondement d’une vie caractérisée par l’authentique
prière biblique. Notre attitude consiste à nous prosterner devant Dieu.
Autrement dit, nous ne devons pas concevoir la prière comme un simple
dialogue avec Dieu, parce qu’elle est étroitement liée à notre désir de
lui obéir. Après tout, la prière est une expression de la foi ; or Jacques
rappelle que «la foi sans les œuvres est inutile» (2:20).
C’est pourquoi, lorsque nous disons : «Que ton nom soit sanctifié»,
ou : «Assieds-toi sur le trône de mon cœur», cela peut signifier que nous
clouons sur la croix notre égoïsme, notre égocentrisme, notre désir
d’être toujours premier et de faire ce que bon nous semble. Si nous
faisons nôtre la prière de Jésus, nous commencerons à expérimenter
l’œuvre de la croix dans notre vie. La croix prononce la peine capitale
sur notre désir de jouer avec le péché, et la mort fait mal ! C’est pour
cette raison que plusieurs d’entre nous connaissent la souffrance en
ce moment même.
Ce n’est cependant pas une raison pour se décourager. Le para-
doxe de la vie chrétienne, et du service chrétien en particulier, est que
chaque fois que nous soumettons notre vie à la discipline de la croix,
nous découvrons la puissance de la résurrection. Si nous sommes prêts
à laisser le champ libre à Dieu, à lui laisser la première place, ou même
à une autre personne de passer avant nous pour l’amour de Christ,
la confiance orgueilleuse en nos capacités en prend un coup, et nous
faisons l’expérience de la mort à soi. Mais comme Jésus a vaincu le
pouvoir de la mort sur la croix, la puissance de sa résurrection peut
aussi se manifester dans l’épreuve. Prier vraiment, c’est demander au
Christ ressuscité d’entrer.
42 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Le renoncement à soi porte un fruit durable

Une de mes cousines est décédée à l’âge de quatre-vingt-treize ans. Elle


était atteinte dans sa santé depuis plusieurs années, mais son fils, qui
vivait avec elle, l’entoura de ses tendres soins. Auprès de qui trouva-
t-il de l’aide dans le voisinage ? Les deux chrétiennes qui l’aidèrent à
porter son fardeau étaient elles-mêmes mères, respectivement de six
et sept enfants.
Nous avons souvent fait la remarque que ce n’était pas par hasard
qu’elles étaient prêtes à accomplir cette tâche. Le fait de devoir s’occuper
d’une famille nombreuse leur avait appris depuis longtemps à renoncer
à leurs droits devant les exigences et les besoins constants d’autrui. Elles
n’étaient cependant pas accablées ni irritées de devoir travailler si dur.
Le renoncement à soi qu’elles avaient pratiqué pendant si longtemps
avait porté un fruit enraciné dans une foi chrétienne solide et était la
source de leur esprit de service des années après.
Dans la mesure où nous nous soustrayons à la discipline de la
croix et où nous refusons de dire en toute sincérité «Que ton nom soit
sanctifié» quoi qu’il nous en coûte, notre marche chrétienne perd de
sa consistance parce que nous perdons le contact avec le Sauveur res-
suscité. La prière qui nous amène parfois au pied de la croix et nous
fait accepter la souffrance et le renoncement à soi ouvre les vannes
de la puissance. Nous gagnons alors beaucoup plus que ce que nous
avons perdu. En effet, Dieu est très généreux. Il a fait que les fleuves
de lumière, de vie et d’amour coulent précisément là où le chrétien
renonce à soi-même et à ses droits pour dire du plus profond de lui-
même : «Que ton nom soit sanctifié.»

Sanctifier le nom de Dieu par la louange

Nous avons vu que sanctifier le nom de Dieu, c’est mettre sa volonté à la


première place dans nos décisions quotidiennes. Mais que signifie cette
La prière et la louange de Dieu 43

expression dans le contexte particulier de la prière ? C’est certainement


lui apporter une louange sincère pour ce qu’il est et ce qu’il fait.
Récemment, un de nos enfants reçut le prix d’excellence pour la
première fois. Son nom fut cité dans la rubrique locale du journal. Ce
fut pour notre fils une toute nouvelle expérience que d’être reconnu
publiquement ! Avec les autres élèves méritants, il fut «mis à part» et
félicité.
Transposons cet exemple dans le domaine spirituel. Louons Dieu
en plaçant son nom en tête de liste de tous ceux que nous respectons
et honorons. Y a-t-il quelqu’un qui soit plus digne de notre louange ?
La Bible est remplie de suggestions pratiques quant aux raisons
et à la manière de louer Dieu ou de sanctifier son nom. En hébreu,
un livre entier de l’Ancien Testament est connu sous le titre Le livre
des louanges ; il comporte davantage de chapitres que tout autre livre.
C’est le Livre des Psaumes.
La prière modèle inclut la louange dans sa première requête : «Que
ton nom soit sanctifié [honoré, élevé].» La louange devrait pareillement
figurer au commencement de notre prière, devrait être la première
pensée au réveil et la dernière au coucher.
Peut-être désirez-vous louer Dieu, mais vous ne savez pas com-
ment. Calvin nous vient en aide. Il écrit que l’une des premières choses
à se souvenir quand on veut louer Dieu est que cela nous est difficile.
«Nous devons haïr notre inertie et chercher l’aide du Saint-Esprit
chaque fois que nous voulons louer Dieu. Notre cœur est si froid que
nous avons besoin d’un désir ardent de louer Dieu.»2
Autrement dit, même si nous sommes d’authentiques croyants
et mesurons quelque peu qui est Dieu, la louange et la bénédiction
que nous lui devons ne coulent pas naturellement à flots de notre être
intérieur et ne délient pas notre langue.
Calvin suggère de demander l’assistance du Saint-Esprit au début
de notre prière pour qu’il nous ouvre et nous permette de louer le
Seigneur avec son aide.
44 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

La louange nourrie de l‛Écriture

Comment l’Esprit nous aide-t-il ? Il peut le faire en rappelant certaines


interventions particulières de Dieu qui révèlent les perfections de sa
nature. Mais nous faisons bien également de nourrir notre louange de
la révélation de l’être divin, de ses actes prodigieux et de sa grâce, que
l’Esprit a inspirée et consignée dans l’Écriture.
Prenons pas exemple le passage de Philippiens 2:5-11 qui parle
avant tout de l’humiliation et de l’exaltation de Christ. L’apôtre montre
comment le Seigneur s’est humilié lui-même jusqu’à la mort pour nous
et comment Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est
au-dessus de tout nom. Le texte indique encore à quoi aboutit l’exal-
tation de Christ : «… afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse…
et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur.»
Nous avons là un exemple parfait de la manière dont une descrip-
tion de la nature et des œuvres de Dieu doit susciter la louange. L’esprit
du verset correspond exactement à l’enseignement du Seigneur sur la
nécessité de sanctifier le nom divin. Louez Dieu pour tout ce qui est
dit de Jésus dans ce passage.
On raconte l’histoire d’un vieux fermier qui, épuisé par sa dure
journée de travail, s’affalait sur son lit. Juste avant de s’endormir, il
jetait un regard rapide au mur sur le tableau brodé au point de croix
où figurait le Notre Père. «Seigneur, disait-il, c’est exactement le reflet
de mes sentiments !» Nous ne suggérons évidemment pas de formuler
une prière aussi brève que celle-là ! Mais l’homme était sur la bonne
voie en faisant écho aux paroles révélées dans l’Écriture.
Voici une idée à explorer. Prenez un passage de la Bible, lisez-le
lentement, puis utilisez les mots et les expressions mêmes du texte pour
dire au Seigneur combien vous l’aimez et l’adorez. Nous pouvons dire
«amen» à ce que nous lisons, le répéter dans nos propres mots ou faire
un pas de plus et utiliser la Bible comme tremplin pour exprimer notre
louange de façon plus personnelle.
La prière et la louange de Dieu 45

Prenons par exemple Genèse 1:1. «Au commencement, Dieu créa


les cieux et la terre.» Il fut donc un temps (si on peut s’exprimer ainsi !)
où rien n’existait à part Dieu. Puis le Seigneur créa tout. Louez-le pour
cela. Louez-le pour la création que vous voyez autour de vous, louez-le
pour la puissance et l’imagination qu’il a déployées dans ses œuvres.
Louez-le de ce que vous avez des yeux pour voir, de ce qu’il s’est révélé
à vous et vous a fait savoir qu’il est le Créateur.
Ou choisissez un Psaume particulier. Le Psaume 103 constitue
un merveilleux support pour la louange parce qu’il ne contient pas
une seule requête ! On l’a intitulé «le Psaume de la louange pure». Il
commence par : «Mon âme, bénis l’Éternel, et n’oublie aucun de ses
bienfaits !» (v.2) Lisez-le lentement ; notez comment Dieu guérit, par-
donne nos iniquités, les éloigne de nous autant que l’orient est éloigné
de l’occident, comment il redonne une nouvelle jeunesse, comment il
rassasie de bonnes choses. Ajoutez alors vos propres sujets de louange
à ceux du roi David.
On peut aussi s’inspirer d’Apocalypse 5. Joignez-vous au chœur
des anges et des saints. Vous pouvez même imaginer vous associer
à certains de vos bien-aimés qui vous auront précédé dans la gloire.
Que font-ils, heure après heure, face à face avec le Dieu vivant ? Jean
déclare les avoir entendus s’écrier : «L’Agneau qui a été immolé est
digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur,
la gloire et la louange» (5:12).
Lors de votre culte personnel, vous pouvez ajouter votre voix à
celles des multitudes célestes qui louent l’Agneau immolé. N’hésitez pas
à entonner un des Psaumes paraphrasés dans nos recueils de chants
ou d’autres cantiques de louange plus récents.

Une louange sincère

La troisième qualité que doit posséder notre louange est de jaillir du


cœur tout entier. «Je louerai l’Éternel de tout mon cœur» (Psaume 9:2).
46 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Louons donc le Seigneur en lui prêtant toute notre attention. Vous


savez combien il est désagréable d’essayer de parler à quelqu’un qui
regarde ailleurs, s’adresse à quelqu’un d’autre ou augmente le son de
la télé ! Vous avez le sentiment de dire quelque chose qui méritait d’être
écouté, mais l’autre fait comme si vous n’étiez pas là.
Nous sommes tous passés par là. Nous avons prêté une oreille
distraite à autrui, et celui-ci a agi de même envers nous. Dieu sait si
nous lui accordons toute notre attention, si notre regard est fixé sur lui,
et que cela ne lui est pas du tout égal. Il veut donc nous aider à nous
concentrer sur lui. Quand nous venons à lui pour le louer au début de
notre prière, demandons-lui de nous aider à lui prêter une attention
entière.
Le dix-septième siècle connut un homme remarquable, connu sous
le nom de Frère Laurent. Il était cuisinier dans un monastère proche
de Paris, mais dans sa position plutôt humble et insignifiante, il trouva
le moyen d’écrire un livre intitulé La pratique de la présence de Dieu
qui fut en bénédiction à beaucoup.
Il devait s’occuper de quantité de choses dans la cuisine du monas-
tère, laver la vaisselle, faire d’énormes omelettes pour la congrégation,
récurer le sol. Malgré cela, il apprit à louer Dieu continuellement, au
milieu du bruit et de l’agitation. Il pratiquait une «déconnexion» mentale
pour diriger pendant quelques instants toute son attention vers Dieu, lui
apporter quelques mots de louange et d’adoration, puis il reprenait le
cours de ses occupations. Sa vie devint un tel jaillissement de louange
que celle-ci influençait toute sa personne. Cet homme fut une telle
bénédiction à son entourage immédiat que même des évêques et des
chefs d’État vinrent de toute l’Europe chercher ses conseils.
Il n’avait jamais quitté sa cuisine pour apprendre le secret de la
présence de Dieu et, jusqu’à la fin de ses jours, il demeura fidèle à son
poste. Il avait tout simplement appris à louer Dieu là où il était et avait
découvert le secret de lui accorder une pleine attention. C’est ce qui
conférait de la valeur à ses prières. Cette seule chose transforma sa vie
La prière et la louange de Dieu 47

et lui ouvrit les portes d’un ministère étonnamment efficace là où il se


trouvait, dans l’exercice d’une tâche humble, servile et sans prestige.
Nous aussi, nous pouvons louer Dieu là où nous sommes, dans
les situations les plus invraisemblables. Même si vous devez passer une
bonne partie de votre temps dans la cuisine, réjouissez-vous ! Tout
ce que Dieu vous demande est la totalité de votre cœur, ce que vous
pouvez apprendre à lui donner, que ce soit dans la cuisine, à l’école,
au magasin, au bureau ou sur la place du marché.

La louange à Dieu débouche sur une bénédiction personnelle

Nous louons Dieu ou sanctifions son nom, tout simplement parce qu’il
le mérite. Comme le dit l’Apocalypse : «L’Agneau qui a été immolé est
digne de recevoir… l’honneur, la gloire et la louange» (5:12). Il n’est
cependant pas faux d’ajouter que celui qui loue Dieu de tout son cœur
en tire aussi un grand bien spirituel personnel. Quels sont certains des
bienfaits que nous procure la louange de Dieu ?
La louange qui monte vers Dieu de tout notre être fait partie du
programme divin pour rétablir l’équilibre entre les différentes composan-
tes de notre personnalité, un équilibre que la chute a faussé, entraînant
toutes sortes de problèmes depuis. La prière et la louange s’inscrivent
donc comme des éléments de notre sanctification en restaurant l’image
de Dieu en nous et en tirant le meilleur de nous-mêmes.
La prière communique une bénédiction dans notre vie brisée en
orientant notre attention sur le Dieu vivant alors que nous nous efforçons
de le louer comme il en est digne. Nous sommes alors obligés de faire
appel à toutes nos facultés mentales et émotionnelles conformément
à l’usage pour lequel elles furent initialement créées.
La prière possède un pouvoir curatif merveilleux dont les effets
touchent chaque aspect de notre personnalité lorsque nous nous déta-
chons de nous-mêmes pour fixer notre attention sur Dieu, sa personne
et sa volonté, tels que l’Écriture les révèle.
48 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Par exemple, la compréhension de la nature de Dieu telle qu’elle


apparaît dans la Bible et la découverte de notre lien avec lui peuvent
devenir le fondement d’une compréhension correcte de la réalité en
général.
En exposant nos circonstances à Dieu et en devant décider si telle
requête particulière est vraiment légitime et nécessaire, nous soumet-
tons notre faculté de juger correctement à un examen minutieux. De
plus, lorsque nous nous présentons devant le Seigneur dans la prière
pour savoir si telle action à entreprendre est conforme à sa volonté
révélée, nous offrons à notre conscience la meilleure occasion de se
développer.
En sanctifiant le nom de Dieu, nous soumettons également nos
émotions et notre volonté à une saine influence. Le simple fait de le
contempler dans la beauté de son être et de faire de lui le suprême
objet de notre adoration et de notre désir éveille en nous des émotions
et en tire le meilleur usage. Des changements permanents s’opèrent
dans notre vie quand nous amenons au pied de la croix notre volonté,
si indispensable pour traduire nos pensées et nos objectifs en actes qui
font l’histoire de la vie humaine.
En d’autres termes, chaque élément de la personnalité est affectée
et rend sa part de service quand l’homme se prosterne en adoration
devant ce Dieu dont il est lui-même l’ombre confuse et sombre.
Paul Billheimer, un auteur moderne, démontre la valeur psycho-
logique de la prière en écrivant :

«Le fait que, par nature, la louange est généreuse, constitue une
raison majeure pour l’offrir au début de la prière… C’est là une
des valeurs les plus appréciables de la louange : elle écarte le moi
du centre. L’adoration et la louange de Dieu exigent que le centre
se déplace du moi vers Dieu. On ne peut louer Dieu sans en même
temps abandonner la préoccupation du moi. La louange produit
l’oubli de soi-même, et cet oubli est sain.»
La prière et la louange de Dieu 49

La louange met l‛ennemi en déroute

Le fait de louer Dieu de tout son cœur en s’appuyant sur la Parole


révélée ne procure pas seulement des bienfaits spirituels et émotionnels ;
il aboutit aussi à des résultats parfois vraiment surprenants et modifie
complètement les circonstances matérielles. 2 Chroniques 20 montre
comment la louange du Dieu glorieux et triomphant chasse la puissance
du mal du milieu de nous.
Du temps du bon roi Josaphat, beaucoup d’ennemis s’étaient
rassemblés contre Juda. Quoique numériquement inférieur à ses adver-
saires, le peuple de Dieu plaça sa confiance en l’Éternel, et décida de
sortir et d’aller combattre avec courage. Josaphat mobilisa son armée,
mais il demanda également au peuple de jeûner et de prier avant que
l’armée n’entre en action.
Après avoir rassemblé ses hommes pour la bataille, le roi prit une
décision intéressante, une initiative que nous ne prendrions jamais
dans une guerre moderne. Il ordonna aux femmes et aux enfants
de se placer devant l’armée formée de leurs maris et pères. Puis il fit
également venir le sacrificateur et les chantres du temple et les plaça
au premier rang des soldats en formation de combat.
«Au moment où l’on commençait les chants et les louanges»
(v.22), il se produisit quelque chose d’extraordinaire. Dieu fit descendre
sa puissance, et les soldats des armées ennemies commencèrent à
s’entre-tuer. Satan avait conçu le projet de rayer Israël de la carte pour
empêcher ainsi la venue du Messie qui apporterait le salut au monde
entier. Mais les chants de louange entonnés par de petits enfants firent
échouer son plan ! Ses troupes se dressèrent les unes contre les autres.
Quand le peuple de Dieu arriva sur les lieux, ce n’était que monceaux
de cadavres chargés de tellement de butin qu’il fallut trois jours aux
Israélites pour l’amasser et l’emporter !
Vous vous demandez pourquoi les choses se déroulèrent ainsi.
Comment une chose pareille put-elle se produire ? Il me semble que la
50 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

réponse se trouve au Psaume 22:4 : «Tu es le Saint, tu sièges au milieu


des louanges d’Israël.» En d’autres termes, quand le peuple loue Dieu,
c’est comme si, dans un sens réel, celui-ci descendait personnellement
du ciel avec puissance pour chasser le mal. On dit que le diable déteste
entendre chanter des cantiques et qu’il est incapable d’en chanter
une seule note. Lorsque les rachetés chantent et louent Dieu et son
Fils par le Saint-Esprit, le Seigneur peut se manifester d’une manière
particulière, comme il le fit en faveur de Josaphat. Dans nos luttes, le
chant des cantiques peut également faire fuir Satan.

La louange nous rend oublieux de nous-mêmes

La louange n’est pas un moyen psychologique à bon marché pour nous


débarrasser de nos préoccupations. Absolument pas ! Nous louons Dieu
pour qui il est. Il est le but principal de notre vie. Mais il est également
vrai que lorsque nous louons Dieu, une certaine atmosphère se crée.
Des amis avaient un fils et une fille qui ne cessaient de se taquiner,
de se battre et de se quereller. L’aîné, en particulier, ne ratait pas une
occasion de se moquer de sa sœur. Las de cette situation, les parents
suggérèrent au garçon qu’au lieu de critiquer sa sœur, il cherche quelque
chose de bien à dire d’elle. Pour chaque offensive méchante, il devait
faire deux compliments à sa sœur. Il fallait qu’il trouve quelque chose
de positif en elle.
Au début, cet exercice lui parut aussi difficile que de vouloir extraire
de l’eau d’un caillou. Le garçon se grattait la tête, totalement incapable
de déceler la moindre qualité chez sa petite sœur. Mais au fil des mois,
son attitude se mit à évoluer. Aujourd’hui, des années plus tard, les
sentiments entre les deux enfants ont considérablement changé et les
relations au sein de la famille sont beaucoup plus paisibles.
Jonathan Edwards, le grand théologien du dix-septième siècle,
déclare dans son remarquable livre sur 1 Corinthiens 13 (La charité
et ses fruits) que lorsque la louange imprègne un foyer, l’atmosphère
La prière et la louange de Dieu 51

du ciel s’y installe inévitablement. La paix et la joie du lieu où siège


celui que nous louons descendent sur la terre lorsque nous mettons en
relief sa personne et sa bonté en toutes circonstances. Mais lorsque des
récriminations remplissent un foyer, celui-ci se prive de l’atmosphère
céleste et peut devenir un véritable enfer.
La louange nous arrache à nous-mêmes, à nos préoccupations
mesquines et nous propulse dans quelque chose de merveilleux et
d’anoblissant. Elle nous plonge au cœur même des desseins et de la
personne de Dieu. La beauté du Seigneur notre Dieu commence d’une
certaine manière à descendre sur les siens. Il s’ensuit que les œuvres de
leurs mains, les requêtes de leur cœur et de leurs lèvres commencent
à se réaliser. Le nom de Dieu est alors glorifié.
Tel est notre Dieu : tellement riche en grâce, il prend plaisir à faire
miséricorde. C’est un Dieu personnel, infini, trinitaire, qui nous aime
et nous sauve en Jésus. Il mérite les louanges de notre cœur.
Pour Jésus, le fondement de la vie et de la première requête
formulée dans notre prière quotidienne est : «Notre Père qui es aux
cieux, que ton nom soit sanctifié !» Les auteurs du Petit catéchisme
de Westminster avaient absolument raison de rédiger ainsi le premier
article : «Le but principal de la vie de l’homme est de glorifier Dieu et
de trouver en lui son bonheur éternel.» Dans la mesure où nous aussi,
nous commençons à comprendre ce principe et à nous y conformer,
nous découvrirons que nous avons accès à la clé de la vie.

Notes :

1. Jean Calvin, Commentaires bibliques, épître aux Hébreux, éditions Kerygma/éditions


Farel, 1990, p. 142.
2. Jean Calvin, L’Institution de la religion chrétienne, éditions Kerygma/éditions Farel,
1978, Livre III, chapitre 20.
3
La prière
et les desseins de Dieu
«Que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la
terre comme au ciel» (Matthieu 6:10).

Imaginez l’absurdité de la situation si le président fraîchement élu ne


dévoilait pas à la nation les grandes lignes de l’action de son gouverne-
ment ni les moyens pour atteindre les objectifs qu’il a indiqués dans le
programme sur lequel il a été élu. Un chef sans aucun plan d’action est
une contradiction dans les termes ! Le leadership présuppose le pouvoir
de concevoir une politique et les moyens de la mener à bien.

Un Dieu souverain

Nous avons débuté notre étude sur la prière en constatant que la nature
du Dieu infini et personnel constitue le fondement de toute prière. C’est
pourquoi la première requête du Notre Père commence par : «Notre
54 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Père qui es aux cieux.» Mais la Bible fournit d’autres informations


concernant Dieu pour nous permettre de prendre un bon départ et
de poursuivre dans la bonne voie par nos requêtes personnelles. Tout
d’abord, Dieu est souverain.
On utilise généralement le mot souverain dans le contexte de la
royauté. Le souverain est celui qui détient l’autorité suprême. On l’a
transféré aujourd’hui sur le peuple pour en dénoter l’indépendance,
l’autorité à se déterminer soi-même. L’autorité ne se trouve souvent
plus entre les mains d’un seul homme, mais elle est assumée par un
gouvernement et ventilée entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire pour
une question d’équilibre et de séparation des pouvoirs. La plupart des
États modernes adoptent ce schéma. Le parti dominant est celui qui
détient le pouvoir de mettre en œuvre la politique du président.
Éphésiens 1:11 décrit Dieu comme «celui qui opère toutes choses
d’après le conseil de sa volonté.» C’est le tableau d’un Dieu souverain
qui a conçu un plan pour toute l’Histoire. Nous découvrons ainsi que
notre Père, déjà entrevu comme le Dieu infini, personnel et trinitaire,
siège sur le trône de sa toute-puissance et accomplit tout conformé-
ment à son plan parfait. Il n’est pas un observateur impassible de
son royaume, mais s’implique activement dans notre existence, étant
toujours à l’œuvre.
Personne ne construit un ouvrage sans avoir au préalable fait
une étude ou un plan dans son esprit ou sur le papier. L’architecte n’a
pas seulement les dessins cotés et la forme générale, mais également
un calendrier pour exécuter les travaux dans le détail. Dieu aussi a un
projet, le «conseil de sa volonté», qu’il réalise dans ses moindres détails,
jour après jour, année après année, génération après génération.

Le pouvoir de la prière d‛un seul homme

Un tableau complètement différent révèle une autre vérité concernant


la prière : celle-ci change le déroulement de l’Histoire. Dieu accomplit
La prière et les desseins de Dieu 55

sa volonté sur la terre qu’il a créée, dans l’espace et dans le temps. Il


ne s’agit pas d’une réalité vague, éthérée et intangible.
Avez-vous jamais entendu parler dans les livres d’histoire d’un
homme du nom de Jaebets ? Probablement pas. L’histoire juive lui
accorde pourtant une place particulière, même si elle est presque
étouffée dans les longues généalogies du premier livre des Chroniques
(voir 1 Chroniques 4:9,10).
Dans ces chroniques d’autrefois, les auteurs se contentent générale-
ment d’énumérer les familles, génération après génération, ne s’arrêtant
que pour attirer l’attention sur quelques personnages grands et célèbres,
qui ont apporté une contribution significative à l’histoire du peuple.
Mais 1 Chroniques 4:9,10 fournit des détails de la vie d’un homme qui
n’est mentionné nulle part ailleurs. À l’évidence, sa prière et la réponse
qu’il reçut furent vraiment remarquables. Dans les annales de l’éternité
sa requête revêt autant de valeur que les exploits politiques, militaires
et religieux auxquels on accorde généralement une attention spéciale.
Voici ce que l’Écriture rapporte à son sujet :

«Jaebets était plus considéré que ses frères ; sa mère lui donna le
nom de Jaebets, en disant : C’est parce que je l’ai enfanté avec
douleur. [En hébreu son nom signifie littéralement : «Il afflige».]
Jaebets invoqua le Dieu d’Israël, en disant : Si tu me bénis et que
tu étendes mes limites, si ta main est avec moi, et si tu me préserves
du malheur, en sorte que je ne sois pas dans la souffrance !… Et
Dieu accorda ce qu’il avait demandé.»

Jaebets demanda à Dieu une bénédiction personnelle particulière. Il


implora d’abord le secours de Dieu dans ses affaires, puis l’aide divine
dans son comportement à l’égard d’autrui. Il craignait visiblement
que son nom reflète sa personnalité et ne voulait pas être un individu
qui inflige la souffrance toute sa vie. Sa prière n’avait pas de forme
élaborée et n’était pas enveloppée dans un langage religieux choisi.
56 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Jaebets exprima tout simplement à son Père ses désirs fondamentaux


et ses projets de vie.
Notons que rien ne permet de penser que Dieu n’exauça qu’une
partie de cette prière. Il est clairement dit qu’il lui accorda ce qu’il avait
demandé. Nous sommes parfois enclins à penser qu’il est plus facile
pour Dieu de résoudre des problèmes spirituels ou psychologiques, et
qu’il vaudrait mieux que nous ne lui demandions pas de bénédictions
matérielles. Pourtant, demander à Dieu de changer une personnalité,
comme le fit Jaebets, est loin d’être une chose facile, et cela peut
demander des années !
Il n’est pas de domaine que nous ne puissions présenter au
Seigneur dans la prière, comme le rappelle l’expérience de Jaebets.
Après tout, Dieu a créé toutes les composantes de la réalité, et il agit
en toutes.
Quand Jaebets pria, le Dieu souverain assis sur son trône fut tel-
lement honoré par le fait que l’homme s’adressa à lui à propos de ses
circonstances qu’il descendit et modifia sa situation. Non seulement il
exauça la requête de Jaebets, mais il fit aussi de lui un saint honoré pour
l’éternité. Jaebets figure dans l’histoire d’Israël parce que sa prière fit
intervenir la puissance de Dieu dans tous les aspects de sa vie et eut des
répercussions notables dans son environnement historique immédiat.
Deux images doivent donc s’imposer à notre esprit : un Dieu
souverain et un homme ordinaire revêtu d’un pouvoir authentique
parce qu’il s’adressa à ce Dieu dans la prière.

Dieu a un plan

Dieu étant une personne, non seulement nous pouvons communiquer


avec lui, mais de plus nous avons la certitude qu’il agit conformément à
un plan. L’une des caractéristiques de la personnalité est sa faculté de
prévoir et de faire des plans d’avenir. Nous sentons le besoin d’exercer
un certain contrôle sur le futur.
La prière et les desseins de Dieu 57

Cette faculté fait évidemment partie de notre constitution à l’image


de Dieu. Une fois admise la réalité d’un Dieu personnel et tout-puissant,
il s’ensuit nécessairement qu’il possède un plan qui englobe tout. Sans
un tel plan, tout ne serait que désordre indescriptible et chaos total. Les
actions de Dieu, ses paroles et tout ce qui le concerne, sont asservis à
un dessein suprême. Il connaît tout du commencement à la fin, et il en
a été ainsi de toute éternité.
Étant parfait, Dieu ne commet aucune erreur et ne prend pas de
faux départ. Avec lui, rien ne se produit par hasard. Il n’existe ni hasard,
ni chance, ni bonne étoile, ni mauvais sort, car il a tout programmé
avec amour. Le Dieu qui maîtrise tout s’intéresse personnellement à
ce qui se produit dans l’accomplissement de son dessein.
L’Histoire montre que la négation de la personne divine prive la
vie d’un sens et d’un but. Dans son célèbre ouvrage Civilisation de
la renaissance en Italie, Burckhardt analyse avec brio les résultats du
remplacement d’une foi chrétienne centrée sur Dieu par une nouvelle
forme du paganisme classique centré sur l’homme, dans l’Europe des
quinzième et seizième siècles.
La négation du Dieu personnel de l’Écriture, qui exerce un contrôle
sur le monde par sa providence, résulta dans la réintroduction des
idées anciennes de sort, de destin, de hasard, de bonne fortune et de
superstition. Mais la Réforme protestante et la Contre Réforme catho-
lique du seizième siècle rétablirent la croyance en Dieu au centre de
la vie européenne et, avec elle, le sentiment de répondre à un dessein
et une raison d’être.
Une vision biblique du monde procure à l’humanité l’assurance
que le monde n’est pas prisonnier d’un fatalisme rigide, impersonnel
et peut-être même cruel. Dieu nous invite au contraire à réaliser quel
est son plan et à y prendre notre place. L’étape suivante du Notre Père
aborde la question du projet ou du dessein de Dieu : «Que ton règne
vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.» C’est
là que se situe le point de jonction des deux images évoquées plus
58 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

haut, l’endroit où se rencontrent le Dieu souverain et l’individu aussi


insignifiant que nous sommes, vous ou moi.

Définition du plan divin

Jésus donne quelques directives pratiques dans les deuxième et troi-


sième requêtes du Notre Père. Il enseigne à prier pour la réalisation du
plan divin dans le monde, et à glorifier ainsi le Père. Le plan de Dieu
se réalise dans l’établissement de son royaume, c’est-à-dire son règne
sur la terre, alors que le monde gît présentement sous le pouvoir du
péché et de Satan. Mais nous pouvons puiser de l’encouragement dans
notre deuxième tableau.
Bien que Jésus déclare avoir vaincu le monde (Jean 16:33), les
prières de gens ordinaires comme Jaebets, vous et moi ont une place
bien réelle. Elles sont un moyen primordial de faire valoir sa victoire
dans des domaines qui nous concernent personnellement, mais aussi
dans tout l’éventail des affaires nationales et internationales. La prière
fait descendre des bénédictions, change des vies, édifie des églises,
assaille le diable, apporte le renouveau dans les communautés et même
dans les nations. Les cris de membres insignifiants de la société humaine
peuvent vraiment avoir des effets influents sur cette société.
L’histoire de Jaebets est un exemple qui montre que la prière
d’un homme eut des répercussions décisives sur sa sphère d’influence
immédiate. Il y eut dans le cours de l’Histoire des cas certainement plus
nombreux que nous l’imaginons où la prière fut un facteur décisif dans
l’issue de crises qui menaçaient une nation.
Une telle crise se produisit sous le règne d’Élisabeth I d’Angleterre.
Les Espagnols projetaient d’envahir ce pays nouvellement acquis à la
Réforme protestante et d’y imposer à nouveau l’influence du catholi-
cisme romain. Alors que l’Espagne rassemblait une flotte de plusieurs
centaines de navires de guerre, les chrétiens se réunirent à travers toute
l’Angleterre pour implorer à genoux le secours divin.
La prière et les desseins de Dieu 59

L’Armada mit les voiles au printemps 1588 mais n’atteignit jamais


les côtes anglaises. Après plusieurs escarmouches dans la Manche, une
terrible tempête se déchaîna et dispersa la flotte espagnole. Plusieurs
bâtiments furent tellement déroutés qu’ils regagnèrent l’Espagne en
contournant l’Écosse !
Dans un certains sens, le monde existe pour l’Église, pour la pré-
paration d’une épouse au Fils de Dieu. En nous enseignant à prier :
«Que ton règne vienne», Jésus pense avant tout au bien-être de son
Église. En accord sur ce point avec le Notre Père, ces protestants anglais
d’autrefois sentaient qu’ils pouvaient supplier Dieu de protéger le pays
contre la menace d’invasion. Le pays profita ainsi de la présence d’une
Église en prière.
La prière est également indispensable pour conserver l’Église
forte et pure, capable d’annoncer un Évangile efficace et d’apporter
le salut à beaucoup. Celui qui prie veille à ce que l’Église conserve ses
qualités authentiques de sel qui, répandu dans la société, la préserve
de la corruption. Ce n’est donc pas un hasard si, là où l’Église est forte,
le crime et la violence ne sont pas si présents. Ainsi, les observateurs
n’ont pas manqué de faire remarquer la grande ressemblance entre deux
îles par ailleurs si différentes : l’île de Malte, de religion principalement
catholique romaine, et l’île de Lewis, sur la côte nord-ouest de l’Écosse,
à majorité fortement calviniste.
Pendant des années, ces îles ne connurent aucun crime. Lorsque le
premier fut perpétré sur l’île de Malte au début de 1960, la population fut
en état de choc, tellement elle était peu habituée à un tel comportement
dans une contrée où presque tous les habitants allaient régulièrement
à l’église et connaissaient les dix commandements. Le même état de
choc s’empara de l’île de Lewis au début des années 1970, lorsqu’un
malade échappé d’un asile psychiatrique entra dans une maison dont
la porte n’était pas fermée à clé et tua la dame âgée qui y habitait.
Lorsque nous prions pour le monde, l’intervention de Dieu dans les
affaires des hommes est toujours contingente à son plan pour l’Église.
60 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Mais il est également vrai qu’une Église forte est en bénédiction à la


société dans son ensemble, puisqu’elle fait reculer les limites de la
domination de Satan.
Finalement, cette requête montre que le but ultime de nos prières
et le besoin suprême de toute la création sont le retour de Christ. Le
royaume sera alors établi dans son intégralité, avec la défaite finale de
Satan à la fin des temps. En attendant, le fait même que nous devions
prier pour la terre indique que Dieu prend au sérieux cette existence
matérielle. Son plan inclut cette planète pécheresse et rebelle dans son
existence actuelle. C’est ici-bas qu’il veut que son nom soit glorifié.

Deux vérités complémentaires

Notons quelque chose de très remarquable : Jésus déclare que nos


prières s’inscrivent dans le déroulement des desseins divins ! La prière
fait de nous des acteurs dans la réalisation du plan de Dieu. Le Sei-
gneur nous invite à nous approcher de lui avec nos besoins terrestres,
tout comme le firent Jaebets ou ceux qui l’invoquèrent pour éloigner
l’invincible Armada espagnole. Notre prière intervient activement pour
que la volonté de Dieu «soit faite».
S’il n’en était pas ainsi, Dieu nous dirait simplement que son règne
viendra et que nous n’avons pas à nous faire de souci à cet égard. Il nous
suffirait d’obéir à sa volonté révélée, et non de prier pour son accom-
plissement. Mais, dans ses voies extraordinaires, le Dieu souverain et
immuable, auteur d’un plan défini de toute éternité pour ses créatures,
nous invite à collaborer avec lui dans le déroulement de l’Histoire.
Alors que nous prions pour que le plan de Dieu se réalise dans
notre vie et dans le monde entier, nous pouvons conserver une juste
perspective si nous gardons à l’esprit ces deux vérités bibliques formi-
dables. Premièrement Dieu a un plan qui englobe toutes choses et il
est absolument souverain sur tout. Deuxièmement, la prière humaine
est vraiment efficace dans la sphère surnaturelle.
La prière et les desseins de Dieu 61

Chaque fois que ces deux vérités sont réunies, elles provoquent une
certaine réaction. Quelque chose de merveilleux s’opère chez ceux qui
croient ces vérités, qui s’appuient dessus et en vivent. Elles ont des effets
remarquables dans leur vie de prière et dans leur service public.

Les réformateurs ont changé le cours de l‛Histoire

La foi en la souveraineté de Dieu et en l’efficacité de la prière de


l’homme était un trait caractéristique de la vie des réformateurs protes-
tants qui changèrent non seulement la face de l’Europe mais également
celle du monde moderne. Nous profitons d’ailleurs encore de la liberté
et de la prospérité entraînées par la redécouverte et l’union de ces deux
grandes vérités lors du grand réveil spirituel du seizième siècle.
Comme les apôtres avant eux, ils «ont bouleversé le monde», car
ils croyaient pouvoir entrer en contact avec le maître souverain de l’uni-
vers. Ils avaient redécouvert sa nature personnelle et la possibilité d’être
unis à lui par Christ. Ils savaient donc qu’ils pouvaient compter sur son
pouvoir pour intervenir dans leur vie et sur leur environnement.
Thomas Carlyle, le célèbre critique et philosophe britannique, mon-
tre clairement que nos droits civiques les plus précieux et nos institutions
de liberté sont le résultat direct de la Réforme européenne du seizième
siècle et des mouvements qui en découlèrent au dix-septième siècle.
Dans un de ses essais bien connus, il dresse la liste des libertés
civiles comme l’existence de parlements, le renversement réussi de
gouvernements tyranniques ou encore la liberté de pensée. Il en retrace
l’origine, non dans l’avènement du règne souverain de l’homme mais
dans l’impact de la redécouverte de la vérité au sujet de Dieu.

Dieu a prévu de se servir de nos prières

Suivons, nous aussi, l’exemple des réformateurs et associons ces deux


vérités fortes. Alors seulement nous comprendrons ce que signifie prier
62 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

pour que la volonté de Dieu s’accomplisse et que son règne vienne.


Sur son trône, le Dieu souverain qui a prévu toutes choses du com-
mencement à la fin, a conçu son plan pour que les prières des saints
soient l’un des moyens essentiels dont il se sert pour parvenir à ses fins.
Au lieu d’un affrontement entre la souveraineté de Dieu et la prière
du croyant, les deux tiennent compte l’un de l’autre, se complètent et
se renforcent.
Dieu a créé le monde et a élaboré son plan de telle sorte que, lors-
que nous sommes accablés ou préoccupés par une certaine situation, il
la fait concourir pour le bien, notamment la réalisation de ses desseins.
En fait, il nous charge du fardeau. Ainsi, lorsqu’une situation que nous
ne maîtrisons pas nous écrase, nous nous mettons à prier.
Le fait que Dieu nous pousse parfois à prier en nous soumettant
à notre insu à des pressions inhabituelles rappelle l’histoire de Shasta
et Aravis, deux personnages des romans de C.S. Lewis, regroupées
dans Les chroniques de Narnia.
Dans l’histoire exquise Le cheval et son écuyer, Shasta, le garçon
esclave, et Aravis, une fille aristocrate en fugue, les deux héros de l’his-
toire, sont pourchassés ou attaqués par des lions en différents endroits
de leur dangereux voyage. À un moment, ils rencontrent même un
chat de gouttière quelque peu étrange sous une apparence normale.
Ces animaux les empêchent de prendre la direction où ils voulaient
aller et les forcent à emprunter une autre route. Quelle horreur d’être
attaqués par des animaux dangereux alors qu’ils sont déjà soumis au
stress d’un voyage qui met leur vie en péril !
Mais à la fin de l’histoire, nos deux héros sont surpris et grandement
rassurés de découvrir que les différents lions hostiles et l’étrange chat
de gouttière ne sont en fait qu’une seule et même personne : Aslan,
le lion surnaturel que Lewis utilise comme type de Christ, «le lion de
la tribu de Juda».1
Si les lions et le chat ne les avaient pas effrayés et contraints de
prendre une autre direction, Shasta et Aravis auraient été capturés par
La prière et les desseins de Dieu 63

l’ennemi et immédiatement mis à mort ou réduits en esclavage. Les


pressions étranges exercées par ces attaques effrayantes étaient en fait
une bénédiction divine qui obligeait les deux héros à voyager sur un
chemin sûr.
Un jour, nous aussi, nous découvrirons que de nombreuses prières
que nos craintes et nos souffrances nous ont arrachées n’étaient que
l’ombre de la main divine qui nous préservait, nous et les autres, de
dangers insoupçonnés, en nous forçant secrètement à nous diriger vers
la bergerie d’un Berger invisible.
Il peut s’agir de choses qui nous touchent personnellement ou
d’un besoin à l’autre bout du monde porté à notre connaissance. Peut-
être une situation d’extrême urgence nous a-t-elle contraints dans le
désespoir à ployer les genoux ; peut-être avons-nous pris l’habitude
d’apporter journellement certaines requêtes au Roi. Quel que soit
le mobile qui nous pousse à venir à Dieu, le fait est qu’il a décidé
d’avance que les prières de son peuple ouvriraient les cieux pour en
faire descendre les bénédictions qu’il a prévues et qui ne se répandent
que si les chrétiens prient.

Saisir la vision

Quoi que nous fassions, où que nous soyons, tout au long de notre vie
Dieu a un plan pour notre travail quotidien, que ce soit dans l’évan-
gélisation ou la prédication. Il réalise son plan en agissant sur notre
personnalité pour que nous priions et qu’ensuite nous entreprenions une
action intelligente en prêchant, en témoignant ou en servant d’une autre
manière. Dans le déroulement de tout, son plan vient progressivement
à maturité. Les objectifs commencent à être atteints grâce aux prières
et aux actions des chrétiens. C’est parce que Dieu l’a décidé ainsi que
les deux vérités (qu’il a un plan souverain et que le croyant détient un
authentique pouvoir dans la prière pour agir sur le surnaturel) ne sont
pas antagonistes, mais se conjuguent avec harmonie.
64 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

La vision de ce Dieu souverain glorieux, qui a ordonné les prières


des siens comme moyen d’exécuter ses décrets admirables et indicibles,
donne à ceux qui s’en saisissent la capacité de transformer le monde.
Ils ont l’assurance que Dieu peut intervenir par sa puissance. La des-
cription que Hallesby donne de la prière mérite d’être citée : la prière
introduit dans la présence du Christ vivant.
Nous voyons ainsi comment nos prières peuvent contribuer à la
réalisation des desseins de Dieu et pourquoi nous devons être fidèles
à prier : «Que ton règne vienne !», conformément à l’enseignement de
Jésus. Le Seigneur nous donne encore d’autres instructions.
Dès le début du Notre Père, Jésus a enseigné à mettre Dieu au
premier plan. Ne soyons pas surpris de devoir rester sur cette même
pensée dans la formulation de la troisième requête, quoi qu’il nous en
coûte. Alors que nous demandons à Dieu d’intervenir pour transformer
le monde, le Seigneur nous enseigne à dire : «Que ta volonté soit faite !»
Le souci de sa volonté que son nom soit glorifié, et non le nôtre, doit
diriger nos prières.
La précision «sur la terre comme au ciel» constitue un puissant
encouragement à prier pour son intervention. En effet, nous mesurons
que le mandat confié à son peuple, par le moyen de la prière, n’est rien
moins que la réalisation de son plan. L’Écriture révèle peu de choses
concernant le ciel. Mais une chose est sûre : le ciel est rempli d’ado-
ration et de louanges offertes à Dieu dans une soumission joyeuse et
complète qui démontre leur sincérité. Il devrait en être de même ici-bas.
Jésus déclare que le Père souhaite une humanité vivant et agissant en
conformité à sa volonté divine. Nous ne nous trompons donc jamais
lorsque nous prions dans ce sens.

La volonté divine, connue et inconnue

Quelle est la volonté de Dieu ? La théologie traditionnelle l’envisage


dans deux sens différents quoique reliés.
La prière et les desseins de Dieu 65

Il y a tout d’abord l’enseignement de la Bible qui peut se résumer


sous le titre : «La volonté secrète de Dieu», celle qui se manifeste par
ses décrets. Il s’agit de la volonté qu’il exerce dans ses actions comme
la création (cf. Apocalypse 4:11), la providence (cf. Daniel 4:35), et dans la
grâce (cf. Romains 9:15). Mais il est aussi question de «sa volonté révélée»,
celle qui se manifeste par les préceptes énoncés dans sa Parole. Ce ne
sont évidemment pas deux volontés différentes, mais deux aspects de
la même volonté.
Voici l’explication que donne Arthur Pink :

«Les mots «la volonté de Dieu» expriment soit ce que Dieu a décidé
de faire, soit ce qu’il nous commande de faire. Dans le premier sens,
la volonté de Dieu est toujours, a toujours été et sera toujours faite
sur la terre comme au ciel. Aucune politique humaine ni aucun
pouvoir diabolique ne peut s’y opposer
«Le Notre Père contient une prière visant à ce que nous nous
conformions pleinement à la volonté révélée de Dieu. Cette volonté
divine révélée ou prescriptive s’applique à nos actions, car Dieu a
fait connaître dans l’Écriture ce qui lui plaît.
«La volonté secrète ou arrêtée de Dieu s’accomplit toujours,
aussi bien sur la terre que dans les cieux, car personne ne peut
s’y opposer ni la freiner. Mais il est également clair que toute
désobéissance aux préceptes donnés par Dieu est une violation
de sa volonté révélée.
«Moïse établit clairement cette distinction quand il déclare à
Israël : «Les choses cachées sont à l’Éternel, notre Dieu ; les choses
révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous
mettions en pratique toutes les paroles de cette loi» (Deutéronome
29:29).»

Il ne fait donc aucun doute que ce que Christ nous enseigne à prier
dans le Notre Père concerne la volonté révélée de Dieu. Nous devons
66 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

prier pour ce qui est conforme à l’Écriture, ce qui est juste et droit, et
qui honore son nom.
Or, souvent, l’enfant ne tient pas compte de cette exigence et
présente des requêtes, toutes aussi fantasques les unes que les autres.
Une réunion de prière se tenait dans notre maison, et plusieurs amis y
participaient. Ne voulant pas être laissé à l’écart, l’un de nos enfants,
âgé de trois ans, demanda de tout son cœur à Dieu de donner des
toboggans à tout le monde !
Inutile d’ajouter qu’un petit garçon dans notre entourage en reçut
un peu après ! En grandissant, il dut cependant apprendre, comme
nous tous d’ailleurs, qu’un cœur généreux ou un désir immense de
voir les choses changer ne suffisent pas pour savoir ce qu’il convient
de demander dans la prière. Nous devons nous soumettre à ce que
nous savons de la volonté révélée de Dieu. Prions chaque jour pour
que tout ce que la Parole exige s’accomplisse sur la terre.

Une harmonie cachée

Bien que l’accent de nos prières doive surtout porter sur la volonté
de Dieu clairement révélée dans l’Écriture, cela ne signifie pas que
sa volonté secrète est totalement étrangère à notre façon de prier. Au
contraire, quand nous prions en accord avec sa volonté révélée, nous
sommes à l’unisson de la personne de Dieu et donc en conformité
avec ses desseins secrets. Par leurs prières formulées selon la vérité
divine révélée dans l’Écriture, les saints accomplissent les desseins
secrets de Dieu.
Cela ne signifie pas que nous comprenons comment Dieu réalise
ces projets. Il ne nous introduit pas dans ses secrets pour savoir pour-
quoi certaines choses étranges surviennent dans notre vie ou pourquoi
Dieu tarde à répondre à nos prières. Nous pouvons tout au plus faire
des supputations hasardeuses sur la manière dont le plan de Dieu
s’accomplit, mais nous savons, lorsque nous prions : «Que ta volonté
La prière et les desseins de Dieu 67

soit faite» conformément à la Parole écrite, que nos prières entrent dans
le dessein éternel de Dieu.
Dans les rouages de la providence, d’une manière qui nous
échappe, elles sont utilisées pour mettre en œuvre les décrets éternels
de Dieu dans l’espace-temps. C’est pourquoi il peut se passer des choses
extraordinaires quand les croyants prient : «Que ta volonté soit faite !»
Appuyons-nous sur les promesses et les désirs de Dieu, tels qu’ils sont
exprimés dans l’Écriture pour en faire le socle de notre intercession.
Tel est le secret de la prière.
Des amis ont souri devant la manière dont Dieu répondit un jour
à nos prières. Sa réponse alla bien au-delà de ce que nous avions
demandé. Nous projetions de déménager en famille avec deux amis,
et de nous établir en Écosse pour une période sabbatique de huit mois.
Nous devions quitter notre logement fin décembre, mais mi-novembre
nous ne savions pas encore où aller !
Nous avons alors commencé à nous demander si nous n’avions pas
mal compris les directives du Seigneur, et supplié des amis de prier avec
nous pour que Dieu confirme que notre projet était bien selon sa volonté
en nous accordant un logement. Nous nous appuyions sur la promesse
de Jérémie 33:3 : «Invoque-moi, et je te répondrai ; je t’annoncerai de
grandes choses, des choses cachées que tu ne connais pas.»
Deux semaines avant la date fixée pour que nous quittions notre
logement, on nous informa que nous pourrions rester aussi longtemps
que nécessaire dans la résidence d’un centre de recherches où nous
serions toutefois à l’étroit. Le premier souci ainsi ôté, nous sommes
partis. Mais à peine un mois après notre arrivée, il se produisit une
chose étonnante.
Une splendide maison ancienne, qui avait servi autrefois de home
d’enfants, venait d’être transformée pour remplir une autre fonction.
On cherchait quelqu’un pour y vivre, l’entretenir, prendre note de tout
ce qui nécessitait des réparations, et appeler les ouvriers adéquats. Non
seulement elle offrait assez de place pour nous tous, c’est-à-dire neuf
68 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

personnes, mais elle contenait treize chambres à coucher et six salles


de bain ! Elle était en outre située dans le plus bel endroit qu’on puisse
souhaiter, avec une grande cour où nos enfants pouvaient jouer. C’était
vraiment «de grandes choses» que nous ne connaissions pas !
Nous n’avions pas eu d’autre solution que de nous abandonner
à la volonté de Dieu. Sur le moment, nous nous demandions ce qui
nous attendait. Mais il répondit si parfaitement et si généreusement à
nos besoins que nous avons découvert pour nous-mêmes après-coup
qu’il peut faire concourir différents facteurs dans sa providence pour
nous donner le meilleur.

Le plan de Dieu n‛exclut pas notre prière

Nous avons déjà évoqué le texte d’Éphésiens 1:11 à propos du fait que
le Dieu personnel infini a conçu un plan souverain et «opère toutes cho-
ses d’après le conseil de sa volonté». Ce verset s’applique à la décision
par laquelle Dieu nous a «prédestinés suivant [son] plan» en Christ.
Le mot prédestination fait bondir certains. Or, nous avons déjà
entrevu un moyen de trouver un début de réponse à cette question
très controversée. Au fond, les gens sont effrayés à la pensée que Dieu
a un plan rigide élaboré d’avance, qu’il sait tout et maîtrise tout depuis
toujours. Cette idée est terrifiante parce qu’elle touche à la volonté
cachée de Dieu, qui est hors d’atteinte pour nous.
Mais à partir du moment où nous commençons à saisir la vérité
que le déroulement de la volonté cachée de Dieu fait intervenir nos
prières, nous prenons conscience que l’existence d’une volonté ou
d’un plan prédestinés de Dieu ne rend pas du tout la prière inutile ou
vaine. Elle est au contraire le moyen qui contribue efficacement à sa
réalisation.
Quand nous prions : «Que ta volonté soit faite», nous n’essayons
pas de forcer la main de Dieu en lui disant : «Seigneur, je sais que tu
n’acceptes pas de faire ce que je te demande. Mais si je t’importune
La prière et les desseins de Dieu 69

assez longtemps, peut-être changeras-tu d’avis et m’exauceras-tu» !


Nous ne nous comportons pas comme des enfants qui insistent à
outrance auprès de leurs parents réticents, espérant les faire céder à
force de supplications.
Au contraire, quand nous nous trouvons dans une situation difficile
et que nous prions Dieu d’accomplir sa volonté révélée, nous le faisons
parce que Dieu nous a placés dans une position où nous sentons plus
cruellement le besoin de prier. Notre prière ouvre en fait la voie aux
bénédictions de Dieu.
D’après le principe biblique, nous n’arrachons pas par notre impor-
tunité les faveurs d’un Être divin réticent. L’octroi de ces faveurs précède
la prière conformément à la détermination de sa volonté souveraine et
pleine de grâce. Le véritable esprit de prière, que Dieu communique
également, est le signe et le gage du don qu’il va accorder.
Ainsi, comme nous l’avons déjà affirmé, la prière n’est pas la
cause qui, par sa propre efficacité, obtiendrait des résultats. Elle est la
condition préalable dont dépend un bienfait prédéterminé. De la part
de Dieu, l’intention de donner est souveraine et libre ; c’est le mouve-
ment spontané de sa volonté empreinte de grâce et d’amour. Mais dans
l’exercice de cette même souveraineté et bonté, il interpose la prière de
la créature comme canal par lequel il communique sa faveur.

La prière libère des bienfaits déjà en réserve

Comme Dieu a d’avance l’intention de nous bénir, le résultat de la


prière excède souvent de beaucoup ce que nous pouvons imaginer.
Dès que nous commençons à prier conformément aux promesses de
sa Parole, en demandant à Dieu d’accomplir sa volonté pour que son
nom soit sanctifié et glorifié, il répand sur nous les bienfaits qu’il a en
réserve à notre intention. Il nous a délibérément mis dans une situation
où nous sentons la nécessité de prier, ce qui nous permet de découvrir
ce qu’il peut faire et à quel point il nous aime.
70 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

En Ézéchiel 36:37, Dieu annonce au prophète qui pleure sur les


rives du Kédar et, par son entremise, à tout le peuple d’Israël captif, son
intention arrêtée de le rétablir dans le pays de ses ancêtres. Il dépeint
en termes enthousiastes sa prospérité et sa joie futures, avec tous les
privilèges qui succéderont à l’usage sanctifié de ses malheurs actuels.
Dieu ajoute cependant avec une emphase particulière : «Voici encore
sur quoi je me laisserai fléchir par la maison d’Israël, voici ce que je ferai
pour eux.» Avec quelle clarté le Seigneur fait connaître son intention !
Selon le bon plaisir de sa volonté, l’Éternel a fermement décidé de
ramener son peuple captif dans le pays qu’ils avaient hérité d’Abra-
ham. Cette résolution est présentée comme certaine, sans condition ni
contingence. Mais ce dessein révélé se réalisera par la prière d’Israël,
annoncée avec la même certitude comme le moyen d’atteindre le but,
et prescrite comme la condition sur laquelle se fonde la promesse de
restauration.

Plaider devant Dieu

En fin de compte, la prière efficace est en harmonie avec la volonté de


Dieu. Mais plusieurs passages de la Bible présentent aussi des saints
qui semblent contester une décision claire que le Seigneur a déjà prise
et le supplient de changer d’avis. C’est une attitude que vous et moi
avons certainement voulu adopter à plusieurs reprises, mais nous avons
craint qu’elle ne contredise l’exhortation à prier : «Que ta volonté soit
faite.»
Pourtant, si Dieu semble se laisser fléchir par les arguments des
héros de la foi, peut-être pouvons-nous apprendre de leur exemple
comment exprimer notre désaccord avec ce que nous craignons être
la réponse définitive à nos prières.
Les expériences de ces hommes fournissent des indices pour savoir
quand et comment mettre en question la décision de Dieu. Remarquons
d’emblée que les exemples donnés dans l’Écriture le sont souvent
La prière et les desseins de Dieu 71

dans un contexte de jugements annoncés. Ainsi, Abraham cherche


visiblement à faire revenir Dieu sur sa décision clairement annoncée
de détruire Sodome et Gomorrhe. Il demande au Seigneur d’avoir pitié
de la ville perverse au nom des dix justes qui pourraient s’y trouver. Il
appuie son plaidoyer sur la nature même de Dieu : «Celui qui juge toute
la terre n’exercera-t-il pas la justice ?» (Genèse 18:25) Et Dieu accède à
l’argumentation d’Abraham, même si finalement la ville ne comptait
même pas les dix justes escomptés.
Au gué du Jabbok, Jacob, accompagné de sa famille au grand
complet et de ses troupeaux, prit conscience de sa vulnérabilité face à
l’armée d’Ésaü, ce frère qu’il avait offensé. C’est pourquoi il passa toute
la nuit à lutter avec Dieu en le suppliant de lui épargner le jugement
des armes qu’il méritait pour avoir trompé son frère.
Genèse 32 rapporte ce tête-à-tête au cours duquel Jacob implora
Dieu d’empêcher la ruine de sa famille et la perte de ses biens, en lui
rappelant que tous ces bienfaits venaient du Dieu de compassion et
de vérité (v.10), et que leur destruction (méritée dans un certain sens)
aurait marqué la fin de l’alliance de miséricorde conclue par Dieu
lui-même.
Plus tard, dans le désert, Moïse supplie l’Éternel de revenir sur sa
décision d’effacer les enfants d’Israël rebelles, allant même jusqu’à lui
suggérer de le détruire, lui, s’il ne consent pas à effacer les péchés du
peuple (Exode 32:32). À plusieurs reprises, il rappelle au Seigneur que
la destruction des Hébreux dans le désert sera perçue par les Égyptiens
comme la preuve de la faiblesse divine.
L’apôtre Paul semble s’inscrire dans ce même courant dans son
intercession rapportée en Romains 9:3,4. Il désire si ardemment le salut
des Juifs qu’il se déclare prêt à «être anathème et séparé de Christ pour
[ses] frères… selon la chair… les Israélites.»
Le même thème sous-tend tous ces plaidoyers contre l’intention
divine révélée : les saints refusent de considérer comme définitifs les
premiers signes de colère de Dieu contre son peuple. Dans leur prière,
72 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

ils implorent la miséricorde divine en se fondant sur la nature et la


gloire mêmes de Dieu. Ainsi, en contestant la décision immédiate de
son jugement, ils font appel à sa nature éternelle et à leur souci de sa
gloire devant les hommes.
Ils se soumettent donc à la réalité de sa souveraineté, et ils désirent
tout ce qui révèle davantage qu’il est digne d’honneur. Ils ne lui deman-
dent pas en fin de compte d’aller à l’encontre de sa sainte nature. Ils
l’honorent trop pour en arriver là. Ils implorent au contraire une pitié
imméritée qui s’accorde avec sa nature et sa gloire. Notre Dieu apprécie
d’être interpellé sur cette base !
Nous avons ici des raisons suffisantes pour lutter et plaider en
faveur de la société matérialiste où nous vivons, au lieu de la rejeter à
cause de son apostasie. N’abandonnons pas l’espoir de voir la volonté
de notre Père faite sur la terre comme au ciel, même si le jugement est
amplement mérité et imminent.

Ce que la prière peut opérer

William Black, un ancien camarade de classe, exerça un ministère pasto-


ral béni dans une petite église du fin fond du nord de l’Écosse. Semaine
après semaine, pendant près de dix ans, il prêcha fidèlement sur tous
les livres de la Bible, chapitre par chapitre. Il aimait son assemblée et
vit le fruit porté par la Parole semée dans la vie des gens.
Souhaitant les encourager à soutenir activement les missions
outre-mer, il invitait régulièrement des missionnaires dans son église.
Une fois, après avoir présenté le visiteur d’une société missionnaire qui
travaillait en Corée, il s’assit au fond de la salle pour écouter le compte
rendu de l’œuvre de Dieu.
Il sentit soudain comme si un objet physique l’avait heurté. Il écouta
l’exposé avec un tel sentiment d’écrasement qu’il put difficilement se
lever à la fin de la réunion pour donner une conclusion et invoquer
la bénédiction du Seigneur. Le sentiment de lourd fardeau s’estompa
La prière et les desseins de Dieu 73

cependant peu à peu au cours de la journée. Étant donné sa nature


d’Écossais terre à terre, il se dit que tout serait rentré dans l’ordre dès
le lendemain.
Effectivement, le matin venu, il ne ressentait que faiblement le
poids de la veille. Désireux toutefois être à l’écoute de ce que le Seigneur
voulait lui dire, il se demandait si Dieu n’attendait pas de sa part une
réponse à la prédication qu’il venait d’entendre. Bien que ce ne fût pas
dans ses habitudes, il se décida à demander un signe au Seigneur.
Ce jour-là, il devait partir en vacances avec sa famille. Avant de
sortir de la maison, il pria en silence : «Seigneur, si quelqu’un mentionne
le nom Corée, je saurai que le fardeau qui m’accablait hier vient de
toi.» Puis il monta en voiture, détendu, sachant qu’il ne rencontrerait
personne présent à cette réunion pendant au moins deux semaines !
Ils passèrent leur première nuit de vacances en compagnie d’un
autre ancien camarade de classe. William lui raconta incidemment
l’expérience inhabituelle qu’il avait eue, en évitant soigneusement
de mentionner le nom de quelque pays que ce soit. Pourtant, avant
même qu’il ait pu aborder le fond de son récit, son ami commença à
le taquiner et dit en riant : «William, peut-être le Seigneur t’envoie-t-il
en Corée !»
En nous racontant plus tard cette histoire, alors que nous étions
tous assis dans le salon de son nouvel appartement à Pusan, en Corée,
William ajouta se souvenir très bien qu’à l’époque il aurait suffi de le
toucher avec une plume pour le renverser tellement son désarroi était
grand ! Il venait de recevoir son ordre de mission !

Dieu agit aux deux extrémités

Mais le puzzle comportait encore une pièce, qu’il ne découvrit que


beaucoup plus tard. Au cours de son premier mois passé en Corée,
quelqu’un frappa à sa porte. Notre ami avait déjà rencontré un certain
nombre de pasteurs coréens, mais l’homme qui se présenta lui était
74 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

totalement inconnu. Il en vint tout de suite au cœur du sujet : le nouveau


missionnaire aurait-il la bonté de lui enseigner, ainsi qu’à certains de
ses amis, l’art de la prédication séquentielle ?
William expliqua poliment à son visiteur que son comité mission-
naire exigeait deux années de mise en condition avant d’entreprendre
un travail indépendant de cette nature. Sans qu’il le laisse paraître, la
requête de son visiteur l’étonnait beaucoup car il ne pensait pas que
le moindre Coréen savait que c’était la vraie raison pour laquelle il
avait décidé de venir dans leur pays. Il trouva donc difficile de refuser,
mais il le fit.
Mais le visiteur ne s’avoua pas vaincu. «Il y a longtemps que nous
prions pour que Dieu nous envoie quelqu’un ayant ces dons. Il ne fait
aucun doute que vous êtes en mesure de nous enseigner ! Nous avons
commencé de prier le… », et l’homme indiqua précisément le mois où
William avait ressenti le fardeau.
Inutile d’ajouter que, depuis ce jour, plusieurs centaines de pasteurs
coréens ont suivi les séminaires organisés par ce prédicateur écossais de
campagne qui n’avait pas pu se soustraire à la main de Dieu sur lui.
Voyez-vous comment le divin et l’humain se conjuguent ? Dieu
voulait que son Église de Corée bénéficie d’une bénédiction particu-
lière, si bien que par la prière fervente et persévérante, un groupe de
pasteurs eut un impact sur un pasteur à des milliers de kilomètres. Si
cela n’avait pas fait partie du plan de Dieu, cette œuvre ne se serait
jamais produite. Mais en même temps, les prières eurent un puissant
effet, car c’est ainsi que le plan de Dieu s’accomplit.

Un mystère

Il va de soi que nous sommes devant un mystère. Ce récit est la preuve


contemporaine qu’il existe bel et bien un lien entre les deux vérités
par lesquelles nous avons ouvert ce chapitre : d’un côté, Dieu sur le
trône opère toutes choses selon le conseil de sa volonté ; de l’autre,
La prière et les desseins de Dieu 75

Jaebets, un homme insignifiant, prie et change le cours de son histoire.


Qui pourtant peut affirmer comprendre l’articulation entre ces deux
aspects ? Personne !
Ce n’est pas une raison pour nier le fait ! Nous ne comprenons pas
la Trinité, ni comment les deux natures de Christ se combinent en une
seule personne, mais nous le croyons. Il en est de même ici. Nous ne
savons pas exactement comment la souveraineté divine s’harmonise
avec la responsabilité humaine de prier, mais nous savons que l’Écriture
enseigne ces deux vérités. La juste attitude consiste à dire que nous
croyons vraies les deux affirmations et à n’en nier aucune.
Jusqu’ici, nous avons vu que la souveraineté de Dieu n’exclut pas
le bien-fondé de la prière. Nous pouvons sincèrement présenter nos
besoins devant le trône de Dieu et nous attendre à son intervention
sur la terre. Sachons toutefois que Dieu n’est jamais assujetti aux désirs
des hommes qu’il a créés. Un tel Dieu ne serait pas digne de notre
allégeance. Sa volonté demeure éternellement déterminée.

L‛initiative divine

Deux choses sont cependant claires concernant le rapport harmonieux


entre ces deux vérités. Nous avons déjà examiné la première de façon
assez détaillée. Pour accomplir son plan souverain, Dieu a décidé en
particulier d’utiliser les prières de ses fidèles, fondées sur sa Parole écrite,
visant la gloire de son nom et la réalisation de sa volonté.
Un deuxième facteur intervient dans le rapport entre un décret
éternel et une prière efficace. Dans les prières des siens, comme en tout,
Dieu prend l’initiative. Cette vérité est très encourageante si nous la
comprenons bien. Les prières efficaces ont leur origine dans les cieux,
d’où Dieu les fait descendre sur la terre.
Quand il souhaite mettre en œuvre l’un de ses décrets, il semble
qu’il charge l’un de ses enfants de ce fardeau, comme il le fit dans le
cas des pasteurs coréens. Parfois, notamment avant les vrais réveils
76 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

spirituels, il place le fardeau sur plusieurs en même temps. Quand les


croyants se mettent alors à prier, ils ouvrent la voie à la bénédiction
prédestinée. En revanche, s’ils ne prient pas, Dieu ne répand pas ses
bienfaits. C’est pourquoi Jacques écrit : «Vous ne possédez pas, parce
que vous ne demandez pas» (4:2).
Voici comment agit l’initiative divine dans les prières de son peuple
qui précèdent en quelque sorte les bénédictions qu’il a prévues pour
le monde. Le Christ ressuscité intercède pour nous dans les cieux (cf.
Hébreux 7:24-28). L’Esprit est auprès de lui, puisque le Père, le Fils et
l’Esprit sont toujours ensemble. Ce même Esprit «nous aide dans notre
faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans
nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexpri-
mables» (Romains 8:26).
L’Esprit quitte le trône devant lequel Jésus intercède et descend
dans le cœur du croyant où il fait écho à l’intercession de Jésus. C’est
comme si l’Esprit plaçait en nous un miroir et l’orientait de telle façon
qu’il reflète les désirs les plus profonds de Christ qui intercède dans
le ciel.
Voici comment cette relation de prière entre le chrétien, son Sau-
veur et le Saint-Esprit s’articule. La prière efficace et fervente du juste
compte. Mais que signifie «efficace» ? Il ne s’agit pas de sa longueur, ni
de son énergie, de son éloquence, ou de son ardeur, mais simplement
de la solidarité vivante qui s’établit entre l’âme qui prie dans le lieu
secret et le Sauveur qui intercède dans les cieux.
L’intervention de l’Esprit divin rend cette relation possible. Il
s’empare des désirs contenus dans le cœur de Jésus-Christ et les met
en œuvre dans notre cœur où ils deviennent les nôtres. Il prend la
supplication qui sort des lèvres du grand Avocat céleste et la pose sur
nos lèvres où elle devient notre prière au nom béni de Jésus. C’est
cette correspondance douce et secrète entre notre Chef et nous-mêmes
qui est à la base de toute vraie prière. En dehors de cela, tout n’est
qu’affectation de piété et incantations marmonnées.
La prière et les desseins de Dieu 77

Quand le Saint-Esprit plaide ainsi dans le tribunal de l’âme du


croyant, son plaidoyer n’est-il pas l’écho de celui qui résonne devant la
Cour suprême dans les cieux ? La voix sur la terre se mêle à celle dans
les cieux poursupplier le don de la vie éternelle. Comment interpréter
autrement Romains 8:26 ? Y a-t-il deux intercesseurs ? Oui, tout à
fait. Mais ils ne divergent pas dans leur défense, et s’opposent encore
moins. Ces deux consolateurs font converger leurs efforts vers un même
résultat. L’un intercède pour nous, l’autre le fait en nous.
L’œuvre de l’Esprit consiste à faire en sorte que l’intercession du
Seigneur dans le ciel s’inscrive dans les désirs et les requêtes du croyant
ici-bas. Elles deviennent ainsi l’intercession de l’Esprit dont le plaidoyer
s’associe à celui de Christ.

Le Saint-Esprit influence notre prière

Le Saint-Esprit exerce un ministère important et varié auprès de nous


dans ce domaine. Il arrive occasionnellement que la présence de Dieu
se fasse sentir de manière tellement forte que tout ce que le croyant peut
faire est de gémir et de pleurer. Il se sent alors conduit à prier. Il prend
conscience d’un besoin pressant, mais est incapable de discerner le vrai
problème, ou ne sait pas quoi demander au Seigneur à ce propos.
Parfois, la seule certitude qui s’impose à lui est le désir de voir
Dieu en retirer toute la gloire. À peine capable de formuler une phrase
complète, il se surprend à lui dire : «Seigneur, prends l’affaire en main ;
Seigneur, agis ; Seigneur, fais-le.» Il lui arrive même de louer Dieu dans
une situation apparemment sans issue qui devrait normalement lui
arracher des larmes.
Ma femme se trouva dans une telle situation lorsqu’un été, elle fit
une fausse couche. Elle me dit plus tard, qu’alors que je la conduisais
à l’hôpital en pleine nuit, elle s’était tournée vers le Seigneur pour prier,
mais qu’au lieu de gémir, comme elle s’y était attendue, tout ce qu’elle
pouvait faire était de le louer !
78 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Allongée sur la banquette arrière de la voiture, elle ne fut pas du


tout prise de la panique qu’elle redoutait devant la menace de perdre
un bébé. Elle fut au contraire envahie du sentiment de l’amour de
Dieu, un don particulier du Seigneur pour elle en cette circonstance. Il
était là, à côté d’elle, lui remplissant le cœur de louange, car elle savait
qu’elle pouvait tout abandonner entre ses mains.
Le Saint-Esprit nous assiste aussi dans nos prières en compensant
nos faiblesses et notre ignorance du plan de Dieu dans la situation qui
nous préoccupe. Lorsque nous sommes sincèrement désireux de prier
selon la volonté de Dieu, nous avons la certitude que le Saint-Esprit
prend nos requêtes défectueuses, les purifie et les reformule jusqu’à ce
qu’elles soient acceptables pour le Père.
Rappelez-vous qu’il prend ce pour quoi Jésus prie et en fait notre
sujet de prière. De la sorte, notre intercession se fait l’écho de celle
du grand souverain sacrificateur qui est entré dans le ciel pour nous.
D’une façon mystérieuse, l’Esprit, qui procède du Père et du Fils, intro-
duit dans nos prières la volonté secrète connue du grand souverain
sacrificateur et du Père. Cela explique que ce que nous demandons
sur la base de la volonté révélée de Dieu s’harmonise peu à peu avec
sa volonté cachée.

Notre prière met en action le plan éternel

Quand nous nous efforçons d’être fidèles à tout ce que l’Écriture dit
des desseins de Dieu et que nous nous inclinons devant les preuves
que la prière peut être agissante, force est de conclure qu’après tout,
ces enseignements ne sont pas contradictoires.
Il existe une influence du monde spirituel sur la personnalité qui
va de pair en retour avec une influence de la personnalité humaine
sur le monde spirituel. Le Saint-Esprit inspira à un groupe de chrétiens
coréens d’exposer un besoin particulier devant le trône de Dieu. Ils le
firent. Alors, à l’autre bout du monde, le même Esprit mit en mouvement
La prière et les desseins de Dieu 79

l’homme spécialement préparé et qualifié par Dieu pour répondre à


ce besoin.
Retenons ceci : pour son règne sur la terre, le Dieu infini et per-
sonnel a conçu des desseins façonnés par son amour personnel pour
sa création. Quel sentiment de sécurité cela doit nous procurer ! Loin
d’être découragés à prier par l’existence de ses décrets immuables,
nous devrions être fortement motivés par la pensée qu’ils sont desti-
nés à établir son royaume pour notre bonheur. Par ailleurs, les prières
de son peuple ont toujours incité Dieu à dérouler son plan à travers
l’Histoire.
Pensons par exemple à l’élection des pécheurs en vue du salut.
Ce sujet dépasse évidemment notre intelligence humaine. Il y a cepen-
dant un aspect que nous pouvons saisir : il existe un lien réel entre les
personnes qui se sentent tellement accablées qu’elles prient en faveur
d’un individu qu’elles savent perdu, et le fait que cet individu parvienne
au salut. Comme Jaebets, qui «était plus considéré que ses frères», des
croyants compatissants ont le fardeau de l’âme de quelque pécheur
perdu. Ils la demandent à Dieu, qui la leur accorde. Pourquoi le fait-
il ? N’est-ce pas parce qu’il déroule dans le temps ses décrets éternels
et qu’il a, au moment voulu, mis au cœur de ses fidèles le fardeau de
la prière en faveur d’une brebis égarée particulière afin de mettre en
œuvre son élection ?
Quel encouragement à prier, et à prier sans cesse, pour les plus
méchants et dénués de tout espoir parmi les hommes, les femmes et les
jeunes ! Si vous priez pour un membre encore perdu de votre famille,
ou même pour un ennemi, ne cessez pas ! Votre prière peut être pré-
cisément le moyen de donner libre cours à la bénédiction divinement
programmée pour cette personne.
De ce point de vue, les chrétiens coréens n’ont de leçon à recevoir
d’aucun homme. Ils ont bien compris cette vérité. Ils sont même en
mesure de donner des leçons au reste de l’Église car l’insistance sur la
prière de l’assemblée pour la propagation de l’Évangile et pour d’autres
80 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

besoins est une caractéristique de leur vie communautaire. Lors de


notre visite en Corée en 1989, le sérieux et la ferveur de plusieurs des
réunions de prière auxquelles nous avons assisté nous ont frappés.
Alors que la liberté religieuse n’existe que depuis quarante ans à
peine dans ce pays, quarante pour cent de la population se composent
de membres d’église. Le fait que les églises tiennent régulièrement des
réunions de prière qui durent une nuit entière, et que ces rencontres
soient suivies par un grand nombre de membres explique en partie
cette croissance phénoménale. En outre, plusieurs églises en zone
rurale continuent de suivre le modèle établi par les premiers chrétiens
coréens et se réunissent très tôt tous les matins pour prier.
En songeant à la prière, peut-être vous demandez-vous : «Pour-
quoi un Dieu souverain choisit-il un être aussi faible que moi pour
accomplir ses décrets ?» Reconnaissons que nous ne le savons pas !
C’est une question à laquelle nous n’aurons de réponse qu’au ciel. Mais
en attendant, si c’est le moyen que Dieu choisit pour sauver des âmes
précieuses, notre responsabilité n’est pas de spéculer quant à la raison
de ce choix, mais d’agir conformément à sa volonté.

«Demander est le principe du royaume»

Ne perdons pas notre temps et agenouillons-nous dans la prière pour


que des multitudes encore dans les griffes du diable reçoivent la béné-
diction divine actuellement retenue. Là où des chrétiens prient pour
les perdus, des perdus sont sauvés. Cette constatation devrait être une
motivation suffisante pour nous amener à louer Dieu, à refermer ce
livre et à nous mettre à prier.
Puissions-nous être encouragés à élever notre âme par des prières
fécondes, remplies de la pensée profonde quant au lien étroit qui existe
entre le Dieu souverain sur son trône d’où il exerce un contrôle absolu et
un modeste Jaebets dans sa masure faisant descendre une bénédiction
porteuse de vie au moyen de la prière persévérante.
La prière et les desseins de Dieu 81

Laissons le dernier mot à Charles Spurgeon :

«On a dit avec raison que «demander est le principe du royaume.»


Cette règle ne souffre d’aucune exception. Si le Fils de Dieu, tout
divin et souverain qu’il est, n’est pas exempté de la loi de deman-
der pour obtenir, nous ne pouvons espérer l’être.
«Dieu veut bénir Élie et faire tomber la pluie sur le pays
d’Israël, mais il faut que le prophète la demande en prière. Si
le peuple élu veut connaître la prospérité, il faut que Samuel
implore Dieu. Et Daniel doit intercéder pour que les Juifs soient
libérés. Dieu est disposé à bénir Paul et à convertir les païens par
son entremise, mais l’apôtre doit en faire un sujet de prière. Et il
pria sans cesse ; ses épîtres montrent qu’il n’attendait rien sans
l’avoir demandé.»

Note :

1. C. S. Lewis, Le Cheval et son écuyer, Gallimard, Folio Junior, Paris, 2001.


Deuxième partie

POURQUOI PRIER ?
«Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; par-
donne-nous nos offenses, comme nous aussi, nous par-
donnons à ceux qui nous ont offensés ; ne nous induis
pas en tentation, mais délivre-nous du malin» (Matthieu
6:11-13).
4
La prière nous change

En 1572, le célèbre réformateur écossais John Knox déclara à un des


anciens réunis autour de son lit de mort à Édimbourg : «Ces deux
dernières nuits, j’ai beaucoup pensé à l’Église de Dieu, une Église
troublée et méprisée du monde, mais précieuse aux yeux de Dieu ; je
l’ai imploré en sa faveur, et je l’ai confiée à Christ, son Chef. J’ai lutté
contre Satan qui est toujours prêt à livrer ses assauts. J’ai combattu la
perversité spirituelle et j’ai triomphé. Je suis monté aux cieux où je me
trouve en ce moment et j’ai goûté les joies célestes.»
C’était le point culminant d’une vie consacrée au Seigneur dans
le service de son Église et du pays. Elle s’achevait comme elle avait
débuté. Dès les premiers jours, le réformateur avait prié pour le succès
de la réformation de l’Église en Écosse ; ce désir avait façonné tous
les événements de sa vie.
Ses dernières paroles montrent le pouvoir que cet homme possé-
dait dans le royaume céleste. Mais il n’avait pas acquis cette capacité
de combattre et de triompher dans une authentique guerre spirituelle
86 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

sans payer un prix personnel très élevé. Sa grandeur et son autorité


dans la prière résultaient en partie de la discipline de souffrance par
laquelle le Seigneur l’avait fait passer dans sa jeunesse lorsqu’il était
précepteur des fils d’un noble à St. Andrews.
Knox venait à peine d’être reconnu comme un remarquable
commentateur des Écritures quand l’armée française, appelée par la
régente d’Écosse, attaqua le village en représailles au meurtre d’un
ecclésiastique cruel et tyrannique. Knox fut fait prisonnier et passa
dix-neuf mois terribles à ramer sur une galère française.
En été 1548, le bateau sur lequel il était enchaîné mouilla près
de sa terre natale. Comme Knox était gravement malade, peut-être
atteint de dysenterie ou de la fièvre typhoïde, il avait été dégagé de
ses entraves et déposé dans la cale pour y mourir. Grâce à l’aide d’un
ami, il put se lever et apercevoir St. Andrews au loin.
Reconnaissant le clocher de l’église où il avait prêché pour la
première fois, et rempli du vif désir de répandre l’Évangile, il mur-
mura : «Malgré ma faiblesse actuelle, je sais que je ne quitterai pas
cette vie avant d’avoir glorifié le saint nom de Dieu en ce lieu.» Et il
tint parole.
D’autres exils forcés lui permirent de mieux comprendre la
Réforme. Il passa d’abord plusieurs années auprès des réformateurs
anglicans à la cour évangélique du roi Édouard VI. Plus tard, comme le
climat ecclésiastique avait changé en Angleterre, il s’enfuit de nouveau
et alla vers Calvin à Genève.

La source de sa force

Quelles meilleures écoles aurait-il pu fréquenter pour se préparer à la


tâche monumentale que Dieu avait en vue pour lui en Écosse ? La
prise de conscience que Dieu avait dirigé ses pas surpassa plus tard la
souffrance de l’éloignement des siens pendant toutes ces années. Mais
à l’époque déjà, cette prise de conscience dut sans doute le pousser à
La prière nous change 87

s’agenouiller régulièrement et à intercéder avec ferveur pour l’Église


de sa patrie.
Son nom évoque surtout le souvenir d’un prédicateur et théo-
logien parmi les plus grands et les plus influents de tous les temps. Il
a également laissé dans l’Histoire l’image d’un personnage politique
d’envergure. Pourtant, à la lumière de ses dernières paroles, nous
découvrons un aspect de sa vie qui risquerait de nous échapper : il
savait par-dessus tout comment obtenir la bénédiction de Dieu par la
prière. C’est certainement le secret de son incroyable efficacité.
On peut toutefois penser que sa puissance avec Dieu dans la prière
résultait aussi de sa fidélité dans les épreuves tout autant que de l’œu-
vre sanctifiante de l’Esprit par ses souffrances. En d’autres termes, il y
avait une corrélation directe entre l’autorité de sa prière et sa maturité
spirituelle. Dans un certain sens, la prière ne changea pas seulement
l’Histoire, mais également John Knox !
La vie de ce réformateur illustre admirablement le principe suivant :
Dieu agit à l’intérieur des siens pour les préparer à recevoir plus de
puissance et de responsabilités dans la prière. La question de la maturité
est au cœur de la pratique de la prière ; elle est absolument nécessaire
avant que les individus et l’Église dans son ensemble puissent recevoir
une puissance accrue.
Dès que nous réfléchissons à la question de l’intercession,
c’est-à-dire la prière en faveur d’autrui, nous mesurons notre besoin
d’«efficacité dans la prière». Cette découverte seule suffit pour nous
faire examiner attentivement les conditions à remplir si nous voulons
exercer d’ici la fin de notre vie une influence comparable à celle de
Knox sur son lit de mort.

La prière et le peuple de Dieu

En cherchant à comprendre les principes de base de la prière par


l’étude de l’exemple que Jésus nous a laissé, nous avons vu que la
88 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

première composante de la prière se tourne vers Dieu. Nous sommes


prêts maintenant à examiner la deuxième composante, tournée vers
l’homme. Elle traite directement des besoins du peuple de Dieu :
«Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; pardonne-nous nos
offenses, comme nous aussi, nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés ; ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin»
(Matthieu 6:11-13).
S’il est légitime de penser à nos besoins personnels et de les exposer
devant le Père, remarquons que Jésus ne dit pas «mon» pain quotidien,
«mes» offenses, délivre-«moi» du malin. Il utilise le pluriel : «notre», «nos»
et «nous». Dans un de ses sermons sur 2 Samuel, Calvin remarque
que le Seigneur nous invite ainsi à prier ensemble, en tant que corps
de Christ, en harmonie mutuelle et avec compassion les uns pour les
autres. La deuxième partie du Notre Père oriente donc l’attention vers
le peuple de Dieu, sur sa vie et son service dans le monde. C’est une
réalité que nous, chrétiens, devons prendre au sérieux. À sa mort, John
Knox était animé de pensées qui transcendaient ses propres besoins.
Il consacra ses derniers instants à prier pour les autres. Cette façon
de prier accomplit aussi le commandement d’aimer notre prochain
comme nous-mêmes.
Que fait Dieu dans notre vie pour rendre notre prière efficace et
glorifier ainsi son nom ? D’un certain point de vue, nous pouvons consi-
dérer tout le processus de maturation dans la vie chrétienne comme
son œuvre pour nous amener à une position où il peut nous confier
une plus grande puissance dans la prière.

Renoncer aux jouets

J’ai eu l’occasion de visiter l’assemblée où j’ai débuté dans le ministère


pastoral après ma consécration en 1968. En rencontrant des gens que
je n’avais pas revus depuis huit ou neuf ans, la manière dont Dieu avait
travaillé dans la vie des siens me frappa.
La prière nous change 89

Des petits garçons, qui à l’époque jouaient avec des pistolets à


amorces, dirigeaient maintenant une exploitation agricole ou occupaient
une position élevée dans une banque. En prenant de la maturité, ils
avaient reçu de leurs parents une entreprise à gérer et non plus des
jouets. Quand je revis l’un d’eux, vingt ans plus tard, il était à la tête
d’une grande plantation sur laquelle travaillaient plusieurs familles qui
dépendaient de sa bonne gestion.
Pourquoi un tel changement dans la vie de cet homme ? Parce
qu’il s’était suffisamment développé pour être capable, à l’âge de trente
ans, d’exercer le pouvoir et de grandes responsabilités, ce qu’il n’aurait
évidemment pas pu faire à onze ans.
L’exercice du pouvoir dans la prière requiert de même l’acquisition
de la maturité. Au fur et à mesure que nous nous développons et que
Dieu nous confie du pouvoir, il en est glorifié. C’est pourquoi, bien
que nous abordions la deuxième partie du Notre Père qui traite de
nos besoins, rappelons-nous toujours que cette partie est un moyen
d’accomplir la première, à savoir glorifier Dieu et sanctifier son nom.
Plus le jeune fermier de mon exemple apportait de soins à son
exploitation en tant qu’adulte, plus ses parents étaient honorés. Il en est
ainsi dans la vie chrétienne. Si nous nous développons au fil des ans,
Dieu peut nous confier plus de pouvoir et d’autorité dans la prière. Plus
notre prière ouvre la voie à la bénédiction, plus Dieu est glorifié.

Comment Dieu développe la maturité en nous

Pour mieux apprécier le lien divinement établi entre la vie et la prière, il


nous faut examiner la signification de la maturité spirituelle et ses effets
dans le domaine de la prière.
N’oublions jamais que tout ce que Dieu permet dans notre vie a
pour objectif la maturité. Le Seigneur désire que nous devenions tout
ce que nous pouvons être. Il explique sa façon d’agir avec nous en
Romains 8:28-30 :
90 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

«Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de


ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.
Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être
semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-
né de plusieurs frères. Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi
appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux
qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.»

Ce passage et tout le contexte dans lequel il s’inscrit enseignent que


la finalité de tout le plan de Dieu est de nous amener à toujours plus
ressembler au Seigneur Jésus-Christ. Le dessein divin trouve son origine
dans la prédestination et sa consommation dans la glorification. La
justification, la nouvelle naissance, la sanctification et toutes les autres
étapes du salut forment le lien entre ces deux extrêmes. Romains 8:28
affirme, comme une sorte de préambule, que Dieu utilise tout ce qui
survient dans notre vie (et dans toute la phase historique de son Église)
pour nous façonner à l’image de son Fils bien-aimé.

La souffrance peut être bénéfique pour vous !

Nous avons certainement tous entendu parler de la «théologie de la


prospérité» prônée par quelques prédicateurs populaires actuels. Mais
leur enseignement comporte un grave défaut, car contrairement à
leur assertion, mon bien suprême et celui du peuple de Dieu dans son
ensemble ne se résument pas à un meilleur emploi, une bonne santé,
une demeure fabuleuse ou une voiture de sport ! Ce ne sont là qu’illu-
sions ! Certes, Dieu accorde de merveilleux cadeaux à ses enfants, mais
le bien ultime est notre ressemblance à Jésus.
D’ailleurs, Romains 8:35,38 et 39 dresse une liste de situations
qui, d’un point de vue humain, sont vraiment terribles, à savoir la tri-
bulation, la détresse, la persécution, la faim, la nudité, le péril, l’épée,
la mort, les dominations, etc. Ce sont pourtant des choses que Dieu
La prière nous change 91

permet volontairement dans notre vie. Il les a toutes prévues, dans


ses desseins d’amour et de bienveillance, comme un moyen de nous
façonner à l’image de Jésus.
Lorsque le communisme resserra son étreinte sur la Chine dans
les années 1940, les chrétiens connurent bien des persécutions et des
dangers. Des années plus tard, on trouva un poème griffonné sur la
page de garde de la Bible d’un missionnaire inconnu. On pense que ce
chrétien subit le martyre à cette époque. Il avait appris à vivre dans la
présence de Dieu en des temps particulièrement difficiles, et il aurait eu
bien du mal à adhérer aux thèses de la «théologie de la prospérité».
Bien que dépourvu de finesse, son texte exprime admirablement
la certitude que Dieu est à l’œuvre dans notre vie.

Le sculpteur

«Le bloc de marbre se dresse


À la merci de l’outil du sculpteur
Qui lui applique les coups avec adresse
Pour traduire la vision de son cœur.

«Le travail commence sans finesse


Conduit sans état d’âme aucun.
Une forme se distingue enfin
Prête pour des outils plus délicats.

«Toujours plus fine, la statue


S’approche de la perfection.
Le bloc de marbre diminue,
Mais la ressemblance grandit.

«Dieu œuvre ainsi


Avec ceux qu’il a choisis
92 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Pour montrer sa grâce


Et révéler l’image de son Fils.

«Les soucis et les chagrins


Tous concourent au bien
Et rien, non rien n’échappe
Au dessein de Dieu qui appelle.

«Quand l’élu entre dans la gloire


Et l’image de Christ il peut voir,
Sa louange de la grâce souveraine
Exalte chacun des coups sur la pierre.»

L’auteur n’était certainement pas différent de nous. Il n’aimait probable-


ment pas plus souffrir que nous, car la souffrance fait mal et ne semble
pas nécessairement être une «expérience spirituelle» ! On a même par-
fois le sentiment du contraire ! Dieu peut paraître étonnamment absent.
Mais ce serviteur de Dieu avait découvert la vérité de Romains 8 et il
trouva la fidélité de son Maître même dans la mort.

La maturité confère une puissance à la prière

Considérons ce que le processus d’une ressemblance croissante au Fils


incarné de Dieu opère dans le domaine de la prière. En Jean 11:42,
Jésus déclare : «Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours.» Il savait
que les prières adressées à son Père céleste étaient suivies d’effets. Plus
nous ressemblons à Jésus, plus nos requêtes ressemblent aux siennes.
Les peintres médiévaux représentaient généralement les gens de grande
piété avec une auréole sur la tête. Ils cherchaient ainsi à exprimer
visiblement le fait que leurs sujets étaient remplis de la lumière divine
et se distinguaient de la foule, étant devenus semblables à Christ, le
Saint de Dieu.
La prière nous change 93

En lui ressemblant davantage, nous devenons différents de ce que


nous sommes, et cette différence marque aussi nos prières. Plus notre
caractère se rapproche de celui de Jésus, plus notre façon de prier
ressemblera à la sienne. Ainsi, Dieu entend la voix de son bien-aimé
résonner dans nos prières. Et, bien évidemment, il exauce toujours les
prières de Jésus.
Cette réalité explique un aspect de l’enseignement néotestamen-
taire sur la prière que l’esprit humain aurait autrement du mal à saisir. En
d’autres termes, le Nouveau Testament donne plusieurs fois l’assurance
absolue que Dieu répond à la prière si nous la présentons avec une foi
simple. Mais ce même Nouveau Testament contient d’autres passages
qui enseignent que l’exaucement de la prière est conditionnel.
Examinons les divers aspects de l’enseignement pour voir comment
chacun s’harmonise avec ce que nous savons de l’œuvre de Dieu dans
la vie des siens.

Promesses absolues

Examinons d’abord Marc 11:22-24 :

«Jésus prit la parole, et leur dit : Ayez foi en Dieu. Je vous le dis en
vérité, si quelqu’un dit à cette montagne : Ôte-toi de là et jette-toi
dans la mer, et s’il ne doute point en son cœur, mais croit que ce
qu’il dit arrive, il le verra s’accomplir. C’est pourquoi je vous dis :
Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez
reçu, et vous le verrez s’accomplir.»

Lisons maintenant Jean 14:13,14 :

«Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que


le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose
en mon nom, je le ferai.»
94 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Le Seigneur parle ensuite de la nécessité de l’aimer et de garder ses


commandements. Un peu plus loin, il dit, en Jean 15:7 :

«Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous,


demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé.»

Soulignons encore ses paroles en Jean 16:23,24 :

«En ce jour-là, vous ne m’interrogerez plus sur rien. En vérité, en


vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, il vous le
donnera en mon nom. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé
en mon nom. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie
soit parfaite.»

Lisons enfin ce que l’apôtre déclare en 1 Jean 5:14,15 :

«Nous avons auprès de lui cette assurance que si nous demandons


quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons
qu’il nous écoute, nous savons que nous possédons la chose que
nous lui avons demandée, quelle qu’elle soit.»

Ce sont là quelques-unes des promesses limpides et sans détour au sujet


du demander et du recevoir. Elles ont un attrait tout particulier pour la
société moderne avec son penchant à tout obtenir tout de suite. À cet
égard, on comprend bien l’attrait qu’exerce la «théologie de la prospé-
rité» ! Mais il existe aussi un autre enseignement néotestamentaire sur la
prière, tout aussi inspiré, concernant son exaucement conditionnel.
À première vue, ces deux facettes de la prière semblent se contre-
dire. D’un côté, il est dit clairement : «Demandez (avec une foi simple)
et vous recevrez», point à la ligne. Mais il y a d’autre part l’indication
de conditions, ce que nous n’aimons pas entendre. Quand les choses
vont mal, nous désirons un soulagement immédiat.
La prière nous change 95

Vous avez certainement déjà trouvé dans votre boîte aux lettres
des publicités du genre : «Ouvrez vite ! Vous êtes l’heureux gagnant
d’un million d’euros !» La première fois qu’une telle lettre vous a été
adressée, peut-être vous êtes-vous empressé de l’ouvrir ! Mais il ne faut
pas longtemps pour remarquer les reports en bas de page et les textes
écrits en tout petits caractères qui précisent les conditions attachées à
l’offre et qui en limitent la portée.
Dans le cas de la prière, quelles sont ces conditions écrites en petits
caractères ? Y en a-t-il ? Et si oui, peut-on espérer les remplir ? Ou sont-
elles aussi inaccessibles que la promesse de gagner des millions ?

Les conditions

Si nous examinons attentivement les promesses qui nous sont faites


quant à l’exaucement de nos prières, nous constatons effectivement
que certaines sont assorties de conditions. Elles seront exaucées si
nous demandons sans relâche. Des promesses absolues garantissant
l’exaucement de la prière adressée avec une foi toute simple côtoient
des promesses qui fixent des conditions à remplir avant que la prière
soit entendue. Comment concilier ces deux types de promesses ? Sont-
elles vraiment contradictoires ?
Une bonne partie de l’enseignement de l’Ancien et du Nouveau
Testaments laisse entrevoir une solution. Plusieurs des personnages dont
l’Écriture relate la vie ont connu des luttes prolongées. Considérons ces
exemples où l’exaucement vint couronner des supplications incessantes
et de longues luttes. (Nous aborderons cette question de façon plus
pratique au chapitre 7.)

*jusqu’à
Ésaïe 62:7 parle de ne laisser au Seigneur «aucun relâche
ce qu’il rétablisse Jérusalem.»
** Dans le Nouveau Testament, Christ raconte la parabole de
la veuve importune qui assaillait sans relâche le juge inique. Le
96 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Seigneur ajoute que notre façon de prier devrait ressembler à la


démarche de cette femme. Nous devons insister jusqu’à l’obtention
d’une réponse (cf. Luc 18:1-8).
*
* Il parle aussi de l’ami importun qui, à minuit, vient frapper à
la porte de son voisin pour lui demander du pain. Il arrive à une
heure indue de la nuit et secoue la porte jusqu’à ce qu’il obtienne
ce qu’il désire (Luc 11:5-8).
*
* Cette même insistance se retrouve dans la prière d’Abraham
en faveur de Sodome : «Feras-tu aussi périr le juste avec le
méchant ? Peut-être y a-t-il cinquante justes au milieu de la ville»
(Genèse 18:23,24). Par la suite, le patriarche ramena son exigence à
quarante-cinq justes, puis successivement à quarante, trente, puis
vingt, avant de finir à dix. «Peut-être s’y trouvera-t-il dix justes. Et
l’Éternel dit : Je ne la détruirai point, à cause de ces dix justes»
(v.32). Mais même ce chiffre ne fut pas atteint, et les flammes
détruisirent Sodome. Le plaidoyer d’Abraham porta tout de même
du fruit. Grâce à ses prières, les anges avertirent son neveu Lot et
le sauvèrent du feu avec ses deux filles (cf. Genèse 18 et 19).
*
* L’Ancien Testament mentionne encore le cas de Daniel qui
engagea une lutte prolongée et jeûna pendant trois semaines,
implorant de Dieu le pardon et le rétablissement d’Israël (cf.
Daniel 10).

*
* De même, les lettres de l’apôtre Paul permettent de se faire une
idée de ses luttes dans la prière. Quand il écrit aux Galates, il parle
d’éprouver «de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à
ce que Christ soit formé en [eux]» (4:19). La naissance d’un bébé
n’est pas une partie de plaisir pour la mère ! La prière de l’apôtre
en faveur de la croissance de ses frères s’accompagnait d’efforts
considérables.
*
* Il y a enfin l’exemple du Seigneur Jésus-Christ lui-même. Le
Dieu-homme parfait prend notre place et prie en luttant jusqu’à
la victoire dans le jardin de Gethsémané. Il implore son Père et
La prière nous change 97

lutte avec lui, car il sait qu’en étant fait péché pour son peuple, il
en sera souillé et sali, et même privé pour un temps de la présence
divine.
Pour Jésus, prier n’était ni facile ni automatique. Il savait par
expérience ce que cela signifiait en termes de luttes. Au moment
où il allait entrer dans l’enfer qui nous est dû, il lutta dans la
prière jusqu’à pouvoir déclarer : «Père, si c’est le seul moyen de
sanctifier ton nom par le salut de mon peuple, que ta volonté soit
faite !» (cf. Jean 17)

Tous ces passages développent un thème commun. La Bible ne cache


jamais les luttes et les combats menés par celui qui prie, ni la nature
incertaine de beaucoup d’expériences de prière. Elle donne d’une part
l’assurance absolue que Dieu répond et, d’autre part, rappelle que pour
être exaucée, l’intercession doit remplir certaines conditions.
N’oublions évidemment jamais qu’il existe des promesses claires
et absolues : «Demandez et vous recevrez.» Mais l’Écriture ajoute
d’emblée qu’il y a aussi des prières qui ne sont pas exaucées de façon
aussi immédiate. Nous avons probablement tous constaté par expé-
rience que l’exaucement de certaines prières demande du temps et des
luttes. Même Abraham, le «père des croyants», dut réduire les exigences
de sa prière alors qu’il suppliait Dieu de surseoir à son jugement. Si
le patriarche découvrit que la prière se heurtait à des difficultés, nous
pouvons nous attendre, nous aussi, à faire la même découverte.
Jésus tient à ce que nous soyons bien conscients de cet aspect de
la prière. C’est pourquoi, il nous dit en somme : «Si vous persévérez
à venir devant le trône de Dieu et seulement si vous le faites… si vous
frappez avec insistance, si vous cherchez sans relâche… Sinon, vous
n’obtiendrez rien.»
Nous sommes donc effectivement en présence de deux types de
promesses : celles qui sont conditionnelles et celles qui sont absolues.
Comment s’imbriquent-elles les unes dans les autres ?
98 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

La maturité spirituelle ne voit plus de contradiction

Vous rappelez-vous le petit garçon qui priait pour que tout le monde
ait un toboggan ? Dieu n’exauça pas sa prière, parce que l’enfant avait
encore beaucoup à apprendre. Il avait raison de penser que Dieu a
effectivement promis d’exaucer les prières. Mais il n’avait pas encore
découvert la vérité que nos requêtes doivent s’accorder avec la volonté
divine pour que le bienfait soit accordé.
Cela soulève une question ardue, car nous ne sommes jamais
sûrs que nos requêtes sont au diapason des desseins divins. La clé du
dilemme se trouve dans des passages comme Jean 15:7 : «Si vous
demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez
ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé.» Le début du verset
précise moins la condition que le contexte dans lequel il convient de
formuler la prière.
En d’autres termes, la requête qui obtient un exaucement immédiat
émane de celui qui demeure en Christ et dont les désirs sont conformes
aux paroles de Jésus dans l’Écriture. Il ne s’agit donc pas de n’importe
quelle demande. L’exaucement requiert de demander en Christ, ou
selon sa volonté comme le déclare l’apôtre Jean (1 Jean 5:14).
Si cela est vrai et si nous voulons prier de manière efficace, la ques-
tion la plus importante est : «Comment arriver au point de demander
«selon sa volonté» ?» C’est en demeurant en lui et en laissant habiter
en nous ses paroles revêtues d’autorité et de grâce, et capables de
nous transformer.
Nous sommes maintenant en mesure de comprendre les condi-
tions écrites «en petits caractères». Dieu agit tout au long de la vie pour
nous former à l’image de son Fils. Il nous permet d’être meurtris et
brisés. Le sculpteur céleste taille dans notre personnalité et dans notre
vie. Pendant ce travail, nous persévérons dans la prière. Puis il nous
modèle et nous encourage, et sa Parole s’enracine plus profondément
en nous. En fin de compte, du plus profond de notre être jaillissent
La prière nous change 99

les mêmes désirs que le Fils. Tout au long de ce processus, nos prières
subissent des transformations, elles aussi. Nous remplissons la condi-
tion de «demeurer en Christ» et nos prières sont exaucées car le Père
exauce toujours le Fils.
Nous savons déjà par Romains 8:26,27 que le Saint-Esprit habite
chez le croyant et l’aide à formuler des prières qui reflètent l’intercession
de Christ dans le ciel. Cette œuvre va au-delà de la simple mise à part
d’un moment pour la prière, de faire son culte personnel ou de par-
courir la liste des sujets de prière. Il faut parfois faire l’expérience de la
croix dans la vie de tous les jours. Dieu nous corrige et nous discipline
pour que nous croissions en maturité et devenions vraiment réceptifs
à l’écho de l’intercession de Christ que le Saint-Esprit fait résonner en
nous. Cela explique pourquoi il faut parfois du temps avant que la
prière devienne vraiment opérationnelle.

Dieu agit en nous pour nous changer

Récemment, une amie nous raconta une expérience qui illustre admi-
rablement comment la prière nous transforme au point de devenir en
elle-même moins importante que ce que Dieu accomplit dans la vie.
Judith, une chrétienne attrayante et pleine de vie, possède une voix
agréable et a souvent été sollicitée pour chanter en public. Mais un jour
le médecin diagnostiqua sur le larynx des excroissances qui risquaient
de devenir malignes. Il préconisa une intervention chirurgicale.
Redoutant de ne plus pouvoir parler, elle repoussa l’opération le
plus tard possible ! La taille du nodule ne lui semblait somme toute
pas très importante pour justifier une hospitalisation immédiate suivie
de l’obligation de ne plus communiquer pendant un certain temps.
Elle pria journellement que Dieu lui fasse la grâce de bien accepter
l’opération et la période de convalescence.
Quelle lutte ce fut pour elle ! Chaque jour, elle suppliait Dieu en
disant : «Seigneur, aide-moi à trouver mon bonheur dans la soumission
100 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

à ta volonté. J’ignore comment je réagirai devant l’impossibilité de


parler, compte tenu de mes responsabilités familiales et de mon plaisir
à côtoyer les gens !»
Bien que musicienne accomplie, elle avait toujours été plutôt
réticente à se produire en public. Elle commença soudain à compren-
dre que son talent était réellement un don de Dieu, et qu’il le lui avait
accordé dans un but précis.
Ce don lui tint davantage à cœur et elle commença à demander
au Seigneur de lui accorder dans l’avenir d’autres occasions de chanter
pour sa gloire.
Puis vint le jour de l’examen pré-opératoire. Le médecin examina
la gorge de la patiente pour situer l’emplacement exact de l’excrois-
sance. Il s’arrêta soudain, consulta le dossier de la jeune femme, puis
regarda de nouveau sa gorge. «Il n’y a plus de trace de nodule !»,
constata-t-il étonné. Toutes les craintes de Judith disparurent.
Elle se dépêcha de rentrer chez elle et d’en faire part à son mari.
La réaction de celui-ci la surprit presque davantage que le diagnostic du
médecin. À l’insu de sa femme, il avait demandé chaque jour à Dieu de
la guérir, alors qu’elle-même n’avait jamais eu l’idée de présenter une
telle requête au Seigneur ! Non seulement Dieu l’avait guérie, mais il
changea également ses attitudes à l’égard de nombreuses choses.
Elle était infiniment reconnaissante pour la guérison, mais ce qui
la réjouissait davantage encore, c’était de voir comment le Saint-Esprit
avait orienté ses prières si bien que toute son attitude à l’égard de son
talent musical en soit changée. Elle savait qu’elle ressortait de cette
expérience pénible plus conforme à la volonté divine.
Dieu accomplit de grandes choses chez ceux qui prient. Son prin-
cipal souci n’est pas de nous voir nous avancer un par un, comme des
individus solitaires, demander certaines choses, les recevoir puis repartir
tels que nous étions en arrivant. Ce n’est pas ce qu’il recherche, car il
s’intéresse davantage à nous-mêmes qu’à ce que nous demandons,
même si cela aussi lui tient évidemment à cœur.
La prière nous change 101

Dieu nous transforme par le moyen de nos requêtes, grâce à tout


ce qui survient dans notre vie, par le moyen des Écritures, par le moyen
du Saint-Esprit, que ce soit sa providence, les difficultés, les souffrances
ou les circonstances heureuses. Il agit au travers de toutes ces choses
pour nous façonner à l’image de Jésus, pour que nous arrivions au
point où l’Esprit peut intercéder, agir et plaider en nous en se faisant
l’écho de la voix de Jésus.
En fin de compte, qui nous sommes quand nous prions compte
plus que ce que nous demandons. Oui, qui sommes-nous quand nous
prions «au nom de Jésus» ?

Unis à Christ

Nous avons évoqué la nécessité de «demeurer en Christ» (cf. Jean 15).


Comment y parvenir alors que nous sommes sur la terre et qu’il est si
loin de nous dans le ciel ?
Sachons tout d’abord que Dieu ne laisse jamais ses enfants seuls.
Lorsque Jésus s’adressa à ses disciples peu avant sa mort et leur dit
qu’il remonterait auprès du Père dans son corps glorifié, il ajouta : «Je
ne vous laisse pas orphelins, je viendrai à vous… Demeurez en moi,
et je demeurerai en vous» (Jean 14:18 ; 15:4).
Une autre façon de décrire sa présence en nous consiste à dire
que nous sommes unis à Christ.
On n’entend pas souvent prêcher sur le thème de notre «union
avec Christ», alors qu’il est de la plus haute importance pour notre vie
de prière. Pourquoi une meilleure connaissance de cette vérité rendrait-
elle notre prière plus efficace ?
L’explication est simple. La prise de conscience de mon identité
en Jésus libère ma foi pour qu’elle s’approprie ces prières efficaces qui
triomphent du monde. Est-il alors surprenant que le diable ne tienne
pas du tout à ce que nous découvrions exactement qui nous sommes
en Christ ?
102 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

L‛intelligence spirituelle

Il y avait chez moi autrefois un personnage de dessin animé humo-


ristique très drôle. C’était un petit homme très myope qui perdait ses
lunettes et se mettait à leur recherche à quatre pattes dans les bureaux
d’une grande administration. Il ne cessait de heurter toutes sortes de
personnes ou d’objets sur son chemin, prenait l’agent de police pour
un portemanteau, ce qui déclenchait nos rires enfantins.
Le diable, lui aussi, s’efforce de nous faire perdre nos lunettes spiri-
tuelles pour que, comme notre personnage, nous soyons complètement
ignorants de ce qui se passe autour de nous. Il souhaite faire de nous
des myopes spirituels qui ne voient pas plus loin que le bout de leur
nez quand il s’agit de découvrir la foi qui triomphe du monde grâce
à la prière. Pour employer un autre langage, s’il peut nous empêcher
de savoir qui nous sommes réellement en Christ, il a ainsi neutralisé
du même coup tout l’arsenal de la prière revêtue de foi qu’il redoute
tellement.
En prenant conscience tout à nouveau de votre identité dans
l’union avec le Fils de Dieu victorieux, vous posez les pieds sur le sol
ferme de la prière. D’ailleurs l’une des principales raisons d’être des
épîtres du Nouveau Testament est de nous faire découvrir qui nous
sommes vraiment en Christ. Prenons par exemple la prière de Paul en
Éphésiens 1:15-23. L’apôtre demande à Dieu de donner aux membres
d’église auxquels il écrit «un esprit de sagesse et de révélation dans
[la] connaissance [de Christ]», d’illuminer «les yeux de [leur] cœur»
pour qu’ils comprennent «l’espérance qui s’attache à son appel… la
richesse de la gloire de son héritage, la grandeur de [sa] puissance»
de résurrection.
Toutes ces réalités leur sont octroyées en Christ. L’apôtre savait
que si ses lecteurs prenaient conscience de tout ce que leur union avec
Christ leur procurait, ils seraient mieux préparés à s’emparer de l’arme
de la prière (cf. Éphésiens 6:18).
La prière nous change 103

La découverte de qui nous sommes en Jésus-Christ peut se com-


parer à l’expérience d’un pauvre enfant abandonné qui, peut-être
après avoir été kidnappé pendant des années puis relâché, apprend
qu’il est le fils d’une famille fortunée. Après avoir retrouvé sa trace,
les siens le reprennent et l’installent dans une demeure fabuleuse, au
milieu d’êtres aimés et aimants, et ayant tout à profusion. Combien
cette prise de conscience changerait son attitude ! Or, ce que Dieu a fait
pour nous, pécheurs perdus, est infiniment plus merveilleux, comme
Paul le montre en Éphésiens 2.
Nous oublions cependant trop souvent une chose, au détriment de
notre vie de prière. Paul insiste continuellement sur le fait que nous ne
pouvons nous approprier ce que Dieu a pour nous qu’en vivant selon
le principe de notre union avec Christ, son Fils bien-aimé (cf. Romains
6 ; 1 Corinthiens 15 ; Galates 5 ; Éphésiens 1 et 2).
Si la question de l’union avec Christ est si importante pour la
prière, comme pour tous les autres aspects de la vie chrétienne, ce
n’est certainement pas perdre son temps que se demander ce qu’elle
signifie dans la pratique.
Notre véritable identité peut se comprendre à partir de notre arbre
généalogique, c’est-à-dire notre place dans la lignée de nos ancêtres.
C’est important au moment où nous commençons à prier.

Les arbres généalogiques

J’ai évoqué plus haut le cas d’un enfant perdu qui apprend un jour
son appartenance à une riche famille. Dès lors, tout change pour lui.
En découvrant son véritable arbre généalogique, ses ancêtres par les
liens du sang, il découvre en même temps son droit de quitter sa famille
d’accueil pour retourner vers sa vraie famille.
C’est ce qui se passe pour celui qui est en Christ. Par la foi, il a
été littéralement greffé sur un autre arbre généalogique (cf. Romains
11:16-24). Le chrétien passe d’une famille à une autre.
104 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Dieu considère tout être humain comme appartenant à l’un des


deux seuls arbres généalogiques possibles. Comme le dit l’apôtre Paul,
toute personne est soit «en Christ», soit «en Adam». En d’autres termes,
chacun est uni soit au premier, soit au dernier Adam (cf. en particulier
Romains 5:12-21 et 1 Corinthiens 15:21,22,45-49).
Par sa naissance, tout homme naît «en Adam». Il hérite sa nature
humaine de son ancêtre déchu, si bien que ce que David déclare, à
savoir : «Je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché»
(Psaume 51:7), s’applique à tous. «Nous étions par nature des enfants
de colère», affirme Paul en Éphésiens 2:3.
Aux yeux de Dieu, l’arrière-plan naturel, l’ancien arbre généalo-
gique se caractérisent par la rébellion, la pauvreté et la colère. C’est
pourquoi celui qui n’est pas sauvé fait tout son possible pour fuir Dieu
au lieu de rechercher la face du Père céleste dans une prière empreinte
d’amour (cf. Romains 1:18-32).
Par la nouvelle naissance, lorsque le Saint-Esprit lui ouvre les
yeux pour contempler le Seigneur Jésus-Christ comme son Sauveur et
Seigneur, il devient une nouvelle création (cf. 2 Corinthiens 5:17). Cela
signifie que Dieu l’ôte de l’ancien tronc, celui d’Adam condamné et
vaincu, et le greffe sur un nouveau tronc, celui de la résurrection et de
la victoire de Christ.
L’homme se trouve donc dans une situation radicalement diffé-
rente et infiniment plus glorieuse. Dans l’environnement de sa nouvelle
famille, tout ce que Christ a acquis par son incarnation, sa mort expia-
toire et sa résurrection corporelle devient immédiatement sien, selon
ses besoins, sa foi et les desseins du Seigneur.
Plusieurs passages de l’Écriture décrivent les différents aspects de
cette vérité. Le Saint-Esprit nous baptise pour nous intégrer au corps
de Christ (1 Corinthiens 12:13). Nous avons été baptisés avec Christ dans
sa mort et sa résurrection (Romains 6:3-5).
Jean 15:1-8 exprime cette vérité sous une autre forme. L’image du
sarment qui est uni au cep illustre la parole de Jésus qui nous exhorte à
La prière nous change 105

«demeurer» en lui. Sa vie coule en nous comme la sève du cep nourrit


le sarment, ce qui nous permet de porter du fruit, son fruit.
Enfin, Galates 5:22,23 décrit le fruit que l’Esprit produit dans la vie
de tous ceux qui vivent unis à Christ dans leur nouvelle famille. Amour,
joie, paix et ainsi de suite sont les caractéristiques de cette famille.
Le Saint-Esprit fait de cette vérité de l’union du croyant avec Christ
une réalité indubitable, même si son mécanisme dépasse la compré-
hension de l’intelligence humaine. Le Saint-Esprit est capable d’unir
des choses du ciel à des choses sur la terre au point que la vie, la vertu
et la connaissance de l’un se communiquent réellement à l’autre.
Comment être unis à Christ et passer en permanence d’une famille
à l’autre ? Le lien de cette union est la foi. Pour reprendre les termes de
Calvin, «la foi unit l’homme à Dieu et fait habiter Dieu en l’homme.»
Choisis par le Père pour être greffés par le Saint-Esprit et unis
par la foi à son Fils, nous possédons une nouvelle identité familiale
incroyablement bénéfique : nous sommes unis à Christ ! Combien nos
prières sont différentes lorsque nous nous agenouillons en sachant bien
qui nous sommes et ce que nous avons en Christ !

Acceptés dans le bien-aimé

Notre union à Christ a des prolongements inouïs sur la prière. Elle nous
rend acceptables pour Dieu. Nous satisfaisons ainsi une condition pri-
mordiale, ce que nous avons comparé aux conditions figurant en tout
petits caractères en bas des offres alléchantes. Nous prions au nom de
Jésus et notre prière monte directement jusqu’à Dieu.
Un pasteur encouragea les jeunes chrétiens de son église à s’appro-
cher de la table du Seigneur en ayant un cantique particulier à l’esprit.
Cet hymne comportait, entre autres, les lignes suivantes :

«Père, de ton Oint regarde la face,


Et ne nous considère qu’en lui ;
106 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Oublie notre abus de ta grâce,


Notre foi si faible et notre prière alanguie ;
Car entre nos péchés et leur rétribution
Ton Fils interpose sa passion.»

C’était un conseil sage, notamment quand on pense que les adolescents


traversent souvent des moments difficiles où ils ne se sentent acceptés
ni de leurs parents, ni de leurs semblables, ni d’eux-mêmes. Comment
un Dieu saint pourrait-il alors les accepter ?
Leur instabilité s’explique en partie, mais en partie seulement, par
les transformations hormonales qui s’opèrent en eux avec des répercus-
sions sur leurs émotions fortes et les préparent à entrer dans l’univers
des adultes. Soulignons en particulier la prise de conscience de leur
sexualité naissante qui peut parfois les prendre au dépourvu.
Des pensées bizarres et nouvelles leur traversent l’esprit, et des
pulsions se manifestent dans leur corps. Ils se demandent s’ils n’ont pas
péché et se sentent parfois couverts de honte. La tentation n’est bien
sûr pas péché en elle-même. Ce qui est mal est de se complaire dans
la tentation et de lui céder, comme le font certains. Il est alors juste et
normal qu’ils se sentent coupables. Mais ceux qui s’en tiennent ferme-
ment à l’enseignement des Écritures sur la pureté sont parfois tellement
surpris par la violence et la nouveauté de leurs émotions qu’ils sont
convaincus de ne pouvoir être acceptables aux yeux de Dieu.
Le fait que nous vivons dans une société particulièrement axée
sur les questions sexuelles, un monde qui étale publiquement ce qui
n’est réservé qu’à l’intimité, peut aggraver leur sentiment de culpabilité.
Cela amène les adolescents à mal interpréter leurs expériences et à leur
accorder une gravité qu’elles n’ont pas. Mais ils n’ont pas d’autre échelle
à laquelle les mesurer. Même lorsqu’ils commettent quelque péché, ils
lui accordent dans leur pensée une signification beaucoup plus grande
qu’il ne le mérite en réalité. Certains jeunes estiment que parce qu’ils
sont incapables de contrôler leurs pensées, autant se laisser aller.
La prière nous change 107

Qu’il est précieux de savoir que, grâce à notre union avec le Sei-
gneur, rien ne peut empêcher le Père de nous écouter ! Peu importe
ce que nous ressentons ou à quel point la tentation nous assaille. Nous
savons que nous pouvons nous approcher du trône de Dieu parce que
Christ a affronté toutes les tentations auxquelles nous sommes exposés,
et en a triomphé. Tel est le sens du cantique évoqué plus haut. Nous
venons au Père par Christ ; c’est sa vie que Dieu voit quand nous
cherchons refuge en lui à cause de nos péchés.
Il a offert au Père sa vie humaine parfaite en tout, si bien que nos
manquements ne nous séparent plus de Dieu si nous sommes en Christ.
Loin de nous faire prendre le péché à la légère dans ce domaine comme
en d’autres, la substitution de sa perfection à notre imperfection nous
encourage d’autant plus à refléter sa pureté.

La force de la prière quand on est en Christ

Rappelons que la vie historique de Christ à notre place ne supprime


évidemment en aucun cas nos luttes présentes. Lui-même «dans les
jours de sa chair, a présenté avec de grands cris et avec larmes des
prières et des supplications» (Hébreux 5:7). Il dut, lui aussi, lutter dans
la prière pour sortir vainqueur. La force de notre prière se fonde sur sa
réussite dans ce domaine. En effet, une part essentielle de sa victoire
sur le péché et la mort tient au fait qu’il pria.
Cette constatation ajoute une nouvelle dimension ainsi qu’un
nouvel espoir dans les souffrances et les difficultés dont nous avons
découvert qu’elles sont un élément inévitable de la vie. Elles feront de
nous des hommes et des femmes qui prient jusqu’à la victoire finale car
nous prions en Christ, qui a souffert, est mort, mais est aussi ressuscité.
Nous ne sommes pas seuls et nous finirons par triompher comme ce
fut le cas pour le Sauveur.
Un encouragement particulier vient de savoir que nous avons accès
à Dieu parce que c’est lui qui nous a choisis en Jésus. Ce n’est pas
108 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

nous qui l’avons choisi. Certes, nous sommes d’une faiblesse et d’une
fragilité extrêmes, mais Dieu le savait très bien quand il nous a appelés. Il
connaissait nos besoins et avait d’avance prévu de nous faire bénéficier
de toutes les ressources du Dieu-homme. Ce sont ces ressources qui
renferment la puissance de vie capable de nous transformer.
En résumé, au fur et à mesure que, de notre côté, nous nous
efforçons de faire confiance à Dieu en Christ, d’obéir à sa Parole et de
nous appuyer sur son Esprit, et que de son côté, le Seigneur exerce
son contrôle providentiel, nous fait grandir et mûrir, la voix de son Fils
sera de plus en plus perceptible dans nos prières. Nous demanderons
alors de mieux en mieux ce qui est conforme à sa volonté, et elle
s’accomplira pour nous. Ce mécanisme nous fait passer du stade du
petit garçon qui joue avec ses petites voitures à l’ombre de la grange
de son père à celui de l’adulte responsable qui dirige une plantation,
gagne sa vie et prend soin d’autrui.
C’est ainsi que John Knox put entrer dans le domaine céleste.
Son caractère avait tellement été ciselé à l’image de celui de Christ,
sa vie et ses prières avaient tellement été amenées à se conformer à
celles de son maître qu’à la fin il put apercevoir le lieu même où Christ
règne sur son trône.
Ce regard global sur ce que Dieu accomplit dans la vie de ceux qu’il
place en Christ nous prépare à examiner tout spécialement les sujets
pour lesquels Christ désire voir les membres de son corps prier.

Prier en accord avec les promesses de l‛Écriture

Il ne suffit donc pas simplement de savoir que notre vie est transfor-
mée de jour en jour. Nous avons encore besoin de demander : «Que
faire pour que ma façon de prier ressemble de plus en plus à celle de
Jésus ? Comment satisfaire les conditions fixées pour en arriver aux
promesses absolues, de sorte que la voix du Fils résonne vraiment dans
mes prières quotidiennes ?»
La prière nous change 109

Jean 15:7 apporte un élément de réponse : «Si… mes paroles


demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera
accordé.» Autrement dit, il faut que les promesses de l’Écriture demeu-
rent en nous pour que nous puissions nous appuyer intérieurement sur
elles et en revendiquer l’exaucement dans nos prières.
Même si l’Esprit nous a déjà introduits dans une union vitale avec
Christ, nous devons nous assurer que ses paroles demeurent en nous.
L’Écriture doit donc d’abord être l’instrument qui façonne notre façon
générale de vivre ; ensuite ces mêmes paroles inspirées façonneront
aussi notre façon de prier.
Quand une canalisation d’égout obstruée provoqua un jour de
graves inondations dans la maison, nous avons attentivement lu notre
police d’assurance contre les dégâts des eaux pour savoir si nous
pouvions prétendre à des indemnisations. Ce n’est qu’après nous être
assurés que le contrat signé couvrait ce genre de risques que nous
avons pu nous appuyer sur les clauses dont nous étions convenus avec
la compagnie d’assurances. Celle-ci n’eut pas d’autre solution que de
nous rembourser le montant des réparations.
De même, si nous voulons savoir quelles requêtes Dieu s’est engagé
d’exaucer, nous devons sonder les Écritures.
Pour Calvin, la prière est un moyen d’utiliser les promesses de
l’Écriture pour accéder au trésor céleste. En effet, le Seigneur ordonne
de lui demander tout ce qu’il a promis de donner. C’est par la prière
que nous découvrons les trésors que l’Évangile de notre Seigneur nous
promet et qui font depuis longtemps l’objet de notre foi.
Dans le même esprit, Charles Spurgeon déclare : «Toute promesse
de l’Écriture est un engagement écrit de Dieu. Nous pouvons donc nous
y appuyer et rappeler au Seigneur son engagement : «Tu l’as dit !» Le
Créateur ne trompera pas la créature qui s’empare de cette vérité ; de
plus, le Père céleste ne trahira pas sa parole à son enfant.»
Ainsi, en union avec Christ, nous prions selon ses promesses.
En cela, nous cherchons à vivre conformément au modèle qui nous
110 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

est donné dans l’Écriture : nous avons foi en Dieu et l’exprimons en


nous efforçant de vivre en obéissance à sa Parole. Évidemment, nous
faisons tout cela avec le secours de son Esprit qu’il nous a donné à la
nouvelle naissance.
Quiconque utilise un ordinateur se souvient sûrement des premiè-
res semaines crispantes de prise de contact avec le matériel. Ne connais-
sant pas encore assez le fonctionnement de l’appareil et ne sachant
pas encore à quoi peuvent servir toutes les touches du clavier, on ne
parvient pas à obtenir que l’ordinateur accomplisse le travail escompté.
De même, nous avons besoin de connaître les promesses de la Parole
de Dieu pour savoir ce que nous pouvons attendre de sa part.
Nous pourrions presque dire, en modifiant légèrement la méta-
phore, que notre esprit a besoin d’être «programmé» conformément
à la Bible.

Requêtes spécifiques

Dans la prière modèle du Notre Père, Christ semble résumer toutes les
promesses de l’Écriture à trois requêtes :

*
* Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien.
*
* Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi, nous par-
donnons à ceux qui nous ont offensés.
** Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin.

Christ enseigne à son peuple à s’assembler pour s’approcher du Père


et lui demander tout ce dont le corps a besoin : le pain, le pardon et
la protection.
Rappelons-nous que lorsque nous présentons ces requêtes au Père,
nous lui demandons des choses que, d’après Jésus, il est heureux de
nous accorder, quels que soient les efforts de Satan pour nous persuader
du contraire et nous décourager de prier.
La prière nous change 111

La nourriture

Christ nous enseigne d’abord à demander au Père notre pain quotidien.


Il est donc très légitime de supplier Dieu de répondre à nos besoins
physiques.
Dans la biographie de sa famille, Edith Schaeffer raconte que
lorsqu’elle et son mari étaient au séminaire, l’épouse d’un professeur la
reprit un jour pour avoir demandé à Dieu de lui envoyer l’argent dont
elle avait besoin. Cette femme lui dit : «Dans la prière, nous n’exposons
que des besoins spirituels.»
Si tel était le cas, Jésus se serait trompé en nous encourageant
à prier pour notre pain quotidien ! Et le psalmiste avait tort d’écrire :
«J’ai été jeune, j’ai vieilli ; et je n’ai point vu le juste abandonné, ni sa
postérité mendiant son pain» (37:25). Il faudrait également douter de
l’inspiration de 3 Jean 2 : «Bien-aimé, je souhaite que tu prospères
à tous égards et sois en bonne santé, comme prospère l’état de ton
âme.» En fait, l’Écriture s’étend longuement sur l’activité de Dieu par
laquelle il satisfait tous nos besoins terrestres quotidiens. N’ayons donc
pas honte de le prier pour des choses matérielles.
Un jour, j’allai à la pêche avec un membre d’une église rurale du
Mississippi. Alors que nous nous rendions à l’étang dans sa camionnette,
nous discutions de la prière. Je fis remarquer à ce chrétien au grand
cœur que j’avais parfois honte de demander de l’argent à Dieu.
Il connaissait la situation délicate dans laquelle je me trouvais à
l’époque. Il se tourna vers moi et me dit simplement et avec une gouaille
pleine d’à-propos : «Ouais, mais t’as pas d’autre moyen d’en avoir !»
Il savait que Dieu est heureux de nous accorder des biens matériels.
Notre requête l’honore, et il est heureux que nous lui fassions connaître
nos besoins.
N’oublions cependant pas que cette deuxième partie du Notre
Père, tournée vers l’homme et ses besoins, doit s’accorder avec la
première partie qui est de sanctifier le nom de Dieu. Il nous accorde
112 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

les biens matériels, y compris la santé et la prospérité financière, dans


la mesure où ces choses sont en harmonie avec la gloire de son nom
et avec la part que nous devons assumer en reflétant la gloire de ce
nom. En vivant de plus en plus dans l’intimité de Christ et en laissant le
Saint-Esprit se faire l’écho dans notre âme de l’intercession du Seigneur
dans le ciel, nous trouverons sans aucun doute le juste équilibre. Nous
apprendrons à déceler les choses qu’il est bon de demander, mais aussi
celles qu’il vaut mieux oublier avec bonheur. Nous pourrons alors dire
comme George Müller : «Je n’ai pas d’exigence en la matière.»
Il savait de quoi il parlait ! Cet homme du dix-neuvième siècle est
connu pour sa remarquable vie de prière. Il fonda des orphelinats pour
des centaines d’enfants en Angleterre. Il ne comptait que sur Dieu dans
la prière pour subvenir aux besoins de son œuvre.
Un jour, le lait vint à manquer pour le petit déjeuner des enfants.
Il leur dit de prendre leur place habituelle dans la salle à manger,
d’incliner la tête pour rendre grâce à leur Père céleste qui leur fournirait
le lait nécessaire.
Quelques instants plus tard, quelqu’un frappa à la porte. La char-
rette qui faisait sa tournée pour livrer le lait aux clients était immobilisée
juste devant l’orphelinat, à la suite d’une pièce cassée. Le conducteur
demanda à Müller s’il acceptait de prendre le lait qui, autrement, risquait
de tourner en attendant que la charrette soit réparée. Quel puissant
encouragement à prier ! Il n’y a donc rien de surprenant à ce que George
Müller ait présenté à Dieu ses requêtes pour des choses matérielles. Il
avait aussi appris que l’efficacité de la prière n’est pas une fin en soi.
Plus notre union avec Christ s’affermit, plus nous sommes poussés à lui
ressembler et moins nous nous accrochons à certains biens matériels
pourtant légitimes.
Par ailleurs, puisque Jésus ne nous enseigne pas à prier seulement
pour mon pain quotidien mais pour notre pain de ce jour, nous devons
avoir le souci des besoins matériels de l’ensemble du corps de Christ
et, comme le bon Samaritain, de notre prochain.
La prière nous change 113

Plus nous vivons près de Christ, plus nous dépassons le stade


de nos propres besoins pour nous préoccuper et avoir compassion
des pauvres et des opprimés à travers le monde. De même que
Christ se soucie des autres et intercède pour eux, nous intercédons
nous aussi davantage, nous donnons davantage à autrui et pensons
moins à nous-mêmes au fur et à mesure que nous nous rapprochons
du modèle de notre grand souverain sacrificateur. En grandissant en
Christ, nous prions de plus en plus : «Donne-nous aujourd’hui notre
pain quotidien.»

Le pardon

Jésus enseigne ensuite à tous ses disciples à implorer Dieu pour le par-
don de leurs péchés, comme eux-mêmes pardonnent à ceux qui les ont
offensés. Le Seigneur ne pense pas principalement au pardon éternel
accordé une fois pour toutes dont le croyant bénéficie à la conversion,
le pardon qu’on reçoit comme une grâce divine lorsqu’on est justifié
par la foi en l’œuvre parfaite que Jésus a accomplie sur la croix. Jésus
envisage plutôt notre besoin quotidien de pardon et de purification, en
tant que pécheurs justifiés mais imparfaitement sanctifiés.
Nous devons confesser chaque jour nos péchés au nom de Jésus
et nous approprier le pardon au moyen de son sang qui nous purifie (cf.
1 Jean 1 et 2). Nous devons également demander pardon à autrui chaque
fois que c’est nécessaire et possible (cf. Matthieu 5:23ss.). Assurons-nous
aussi d’avoir la bonne attitude pour pardonner à ceux qui nous ont fait
du tort. C’est le moyen efficace d’empêcher que des racines d’amertume
ne se développent et ne s’infectent (Hébreux 12:15), risquant de nous
détruire et de nuire à nos relations avec les autres et avec Dieu.
Il est évident que ce comportement ne nous est pas naturel. Nous
ne pouvons l’adopter que si nous demeurons en Christ et lui en nous.
Son esprit de pardon peut triompher de notre amertume et de notre
ressentiment si nous comptons sur lui et croissons en lui.
114 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Le fait que nous pardonnions à nos débiteurs n’oblige nullement


Dieu à nous pardonner nos offenses ! La démarche est inverse. Jésus,
dont le sang purifie de toute iniquité et qui demeure en nous, com-
munique la bonne attitude de bienveillance à ceux qui ont accepté le
pardon de Dieu et accueilli Christ dans leur vie. Il est impossible de
recevoir le pardon de Dieu sans le recevoir lui-même. Sa présence en
nous et notre demeure en Christ font de nous des personnes capables
de pardonner.
Combien d’églises feraient bien de prendre cette question plus
au sérieux si elles veulent faire l’expérience d’une prière plus efficace
capable de transformer la communauté ! Récemment, une amie nous
confia au téléphone son chagrin perpétuel parce qu’une dame de son
assemblée refuse de lui adresser la parole à cause d’une querelle oubliée
depuis longtemps. Dans combien d’églises ne retrouve-t-on pas ce
même cas de figure ? N’est-ce pas la principale cause de l’inefficacité
du ministère chrétien ?
Plus nous croissons en Christ, plus nous sommes remplis de cet
amour qui «couvre une multitude de péchés» (1 Pierre 4:8). Et plus nous
sommes enclins à pardonner, plus Dieu accorde de l’efficacité à notre
prière, au point de pouvoir passer du stade de bénéficiaires du service
d’autrui à celui de serviteurs d’autrui au nom de Jésus.

La protection

Finalement, Christ enseigne aux siens à demander la protection du


Père céleste : «Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du
malin.» Cette partie du Notre Père revêt une importance cruciale pour
ceux d’entre nous qui ont des adolescents. Pensons à la multitude de
tentations qui menacent leur vie dans notre société largement post-
chrétienne. Nous ressentons fortement le besoin de prier pour eux,
sachant en particulier que nous ne sommes pas non plus à l’abri des
pièges qui nous guettent à l’âge mûr et même dans la vieillesse.
La prière nous change 115

A.T. Robertson, le grand helléniste, estimait que Calvin avait


donné une interprétation correcte de cette requête, à savoir que nous
demandons au Seigneur de nous garder de toute épreuve ou tentation
qui serait plus forte que notre capacité de résistance.
La Bible enseigne que le diable nous tente, c’est-à-dire qu’il nous
incite à enfreindre les règles morales qui sont conformes à la nature de
Dieu. Par ailleurs, elle affirme que Dieu lui-même nous met à l’épreuve.
Ce n’est cependant jamais pour nous faire tomber, mais pour nous
fortifier par une confiance accrue en lui, pour affermir notre caractère
chrétien et augmenter notre capacité de mener des combats plus âpres
en faveur de son règne.
Dieu se sert du péché sans pécher ! Il exerce sa maîtrise même
sur le diable. À notre grande consternation, nous nous sommes tous
déjà rendus compte que Dieu permet au mal de nous atteindre. Mais
Dieu utilise ces tribulations que suscite le diable et par lesquelles il veut
nous faire tomber pour fortifier notre caractère chrétien. C’est pourquoi
Jésus nous invite à prier d’avance que l’épreuve ne soit jamais au-delà
de ce que nous pouvons endurer.

Christ en nous, l‛espérance de la gloire

Pour résumer, imaginons pouvoir observer simultanément tout ce qui se


passe sur la terre et dans le ciel. Ici-bas, certains des membres du peuple
de Dieu ressentent le besoin de prier. Peut-être y sont-ils poussés par
quelque besoin matériel. Il se peut aussi que la tristesse d’avoir péché
ou la découverte de quelque manquement les poussent à tomber à
genoux devant le Père céleste. On peut encore imaginer qu’ils mènent
un dur combat en faveur du droit dans une situation apparemment
insurmontable. Quelles que soient leurs circonstances, ils se tournent
vers Dieu dans la prière.
Jetons maintenant un regard vers le ciel. Qu’y voyons-nous ? Dieu
se sert précisément des circonstances de la vie et des temps difficiles
116 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

de ses enfants pour façonner ceux-ci à l’image de son Fils bien-aimé.


Parallèlement, le Saint-Esprit prend davantage possession de leur
cœur, où il fait résonner l’écho de l’intercession que le Christ ressuscité
présente en leur faveur dans le ciel.
Ainsi, Judith ne savait pas du tout que c’était précisément ce que
le Saint-Esprit opérait quand elle priait. N’était-il pas tellement plus
logique de prier pour la guérison, ce que faisait justement son mari !
Mais elle n’y songea jamais ! Pourquoi ?
Dieu avait en vue une bénédiction particulière pour elle, un bien-
fait qu’elle n’aurait jamais recherché par elle-même. Le désir de Jésus
était le développement de sa maturité spirituelle, et le Saint-Esprit fit
résonner cette prière en elle.
À travers tous les moments difficiles et les appels au secours, il
se produit la chose la plus merveilleuse au monde, ce pour quoi Dieu
a créé l’univers : les traits du caractère de Jésus s’impriment dans les
rachetés et sa voix devient de plus en plus claire dans leurs prières. Et,
sur son trône, Dieu les entend.
Mais ce n’est pas tout. En accordant le pain, le pardon et la pro-
tection en réponse aux supplications de ceux qui demeurent en son
Fils, Dieu change le monde et sanctifie son propre nom.
Nous apprécions tous le type de maturité qui fait de nous des
membres productifs et estimés de la société. N’oublions toutefois jamais
l’influence potentielle que la maturité spirituelle peut avoir. La prière
de la foi, la prière persévérante, a des répercussions radicales sur notre
propre développement de chrétiens et sur celui de la société dans son
ensemble. La vie de John Knox rend publiquement témoignage de cette
vérité. La maturité finale ne se mesure cependant pas à la reconnais-
sance officielle, mais à la conformité à Christ. Lorsque nous prenons
au sérieux la vérité que la prière nous transforme, nous avons alors
découvert la plus grande motivation pour prier sérieusement.
Puisse Dieu nous accorder une telle maturité et une telle efficacité
dans la prière !
5
La prière change les autres

«Je cherche parmi eux un homme qui élève un mur,


qui se tienne à la brèche devant moi en faveur du pays,
afin que je ne le détruise pas ; mais je n’en trouve point»
(Ézéchiel 22:30).

Étant arrivés au point d’examiner comment la prière influe sur les


autres, il est peut-être temps de nous pencher sur l’autre partie du récit
du jeune étudiant qui pria pendant deux ans au sujet d’une jeune fille.
Que se passait-il dans la vie de la demoiselle ?
Peu après que le garçon eût décidé d’exposer son problème au
Seigneur, la jeune fille eut de son côté, un soir, une discussion animée
avec sa camarade de chambre. À ce moment-là, elle se préparait
118 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

pour un travail missionnaire (c’était son intention), et sa camarade lui


reprochait de ne pas du tout songer au mariage.

Une influence cachée

Elle commença à se demander si le Seigneur n’avait pas d’autres projets


pour elle. Ce soir-là, elle ouvrit la Bible où elle était arrivée dans sa
lecture quotidienne. C’était le livre des Psaumes. Le dernier verset du
Psaume la saisit : «Il donne une maison à celle qui était stérile, il en fait
une mère joyeuse au milieu de ses enfants» (Psaume 113:9). Bien que
n’étant pas, à ce moment-là, disposée à entendre la voix du Seigneur,
elle comprit cette fois-ci qu’il lui avait parlé.
Mais elle était sûre que ce verset n’avait rien à voir avec le jeune
homme dont elle avait fait la connaissance et pour qui elle avait beau-
coup de respect. De toute façon, comment aurait-il pu s’intéresser à elle,
puisqu’elle avait encore tellement à apprendre en matière de vie chré-
tienne ? De plus, il ne semblait pas avoir la vocation missionnaire.
Elle remarqua qu’ils s’entendaient très bien, si bien qu’ils se
retrouvaient souvent après les cours, pour participer à des activités
estudiantines et à celles de l’église. Une solide amitié se noua donc entre
eux. Le solide arrière-plan chrétien du jeune homme contrastait avec
celui, plus humaniste, de la jeune fille. Celle-ci était donc très heureuse
de l’aide que lui apportait le garçon pour concilier sa foi et ses études.
Il l’encouragea à lire la Bible en une année, ce qu’elle n’avait jamais
envisagée auparavant.
Sa foi se développa, mais ses yeux étaient encore fixés sur le
champ missionnaire ! Elle fréquenta pour de courtes périodes d’autres
garçons, mais elle rompit rapidement chaque fois, persuadée qu’ils ne
correspondaient pas à la volonté de Dieu pour elle.
Finalement, durant sa dernière année d’études, elle participa à une
conférence organisée par une société missionnaire qui s’intéressait tout
particulièrement au continent sud-américain. Elle espérait trouver les
La prière change les autres 119

«feux verts» sur sa voie. Elle s’attendait à ce que des portes s’ouvrent
pour entreprendre les démarches en vue d’un travail missionnaire. Mais
rien ne se produisit : toutes les portes restèrent fermées ! Elle rentra
chez elle, persuadée d’avoir fait fausse route en se croyant appelée
sur le champ de mission.
Elle fut alors libre de reconnaître qu’elle était tombée amoureuse
du jeune homme ! Elle lutta dans la prière jusque vers deux heures du
matin, jusqu’au moment où, en relisant le Psaume 113 pour la deuxième
fois, elle comprit que le Seigneur lui avait parlé et ouvert la voie pour
aller de l’avant dans sa relation sentimentale.
Le lendemain matin, quand le jeune homme l’aperçut, il lui
demanda des nouvelles de la conférence. Elle lui dit qu’elle n’irait
finalement pas en mission, mais pas un mot de plus ! Ce fut le seul
indice qu’elle lui révéla.

Les résultats de l‛intercession

Les prières du jeune homme avaient changé la jeune fille. Les deux
années écoulées lui avaient donné le temps d’atteindre une certaine
maturité chrétienne. Elle avait appris beaucoup de choses de la vie
chrétienne et avait vu Dieu changer ses actions et ses attitudes.
Si le garçon lui avait parlé plus tôt, elle n’aurait pas du tout été
prête. Elle aurait probablement refusé. En tout cas, elle n’aurait pas été
aussi bien équipée pour devenir l’épouse qui lui convenait. En priant
au lieu de parler, il fit ce qu’il y avait de mieux pour tous les deux.
Cet exemple montre l’influence de la prière dans la vie d’une
seule personne, sur une petite échelle et sans conséquences lointaines
particulières. Mais pensez à ce qui pourrait se produire si le peuple de
Dieu, individuellement et dans son ensemble, comptait sur lui pour
opérer des changements sur la terre ! Avons-nous la certitude que la
prière transforme les autres sur une grande échelle ? Qu’enseignent
les Écritures à ce sujet ?
120 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

En méditant la deuxième partie du Notre Père, tournée vers


l’homme, nous avons jusqu’ici examiné les besoins communs au peu-
ple de Dieu et sa destinée. Nous avons surtout insisté sur ce que Dieu
accomplissait dans son peuple et pour lui. Penchons-nous maintenant
sur ce qu’il fait à travers les siens. Nous abordons ainsi le grand thème
de l’intercession, prier en faveur d’autrui, pour que le nom de Dieu soit
sanctifié, que son règne vienne et que sa volonté soit faite.
Nous avons déjà fait remarquer que la deuxième partie du Notre
Père insiste sur l’aspect communautaire. Nous ne demandons pas
seulement «notre pain quotidien» personnel, même s’il est juste aussi
de prier pour cela. Christ souhaite que nous dépassions le cadre de
nos propres besoins pour penser à ceux d’autrui. Qu’est-ce qu’un
intercesseur ?
Rappelons que le Notre Père agit comme un aimant en attirant à
lui tout ce que le reste des Écritures enseigne sur le sujet de la prière.
Examinons-donc en détails deux épisodes de la vie d’Israël autrefois.
Tous deux nous convaincront que l’œuvre dans le royaume de Dieu
dépend en grande partie de l’intercession.

La prière de Moïse sauva le peuple

Le Psaume 106 constitue un résumé de l’histoire d’Israël. Il énumère


les interventions miséricordieuses de Dieu en faveur de son peuple.
Pourtant, après tant de preuves de la bonté du Seigneur, les Israélites
«oublièrent Dieu, leur sauveur, qui avait fait de grandes choses en
Égypte, des miracles dans le pays de Cham, des prodiges sur la mer
Rouge. Et il parla de les exterminer» (vv.21-23). Pourquoi ne mit-il pas
sa menace à exécution ?
Notons le seul facteur qui préserva les enfants d’Israël. Le jugement
divin les aurait certainement frappés, «mais Moïse, son élu, se tint à la
brèche devant lui, pour détourner sa fureur» du peuple égaré (v.23). Cet
épisode est rapporté en Exode 32. Le lecteur se souvient probablement
La prière change les autres 121

de l’intercession de Moïse. D’après le Psaume 106:23, seule la prière


de Moïse évita au peuple entier une totale destruction.
Connaissez-vous l’histoire du petit garçon hollandais qui sauva
son village de la destruction ? Un soir, en rentrant chez lui, il aperçut
un filet d’eau qui suintait à travers la digue qui protège le pays contre
l’envahissement par les eaux de la mer du Nord.
Il faut savoir qu’une grande partie des Pays-Bas se situe en dessous
du niveau de la mer. Ces terres ont été conquises sur la mer et sont
protégées par d’immenses digues péniblement érigées au fil des ans.
La sécurité des habitants dépend de l’entretien de ces digues.
Le garçon se rendit compte d’emblée que la moindre brèche pou-
vait entraîner le désastre et la mort. Il savait aussi que, dans le temps
qu’il lui prendrait pour aller chercher de l’aide, la mer aurait le temps
d’élargir la brèche et de s’y engouffrer à flot. Il mit alors son doigt dans
le trou et l’y maintint fidèlement.
Tard dans la nuit, sa mère inquiète envoya des hommes à la recher-
che de son garçon. Ils le trouvèrent presque endormi, le bras enfoncé
dans la digue. Conscient du danger, le petit sauva probablement la vie
de beaucoup par son action immédiate et désintéressée.
Voilà ce qu’est un intercesseur. Il protège les autres à des moments
où «l’ennemi [vient] comme un fleuve» en demandant à «l’Esprit de
l’Éternel [de le mettre] en fuite» (Ésaïe 59:19).

Personne ne se tient à la brèche

Ézéchiel 22 décrit une situation inverse à celle du Psaume 106:23. Du


temps de Moïse, le peuple fut épargné et connut l’une des périodes les
plus prospères de toute son histoire, parce qu’un homme avait intercédé
en sa faveur. Dans le texte d’Ézéchiel, les Israélites ont de nouveau
gravement offensé Dieu qui a laissé éclater sa colère contre eux.
Mais cette fois-ci, il n’y eut pas de Moïse pour se tenir à la brèche.
«Je cherche parmi eux un homme qui élève un mur, qui se tienne à
122 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

la brèche devant moi en faveur du pays, afin que je ne le détruise


pas ; mais je n’en trouve point» (v.30). En termes plus simples : quand
il n’y avait pas d’intercesseur pour se tenir à la brèche, c’en était fait
d’Israël.
Il se peut que, vivant à l’époque où son peuple bien-aimé était
constamment sous la menace d’une invasion militaire, Ézéchiel a à
l’esprit l’image d’une ville assiégée par des ennemis qui ont réussi à
ouvrir une brèche dans la muraille. Il compare le besoin d’un interces-
seur à celui d’un soldat prêt à livrer sa vie comme un bouclier contre
l’adversaire qui s’apprête à fondre sur une population sans défense à
l’intérieur de la ville.
Le manque d’intercesseur dans cette période de l’histoire du peuple
doit se comprendre à la lumière des violations continuelles de l’alliance
avec Dieu. Le fait que le peuple se soit si souvent détourné de Dieu
explique qu’il n’y ait personne pour se tenir à la brèche et intercéder.
La logique divine est simple et saisissante : quand il y avait un
«Moïse», quelqu’un pour intercéder, la destruction était repoussée.
Le peuple connut même un réveil spirituel. Mais lorsque les enfants
d’Israël arrivèrent au point où il n’y avait plus personne pour intercéder,
la destruction les atteignit. Israël dut subir soixante-dix années d’exil
dans la Babylone païenne.

Jésus le grand intercesseur

Passons brièvement au Nouveau Testament et au véritable intercesseur.


Le chapitre précédent nous a rappelé combien il importe de se souve-
nir de notre union avec lui. Ne l’oublions pas, lui non plus, à propos
de l’intercession. La seule façon de ne pas succomber à l’épuisement
ou au découragement dans le dur labeur de l’intercession consiste à
s’appuyer sur ce que nous sommes en Christ.
Tous les croyants qui lisent ces lignes luttent certainement pour se
mettre au diapason des desseins de Dieu à leur égard. Il s’ensuit que
La prière change les autres 123

certains de nous devront revoir leurs priorités et leur apporter les chan-
gements nécessaires s’ils veulent entendre ce que Dieu leur dit ici.
Or, nous ne pouvons effectuer les changements indispensables que
si nous fixons continuellement les yeux sur Jésus en nous rappelant
que nous accomplissons cette œuvre d’intercession en union avec lui.
Par conséquent, avant de détailler davantage nos responsabilités en
matière d’intercession, levons les yeux sur Jésus, le plus grand de tous
les intercesseurs.
Avant de se rendre dans le jardin de Gethsémané, puis dans le
prétoire de Pilate et enfin à Golgotha, Jésus fit monter vers Dieu la
prière dite «sacerdotale» (Jean 17), dans laquelle il déclara : «Je me
sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la
vérité» (v.19). Au même titre que tout ce que Jésus a accompli dans sa
vie, ses souffrances et sa mort, cette prière était pour les siens. La croix
marque simplement l’apogée de toute cette œuvre.
Là, nous ne le contemplons pas seulement à genoux, mais litté-
ralement corporellement debout à la brèche, pour détourner sur lui la
colère de Dieu qui, autrement, nous aurait anéantis. Là se tient celui
qui est supérieur à Moïse, celui qui n’intercède pas seulement devant
Dieu pour les autres, mais qui canalise le courroux divin sur lui-même,
subissant ainsi tout le châtiment que nous méritions.
Il rend ainsi possible notre retour au Père et le bénéfice d’un
amour, d’une miséricorde et d’une guérison incroyables, empêchant
que l’ardente colère de Dieu ne nous frappe, grâce à celui qui s’est
tenu à la brèche entre notre âme souillée par le péché et le Dieu par-
faitement saint.

Il est «toujours vivant pour intercéder en leur faveur»

Comme Paul le dit, Jésus «a été livré pour nos offenses et est ressuscité
pour notre justification» (Romains 4:25). Son corps glorifié a été enlevé
du domaine de la vue physique. Mais le Seigneur possède encore ce
124 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

corps, qui est aussi réel que lorsqu’il était sur la terre. Que fait-il actuel-
lement ? La lettre aux Hébreux déclare que, dans un sens très réel, tout
son ministère s’exerce dans le domaine de la prière.
Nous ignorons quantité de choses sur les activités de Christ dans
les cieux, mais l’épître aux Hébreux indique que l’essentiel du ministère
du Seigneur ressuscité en tant que souverain sacrificateur se concentre
sur une intercession continuelle en faveur des siens. Il est toujours à la
brèche ! Savez-vous pourquoi ceux qui lui appartiennent ne seront pas
détruits ? Parce que quelqu’un intercède pour eux à la brèche.
Le Seigneur Jésus-Christ plaide pour nous, chrétiens, devant le
trône de Dieu en ce moment même où nous lisons ces lignes. Si donc
vous estimez vos prières sans valeur, ne perdez pas courage. D’ailleurs,
aucun de nous ne devrait jamais renoncer à prier, car quelqu’un se
trouve à la brèche pour lui.
Cela signifie qu’il est possible d’exercer un réel pouvoir dans la
prière en se plaçant à la brèche à ses côtés. Nous pouvons nous y faire
l’écho de son intercession et opérer des changements durables dans ce
monde. Nous pouvons agir en faveur du monde en demandant à Dieu
de surseoir à ses jugements, en combattant la méchanceté du diable et
en la remplaçant par la beauté, l’amour, la bonté, la vérité et le salut.
Si nous pouvons intercéder ainsi, c’est évidemment uniquement
parce que Christ est déjà en train d’intercéder pour nous. Voici ce que
déclare l’Écriture :

«Ainsi, puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui a


traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu, demeurons fermes dans
la foi que nous professons. Car nous n’avons pas un souverain
sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses ; au contraire,
il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de
péché. Approchons-nous donc avec assurance du trône de la
grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être
secourus dans nos besoins» (Hébreux 4:14-16).
La prière change les autres 125

«Mais lui, parce qu’il demeure éternellement, possède un sacer-


doce qui n’est pas transmissible. C’est aussi pour cela qu’il peut
sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant
toujours vivant pour intercéder en leur faveur» (Hébreux 7:24,25).

Il est sur le trône, et il intercède pour nous. Lorsque nous intercédons,


nous reprenons à notre compte son intercession. Quand nous montons
à la brèche en faveur d’autrui, nous rencontrons le Seigneur, invisible
mais présent, si bien que nous ne sommes pas seuls à intercéder ; nous
le faisons unis à lui.
De plus, si nous comptons sur lui, il nous procurera le secours, la
grâce et la compassion dont nous avons besoin. Il accomplira ainsi petit
à petit ses desseins en nous et fera de nous des intercesseurs.
En acquérant une nouvelle vision de son ministère de prière
pour nous et en nous par son Esprit, nous serons motivés à tout faire
pour amener notre façon de vivre en harmonie avec ses desseins et
pour nous tenir sur la brèche en faveur d’autrui. Il y aura quantité de
situations dans lesquelles nous commencerons à l’invoquer en faveur
des autres, lui demandant de donner à l’un son pain quotidien, à
l’autre le pardon de ses offenses, à un troisième la force de résister à
telle tentation particulière, de ne pas se compromettre ou de tenir bon
dans le désastre.
En intercédant de cette manière, unis à notre souverain sacrifica-
teur et en reprenant en écho son intercession, nous verrons toute la
différence que cela fait dans la manière dont Dieu contrôle le monde.
Il est dans son plan que notre intercession en faveur des autres leur
permette de recevoir le pain, le pardon et la protection.

Un horloger divin et lointain ?

Nous sommes aujourd’hui en face d’un problème majeur, à savoir


l’attitude qui s’est répandue dans beaucoup d’églises et a sapé les
126 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

fondements de leur vie spirituelle. Elle découle d’une philosophie


connue sous le nom de déisme, popularisée au siècle des lumières.
Bien qu’admettant l’existence probable d’un Dieu, ses défenseurs le
concevaient comme étant très loin de ce monde et n’intervenant pas
en faisant des miracles, en inspirant les Écritures, en régénérant des
âmes et en répondant aux prières.
Le dieu des déistes fit le monde comme une horloge, la remonta
puis l’abandonna à lui-même. Le monde est donc perçu comme un
système mécanique clos dans lequel Dieu ne peut intervenir.
Il est alors hors de question d’imaginer que la prière puisse changer
quoi que ce soit dans ce monde. Pour le déisme, la prière peut tout au
plus procurer un bien psychologique à celui qui prie, mais elle ne peut
en aucun cas affecter le mouvement de l’horloge, le retarder, l’accélérer.
Il n’est pas question non plus de réparer l’horloge ou de la remplacer.
Cette idée est désormais profondément enracinée et adoptée
comme vision du monde en Europe. Une amie élevée en Angleterre
faisait remarquer que lorsqu’elle étudiait l’histoire au lycée, elle ne
pouvait pas imaginer un seul instant que Dieu avait quelque chose à
faire avec ce qui se passait dans le monde. Il lui paraissait totalement
étranger à tout. En arrivant dans le sud des États-Unis, elle fut surprise
de constater que même des gens qui ne professaient pas la foi chrétienne
n’avaient aucun doute quant au contrôle que Dieu exerce sur tout, et
pouvaient même donner des exemples de ses interventions.

Un véritable athéisme

Bien que nous sachions tous que le déisme est une philosophie erronée
d’après la Parole de Dieu, je me demande si nous ne l’avons pas adopté
dans notre façon de penser lorsqu’il est question de demander à Dieu
d’intervenir ! Ne raisonnons-nous pas comme les déistes à propos de
la prière ? La vision du monde qui prévaut hors de l’Église nous a
peut-être influencés plus que nous l’imaginons.
La prière change les autres 127

Dans un certain sens, nous pouvons voir que le péché du monde


oriental est de confondre Dieu et la création, niant ainsi l’existence
d’un Dieu transcendant. La religion orientale avec ses formes multiples,
dont certaines se sont glissées dans le mouvement du Nouvel Âge, est
essentiellement panthéiste : Dieu est tout, et tout est Dieu.
En fin de compte, le monde matériel est considéré comme une
partie de l’Esprit infini suprême ; il n’existe plus de distinction réelle
entre Dieu et l’homme. Dans cette conception des choses, Dieu et la
nature sont une seule et même réalité, si bien qu’il n’y a en fait plus de
Dieu, et l’homme a tout loisir de se proclamer Dieu !
Mais le péché du monde occidental est le déisme. Notre société
admet l’existence d’un Dieu, mais il est refoulé loin du monde. Au
Dieu personnel de la Bible, elle a substitué la loi naturelle, peut-être
l’évolutionnisme, afin de pouvoir l’exclure de toute interaction sérieuse
avec le monde réel. Finalement, la société occidentale est aussi impie
et aussi dénuée de vraie prière que la société orientale. Est-ce exagéré
de l’affirmer ?
S’ils étaient fermement convaincus que Dieu est toujours en train
d’intervenir dans ce monde en réponse aux prières de son peuple et
s’ils étaient persuadés que leurs prières changent le cours de leur vie et
celui des nations, les croyants ne se lèveraient-ils pas par centaines de
milliers pour accorder la priorité numéro un à se tenir à la brèche et à
intercéder ? Les églises ne passeraient-elles pas davantage de temps à
prier ? Nous sommes vraiment devenus des déistes en pratique, sinon
de conviction.
Sortons de l’univers froid et vide du déisme pour aller à la rencontre
du monde réel de la vérité de Dieu, qui n’est ni vide ni silencieux. La
Bible nous révèle ce qu’est vraiment le monde et nous donne un aperçu
de la manière dont tout fonctionne réellement.
Rappelez-vous que la Bible est la vérité de Dieu et, chaque fois
que vous en lisez un passage, dites-vous : «C’est exactement ainsi que
les choses sont.» En le croyant sincèrement, nous nous plaçons sur le
128 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

terrain de la prière et quittons celui du déisme mort. Affranchissons-nous


de l’influence mortelle qui parvient si bien à détruire notre consécration
à nous rassembler pour prier ardemment en communauté.

Aaron et Hur

Exode 17:8-13 offre une merveilleuse illustration de la manière dont


Dieu utilise la prière pour accomplir des choses surprenantes dans
l’Histoire. Les enfants d’Israël durent livrer bataille à des Amalécites qui
les surpassaient en nombre. Moïse dit à Josué de choisir des hommes
vaillants pour combattre l’ennemi. Quant à lui, il monta au sommet de
la colline pour prier en tenant la verge de Dieu dans sa main.
Tant que Moïse élevait les mains en priant, les Israélites avaient
l’avantage dans le combat. Mais, comme nous tous, Moïse était humain.
La fatigue engourdissait ses mains, les faisant retomber peu à peu
comme si elles étaient de plomb. Quand c’était le cas et que Moïse
n’adoptait plus l’attitude de l’intercesseur, les Amalécites relevaient la
tête et dominaient l’armée de Josué. Quelqu’un prit donc une grosse
pierre sur laquelle Moïse s’assit, et deux hommes, les sacrificateurs
Aaron et Hur, placés de part et d’autre, lui soutenaient les mains. Que
se passa-t-il alors ? Grâce à ces deux hommes qui aidèrent Moïse à
élever les mains, le peuple de Dieu remporta une grande victoire. La
prière joua un rôle déterminant.
Je sais que c’est loin de ce que les hommes de notre culture déiste
pensent aujourd’hui ! Nous avons tendance à considérer ce récit comme
une sorte de parabole encourageante. Or, si nous voulons être ferme-
ment établis sur le sol de la prière, nous devons sérieusement revoir
notre façon de penser à ce sujet.
Celui qui nous a donné les Écritures n’est autre que la vérité. Il est
lumière et il n’y a point en lui de ténèbres, ni la moindre tromperie. Il
dit que nous pouvons croire ce que Exode 17 enseigne sur le caractère
décisif de l’intercession pour remporter des victoires.
La prière change les autres 129

Les ressources surhumaines

Aujourd’hui, comme à l’époque de l’Ancien Testament, les ressources


humaines ne suffisent pas. Si nous voulons triompher du matérialisme,
de l’humanisme, de l’occultisme et du mal dans notre vie personnelle,
nous devons nous tenir mutuellement la main dans l’intercession. Il est
souvent éreintant d’intercéder. Cette activité épuise et accable, mais
elle est indispensable pour remporter la victoire et inverser le cours des
choses. Dieu la demande à son Église.
En fait, les chrétiens livrent de telles batailles partout ; mais le plus
important est qu’ils ont la victoire. Dans la plupart des cas, personne
n’en est au courant, sauf ceux qui sont personnellement impliqués.
Mais il ne fait aucun doute que lorsque l’Histoire atteindra son point
final, nous serons émerveillés de découvrir que là où elle a changé
d’orientation, c’est parce que le peuple du Seigneur l’a pris au mot et
s’est mis à l’invoquer.
Des femmes chrétiennes s’étaient fortement impliquées dans une
section locale du mouvement «Droit à la vie», dans une petite ville
du nord de la Californie. Elles se souciaient notamment de la morale
dans la cité. Aussi furent-elles très perturbées en apprenant qu’un bar
avait l’intention d’introduire des séances de strip-tease pour distraire
le public.
Leur première réaction fut d’assiéger la mairie d’appels téléphoni-
ques. L’une de ces femmes se souvint alors avoir entendu parler d’une
campagne lancée par une organisation intitulée «Renouveau de la
famille chrétienne», un mouvement qui rencontrait quelque succès en
différents endroits du pays. Le plan proposé avait pour signe «Prière
et action» et proposait dix étapes à suivre.
La première consistait à prendre contact avec les églises locales et
leur demander tout simplement de prier pour que la volonté de Dieu
se fasse. Un grand nombre d’assemblées étaient ainsi sensibilisées au
problème. Les organisateurs avaient aussi dressé la liste des différentes
130 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

autorités locales et régionales à contacter. Ils encourageaient les chré-


tiens à prier régulièrement pour elles. En dernier lieu, ils cherchaient à
influencer les autorités législatives du pays.
Les femmes prirent donc contact avec autant d’églises qu’elles
purent, et elles-mêmes se retrouvèrent pour prier ensemble. Ne sachant
pas quelle serait la suite des événements, elles commencèrent aussi à
fourbir leurs arguments au cas où elles seraient amenées à s’expliquer
devant le conseil municipal pour lui proposer un nouveau règlement
pour la ville.
Tout cela fut inutile. Elles n’eurent jamais besoin de passer à la
partie «Action» du plan. À leur connaissance, personne n’adressa de
plainte à la direction du bar en question. Mais, sans tambour ni trom-
pette, le propriétaire vendit subitement son établissement et quitta la
ville. L’acheteur n’eut aucune envie de donner suite au projet d’amu-
sement. Cette victoire paisible mais importante fut le fait de la prière
seule. Comme Moïse, ces femmes s’étaient tenues à la brèche.

Des réunions de prière débordantes !

Si l’Église dans son ensemble se mettait à croire ce qu’Exode 17 et de


nombreux autres passages de la Bible enseignent sur la prière, les réu-
nions de prière tenues dans les églises évangéliques seraient autrement
suivies ! Elles attireraient beaucoup plus de monde. Les gens ne se
réuniraient plus dans une pièce annexe, mais dans la salle du culte.
Si nous croyions sincèrement ce que la Parole de Dieu déclare
concernant l’efficacité de la prière, nos églises seraient trop petites pour
accueillir tous ceux qui viennent y prier. Nous devrions louer de grands
dépôts, des stades de football, dresser de gigantesques tentes comme
cela se produisit en divers endroits pendant des jours et des semaines
lors du réveil spirituel des années 1858 et 1859.
Si nous étions fermement convaincus par l’explication donnée à
Moïse pour la victoire de son armée, les responsables ecclésiastiques
La prière change les autres 131

auraient du mal à se procurer des tentes assez vastes pour y accueillir


les multitudes qui viendraient prier le Seigneur. Cela peut encore se
produire et se produira certainement. Mais actuellement, combien
d’églises se plaignent-elles d’un manque de place pour leur réunion
de prière en semaine ?

Une bataille spirituelle

Les heures de notre culture sont comptées. Il est donc essentiel de


comprendre que toutes les grandes batailles qui se déroulent actuelle-
ment dans la société moderne ont des causes spirituelles. Nous avons
évidemment aussi raison de considérer les effets extérieurs. Il est certain
que telle difficulté particulière est liée au totalitarisme politique, ou au
trafic de drogues, ou à la pornographie ou au SIDA.
Ces explications comportent une part de vérité ; ces fléaux sont de
vrais problèmes mondiaux. Le diable fait indubitablement feu de tout
bois. Mais derrière ces facteurs se cache une cause plus profonde et
c’est contre elle que nous devons nous battre si nous voulons laisser un
impact durable sur la crise culturelle profonde de notre temps.
Même les facteurs mineurs qui nous empêchent de briller pour
Christ résultent souvent de puissances spirituelles invisibles. Cessons
de raisonner comme des déistes qui estiment que tout peut s’expliquer
par des causes matérielles et que nous devons les chercher.
Le domaine matériel a certes sa place. En tant que chrétiens, nous
devons apprécier les efforts de la science légitime et de la recherche
physique comme des moyens de servir le Dieu qui a créé toutes choses.
Mais nous devons en même temps reconnaître qu’il existe un domaine
spirituel très réel et immensément puissant derrière le monde matériel,
et qu’il agit constamment sur la réalité matérielle.
Le domaine spirituel exerce une bonne et une mauvaise influence
sur ce monde. C’est là qu’intervient la théologie biblique de la prière.
À cause de l’union des siens avec son Fils, Dieu leur donne l’autorité
132 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

de renverser la vapeur et de remporter des victoires spirituelles qui ont


des répercussions sur notre monde matériel. Seule la prière d’interces-
sion de l’Église peut l’emporter. C’est ainsi qu’elle opéra à l’époque
de Moïse et à celle de Paul. C’est encore ainsi qu’elle opère de nos
jours. Dans ces conditions, quand nos assemblées s’adonneront-elles
tout entières à la prière ?
Certes, l’Église chrétienne a autre chose à faire que simplement
prier. Nous avons l’ordre de prêcher, d’administrer les sacrements,
d’évangéliser, de mener une vie empreinte de sainteté, d’amour, de
service et de compassion pour un monde nécessiteux. Nous devons
glorifier Dieu dans l’exercice de notre profession et dans notre position
au sein de la société.
L’Écriture préconise un merveilleux équilibre entre la prière
et l’action. Il me semble pourtant déceler chez les chrétiens libéraux
comme chez les conservateurs une tendance à négliger la prière au profit
de l’action. Cependant seule une prière d’intercession, une prière mas-
sive, peut rendre nos efforts efficaces pour remporter cette bataille.
Deux illustrations concernant l’efficacité de la prière d’intercession
nous encourageront à rejoindre les rangs des autres combattants dans
cette bataille des plus décisives, et à nous tenir à la brèche invisible
entre le monde visible et le monde invisible.

«L‛Esprit descend en réponse à la prière»

En 1858, l’église de Charleston, en Caroline du Sud, était peut-être


la plus importante église presbytérienne de tout le sud des États-Unis.
Le pasteur, John Girardeau, était Blanc mais l’église se composait
en majorité de Noirs. Le dimanche, mille cinq cents personnes de
couleur assistaient au culte dominical. Certaines étaient affranchies,
mais beaucoup étaient des esclaves. Trois cents Blancs faisaient aussi
partie de cette église. Contrairement à ce qui se pratiquait dans le Sud
à cette époque, le pasteur Girardeau insistait pour que les meilleures
La prière change les autres 133

places soient réservées aux Noirs, et que les Blancs prennent leurs
sièges dans la mezzanine.
Les membres de l’église ressentirent le besoin d’un réveil spirituel.
Ils en firent un sujet de prière fervent en 1858. Vers la fin des années
1850, un grand mouvement spirituel s’étendit sur toute la côte Est de
l’Amérique du Nord, gagna la Grande-Bretagne et fut à l’origine du
réveil de 1859. En 1858, Girardeau et les membres noirs fidèles de
cette assemblée vivante quoique plutôt inhabituelle soupiraient après
une effusion de l’Esprit sur eux-mêmes et sur leur ville.
Voici le récit de la manière dont leurs prières furent exaucées, de
la plume d’un témoin présent lors de cette expérience :

«Tout commença par une réunion de prière qui attirait de plus


en plus de participants jusqu’à ce que la maison fût remplie.
Quelques-uns des responsables de l’église insistèrent pour que
le pasteur décide d’organiser des réunions où la Parole serait
prêchée, mais il refusa systématiquement, en disant qu’il attendait
l’effusion de l’Esprit.
«Son idée était que le Père avait donné le Saint-Esprit à Jésus
en tant que Roi et Chef de l’Église, et que Jésus, dans sa souve-
raine gestion des affaires de son Église, revêtait qui il voulait de
la mesure de l’Esprit qu’il avait décidé. C’est pourquoi, jour après
jour, il adressait d’instantes supplications au trône de la médiation,
pour recevoir le Saint-Esprit et sa puissance de réveil.
«Un soir, alors qu’il présidait la réunion de prière, il ressentit
dans la tête comme une décharge électrique qui se propagea
dans tout son corps. Pendant quelques instants, il demeura muet
en proie à une étrange sensation. Puis il dit : «Le Saint-Esprit est
venu ; nous commencerons à prêcher demain soir.»
«Il mit fin à la réunion par un cantique, souhaita bonne nuit à
l’assistance et descendit de l’estrade. Mais personne ne bougea !
Toute la communauté s’était de nouveau assise après le chant.
134 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Girardeau comprit aussitôt la situation : le Saint-Esprit n’était pas


seulement venu sur lui ; il avait aussi pris possession du cœur des
membres.
«Il exhorta immédiatement l’assistance à accepter l’Évangile.
Les gens se mirent à sangloter doucement ; le bruit ressemblait à
celui de la pluie qui tombe ; au bout d’un moment, ils donnèrent
libre cours à leurs fortes émotions, en pleurant amèrement ou en
se réjouissant bruyamment, selon leurs circonstances. Il était minuit
quand le pasteur put enfin congédier l’assemblée.
«Il y eut des réunions nuit et jour pendant huit semaines.
Beaucoup de Blancs et de Noirs se convertirent et s’intégrèrent
dans les différentes églises de la ville. L’église de Girardeau elle
même bénéficia de ce réveil. Elle grandit non seulement numé-
riquement mais également en maturité grâce à cette expérience
qui se prolongea dans ses rangs.
«Le pasteur avait l’habitude de dire qu’il pouvait toujours
compter sur les personnes qui s’étaient tournées vers le Seigneur
lors de ce réveil spirituel ; elles se caractérisaient par une plus
grande conviction de péché, une conviction qui subsista pen-
dant longtemps, une prise de conscience plus vive du pardon, le
témoignage joyeux de leur adoption que le Saint-Esprit rendait
en eux.»

Finalement, les choses se déroulèrent merveilleusement à la gloire de


Dieu et pour le bien du peuple de Dieu dans la ville et au-delà. Cela
prouve sans l’ombre d’un doute le bien-fondé de dire que prier, c’est
mettre en mouvement le souffle vainqueur ; l’action ne fait que rentrer
la récolte. En d’autres termes, la victoire se remporte la veille dans le
lieu secret.
C’est pour cela que les membres de cette église demandèrent à
Dieu de leur envoyer l’Esprit. Ils savaient que Dieu seul est habilité à
le donner, mais aussi qu’il pouvait se servir de leur intercession pour le
La prière change les autres 135

leur envoyer, si telle était sa volonté. Ils intercédèrent, et Dieu intervint


de façon glorieuse.
On pourrait à priori penser que la prière en faveur d’un réveil
spirituel n’est pas en mesure de modifier le cours de l’Histoire. Il est
bon alors de se rappeler la mission que Jésus confia à Paul sur le
chemin de Damas, celle d’ouvrir «les yeux [des païens] pour qu’ils
passent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu»
(Actes 26:18).
Imaginez les changements potentiels considérables qui peuvent
se produire dans la société quand des multitudes ne sont plus sous
la puissance du prince de ce monde, le prince des ténèbres. Quand
une personne change de maître dans son for intérieur, elle agit aussi
différemment dans la société. Celui qui est habité par le Saint-Esprit
n’est plus «esclave du péché».
L’Église remplit alors pleinement son rôle d’agent préservateur de
la société. Elle freine la corruption morale, tout comme le sel empê-
che les aliments de s’abîmer. C’est exactement ce qui se produisit à
Charleston. Un secret extraordinaire de la guerre civile américaine est
depuis venu au jour :

«Charleston était un bastion de la sécession et, comme telle,


haïe des autorités fédérales et des gens du Nord. Ceux-ci étaient
nombreux à désirer voir cette ville réduite en cendres. À plusieurs
reprises, ils tentèrent de soulever les Noirs et déclencher plusieurs
foyers d’insurrection dans la ville. Des agents secrets s’étaient
infiltrés dans la cité dans ce but, et ils faillirent même réussir plus
d’une fois.
«On découvrit après la guerre pourquoi ces manœuvres
n’aboutirent pas. Dans leur superstition, certains dirigeants noirs
croyaient que le Dr Girardeau était le représentant particulier de
Dieu pour leur race, et que son église était un temple saint dans
lequel le Tout-Puissant se plaisait à demeurer.
136 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

«Ils craignaient que si les Noirs incendiaient cette ville si chère


à l’homme de Dieu et l’église que le Seigneur du ciel aimait et
honorait, la malédiction divine risquait de les atteindre et les pri-
ver d’une liberté qu’ils savaient à portée de main. Ils réussirent à
communiquer cette crainte aux autres responsables.»

Dieu utilisa la prière tout d’abord pour susciter un réveil spirituel, puis
pour protéger et préserver toute une ville bien au-delà des portes de
l’église. Il peut se servir de la conversion de personnes qui vivent dans
le voisinage pour communiquer une bénédiction influente.
Puisque tous ceux qui demeurent en Christ ont un libre accès à
Dieu dans la prière, qu’ils prennent au sérieux le privilège et la respon-
sabilité considérables de revendiquer l’accomplissement des promesses
de l’Écriture. La promesse la plus pertinente que nous pouvons rappeler
à Dieu dans la prière est sans conteste celle de Romains 8:32 : «Lui qui
n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous,
comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ?» La vie
et la mort de Jésus-Christ pour les pécheurs constituent la preuve par
excellence que Dieu est décidé à intervenir dans l’histoire du monde.
Si la croix de Jésus a entraîné la défaite du diable, il n’existe alors rien
ici-bas qui puisse échapper à la puissance divine. Si rien d’autre ne le
fait, au moins cette assurance devrait nous encourager à prier.

Les îles au large de l‛Écosse

Bien que l’environnement culturel et les circonstances fussent très diffé-


rentes de ceux du réveil spirituel de Charleston, les mêmes forces furent
à l’origine du réveil qui, à la fin des années 1940 et au début des années
1950, atteignit l’île de Lewis, sur la côte nord-ouest de l’Écosse.
Dans cet Highland éloigné, de culture gaélique, deux dames âgées
(dont l’une était littéralement pliée en deux par l’arthrose) étaient pei-
nées par la mondanité et la torpeur spirituelle de la jeunesse de l’île.
La prière change les autres 137

Pendant trois ou quatre ans, trois fois par jour, ces humbles chrétiennes
prièrent avec ferveur dans leur maisonnette surplombant l’Atlantique
nord et ses nombreuses tempêtes. Elles demandaient à Dieu d’envoyer
son Saint-Esprit pour convaincre et transformer les insulaires.
D’après les écrits du pasteur Duncan Campbell, qui fut un instru-
ment de Dieu dans ce réveil, le Saint-Esprit descendit soudain un samedi
soir sur un groupe de jeunes gens très mondains rassemblés dans un
dancing derrière un bistrot ! Plusieurs furent écrasés par le sentiment
de leur péché et Dieu les régénéra sur-le-champ.
Le mouvement s’étendit à plusieurs parties de l’île et toucha à salut
un grand nombre de gens dans les années suivantes. Une fois de plus
quelqu’un (dans ce cas deux dames âgées) s’était tenu à la brèche et
avait incité Dieu à user de compassion envers toute une population, et
les résultats s’en font encore sentir aujourd’hui, même si la plupart des
habitants ignorent complètement que leur situation résulte de l’œuvre
du Saint-Esprit.

Un défi lancé à toute assemblée chrétienne

Deux choses sont sûres : dans le Notre Père, Christ nous invite à prier
les uns pour les autres afin que Dieu accorde provision, pardon et pro-
tection. Les exemples ci-dessus, et bien d’autres encore, montrent que
Dieu se réjouit d’envoyer son Esprit lorsque ses rachetés intercèdent.
Lors du deuxième grand réveil évangélique qui balaya tous les
États-Unis, il n’était pas rare de voir dans les églises, devant l’estrade, des
bancs où les membres repentants de la communauté et les personnes en
quête de salut venaient s’agenouiller et prier, fortement convaincus de
leur besoin de pardon et de renouveau, sous l’action du Saint-Esprit.
Aujourd’hui, peu d’églises ont des «bancs de pénitents» devant la
chaire. Si elles en possédaient, tous les membres devraient les occuper,
s’y agenouiller et implorer le pardon de Dieu pour leur négligence en
matière de prière ! Bien sûr, il ne suffit pas de disposer de «bancs de
138 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

pénitents», de salles de prière, ni même de genoux fléchis ou de visages


inondés de larmes. Ce qui compte avant tout, c’est un cœur vraiment
repentant pour son manque de prière.
Ne devons-nous pas prier Dieu de nous pardonner d’être prati-
quement des déistes ? Ne devons-nous pas lui demander pardon de
mettre en doute sa Parole, de ne pas nous attendre à une effusion de
l’Esprit pour changer notre vie, d’être si avares de notre temps que
nous lui en accordons à peine cinq minutes par jour ?
Ne devons-nous pas l’implorer de pardonner à nos responsables
d’église, nos moniteurs et monitrices d’école du dimanche de ne pas
faire de la réunion de prière l’activité primordiale de l’église ? Une fois
cette démarche de repentance entreprise, engageons-nous de façon
positive et active.
En tant que membres d’église, si nous devons nous lamenter sur
notre carence dans le domaine de la prière, sur notre idée déiste de la
prière, nous devons en même temps prendre des mesures qui s’imposent
avec l’espoir de remédier à cette situation. Si tout ce que nous avons
dit est juste, qu’y a-t-il de plus fondamentalement utile dans le temps
présent que les réunions de prières de l’église locale ? Souvenons-nous
qu’il est question de notre pain, de nos offenses, de ne pas nous induire
en tentation, mais de nous délivrer du malin.
Toutes les églises ne devraient-elles pas avoir pour objectif de ras-
sembler autant de personnes à la réunion de prière en semaine qu’au
culte du dimanche ? La prière n’est pas moins importante que la prédi-
cation ou l’adoration. Pourquoi seuls quelques chrétiens porteraient-ils
tout le poids de l’assemblée ? Les mêmes personnes qui remplissent la
salle de culte le dimanche matin devraient aussi se retrouver le soir de
la semaine là où se tient la réunion de prière.
Peu importe le jour et l’heure fixés, qui dépendent entièrement
des circonstances locales. Mais le principe d’une réunion de prière
hebdomadaire de toute l’assemblée est vital pour l’œuvre de Dieu en
son sein et autour d’elle.
La prière change les autres 139

Le rôle important de la réunion de prière de l‛église

Aussi valables qu’elles soient, les cellules de prière ne sauraient rem-


placer la réunion de prière de l’assemblée réunie dans sa totalité. Les
réunions de prières pour hommes, pour célibataires, pour étudiants,
ou pour jeunes mamans sont excellentes, et elles ont toutes leur place.
Il suffit d’ailleurs de se souvenir des effets des prières des deux dames
en Écosse !
C’est cependant une grave erreur de laisser les réunions de prières
de quelque groupe que ce soit prendre la place de la réunion de prière
de l’église locale. Toute assemblée évangélique doit savoir et se rappeler
que sa tâche fondamentale est de prêcher la Parole et de prier afin que
cette Parole se répande aussi bien dans l’église qu’à l’extérieur, et de
présenter au monde l’image de relations pleines d’amour comme celles
de Christ, dans les relations entre ses membres et avec le prochain.
Bien qu’essentielles pour une église chrétienne vivante, la prédica-
tion, la communion fraternelle et la satisfaction des besoins de la société
et des individus par des œuvres de bienfaisance ne suffisent pas pour
remporter des victoires spirituelles dans notre temps si les chrétiens ne
s’unissent pas dans la prière communautaire.
Cette réunion de prière en semaine recouvre la prédication du
dimanche de l’onction puissante de l’Esprit. Elle lie Satan, combat son
influence sur l’ensemble du corps de Christ comme sur ses membres
individuels. Cette œuvre ne pourrait pas s’opérer sans l’accord de
tous et l’invocation unie du nom du Christ tout-puissant. De plus, la
réunion de prière communautaire soude les membres entre eux et en
fait localement des soldats de Christ qui prennent fermement position
pour lui et sa Parole contre tout envahisseur.
Pour accomplir l’œuvre de Dieu, les églises doivent faire davantage
que simplement prêcher le dimanche matin. S’il n’y a pas de réunion
de prière en semaine, le sermon le mieux préparé et délivré avec le
maximum d’éloquence n’aura tout au plus que la moitié de son impact
140 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

potentiel. Est-ce un hasard si les églises les plus vibrantes du monde se


trouvent en Corée, un pays qui possède une solide tradition de réunions
de prières qui durent des nuits entières et où les chrétiens se réunissent
très tôt le matin pour prier ensemble ? Le manque d’engagement dans
la prière de la part des églises explique pourquoi elles restent faibles
et tant de pasteurs sont découragés. Le pasteur à lui seul ne peut pas
porter le fardeau spirituel de toute l’assemblée.
Sachons que Dieu a conféré à la réunion de prière communau-
taire une autorité particulière pour faire descendre l’onction divine
sur le prédicateur et accompagner avec puissance son message dans
le cœur des auditeurs. Le pasteur a besoin que le feu du ciel vienne
d’abord embraser ses paroles avant de passer dans la vie de ceux qui
l’écoutent.

Des prolongements cosmiques

La réunion de prière a aussi reçu l’aval de Dieu pour protéger la vie


morale des responsables chrétiens. Combien cette sauvegarde est
nécessaire aussi bien pour l’Église que pour les sociétés missionnaires
aujourd’hui ! De partout on apprend que des responsables chrétiens
renommés ont gâché leur ministère et fait peser l’opprobre sur la cause
chrétienne pour avoir succombé à des tentations sexuelles. Il est clair
que c’est l’un des fronts majeurs sur lesquels Satan fait porter son
attaque contre l’Église. Quel encouragement alors de savoir que les
réunions de prière ont le pouvoir divin de contrecarrer Satan, en se
mettant au diapason des instructions du Maître : «Ne nous induis pas
en tentation.»
Bien que toute église locale ait besoin de la protection et de la
force que seule la réunion de prière communautaire peut procurer,
aucun groupe d’intercesseurs fondés sur la Bible ne peut se contenter
de ne penser qu’à ses besoins ecclésiastiques particuliers, aussi légitimes
soient-ils. Ceux qui prient le plus régulièrement doivent s’attendre à
La prière change les autres 141

ce que l’Esprit les charge du fardeau que représentent les besoins du


monde et la vie des peuples. La Bible ne cache pas que notre monde
en crise dépend totalement de l’intercession du peuple de Dieu.
Aussi incroyable et ridicule que cela puisse paraître pour l’esprit
séculier, l’enseignement biblique sur la prière révèle clairement le
pouvoir immense que les croyants exercent par la prière sur les affai-
res du monde. Sans être remarquées ni jouir de la faveur populaire,
les réunions de prière communautaire jouent un rôle majeur dans le
déroulement des affaires politiques et économiques. Elles peuvent
même occasionnellement changer le cours des combats militaires et
des conflits internationaux.
On sait peu de choses sur l’impact qu’ont pu avoir sur la liberté les
manifestations d’étudiants sur la Place Tien An Men, en Chine, durant
l’été 1989. Il semblerait toutefois que certains des étudiants respon-
sables étaient chrétiens. Il ne fait aucun doute que le développement
du mouvement de contestation entraîna une surveillance accrue de
certaines communautés chrétiennes. Même si c’est pure conjecture, il
est raisonnable de penser que l’expansion de la foi chrétienne dans ce
grand pays a poussé beaucoup de chrétiens à prier contre la répression
de l’Évangile. Se pourrait-il que le mouvement d’émancipation, en
Chine comme en d’autres pays communistes, soit lié à l’intercession
du peuple de Dieu, aussi bien à l’intérieur de leurs frontières qu’à
l’extérieur ?

La prière donne le point gagnant

Le dixième chapitre de la prophétie de Daniel montre qu’à la fin de la


captivité babylonienne, Daniel découvrit par la lecture du prophète Jéré-
mie que les soixante-dix années d’exil dans un pays étranger arrivaient
à leur terme. Ces années fixées par Dieu pour purifier le peuple d’Israël
de son idolâtrie étaient sur le point de s’achever, et les captifs allaient
pouvoir retourner pleins de joie dans le pays de leurs ancêtres.
142 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Mais Daniel était assez sage pour savoir qu’il fallait réclamer par
la prière les bienfaits que Dieu avait promis. Trop souvent le peuple de
Dieu ne parvient pas à saisir et oublie que les bénédictions promises par
Dieu doivent faire l’objet de prières. Daniel, lui, le savait ; Girardeau,
de Charleston, aussi ; les deux dames écossaises également.
Daniel se mit donc à intercéder pour que Dieu bénisse son peuple
et lui permette de rentrer chez lui. Il confessa le péché, implora la misé-
ricorde en s’appuyant sur les promesses de l’Écriture, bref, il se tint à
la brèche. Il apprit plus tard qu’au moment où il commença de prier,
un grand combat eut lieu dans les sphères célestes en faveur de la vie
du peuple. Le diable était en colère et s’opposait à l’influence divine.
Des anges restés fidèles à Dieu et des anges déchus s’engagèrent dans
une bataille titanesque invisible. Quelle en serait l’issue ?
La prière incessante de Daniel inversa le cours de la bataille en
ouvrant la voie à l’intervention d’un autre ange puissant qui fit pencher
la balance et triompha du diable et de ses armées. Il est clairement
affirmé que cet ange intervint grâce à l’intercession de Daniel. En
somme, les prières du prophète changèrent le cours de l’histoire du
peuple élu, le firent revenir dans sa patrie et répandirent sur lui les
bénédictions divines pour plusieurs générations.

L‛arme suprême

Mesurons-nous qu’il existe aussi un combat pour l’âme de notre pays


comme pour celle des autres nations du monde ? Ne comprenons-nous
pas que derrière des événements qui paraissent anodins se cachent les
puissances mauvaises des ténèbres, décidées à s’emparer de notre âme
et de celle de nos enfants ? Le diable s’efforce activement de freiner
l’activité missionnaire et de réduire à néant toute influence chrétienne
dans les différentes cultures du monde.
La seule façon pour l’Église de Dieu de remporter cette victoire est
de se repentir de sa négligence dans la prière, de son incrédulité et de
La prière change les autres 143

son manque de confiance dans le Seigneur. Nous n’avons pas d’autre


solution que de tomber à genoux, de prier les uns pour les autres,
d’invoquer la vertu du sang de Jésus pour que ce qui a besoin de se
produire dans le domaine spirituel devienne une réalité.
Voilà donc ce qu’il convient de faire pour que l’Église de Christ
gagne la bataille. Intercédons jusqu’à ce que Christ contemple «le travail
de son âme» et rassasie «ses regards» (Ésaïe 53:11) à la vue de millions
d’êtres humains gagnés à lui à travers le monde.
Il faut que l’intercession redevienne le centre de la vie de l’Église
si nous voulons orienter les nations vers Dieu et plaire à celui qui à
enseigné à ses rachetés de prier : «Donne-nous aujourd’hui notre pain
quotidien ; pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous par-
donnons à ceux qui nous ont offensés ; ne nous induis pas en tentation,
mais délivre-nous du malin.»1
À partir du moment où, à la suite de son divin maître, l’Église
fera sa grande priorité de l’intercession pour autrui, elle verra des
changements notables. Non seulement elle sera en bénédiction pour
un monde perdu, mais chacun de ses membres découvrira dans son
vécu quotidien que, si le croyant s’agenouille dans la faiblesse, il se
relève rempli de la puissance divine.

Note :
1. De plus en plus d’assemblées adoptent aujourd’hui l’ancienne habitude d’avoir
chaque semaine une réunion pour prier spécifiquement au sujet de l’impact de la
prédication.
Troisième partie

Nos problèmes
et les solutions de Dieu

«…il se lèverait à cause de son importunité et lui donnerait


tout ce dont il a besoin» (Luc 11:8).
6
Le défi de la persévérance

Le film Out of Africa a popularisé l’histoire de la baronne Blixen, une


noble danoise vivant au Kenya où elle possédait une immense plan-
tation de caféiers. Sur une partie de son domaine vivaient également
des membres de la tribu Kikuyu qu’elle apprit à aimer. Mais à la suite
de revers financiers après la Première Guerre mondiale, elle perdit ses
terres, y compris celles sur lesquelles s’étaient établis les Kikuyu.
Les nouveaux propriétaires décidèrent de chasser ces gens qui
vivaient là depuis des temps immémoriaux. La baronne fit tout ce
qui était en son pouvoir pour les sauver. N’ayant plus d’argent pour
racheter ses terres et les leur donner, elle entreprit des démarches auprès
des différentes instances gouvernementales pour voir s’il n’y avait pas
moyen d’épargner les terres de ces gens qu’elle aimait tant.
Après avoir échoué dans toutes ses démarches officielles, elle tenta
une dernière approche. La baronne, femme distinguée et attrayante,
148 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

assista à une réception offerte en l’honneur du nouveau gouverneur


du Kenya. Elle fendit la foule pour se mêler aux personnalités invitées
pour honorer de leur présence le gouverneur et sa femme.
Puis, au mépris du protocole, devant les plus hauts représentants de
la société, elle tomba à genoux, saisit les mains du gouverneur et se mit
à plaider en faveur de ses Kikuyu. Scandalisés, les invités tentèrent de
la relever, mais elle continua d’implorer le gouverneur de lui promettre
de s’intéresser à cette question. Soudain, la femme du gouverneur se
leva et dit : «Vous avez ma parole !»
Pourquoi la baronne obtint-elle gain de cause envers et contre le
décorum et les démarches gouvernementales officielles ? Faisant fi de
sa gêne en face de l’urgence de son besoin, cette femme distinguée
s’agenouilla et, devant toute la noble assistance, supplia le gouverneur
en personne. Elle était insensible à la honte. On peut dire que son amour
profond pour ce peuple la protégeait contre l’embarras.
Ce fait historique décrit de façon admirable l’attitude à adopter
dans la prière pour surmonter le découragement. En effet, nous ne
pouvons ignorer que des difficultés d’ordre théologique subsistent dans
le domaine de la prière. Chaque fois que nous prions pour le salut des
perdus, la bénédiction de l’Église ou la gloire de Dieu, des obstacles
décourageants nous guettent.
Mais le Christ qui a donné le Notre Père donne aussi la réponse
aux grandes questions que nous nous posons dès lors que nous nous
adonnons sérieusement à la prière. Après la version du Notre Père que
rapporte Luc 11, le Seigneur aborde directement ce qui pourrait être
la difficulté majeure dans l’exercice de la prière.

La persévérance dans la prière

Jésus, qui se savait toujours exaucé par le Père, nous donne une
forme de prière, puis, avec toute la sagesse divine qu’il possède et est,
il aborde un problème qui surgit dès lors que nous prions. Il reconnaît
Le défi de la persévérance 149

ainsi candidement la réalité de cette difficulté. Plusieurs des problèmes


qui jalonnent le chemin de la prière peuvent se ramener au thème qu’il
prend à bras-le-corps en Luc 11:5-13, non en nous renvoyant à une
série de commandements, mais en racontant une histoire :

«Il leur dit encore : Si l’un de vous a un ami, et qu’il aille le trouver
au milieu de la nuit pour lui dire : Ami, prête-moi trois pains, car
un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à
lui offrir, et si, de l’intérieur de sa maison, cet ami lui répond : Ne
m’importune pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi
sommes au lit, je ne puis me lever pour te donner des pains, je
vous le dis, même s’il ne se levait pas pour les lui donner parce
que c’est son ami, il se lèverait à cause de son importunité et lui
donnerait tout ce dont il a besoin.
«Et moi, je vous dis : Demandez, et l’on vous donnera ;
cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. Car
quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre
à celui qui frappe.
«Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son
fils, s’il lui demande du pain ? Ou, s’il demande un poisson, lui
donnera-t-il un serpent au lieu d’un poisson ? Ou, s’il demande
un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? Si donc, méchants comme
vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,
à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint-
Esprit à ceux qui le lui demandent.»

Comment Jésus nous encourage-t-il ? Il désire nous faire comprendre


que si notre prière n’est pas exaucée lorsque nous la formulons la pre-
mière fois, nous devons continuer de demander, afin que cette requête
finisse par être entendue. Il arrive que nos prières soient exaucées
immédiatement, mais ce n’est pas le cas le plus répandu. Si telle est
notre expérience, Jésus nous encourage à ne pas nous relâcher et à
150 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

insister comme la baronne danoise et l’ami importun. Dieu sera amené


à répondre à nos supplications et à nos cris parce que nous n’aurons
cessé de demander.
Il nous arrive, en abandonnant trop vite la bataille, de nous priver
de bénédictions qu’il était prêt à accorder. C’est en tout cas ce que Jésus
enseigne dans ce passage.

N‛ayons jamais honte de demander avec insistance

Le lecteur aura certainement remarqué le verbe «importuner» et le


substantif «importunité» dans le récit de Jésus. On pourrait remplacer
le verbe par des synonymes comme agacer, insister outre mesure,
tourmenter, ennuyer, incommoder, fatiguer, excéder, et bien d’autres
encore.
L’homme de ce récit fut exaucé parce qu’il n’avait pas eu honte
d’insister. Il ne s’était pas gêné de tambouriner sur la porte en disant :
«S’il te plaît, écoute-moi. Un ami est venu chez moi et j’ai besoin de
ton aide.» Il accepta de passer pour un insensé, tellement son désir
d’être exaucé était grand.
Luc rapporte aussi l’histoire de la veuve qui assaillait sans cesse
le juge inique et finit par obtenir gain de cause en raison de son insis-
tance. L’ami et la veuve furent entendus à cause de leur importunité,
une attitude fortement louée par Jésus ! On a du mal à imaginer Dieu
recommander cette attitude d’insistance que nous méprisons chez le
démarcheur dont le pied se glisse dans l’entrebâillement de la porte
et nous empêche de la fermer ! C’est pourtant ce qu’il recommande
de faire !
Si nous sommes si rarement exaucés, en tant qu’église, c’est
peut-être parce que nous adoptons trop souvent une attitude conve-
nable. Une fausse idée du décorum nous marque, si bien que si nous
ne sommes pas exaucés immédiatement, nous avons honte de rester
agenouillés et d’insister. Nous préférons laisser tomber notre requête.
Le défi de la persévérance 151

Quand le diable vient nous tenter, il murmure que c’est pure folie
d’insister dans la prière. «Ce ne sont pas de bonnes manières. C’est
humiliant ! Personne ne le fait. Si Dieu voulait t’accorder ce dont tu
crois avoir besoin, il te l’aurait déjà donné. Après tout, cela fait déjà
deux mois que tu pries pour cela !»
Que faisons-nous alors ? Nous commençons à l’écouter et à dire :
«Autant laisser tomber. Je présenterai à Dieu une autre requête plus tard,
mais pour le moment, je laisse tomber cette prière non exaucée.»
Qui saura réellement prier pour que la gloire de Dieu rayonne
dans ce monde, pour que son nom soit sanctifié, pour que son règne
vienne et que sa volonté soit faite dans sa situation particulière ou dans
la société qui l’environne ? D’après Jésus, c’est celui qui n’éprouve ni
honte ni gêne à demander sans relâche, celui qui, comme la veuve ou
l’ami importun, ou la baronne danoise, n’hésite pas à littéralement se
prosterner dans la poussière.

Cinquante-trois ans à prier pour quelqu'un

La personne qui finalement obtient gain de cause est celle qui ne se


laisse pas facilement embarrasser, dont l’esprit frise l’effronterie en
quelque sorte. Quand nous nous approchons du trône du Tout-Puis-
sant, animés de cette sorte de détermination, nous incitons Dieu à
faire voir sa gloire et à accorder son salut en Jésus-Christ comme une
vague puissante qui déferle sur les nations. Le secret réside dans la
persévérance. C’est justement au moment où le monde nous dit que
notre insistance a quelque chose d’impudent, d’insensé et même de
fanatique, que nous devons insister !
Sans bien s’en rendre compte, une dame âgée des Highlands de
l’Écosse m’a beaucoup appris sur le sujet de la prière. Bien que d’ins-
truction primaire, elle était admirablement versée dans la connaissance
des choses de l’Esprit. Il y a plusieurs années, je déjeunais chez elle juste
au moment où elle venait de recevoir une lettre encourageante.
152 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Une de ses amies intimes, qui approchait également des quatre-


vingts ans, lui racontait qu’elle venait de découvrir la grâce salvatrice
de Dieu en Jésus-Christ. Sans que cette dame le sût, mon amie avait
commencé de prier pour elle peu après avoir été demoiselle d’honneur
à son mariage. Elle avait prié pour la même chose jour après jour
pendant cinquante-trois ans ! Quelle persévérance !

Pourquoi l‛attente ?

Pourquoi devoir attendre si longtemps l’exaucement de prières qui


semblent en accord avec la gloire de Dieu ? Pourquoi devoir insister
de façon presque éhontée jusqu’à obtenir une réponse ?
C’est comme si Dieu se plaisait à nous voir tellement désespérés
que nous pensons être parvenus au bout du rouleau et avoir épuisé
toutes les ressources humaines. Nous devons comprendre que nous
ne pouvons pas tout maîtriser par nous-mêmes, que notre habileté,
nos talents, nos relations familiales ou professionnelles, et toute notre
instruction ne suffisent absolument pas. Parfois, seule cette situation
peut encore produire le désespoir et la détermination nécessaires pour
nous en remettre à la miséricorde de Dieu et continuer de l’implorer. Il
semble alors que Dieu soit touché par ce genre de désespoir.
Pourquoi les réponses à des requêtes spécifiques tardent-elles
si longtemps ? Pourquoi devoir persévérer sans relâche pendant des
semaines, des mois, et même des années à présenter à Dieu certaines
requêtes auxquelles il répond finalement par un «oui» extraordinaire et
bienvenu ? Je ne parle évidemment pas ici de ce qui n’entre pas dans
le cadre de sa volonté, ni de choses qu’il refuse en fin de compte, mais
de sujets qui honorent son nom et qu’il finit par accorder à ceux qui
ne se lassent pas de demander.
L’exaucement ultime remonte à la sagesse et la bonté de Dieu,
mais l’Écriture donne quelques aperçus propices à nous encourager
dans les moments difficiles.
Le défi de la persévérance 153

Les obstacles sataniques

Le fait que, de façon mystérieuse, Satan s’oppose à nos prières est


l’une des raisons de la persévérance indispensable. L’ennemi agit dans
le monde spirituel invisible, et son action a des répercussions directes
sur notre monde.
Nous avons déjà mentionné Daniel 10 et rappelé comment les
puissances mauvaises avaient retardé l’exaucement des prières du
prophète en faveur d’Israël. Un ange déchu s’opposa pendant trois
semaines entières à la requête de Daniel, mais il ne put empêcher Dieu
d’exaucer la prière de son serviteur. Pourquoi ? Parce que Daniel insista
sans complexe ni relâche. Son insistance eut des effets non négligea-
bles dans le combat spirituel. De manière surprenante, les prières d’un
homme firent pencher la victoire dans cette lutte spirituelle invisible !
Dans une vision, l’ange Gabriel expliqua à Daniel qu’il avait réussi
à vaincre seulement à partir du moment où un autre ange vint lui prêter
main forte. Si Daniel avait abandonné son combat d’intercession au
bout de deux semaines, l’ange n’aurait pas volé au secours de Gabriel.
La persévérance dans une prière pleine de foi incita Dieu à donner
sa bénédiction. Qui sait combien de temps il faudra pour desserrer
l’emprise du diable sur les pays musulmans et communistes, ainsi que
partout où le peuple de Dieu est sévèrement opprimé ?
Satan peut faire obstacle à nos prières, mais il ne peut pas en
empêcher l’exaucement si nous continuons de prier avec persévérance.
Si nous cédons au découragement et abandonnons le combat de
l’intercession, il est possible que nous nous privions d’une bénédiction
que Dieu avait en réserve pour nous-mêmes ou pour ceux qui faisaient
l’objet de nos prières.
Le message de Daniel 10, Luc 11 et 18 est clair : si nous persévé-
rons, nous ouvrons la voie à la bénédiction. Notre insistance dans la
prière sur la terre a des effets sur l’issue du combat qui fait rage dans
la sphère invisible à cause de l’opposition diabolique. La seule solution
154 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

pour triompher dans la prière est de continuer sans cesse à prier. La


meilleure façon de tout perdre est d’abandonner le combat.

«La puissance de la prière agissante


est tout simplement irrésistible»

Andrew Murray aborde la question de la prière inexaucée dans son


remarquable livre Voici comment vous devez prier.1 Il explique d’une
façon utile et pratique l’histoire de la veuve qui avait été déboutée par
le juge inique. L’auteur nous fait comprendre pourquoi Dieu tarde
parfois à répondre à ses élus et les oblige à assaillir son trône de façon
constante et presque éhontée.
Murray souligne que la parabole contient deux déclarations
opposées. D’une part, Christ affirme : «Dieu ne fera-t-il pas justice à
ses élus… et tardera-t-il à leur égard ?», pour ajouter aussitôt : «Il leur
fera promptement justice.» Comment concilier ces deux réalités ? Christ
affirme que Dieu prend son temps pour répondre à ses enfants, mais il
complète dans le même élan en disant qu’il intervient rapidement !
Cette tension incite à persévérer dans la prière. Quand nous prions
sans relâche, Dieu accomplit deux choses dans notre vie. D’une part,
ainsi qu’il est dit à propos de la veuve et du juge inique, il use de
patience, il «tarde», il prend le temps de faire dans notre vie quantité de
choses qui exigent du temps. D’autre part, et de façon aussi certaine,
il fait «promptement justice» lorsque nous persévérons et le prions au
nom de Jésus. Comment expliquer cette contradiction apparente ?

Dieu attend le moment favorable

Murray tire une conclusion des plus encourageantes. Il nous incite


puissamment à persévérer, car il est convaincu que dans ce récit,
Jésus déclare en somme : «La puissance de la prière agissante est tout
simplement irrésistible» :
Le défi de la persévérance 155

«Nous devons garder l’assurance que la foi véritable ne peut être


trahie dans le ciel. Ne savons-nous pas que des tonnes d’eau
doivent être accumulées avant de pouvoir exercer une pression
irrésistible ? Nous devrions aussi savoir que, pour la prière, il nous
faudra parfois attendre que la mesure soit pleine devant Dieu
avant d’obtenir une réponse.
«Les répétitions constantes de nos prières patientes et persé-
vérantes peuvent être comparées aux dix mille pas du semeur et
aux dix mille grains qu’il jette en terre en vue d’une abondante
moisson. Toutes nos prières sont nécessaires et concourent les
unes aux autres pour nous apporter finalement les bénédictions
que nous demandons. Nous devons être tout à fait convaincus
que la prière simple, confiante et sincère ne peut échouer dans
le ciel. Nous devons croire qu’elle est une puissance agissante
reçue avec amour par Dieu. Nous devons croire que celui qui
saura persévérer jusqu’au temps choisi par Dieu saura obtenir la
réponse qu’il cherche.
«Je vous le dis, il leur fera promptement justice.» La bénédic-
tion est toute prête. Non seulement Dieu désire-t-il accorder ce
qui lui a été demandé, mais il est anxieux de le faire. Il brûle d’un
amour éternel, du désir insatiable de se révéler pleinement à ses
bien-aimés et de satisfaire leurs désirs.
«Dieu n’attendra pas un instant de plus qu’il ne faut. Il fera
tout en son pouvoir pour hâter et précipiter la réponse… L’ouvrier
des champs attend patiemment le précieux fruit que la terre lui
donnera. Il sait patienter et attendre les premières et les dernières
pluies. Il lui tarde de voir sa récolte, mais il a appris que le soleil
et la pluie doivent faire leur travail avant que le fruit vienne à sa
pleine maturité. Si l’enfant tend rapidement la main en direction
d’un fruit vert, l’ouvrier, lui, sait attendre le fruit mûr.
«Même dans sa nature spirituelle, l’homme est régi par la
loi de la croissance graduelle, une loi qui règne sur toutes les
156 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

formes de vie de la création. L’homme ne pourra atteindre sa


destinée divine que par le chemin d’une croissance graduelle.
Le temps et les saisons sont dans les mains du Père, c’est-à-dire
que lui seul peut reconnaître le moment de maturité d’une âme
ou d’une assemblée ; il sait reconnaître le moment où elle pourra
s’emparer de la bénédiction qu’il accorde, pour la conserver
précieusement.»2

Les prières ne sont jamais perdues

Représentez-vous les moulins d’autrefois. Une roue à aube entraîne


deux lourdes meules plates qui broient le grain. Pour pouvoir tourner,
cette grande roue comporte de petits godets sur toute sa circonférence.
Le débit d’eau qui les remplit les uns après les autres suffit à mettre la
roue en mouvement. Nos prières ressemblent à ces gouttes d’eau qui
remplissent les godets pour faire tourner la roue. La prière persévérante
et importune, les supplications qui montent sans cesse vers Dieu sont
comme cette eau. Aucune prière n’est inutile.
Nous avons tous des amis qui ont prié pendant des années pour
un enfant égaré. Vous-même priez depuis longtemps pour quelqu’un
qui vous déteste ou pour une situation inextricable. Sachons qu’aucune
prière ne se perd. Elles remplissent les godets et augmentent la pression
qui s’exerce sur la roue et finit par la mettre en mouvement.

Ce qui se passe en coulisse

Murray déclare que Dieu n’attend pas un instant de plus qu’il ne faut.
Il fait tout en son pouvoir pour hâter et précipiter la réponse. Il est
comme un fermier qui ne moissonne pas trop tôt car il sait qu’il vaut
mieux attendre que le fruit soit mûr. Il patiente jusqu’à ce que la moisson
soit juste bonne à être récoltée. À ce moment-là, et à ce moment-là
seulement, il intervient promptement.
Le défi de la persévérance 157

«Nos prières peuvent exercer une grande influence sur tant de


choses qui nous entourent : sur les gens, le grand système de
vie auquel nous appartenons, le gouvernement de Dieu et bien
d’autres choses encore. Si nous éprouvons une foi assez grande
pour nous permettre d’obéir au commandement de croire que
nous l’avons reçu, ne permettrons-nous pas à Dieu de prendre
le temps qu’il faut ? Nous savons que notre prière a été efficace
et qu’il ne peut en être autrement. Continuons donc à prier en
rendant des actions de grâces avec persistance et détermination,
jusqu’à ce que vienne la bénédiction recherchée.
«Que notre foi ne se laisse donc pas ébranler par de simples
contretemps. Chacune de nos prières agissantes fait mûrir le fruit et
nous rapproche de lui. La prière brise les entraves du monde invi-
sible et fait se hâter l’accomplissement que nous recherchons.
«Chrétien, laisse ton temps dans les mains du Père. Il veut que
sa bénédiction soit riche, pleine et complète pour toi. Donne-lui
ton temps, crie jour et nuit vers lui. Rappelle-toi seulement sa
promesse : «Je vous le dis, il leur fera promptement justice.»3

Grâce aux prières persévérantes, il se passe des choses dans le monde


invisible, dans la nature des individus et dans l’Église visible. La prière
modifie certains facteurs.
Il se peut pourtant que nous n’ayons pas encore vu se produire
dans notre assemblée les changements pour lesquels nous nous som-
mes sentis poussés à prier. Prenons courage et rappelons-nous que
Dieu n’est peut-être pas encore disposé à opérer les changements tant
que nous n’aurons pas prié assez longtemps pour que les différentes
composantes de l’exaucement se mettent en place.
Le fermier avisé attend que tout le processus de maturation soit
à son terme et que le grain soit mûr pour commencer la moisson. De
même, notre prière persévérante mettra peu à peu en place les facteurs
visibles et invisibles pour que Dieu puisse alors promptement intervenir
158 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

dans l’église pour laquelle nous prions. Le Seigneur «patiente» justement


pour pouvoir agir «promptement» le moment venu.

Temps + prière = victoire !

Vous rappelez-vous l’histoire de la vieille dame écossaise ? Dans son cas,


il fallut cinquante-trois ans avant que les innombrables facteurs trouvent
leur juste combinaison. Cinquante-trois ans s’écoulèrent avant que les
prières, comme des gouttes d’eau, remplissent jour après jour les godets
et fassent enfin tourner la roue ! Elle intercéda pendant cinquante-trois
ans de la patience divine, mais dans les annales de l’éternité, il sera
certainement dit que Dieu fit promptement justice à son élue.
Si nous voulons être de ceux qui changent le monde, nous devons
nous souvenir que les prières de l’humble sainte qui intercéda étaient
une force pour mettre en place tous les éléments en vue du changement
à opérer. Les années passèrent. La dame prit de l’âge et son amie aussi,
mais elle ne renonça jamais à croire aux promesses du Dieu qui s’est
engagé à répondre aux prières.
Cette fidèle chrétienne serait certainement surprise de savoir que
sa persévérance est citée en exemple ! Elle avait simplement appris au
fil des ans qu’il n’y avait rien que la prière ne puisse opérer. Elle fut un
encouragement et un exemple pour beaucoup autour d’elle.
Lorsque nous sommes tentés de renoncer à la prière après quelques
semaines ou quelques mois, rappelons-nous les illustrations humaines
et les paroles de l’Écriture. Elles se combinent et forment un puissant
encouragement à croire que Dieu répondra à notre prière. C’est peut-
être simplement une question de temps.

Notes :

1. Distributions évangéliques du Québec, Sherbrooke, 1982.


2. Murray, op. cit., pp. 94-95.
3. Murray, op. cit., p. 97.
7
Lutter dans la prière

«Ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël ;


car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes, et tu as été
vainqueur» (Genèse 32:28).

Le sujet de la lutte dans la prière se greffe sur le thème général de la


persévérance. Il est des moments où le fait de demander et de recevoir
paraît un exercice automatique et facile. Mais nous avons tous connu
des moments où cela ne se passe pas ainsi. Nous sommes obligés de
fournir des efforts, de faire preuve de beaucoup de volonté, et d’avoir
recours au sang, à la sueur et aux larmes pour obtenir gain de cause.
Pensons à John Knox sur son lit de mort. Il passa littéralement
les deux derniers jours de sa vie à lutter ainsi. Il déclara à ceux qui
160 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

l’observaient avec anxiété qu’il avait lutté contre Satan en prenant la


défense de l’Église. Épuisé et au plus mal, il n’estimait cependant pas
que le moment était venu d’abandonner le combat et d’attendre enfin
le repos du ciel !
Pensons encore à certains parents qui prient inlassablement pour
un enfant engagé sur une mauvaise voie, jusqu’à ce qu’il dépose les
armes devant Dieu et marche dans l’obéissance de la foi. Il ne s’agit
pas de prières formulées à la hâte juste avant de se coucher, mais
l’exemple même de ce que la Bible nous encourage à pratiquer si nous
voulons être exaucés.
Jacob nous servira de modèle pour décrire ce genre de prière
persévérante. Il passa une nuit entière à lutter avec un inconnu qui se
révéla n’être autre que le Seigneur lui-même ! Nous avons déjà évoqué
cette prière pour établir la légitimité d’un tête à tête viril avec Dieu,
fondé sur ses attributs et le souci de sa gloire.

La bénédiction en vue

Dans notre compréhension théologique de la prière, soyons certains


que Dieu opère une œuvre en nous (voir le chapitre 3). Il agit pour
nous amener à l’endroit où nous l’amènerons à nous répondre. Se
pourrait-il qu’une des raisons essentielles pour lesquelles Dieu nous
laisse lutter dans nos prières est son désir de nous transformer de
«Jacob» en «Israël», aussi bien dans notre façon de nous conduire que
dans la gestion de nos circonstances particulières ?
Nous n’avons aucun moyen d’en arriver là si ce n’est en étant
obligés de consacrer beaucoup de temps et d’énergie à lutter avec Dieu
dans la prière. Cette discipline n’est pas sans rappeler celle que nous
exerçons pour être en bonne forme physique. De même que l’exercice
physique augmente notre résistance, la force dans la prière se développe
par l’usage. Dieu tient en réserve des bénédictions surprenantes pour
son peuple mais aussi pour les besoins des multitudes répandues à
Lutter dans la prière 161

travers le monde. Il ne peut ni ne veut toutefois les accorder tant que


nous ne sommes pas prêts à nous engager dans un combat âpre et
long avec lui. Il y a une raison à cela.
Dans le sport qu’est la lutte, les deux protagonistes se livrent un
combat au corps à corps. Ils s’agrippent littéralement l’un à l’autre.
Aucun n’a la possibilité de quitter le combat avant d’avoir vaincu
l’autre. Dans le cas de la lutte avec Dieu, la question de savoir qui est
le plus fort est connue d’avance ! Mais c’est comme s’il tenait à ce que
nous ayons prise sur lui, que nous l’empoignions, que nous l’obligions
à s’occuper de plus près du déroulement de son plan sur la terre. La
lutte nous rapproche de lui.
Tout au long du combat, il nous brise peu à peu et opère en nous
des changements profonds indispensables pour nous transformer en
«Israël». Alors, il nous permettra de dire dans la prière : «Seigneur, je
veux», et répondra : «Tu l’auras.»

Un combat qui transforma Jacob de façon permanente

Les chapitres 32 et 33 de la Genèse décrivent les événements qui


firent de Jacob le père spirituel de tous ceux qui luttent dans la prière
jusqu’à ce qu’ils triomphent. Sa vie et son expérience sont riches
d’enseignements.
Le nom «Jacob» qu’il reçut à la naissance signifie celui qui sup-
plante ; il se rattache au fait qu’il allait plus tard dépouiller son frère de
son droit d’aînesse. Dieu nomma ce même homme «Israël», c’est-à-dire
celui qui lutte avec Dieu, qui devint prince de Dieu après avoir lutté
victorieusement avec l’Éternel. Après cette nuit mémorable, Jacob fut
un homme complètement transformé.
Il rentrait dans son pays natal après des années d’absence. Il y
revenait avec sa nombreuse famille, terrifié à la pensée de rencontrer
Ésaü, ce frère qu’il avait trompé et profondément blessé, des années
plus tôt. Les nouvelles lui parvenant indiquaient qu’Ésaü se dirigeait
162 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

vers lui à la tête d’un groupe d’hommes puissamment armés. Jacob,


lui, n’avait pas d’armée. Que faire ?
Craignant l’arrivée de cette troupe le lendemain, il campa près du
gué du Jabbok. Il y passa la nuit entière seul à lutter dans la prière avec
Dieu jusqu’à ce qu’il obtînt la bénédiction d’une protection divine. Le
texte indique que Dieu s’approcha de Jacob et lutta physiquement avec
lui. Ce fut le moyen qu’il choisit pour amener le patriarche à s’engager
dans la prière. Il fallait que Jacob lutte physiquement pour obtenir la
bénédiction divine et la protection contre l’ennemi.
En fait, Jacob entamait la meilleure préparation possible en vue
de la confrontation qu’il redoutait tant le lendemain. En effet, il est
écrit : «Le cœur du roi est un courant d’eau dans la main de l’Éternel ;
il l’incline partout où il veut» (Proverbes 21:1). Jacob comptait sur Dieu
pour agir à sa place. Mais Dieu l’appela à lutter toute la nuit en faveur
d’un changement de dispositions dans le cœur d’Ésaü. Cette bataille
fut remportée d’avance sur le terrain de la prière.
Ce fut tout de même un réel combat qui coûta à Jacob. Il dut
lui consacrer toute une nuit, et donc se priver de sommeil. Il y eut
davantage encore. L’étranger frappa Jacob à la hanche, ce qui, dans
l’antiquité, était une façon de se lier par une alliance personnelle, si
bien que Jacob boita le restant de ses jours.

Le jeu en valait la chandelle

Ce fut coûteux pour Jacob, mais il obtint en retour un gain éternel.


Cette nuit-là, son nom «Jacob», qui rappelait constamment sa nature
malhonnête, fut changé en «Israël», c’est-à-dire Prince avec Dieu. Mais
son nom ne fut pas le seul à être changé. La lutte opéra une transfor-
mation permanente non seulement dans l’être physique de Jacob, mais
également au niveau de son autorité dans la prière.
C’est là la vraie raison pour laquelle beaucoup d’entre nous doi-
vent lutter si durement à propos de tant de choses, être profondément
Lutter dans la prière 163

peinés et meurtris. Dieu prend l’initiative de lutter avec nous ; il nous


défie, comme il défia Jacob. Bien qu’éprouvant une souffrance réelle,
nous pouvons prendre courage en sachant que c’est par amour et
compassion que Dieu est décidé à nous transformer de «Jacob» en
«Israël». Alors notre désir suprême sera de lutter avec lui dans l’intérêt
des besoins de son royaume et de remporter la victoire à la plus grande
gloire de son nom.
Comme Jacob, le changement que le combat opère peut se révéler
permanent. Nous n’avons plus à emprunter deux fois le même chemin
en étant identiques à nous-mêmes. Chaque tête à tête avec Dieu nous
transforme un peu plus à l’image de Jésus et confère un peu plus
d’efficacité dans la prière.
Au fil des ans, chaque expérience de prière exaucée augmente
notre confiance dans le désir de Dieu de nous répondre et dans sa
puissance à changer les situations. Rappelons qu’il projette de répandre
sa bénédiction. Que rien ne nous détourne de la prière persévérante
tant qu’il ne l’a pas fait. Nous aurons certainement un prix à payer,
mais il en vaut la peine.

Classer nos priorités

Chez Jacob comme pour nous, le combat contre nous-mêmes et contre


Dieu est âpre pour tranformer les manipulateurs égocentriques que
nous sommes en princes avec Dieu. Dès le début de cette lutte en vue
d’acquérir l’autorité princière dans le domaine de la prière, nous devons
revoir nos priorités personnelles et mettre en tête de liste la nécessité de
passer du temps avec Dieu. Nous devons souvent nous battre contre
nous-mêmes et contre beaucoup de choses qui réclament notre temps
et notre énergie avant de trouver le temps de prier et l’endroit pour le
faire. À moins de prendre le temps, nous ne le trouverons pas.
Pour que les églises fassent preuve dans leur intercession de la
puissance qui caractérisait «Israël», elles doivent être remplies de gens
164 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

sincèrement conscients que leur importance personnelle est tellement


rabaissée qu’ils ne peuvent plus que compter sur Dieu. Ce sentiment de
dépendance croissante de Dieu se reflète journellement dans le temps
passé à genoux devant lui dans l’intercession pour le monde.
La première étape dans la lutte jusqu’à la victoire dans la prière
consiste donc à triompher d’abord de nous-mêmes, à secouer notre
léthargie, pour que la prière nous apparaisse vraiment comme la grande
priorité. Pour cela, nous aurons à nous rappeler constamment l’impor-
tance de l’intercession et à organiser le déroulement de nos journées
pour nous adonner à cette tâche importante.

Un plan quotidien

Dans l’Institution de la religion chrétienne, Calvin suggère de prier systé-


matiquement cinq fois par jour. Étant donné notre fragilité, nous avons
besoin de beaucoup d’aides pour nous fortifier et, à cause de notre
paresse, nous avons besoin d’être incités à l’action. Il convient donc
que chacun mette à part certains moments de la journée pour prier.
Pour Calvin, ces moments ne devaient pas se passer «sans oraison»,
et pendant cet exercice, il faut y appliquer «toute l’affection de notre
cœur». Les cinq temps de prière qu’il préconise sont :

* àavant
notre lever le matin

* à l’heurede commencer notre ouvrage

* l’avoir prisde prendre notre repas

* après
* au moment de prendre notre repos 1

Notre état d‛âme

Nous devons également lutter pour triompher de l’impression d’inutilité


de la prière et surmonter notre torpeur. Quand nous avons remporté
Lutter dans la prière 165

la première bataille et fait de la prière une des grandes priorités de


notre vie, que nous lui avons accordé une place de choix dans notre
programme d’activités, le diable nous attaquera certainement sur le
terrain subjectif des sentiments. Il demandera si l’œuvre à laquelle
nous consacrons tellement de temps en vaut vraiment la peine. Il ira
même plus loin et insinuera : «En vaux-tu la peine ? Un Dieu si saint
écoutera-t-il un être aussi indigne que toi ?»
Si les émotions jouent un rôle légitime important dans notre vie, il
faut surtout ne pas dépendre que d’elles pour savoir ce qui est bien ou
mal. C’est une question de priorité et de devoir. Une armée ne remporte
pas la guerre en se demandant si elle a envie de se battre ! Il en est de
même avec la prière. Celui qui persévère jusqu’au bout obtiendra la
bénédiction, indépendamment de ce qu’il aura ressenti.
Nous avons parfois le sentiment très fort de notre impureté et de
notre indignité. Mais nous ne nous approchons pas de Dieu en notre
propre nom. Ne nous laissons pas décourager si nous avons une
conscience aiguë d’un péché particulier dans notre vie ce jour-là, car
nous nous présentons devant Dieu au nom de Jésus dont le sang nous
purifie de tout péché. Rappelons-nous que chaque fois que nous prions,
nous ne faisons que ce que le Seigneur a ordonné de faire.
Nous devons veiller à ne pas accorder trop d’importance à ce que
nous ressentons quand nous prions. Les émotions exercent parfois leur
influence sous un autre angle. Nous avons peut-être appris à résister au
diable lorsqu’il nous rappelle nos péchés, mais nos sentiments peuvent
très bien nous faire trébucher d’une autre manière.
Il nous arrive de nous souvenir avec émotion de moments où le
Seigneur nous semblait particulièrement proche et où il nous était si
facile de prier. Nous traversons parfois des périodes où prier est une
joie profonde, où la prière est suivie d’une efficacité inhabituelle.
Soyons alors en garde et ne nous attendons pas à être constamment
«sur les sommets», à ressentir des émotions fortes dans la prière. Nous
ne pourrions pas les supporter en permanence.
166 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

À la longue, l’excitation soutenue détruirait la vie. L’épée finit par


entailler le fourreau si on la manie trop souvent. Dieu a voulu que les
émotions agissent comme la marée ; elle monte, puis elle redescend.
Pour utiliser une autre image, dans la réaction qui suit invariablement
l’excitation, la nature donne à l’esprit un calme qui s’apparente à ce
que le repos est pour le corps.

La valeur du jeûne

Un pasteur, qui rencontrait une certaine opposition à la Parole, décida


de contrer l’œuvre manifeste du diable non seulement par la prière,
mais également par un jeûne régulier. Avec sa femme, il constata qu’il
se produisait toujours le même effet le jour où ils jeûnaient, ou dans les
jours qui suivaient. Quelqu’un venait le voir pour lui raconter comment
Dieu était intervenu avec une puissance particulière soit pour le sauver,
soit pour agir de manière significative dans sa vie. Cela se produisit
trop souvent pour n’être qu’une simple coïncidence.
Ainsi, lorsque leur fils de six ans leur causa quelques problèmes de
discipline, ils jeûnèrent et prièrent pour l’enfant. Ce même soir, pour
la première fois depuis des semaines, ils constatèrent un changement
notable dans l’attitude du garçon envers eux et envers le Seigneur.
Ce couple découvrit presque par hasard que le jeûne s’associe
étroitement au combat de la prière et, vis-à-vis de Dieu, qu’il fait pas-
ser l’individu d’une position comme celle de Jacob à celle d’Israël.
D’ailleurs, Jésus donne des instructions à propos du jeûne en même
temps qu’il en donne à propos de la prière (cf. Matthieu 6). Plus tard, il
encourage ses disciples à pratiquer le jeûne lorsqu’ils seront confrontés
à des difficultés particulières dans leur ministère.
Quand le Seigneur redescendit de la montagne après la transfigu-
ration où son visage avait reflété la gloire de Dieu, il trouva ses disciples
face à un sérieux problème. Ils n’avaient pas été en mesure de venir en
aide à un enfant tourmenté par un esprit mauvais. Ils s’étaient décou-
Lutter dans la prière 167

verts totalement incapables de chasser le démon. Lorsque le Seigneur


glorieux et transfiguré intervint dans cette situation où le diable exerçait
un tel pouvoir, il chassa le mauvais esprit sans la moindre hésitation.
Ses disciples étonnés se demandèrent pourquoi ils n’avaient pas
eu la puissance de guérir le garçon. Ils interrogèrent le Seigneur sur
la raison de leur échec. Il leur répondit aussitôt : «Cette espèce-là ne
peut sortir que par la prière [et par le jeûne]» (Marc 9:29, selon certains
manuscrits).
Le jeûne fait en quelque sorte descendre le Christ de la montagne
de gloire dans la vallée de notre impuissance pour y accomplir ce qui
nous est impossible. Mais n’oublions pas que, dans le jeûne, l’accent ne
porte pas sur nos mérites ni sur nos sentiments personnels au moment
du jeûne. Ayons exclusivement à cœur le désir de bénéficier de la
présence du Christ ressuscité. L’important est la présence et la gloire
de Dieu, et non le jeûne en tant que tel.
La prière et le jeûne sont deux mains. En priant, nous en élevons
une et la posons sur le propitiatoire, le lieu qui symbolise la présence
du Dieu qui pardonne sur l’arche de l’alliance. Et quand nous jeûnons,
l’autre main lâche les choses légitimes qu’elle tient (comme le confort
et la nourriture), renonce à toutes les aides terrestres pour se poser, elle
aussi, sur le propitiatoire.
Jeûner consiste à se priver de nourriture pendant un temps limité,
généralement vingt-quatre heures, un temps que l’on consacre à la
prière. Ainsi, on reporte sur la méditation, la lecture biblique et la prière
le temps habituellement utilisé à manger.
Le jeûne est une sorte de prière silencieuse. On se détourne des
choses qui soutiennent la vie humaine pour se tourner vers celui qui
les accorde. C’est un moyen de le supplier de prendre sérieusement
soin de nous.
Nous indiquons ainsi à Dieu notre attachement à sa personne et
notre conviction que les ressources humaines sont totalement inadé-
quates. Nous le supplions de nous accorder la présence de Christ.
168 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Une puissance extraordinaire pour un monde qui meurt

Après avoir été longtemps négligée par les chrétiens évangéliques, la


discipline du jeûne revient en force. Il existe des mouvements pour
inviter les églises et les individus à jeûner et à prier à un moment
donné de chaque mois pour la repentance et pour un réveil spirituel
dans leur pays.
Le cours futur de l’Église et de l’histoire du monde, conformément
aux desseins inviolables de Dieu, dépendra grandement du nombre de
chrétiens qui répondront à ces appels au jeûne et à la prière à des jours
fixés, ou à d’autres appels du même genre. Il se pourrait que l’Histoire
soit à la croisée des chemins.
Que nous réserve l’avenir ? Il semble que les nations aient le choix
entre un avenir humaniste et totalitaire, et une liberté croissante grâce
à un christianisme de plus en plus influent. Il se pourrait que le sort du
monde dépende en grande partie de l’intercession, de la persévérance,
de la lutte et du jeûne du peuple de Dieu, ces chrétiens innombrables
méprisés et ignorés du monde.
Un chrétien compatissant peut-il ne pas se joindre aux multitudes
agenouillées ? Les paroles de Charlotte Elliott prennent ici tout leur
sens :

«Veille comme si l’issue du jour


Dépendait de cette vigilance ;
Prie pour l’arrivée du secours :
Veille et prie en permanence.»

Note :

1. L'Institution chrétienne, Jean Calvin, éditions Kerygma/éditions Farel, Livre III, xx.50.
À la fin du livre nous suggérons quelques moyens systématiques simples pour aborder
la prière d’intercession et la lecture biblique.
8
Quand Dieu semble dire «non»

«Celui qui juge toute la terre n’exercera-t-il pas la justice ?»


(Genèse 18:25)

Que penser de celui qui semble répondre à toutes les conditions fixées
pour la ressemblance à Christ, qui a appris pendant des années les
disciplines du combat et de la persévérance dans la prière, mais finit
cependant ses jours dans le dénuement le plus total et en proie à de
grandes souffrances ? C’est justement ce qui arriva à Amy Carmichaël,
une missionnaire remarquable qui travailla au sud de l’Inde.
Elle consacra sa vie aux orphelins, sauva beaucoup de jeunes filles
de la prostitution dans les temples hindous, construisit un village pour les
accueillir et un centre de formation pour les préparer à une vie meilleure.
170 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Ces œuvres subsistent encore aujourd’hui. Elle fit preuve d’une rare
sagesse spirituelle et exerça une profonde influence. Dieu entendit les
prières de sa communauté et les exauça de façon miraculeuse.
À bien des égards on pourrait dire que la prière était la marque de
sa vie et de son service. Le centre qu’elle créa vit le jour grâce à la prière
et sa gestion en dépendait uniquement. Pourtant, Dieu n’exauça pas les
prières que cette femme lui adressa pour sa guérison. Pourquoi ?

Un «non» divin, ou une réponse meilleure ?

Pour faire le tour complet des aspects théologiques et pratiques que


soulève l’enseignement biblique sur la prière, nous devons encore
examiner cette dernière difficulté. Que penser quand Dieu n’exauce
pas nos requêtes ?
Je n’entends pas par là les sujets pour lesquels nous prions depuis
des dizaines d’années et qui nous sont finalement accordés après une
persévérance à toute épreuve. J’envisage ici le cas de prières auxquelles
Dieu répond clairement par : «Non, mon enfant bien-aimé, je ne te
donnerai pas ce que tu me demandes.»
Il va de soi que j’exclus de mon propos le refus divin de nous
accorder les choses manifestement mauvaises. Je pense à tout ce qui,
de notre point de vue humain, semble s’harmoniser avec la volonté
de Dieu et contribuer à sa gloire. Il arrive que nous ayons commencé
à prier pour un sujet dont nous n’étions pas sûrs qu’il était selon la
volonté de Dieu.
Nous avons cependant continué sincèrement et avec persévérance,
mais Dieu a dit non.
Calvin donne une explication partielle de la difficulté que nous
rencontrons à cet égard. Il écrit :

«Il y a en outre à noter, qu’encore que Dieu nous accorde du


premier coup nos prières, toutefois il ne répond pas à leur forme
Quand Dieu semble dire «non» 171

expresse : mais, en nous tenant en suspens quant à l’apparence,


il nous exauce d’une façon admirable, et montre que nous ne
l’avons pas requis en vain. Et c’est ce qu’a entendu Saint Jean,
en disant : Si nous connaissons qu’il nous entend, quand nous lui
avons demandé quelque chose, nous connaissons que nous avons
obtenu les requêtes que nous lui avons demandées (1 Jean 5:15).
«Il semble que ce soit une superfluité de paroles bien froide,
mais c’est une déclaration bien utile pour nous avertir, encore
que Dieu n’acquiesce à nos désirs et ne nous gratifie pas en nos
souhaits, qu’il ne laisse pas de nous être humain et propice, en
sorte que notre espérance s’appuyant sur sa Parole, ne sera jamais
frustrée. Rien n’est plus utile et nécessaire aux fidèles que de se
soutenir par cette patience, car ils ne dureraient point, s’ils ne s’y
appuyaient.»1

Dieu ne refuse pas les choses que nous lui avons demandées dans la
prière. En fait, il accorde ce qui était la véritable intention sous-jacente
de nos requêtes, ce que le Saint-Esprit suggérait en nous.
Notre erreur consiste à interpréter les restrictions imposées à nos
désirs comme un refus divin. La vraie bénédiction, venue sous une
autre forme que celle demandée ou attendue, nous a préservés d’un
danger ou d’ennuis dans lesquels nous aurait plongés l’exaucement
des prières telles que nous les avons présentées à Dieu.

Souffrance temporaire

Après la fin de la guerre civile aux États-Unis, le pasteur John Girardeau


fut confronté à un problème. Beaucoup de chrétiens se demandaient
pourquoi Dieu avait refusé d’exaucer les prières incessantes de ses
enfants en faveur de leur cause. Girardeau se sentit donc poussé à
donner une série de messages sur la prière. Dans l’introduction à
l’édition imprimée de ses sermons, il écrit :
172 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

«De grandes multitudes priaient journellement pour le succès


de la lutte des Confédérés. À la suite de la défaite avec ses
conséquences désastreuses, beaucoup d’enfants de Dieu furent
victimes de l’influence satanique et tentés d’abandonner leur foi
dans la prière. Ces messages cherchent modestement à les aider
à surmonter cette épreuve.»

À propos du mystérieux refus de Dieu d’exaucer certaines des suppli-


cations légitimes du point de vue humain, le prédicateur déclare :

«Dans ses sages desseins, Dieu peut permettre à son peuple de


connaître la défaite apparente et de subir les revers de l’opprobre,
l’oppression et le mépris. Dans ce cas, notre devoir est de nous
consoler en sachant que Dieu fait ce qu’il veut et que le juge de
toute la terre agit bien.
«Malgré son dépit, sa souffrance, ses espoirs déçus, et la ten-
tation au scepticisme, le croyant continue d’honorer Dieu par sa
soumission paisible et résignée. Il se sait créature de péché, à la
vue bornée devant le Dieu infiniment sage et souverain absolu.
Le Seigneur lui enseignera en son temps, comme avec l’éclat du
soleil à travers les nuages, qu’il ne l’a pas exaucé pour lui donner
davantage, que la souffrance temporaire n’est que le prélude à une
bénédiction éternelle, que la déception éphémère précède l’aube
d’un honneur impérissable, et que la vérité et le droit descendent
sous un horizon de ténèbres et un océan de tempêtes pour réap-
paraître dans la gloire matinale d’un triomphe éternel.
«En tant qu’être humain fragile et mortel, écrasé sous le poids
de la malédiction pesant sur le monde, Jésus pria d’être délivré
de la seconde mort. Sa prière ne fut pas exaucée, et il mourut,
mais son tombeau est l’endroit où la mort fut détrônée, le lieu de
naissance de millions d’âmes immortelles libérées du pouvoir de
Satan, du péché et de l’enfer.
Quand Dieu semble dire «non» 173

«Debout, frère chrétien ! Ne te décourage pas si tes requêtes


concernant certaines bénédictions sont restées sans réponse un
certain temps. Où est ta foi ? Où est ta soumission à un souverain
tout-puissant, infiniment sage et parfaitement miséricordieux ?
Reprends-toi. Revêts l’armure de Dieu. Lève les yeux. Dieu, ton
rédempteur et ton libérateur règne.
«Regarde, il siège sur son trône élevé, les soleils et tous les
systèmes de l’univers ne sont que poussière étincelante sous ses
pieds. Des milliers de milliers de séraphins glorieux le servent. Il
domine sur un empire illimité. Il pose son regard sur son peuple
affligé.
«Regarde, oui, regarde, il vient. Il vient, monté sur les ailes du
tourbillon, maniant son glaive étincelant, baignant dans l’éclat des
cieux, chassant ses ennemis comme de la balle devant sa face,
volant rapidement au secours de ses saints avec les ressources
d’une puissance sans bornes et d’une grâce illimitée.»

Ces paroles n’apportèrent-elles pas de l’encouragement à l’assemblée


de Girardeau ? Les chrétiens se demandaient certainement pourquoi
Dieu, en réponse à leurs prières, leur avait accordé un réveil spirituel
quelques années plus tôt, mais n’avait apparemment pas exaucé leurs
requêtes pendant la guerre. Nous constatons en fin de compte que c’est
une question de perspective.
Une juste perspective aide à persévérer dans la prière. Le désir
pour la gloire divine et le bien-être de l’Église qui motive nos requêtes
particulières sera toujours honoré puisqu’il vient de Dieu lui-même.
Même si Dieu répond «non» à une de nos prières, il se sert néanmoins
de nos saints désirs et de nos prières pour établir son règne, accomplir
sa volonté et accorder à son peuple pain, pardon et protection. Vu sous
cet angle, nous savons que le «non» de Dieu correspond à un «oui»
à un niveau plus élevé et plus mystérieux que nous l’imaginions au
départ. Les revers temporaires ne doivent pas nous décourager, car
174 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

nous avons toutes les raisons de persévérer dans la tâche importante


de l’intercession.

À la brèche

Le ministère de l’intercession est très exigeant car il réclame la totalité


de notre être. Nous devons nous engager dans une lutte inouïe avant
d’expérimenter la transformation qui nous fait passer du stade d’un
«Jacob» impuissant et égocentrique à celui d’un «Israël» qui prie avec
efficacité. Dieu aura alors fait de nous des princes devant lui.
Il ne peut nous revêtir de cette autorité que si, comme Jacob, nous
avons connu le combat qui débouche sur un brisement personnel. Si
Jacob boita le restant de ses jours, ne soyons pas surpris de porter les
marques permanentes de la main de Dieu dans notre vie.
Mais contemplons ce que la lutte avec lui accomplit dans la vie
du patriarche. Dieu ne conféra un tel titre à personne d’autre dans
l’Écriture.
Comment dépasser le stade d’une prière égocentrique ? Comment
suivre le modèle de prière donné par le Fils de Dieu ? Comment mettre
Dieu à la première place, sanctifier son nom et favoriser l’accomplisse-
ment de sa volonté sur la terre ?
Que faire pour développer en nous la maturité et la conformité à
Christ indispensables pour être exaucés ? Où trouver l’énergie dont les
individus et les églises ont besoin pour persévérer dans l’intercession
en faveur des autres en proie à des besoins urgents ?

Avec Jésus

Nous ne trouverons pas la force nécessaire pour prier en regardant à


nous-mêmes. Nous la découvrirons en fixant les regards sur celui avec
qui, par qui et pour qui nous luttons. Au lieu de faiblir, regardons à
Jésus qui permet de remporter la bataille de l’intercession.
Quand Dieu semble dire «non» 175

Le diable fera tout en son pouvoir pour empêcher les chrétiens


d’observer ce principe fondamental de la guerre spirituelle : c’est
en comptant sur Jésus que nous avons accès au Père et que notre
intercession parvient à son but. Tant que le malin réussit à détourner
notre regard sur nous-mêmes et à nous soucier de la qualité ou de la
médiocrité de ce que nous faisons, notre force dans l’intercession est
aussi faible que Samson lorsque Delila lui coupa ses cheveux.
Mais observez ce qui se passe quand les chrétiens détournent leur
regard d’eux-mêmes pour le fixer sur la personne adéquate : ils com-
mencent à intercéder avec une vigueur qui change les choses, d’abord
dans le ciel, puis sur la terre.
Dans la biographie qu’il consacre à Thomas Jackson, le célè-
bre général des Confédérés, Robert Dabney illustre bien comment
l’identification à Christ amène les croyants à remporter la bataille de
l’intercession.
Jackson fut tué accidentellement par ses propres troupes en 1863,
lors de la tragique guerre civile américaine. Sa dépouille fut déposée et
exposée au public pendant deux jours avant les funérailles. Des dizaines
de milliers de confédérés attristés défilèrent pour voir une dernière fois
leur héros bien-aimé.
Le dernier jour, au coucher du soleil, le responsable du service
d’ordre ordonna la fermeture des grandes portes. Des centaines de
gens tristes allaient ainsi être privés de rendre les derniers hommages
au disparu. Juste au moment où les lourdes portes allaient se fermer,
un vétéran parmi les confédérés, d’aspect rustre dans son uniforme
gris déguenillé, fendit la foule et avança, le visage barbu inondé de
larmes.
Le responsable du service d’ordre était sur le point de repousser le
vieil homme qui insistait pour entrer quand celui-ci, levant le moignon
de son bras droit, s’écria : «Au nom de ce bras droit que j’ai sacrifié
pour mon pays, je demande le droit de voir une dernière fois mon
général !» Il se trouvait que le Gouverneur était présent. Il donna l’ordre
176 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

de laisser entrer le vétéran en disant : «Ses blessures lui ont acquis le


droit d’entrer.»

Ses blessures nous ont acquis le droit d‛entrer

De la même manière, quoique infiniment plus merveilleuse, ceux qui


croient en Jésus reçoivent le droit de paraître dans la présence du
Père et de bénéficier de sa clémence grâce aux souffrances infligées
au Sauveur lors de son combat victorieux sur la croix en notre faveur.
Apocalypse 5:6 décrit le Seigneur dans son règne comme «un Agneau…
immolé.»
À l’évidence, même revêtu de son corps de résurrection glorifié, il
porte sur lui les marques de notre salut. Chaque fois que nous prions
au nom de Jésus, c’est comme si le Père regardait les blessures de son
Fils et disait : ses meurtrissures t’ont acquis un droit permanent d’accès
à mon trône. Fais-moi connaître tes requêtes.
Voilà comment avoir continuellement la force de s’associer à
Jésus «à la brèche» et de faire fonction d’intercesseurs. Rappelons-nous
que l’Agneau qui a été immolé est aussi le Lion de Juda, ressuscité
et victorieux. Ses blessures nous donnent le droit de nous présenter
devant le Père, et les prières incessantes qu’il offre au Père depuis sa
résurrection nous assurent protection et fertilité dans notre pèlerinage
terrestre. En effet, il est celui qui intercède en notre faveur dans toutes
nos faiblesses.
Mais il n’est pas seulement devant le trône de Dieu pour intercéder
en notre faveur. Lorsque nous nous engageons à nous tenir à la brèche,
nous constatons qu’il nous y a déjà précédés. Nous nous associons dans
l’intercession à celui qui est notre vie et notre force surnaturelles.
Je termine par un poème dont l’auteur inconnu imagine ce que le
Fils dit au Père lorsqu’un humble chrétien, quelqu’un comme vous et
moi, présente une prière maladroite au trône céleste. Oui, nous avons
péché. Nous ne savons pas prier comme il faut. Mais Jésus se tient
Quand Dieu semble dire «non» 177

à la brèche pour nous et avec nous. Il est la source secrète de notre


force pour lutter jusqu’à la victoire dans cette gigantesque bataille de
l’intercession.

L‛Intercesseur

«Père, je te présente cet enfant qui ne vaut rien ;


J’implore une fois encore ton pardon pour lui.
Accueille-le de ma main, car il m’appartient.
C’est un enfant indigne ; il mérite d’être puni.
Ne le fixe pas de ton regard qu’il ne peut supporter.
Tourne-toi vers moi ; je cacherai ses péchés.
Il ne prie pas pour lui-même ; il n’ose pas te parler.
Sa cause est la mienne, pour lui je vais intercéder.

«À cause de chaque goutte de mon sang versé pour lui,


À cause de toutes mes blessures, prête-moi attention.
À cause du tourment de mon âme, de mon agonie,
Père divin ! je ne peux supporter sa disparition.
C’est un être égaré, mais il revient enfin au port.
Le péché l’a détruit, mais j’ai détruit le péché.
La mort l’a réclamé, mais j’ai vaincu la mort.
À la croix, j’ai asservi Satan qui l’avait enchaîné.

«Père ! Pas à lui, mais à moi prête l’oreille.


Je ne veux pas le perdre ; pour moi il a du prix.
Tu l’as créé pour ma gloire personnelle ;
C’est un pauvre enfant, mais un enfant contrit.
Sur moi reposent tous ses espoirs.
Je le connais ; je sais qu’il m’appartient ;
À cause de ses larmes de désespoir,
À cause de son cœur qui bat contre le mien ;
178 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

«À cause de ses prières et de ses soupirs répétés,


À cause de son amour profond et confiant,
Je ne supporterais pas de le voir rejeté,
Lui, faible, le plus faible de mes enfants,
Si les coups infligés l’ont un temps éloigné,
Il m’appartient encore ; à ce monde je l’ai arraché ;
Bien que la terre et l’enfer s’acharnent contre lui,
Je le protège, je le garde, je le sauve ; nous sommes unis.»

Note :

1. Jean Calvin, L’Institution chrétienne, Livre III, chapitre XX, p.52.


Appendice A
Un plan de lecture biblique

Puisque nos prières se nourrissent si directement des promesses de la


Parole de Dieu et s’inspirent de ses exemples, l’habitude ancestrale de
lire chaque jour une portion de l’Écriture pour préparer le moment
de prière est certainement sage. Nous avons examiné l’efficacité de la
prière. Considérons maintenant celle de la Parole.

Détacher un lion

Charles Spurgeon estimait au dix-neuvième siècle que prêcher la Bible


équivalait à «détacher un lion». Certes, la prédication de la Parole est un
ministère particulier (surtout si, comme nous l’avons souligné, il s’appuie
sur la réunion de prière de l’assemblée), mais la lecture personnelle de
la Bible a, elle aussi, de profonds effets sur nous en tant qu’individus.
Comprendre le message de la Parole de Dieu, c’est effectivement libérer
180 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

dans notre vie des forces aussi puissantes qu’un lion. Pensons à ce que
la Bible a opéré dans l’Histoire.
Lorsqu’en 1543, le parlement écossais promulgua une loi permet-
tant aux gens de lire la Bible dans leur langue, il lâcha un lion qui ne fut
plus jamais enfermé. Dans son Histoire de la Réformation, John Knox
déclare que la publication de la Bible dans la langue du peuple rendit
possible et inévitable le réveil religieux que nous appelons la Réforme.
Voici ce qu’il écrit à propos de l’année 1543 :

«On pouvait alors voir la Bible posée sur la table de presque tous
les gentilshommes du royaume. Beaucoup d’hommes avaient sur
eux le Nouveau Testament… favorisant ainsi le développement
prodigieux de la connaissance de Dieu, si bien que le Seigneur
accorda avec abondance son Saint-Esprit à des gens simples.»

Avec la bénédiction de l’Esprit, la Bible suscita le réveil et la Réforme


du seizième siècle, non seulement en Écosse, mais dans toute l’Europe
du Nord. Depuis lors, elle continue d’apporter salut et vie nouvelle
aux individus et aux peuples. Songez à l’impact qu’aurait sur votre vie
personnelle et sur celle de votre église une pleine connaissance des
Saintes Écritures ! Et pensez à quel point une meilleure connaissance
de la volonté divine révélée pourrait alimenter une vie de prière qui
est aujourd’hui informe.
Après avoir pris le pouvoir en Russie lors de la révolution de
1917, les Marxistes commencèrent à imprimer par millions des tracts
anti-chrétiens. Ces traités citaient des portions de l’Écriture dans le but
de les ridiculiser en relevant des erreurs.
Les presses s’arrêtèrent cependant rapidement lorsque le gouver-
nement se rendit compte que des milliers de personnes se tournaient
vers Christ après avoir tout simplement lu ces extraits de la Parole de
Dieu dans des feuillets destinés à saper les fondements de la religion
chrétienne. À leur insu, les Marxistes avaient «détaché le lion» !
Un plan de lecture biblique 181

Mais que lire, et dans quel ordre ? Fondamentalement, il vaut


mieux lire la Bible en entier et de façon régulière et systématique. Nous
devons nous familiariser avec son contenu en entier pour connaître
l’intégralité du message de Dieu pour son peuple.
Puisque, dans sa sage providence, Dieu a inspiré les soixante-six
livres de l’Écriture au point que celle-ci est infaillible et inerrante, il a
certainement l’intention de nous dire des choses très importantes dans
chaque partie de ce livre dont il a si minutieusement surveillé la forma-
tion. Si nous ne lisons pas toutes les parties des Écritures de manière
régulière, nous passerons à côté de vérités qu’il est bon de connaître.
Christ s’adresse à nous dans toutes les parties de sa Parole. Pour
avoir la totalité et la plénitude de Christ en nous, nous avons besoin de la
totalité de l’Écriture. Nous pouvons appliquer à la lecture de la Bible ce
qu’on a dit au sujet de sa prédication : «Si vous n’enseignez pas toute la
Parole aux membres de votre assemblée, vous vous égarerez avec eux.
Cet éloignement dépend de l’étendue et de l’importance des omissions.
Le chrétien a besoin du livre des Proverbes et de l’épître à Philémon,
ainsi que de la Genèse, des Psaumes, d’Ésaïe, des évangiles.»
Aucune raison ne justifie le fait que beaucoup de chrétiens ne
lisent pas la Bible en entier une fois par an. Il suffit de s’en fixer une
portion raisonnable pour chaque jour. Mais comment parcourir la Bible
une fois par an sans se perdre dans les généalogies, les batailles ou les
détails de la construction du tabernacle ?

Une portion quotidienne

La valeur du plan de lecture suivant réside dans le fait qu’il donne au


lecteur un menu différent chaque jour en lui proposant des passages
tirés de diverses parties de la Bible. Pour assurer la continuité cepen-
dant, le plan prévoit que le lecteur consacre toujours le même jour de la
semaine à lire la suite de la section découverte la semaine précédente.
Cette méthode présente aussi l’avantage de mettre en relief l’admirable
182 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

unité de l’Écriture et les liens remarquables entre ses différentes sections.


Ainsi, on retrouve le samedi dans la lettre aux Hébreux une citation
qu’on a lue le dimanche précédent dans les Psaumes.

Dimanche : Lire 5 Psaumes (continuer par 5 chapitres de Proverbes, Ecclé-


siaste, Cantique des cantiques).
Lundi : Lire 3 chapitres de la Genèse (poursuivre par 3 chapitres d’Exode,
Lévitique, Nombres, Deutéronome).
Mardi : Lire 3 chapitres de Josué (enchaîner par 3 chapitres de Juges,
Ruth, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois).
Mercredi : Lire 3 chapitres de Job (puis 3 chapitres de 1 et 2 Chroniques,
Esdras, Néhémie, Esther).
Jeudi : Lire 3 chapitres d’Ésaïe (continuer par 3 chapitres de Jérémie,
Lamentations, Ézéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias,
Jonas, Michée, Nahum, Habakuk, Sophonie, Aggée, Zacharie,
Malachie).
Vendredi : Lire 3 chapitres de Matthieu (puis 3 chapitres de Marc, Luc, Jean,
Actes).
Samedi : Lire 3 chapitres de Romains puis, successivement, toutes les
épîtres et l’Apocalypse.

Un marque page vous permettra de vous y retrouver de semaine en


semaine. À la fin de chaque portion quotidienne, faites une marque
pour retrouver l’endroit la semaine suivante. Vers la fin de l’année, vous
aurez terminé la lecture de certaines sections avant celle des autres,
puisque toutes n’ont pas la même longueur. Consacrez alors ce temps
à la lecture d’une section plus longue jusqu’à ce que soyez au bout.

L'eau de la vie

Comment cette puissance «de lion» que renferme la Parole de Dieu


peut-elle opérer dans ma vie quotidienne ? Comme pour la prière, il
Un plan de lecture biblique 183

est nécessaire de garder à l’esprit la vision de l’identité de Dieu pour


que notre moment de lecture et de méditation devienne une partie
régulière du déroulement de la journée.
Le dernier chapitre de la Bible parle d’«un fleuve d’eau de la vie,
limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l’Agneau»
(Apocalypse 22:1). Au début de notre étude sur la prière, nous avons
fait remarquer que le livre de l’Apocalypse et les autres écrits de Jean
associent souvent à Dieu les idées de vie, de lumière et d’amour. Apo-
calypse 22 brosse un tableau de la vie, de la lumière et de l’amour de
Dieu qui coulent vers nous comme un fleuve.
Comment ce courant d’eau de la vie peut-il nous atteindre ?
Tout simplement en jaillissant de l’Écriture et en inondant le lieu de
prière de tous ceux qui font de leur culte personnel la grande priorité
de leur vie. Si vous n’êtes pas convaincu par cette vérité, tentez au
moins l’expérience. Vous constaterez alors que vous baignez dans une
atmosphère surnaturelle ; vous verrez se produire des choses auxquelles
vous n’avez jamais songé.
Ainsi, votre esprit se remplira de plus en plus de pensées tournées
vers Dieu, et votre perspective de la vie commencera à changer. Les
journées ne s’enfuiront plus sans que vous ne pensiez à Jésus. Au
lieu de vous plaindre dès qu’une difficulté surgit, vous vous mettrez
spontanément à prier.
Vous commencerez à discerner la main de Dieu à l’œuvre lorsque
les choses changent. En prenant de plus en plus conscience des béné-
dictions de Dieu répandues sur vous, vous ne pourrez vous empêcher
de louer le Seigneur de tout votre cœur.

La bonne attitude

Le Petit catéchisme de Westminster contient l’un des conseils les plus


succincts et les plus pertinents à propos d’une lecture de la Bible sus-
ceptible de transformer la vie.
184 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Question : Comment la Parole doit-elle être lue et entendue pour


devenir efficace à salut ?
Réponse : Pour que la Parole devienne efficace à salut, nous
devons l’écouter avec assiduité, nous y préparer, et prier pour la
comprendre ; nous devons la recevoir avec foi et amour, la garder
dans nos cœurs et la mettre en pratique dans nos vies.

Pour libérer les bénédictions de la Parole de Dieu dans notre vie, com-
mençons par «l’écouter avec assiduité». C’est l’attitude qu’on attend du
serveur dans un restaurant. Il écoute attentivement la commande des
clients pour pouvoir la transmettre aux cuisiniers. Pour bien exécuter
les ordres de la Parole de Dieu, nous devons l’étudier soigneusement
et ouvrir toutes grandes les oreilles de notre intelligence pour la com-
prendre et faire ensuite ce qu’elle nous commande.
Un pasteur se servait d’une illustration pittoresque pour décrire
ce que représentait cette écoute assidue. Il imaginait quelqu’un qui, ne
voulant pas perdre un seul mot de la prédication, tendrait tellement le
cou que son oreille arriverait le plus près possible du prédicateur. Si nous
considérons que l’Écriture va dire des choses importantes que nous ne
voulons pas négliger, nous nous approcherons d’elle dans une attitude
de profond respect et d’attente ; nous nous préparons ainsi à recevoir
les messages enrichissants qui émanent du trône de Dieu.
Quelle différence avec une lecture superficielle et machinale de
la Bible, devant la télévision allumée et en présence des enfants qui
parlent en même temps, alors que les pensées sont à des lieues, en train
de faire des projets en vue de l’excursion du prochain week-end ! Lors-
que nous lisons la Parole de Dieu, trouvons un lieu calme et adoptons
une attitude respectueuse qui honore la présence du Saint-Esprit au
lieu de l’attrister et de le chasser. Prêtons l’oreille à ce qu’il dit. En fin
de compte, c’est lui qui transmet le message de la Parole. Prêter une
attention soutenue à la Parole dont il a inspiré le texte original est une
manière de l’honorer et de l’aimer.
Un plan de lecture biblique 185

Une préparation adéquate

Nous devons nous préparer à l’étude de la Parole de Dieu. Dans cette


préparation, la nouvelle naissance joue évidemment un rôle essentiel.
Sans elle, nous ne pourrions comprendre le message divin. En effet,
«l’homme naturel n’accepte pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles
sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce c’est spirituel-
lement qu’on en juge» (1 Corinthiens 2:14).
Lorsque le Saint-Esprit nous fait naître en Christ, il illumine notre
intelligence pour que nous découvrions et comprenions les vérités de
la Parole. Il nous débouche les oreilles pour que nous entendions la
voix du Bon berger s’adresser à nous par les Écritures. Mais, aussi
merveilleuse que soit l’expérience de la nouvelle naissance, elle ne
garantit pas que chaque fois que nous ouvrons la Bible nous soyons
suffisamment préparés à l’étudier.
Comme les différents livres de la Bible ont été écrits à des époques
et dans des contextes différents des nôtres, qu’ils sont interconnectés,
nous devons continuellement étudier pour être de mieux en mieux
préparés à comprendre exactement la matière et la portée du texte. Les
manuels d’étude biblique, les bons commentaires, les confessions histo-
riques et, par-dessus tout, la prédication de la Parole par des pasteurs
fidèles nous préparent à interpréter correctement la Parole de Dieu.

S‛approcher de la Parole de Dieu dans un esprit de prière

Il existe un élément plus essentiel que l’étude pour comprendre la Parole


de Dieu : la prière doit baigner toute notre lecture. Calvin faisait précéder
chacun de ses sermons sur la Bible de la prière suivante :

«Puisse le Seigneur nous accorder la grâce de contempler les


mystères de sa sagesse céleste avec une piété croissante, pour sa
gloire et notre édification. Amen.»
186 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

Nous ferions bien de prier ainsi avant notre lecture personnelle de la


Bible. Mais, pour que la lecture biblique déborde de vie, nous devons
faire plus que formuler une prière pour introduire notre culte quotidien.
La prière doit accompagner toute la lecture ; transformons en prière des
parties adéquates du passage lu. Si vous désirez en savoir davantage
sur l’art et la manière d’intégrer les promesses de Dieu dans la prière,
méditez la vie d’Élie. Le prophète est un exemple par excellence pour
comprendre comment prier conformément aux promesses avec passion
et de manière pratique.

Une sainte impatience

Après leur péché en Éden, Adam et Ève se cachèrent loin de Dieu et


tremblaient au bruit de sa voix. Grâce à la mort de Jésus à notre place,
et parce que nous avons été ressuscités avec lui, «nous nous glorifions
en Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, par qui maintenant nous avons
obtenu la réconciliation» (Romains 5:11). Au lieu de fuir devant un Dieu
courroucé, nous attendons avec impatience de rencontrer un Père plein
d’amour, réconcilié et prêt à nous adresser des paroles empreintes de
bonté et de grâce dans les pages de sa sainte révélation.
Cette sainte impatience me rappelle mon expérience personnelle.
Après nos fiançailles, l’Océan atlantique m’a séparé pendant plusieurs
mois de ma fiancée qui terminait ses études en Grande-Bretagne. Avec
quelle impatience j’attendais ses lettres ! Je les guettais avec amour. Si
nous recevons la Parole de Dieu dans ces mêmes dispositions, que de
bénédictions elle nous apportera, à nous-mêmes ainsi qu’à ceux qui
nous entourent !

La valeur de la mémorisation

Il importe d’insister sur la valeur de la mémorisation des Écritures. Ceci


n’est pas réservé aux enfants. Nous devrions continuer à apprendre
Un plan de lecture biblique 187

par cœur des passages de l’Écriture pendant toute notre vie d’adulte.
Choisissons des versets qui nous ont vraiment parlé lors de notre
lecture quotidienne. Mais nous pouvons également suivre des plans
spécialement mis au point dans ce but.
Prêchant sur 1 Corinthiens 13, notre pasteur encouragea l’église
à apprendre par cœur ce remarquable chapitre. C’est ce que nous
avons fait en famille. Chaque soir, avant le souper, nous avons appris
un passage. Un jour, je fus tenté d’agir d’une manière peu charitable.
Aussitôt les paroles de Paul me revinrent à l’esprit : «L’amour est
patient… il ne s’irrite point.» Combien alors j’ai béni Dieu de m’avoir
ainsi encouragé à emprunter la voie royale grâce à la Parole semée
dans mon cœur !
Nous mémorisons aussi l’Écriture parce qu’elle façonne notre
manière de penser. «Car [l’homme] est comme les pensées de son
âme» (Proverbes 23:7). Quel meilleur moyen d’amener nos prières en
conformité avec la volonté de Dieu ? Et dans quelle riche réserve de
promesses nous puisons quand nous implorons celui qui les a données
comme fondement de nos prières !

L‛effort en vaut la peine

La lecture de la Bible ne se fait pas toute seule ! Comme la prière, elle


nécessite parfois un combat avant de s’emparer de tout ce que Dieu
a inclus pour nous dans sa Parole. Rappelez-vous ceci : Dieu nous
a prédestinés et élus en Christ pour que notre vie porte du fruit (cf.
Jean 15:16). Le Saint-Esprit accorde sa puissance aux chrétiens non
seulement pour écouter la Parole, mais également pour la traduire en
pratique (cf. Jacques 1:22).
D’après l’une des lois fondamentales du royaume de Christ, celui
qui a été fidèle en peu de choses se verra confier beaucoup (cf. Matthieu
25:23). Si nous avons fidèlement accompli les choses simples que Dieu
a demandé de faire dans sa Parole, il nous en montrera de plus grandes
188 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

en son temps. C’est toujours le même principe de maturation que nous


avons étudié : soyons fidèles dès la maternelle et Dieu nous fera entrer
à l’université ! Qu’il nous accorde la fidélité aussi bien dans la lecture
biblique que dans la prière.
Appendice B
Quelques conseils pour la prière

Après la lecture quotidienne d’une portion de l’Écriture, conformément


aux suggestions de l’appendice A ou de tout autre plan de lecture, il
convient de transformer les promesses en prière. Cela demande du
temps, de la méthode et de l’effort.

Soyez systématique

Certains croyants peuvent consacrer chaque jour une heure à la prière.


Pour ceux qui voudraient se lancer dans cette aventure, une méthode
éprouvée suggère de diviser l’heure en douze parties de cinq minutes,
chacune concernant un aspect particulier de la prière. De cette façon,
il est plus facile de se tenir à la prière pendant une heure entière.
J’ai fait une adaptation personnelle de cette méthode en scindant
le temps de prière en sept segments consacrés à la louange, à l’attente,
190 Pourquoi prier, si Dieu sait déjà ?

à la confession, à la prière appuyée sur l’Écriture, à l’observation, à


l’intercession et à la reconnaissance. Chacun de ces aspects occupe
environ cinq minutes, sauf celui de l’intercession qui peut durer de dix
minutes à un quart d’heure.
Vous trouverez ci-après plusieurs conseils pour l’organisation de
votre temps de prière si vous le désirez. Chacun propose des sugges-
tions sur la manière d’utiliser son temps suivies d’un espace pour des
notes et remarques personnelles. Après avoir photocopié ces pages,
vous pourrez y reporter un verset approprié, des sujets précis de
prière, des pensées stimulantes, des sujets d’intercession et le nom de
personnes.

Le long terme

Si nous sommes trop occupés pour consacrer ces quarante à soixante


minutes, disons quatre à cinq fois par semaine, c’est peut-être parce
que nous nous laissons envahir par l’activisme de ce monde plus que
Dieu le souhaite. Notre agitation pourrait se révéler contre productive
à la longue.
Il y a évidemment des journées où on ne peut pas passer autant de
temps qu’on le souhaite à la prière. Les variations quant à la durée et
au contenu de la prière sont donc légitimes. Mais si on se fixe comme
objectif normal le temps de prière et l’approche préconisés ici, on sera
agréablement surpris par l’ordre et les bienfaits que cette discipline
procure à sa vie et à celle d’autrui, au près comme au loin.
Au fil des ans, vous constaterez que ces dix ou quinze minutes
de lecture systématique de la Parole de Dieu, suivies des trente-cinq
ou quarante minutes de prière sont les heures les meilleures, les plus
efficaces et fécondes de votre brève vie de pèlerin sur cette terre. Elles
tracent votre trajectoire et vous servent de boussole. Elles multiplient
ensuite l’efficacité des autres heures passées sur votre lieu de travail
habituel.
Quelques conseils pour la prière 191

En outre, elles vous communiquent les grâces et les dons du


Saint-Esprit et répandent les bienfaits de Dieu sur ceux qui vous
entourent. Qui plus est, elles vous maintiennent au diapason de Dieu
et procurent de la joie au cœur de celui qui vous a aimé et s’est livré
lui-même pour vous.
Plan pour quarante-cinq minutes de prière

Louange (cinq minutes)

En pensées et en paroles, honorez Dieu pour ce qu’il est et ce qu’il a fait.


C’est par là que débute le Notre Père : «Que ton nom soit sanctifié.» (Voir
le chapitre 2 pour de plus amples informations sur la manière de louer
Dieu.) Le livre des Psaumes constitue un immense réservoir de sujets
de louanges. Il est parfois opportun de commencer par un cantique.
Prenez un chant de louange de votre recueil ; mieux encore, trouvez
un Psaume, c’est-à-dire une louange inspirée par Dieu lui-même, mis
en vers et en musique.
Attente (cinq minutes)

Gardez le silence devant le Seigneur (cf. Psaume 62) et efforcez-vous


d’être sensible à sa présence. Comme Frère Laurent (voir le chapitre
2), levez les yeux vers le Seigneur et dites-lui votre amour. Par-dessus
tout, demandez au Saint-Esprit de vous aider à fixer votre attention
sur le Seigneur. De temps en temps, il est bon de lire un petit chapitre
d’un ouvrage de piété pendant ce temps d’attente.
Confession (cinq minutes)

Vous vous tenez dans la sainte présence de Dieu qui veut «que la vérité
soit au fond du cœur» (Psaume 51:8). Inspirez-vous à l’occasion des
Psaumes 51, 32 ou 139. Soyez honnête et précis dans la confession
de vos péchés. Reconnaissez-les et nommez-les afin de pouvoir récla-
mer, humblement mais joyeusement, l’accomplissement de promesses
comme celle de 1 Jean 1:9. Formulez occasionnellement la prière toute
simple que Calvin utilisait souvent à la fin de ses sermons : «Seigneur
aide-nous à haïr suffisamment nos péchés pour que nous nous en
détournions.» Recherchez une nouvelle communication de l’Esprit pour
avoir la force de surmonter la tentation (1 Corinthiens 10:13).
Prière appuyée sur l‛Écriture (cinq minutes)

À partir de portions de l’Écriture (ou d’exemples d’interventions de


Dieu révélées dans la Bible), demandez au Seigneur de les appliquer
à votre vie et à vos situations particulières. Pour reprendre la formule
de Spurgeon déjà évoquée, rappelez à Dieu : «Tu l’as dit !»
La lecture biblique dont vous venez de nourrir votre prière est
souvent d’une aide utile dans cette démarche. Rappelez-vous que
Dieu aime sa Parole, si bien que lorsque vous l’intégrez dans votre
prière, il entend sa propre voix. Inutile de préciser qu’il lui réserve un
bon accueil dans le ciel !
Observation (cinq minutes)

Efforcez-vous d’être sensible à ce qui se passe autour de vous dans le


monde spirituel et dans le monde matériel. Essayez de décrypter les
événements pour parvenir à la réalité décrite en des termes proches
de ceux utilisés en Éphésiens 6 à propos du combat et de l’armure du
chrétien. Engagez-vous dans la bataille et priez pour la défaite de Satan
et de ses mauvaises influences, aussi bien dans votre vie que dans celle
de l’église. Priez pour que «l’homme fort» soit lié, ses biens pillés et des
âmes précieuses arrachées à son emprise pour découvrir la glorieuse
liberté des enfants de Dieu (cf. Matthieu 12:29).
Examinez les événements locaux, nationaux et internationaux
de notre temps dans cette perspective. Rappelez-vous que la prière de
Daniel décida du sort de la guerre dans le ciel. C’est un bon exemple
de ce qu’est l’observation.
Intercession (quinze minutes)

Là aussi, il importe d’être précis. Si des gens vous demandent de prier


pour eux, alors il vous faut une sorte de liste des personnes pour qui
vous priez. Ajoutez leur nom sur cette liste. À côté du nom, notez leur
besoin particulier et la date. Lorsque vous voyez que le Seigneur a
exaucé votre prière, remerciez-le pendant quelques jours, avant de
supprimer le nom de la personne concernée et de faire ainsi de la place
pour d’autres gens.
Conservez les circulaires des missionnaires pour alimenter votre
intercession. Ayez à portée de main une mappemonde, et priez systé-
matiquement pour tous les pays du monde à raison de quelques-uns par
jour. Pensez également à vos propres besoins, et à ceux des différents
membres de votre famille. Intercédez pour l’église, pour les responsables
de l’enseignement, les chefs d’entreprises et les gouvernants. Priez pour
un réveil spirituel. Et n’oubliez pas de prier pour vos ennemis. En priant
suffisamment pour eux, vous pourrez peut-être en faire des amis !
Reconnaissance (cinq minutes)

Remerciez Dieu pour son existence trinitaire, ainsi que pour son infi-
nie bonté envers son Église en général et envers vous en particulier.
Remerciez-le pour ce qu’il a fait durant les deux derniers jours et pour
ce qu’il s’apprête à faire, d’après sa Parole. Là encore, soyez précis
dans vos actions de grâces. Comme le dit le cantique :

«Compte les bienfaits de Dieu,


Mets-les tous devant tes yeux ;
Tu verras, en adorant,
Combien le nombre en est grand.»

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